Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 10 – M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général) 2
– Examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 10 – M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général) 21
– informations relatives à la commission...............33
– présences en réunion............................93
Jeudi
7 juillet 2022
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 02
session extraordinaire de 2021-2022
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission entend M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 10 – M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général).
M. Éric Coquerel, président. Je souhaite la bienvenue à M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
L’ordre du jour de notre commission est assez chargé car nous devons examiner maintenant le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 et, à 19 heures, ouvrir nos débats sur un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, lors d’une réunion au cours de laquelle nous entendrons M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et économique, ainsi que, à nouveau, M. Attal. Je vous remercie donc, monsieur le ministre délégué, d’avoir accepté le principe de deux auditions distinctes. Comme nombre de commissaires, je considère qu’il est important de prendre le temps de débattre distinctement de textes aussi différents et je souhaite qu’il en soit désormais ainsi.
Je précise que le projet de loi de règlement est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique de mercredi prochain, 13 juillet.
Je serai attentif à ce que le bon climat dans lequel nous avons travaillé lors de la précédente législature se perpétue et que nous continuions à échanger sans concession, mais sans souci de « faire le buzz ».
Le bureau de la commission des finances, qui s’est réuni hier matin, a fixé quelques règles d’organisation des débats. Je vous propose donc pour notre réunion le déroulement suivant : après le ministre, le président de la commission et le rapporteur général, nous entendrons un orateur par groupe, pour une durée de deux minutes. Après la réponse du ministre, il y aura une série de questions. J’ai souhaité que, désormais, les personnes auditionnées répondent après les interventions de l’ensemble des orateurs des groupes et que celles-ci soient toujours distinctes des questions des députés.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. C’est un plaisir et un honneur d’être devant vous, pour la première fois en qualité de ministre délégué chargé des comptes publics. Je vous félicite pour votre élection et votre choix de siéger dans cette commission, où nous serons amenés à travailler ensemble régulièrement.
Nous sommes donc réunis pour l’examen du projet de loi de règlement, passage obligé de la procédure budgétaire, qui est l’occasion de porter un regard sur l’année écoulée et un moment important de mise en perspective.
Sur le plan sanitaire, 2021 a été une année en montagnes russes, au plan mondial, ce qui a eu des conséquences en chaîne sur la production, l’approvisionnement et les prix. Dans un environnement marqué à la fois par cette instabilité et la reprise postcovid, l’exécution budgétaire de 2021 illustre les trois principes qui, hier comme aujourd’hui, guident notre action : protéger, relancer et maîtriser.
Sur le plan international, 2021 a été une année de rebond, avec une croissance de 6,1 % après la récession mondiale de la crise du covid. Cette reprise a été facilitée par les politiques budgétaires décidées par les gouvernements mais aussi par le maintien de politiques monétaires accommodantes. L’aire des taux quasi nuls est d’ailleurs en train de se refermer, nous aurons l’occasion d’en parler.
Dans la zone euro, l’activité économique a fortement rebondi avec une croissance de 5,4 %, quoique les situations aient été contrastées, les performances des différents États étant variables selon les restrictions décidées ou l’ampleur des soutiens budgétaires. Avec un taux de 6,8 %, la reprise de l’économie française se situe 1,4 point au-dessus de la moyenne, ce dont nous pouvons collectivement nous féliciter.
Plusieurs dérèglements sont néanmoins apparus au fil des mois, certains liés aux résurgences épidémiques – comme la vague omicron de l’automne – et d’autres à la reprise elle-même, en raison d’un phénomène de surchauffe économique partout constaté. Nous avons donc redécouvert le fléau de l’inflation, que nous combattons vigoureusement pour protéger les Français.
La forte reprise a mis l’économie mondiale à rude épreuve afin de satisfaire l’explosion de la demande, à quoi se sont donc ajoutés les épisodes de résurgence du covid, ce qui a entraîné plusieurs goulots d’étranglement sur les chaînes de production et d’approvisionnement : usines mises à l’arrêt, blocage de grands ports, dont celui de Shanghai, en raison de la politique locale du « zéro covid »… Cet engorgement de la logistique mondiale a entraîné des retards, des pénuries, des hausses de prix de la plupart des matières premières dans un contexte déjà marqué par un fort renchérissement du prix de l’énergie.
Les tensions inflationnistes ne datent donc pas de l’invasion de l’Ukraine mais de l’automne 2021. Face à cette nouvelle donne, le Gouvernement a réagi sans tarder avec le blocage des prix du gaz et de l’électricité, l’indemnité d’inflation de 100 euros, versée à 38 millions de personnes, le chèque énergie exceptionnel. Ces mesures, dont certaines ont été prises dès septembre ou octobre 2021, nous ont permis de contenir la hausse des prix, et donc ses conséquences sur le portefeuille des Français. L’inflation, certes, est trop élevée mais elle est inférieure de 3 points à la moyenne de la zone euro.
Certaines mesures ayant des conséquences directes sur les finances publiques de 2021, le second projet de loi de finances rectificative présenté en novembre dernier prévoyait notamment l’ouverture de 3,8 milliards d’euros de crédits de paiement pour financer l’indemnité d’inflation de 100 euros, et de 600 millions pour le chèque énergie exceptionnel versé à 5,8 millions de ménages modestes en décembre dernier.
Trois principes ont donc guidé notre action en 2021 : protéger, relancer et maîtriser.
Protéger, tout d’abord. Nous avons poursuivi l’effort pour contrer les effets de la crise du covid, en adaptant constamment nos dispositifs aux contextes sanitaire et économique. Nous l’avons fait à travers deux PLFR, adoptés en juillet et en novembre 2021, qui ont ouvert près de 11,5 milliards d’euros de crédits supplémentaires. Nous n’avons ainsi laissé personne sur le bord du chemin, ni les entreprises, ni les ménages, en portant une attention particulière aux plus vulnérables.
Les mesures de protection sanitaire assorties de restrictions d’activité décidées pour limiter la circulation du virus auraient eu des effets dramatiques si nous ne les avions pas contrebalancées par de puissants mécanismes de soutien à notre économie et à nos concitoyens les plus exposés. Je pense notamment au fonds de solidarité et à l’activité partielle, que nous avons su mettre à la disposition des acteurs économiques au bon moment, dès 2020, puis adapter, avant de réduire progressivement la voilure.
Je pense aussi aux mesures qui ont permis de protéger le pouvoir d’achat. D’après l’INSEE, le pouvoir d’achat des ménages par unité de consommation a continué de progresser de 1,9 % en 2021. Même si ce chiffre statistique ne décrit pas ce qu’est la vie quotidienne des Français, un tel résultat s’explique par les choix politiques qui ont été faits, avec des dispositifs massifs comme l’indemnité d’inflation et la prolongation du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers instaurée dès la rentrée 2020.
L’année dernière, 34,4 milliards d’euros de crédits ont été mobilisés sur le budget de l’État pour la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire. Composée de cinq programmes, elle a permis de financer l’activité partielle, le fonds de solidarité pour les entreprises, le renforcement des participations de l’État au capital d’entreprises publiques fragilisées par la crise, notamment Air France-KLM en avril 2021, la compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire, ainsi que l’achat de matériels sanitaires pour faire face à la pandémie.
S’agissant de l’activité partielle, le retour progressif au dispositif de droit commun s’est traduit par une baisse significative du nombre d’entreprises bénéficiaires, ce qui est plutôt une bonne nouvelle puisque cela signifie qu’elles n’en avaient plus besoin. En 2021, 500 000 entreprises ont eu recours à ce dispositif contre un peu plus d’un million lors du premier confinement. Pour les secteurs frappés par les fermetures, nous avons maintenu le dispositif de prise en charge maximum de l’activité partielle jusqu’au dernier jour de l’année, soit le versement d’une compensation représentant 70 % des salaires. Globalement, 3,5 millions de salariés ont été ainsi protégés l’année dernière contre 9,5 millions au plus fort de la crise sanitaire, en 2020.
Le fonds de solidarité traduit l’effort sans précédent qui a été mené en 2021 afin de répondre aux besoins des entreprises, en proposant des compensations ciblées pour les plus grandes entreprises, celles dont les coûts fixes sont particulièrement importants ou celles qui sont soumises à une forte saisonnalité. Près de 27 milliards d’euros ont été exécutés en 2021 sur le programme, ce qui a permis de financer le premier volet, « classique », du Fonds de solidarité – 23,9 milliards d’euros – ainsi que les aides « coûts fixes » – 1,7 milliard d’euros – à quoi s’ajoutent des dispositifs dédiés à des secteurs très particuliers : aides spécifiques pour les remontées mécaniques, aides pour les stocks, notamment dans le secteur du vêtement, aides en faveur des régies et aide à la reprise d’entreprises.
Au 31 décembre dernier, les prêts garantis par l’État (PGE) recouvraient un engagement de 93 milliards d’euros, ce qui représente une légère baisse par rapport à fin 2020. Cette diminution est liée d’une part aux remboursements intervenus et, d’autre part, à la diminution du montant de la provision pour risque d’appel en garantie compte tenu de la nette amélioration de la situation des entreprises bénéficiaires, ce qui est là encore plutôt une bonne nouvelle.
Après protéger, relancer. L’année 2021 a été placée sous le signe de la relance, comme en atteste l’exécution budgétaire que nous vous soumettons. Dans la période que nous avons vécue, l’enjeu n’était pas uniquement de parer à l’urgence mais aussi de préparer l’avenir. État protecteur, donc, mais aussi État stratège, avec les 100 milliards d’euros du plan de relance, qui renforcent les moyens dont dispose la puissance publique pour relever trois défis essentiels : l’accélération de la transition écologique, l’amélioration de la compétitivité des entreprises et le renforcement de la cohésion sociale et territoriale.
Je tiens à souligner la célérité avec laquelle le plan a été mis en application. Nous avions fixé des objectifs très ambitieux en matière d’engagement des crédits, de décaissement et d’exécution. Or, à la fin de 2021, nous avons atteint un niveau d’engagement et de décaissement supérieur à ces objectifs que certains tenaient pour irréalisables, avec respectivement 72 et 42 milliards d’euros.
Les résultats du plan sont tout aussi bons. En matière de transition énergétique, 765 000 ménages ont formulé une demande en 2021 au titre du dispositif MaPrimeRénov’ pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement. Et entre l’été 2020 et fin 2021, 610 000 ménages, encouragés par notre prime à la conversion, ont opté pour des véhicules électriques ou hybrides.
En matière de compétitivité, environ un tiers des entreprises industrielles françaises ont été soutenues pour relocaliser, développer ou moderniser des activités en France, notamment à travers le dispositif Industrie du futur : fin 2021, près de 7 900 entreprises en avaient bénéficié, dont 90 % de PME et de très petites entreprises et 10 % d’entreprises de taille intermédiaire. Le fonds de modernisation automobile et aéronautique a été déployé, de même que, dans les secteurs stratégiques, le soutien à la relocalisation industrielle ou le dispositif Territoires d’industrie, bien connu des parlementaires, avec plus de 1 300 projets lauréats fin 2021.
En matière de cohésion enfin, 4 millions de jeunes ont directement bénéficié du plan « 1 jeune, 1 solution ». L’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis a notamment favorisé un flux d’entrées en apprentissage à un niveau inédit, largement apprécié sur le terrain, avec plus de 732 000 jeunes concernés fin 2021 contre moins de 300 000 en 2017.
De nombreux autres dispositifs ont connu le succès, comme l’aide à l’embauche des jeunes, le plan d’investissement dans les compétences, les parcours contractualisés d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie.
Sans aucun doute, ces politiques ont puissamment contribué à la reprise vigoureuse de l’activité que nous avons constatée l’année dernière, qui a permis à l’économie française de retrouver son niveau d’avant la crise avec six mois d’avance par rapport aux objectifs fixés. Les esprits chagrins verront là un simple effet de rattrapage, que d’ailleurs personne ne nie, après la contraction de 2020, mais admettons ensemble que son ampleur s’explique largement par les mesures de protection que nous avons promues. Une comparaison internationale, y compris européenne, montre que peu de pays ont retrouvé leur niveau de PIB d’avant crise dans les mêmes délais.
Maîtriser, enfin. Des comptes bien tenus sont en effet la condition sine qua non pour tenir des objectifs qui se situent bien au-delà des raisonnements financiers et qui garantissent notre indépendance, notre souveraineté et notre capacité à agir.
Le déficit public, qui était de 8,9 % en 2020, s’est établi en 2021 à 6,4 %. Cette amélioration résulte largement du rebond de l’activité économique, que l’INSEE a révisé fin mai à 6,8 % au lieu de 7 %. Il s’agit du taux de croissance le plus élevé depuis 1969 et de l’un des plus soutenus de la zone euro. Le « quoi qu’il en coûte », qui s’est imposé aussi longtemps que la situation économique l’exigeait, a joué un rôle décisif. Parce qu’ils savaient que l’État se tenait à leur côté, les ménages ont consommé et les entreprises ont sauvegardé l’emploi et investi. Cette croissance a été forte parce que les acteurs économiques ont compris que la puissance publique jouait pleinement son rôle d’amortisseur.
La très bonne dynamique du marché du travail, avec la création de près de 700 000 emplois nets dans le secteur privé en 2021, tient bien sûr à la croissance mais aussi aux réformes structurelles que nous avons conduites en matière d’assurance chômage, de formation professionnelle ou de renforcement de la compétitivité. Au quatrième trimestre 2021, le taux de chômage a ainsi atteint 7,4 %, son niveau le plus bas depuis 2008.
L’année 2021 a donc été la première étape sur le chemin qui doit nous conduire à ramener le déficit public sous la barre des 3 % en 2027. Une dynamique vertueuse a été engagée avec le reflux du déficit et des recettes fiscales plus élevées que prévu. Nous entendons poursuivre cette dynamique de maîtrise des comptes durant ce quinquennat, tout en maintenant les protections indispensables pour les Français les plus touchés par la hausse des prix.
Malgré donc cette réduction significative du déficit public, le solde public reste dégradé, en raison des mesures de soutien et d’investissement. Le solde budgétaire s’établit à – 170,7 milliards d’euros en 2021, en légère amélioration – de 2,5 milliards d’euros – par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Cela résulte notamment d’une hausse des recettes de 37,9 milliards d’euros par rapport à la LFI, qui s’explique principalement par la reprise de l’activité économique, en particulier en fin de premier semestre.
Je vous le dis solennellement : le quinquennat qui commence ne peut être celui de l’irresponsabilité budgétaire. Au contraire, il tiendra le cap de la non-augmentation des impôts et de la protection des Français les plus vulnérables face à l’inflation tout en s’appliquant à maîtriser nos comptes publics, ce qui est le gage de notre indépendance et de notre souveraineté.
Comme le Président de la République l’a annoncé, notre objectif est de ramener le déficit sous les 3 % en 2027. La dette des administrations publiques a quant à elle été ramenée à 112,5 % du PIB en 2021, après avoir atteint son plus haut niveau historique en 2020, avec 114,6 %. Notre objectif est de la stabiliser en 2026 et de la réduire ensuite graduellement.
Ces 3 % ne sont pas un totem, pas plus qu’il n’est question de nous soumettre à je ne sais quel diktat. Nous considérons qu’une grande nation doit honorer ses engagements, en l’occurrence à l’égard de nos partenaires européens, car il y va de notre crédibilité. Nous sommes également en train de changer d’époque : ce qui était soutenable lorsque les taux d’intérêt étaient faibles ne l’est plus lorsqu’ils remontent. Or toutes les banques centrales remontent leurs taux directeurs, ce qui a des effets immédiats sur le coût des endettements. En juin dernier, le rendement des obligations assimilables du Trésor à dix ans a franchi les 2,5 %. Nous avons la responsabilité de tenir compte de ce mouvement inexorable – qui est aussi une réponse à l’inflation – et d’adapter nos choix pour préserver notre capacité à financer nos priorités.
Cette remontée des taux aura de lourdes conséquences sur le plan budgétaire : nous discuterons cet après-midi de l’ouverture des crédits consacrés à la charge de la dette, qui augmentera très fortement en 2022. Selon les estimations de l’Agence France Trésor, dans une hypothèse de hausse de 1 % des taux d’intérêt, le surcoût budgétaire serait de 6,1 milliards d’euros en 2023 et de 18,4 milliards d’euros en 2027.
Laisser filer les comptes, c’est se priver de moyens pour agir en temps de crise. C’est parce que nous avons retrouvé des marges de manœuvre financières grâce à notre sérieux budgétaire entre 2017 et 2020 que nous avons pu financer le « quoi qu’il en coûte ». Par ailleurs, il n’y a pas d’indépendance sans comptes bien tenus : une nation surendettée ne peut être libre. Pour autant, allons-nous augmenter les impôts des Français ? Non, comme nous l’avons dit et rappelé. Nous les avons baissés de 50 milliards d’euros lors du précédent quinquennat et nous poursuivrons en ce sens. Allons-nous démanteler les mécanismes de protection, alors que l’inflation fait rage ? Non : nous les maintiendrons et dans certains cas nous les renforcerons, pour ceux qui en ont le plus besoin. Allons-nous sacrifier nos priorités sur l’autel d’une prétendue austérité ? Non encore : la rigueur n’existe pas, sauf dans l’esprit de ceux qui veulent jouer avec les peurs des plus fragiles. Nous continuerons à financer les grandes priorités du quinquennat : l’école, la santé et la sécurité.
Bref, notre stratégie est claire : tenir les comptes pour continuer de protéger les Français, pour financer les dépenses indispensables que nous devrons engager pour la transition énergétique et écologique. En tant que ministre délégué chargé des comptes publics, je veillerai scrupuleusement, et je sais que vous aussi, à respecter l’équilibre entre deux impératifs qui sont moins contradictoires qu’il ne semble : maîtriser les comptes, c’est aussi protéger les contribuables puisque c’est ainsi que l’on peut tenir les engagements de baisse des impôts ; protéger ceux qui en ont besoin, ce n’est pas seulement être juste, c’est aussi être efficace car l’on évite ainsi des dépenses bien plus lourdes par la suite. L’inaction, de surcroît, serait un drame social et humain. Dans la vie d’une nation comme dans la vie tout court, il y a des dépenses qui rapportent et des économies qui coûtent.
M. le président Éric Coquerel. L’exécution du budget 2021 montre en effet des recettes plus élevées que prévu. En 2020, ce sont les dépenses qui avaient été inférieures aux estimations. Ces 37 milliards d’euros supplémentaires arrivent à point nommé pour financer le paquet « pouvoir d’achat » mais je doute qu’ils s’expliquent par la politique du Gouvernement, en tout cas exclusivement.
En effet, l’inflation a mécaniquement gonflé les recettes d’impôts comme la TVA, et l’effet rebond est important après la crise du covid. Je m’interroge également sur les effets du plan de relance : d’après l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’effet multiplicateur dû à la baisse des impôts de production était en 2021 de 0,3 et celui du plan de relance de 0,8.
Les 700 000 emplois créés en 2021 font suite à une destruction de plus de 320 000 emplois en 2020. Sachant que, bon an mal an, l’économie française parvient toujours à créer 200 000 à 250 000 emplois, il faut relativiser ce résultat, si intéressant soit-il. J’ajoute que, selon l’INSEE, un « emploi créé » correspond à une heure hebdomadaire de travail : ce ne sont pas 700 000 équivalents temps plein de 35 heures par semaine qui ont été créés, il peut y avoir du temps partiel.
La Cour des comptes constate « un pilotage insuffisant des dépenses fiscales, dont le montant s’est élevé à 90,3 milliards » en 2021. Elle note qu’« une proportion significative de dépenses fiscales, estimées à plus d’un milliard, n’ont […] jamais été évaluées » et qu’« un nombre croissant de dispositifs demeurent non chiffrés (89 mesures, soit près de 14 % en 2021 contre 8 % en 2011) ». La question des niches fiscales est fréquemment soulevée, bien au-delà de l’opposition : il faudra bien finir par connaître leur coût et ce qu’elles rapportent ! Il est d’autant plus urgent de se pencher sur ce problème que vous affirmez vouloir baisser les impôts, donc les recettes de l’État.
Enfin, au premier trimestre 2022, le pouvoir d’achat des Français a diminué de 1,5 % et il est à craindre que ce mouvement – qui plus est très variable selon les niveaux de vie – se poursuive. Je souhaiterais là encore avoir votre avis.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour cet exposé très clair et exhaustif. L’année 2021 témoigne du bien-fondé des choix politiques et économiques que nous avons faits.
Sans vouloir polémiquer, je rappelle aux oppositions quels drames sociaux et économiques elles annonçaient il y a un ou deux ans. Certains ici imaginaient un million de chômeurs supplémentaires et un volume des dépôts de bilan considérable… Les chiffres pour 2021 valident nos choix. Le rebond économique de 2021 a été exceptionnel, bien supérieur à celui de nos voisins, et nous a permis de couvrir un certain nombre de dépenses dues à la crise du covid, de financer le plan de relance et la transition écologique et d’assurer une augmentation significative du pouvoir d’achat des Français.
En 2021, le déficit public s’est élevé, plus faible que prévu – y compris au regard des lois de finances rectificatives, dont celle de novembre 2021 –à 6,4 %. Comment expliquer un tel écart ? Une meilleure anticipation n’est-elle pas envisageable ?
Le déficit structurel, en revanche, s’est assez nettement détérioré. Les discussions sont intenses sur sa composition, sur sa définition même. Pourriez-vous nous éclairer à ce propos ? Qu’en est-il du déficit structurel « sous-jacent » hors dépenses non pérennes, le mieux à même de refléter ce qui s’est passé en l’espèce en 2021 ?
La gestion budgétaire 2021 se caractérise par un volume exceptionnel de reports de crédits de 2020, à hauteur de 30 milliards d’euros environ hors fonds de concours. Certes, les dépenses du plan d’urgence étaient peu prévisibles, consacrées à la gestion immédiate de la crise, mais les reports de 2021 à 2022 demeurent importants. Ils ne concernent d’ailleurs pas que le plan de relance, mais aussi des missions du budget général, pour un montant assez conséquent de 4,1 milliards d’euros. Comment se justifient-ils ? Plus largement, quelle est votre doctrine, pour les années à venir, sur cette politique de reports ?
Le projet de loi de règlement procède à des annulations de crédits non consommés. En 2021, il s’agirait d’annuler un montant assez élevé de 2,4 milliards d’euros. Comment l’expliquer ?
Enfin, les encours de PGE atteignent 93 milliards d’euros, en diminution de 7 milliards d’euros par rapport à la fin 2020. Avec l’inflation et le ralentissement de l’économie, n’a-t-on pas sous-estimé les risques liés à d’éventuels défauts de remboursements ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les recettes fiscales nettes ont en effet connu une augmentation considérable, de 37,9 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale. Pour décomposer, les recettes de l’impôt sur les sociétés dépassent les prévisions de 15,3 milliards d’euros, celles de la taxe sur la valeur ajoutée de 10 milliards d’euros et celles de l’impôt sur le revenu de 5,4 milliards d’euros. Ces chiffres traduisent la meilleure santé de nos entreprises, la vigueur de la consommation des ménages et le dynamisme de la masse salariale. Ils ne sont pas une conséquence de l’inflation, qui n’a démarré qu’à la fin de l’année dernière, mais de la reprise économique très forte. L’inflation pèse sur le déficit de l’État puisqu’elle conduit à augmenter les dépenses alors que la croissance recule. Les mesures que nous vous présenterons ce soir, lors de l’examen du PLFR pour 2022, pour revaloriser un large périmètre de prestations sociales en témoignent.
En ce qui concerne le plan de relance, il est utile de rappeler les objectifs macroéconomiques de court terme que nous nous étions fixés au moment de son lancement, le 3 septembre 2020. La croissance du PIB était initialement estimée à 5 % pour 2021. Elle a finalement atteint presque 7 % selon l’INSEE. Notre premier objectif était de retrouver notre niveau économique d’avant-crise mi-2022 ; il a en fait été atteint au troisième trimestre 2021, plus tôt donc, et plus tôt aussi que nos voisins. Nous voulions également faire baisser dès 2021 le niveau du chômage ; or l’emploi salarié en France a dépassé son niveau d’avant-crise dès le deuxième trimestre 2021. Le déficit public est assez proche de 7 %, soit un point de moins que prévu, tandis que près d’un million d’entreprises ont été créées en 2021. En matière de compétitivité et d’attractivité, la France est restée en 2020 au premier rang européen des pays attractifs pour les investissements étrangers. Ces résultats ont été salués par le comité d’évaluation du plan France relance, organe indépendant présidé en 2021 par Benoît Cœuré, par le Fonds monétaire international, par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ou encore par des observateurs indépendants comme le prix Nobel d’économie Paul Krugman, qui a salué l’efficacité de la réponse française à la crise et qui a placé la France parmi les pays bénéficiant du plus fort rebond.
Au premier trimestre, l’emploi salarié a dépassé de 2 points son niveau d’avant-crise. Nous sommes sortis plus vite de la crise que nos voisins : l’Italie ou l’Allemagne en sont restées à un point. Sur le plan macroéconomique, la France atteint le plus haut niveau d’emploi salarié de son histoire – 26 millions de contrats de travail en cours. C’est le fruit des réformes que nous avons engagées. La qualité de l’emploi ne peut être remise en cause puisque la part des contrats durables, des CDI, dans l’emploi salarié a progressé ces dernières années pour dépasser 51 %. Bien entendu, ce bilan positif ne nous exonère pas de poursuivre nos efforts.
S’agissant des niches fiscales, nous avons engagé au cours du précédent quinquennat un important travail d’évaluation et de bornage, supprimé une soixantaine de dépenses fiscales inefficientes et conduit quelques grands chantiers comme la refonte du dispositif Pinel. Nous avons amélioré la documentation budgétaire, comme l’illustre le budget vert. Et il ne suffit pas de multiplier les obligations déclaratives pour le plaisir d’afficher un chiffre : ce serait contraire à nos objectifs de simplification. C’est d’une vraie évaluation qualitative des dispositifs dont nous avons besoin. Nous en débattrons lors de l’examen de la prochaine loi de programmation des finances publiques, qui sera l’occasion de proposer des principes de bonne gestion des dépenses fiscales et d’évaluation. Nous avons vraiment la volonté de faire le tri dans nos dépenses fiscales selon une approche critique, constructive et efficace.
L’écart qui existe entre le déficit constaté et nos prévisions pour 2021 s’observe dans beaucoup de pays, tout particulièrement chez nos voisins ou dans les pays comparables. En France, il s’établit à 6,4 % du PIB en 2021, contre 8,2 % prévus par la deuxième loi de finances rectificative (LFR2) pour 2021. Deux effets cumulés, l’augmentation de la croissance, qui a été de 6,8 % du PIB contre 6,25 % prévus en LFR2, et la bonne résistance des prélèvements obligatoires, expliquent ces 37 milliards d’euros de recettes fiscales nettes supérieures aux prévisions. En outre, les dépenses publiques ont été moins dynamiques que prévu, ce qui a amélioré le solde public. De tels écarts dus à une amélioration de la situation ont été constatés dans toute la zone euro.
S’agissant de l’évolution des dépenses, l’exécution des crédits de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire s’est élevée à 34,4 milliards d’euros en 2021, après 41,8 milliards en 2020. Les principales autres dépenses supplémentaires concernent la charge de la dette – + 2 milliards – et l’indemnité d’inflation – + 3,3 milliards, dont une partie est dépensée sur 2022.
S’agissant du déficit structurel, vous constatez un écart avec le bilan dressé par la Cour des comptes. Il s’explique par le fait que la présentation et l’exécution en projet de loi de règlement se comparent sur la base des hypothèses propres à la loi de programmation des finances publiques, alors que la Cour des comptes opère des recompositions sur la base d’hypothèses actualisées. Ce ne sont donc pas toujours les mêmes périmètres qui sont comparés.
Le Gouvernement a actualisé sa prévision de PIB potentiel dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, puis dans le PLF pour 2022, pour tenir compte des effets de la crise. Certaines dépenses engagées en 2020 pour faire face aux effets de la crise sanitaire et soutenir l’activité économique, considérées alors comme temporaires, ont en outre été qualifiées en 2021 de dépenses structurelles. Cela ne signifie pas qu’elles deviendront pérennes mais, par souci de sincérité budgétaire, nous devons prendre acte que les dépenses de soutien à un secteur économique durablement et lourdement fragilisé ont vocation, même si elles sont déjà en baisse, à durer encore un peu – je pense au fonds de solidarité pour les entreprises ou à l’activité partielle. La loi de finances pour 2023 et la loi de programmation des finances publiques nous permettront d’y voir plus clair.
Les reports de crédits ont atteint un volume exceptionnel en 2021. D’une manière générale, l’année 2017 a marqué le point de départ d’une baisse du niveau des reports. Nous avons atteint en 2019 le plus faible niveau de reports généraux enregistrés depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Du fait de la crise économique et des incertitudes qui en découlaient, nous n’avons malheureusement pas pu confirmer cette tendance en 2021 et 2022. Dans un contexte en permanente évolution, il est impossible de réaliser des prévisions budgétaires aussi fiables : il faut s’ajuster ensuite grâce aux reports.
Les reports ont notamment concerné la mission Économie, pour 2,3 milliards d’euros. Il a fallu financer des dispositifs prioritaires du plan de relance qui se déploient sur deux ans et, par conséquent, reporter des crédits ouverts pour 2021 en 2022 – dont le dispositif sur les repreneurs ou le programme 367 Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». La mission Sport, jeunesse et vie associative est concernée pour 0,2 milliard d’euros, pour le financement de la compensation des pertes en billetterie essuyées par les clubs professionnels et du dispositif Pass’Sport. La mission Travail et emploi présente aussi un décalage dans le calendrier du versement des fonds du plan d’investissement dans les compétences ou le décaissement de certains dispositifs du plan de relance.
Pour ce qui est des annulations de crédits, je le répète, nous avons beau nous appliquer à établir les prévisions les plus sincères possibles, le contexte de la crise sanitaire rend l’exercice difficile. Les annulations opérées par la présente loi de règlement sont importantes, mais l’ordre de grandeur reste dans la lignée des deux années précédentes. D’une manière générale, soit les annulations résultent d’un besoin constaté inférieur aux prévisions, soit elles sont d’ordre technique, les crédits étant devenus sans objet. Elles concernent pour l’essentiel des crédits du titre 2. Ainsi, la sous-consommation du compte d’affectation spéciale Pensions n’a pas vocation à être rattrapée l’année suivante.
Enfin, l’évolution du nombre de prêts garantis par l’État au cours du deuxième semestre de l’année 2021 traduit une meilleure santé économique des entreprises. La hausse des remboursements anticipés et la baisse du nombre de défaut d’entreprises réduisent le taux de sinistralité en 2021. Nous actualiserons dans les prochains textes, eu égard au contexte économique que nous connaissons désormais, les prévisions de sinistralité et les impacts budgétaires qui en découlent.
M. Mathieu Lefèvre (RE). Ce projet de loi de règlement valide la stratégie économique et budgétaire menée par le Gouvernement l’an passé. Les résultats économiques en témoignent puisque nous n’avions pas connu une telle croissance depuis 1969 ni un taux de chômage aussi bas depuis 2008. Les résultats en matière de finances publiques sont aussi au rendez-vous : le déficit diminue de plus de deux points et demi par rapport à 2020, la dette recule et le résultat budgétaire s’améliore dans les trois comptabilités.
Je suis donc surpris d’entendre que la politique menée par le Gouvernement n’aurait pas eu d’effet. Quand on s’engage à hauteur de 72 milliards d’euros dans un plan de relance, cela a forcément un effet sur les résultats économiques !
Ce texte doit cependant nous appeler à la plus grande vigilance. En 2021, les émissions nettes de moyen et long terme de dette française ont atteint 260 milliards d’euros, un montant inédit qui nous oblige.
Le budget vert est une innovation majeure que l’on doit à la précédente majorité. Il représente 30 milliards d’euros, sur plus de 290 milliards de dépenses pilotables du budget général. Que ferons-nous des dépenses jugées « brunes », de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros ? Pourrons-nous aller plus loin dans la réduction de ces dépenses budgétaires ?
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Monsieur le ministre, à vous écouter, la France serait prospère, les comptes publics bien tenus et les perspectives radieuses. Si j’allais expliquer tout cela à nos concitoyens de la Somme, je serais bien moins reçu que vous ne l’êtes aujourd’hui dans cette commission.
La réalité est, hélas, tragique. Le niveau de vie des Français a baissé. L’inflation est la conséquence des politiques menées par des incompétents depuis plusieurs années. Votre politique économique est illusoire et vaniteuse. Illusoire parce que les écarts que l’on constate entre vos annonces et la réalité témoignent que vous n’êtes pas plus capables de maîtriser la situation qu’un bouchon perdu dans la tempête. Comment pourrait-il en aller autrement puisque nous avons perdu la souveraineté monétaire, la souveraineté industrielle, la souveraineté budgétaire ? Bruxelles vous le fera comprendre bientôt ! Nous avons même perdu la souveraineté démocratique, puisque vous ne savez rien de ce que ressent le peuple.
Votre politique est également vaniteuse parce que vous vous appropriez systématiquement les moins mauvais résultats, tout en rejetant la responsabilité des mauvaises nouvelles sur la conjoncture internationale, la situation sanitaire, les marchés financiers. La réalité est plus triviale : vous avez ouvert toutes les vannes de la dépense publique. C’est moins stupide que la stratégie menée par François Hollande en 2012 mais ce n’est pas une politique économique pour autant. N’importe qui, se retrouvant par les hasards de l’histoire à la tête d’un gouvernement, en serait capable.
Quand prendrez-vous des mesures qui donneront enfin des résultats que l’on pourra imputer à votre action et non au contexte international ?
M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Selon vous, l’exécution du budget reflète le choix du Gouvernement de prendre, dès octobre 2021, des mesures pour soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Ces mesures très provisoires ont été vite oubliées par les Français, qui sont déjà à découvert en milieu de mois. Le pouvoir d’achat des Français recule au premier trimestre et le nombre de personnes pauvres atteint les 10 millions. La baisse du chômage est due pour une large part à l’augmentation sans précédent des radiations de Pôle emploi. Elle a surtout permis de réaliser des économies qui n’ont fait qu’aggraver la précarité.
L’écart est grand entre l’exécution du budget et les prévisions. Les recettes sont beaucoup plus élevées que prévu. Nous aurions ainsi une cagnotte ! Mais, plutôt que de l’avoir redistribuée en temps et en heure aux Français qui en avaient tant besoin, vous avez préféré constituer une provision pour le début de votre mandat.
Les bons résultats dont vous vous targuez ne résultent pas de la politique que vous avez menée : ils s’expliquent simplement par un rebond automatique de la croissance après la crise sanitaire et par l’inflation qui gonfle les recettes de certains impôts comme la TVA.
En revanche, les niches fiscales continuent d’alourdir notre budget, alors même que certaines se traduisent par un surcroît de pollution. Où en est l’évaluation de leur efficacité ? Selon le Réseau Action Climat, les niches fiscales polluantes représentent près de 25 milliards d’euros en 2022. Puisque vous voulez tenir la règle européenne des 3 %, pourquoi ne choisissez-vous pas de supprimer les niches fiscales inefficaces, coûteuses et polluantes dont la Cour des comptes a dénoncé, cette année encore, l’opacité, plutôt que de comprimer toujours plus le budget de l’hôpital ou celui des collectivités locales, qui subissent la hausse des coûts de l’énergie ?
Mme Véronique Louwagie (LR). Quand j’ai pris connaissance de ce projet de loi de règlement, j’ai tout de suite compris pourquoi le Gouvernement n’avait pas présenté ce texte dans les délais impartis, avant le 1er juin : nous étions en période électorale…
M. le ministre a parlé d’irresponsabilité budgétaire. Or, les prélèvements de l’État ont beau avoir considérablement augmenté, ces recettes supplémentaires n’ont pas financé le désendettement. Elles servent à un surcroît de dépenses nouvelles – de l’ordre de 17,6 milliards d’euros, hors dépenses liées à la gestion de la crise. Cette augmentation s’ajoute à celle de 6,7 milliards d’euros en 2020. Le risque est réel : selon l’Agence France Trésor, une hausse d’un point des taux d’intérêt renchérirait la charge d’intérêt à l’horizon de dix ans de 29,5 milliards d’euros.
Pas moins de 40,9 milliards d’euros d’impôts et taxes ont été affectés en 2021 à des opérateurs et organismes hors collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale, qui échappent totalement à l’information du Parlement : quelle est la nature de ces dépenses ?
La Cour des comptes a aussi relevé des entorses aux principes d’annualité budgétaire et de spécialité, en particulier des reports croisés de crédits. C’est inadmissible. La Première ministre a déclaré, hier, que la transparence était une exigence et le contraire un manque de respect – nous y sommes.
Enfin, quel est le montant précis des versements affectés aux cabinets de conseil en 2021 et le nombre d’heures réalisées, pour l’ensemble des missions ?
M. Pascal Lecamp (Dem). Les débats de notre commission doivent nous permettre de trouver collégialement des solutions pour nos concitoyens tout en contrôlant efficacement l’usage des deniers publics. L’examen du projet de loi de règlement est le moment privilégié de notre mission constitutionnelle de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. Je regrette, à ce propos, que le calendrier électoral nous ait contraints à renoncer à un vrai Printemps de l’évaluation, qui représente l’une des belles avancées démocratiques et parlementaires de la précédente législature.
Le présent texte illustre un exercice budgétaire 2021 une nouvelle fois hors du commun, mêlant mesures d’urgence et mesures de relance. Le déficit budgétaire recule mais reste élevé, à 6,4 % du PIB. De même, le taux d’endettement a diminué de deux points, du fait de la forte hausse du PIB – 200 milliards d’euros – en 2021. Les dépenses considérables pour faire face à l’urgence et relancer la croissance, en 2020 et 2021, étaient indispensables pour soutenir l’économie française. Sans elles, la situation serait bien pire. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer nos voisins européens et surtout d’écouter les acteurs du monde de l’entreprise, qui saluent les dispositifs de prêt garanti par l’État et d’activité partielle.
Vos services ont-ils modélisé une situation dans laquelle l’État n’aurait pas pris de mesures d’urgence ? Autrement dit, quelle aurait été la croissance 2021 sans plan de relance ?
M. Philippe Brun (SOC). Ce projet de loi de règlement est notre héritage, que nous porterons comme un fardeau. Ne nous y trompons pas : s’il nous est présenté si tardivement, c’est bien que le Gouvernement porte sur son bilan un regard moins naïf qu’il ne le laisse penser. Déposé le 4 juillet, ce texte arrive plus d’un mois après la date à laquelle l’article 46 de la LOLF impose son dépôt. Rien n’empêchait le gouvernement en place de déposer ce texte début juin afin de laisser au Parlement un mois pour l’étudier plutôt que ces dérisoires quarante-huit heures.
Je tirerai de ce projet de loi un enseignement et un vœu.
La politique budgétaire du gouvernement Macron s’est soldée par un échec. Le Gouvernement saisit toutes les occasions pour pointer le rebond spectaculaire du PIB en 2021, qui aurait effacé la crise. Mais alors que le PIB prévu avant la crise devait être d’environ 2 520 milliards d’euros en 2022, le PIB réel n’est que d’environ 2 470 milliards : la France accuse encore un déficit de l’ordre de 50 milliards de richesses non créées.
Le Gouvernement ne semble pas au courant de l’urgence sociale. Ainsi, l’article 4 du projet de loi prévoit d’annuler les autorisations d’engagement pour la mission Travail et emploi à hauteur de 916 millions d’euros. Le Gouvernement annonce remplacer Pôle emploi par France travail, mais n’allez pas croire qu’il le financera mieux pour autant…
Face aux urgences sociales, ce Gouvernement coupe, reporte, annule. Face aux déficits, il offre 5 milliards d’euros en baisses d’impôt aux 400 000 Français les plus riches. Le résultat est sans surprise : le déficit public pour 2021 s’établit à 6,5 % du PIB.
Voilà donc mon vœu : infléchir la trajectoire budgétaire, face au sombre paysage que dessine le projet de loi de règlement. Pour ce qui est de la méthode, le Gouvernement a pris l’habitude de reporter massivement des crédits d’une année sur l’autre plutôt que de les inscrire dans le budget à l’automne, ce qui prive le Parlement de la possibilité d’examiner et de débattre de leur usage réel. Cette méthode piétine le principe d’annualité et nous serons vigilants. Quant au fond, ce texte devra nous servir de contre-modèle pour le projet de loi de finances de la prochaine législature. Le prochain budget devra refléter les aspirations profondes du pays, celles que les Français ont exposées au grand jour un dimanche de juin lorsqu’ils ont privé Emmanuel Macron de majorité et fait entrer 151 députés de gauche à l’Assemblée nationale.
M. François Jolivet (HOR). L’année 2020 fut déterminante pour notre pays, marquée par trois impératifs : le maintien de mesures efficaces pour soutenir l’économie, l’intensification du plan de relance et la préservation du pouvoir d’achat grâce à l’indemnité d’inflation et au bouclier tarifaire pour le gaz et l’électricité.
Le plan de relance s’est révélé efficace : 72 milliards d’euros ont été engagés et plus de 42 milliards décaissés à la fin de l’année 2021. Parallèlement, 35 milliards d’euros de crédits de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire ont été consommés, ce qui témoigne du soutien de l’État aux victimes de la crise.
En maintenant les mesures de soutien et en intensifiant le déploiement du plan de relance, le Gouvernement a protégé les Français et préservé les fondamentaux de notre économie : l’emploi et la croissance. Le taux de chômage était, fin 2021, à son plus bas niveau depuis 2008 et la croissance à son niveau le plus élevé depuis 1969. Cette politique a eu un coût élevé pour les finances publiques, mais à quelles dépenses aurions-nous dû renoncer ? Le plan de relance ? Le soutien aux entreprises ? Le financement du chômage partiel pour les salariés ?
En tout état de cause, nous avons la responsabilité de nous approprier nos contraintes financières, celles de l’État, et les besoins des Français. Notre groupe entend prendre part à ce chantier et votera pour ce projet de loi.
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Concernant la mission Plan de relance, la Cour des comptes a noté que 7,19 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 6,25 milliards d’euros de crédits de paiement ont été reportés de 2021 vers 2022. Elle souligne que ce mécanisme, qui devrait être réservé à des actions ayant un impact réel sur la politique de relance, s’est aussi appliqué à des dispositifs portés par les programmes de la mission mais sans lien réel avec cet objectif.
La Cour des comptes relève une sous-consommation importante des crédits du programme Compétitivité. Par ailleurs, la mission Plan de relance aurait couvert des dépenses courantes de l’État.
S’agissant de la rénovation thermique, la Cour des comptes remarque que le dispositif MaPrimRénov’ ne fonctionne pas correctement. Certains niveaux d’engagement sont satisfaisants mais celui du décaissement est beaucoup moins dynamique. Cette sous-consommation s’expliquerait par le délai de traitement des dossiers – 735 000 dossiers validés, mais seulement 366 000 primes versées – et des objectifs trop ambitieux. Ainsi, l’objectif initial de 80 000 logements sortis du statut de passoire thermique en 2021 a été ramené à 2 500 logements en fin d’année.
Que pensez-vous de l’efficacité de MaPrimRénov’ en matière d’économies d’énergie ? Que comptez-vous faire pour qu’elle serve vraiment à réduire la facture d’énergie des Français ?
Enfin, la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques impose au Gouvernement de remettre chaque année un rapport au Parlement sur l’évolution, en particulier du fait des réformes entreprises, de ces indicateurs relatifs à la santé, à l’éducation, au développement durable ou aux inégalités de revenu.
Ce projet de loi de règlement aurait pu être évalué au regard de ces indicateurs. Ce n’est pas le cas. Surtout, le rapport n’est plus publié ni remis au Parlement depuis 2018.
Quelle place le Gouvernement compte-t-il accorder aux nouveaux indicateurs de richesse dans nos débats budgétaires ?
M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). M. le ministre se targue d’une croissance plus forte et d’un déficit public plus faible que prévu, mais rappelons que notre pays est celui qui avait subi le plus fort recul : il était normal qu’il ait le plus fort rebond.
L’année 2021 a été particulière. Les mesures de soutien étaient nécessaires mais soulèvent quelques questions.
Les recettes fiscales ne doivent pas forcément être analysées par comparaison d’une année sur l’autre. Des disparités considérables existent entre 2021 et 2020. En particulier, les périmètres peuvent avoir changé : ainsi, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est passée dans les prélèvements sur recettes.
Enfin, les Français n’ont sans doute pas la même lecture que vous de la situation. La prétendue croissance du pouvoir d’achat de 1,9 % par unité de consommation en 2021 n’a pas été ressentie comme telle par nos concitoyens. Il faudra expliquer cet écart.
La crise sanitaire et les mesures prises ont favorisé l’épargne. L’« épargne covid » serait estimée à 175 milliards d’euros, détenus par les 10 % les plus riches – d’autant que la fortune des milliardaires a quasiment doublé entre mars 2020 et octobre 2021. Comment comptez-vous taxer cette surépargne afin qu’elle serve à la relance de l’économie ?
Quant au fonds de solidarité pour les entreprises, indépendants et entrepreneurs, si nous sommes évidemment d’accord pour soutenir l’économie, quelles contreparties de nature sociale, écologique ou environnementale allez-vous leur demander, sachant que certaines entreprises ont obtenu des résultats qui battent tous les records ?
Enfin, les collectivités locales se trouveront bientôt dans des difficultés budgétaires. Les crédits venant du plan de relance s’affaissent et la CVAE devrait être supprimée en 2023. Comment les collectivités pourront-elles soutenir l’investissement public local ?
M. Charles de Courson (LIOT). Pourquoi n’avez-vous pas respecté l’article 46 de la LOLF qui prévoit le dépôt du projet de loi de règlement avant le 1er juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapporte ? Vous l’avez déposé trente-six jours plus tard, soit le 4 juillet. Et pourquoi privez-vous le Parlement du Printemps de l’évaluation ?
Que pensez-vous des déclarations du ministre auquel vous êtes rattaché, qui considère que la cote d’alerte est atteinte en matière de finances publiques ? Partagez-vous l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), selon lequel le déficit structurel ne s’élèverait pas à 4,4 %, comme l’indique le projet de loi de règlement, mais à 5,4 %, en hausse de 3 points par rapport à 2017 ?
L’actif net de l’État est de plus en plus négatif. Il passera de - 1 538 milliards d’euros fin 2020 à - 1 558 milliards fin 2021. L’endettement public finance de plus en plus des déficits de fonctionnement, pour plus de 80 %, pas des dépenses d’investissement. Qu’en pensez-vous ?
Enfin, le HCFP souligne que le niveau de la dépense publique rapportée au PIB est resté en 2021 nettement supérieur à celui d’avant la crise – 53,8 % du PIB en 2019 et 59,1 % du PIB en 2021 – ce qui suppose de mener une action sur la dépense publique. Quel est le montant des économies réalisées en 2021 ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Lefèvre, nous avons été précurseurs, à l’échelle mondiale, en adoptant un budget vert pour apprécier les effets sur l’environnement de nos dépenses. En 2021, les dépenses « vertes » s’élèvent à 28 milliards d’euros tandis que les « brunes » s’établissent à 3 milliards. D’autres dépenses sont considérées comme mixtes ou intermédiaires. Notre objectif est de réduire les dépenses fiscales brunes, même si certaines des mesures de soutien au pouvoir d’achat des Français que nous prendrons, par exemple pour alléger les dépenses de carburant, relèvent de cette catégorie.
Monsieur Tanguy, je ne comprends pas votre reproche. Nous n’avons pas inventé le covid ! Nous ne sommes pas à l’origine de l’épidémie la plus grave depuis un siècle et de ses conséquences pour l’économie mondiale ! Nous avons fait au mieux dans un contexte extrêmement dégradé. Le prix Nobel d’économie Paul Krugman a lui-même salué la politique que nous avons menée.
Vous nous reprochez de mener des politiques superficielles : je ne crois pas que les artisans, les commerçants, les entrepreneurs, les salariés, les Français qui ont bénéficié du plan d’urgence et du plan de relance partagent cet avis. Vous évoquez le début du quinquennat de François Hollande, mais ce n’est pas à la situation de 2012 qu’il faut comparer ce que nous vivons, mais à celle de 2008. Notre réponse à la crise a été plus efficace que celle de l’époque.
Vous considérez que notre action n’a servi à rien, si ce n’est à dégrader les finances publiques. Le Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) estime pourtant que la dette publique accumulée aurait été dix fois supérieure sans les mesures du « quoi qu’il en coûte » et du plan de relance – c’est une façon de répondre à M. Lecamp qui se demandait ce qui serait arrivé si l’on n’avait rien fait. Accompagner des millions de personnes au chômage coûte plus cher que de soutenir les entreprises pour leur permettre de conserver leurs emplois. Accompagner des centaines de milliers d’entreprises en faillite coûte plus cher que de les aider à tenir pendant la crise. Le « quoi qu’il en coûte » a été un investissement : il nous a évité des dépenses considérables pour l’avenir.
Monsieur Rome, plusieurs des questions que vous avez posées relèvent davantage du PLFR pour 2022. Je noterai seulement, pour l’heure, qu’on ne peut pas parler de cagnotte quand on a 2 800 milliards d’euros de dettes. Les recettes ont certes augmenté, du fait de la reprise économique, mais cela ne fait pas une « cagnotte », hélas. Ce que nous avons, ce sont des recettes et des dépenses, et des choix politiques à faire afin de protéger au mieux les Français, non seulement aujourd’hui, mais aussi demain, en réduisant notre déficit. Cela implique des arbitrages difficiles, mais nécessaires.
Plusieurs d’entre vous m’ont demandé pourquoi nous présentions ce projet de loi de règlement plus tard que ce que prévoit la nouvelle loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, que l’on doit à Laurent Saint-Martin. Il est vrai que, ces dernières années, le projet de loi de règlement était déposé au moment du Printemps de l’évaluation, mais je vous rappelle que celui-ci n’a pas eu lieu cette année du fait du renouvellement de l’Assemblée nationale. Nous avons attendu que la nouvelle assemblée soit élue pour déposer ce projet de loi – sinon, nous aurions dû le déposer deux fois. Enfin, nous attendions de recevoir de l’INSEE le solde final de la croissance constatée en 2021, qui nous est parvenu le 31 mai.
S’agissant des cabinets de conseil, je rappelle que le Gouvernement a pris l’engagement d’annexer à chaque projet de loi de finances un rapport relatif à cette question. Ce sera le cas dès cette année : tous les chiffres vous seront transmis dans le PLF pour 2023.
Monsieur Jolivet, je vous remercie de votre intervention. Nous partageons l’objectif d’une réduction des déficits.
Madame Sas, MaPrimeRénov’ est un dispositif remarquable qui vise à soutenir la rénovation énergétique des logements privés. C’est une bonne chose pour l’environnement puisque cela réduit la consommation d’énergie, et pour le pouvoir d’achat des Français qui est notre priorité à tous. Les chiffres sont bons : en 2021, environ 764 000 demandes d’aides ont été déposées auprès de l’Agence nationale de l’habitat ; plus de 658 000 dossiers ont été instruits et ont reçu une suite favorable, pour un montant total de primes attribuées de 2,1 milliards d’euros. Plus de 372 000 ménages ayant achevé leurs travaux ont perçu une prime en 2021, pour un montant total de 1,1 milliard d’euros. Les ménages aux revenus très modestes et modestes représentent 68 % des primes attribuées en 2021.
L’écart entre le niveau d’engagement et celui des décaissements a des causes diverses. Il est vrai que le traitement des dossiers peut être amélioré, mais il ne faut pas négliger non plus les difficultés d’approvisionnement dans le secteur du bâtiment. Je ne veux pas marcher sur les plates-bandes de mes collègues Agnès Pannier-Runacher et Christophe Béchu, chargés de l’écologie, mais je pense que le dispositif devrait être recalibré pour bénéficier davantage à des projets de rénovation globale, afin de lutter contre les passoires thermiques.
Monsieur Sansu, vous avez suggéré de créer une taxe sur la surépargne, mais je vous rappelle que nous nous sommes engagés à ne pas augmenter les impôts et à ne pas créer de nouvelles taxes. Permettez-moi de renvoyer le débat au sujet de la CVAE à l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Nous garantissons et garantirons évidemment une compensation aux collectivités locales, comme nous l’avons fait au moment de la suppression de la taxe d’habitation.
Monsieur de Courson, à propos de la déclaration de M. Bruno Le Maire, outre qu’en tant que ministre délégué, je suis d’accord par principe avec l’intégralité des propos de mon ministre de tutelle, il est évident que notre situation financière et budgétaire est tendue. Avec la remontée des taux, on a changé de monde : emprunter à 0,3 ou 0,4 %, comme c’était le cas il y a encore quelques mois, n’est pas la même chose qu’emprunter à 2 %. Cela n’a pas le même impact sur la charge de la dette, d’autant qu’elle est en partie indexée sur l’inflation mondiale. Cette question se posera largement à propos du PLFR pour 2022.
À propos du déficit structurel, comme je l’ai indiqué au rapporteur général, les indicateurs retenus sont en partie ceux de la loi de programmation des finances publiques, et c’est avec la nouvelle loi de programmation des finances publiques que nous pourrons faire de vraies comparaisons. Nous avons creusé virtuellement notre déficit structurel en qualifiant de dépenses pérennes des mesures de soutien aux entreprises réalisées dans le cadre du « quoi qu’il en coûte ». Ces mesures sont en réalité temporaires, mais par souci de sincérité, nous reconnaissons que c’est un temporaire qui dure un peu.
M. Joël Giraud. De nombreux collègues ont évoqué la question des niches fiscales. Pendant tout mon mandat de rapporteur général, j’ai défendu le principe d’une évaluation effective de chaque dépense fiscale, le plafonnement de celles qui faisaient l’objet d’abus, tant dans la culture que dans la recherche, et un bornage dans le temps de celles dont le chiffrage était insuffisant. Je sais bien que dans chaque niche fiscale se cache un chien qui a tendance à grogner quand on lui enlève son os, mais je crois qu’il faut poursuivre cet effort.
Monsieur le rapporteur général, il serait intéressant que nous menions une action concertée, voire œcuménique, au sein de la commission des finances pour mettre à jour ce qui, dans un rapport précédent d’application de la loi fiscale, concerne les niches.
M. Patrick Hetzel. Les intérêts de la dette s’élèvent, en 2021, à 36,3 milliards d’euros, ce qui représente presque le budget de la défense. Dans son rapport, le Haut Conseil des finances publiques pose la question de la soutenabilité de la dette publique et de la réduction du déficit structurel. En effet, si l’on suit la trajectoire du quinquennat précédent, le montant des intérêts de la dette pourrait doubler en très peu de temps. Pouvez-vous nous dire un mot de la soutenabilité de la dette publique ?
M. Kévin Mauvieux. Monsieur le ministre, vous n’avez pas vraiment répondu au président, qui notait que l’augmentation des recettes fiscales devait beaucoup à l’inflation. Vous nous avez dit qu’en 2021, grâce à l’action du Gouvernement, le pouvoir d’achat des Français avait augmenté de 1,9 %, que la croissance française avait été merveilleuse et que cela n’était pas dû à un rebond, mais à votre politique.
Je ne fais pas la même analyse que vous. L’image qui me vient, c’est celle d’une personne qu’on a jetée à l’eau et qui ne sait pas nager : on a coulé, on a touché le fond et on a tapé du pied, ce qui nous a permis de remonter. Mais comme on ne sait pas nager, on recommence déjà à couler, avec un taux de croissance de 0,2 % au premier trimestre.
Demain, quand je rentrerai dans l’Eure, que devrai-je répondre aux gens qui me diront qu’ils n’ont pas vu l’augmentation de 1,9 % de leur pouvoir d’achat, eux qui paient leur essence deux fois plus cher qu’avant votre arrivée ?
Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le ministre, il est vrai que le rebond qu’a connu la France en 2021 a été plus fort qu’ailleurs en Europe, mais nous avions aussi connu, en 2020, un recul plus important : - 4,9 % pour l’Allemagne et - 8,3 % pour la France.
La Cour des comptes estime nécessaire d’évaluer les niches fiscales et je partage évidemment cet avis, mais il faut tenir compte des évaluations qui existent déjà ! Le crédit d’impôt recherche (CIR), par exemple, a fait l’objet de trois évaluations, par la Cour des comptes, par France Stratégie et par des parlementaires. Toutes allaient dans le même sens, mais on n’en a absolument pas tenu compte !
S’agissant des difficultés de MaPrimeRénov’, il est vrai que les demandes sont très nombreuses, mais cela n’explique pas tout. Il faut absolument créer un guichet pour simplifier les démarches des citoyens et des entreprises, qui rencontrent souvent des difficultés.
M. Mohamed Laqhila. Monsieur le ministre, il est vrai qu’on ne peut pas parler de « cagnotte » quand le déficit budgétaire de l’État atteint près de 171 milliards d’euros, soit 6,4 % du PIB. Les taux remontent d’une façon historique et, si le taux actuel de 2 % se maintient, la charge de la dette pourrait, selon certains économistes, augmenter de 11 points de PIB dans les dix prochaines années. Quels sont nos besoins annuels de financement via la souscription de la dette ? Comment être certains que nous éviterons un scénario argentin ?
Par ailleurs, le taux d’usure publié en début de semaine va peser lourdement sur les ménages les plus modestes en quête d’un crédit à la consommation. Quelles actions le Gouvernement envisage-t-il pour limiter la hausse des taux et prévenir le surendettement des ménages ?
La Première ministre a affirmé hier sa détermination à lutter contre l’inflation, qui a rendu caduques nos prévisions budgétaires de début d’année. Compte tenu de surcroît de la situation en Ukraine, quand pensez-vous qu’un retour au niveau d’inflation antérieur sera possible ?
M. Fabien Di Filippo. Monsieur le ministre, malgré votre agilité rhétorique, vous n’arriverez plus à faire croire que vous pouvez tout faire « en même temps », sans faire de choix. Les prévisions économiques sont toutes dégradées par rapport aux annonces faites par Bruno Le Maire durant la campagne électorale. La charge de la dette explose et elle sera, à la fin de votre mandat, le premier poste budgétaire de la nation : voilà votre bilan.
Vous proposez des mesures à court terme pour le pouvoir d’achat, qui auront un effet très inflationniste : après les chèques « confinement », puis « reconfinement », on a eu l’augmentation du chèque de rentrée scolaire, les chèques « énergie » et « carburant » et, maintenant, les chèques « alimentation ». Or ces mesures laissent de côté une grande partie de la classe moyenne, de ceux qui travaillent et font avancer notre pays.
Il faut financer ces mesures et les concentrer sur les Français qui travaillent. Parmi les moyens de financement, que pensez-vous du gel de certaines aides sociales, d’un effort pour réduire la surbureaucratisation des administrations ou de la suppression d’une partie de l’aide médicale de l’État (AME) pour les clandestins ? Nous attendons un discours de vérité sur ces sujets, pour soutenir la France qui travaille.
M. Franck Allisio. Monsieur le ministre, en 2021, notre contribution brute au budget de l’Union européenne a augmenté de 2,7 milliards d’euros, et il faudra attendre deux ans pour connaître notre contribution nette. Celle-ci a quadruplé en vingt ans. Tout le monde fait des efforts : les ménages, les entreprises françaises, nombre de nos services publics et certaines de nos administrations. Une administration reste seule à l’écart de ces efforts : celle de Bruxelles. Ma question est simple : quelle est la contribution de Bruxelles à cet effort collectif ?
M. David Guiraud. M. le rapporteur général a dit que la politique menée avait permis d’éviter des drames sociaux, mais dans ma circonscription, 35 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté !
Monsieur le ministre, il est vrai que vous n’avez pas inventé le covid. En revanche, c’est bien vous qui avez inventé la réforme de l’assurance chômage. Or elle s’est traduite par une baisse de 17 % en moyenne des allocations pour 1,5 million de chômeurs.
Vous dites vouloir protéger les Français, mais vous avez durci les conditions d’accès aux repas à un euro pour les étudiants non-boursiers. En 2020 et 2021, vous avez distribué 20 millions de repas à un euro à plus de 750 000 étudiants boursiers, ce qui fait environ vingt-six repas par personne dans l’année. Cette protection est encore un peu faible…
Nos collègues du Rassemblement national regrettent que l’on ait ouvert les vannes de la dépense publique. Je leur demande donc à quel service public il faut retirer de l’argent : l’école, l’hôpital, la police ?
Mme Alma Dufour. Je me demande moi aussi comment vous comptez ramener le déficit à 3 % du PIB d’ici 2027, puisque vous n’en avez rien dit pendant la campagne électorale. Le Gouvernement peut-il nous expliquer dans quelles dépenses publiques il va couper pour réaliser ces économies budgétaires qui devraient s’élever, non pas à 24, mais à 80 milliards d’euros ?
Par ailleurs, quand aurons-nous enfin un vrai débat sur la dette – son poids, et le fait que nous ne pourrons pas la rembourser ? Les règles monétaires de l’Union européenne ne peuvent plus s’appliquer à cette dette que nous n’avons pas choisie, puisqu’elle est un héritage de la crise du covid.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Madame Louwagie, je ne vous ai pas répondu tout à l’heure au sujet des opérateurs et des taxes affectées.
Il est normal que l’État confie à des opérateurs le soin d’exécuter certaines politiques publiques. Je crois que personne ici ne le conteste. Cela se fait en toute transparence, puisque l’État exerce une tutelle et que le plafond d’emplois des opérateurs figure dans le rapport annexé au projet de loi de finances.
Vous trouverez la liste des taxes affectées dans le volume Évaluations des voies et moyens, annexé au PLF pour 2022. En 2021, les taxes affectées plafonnées ont représenté 18,8 milliards d’euros. Les deux plus importantes sont celles qui alimentent l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, à hauteur de 1,9 milliard d’euros, et la société du Grand Paris, à hauteur de 0,8 milliard d’euros.
Monsieur Hetzel, notre ligne consiste à tenir les comptes pour que la dette ne devienne pas insoutenable. Il faut absolument éviter que le poids des intérêts de la dette nous prive des marges de manœuvre nécessaires pour financer des politiques publiques ou faire face à des situations difficiles. Nous voulons arriver à une stabilisation de la dette et à un début de remboursement en 2026. Pour répondre en même temps à Mme Dufour, nous présenterons en septembre une loi de programmation des finances publiques sur cinq ans : nous reviendrons à cette occasion sur la somme de 80 milliards d’euros que vous avancez et que nous contestons.
Monsieur Mauvieux, peut-être a-t-on rebondi parce qu’on a touché le fond, mais je répète qu’on a rebondi plus vite et plus fort que nos voisins. Citez-moi des pays, autour de nous, qui ont retrouvé leur niveau d’activité et leur niveau de pouvoir d’achat statistique d’avant-crise aussi vite que nous ? Les dernières études parues montrent qu’aucun de nos voisins n’a retrouvé son niveau d’avant-crise au même rythme que nous. Quand vous verrez vos concitoyens, dans votre circonscription, vous pourrez leur parler du paquet massif de mesures en faveur du pouvoir d’achat que nous vous présenterons ce soir, avec Bruno Le Maire. Je ne dis pas que tout va bien pour tout le monde ; il y a de grandes difficultés, et c’est pour cela que nous agissons.
Monsieur Allisio, notre contribution au budget de l’Union européenne, qui est négociée avec nos partenaires européens, sert à financer les politiques coordonnées au niveau européen, dont la politique agricole commune qui est chère à chacune et chacun d’entre nous, puisque tous nos agriculteurs en bénéficient.
Je rappelle que l’Union européenne finance une partie importante de notre plan de relance, à hauteur de 40 milliards d’euros, dont 5,1 ont été reçus dès 2021. Vous allez dire que l’Union européenne, c’est nous et nos contributions. Certes, mais on est aussi en train de développer les ressources propres de l’Union européenne, notamment avec le projet de taxe carbone aux frontières.
Madame Pires Beaune, nous partageons tous l’objectif d’améliorer le fonctionnement de MaPrimeRénov’, je n’y reviens pas. Quant au CIR, c’est un choix politique de notre part : nous considérons que c’est un élément essentiel de l'attractivité de la France, qui favorise l’investissement dans notre pays et notre développement économique.
Monsieur Di Filippo, nous allons avoir un moment de vérité politique et budgétaire avec les textes qui vous seront soumis dans les prochaines semaines. À entendre certains des membres de votre groupe, on pourrait financer pour 40 milliards d’euros de dépenses avec la suppression de l’AME, qui ne coûte pourtant qu’un milliard d’euros.
Supprimer l’Aide médicale de l’État ne ferait qu’accroître la dette de nos hôpitaux, puisque les médecins continueront de soigner les malades, conformément au serment d’Hippocrate. J’ajoute que l’AME permet d’éviter le retour et la propagation d’un certain nombre de maladies contagieuses en France. Pour ma part, je considère que c’est un honneur de soigner des personnes qui sont dans une situation d’urgence vitale – mais cela fait manifestement débat avec vous. Enfin, l’AME représente 0,4 % des dépenses de l’assurance maladie en France. On peut sans doute améliorer le dispositif – et, du reste, on l’a déjà fait ces dernières années, s’agissant du panier de soins ou des contrôles – mais il faut arrêter avec les polémiques.
M. le président Éric Coquerel. Pour rebondir sur la question de Mme Louwagie, j’indique que l’une de mes premières propositions sera de créer une mission d’information sur les cabinets de conseil.
La commission examine le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l’année 2021 (n° 10 – M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général).
M. le président Éric Coquerel. Je vous propose que nous examinions les articles du projet de loi de règlement et les amendements déposés sur ces articles.
Article liminaire : Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2021
Amendement CF1 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Nous proposons de rectifier le tableau de l’article liminaire pour tirer les conséquences de l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques le 24 juin 2022 sur le présent projet de loi.
Il y rappelle que la nouvelle estimation du PIB potentiel, telle que présentée par le Gouvernement dans le Rapport économique, social et financier pour 2022, doit conduire à accroître le déficit structurel d’un point en 2021. En conséquence, nous proposons de faire passer le solde structurel de -4,4 à -5,4 points de PIB. Il convient également de tirer les conséquences de cette modification sur l’écart avec la loi de finances initiale pour 2021 et la loi de programmation des finances publiques, afin d’assurer la cohérence du tableau.
Chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que l’écart entre le solde prévu dans la loi de programmation des finances publiques et le solde réel est considérable : ce solde structurel devait être de -1,2, il est officiellement de -4,4, et même -5,4 points d’après le HCFP. Pour vous donner un ordre d’idée, sur 2 500 milliards d’euros, cela représente une différence d’un peu plus de 100 milliards.
Pour mémoire, le solde structurel est indépendant de la conjoncture et des mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire. C’est donc vraiment le fond de la question budgétaire.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cher collègue, je reconnais votre constance sur ce sujet et je vous accorde que la situation n’est pas totalement satisfaisante.
Vous proposez de tirer les conséquences de la révision du PIB potentiel que le Gouvernement a lui-même présentée dans le Rapport économique, social et financier annexé au PLF pour 2022 et vous posez la question du calcul du solde structurel. Le ministre a déjà apporté des éléments de réponse à ce sujet.
Vous le savez, il s’agit avant tout d’une construction basée sur des hypothèses macroéconomiques, et non d’un constat budgétaire et comptable. Elle repose, à ce titre, sur des hypothèses et des conventions. C’est la loi de programmation des finances publiques qui sert de référence pour définir la trajectoire de PIB potentiel. Or la dernière loi de programmation, vous le savez, porte sur la période 2018-2022, elle est obsolète. Je précise toutefois que le solde effectif global, qui s'établit à -6,4 %, est quant à lui incontestable. Il me semble donc que votre amendement, qui modifie également ce ratio, n’a pas d’objet.
Je rappelle enfin que la manière dont on décide de répartir certaines dépenses, notamment celles liées au plan de relance, entre le solde structurel et le solde conjoncturel, peut modifier l’équilibre entre ces deux postes. Du reste, au niveau européen, cette distinction a elle-même tendance à être remise en question. Avis défavorable.
M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, pour tenir compte de votre observation, qui me paraît justifiée, je veux bien déposer un sous-amendement pour transformer le -2 en -1 et le -7,4 en -6,4. Mais j’aimerais avoir une réponse sur le fond.
Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le rapporteur général, vous avez souligné la constance de Charles de Courson. Valérie Rabault a la même, et ces chiffres démontrent que les amendements qu’elle avait déposés l’an dernier étaient tout à fait justifiés. Si le conjoncturel devient structurel au bout de deux ou trois ans, on va vraiment finir par s’y perdre.
L’amendement CF1 est retiré.
Amendement CF2 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Ce que nous dit le Haut Conseil des finances publiques, c’est qu’on ne sait plus très bien appliquer les règles qui s’imposent à nous. Cet amendement est un petit clin d’œil : nous proposons d’inscrire « Non renseigné » dans la dernière colonne du tableau de l’alinéa 2, comme il arrive désormais au Gouvernement de le faire.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous ferai la même réponse que sur l’amendement précédent : on ne peut pas dire que le solde global est « non renseigné », puisqu’il est juste. Nous aurons l’occasion de revenir longuement sur cette question lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. À cette occasion, nous réviserons nos hypothèses et saurons donc précisément ce qu’il en est de notre déficit structurel et de notre déficit conjoncturel. Retrait, ou avis défavorable.
M. Charles de Courson. Chers collègues, même si l’on s’en tient aux chiffres donnés par le Gouvernement, l’écart entre le solde effectif prévu et celui que l’on constate est de -5,5, ce qui représente 135 ou 140 milliards d’euros. C’est colossal !
Quant à la loi de programmation qui sera examinée en septembre, je me demande à quoi elle servira, puisque presque toutes nos lois de programmation ont dérapé dès la deuxième année.
L’amendement CF2 est retiré.
La commission adopte l’article liminaire non modifié.
Article 1er : Résultats du budget de l’année 2021
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 : Tableau de financement de l’année 2021
La commission adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 : Résultat de l’exercice 2021 Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Article 4 : Budget général – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement
La commission adopte l’article 4 non modifié.
Article additionnel après l’article 4 : Rapport sur les annulations de crédits de la mission Cohésion des territoires
Amendements CF19, CF21, CF20, CF14, CF17, CF18 et CF16 de M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun. L’article 4 procède à l’annulation d’autorisations d’engagement non consommées et non reportées pour la mission Administration générale et territoriale de l’État à hauteur de 101 millions d’euros, qui portent principalement sur le programme Administration territoriale de l’État. Il procède par ailleurs à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 10 millions.
L’administration territoriale de l’État, ce sont nos préfectures et nos sous-préfectures, qui sont dans un état lamentable. Tous les députés de terrain que nous sommes le constatent. C’est la raison pour laquelle nous demandons par l’amendement CF19 un rapport du Gouvernement sur ce sujet.
L’amendement CF21 porte sur la mission Cohésion des territoires, qui subit une annulation de 165,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 17 millions en crédits de paiement non consommés.
S’agissant de la mission Enseignement scolaire, l’amendement CF20 porte sur l’annulation d’autorisations d’engagement à hauteur de 249 millions d’euros et de crédits de paiement à hauteur de 244 millions.
L’amendement CF14 concerne la mission Justice avec l’annulation de 388 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 72 millions de crédits de paiement.
Concernant la mission Plan de relance, l’amendement CF17 vise à obtenir des éclaircissements sur l’annulation de 15,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1,45 million d’euros en crédits de paiement.
L’amendement CF18 concerne la mission Sécurités, qui connaît une annulation de 307 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 117 millions de crédits de paiement.
Enfin, l’amendement CF16 vise la mission Travail et emploi, qui enregistre l’annulation de 916 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 60 millions en crédits de paiement.
Nous souhaitons donc que le Gouvernement nous remette un rapport justifiant pourquoi l’ensemble de ces crédits ne sont ni consommés, ni reportés.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. S’il est essentiel que les députés soient éclairés, il faut bien mesurer la charge de travail que représentent les rapports qu’ils peuvent demander. Or la très grande majorité des informations que vous demandez, et qui sont toutes intéressantes, sont déjà disponibles, par exemple dans les rapports annuels de performance (RAP) rattachés à chaque mission du budget général et annexés au texte que nous examinons, ou encore dans les notes d’exécution budgétaire (NEB) de la Cour des comptes. Il convient aussi que chaque rapporteur spécial chargé du suivi de l’exécution des crédits d’une mission étudie les mouvements de crédits et en rende compte dans son rapport spécial.
Par ailleurs, le niveau des annulations de crédits porté par le projet de loi de règlement est très faible : 2,4 milliards d’euros, ce qui représente 0,4 % du total des crédits consommés en 2021. Les crédits non consommés étaient en effet à un niveau relativement élevé fin 2020 et fin 2021 en raison du contexte exceptionnel de la crise sanitaire et des réponses d’urgence apportées, le ministre s’est par ailleurs engagé à ce que ce niveau diminue à l’avenir. J’ajoute que 88 % de ces crédits non consommés ont été reportés, les annulations sont donc marginales.
Enfin, les annulations de crédits peuvent être le signe d’une bonne gestion. Ainsi, concernant la mission Travail et emploi, la conjoncture économique bien plus positive que prévu, particulièrement en fin d’année, explique un moindre recours aux crédits disponibles. De même, il est très difficile de prévoir à l’euro près les crédits nécessaires pour financer la masse salariale, les embauches pouvant être retardées, par exemple en cas de difficulté à recruter certains profils techniques.
M. Philippe Brun. L’objectif est d’obtenir des réponses du Gouvernement. Votre expertise et celle de la Cour des comptes sont importantes, mais nous aimerions savoir pourquoi le Gouvernement a procédé à ces annulations, en particulier dans la mission Travail et emploi.
Mme Christine Pires Beaune. Les demandes de rapport au Gouvernement sont la seule solution qu’ont les députés pour avoir une discussion sur un sujet en commission et en séance. Nous défendrons donc à nouveau ces amendements dans l’hémicycle.
Les NEB et les RAP ont été publiés il y a seulement quelques jours, ce qui complique notre tâche. Ce soir, notre commission entend les ministres sur le PLFR alors que nous n’avons toujours pas une seule ligne de ce texte ; nous allons le découvrir sur table. Si l’on veut travailler de façon constructive, il faut améliorer la communication des documents en amont.
Les annulations de crédits ne sont certes pas très importantes en pourcentage mais elles sont toujours surprenantes quand elles visent des missions où des besoins existent. Il en va ainsi du programme Administration territoriale de l’État, alors que le manque de personnel en préfecture est criant, ou de la mission Travail et emploi, qui subit des annulations pour près d’un milliard alors que nous recevons sans cesse dans nos permanences des personnes qui n’ont pu suivre de formation faute de crédits, en dépit du fameux plan « 1 jeune, 1 solution ».
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur Brun, ces informations existent : je vous renvoie aux rapports annuels de performance rattachés à chaque mission du budget, qui sont publiés.
Le projet de loi sur le pouvoir d’achat est présenté en conseil des ministres cet après-midi et les ministres viennent nous le présenter ce soir : difficile de faire plus vite ! Nous aurions eu besoin de plus de temps pour l’examiner, certes, mais il propose des mesures d’urgence : si nous voulons aider nos concitoyens, il faut adopter un calendrier très serré. En prévoyant un mois de navette parlementaire, nous devrions terminer la session extraordinaire début août. Ne voyez pas là de mauvaise intention : c’est le seul effet des contraintes qui s’imposent à nous.
M. le président Éric Coquerel. Le Gouvernement avait proposé à la commission de se réunir vendredi sur le PLFR. Nombre de nos collègues étant absents ce jour-là, le bureau de la commission a préféré l’examiner jeudi. En revanche, le Gouvernement aurait peut-être pu déposer le projet de loi de règlement plus tôt.
La commission rejette l’amendement CF19, adopte l’amendement CF21 (amendement 4) et rejette successivement les amendements CF20 et CF14.
Article additionnel après l’article 4 : Rapport sur les annulations de crédits de la mission Travail et emploi
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Concernant l’amendement CF17, je souhaite préciser qu’il comporte une erreur : l’annulation d’autorisations d’engagement porte sur 15 000 euros et non 15 millions. Il me semble excessif de demander un rapport pour un montant aussi faible. Demande de retrait.
M. Philippe Brun. Pour ma part, j’ai bien lu 15 millions, et non 15 000. Je maintiens cet amendement.
La commission rejette successivement les amendements CF17 et CF18 et adopte l’amendement CF16 (amendement 3).
Article 5 : Budgets annexes – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement
La commission adopte l’article 5 non modifié.
Article 6 : Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement
La commission adopte l’article 6 non modifié.
Article 7 : Abandon de créances détenues sur la République fédérale de Somalie au titre de l’aide publique au développement
La commission adopte l’article 7 non modifié.
Après l’article 7
Amendement CF11 de M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun. Cet amendement, qui a vocation à être retiré, vise à demander au rapporteur général quelle serait la conséquence d’un défaut d’adoption du projet de loi de règlement. Contrairement au rejet d’un compte administratif, pour lequel le code général des collectivités territoriales prévoit une procédure de saisine de la chambre régionale des comptes par le préfet, aucune disposition ne prévoit la possibilité d’un rejet d’un projet de loi de règlement. Seul l’article 41 de la LOLF dispose que l’on ne peut pas déposer de nouveau projet de loi de finances si le projet de loi de règlement n’a pas été adopté.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est une question légitime. L’article 41 de la LOLF exige simplement un vote dans chaque assemblée parlementaire, sans préciser s’il doit être favorable – et le vote aura lieu. Toutefois, si nous devions rejeter ce projet de loi, nous mettrions l’administration dans une situation délicate car cela poserait des problèmes de comptabilité et de comparaison entre documents budgétaires.
Un vote positif du projet de loi de règlement ne vaut pas caution du contenu des politiques publiques : il s’agit d’un simple document comptable affichant le résultat budgétaire des politiques publiques de l’année qui vient de s’écouler. Constater un résultat budgétaire, cela ne signifie pas approuver la politique qui a été menée.
Un rapport n’est pas nécessaire sur ce sujet : le Gouvernement pourra vous répondre. J’approuve donc votre intention de retirer cet amendement.
L’amendement CF11 est retiré.
Amendement CF6 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Il y a eu un précédent d’un tel rejet du projet de loi de règlement, dans la période 1830-1840. Voter contre la loi de règlement a une conséquence très simple : cela empêche le ministre des finances de reporter le déficit dans le compte général de l’État. Autrement dit, tout le monde s’en fout…
J’en viens à mon amendement. Lorsque nous avons adopté la LOLF, nous avons plafonné à 3 % des crédits initiaux la possibilité de report, pour éviter de vider l’autorisation budgétaire de sa substance. Une dérogation est néanmoins possible car le plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances. La Cour des comptes nous a toutefois suggéré de nous conformer strictement au plafond de 3 %. L’amendement vise à obtenir un compte rendu des reports effectués ces cinq dernières années afin de nous éclairer en cas de demande de dérogation.
Une telle dérogation ne serait toutefois pas de bonne politique : s’il y a eu de très importants reports ces deux dernières années, c’est parce que nous avons voté en loi de finances rectificative de fin d’année des sommes énormes dont tout le monde savait que l’on ne parviendrait pas à les consommer avant la fin de l’exercice. Ces reports massifs ont permis de diminuer les crédits budgétaires dans la loi de finances initiale ultérieure – donc on n’y comprend plus rien. Je souhaite que l’on en revienne à une règle plus simple, à savoir celle des 3 %, avec l’annulation de tout ce qui dépasse.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Une part importante des reports est due aux mesures d’urgence et de relance ; il est néanmoins vrai que les reports sur les missions traditionnelles s’établissent à un niveau important. Le ministre s’est engagé à les diminuer lors des prochains exercices, comme nous l’avions fait, de manière assez vertueuse, au début du mandat précédent. Vous trouverez dans mon rapport, qui sera disponible très prochainement, des informations qui répondront à une partie de vos interrogations, ainsi que d’autres dans le rapport annuel de performances.
Enfin, dans le cadre de la récente réforme de la LOLF, nous durcissons les conditions, avec la mise en place d’un plafond absolu de 5 %. Demande de retrait.
M. Charles de Courson. Je retire l’amendement, mais il n’en demeure pas moins que cela vide l’autorisation budgétaire de sa substance. On n’y comprend plus rien !
L’amendement CF6 est retiré.
Amendement CF13 de M. Florian Chauche.
M. Florian Chauche. Il vise à obtenir une véritable information concernant les bénéficiaires et les objectifs des différentes niches fiscales. La Cour des comptes recommande un programme d’évaluation des dépenses fiscales en vue de réduire le nombre de dispositifs et leur impact sur les recettes publiques.
Lors de la précédente législature, la commission des finances nous avait renvoyés vers les notes d’exécution budgétaire de la Cour des comptes et le rapport d’application des lois fiscales. Même si ces documents présentent certaines informations concernant l’évaluation des dépenses fiscales, ils ne satisfont en aucun cas à la recommandation de la Cour des comptes, que nous reprenons dans cet amendement.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je partage votre objectif d’une meilleure information sur les dépenses fiscales et d’une diminution de leur nombre. Un rapport exhaustif est publié annuellement : il s’agit du tome II du PLF consacré à l’évaluation des voies et moyens.
En outre, en 2020, le Gouvernement s’est engagé à mener à bien, d’ici 2023, un travail d’évaluation d’environ soixante-dix dépenses fiscales, qui représentent un coût cumulé de l’ordre de 11 milliards d’euros. Plusieurs de ces évaluations ont été remises au Parlement, d’autres ont pris du retard en raison de la crise sanitaire. Il serait en effet intéressant de savoir où en est ce programme d’évaluation. Je ne pense pas qu’un rapport soit indispensable : nous pouvons demander l’information au Gouvernement directement en séance. Le président Coquerel ou moi-même, en tant que rapporteur général, pouvons également demander au Gouvernement une actualisation de ce programme sous la forme d’un tableau. Cela serait plus rapide et plus efficace que de demander un rapport sur ce sujet.
La commission rejette l’amendement CF13.
Amendement CF12 Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour. L’amendement vise à rectifier une inexactitude dans le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État. Celui-ci indique en effet que 32,5 milliards d’euros de dépenses sont considérés comme favorables à l’environnement, 4,5 milliards mixtes et 10,8 milliards défavorables, dont 7,6 milliards de dépenses fiscales. Or ce ne sont absolument pas les chiffres auxquels arrivent un certain nombre d’acteurs de la transition écologique. Le Réseau Action Climat estime à près de 25 milliards les dépenses fiscales négatives pour l’environnement. L’institut de l’économie pour le climat, un peu plus conservateur, les évalue à 12 milliards. Même le ministère de la transition écologique estime que les dépenses fiscales nocives sont plus élevées.
Pour réussir la transition, il faut non seulement investir dans les technologies vertes, mais également réduire les investissements dans les technologies qui polluent. On ne peut pas faire l’un sans l’autre. Nous avons donc besoin de plus d’exhaustivité dans l’évaluation des dépenses néfastes pour l’environnement.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons votre objectif, à tel point que nous avons été les premiers à lancer un budget vert. Le processus, qui est loin d’être achevé, vise à qualifier chaque année un périmètre de plus en plus important d’engagements de l’État pour évaluer notre impact sur l’environnement. Il est de notre rôle à tous d’améliorer ce rapport. Les rapporteurs spéciaux peuvent en outre demander au Gouvernement d’aller plus loin dans la définition du périmètre. Nous avons enclenché un processus vertueux concernant l’impact de nos politiques publiques sur l’environnement, et il faut poursuivre ce travail. Demande de retrait.
Mme Alma Dufour. Il s’agit de renforcer l’exhaustivité de l’évaluation de l’impact environnemental négatif. Je suis heureuse que vous partagiez notre objectif, mais puisqu’il y a des écarts importants entre les différentes évaluations, il nous semble important d’inscrire cette exigence dans la loi.
La commission rejette l’amendement CF12.
Article additionnel après l’article 7 : Rapport sur les primes et décotes à l’émission de titres de moyen-long terme enregistrées par l’Agence France Trésor
Amendement CF5 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Les primes d’émission posent un problème considérable. Cela consiste à émettre des titres à des taux d’intérêt supérieurs aux taux du marché ; en contrepartie, l’apport en trésorerie est inférieur. Cela plombe les années futures en raison de la charge des intérêts. Il n’est pas normal de ne pas disposer du tableau retraçant ces primes en flux et en stock, que la direction du Trésor ne nous donne que lorsqu’elle le veut bien.
À la fin 2021, le stock de primes à l’émission est estimé autour de 100 milliards d’euros, soit environ 4 points de PIB. Dans l’article 2 du projet de loi de règlement, cela représente l’essentiel des « autres ressources de trésorerie ». L’amendement a donc pour objet d’obtenir annuellement un tableau, en flux et en stock, pour pouvoir suivre leur évolution. Je rappelle qu’en Allemagne, les primes d’émission sont quasiment interdites.
Selon les accords européens, la dette publique dite maastrichtienne est calculée hors primes d’émission. Ainsi, la dette publique française réelle correspond à l’addition du montant maastrichtien et des primes d’émission. Or celles-ci sont considérables depuis quelques années : 21 milliards en 2019, 31 milliards en 2020 et autour de 16 milliards en 2021.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il faut saluer votre constance sur ce sujet. La réponse cette année sera un peu différente car le cadre conjoncturel a beaucoup changé.
D’abord, les informations que vous demandez sont disponibles, en particulier concernant le stock des primes, dans le rapport annuel de l’Agence France Trésor (AFT) qui est publié courant juillet. Je vous renvoie également au rapport de la Cour des comptes sur la gestion de la dette publique, publié en février 2022, qui donne des informations actualisées sur ce sujet et effectue des comparaisons avec un certain nombre de pays.
Enfin, la remontée des taux rendra le sujet obsolète à l’avenir.
M. Charles de Courson. Le projet annuel de performance et le RAP du programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État ne donnent pas ces informations : il faut donc les demander spécialement.
Par ailleurs, la remontée des taux d’intérêt ne fera pas disparaître le stock de primes, qui est de 105 milliards d’euros et s’amortira sur environ dix ans. Le problème demeure donc. Ce système tend à dissimuler une partie de la dette, pour un montant représentant 4 points de PIB !
Mme Véronique Louwagie. Nous soutiendrons cet amendement. Depuis quelques années, nous abordons ce sujet à chaque projet de loi de règlement ou projet de loi de finances. Ce mécanisme a un impact considérable puisqu’il conduit à diminuer l’encours de la dette publique d’environ 4,3 points de PIB fin 2020, selon la Cour des comptes. Loin d’être marginal, ce sujet est d’actualité.
Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à la demande de comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne : il est toujours intéressant de connaître les pratiques des autres pays.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je n’ai pas dit que les informations étaient disponibles dans le RAP : elles figurent dans le rapport annuel de l’AFT, qui sera publié dans quelques jours alors que votre rapport le serait dans six mois ou un an.
Par ailleurs, la Cour des comptes fait des comparaisons avec un certain nombre de pays, en particulier l’Italie.
J’ajoute qu’il n’y aura prochainement plus de nouvelles primes d’émission puisque les taux sont élevés. Ce sujet est donc important mais s’effacera progressivement.
La commission adopte l’amendement CF5 (amendement 2).
Après l’article 7
Amendement CF15 de Mme Charlotte Leduc.
Mme Charlotte Leduc. Lors de l’examen de la loi de règlement, le Parlement peut apprécier l’évolution des recettes fiscales. Celle-ci dépend toutefois de plusieurs facteurs bien distincts. Les recettes fiscales peuvent par exemple augmenter avec le niveau général des revenus, avec l’inflation ou encore du fait de l’impact des mesures gouvernementales sur les agents économiques. Le ministre chargé des comptes publics a ainsi imputé la hausse de recettes observée pour 2021 à l’efficacité de la politique du Gouvernement en matière d’emploi. Or ce résultat semble davantage imputable à un effet rebond important et à l’inflation, qui ont gonflé les recettes de certains impôts. Afin de clarifier le débat, nous souhaitons donc renforcer l’information des parlementaires concernant l’appréciation de l’évolution des recettes fiscales.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Comme pour l’amendement précédent, vous demandez un rapport pour obtenir dans quelques mois des informations qui, soit existent déjà, soit seront disponibles dans quelques jours !
Les recettes fiscales atteignent 295,7 milliards d’euros en 2021, en hausse de près de 40 milliards par rapport à 2020. À base constante, il y a eu 46 milliards d’évolution spontanée liée à l’augmentation du rendement des impôts, desquels il faut retrancher 2,3 milliards de mesures nouvelles – effets de la réforme de la taxe d’habitation, de la baisse de l’impôt sur les sociétés – et 4 milliards de mesures de périmètre.
Les données que vous demandez sont rendues publiques dans l’exposé des motifs du présent projet de loi de règlement et dans les travaux de la Cour des comptes. Je publierai d’ici la séance un rapport qui comprendra des développements précis sur l’évolution des recettes fiscales. Demande de retrait.
Mme Charlotte Leduc. Je maintiens l’amendement car il est important pour les parlementaires de savoir ce qui relève de l’évolution spontanée, de l’inflation, de l’effet rebond, de la politique de l’emploi...
Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, s’agissant des recettes de la TVA, pouvez-vous confirmer le montant des transferts de TVA qui auraient été faits dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation, soit 91,2 milliards d’euros ? Et pouvez-vous nous dire si ces transferts, soit 53,8 milliards à la sécurité sociale et 37,4 milliards aux collectivités territoriales, s’ajoutent aux 95,5 milliards qui figurent dans les comptes de l’État ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vos chiffres sont corrects : il faut bien les additionner. Les collectivités territoriales bénéficient d’une fraction dynamique : si la recette augmente, comme ce fut le cas l’année dernière, elle augmente aussi pour les collectivités territoriales. Celles-ci supportent certes des coûts supplémentaires, mais bénéficient d’une dynamique très forte puisqu’une partie des recettes est liée à l’inflation. Le total pour 2021 est donc bien de 186,7 milliards, ce qui correspond aux chiffres que vous avez cités.
La commission rejette l’amendement CF15.
Amendement CF9 de M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun. Dans l’édition 2020 de sa note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Économie, la Cour des comptes remarquait que les crédits ouverts par les différentes lois de finances rectificatives ne permettaient pas de retracer précisément ce qui avait été dépensé pour le plan de relance. Nous demandons au Gouvernement d’établir pour le Parlement un tableau permettant de saisir globalement le coût complet de chaque mesure du plan de relance entre 2020 et 2022.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre demande est légitime. Toutefois, le niveau de détail des informations publiées concernant le plan de relance est d’ores et déjà élevé – par mission, par département…Si vous cherchez à suivre les crédits destinés à financer des mesures de relance en 2020, avant la création de la mission Plan de relance, je vous renvoie au rapport spécial relatif à la mission Plan de relance du projet de loi de finances pour 2021, qui présente précisément ces flux. En revanche, il serait intéressant de disposer, associé au projet de loi de règlement pour 2022, d’un rapport affichant tous les mouvements de crédits relatifs au plan de relance.
Votre formulation me paraît mélanger deux demandes différentes, à savoir retracer les programmes d’origine du plan de relance en 2020 et suivre l’exécution des crédits en 2021 et 2022 alors que ce dernier exercice, par définition, n’est pas terminé. Je vous propose donc de retravailler votre amendement en vue de la séance.
L’amendement CF9 est retiré.
Article additionnel après l’article 7 : Rapport sur les fonds dépourvus de la personnalité morale
La commission examine l’amendement CF4 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je ne sais si vous êtes nombreux à vous intéresser aux ovnis budgétaires, qui ne figurent pas dans le budget de l’État. Les fonds sans personnalité morale, petites merveilles gérées par les administrations sans aucun contrôle parlementaire, en font partie. Nous les combattons depuis des années. L’article 3 de la nouvelle loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques dispose que l’affectation d’une imposition de toutes natures ne pourra être maintenue que si le tiers est doté de la personnalité morale, mais l’entrée en vigueur de cette disposition n’est prévue que pour le PLF 2025.
Pour la préparer, je propose que le Gouvernement transmette aux commissions des finances des deux assemblées un rapport sur ces fonds afin que le Parlement puisse exercer au mieux sa mission de contrôle et d’évaluation. La Cour des comptes en a dénombré au moins cent cinquante-quatre, pour la modique somme de 30 milliards d’euros – et encore, ce sont des ordres de grandeur, rien n’est sûr ! Nous devons disposer de détails.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est en effet un vrai problème. Nous avons pris un certain nombre de dispositions dans le cadre de la LOLF et des modifications apportées sous l’impulsion de nos prédécesseurs Laurent Saint-Martin et Éric Woerth.
Un compromis a ainsi été trouvé : plutôt que de supprimer sèchement les fonds sans personnalité morale, ce qui aurait causé des difficultés en termes de financement des politiques publiques à court terme, nous avons choisi de supprimer d'ici 2025 la possibilité de les financer par des taxes affectées. D'une part, cela conduira de facto à la rebudgétisation de certains fonds ; d'autre part, cela permettra une meilleure visibilité du Parlement puisque le financement de ces fonds passera par une allocation de crédits du budget et donc par un contrôle de la représentation nationale.
Le Gouvernement s'est également engagé à rebudgétiser ces fonds lorsque cela est possible, comme il l’a déjà fait au cours de la précédente législature – par exemple avec la rebudgétisation du fonds Barnier en 2021 sur la mission Écologie, développement et mobilité durables.
Concernant votre demande de rapport, si vous souhaitez des chiffres globaux et généraux sur les fonds sans personnalité, je vous renvoie à l’excellent rapport de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF), qui consacre des développements à ce propos. Une revue complète des fonds sans personnalité morale serait difficile à mener, nous l’avons constaté pendant les travaux de la MILOLF, mais j'encourage les rapporteurs spéciaux à faire ce travail.
En outre, si vous le permettez, je demanderai en votre nom la liste des fonds qui feront l’objet d’une rebudgétisation dans le cadre de la réforme prévue par la révision de la LOLF. Je vous prie donc de retirer votre amendement, afin de demander directement au ministre, en séance publique, qu’il s’engage à nous la fournir.
M. Charles de Courson. Je connais tout cela par cœur. Je vous dis simplement que nous n’avons aucune idée de ce qu’il en est globalement et que cet amendement contraindrait le Gouvernement à faire un inventaire complet de ces fonds de manière à préparer l’application de l’article 3 de la nouvelle loi organique. C’est la moindre des choses ! Et cela n’est que pour peu de temps, puisque l’article 3 s’appliquera à partir de 2025.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Si vous en êtes d’accord, je ferai cette demande au nom de la commission des finances et nous obtiendrons une réponse de la part du Gouvernement. Je vous propose également de faire cette demande en séance publique et je suis certain que le Gouvernement s’engagera, sur le banc, à vous donner cette liste.
La commission adopte l’amendement CF4 (amendement 1).
Après l’article 7
Elle examine l’amendement CF10 de M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun. Il s’agit, en quelque sorte, d’un « cavalier d’appel » !
Selon l’exposé des motifs du texte, « Le programme 366 Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la Covid-19 a permis de prendre en charge les dépenses de masques au titre de l’État « protecteur » et « employeur », ainsi que les tests antigéniques ». Nous demandons donc qu’un rapport présente le niveau des stocks tactiques et stratégiques de l'État en matériels sanitaires.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cet amendement me semble se situer au-delà du cavalier législatif et me paraît irrecevable. Je vous rappelle que nous discutons d’un texte financier ! La question que vous posez est légitime mais n’est pas dans le bon texte.
Les seules informations financières que je puisse vous donner concernent le rythme de consommation des crédits consacrés à ces matériels stratégiques en 2022, qui est pour l'instant très inférieur aux crédits disponibles : au 4 juillet 2022, 30 millions d’euros avaient été consommés sur le programme Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la Covid-19 alors que 403 millions étaient disponibles. Il reste donc 373 millions d’euros pour faire face aux besoins sur le deuxième semestre de l'année 2022 – restons toutefois prudents puisque nous faisons face à une recrudescence de la pandémie.
Je vous invite à retirer cet amendement et à le déposer à l’occasion de l’examen d’un texte plus adapté.
L’amendement CF10 est retiré.
La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
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Informations relatives à la commission
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du jeudi 7 juillet 2022 à 9 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, Mme Karine Lebon, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusé. - Mme Marie-Christine Dalloz