Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Audition de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, sur la vie étudiante 2
– Présences en réunion..............................21
Mardi
2 mai 2023
Séance de 17 heures 30
Compte rendu n° 41
session ordinaire de 2022-2023
Présidence de
Mme Isabelle Rauch,
Présidente
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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
(Mme Isabelle Rauch, Présidente)
La commission auditionne Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement et de la recherche, sur la vie étudiante.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche.
Vous avez annoncé le 29 mars dernier la première étape de la réforme du système de bourses, qui intégrera notamment une augmentation de 37 euros de leur montant mensuel pour l’ensemble des bénéficiaires. Cette revalorisation générale s’accompagnera d’une modification du barème des prestations grâce à laquelle 35 000 étudiants supplémentaires entreront dans le dispositif. L’évolution du barème permettra aussi aux actuels bénéficiaires de passer à un échelon plus élevé et de bénéficier d’une revalorisation. Vous avez également annoncé la neutralisation des effets de seuil qui, pour certains étudiants, entraînent la perte d’une bourse ou la réduction de son montant. Comment cette neutralisation sera-t-elle opérée ?
La prochaine étape de la réforme devrait être annoncée avant l’été. Sans préjuger du résultat des concertations que mène M. Jean-Michel Jolion, chargé de piloter cette réforme, ni des conclusions des « rencontres jeunesse de Matignon » conduites par la Première ministre, quelles sont les premières hypothèses de travail retenues ?
Par ailleurs, la Première ministre a annoncé la semaine dernière le lancement d’un plan de rénovation des logements universitaires dégradés. Le chantier étant d’ampleur, pouvez-vous d’ores et déjà nous préciser comment les bâtiments concernés seront choisis ? Quel budget est-il prévu d’y consacrer et sur quelle période ce plan sera-t-il mis en œuvre ?
En outre, pouvez-vous présenter un bilan d’étape de l’élaboration des contrats d’objectifs, de moyens et de performance qui lieront prochainement une partie des établissements d’enseignement supérieur et l’État ? Ces contrats visent à mieux associer les établissements à l’application de priorités stratégiques définies conjointement avec votre ministère. Parmi les trente-cinq établissements impliqués dans la première vague de contractualisation, on trouve majoritairement des universités comme celles de Paris-Saclay, de Bordeaux, du Havre, ou encore de Lille, ainsi que plusieurs écoles, dont trois écoles normales supérieures et plusieurs écoles d’ingénieurs. Comment se déroule le lancement de cette première vague avec les établissements concernés ? Plus généralement, en quoi ce nouvel instrument vous semble-t-il pouvoir accompagner le renforcement des moyens alloués à l’enseignement supérieur ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. J’ai annoncé le 29 mars la première étape de la réforme des bourses mais également d’autres mesures concernant la vie étudiante, pour un engagement total de 500 millions d’euros sur une année pleine. Issues de la concertation lancée le 7 octobre, à la demande de la Première ministre, sur toutes les composantes de la vie étudiante, elles s’appliqueront dès la rentrée de 2023.
S’agissant des bourses, le constat était clair et partagé : notre système d’aide étudiante, comprenant principalement les bourses mais aussi la restauration et le logement sur critères sociaux, est l’un des plus généreux et complet d’Europe. Néanmoins, le modèle du système des bourses sur critères sociaux n’ayant pas été révisé depuis trente ans, il présente certaines limites. Je savais que nous devrions redoubler d’efforts et qu’une attention particulière devait lui être accordée, conformément aux orientations prises par le Président de la République, qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat afin que le coût de la vie ne soit pas un obstacle pour mener des études.
J’avais donc choisi une méthode et un calendrier, avec une première étape présentant des mesures pour la prochaine rentrée et une seconde étape dessinant les contours d’un nouveau modèle « cible ». Ce calendrier était connu et a été tenu.
J’insiste : les annonces faites à la fin du mois de mars ne sont pas le solde de tout compte de nos travaux, tant s’en faut. Je souhaite qu’ils se poursuivent en vue d’une évolution plus structurelle.
Pour la rentrée prochaine, cette première étape de la réforme cible trois objectifs principaux : aider plus d’étudiants, les aider mieux et protéger les gains du travail des parents en mettant un terme aux effets de seuil.
Ce sont 35 000 étudiants supplémentaires qui deviendront boursiers. Ils percevront 1 450 euros de bourses et bénéficieront des avantages associés au statut de boursier, ce qui n’aurait pas été le cas si les paramètres n’avaient pas changé. Sur l’année universitaire, cela représente près de 2 000 euros de pouvoir d’achat supplémentaire.
Le montant des bourses augmentera pour tous les échelons de 37 euros par mois. Nombreux sont ceux qui souhaitent une revalorisation des bourses au niveau de l’inflation. Ces 37 euros correspondent à une revalorisation de 34 % pour le premier échelon et à une augmentation à hauteur de l’inflation pour l’échelon le plus élevé. Il s’agit de la plus forte revalorisation depuis dix ans et, cette fois, elle concerne tous les étudiants boursiers.
En outre, 140 000 boursiers actuels basculeront à un échelon de bourse supérieur ; un boursier sur cinq environ sera concerné ; cela représente une augmentation de 66 à 127 euros par mois. Plus de boursiers seront reclassés que lors de toutes les précédentes réformes.
Enfin, nous neutralisons dès cette année les effets de seuil, en attendant de les supprimer définitivement dans le cadre du nouveau modèle. À la rentrée de 2023, aucun étudiant ne verra sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents.
En complément, nous pérennisons une tarification très sociale des repas pour les boursiers et les étudiants précaires. Pour 2023-2024, nous gelons les tarifs de la restauration à 3,30 euros – tarif social destiné à tous les étudiants – et à 1 euro – tarif très social qui, à la rentrée 2023, sera automatiquement accordé aux étudiants boursiers et aux étudiants précaires –, de même que les loyers dans les résidences des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), le manque à gagner leur étant compensé.
À l’échelle nationale, la concertation se poursuit avec les organisations représentatives des étudiants, de même qu’à l’échelle territoriale, où les recteurs, les étudiants, les établissements, les Crous, les collectivités sont impliqués. Les modifications structurelles de notre système de bourses représentent un chantier considérable. Parce qu’il engage l’avenir, il doit être instruit et ses conséquences évaluées. Le modèle que nous défendons doit être plus juste, plus redistributif, plus cohérent avec les autres aides et il doit s’inscrire dans la logique de la solidarité à la source défendue par le ministre des Solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, Jean-Christophe Combe. J’aurai l’occasion de revenir vers vous pour vous présenter la suite des travaux engagés. Il faut tout d’abord réfléchir au modèle idoine pour supprimer définitivement les effets de seuil. L’augmentation des barèmes et des montants des différents échelons permettra de les réduire mais nous proposerons un modèle continu afin de les éliminer.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Fabrice Le Vigoureux (RE). Vous vous êtes battue avec beaucoup de détermination pour améliorer la situation matérielle de nombre d’étudiants. Aux 720 000 étudiants boursiers s’en ajouteront en effet 35 000 de plus à la rentrée, qui bénéficieront de 1 450 euros par an ; 140 000 changeront d’échelon et leurs bourses augmenteront jusqu’à 127 euros par mois. Toutes les autres bourses seront significativement revalorisées, ce qui n’était pas arrivé depuis plus de dix ans à un tel niveau.
À cela s’ajoutent les repas à 1 euro pour tous les étudiants boursiers et tous ceux dont la situation le nécessite. Nous avons instauré ce dispositif durant la crise sanitaire et vous l’avez pérennisé. Le repas à 3,30 euros pour tous les autres étudiants, sans condition, est subventionné à hauteur de plus de 5 euros. Je note également le nouveau gel des droits d’inscription et des loyers Crous, qui sera compensé par votre ministère, ainsi que la prise en charge de la cotisation à la sécurité sociale pour tous les étudiants.
Toutes ces décisions sont importantes mais nous savons que vous voulez aller plus loin dans l’accompagnement social et matériel de nos étudiants.
Beaucoup de chantiers sont ouverts et avancent : sur le logement, sur la mobilité, sur les emplois étudiants au sein des campus, sur une plus juste allocation des moyens pour ceux qui doivent assumer les charges dues à l’éloignement de leur foyer, sur la rénovation thermique des bâtiments universitaires, à laquelle le plan de relance a consacré près d’1,3 milliard d’euros.
L’effort est donc conséquent pour répondre à notre priorité nationale mais beaucoup reste à faire. Nous ne pouvons qu’être scandalisés lorsque des bâtiments de notre université, notre bien commun, sont saccagés, comme nous l’avons vu à Caen, où une dizaine de personnes, pour la plupart extérieures à l’établissement, ont privé nombre d’étudiants d’un accès aux locaux et les ont condamnés à des conditions d’enseignement dégradées puisque les bâtiments, au mieux, ne rouvriront qu’à la rentrée prochaine. La facture collective, excusez du peu, s’élève à plus d’1 million d’euros.
Quelle suite donnerez-vous à la concertation pour faire avancer encore l’ensemble de ces chantiers et quelle sera votre priorité pour 2024 ?
M. Julien Odoul (RN). Il n’y a pas de vie universitaire sans liberté d’étudier en toute sécurité. Le 23 mars dernier, une vingtaine d’étudiants d’extrême gauche, membres du collectif Le Poing levé et du Comité de lutte a violemment agressé un responsable de l’Union nationale interuniversitaire (Uni) de Marseille dans un amphithéâtre. Le 9 mars, une conférence d’un maire divers droite a été annulée à l’université de Grenoble-Alpes en raison de pressions exercées sur les organisateurs par des centaines de manifestants antifas. Le 1er février, à Nantes, une dizaine d’individus masqués s’est introduite dans le hall de la faculté de droit en hurlant : « Dégagez les fascistes ! » En novembre dernier, à l’université de Lyon II, des étudiants de droite ont été menacés au couteau pendant que l’Union nationale des étudiants de France (Unef) organisait un rassemblement contre les idées d’extrême droite.
Outre les violences physiques et verbales, qui sont intolérables, les dégradations de locaux et les blocages de facultés par une minorité insurrectionnelle n’en finissent plus. Partout, de Rennes à Aix-en-Provence, près de soixante-dix facultés ont été durement touchées par des blocages complets ou partiels toujours encouragés par La France insoumise et rarement condamnés par les présidences d’université.
Si les étudiants d’extrême gauche peuvent casser, saccager, frapper ou bloquer en toute impunité, c’est aussi parce que certains professeurs se montrent parfois complices. Rappelons-nous les propos tenus le 25 janvier par un professeur de Paris I, par ailleurs tête de liste LFI aux élections régionales en Occitanie : « Si certains d’entre vous ont voté Macron, Ciotti, Le Pen ou même Roussel, je les respecte bien peu, mais si certains ont voté Zemmour, je les considérerai comme des bêtes à abattre ».
Face à ces attaques répétées, violentes et gratuites de la part d’une minorité agissante d’extrême gauche, que comptez-vous faire pour assurer une vie étudiante apaisée ? Comment comptez-vous garantir la sécurité, la liberté d’expression et la liberté syndicale dans nos universités ?
M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Depuis qu’avec mes collègues de la NUPES j’ai déposé une proposition de loi sur l’université et la recherche, je sillonne la France à la rencontre de nombreux acteurs. Partout, la colère gronde et le désarroi grandit. La politique appliquée depuis plus de vingt ans souffre de deux maux : un manque chronique d’ambition et l’application d’un new public management aux conséquences dramatiques. J’interrogerai demain Thierry Coulhon sur la souffrance au travail, l’épidémie de burn-out et de harcèlement moral ainsi que sur la perte de sens due à la course aux projets et aux publications.
La population étudiante s’accroît et les besoins en recherche fondamentale et finalisée n’ont jamais été aussi importants, notamment pour répondre aux enjeux écologiques et sociaux. Pourtant, les budgets ne suivent pas. La dépense par étudiant a baissé de près de 10 % entre 2012 et 2019 et le budget de 2023 diminue, en fait, de 2,15 % en euros constants.
Côté étudiant, il manque donc des places en licence, en BUT – bachelors universitaires de technologie –, en master et, à cause de Parcoursup, des filières qui ne devraient pas être sélectives le deviennent. Quelle aubaine pour des formations privées, dont les qualités sont parfois douteuses ! En revanche, les collégiens, les lycées et leurs parents vivent un enfer, de même d’ailleurs que les étudiants en licence, qui ne trouvent pas de place dans les masters de leur discipline.
Côté personnel, les salaires sont trop bas, les recrutements trop faibles et la précarité explose. Combien de jeunes et brillants chercheurs sont contraints de renoncer ? On ne les compte plus ! Le gâchis est immense !
Quand présenterez-vous la loi ambitieuse pour l’enseignement supérieur qu’attendent les professionnels ? Que comptez-vous faire pour les 130 000 enseignants vacataires dans l’enseignement supérieur public, qui sont deux fois plus nombreux que les titulaires et qui viennent de lancer un mouvement ? Quand leur salaire sera-t-il mensualisé, revalorisé et indexé sur l’inflation ? Que comptez-vous faire pour les enseignants du second degré affectés à l’université, véritables oubliés des revalorisations actuelles ? Enfin, qu’attendez-vous du rapport confié à Philippe Gillet sur l’évolution de l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) ? Les personnels des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) sont inquiets d’une possible disparition de leur statut et de leurs organismes.
Mme Emmanuelle Anthoine (LR). « Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche favorise la bonne orientation de tous les étudiants ainsi que l’amélioration des conditions de vie étudiantes. Ce sont des déterminants de la réussite. » Telles sont les premières phrases du projet annuel de performance Vie étudiante pour 2023 de votre ministère. Or, le décalage est réel entre l’ambition proclamée et ce que vivent les étudiants.
En ce qui concerne l’orientation, force est de constater que les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux que soulève Parcoursup. Les enseignants n’ont malheureusement pas le temps d’accompagner leurs élèves comme il le faudrait. Ainsi les lycéens se retrouvent-ils livrés à eux-mêmes et désemparés. Allez-vous enfin consacrer des moyens budgétaires à l’orientation afin de remettre un peu de justice dans l’accès aux parcours universitaires ?
La question du logement étudiant est aussi particulièrement préoccupante. Les places dans les résidences universitaires du Crous sont insuffisantes. Le parc, de surcroît, souffre d’un manque d’entretien et certains étudiants sont contraints de vivre dans des bâtiments délabrés, ce qui est inacceptable. Dans certaines grandes villes, le coût prohibitif des loyers pour les familles empêche des jeunes de poursuivre leurs études.
Les étudiants éprouvent en outre des difficultés pour trouver un logement dans le parc privé, ce que complique encore le calendrier de Parcoursup. Certains étudiants attendent tout l’été, ce qui rend leurs démarches encore plus difficiles en vue de leur nouvelle installation en septembre. Quelles solutions proposez-vous pour remédier à ces difficultés ?
Enfin, les étudiants en situation de précarité sont éligibles au repas à 1 euro dans les restaurants du Crous mais ils ne peuvent pas tous y accéder, certains territoires en étant dépourvus. Qu’entendez-vous faire ?
M. Philippe Berta (Dem). Bien que la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (LPR) ait été nécessaire, puisqu’aucune revalorisation des investissements dans la recherche ne s’était produite pendant des décennies, ce texte n’est qu’un point de départ, un socle à partir duquel bâtir la France de la recherche, donc une vraie relance.
Force est de constater l’incroyable et constant recul de la recherche française en raison de sous-investissements et d’un désintérêt public, à la différence de ce qui se passe au Japon, aux États-Unis ou en l’Allemagne.
De l’économie de la connaissance aux innovations de rupture en passant par les nouvelles formes d’altérité, la recherche et les chercheurs contribuent à l’analyse des enjeux environnementaux, sanitaires, démocratiques et numériques. Il faudra lutter contre les inégalités et la crise climatique, relever les défis de la transition énergétique, de l’agroalimentaire et de l’ère des zoonoses.
Alors qu’elle touche tous les secteurs de notre vie quotidienne, quand la recherche sera-t-elle érigée en une véritable priorité nationale ? Quelle sera la place de la recherche dans les « cent jours » ? Que peut-on espérer afin que notre pays rejoigne le top dix, voire le top cinq mondial de la recherche ? Il faut embarquer tous les acteurs, y compris l’industrie et les entreprises ! L’objectif n’est pas d’atteindre un financement à hauteur de 3 % du PIB mais de se rapprocher des 4 %.
Enfin, dans les années 1980 ou 1990, les futurs chercheurs ont bénéficié de bourses ministérielles de thèse, dites MRT, et de bourses dites de post-doc. Or, celles-ci ne leur permettaient pas de cotiser pour leur retraite. Recrutés à un âge médian de 34 ans et pour un salaire très faible, ils n’ont donc pas cotisé entre trois et huit ans. Quelles solutions envisagez-vous pour eux ?
M. Inaki Echaniz (SOC). Je vous ai envoyé un courrier à propos des conditions de rémunération des 130 000 vacataires, qui représentent plus de la moitié des enseignants du supérieur et qui assurent avec 4 millions d’heures de cours par an près du quart des heures totales de cours. Pourtant, seul 0,6 % des dépenses de l’enseignement supérieur leur est consacré, avec des salaires de moins de 500 euros par mois, pour quelques mois par an seulement pour la plupart d’entre eux. Par exemple, les vacataires sont payés 42,86 euros par heure pour les travaux dirigés (TD) mais une heure de cours nécessite 4,2 heures de travail effectif, selon l’arrêté du 31 juillet 2009. En fait, ils sont payés 10 euros brut de l’heure.
Ces dernières années, votre ministère a de plus en plus recouru à cette main-d’œuvre qualifiée et trop bon marché, comme l’illustre le dernier rapport sur l’état de l’emploi scientifique en France, mettant en évidence une augmentation de 1,4 % de la part des contractuels parmi les enseignants-chercheurs depuis 2014. Pour autant, vous n’avez rien fait pour leur assurer des conditions à la hauteur de leur travail : leurs contrats de travail sont tardifs, leurs salaires insuffisants et parfois versés des mois, voire des années après.
Lors de la discussion de la loi de programmation de la recherche défendue par votre prédécesseur, en 2020, nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer l’absence de solutions sécurisantes pour les vacataires. Dans notre contre-proposition, « Un vrai projet pour la recherche », nous sommes partis du constat que les vacataires, parmi lesquels de jeunes chercheurs ne bénéficiant pas de conditions décentes de financement de leur thèse, effectuaient un grand nombre d’heures d’enseignement et nous avons proposé, d’une part, de faire en sorte que tous les doctorants perçoivent au moins 1,5 fois le Smic par mois et, d’autre part, d’assurer un volume d’heure minimal aux vacataires qui ne peuvent justifier d’une activité rémunérée au-delà des vacations assurées. Si ces deux mesures ne suffisent pas à mettre fin à ce paradoxe de la recherche française qu’est la rémunération de ces chercheurs – sensiblement inférieure à celle de postes équivalents à l’étranger –, elles amélioreraient les conditions d’étude.
Lors du prochain projet de loi de finances, les lignes budgétaires permettant une application de ces deux mesures seront-elles ouvertes afin que l’État paie dignement ces enseignants vacataires et chercheurs ? Comment comptez-vous procéder avec les universités pour faire en sorte que les vacataires perçoivent enfin leur salaire mensuellement ?
Mme Agnès Carel (HOR). La vie étudiante est difficile, quoique les aides ne manquent pas. Comment expliquez-vous cette situation ? Les étudiants sont de plus en plus nombreux dans les files d’attente des distributions alimentaires solidaires, pourtant, les boursiers peuvent bénéficier d’un repas à 1 euro et tous les autres étudiants, à 3,30 euros. Certaines petites villes, cependant, sont dépourvues de restaurant universitaire. Comment pallier un tel manque ?
Vous avez annoncé que 35 000 étudiants supplémentaires bénéficieront d’une bourse dès la rentrée prochaine. Il s’agit d’une première mesure très attendue. De plus, les bourses augmenteront de 37 euros par mois ; 140 000 boursiers, soit 20 %, basculeront à l’échelon supérieur, ce qui représente une augmentation mensuelle de 66 à 127 euros. Quelle communication prévoyez-vous pour mieux faire connaître ces nouvelles mesures ?
Les dépenses liées au logement contraignent les étudiants à avoir un budget très serré. Les villes étudiantes ne sont pas toutes suffisamment dotées en la matière et sans doute faut-il encore faire des efforts.
De plus, le téléphone portable, internet créent de nouvelles charges numériques, fixes, pesant sur le budget de ces jeunes.
Le budget santé est également un pôle de dépense non négligeable : santé physique mais aussi mentale, voire morale. Le suivi – dentaire, gynécologique, ophtalmique, psychique – doit être plus important. Les mutuelles étudiantes remplissent leur fonction et la complémentaire santé solidaire contribue à aider ceux dont le budget est particulièrement limité mais, là encore, la communication ne fait-elle pas défaut ? À l’heure des réseaux sociaux et, parfois, de l’outrance communicationnelle, les mesures qui ont été prises pour les étudiants semblent mal connues. Il en est de même des avantages dont ils peuvent bénéficier dans le domaine de la culture ou du sport. Quelles mesures envisagez-vous afin de rendre toutes ces aides plus accessibles et, surtout, plus lisibles ? Les territoires concernés par la vie étudiante ne devraient-ils pas s’emparer de cette communication ?
Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Vous avez distingué les étudiants boursiers et précaires. Comment accepter que des étudiants vivent dans une grande précarité sans pouvoir bénéficier des bourses ?
La réforme que vous proposez est insuffisante. Si 35 000 étudiants supplémentaires bénéficieront des bourses, il y en a eu 30 000 de moins l’an passé en raison de leur non-indexation du barème sur l’inflation. Les objectifs de la deuxième phase de la concertation sont quant à eux décevants, précisément parce que j’espérais que cette indexation en ferait partie. Or, vous vous limitez à la suppression des effets de seuil. Je m’attendais également à d’autres avancées, dont l’extension du versement des bourses aux mois d’été, sans parler de la question des bourses aux étudiants étrangers, etc.
Depuis six ans, le nombre d’étudiants en licence qui ne peuvent pas poursuivre leurs études en master augmente considérablement. Que proposez-vous pour remédier à une telle situation ?
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je rappelle tout de même qu’un demi-milliard d’euros supplémentaires a été mis sur la table pour les bourses.
Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Les populations les plus fragiles sont les plus touchées par l’inflation, dont les étudiants, alors que la crise sanitaire avait déjà plongé dans une grande précarité un certain nombre d’entre eux. Depuis, la situation s’est fortement dégradée.
La hausse des prix de l’alimentation pousse de nombreux étudiants vers des associations distribuant des aides alimentaires. Les difficultés pour se loger continuent de croître. Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, les loyers sont passés de 671 euros à 706 euros entre l’année universitaire 2021-2022 et l’année en cours, qui plus est pour de très petites surfaces. À cela s’ajoutent la hausse des coûts de l’énergie et la probable augmentation du forfait imagine R en Île-de-France. La situation est donc plus que préoccupante.
Le coût de la vie étudiante a augmenté de 6,47 %, ce qui représente une augmentation des dépenses annuelles de 428 euros, et il y a fort à craindre qu’une simple augmentation des bourses ne suffise pas à la compenser.
Par ailleurs, la crise sanitaire, les confinements et un climat particulièrement anxiogène ont provoqué de réelles souffrances chez les jeunes. En Seine-Saint-Denis, nous n’avons aucun bureau d’aide psychologique universitaire. Nous disposons d’un psychologue à La Courneuve : pour 60 000 étudiants, vous conviendrez que cela est plus qu’insuffisant, d’autant plus que l’Île-de-France est la région la plus estudiantine.
Il est urgent de réformer le système des bourses sur critères sociaux afin que les étudiants puissent bénéficier d’un revenu d’autonomie. Je rappelle que tous ne peuvent pas compter sur l’aide de leurs parents.
Des mesures concrètes pour mieux prendre en charge la santé physique et psychologique des étudiants seront-elles enfin prises à la rentrée de 2023 ?
M. Stéphane Lenormand (LIOT). Je salue les mesures qui seront effectives à la rentrée prochaine. Elles vont dans le bon sens mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt.
La deuxième phase de votre programme, d’évidence, est la plus importante car il importe de revoir de fond en comble le dispositif des bourses, qui doit être plus efficient. Notre groupe compte y apporter sa pierre.
Les étudiants ultramarins font face à des difficultés supplémentaires, notamment en raison de l’éloignement.
Avez-vous prévu un dispositif de suivi de la « génération du confinement », de ces jeunes qui ont commencé leurs études universitaires en pleine période de pandémie, de surcroît après une réforme du bac assez particulière et dans le cadre d’un Parcoursup assez chaotique ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Nos étudiants ont besoin de ces aides et d’un changement de modèle. Un demi-milliard d’euros, ce n’est pas rien ! Réjouissons-nous donc de cette aide supplémentaire et efforçons-nous de la faire connaître !
La communication, le non-recours sont en effet problématiques. Il est toujours très difficile d’atteindre la jeunesse. Cela explique d’ailleurs pour partie que des étudiants précaires ne soient pas boursiers. Nous avons commencé une importante campagne de communication sur les réseaux sociaux. Nous avons réalisé un guide à destination des lycéens afin qu’ils puissent connaître leurs droits en matière sociale. L’été dernier, nous avons édité un guide de rentrée pour les étudiants. Nous travaillons à un envoi massif, par mail et via les réseaux sociaux. Les étudiants pourront y trouver toutes les aides auxquelles ils ont droit. Nous avons fait appel aux territoires pour pouvoir les toucher au plus près mais, en la matière, c’est à nous tous qu’il incombe de le faire. J’ajoute qu’un simulateur en ligne permet aux étudiants de savoir s’ils ont droit ou non aux bourses et à quel niveau. Il faut les inciter à l’utiliser plutôt qu’à se fonder sur la situation d’un proche dont ils estiment, à tort ou à raison, que la situation est comparable à la leur.
Il faut donc accroître la communication afin qu’une partie des étudiants précaires sachent qu’ils peuvent avoir droit aux bourses. Notre modèle est redistributif mais encore faut-il que cela se sache.
Quant aux étudiants qui ne peuvent pas accéder à des bourses, mais sont tout de même précaires, il faut les encourager à se tourner vers les Crous, qui peuvent accorder des aides, ponctuelles en cas de brusque changement de situation, ou annuelles pour les étudiants étrangers par exemple, pendant les deux années durant lesquelles ils constituent un dossier en vue d’obtenir une bourse.
Madame Taillé-Polian, je n’ai pas donné le modèle futur : nous rentrons seulement dans une deuxième phase de construction avec les étudiants. Nous réfléchissons à l’élimination complète de l’effet de seuil par l’instauration d’une fonction continue, mais c’est loin d’être la seule solution. Je reviendrai vers vous en fin d’année universitaire ou au début de l’année prochaine.
Quant aux 30 000 étudiants qui n’ont pas été boursiers l’année dernière, c’est bien en pensant à eux que nous avons ajusté le barème, ce qui n’avait pas été fait depuis longtemps. J’ajoute que les étudiants qui deviennent apprentis cessent aussi d’être boursiers ; ces filières, excellentes pédagogiquement, apportent également un soutien financier et facilitent donc l’accès à l’enseignement supérieur.
Monsieur Lenormand, nous revoyons en profondeur le modèle des bourses. Depuis l’année dernière, les étudiants ultramarins bénéficient de points de charge supplémentaires, en fonction de leur lieu d’origine. Nous ne perdons pas cet aspect de vue.
En ce qui concerne la génération du confinement, nous avons demandé à l’inspection générale une enquête sur un groupe qui a pu pâtir particulièrement du confinement : ceux qui ont reçu un « oui, si » dans Parcoursup, ce qui était une manière de suivre et d’accompagner les étudiants en difficulté. Nous allons continuer à étudier ces situations, comme le font les établissements.
Madame Bourouaha, nous avons décidé d’apporter une réponse forte à l’augmentation du coût de la vie étudiante en revalorisant les bourses – le minimum d’augmentation des bourses dépasse 6 %, certains échelons voient une augmentation de 34 % –, en facilitant l’accès aux repas à 1 euro, en gelant le prix du repas à 3,30 euros ainsi que les loyers des logements Crous. Les droits d’inscription seront également gelés à la rentrée prochaine.
En matière de santé étudiante, nous avons dès cette année créé 80 ETP (équivalents temps plein) de psychologues au niveau des établissements. J’ai augmenté le budget de plus de 8 millions d’euros et transformé les services de santé universitaires en services de santé étudiants, afin que tout étudiant ait le droit d’y accéder. Nous essayons d’embaucher davantage de médecins et d’infirmières, mais aussi de revaloriser leurs salaires. Nous dresserons un premier bilan cette année.
Nous avons également reconduit le « chèque santé psy », qui donne accès à huit séances avec un psychologue sans avance de frais, le coût étant pris en charge par l’université et compensé par l’État. C’est un dispositif parallèle à celui destiné à tous les jeunes, « mon psy », qui donne également accès à huit séances.
Je rappelle que nous avons créé 40 ETP d’assistantes sociales dans les Crous, après les 60 déjà créés les années précédentes. Nous améliorons donc l’accompagnement.
Le logement est un point essentiel. Depuis 2017, nous avons réhabilité 15 000 places dans les Crous, et 4 000 sont en cours de réhabilitation. Il reste 8 700 logements à réhabiliter, soit moins de 5 % du parc, puisqu’un gros travail a déjà été mené dans le mandat précédent. D’ici à 2027, nous espérons avoir achevé ce chantier et disposer ainsi d’un parc Crous en bon état. Il faut pour cela environ 50 millions d’euros par an. Nous sommes en train de construire la trajectoire financière avec le Crous pour atteindre notre objectif.
Il faut aussi des logements supplémentaires. Olivier Klein et moi-même avons confié à Richard Lioger une mission sur le foncier disponible, car c’est là le point de blocage ; le foncier universitaire constructible est en cours de recensement, grâce aux préfets de région et aux recteurs, afin d’identifier des sites où nous pourrions construire de nouvelles résidences. D’ici à la fin de l’année, quinze à vingt opérations doivent être lancées. Un potentiel de 3 500 places a été identifié, mais le travail continue. Nous nous appuyons sur les observatoires territoriaux du logement des étudiants, et nous travaillons avec l’Association des villes universitaires de France (Avuf) et les collectivités territoriales.
S’agissant de la restauration, j’ajoute à ce que j’ai déjà dit que, là où il n’y a pas de Crous et donc pas d’accès à cette restauration, nous identifions de nouveaux sites – 170 étaient déjà agréés à la fin de l’année 2022. Grâce à l’adoption définitive par le Sénat de la proposition de loi de M. Pierre-Antoine Lévi, visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, il est possible d’ouvrir la centrale d’achat des Crous aux acteurs, publics ou privés, pour renforcer l’offre de restauration des étudiants : de cette façon, les coûts d’approvisionnement diminueront, et nous pourrons signer des conventions pour que des écoles, des hôpitaux, des collectivités… donnent accès à leurs sites de restauration aux étudiants là où ceux-ci sont peu nombreux, et où il est donc difficile d’implanter un Crous. Nous sommes en train d’identifier ces partenaires. Le budget pour ces conventions a déjà augmenté d’un tiers en 2023. Cela devrait être en place, au moins en partie, pour la rentrée 2023. L’adoption de cette proposition de loi nous permettra ainsi de faire de nouvelles propositions très concrètes aux étudiants, soit par des conventions, soit directement. Nous espérons publier les décrets avant la rentrée prochaine.
Je rappelle aussi que les étudiants, qu’ils occupent un logement Crous ou un logement privé, ont le droit de demander les aides personnelles au logement (APL). C’est une aide précieuse.
En ce qui concerne l’orientation des lycéens, elle est évidemment cruciale et nous y travaillons avec le ministère de l’Éducation nationale, qui est le premier concerné. Un gros travail reste à faire avec les lycées, les universités et les écoles.
J’en viens à la question des vacataires. Les vacataires « recherche » sont des doctorants ou des post-doctorants : ils ont un statut. La LPR a prévu une augmentation de 30 % du nombre de contrats doctoraux ; nous avons également augmenté le salaire des doctorants. Ils perçoivent aujourd’hui 2 250 euros brut par mois ; ce montant dépassera 2 550 euros en 2025 et continuera d’augmenter jusqu’en 2027.
Quant aux vacataires qui enseignent à l’université, ils doivent disposer d’une activité principale par ailleurs : ces vacations sont destinées principalement à apporter à nos étudiants des compléments de formation grâce à des professionnels en activité ; être vacataire ne peut pas être un métier. Nous devons certainement mieux les encadrer. Nous nous interrogeons sur l’opportunité de signer des contrats lorsque les vacations sont importantes, dix ou quinze heures par semaine, par exemple. Quoi qu’il en soit, les établissements doivent les payer en temps et en heure, comme le prévoit la LPR.
S’agissant des enseignants du secondaire détachés dans le supérieur, ils sont au nombre de 13 000, dont une moitié sont agrégés. Si leur statut diffère de celui des chercheurs et des enseignants-chercheurs, ils sont essentiels à la transmission des connaissances, particulièrement en premier cycle, et contribuent à établir des ponts entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur. Leurs obligations de service sont depuis longtemps inférieures à celles des enseignants du secondaire, puisqu’elles sont de 384 heures par an.
La LPR concernait plutôt les enseignants-chercheurs et les chercheurs dont il fallait remettre au niveau la rémunération en raison de la compétition internationale. Mais je ne peux pas vous laisser dire que nous n’avons rien fait pour les enseignants du secondaire détachés dans le supérieur : des mesures de revalorisation ont été annoncées pour ces enseignants de l’Éducation nationale. Un enseignant affecté dans le supérieur, comme les enseignants du secondaire et les enseignants-chercheurs, bénéficie d’une prime de 1 200 euros par an. Pour les enseignants détachés dans le supérieur, cette prime a atteint 2 300 euros au 1er janvier 2023. Elle devrait être de 3 261 euros dès 2025 – au lieu de 2027 –, car, depuis mon arrivée au ministère, nous avons accéléré la revalorisation en leur faveur. Nous allons continuer à travailler sur leur statut.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je précise que la proposition de loi du sénateur Lévi que vous avez mentionnée avait été examinée par l’Assemblée nationale lors de la législature précédente ; elle a été adoptée conforme au Sénat le 5 avril, et a été promulguée depuis.
Nous en venons aux questions individuelles.
Mme Anne Brugnera (RE). Madame la ministre, vous avez fait de la vie étudiante le cœur de votre mission, et c’est une bonne chose. Afin de mieux comprendre les besoins des étudiants, vous avez lancé des dialogues territoriaux sur tous les sujets de la vie étudiante : le logement, la restauration, la santé, le sport, la culture, le travail, l’engagement… J’ai pu participer en partie à ces dialogues territoriaux. J’en retiens deux sujets principaux : l’engagement étudiant et la notion de rythmes universitaires. Les deux premières préoccupations des étudiants sont la santé et les violences sexuelles et sexistes. Je note aussi que nous devons améliorer la communication – nous le savons tous – et que l’accompagnement par les pairs est très efficace. Ma question porte sur le sujet des rythmes universitaires, qui est peu abordé. Bien sûr, les établissements d’enseignement supérieur sont autonomes. Mais quelles préconisations pouvez-vous formuler pour que les rythmes universitaires soient mieux adaptés aux besoins de nos étudiants ?
Mme Lisette Pollet (RN). Depuis la crise sanitaire, l’État a mis en place de nombreuses mesures d’aide et d’accompagnement pour les étudiants, mais elles ne suffisent pas toujours à répondre aux difficultés rencontrées. Vous avez annoncé une enveloppe de 10 millions d’euros pour l’aide alimentaire des étudiants, et ils vous en remercient.
Vous organisez également depuis l’année dernière des concertations nationales et territoriales afin de réfléchir en profondeur à la question de la vie étudiante et de la précarité étudiante. Quelles sont leurs premières conclusions ? Des solutions concrètes pourront-elles être apportées dès le mois de septembre prochain ?
M. Belkhir Belhaddad (RE). Le logement étudiant est un sujet d’actualité, puisque les familles avaient jusqu’au 30 avril pour formuler leur demande auprès du Crous. Pour prendre l’exemple de Metz, nous comptons environ 24 000 étudiants, 1 625 logements Crous et 11 résidences privées étudiantes. Vous avez évoqué la mission confiée à Richard Lioger. Je salue l’effort de 50 millions d’euros que vous avez annoncé. L’offre demeure toutefois faible si on la ramène au nombre d’étudiants. Souvent, les propriétaires exigent des familles qui se portent caution des garanties diverses – justificatifs de contrat de travail, fiches d’impôts et bulletins de salaire sur plusieurs mois. Vous avez parlé des ambitions du Gouvernement pour augmenter l’offre de logement. Envisagez-vous par ailleurs de signer des conventions avec les bailleurs pour faciliter les démarches administratives des familles, notamment en ce qui concerne le dépôt de garantie ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Il y a quelques semaines, l’Observatoire étudiant des violences sexistes et sexuelles (VSS) publiait les résultats alarmants de son baromètre national 2023, confirmant que les VSS et les LGBTphobies sont systémiques dans l’enseignement supérieur et la recherche. Les répondants font part d’une culture sexiste et LGBTphobe encore très présentes au sein de ces établissements ; six étudiants sur dix déclarent avoir été victimes ou témoins d’au moins une violence sexiste, sexuelle ou LGBTphobe. Le constat est sans appel. Les établissements et le ministère n’agissent pas suffisamment ; trop peu de dispositifs – prévention, formation, veille et écoute, présence de psychologues – sont déployés au sein des établissements. Malgré la hausse du budget annoncé, de 1,7 à 3,5 millions d’euros annuels, le financement par appel à projets crée une concurrence entre les établissements. Allez-vous continuer à fonctionner selon ce mode concurrentiel des appels à projets ? Pensez-vous mettre en place un dispositif généralisé de lutte contre les VSS ?
Mme Frédérique Meunier (LR). Ma question porte sur la hausse de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), dont tous les étudiants doivent s’acquitter. Elle atteindra 100 euros à la rentrée 2023-2024, soit une hausse de 5,2 % ; en l’espace de cinq ans, elle aura augmenté de 11,11 %. Or on sait que l’inflation continue de peser dans le budget des étudiants. Les syndicats étudiants déplorent une taxe qui pèse de plus en plus lourd dans le coût de la rentrée étudiante et ne cessent d’alerter sur la précarité grandissante de la population étudiante. C’est tout le paradoxe de cette taxe, car les sommes collectées financent des projets de vie de campus : elle contribue donc globalement à l’amélioration des conditions de vie et d’études. Pensez-vous qu’il soit possible de réviser le montant avant le début de la collecte ? Cette augmentation est-elle vraiment nécessaire ?
Mme Fabienne Colboc (RE). Merci, madame la ministre, pour toutes les décisions prises pour améliorer les conditions matérielles des étudiants, au service de leur réussite. Vous avez, avec la ministre des Sports, signé une feuille de route conjointe pour accélérer durablement le développement de la pratique sportive étudiante. Il s’agit d’une belle initiative en faveur de la santé physique et mentale ainsi que du bien-être des étudiants. Ce plan vise notamment à renforcer les moyens financiers, la gouvernance et l’évaluation. La composition des conseils des sports pourra également être renforcée, et des référents sport nommés plus systématiquement. Permettre aux étudiants de rejoindre les conseils des sports améliorera leur représentativité, mais quels seront leur rôle et leur poids dans ces conseils ?
Mme Angélique Ranc (RN). La CVEC a franchi la barre des 100 euros. Cette charge financière ne doit pas continuer cette trajectoire de hausse, qui se poursuit année après année indépendamment de l’évolution des ressources des étudiants. Les étudiants ne comprennent pas ce que c’est, ni où l’argent part ; beaucoup ont l’impression qu’on leur fait payer le droit d’étudier et qu’on leur soutire de l’argent au prétexte de les aider. Les apprentis, les stagiaires et les étudiants en césure ou en formations courtes, qui sont amenés à aller très rarement voire pas du tout sur les campus, ne comprennent pas pourquoi ils la payent. Je partage leurs inquiétudes. Pour que cette contribution devienne un véritable outil de promotion de la vie étudiante, son utilisation doit être encadrée au niveau national, et un travail sur la transparence des dépenses effectuées doit être mené. Madame la ministre, au moment même de votre réforme des bourses, estimez-vous logique qu’une aide pour nos étudiants soit indexée sur l’inflation alors qu’ils subissent déjà celle-ci de plein fouet ? Un travail est-il en cours afin de rendre cette taxe plus juste et plus transparente ?
M. Laurent Croizier (Dem). La semaine dernière, j’ai participé à l’inauguration des nouveaux locaux du Secours populaire de ma circonscription. L’association m’indiquait que le nombre d’étudiants qui avaient recours à la distribution alimentaire n’avait jamais été aussi élevé. Vous avez annoncé une enveloppe d’un demi-milliard d’euros pour la revalorisation des bourses étudiantes ; vous avez aussi pérennisé le repas à 1 euro pour tous les étudiants boursiers et tous les étudiants qui se retrouverait en situation de précarité : 720 000 étudiants boursiers sont concernés et 35 000 étudiants supplémentaires deviendront bénéficiaires. Dans un contexte de forte inflation, ces mesures prennent encore plus de sens.
Face à une écœurante campagne de désinformation de la NUPES sur les réseaux sociaux et dans les universités sur le repas à 1 euro, pouvez-vous rappeler que les étudiants non boursiers en situation de précarité peuvent eux aussi accéder à ce tarif ? Pouvez-vous également rappeler quelles sont les démarches à suivre ?
Mme Béatrice Bellamy (HOR). Ma question porte sur la délocalisation des lieux de formation et la création d’antennes dans nos territoires. Nos jeunes sont parfois obligés de s’installer dans les grandes villes pour poursuivre leurs études supérieures. Pourtant, la relocalisation de certains sites permet de garantir un certain niveau de vie aux étudiants grâce à un loyer plus abordable et d’assurer un meilleur lien avec la famille grâce à des trajets réduits ; au total, les frais sont moindres. Les bienfaits de ces établissements de proximité, comme l’antenne universitaire de Nantes à La Roche-sur-Yon, sont nombreux. Quelle est votre politique en la matière ? Ces sites améliorent la qualité de vie de nos étudiants et leur font aimer nos territoires ; de cette façon, ils y restent plus facilement.
M. Quentin Bataillon (RE). Merci, madame la ministre, de vos annonces historiques concernant les bourses.
La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a généralisé les dispositifs reconnaissant l’engagement étudiant – bénévolat associatif, engagement dans la réserve opérationnelle ou dans les corps de sapeurs-pompiers volontaires, missions de service civique ou de volontariat. Chaque établissement reste cependant libre de définir les modalités de validation de l’engagement étudiant, que ce soit par des crédits ECTS – système européen de transfert et d’accumulation de crédits –, des points bonus ou même des unités d’enseignement. Cinq ans après sa mise en œuvre, quel bilan pouvons-nous tirer de ce dispositif ? Comment pourrions-nous l’améliorer afin que les étudiants soient encore davantage incités à s’engager dans les associations ?
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Vous vous félicitez de l’augmentation des bourses étudiantes ; vous annoncez aussi une réforme plus large du système, promise depuis six ans : après une concertation nationale, elle ne serait en place qu’à la rentrée 2024, voire 2025. Mieux vaut tard que jamais, certes, mais le compte n’y est pas. Les estimations de votre ministère font état de 35 000 bénéficiaires supplémentaires cette année, un chiffre qui compense à peine la baisse de l’année précédente. L’augmentation de 1,20 euro par jour est la même pour tous : les plus modestes verront donc leur bourse n’augmenter que de 6,2 %, soit moins que le coût de la vie étudiante sur la dernière année universitaire et moitié moins que le prix des produits alimentaires sur la même période. « Nous discuterons et chiffrerons toutes les propositions, y compris celle d’un revenu étudiant porté par certaines organisations », disiez-vous en septembre 2022. Pourquoi ne pas instaurer une véritable allocation d’autonomie ? Pourquoi ne pas supprimer les frais d’inscription afin que les déclarations d’Emmanuel Macron deviennent réalité ? Pour mémoire, il affirmait le 20 avril que l’enseignement supérieur était gratuit. On en est loin.
Mme la présidente Isabelle Rauch. On dit qu’il y a 35 000 étudiants qui deviendront boursiers ; il faut aussi dire qu’il y en a 60 000 qui ne sortiront pas du dispositif.
M. Alexandre Portier (LR). Certains étudiants travaillent, par choix ou par nécessité. On parle peu du régime spécial d’études, qui facilite la conciliation entre emploi et études. Il est à votre main, puisqu’il est régi par des textes réglementaires. Comment voyez-vous ce dispositif ? Quel bilan en tirez-vous et comment envisagez-vous de le faire évoluer ? Sera-t-il intégré à une réflexion globale, en lien avec les bourses ?
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Les mesures de distanciation physique liées à la crise du covid sont derrière nous ; néanmoins, elles semblent encore largement appliquées. Vous l’avez compris, je pense à l’enseignement en distanciel. Celui-ci peut entraîner une baisse de qualité du service public de l’enseignement supérieur, parce que cette pratique réduit l’université à une plateforme de mise en ligne de contenus intellectuels et déshumanise les campus. Ce sont les élèves les plus fragiles qui risquent d’en payer le prix fort. C’est une solution qui cache de plus en plus mal des manques de postes, de moyens et de locaux. Bref, c’est aussi une mise à distance des problèmes de notre université. Pensez-vous que le recours massif à ce mode d’enseignement constitue une réponse adaptée au mal-être dont nombre de nos étudiants et étudiantes souffrent aujourd’hui ? Comptez-vous prendre des mesures pour encadrer le recours à cette pratique et redonner aux liens humains et directs la place qu’ils méritent ?
Pouvez-vous également répondre sur l’accès aux masters ?
Mme Béatrice Piron (RE). La plateforme « Mon master » est très attendue par les étudiants qui n’auront plus à envoyer un dossier différent pour chacun de leurs vœux. Cependant, l’université Paris-Panthéon-Assas a refusé de se conformer à la règle nationale selon laquelle les candidats ne doivent pas hiérarchiser leurs vœux. Par le recours à un outil interne ou par mail, il leur est demandé de les hiérarchiser. Combien d’écoles publiques ou privées sont-elles encore absentes de la plateforme et quelles sont les évolutions attendues ? Disposons-nous déjà d’informations sur le nombre de dossiers de demandes de masters enregistrés ? Est-il important et des difficultés de traitement sont-elles apparues ? Enfin, qu’est-il prévu pour les étudiants dont tous les vœux seraient rejetés ?
Mme Céline Calvez (RE). Nous parlons beaucoup du bien-être des étudiants. Je suis convaincue qu’il passe par un renforcement de la mixité, notamment au sein des filières scientifiques. Quels sont les effets des différentes mesures prises ces dernières années pour renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes, encourager le mentorat ou sensibiliser les jeunes filles aux filières Stem (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) ? Serait-il possible de prévoir des dispositifs plus contraignants, comme l’instauration de quotas à l’entrée des classes préparatoires ou des écoles d’ingénieurs, pour favoriser la mixité dans l’enseignement supérieur ?
Mme Estelle Folest (Dem). La réforme du dispositif des bourses permettra d’élargir le nombre de bénéficiaires. Le critère du mérite pèse de moins dans moins dans l’attribution des bourses alors qu’il permettrait d’aider les élèves les plus en difficulté socialement et les plus méritants. Avez-vous l’intention de le réintégrer ?
M. Bertrand Sorre (RE). Lors de la crise sanitaire, notre majorité a instauré le repas à 1 euro pour les étudiants, dans les Crous. Cette mesure a permis à de nombreux étudiants frappés par la pandémie de bénéficier de deux repas complets chaque jour. Vous avez dernièrement gelé le tarif de la restauration universitaire à 3,30 euros pour les étudiants non boursiers et à 1 euro pour les boursiers. La pérennisation de ce dispositif représente un véritable soutien pour notre jeunesse. Cependant, certains étudiants n’en profitent toujours pas, en particulier les élèves de BTS (brevet de technicien supérieur), IUT (institut universitaire de technologie), IFSI (institut de formation en soins infirmiers) ou les étudiants boursiers qui ne peuvent se restaurer dans un Crous parce qu’ils sont trop éloignés des grands centres universitaires. Comptez-vous généraliser le dispositif du repas à 1 euro, notamment pour les étudiants en BTS dans les lycées de province, et selon quel calendrier ?
Mme Véronique Riotton (RE). Avec mes collègues savoyards Antoine Armand et Marina Ferrari, j’appelle votre attention sur la situation difficile dans laquelle se trouve l’université Savoie Mont Blanc. La subvention pour charges de service public qu’elle reçoit est inférieure de 9 % à la moyenne des dotations allouées aux universités de son groupe, ce qui emporte des conséquences pour son fonctionnement, la rémunération des personnels dans une zone géographique où le recrutement est difficile, mais aussi pour le développement et les investissements.
Cette université se distingue par la délivrance d’une formation scientifique de qualité, internationalisée. Plus de 10 % de ses effectifs étudient sous le régime de l’alternance. Les taux de réussite en licence, BUT ou master la placent régulièrement parmi les dix meilleurs établissements de France.
Comptez-vous prendre des mesures pour rattraper le retard de dotation ?
Mme Géraldine Bannier (Dem). Les bourses au mérite doivent être maintenues. Ces aides essentielles sont attribuées pour trois ans aux bacheliers boursiers et méritants. Elles peuvent être renouvelées d’année en année si cela est nécessaire. En cas de redoublement, les bourses ne sont maintenues qu’à condition que l’échec s’explique par des raisons médicales, sauf dans le cas d’études médicales ou de classe préparatoire.
Les académies dont le taux d’étudiants boursiers est plus important bénéficient-elles d’un contingent de bourses au mérite plus élevé ?
Mme Violette Spillebout (RE). Le patrimoine de nos universités représente un enjeu important. C’est le lieu où nos jeunes se rendent chaque jour pour étudier, ils font partie de l’image que nous pouvons renvoyer de notre pays à l’étranger et participent de son attractivité. Surtout, ils nous placent face au défi de la rénovation énergétique et de la modernisation. Disposer d’ensembles universitaires performants est la première condition de l’égalité des chances, de la réussite des étudiants et de l’excellence de la recherche. Pourtant, plusieurs universités peinent à obtenir une attention particulière pour des travaux urgents de modernisation. Un tiers du patrimoine de l’université de Lille est très dégradé, voire inutilisable. Des amphithéâtres sont fermés du fait de l’absence de maintenance ou de mise aux normes. Pas moins de 200 millions d’euros seraient nécessaires mais, faute d’en disposer, l’université lilloise a envisagé d’y consacrer les fonds initialement prévus pour la recherche et l’excellence. Quelles mesures comptez-vous prendre en urgence, et pour les dix prochaines années ?
M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Je suis consterné par les dégradations qu’a subies le Crous de Toulouse, le 18 avril dernier. Les deux self-services de l’université Jean-Jaurès ont également été saccagés. Leur pillage est injustifiable. Espérons que les responsables soient retrouvés et qu’ils réparent les dommages qu’ils ont causés car les Crous participent à la lutte contre la précarité étudiante.
Vous avez récemment annoncé des moyens pour renforcer le dispositif des bourses étudiantes. Une réforme systémique devrait suivre pour revoir les critères d’attribution. La base de calcul de cette prestation à N-2 sera-t-elle abandonnée ? Elle pénalise les familles confrontées à des changements soudains de situation.
Prévoirez-vous également de repenser le critère kilométrique, qui ne renseigne pas sur le temps réel du trajet et pénalise les territoires ruraux où le réseau de transports en commun est moins dense ?
Enfin, votre réforme s’inscrira-t-elle dans l’objectif de solidarité à la source qui permettrait d’éviter le non recours aux aides sociales et aux bourses étudiantes ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre. C’est vrai, le modèle des bourses doit être revu. Il tient compte, aujourd’hui, des revenus du foyer fiscal perçus l’année N-2. C’est en revanche le revenu fiscal de référence qui est retenu pour calculer le montant des prestations sociales. Cette différence d’appréciation complexifie le système et les deux années d’écart ne permettent pas de rendre compte de la réalité de la situation. Nous essayons de le simplifier. Mon ministère travaille avec celui de Jean-Christophe Combe pour intégrer le nouveau modèle dans le dispositif de la solidarité à la source, ce qui présenterait plusieurs intérêts : limiter les non recours, renforcer la lisibilité des prestations sociales, améliorer la situation des étudiants. Le calendrier dépend de l’avancement de l’expérimentation de la solidarité à la source. Dans la mesure où nous connaissons les besoins des étudiants, nous progressons en parallèle pour traiter les sujets qui leur sont spécifiques.
S’agissant du patrimoine des établissements, je vous rappelle d’ores et déjà que nous avons augmenté la subvention pour charges de service public de l’université Savoie Mont Blanc en 2022 et que nous sommes attentifs à l’évolution de sa situation. D’autre part, nous avons lancé les premiers contrats d’objectifs, de moyens et de performance, déjà signés par trente-cinq établissements. Le programme devrait être déployé en trois vagues successives d’ici fin 2024. Les fonds débloqués pour cette première vague seront répartis équitablement entre l’ensemble des établissements. L’université de Lille fait partie des premiers établissements signataires. Toutes les questions sont étudiées, qu’il s’agisse du montant des subventions qu’il faut parfois réviser, des projets spécifiques ou de la transition écologique tant au niveau de la formation que du patrimoine.
Parallèlement, nous avons l’objectif de définir un plan plus ambitieux et global de rénovation. Les contrats de plan État-région (CPER), négociés depuis deux ans, sont en cours de finalisation mais nous devrons être vigilants du fait de l’inflation. De nombreux travaux ont été engagés et nous devrons tenir compte, lorsque nous fixerons le calendrier, de la capacité à les mener à leur terme. Si le fonds de roulement des universités n’est pas intégralement affecté à la réalisation de projets, nous pourrons les inciter à consacrer ce qu’il en reste à la rénovation des bâtiments, notamment la rénovation thermique.
Les bourses au mérite sont attribuées aux bacheliers boursiers qui ont obtenu une mention Très bien. Le montant annuel est fixé à 900 euros, versés en neuf mensualités, pendant trois années d’études, sous condition de réussite. Il n’y a pas de contingent et il n’est pas question d’y mettre fin.
S’agissant de la restauration, les IUT étant installés dans les locaux des universités, leurs étudiants bénéficient du repas à 3,30 euros ou 1 euro s’ils sont boursiers, dès lors qu’un service de restauration est proposé. Si ce n’est pas le cas, le système de conventionnement par le réseau des Crous garantit aux étudiants une offre de restauration aux mêmes conditions tarifaires dans des sites délocalisés. En revanche, le problème est différent pour les élèves de BTS ou de classe préparatoire, hébergés dans les lycées. Ils bénéficient des tarifs modérés de restauration proposés par les lycées, sur lesquels nous n’avons pas autorité.
Nous ouvrirons deux nouvelles formations universitaires à Dole en septembre 2023, sous la forme d’un nouveau pôle IUT. Nous souhaitons augmenter le nombre de places en IUT et nous créons de nouvelles formations à Dole, Nantes, Lorient, Béziers, Sarcelles, pour élargir les perspectives des élèves qui, arrivés en troisième année de BUT, ne trouveraient pas de licence professionnelle pour compléter leur formation. Ce sont des territoires où l’offre de formation en premier cycle est insuffisante. C’est pourquoi nous voulons proposer de nouvelles formations professionnelles et ouvrir des places en IUT. Nous travaillons avec les collectivités pour identifier les lieux dans lesquels ces formations pourraient voir le jour. Nous consacrerons environ 30 millions d’euros cette année à l’ouverture de formations en troisième année ou de nouveaux départements au sein des IUT.
Pour ce qui est de l’engagement des étudiants, un cadre national a été fixé, au travers notamment du régime spécial d’études (RSE), afin de prendre en compte l’engagement associatif ou bénévole, l’emploi ou toute autre situation spécifique. C’est un sujet que nous avons confié à la concertation territoriale pour étudier la manière dont les établissements pourraient mieux reconnaître cet engagement et améliorer le RSE. Nous avons engagé une réflexion avec le ministère du Travail pour définir un modèle plus général d’engagement afin d’aider les établissements à aménager les études des étudiants qui seraient également salariés et faciliter les relations avec l’employeur. Nous comptons nous inspirer des contrats d’études ou des contrats d’engagement établis par certains établissements dans le cadre du dispositif « oui, si ». Ce modèle servirait pour tout type d’engagement étudiant.
J’en viens à l’offre de logement et aux conventions passées entre l’État et les propriétaires pour augmenter le nombre de logements étudiants. Mon ministère travaille avec celui d’Olivier Klein, ministre délégué chargé du logement, et celui de Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, mais également avec la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) pour faciliter l’accès au logement étudiant, en particulier grâce au dispositif de la garantie Visale (visa pour le logement et l’emploi) par lequel l’État s’engage à verser au propriétaire les loyers en cas de défaillance de l’étudiant. Les guides dont je vous ai parlé et qui devraient être distribués à la rentrée permettront de mieux informer les étudiants de leurs droits, de mieux les accompagner et d’améliorer la relation avec le bailleur.
Je me suis préoccupée des violences sexuelles et sexistes dès mon arrivée au ministère. Nous avons doublé le budget alloué à la lutte contre ce fléau pour 2023. Nous installons des cellules de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans toutes les académies. Leur professionnalisation permettra d’améliorer l’écoute, la prévention et le suivi des dossiers. Elles sont chargées de dresser, avec chaque établissement, un état des lieux de la situation, d’identifier les difficultés éventuelles et d’accompagner les établissements. Nous avons réduit le nombre d’appels à projets cette année. Le doublement du financement est plutôt ciblé vers la professionnalisation des cellules. Le ministère a lancé une campagne de communication pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes et a engagé le recrutement de professionnels au sein de ces cellules. Dorénavant, les appels à projets seront davantage tournés vers les associations étudiantes que vers les universités elles-mêmes.
S’agissant du sport, mon ministère travaille avec celui des Sports à prendre des mesures pour relancer la pratique sportive des jeunes et des étudiants que la crise sanitaire a rendus beaucoup plus sédentaires. Des conventions ont été signées avec France Universités, la Conférence des grandes écoles et la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs). Bien entendu, nous devons respecter l’autonomie des universités et c’est pour cette raison que je ne saurais être plus précise mais sachez que tout le monde est partant pour se lancer dans cette dynamique : aménager les cursus et les emplois du temps pour faciliter la pratique sportive, qu’elle soit individuelle ou collective. Elle pourrait être valorisée comme l’est l’engagement étudiant, par exemple sous la forme d’unité d’enseignement qui attribuerait des crédits. Nous disposons de plusieurs cordes à notre arc pour développer l’offre sportive, renforcer les moyens de sa gouvernance dans l’enseignement supérieur mais aussi améliorer la représentation des étudiants au sein de ces instances, qu’il s’agisse du Suaps (service universitaire des activités physiques et sportives) ou des commissions qui décident de l’attribution de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) – plus de 50 % des membres de ces commissions sont des étudiants. Rappelons que cette contribution est destinée à favoriser leur accompagnement sanitaire, culturel et sportif. Elle permet, par exemple, d’offrir aux étudiants la possibilité de s’entraîner gratuitement deux ou trois fois par semaine.
La CVEC est indexée sur l’inflation et le ministère ne peut agir sur son niveau. J’ai gelé le loyer des Crous et les frais d’inscription parce que j’étais autorisée à le faire mais l’indexation de la CVEC sur l’inflation étant prévue par la loi, je ne peux pas intervenir. La CVEC a été créée en 2017, au moment où était supprimée la sécurité sociale étudiante. Depuis 2017, les étudiants n’ont plus à acquitter les 217 euros d’affiliation à l’ancien régime étudiant de sécurité sociale, pas plus que les 5 euros de médecine préventive et les 16 euros pour le fonds de solidarité et développement des initiatives étudiantes. Ils doivent simplement régler la CVEC, qui est passée d’environ 80 à 100 euros. Certes, le montant a augmenté sous l’effet de l’inflation mais l’économie réalisée par les étudiants s’élève à environ 136 euros et, depuis 2017, les frais d’inscription à un diplôme national de licence, de master ou de doctorat ont baissé. La CVEC contribue à améliorer la vie étudiante en finançant des activités sportives et culturelles. Les conseils d’administration des établissements et les commissions de redistribution de la CVEC veillent à enrichir régulièrement l’offre proposée aux étudiants. De surcroît, les boursiers et les bénéficiaires des aides du Crous, ponctuelles ou annuelles, sont exonérés du paiement des frais d’inscription et de la CVEC.
Si la situation d’un étudiant se détériore soudainement suite à la perte d’un emploi ou à une rupture familiale, le Crous peut lui verser une aide spécifique ponctuelle et lui accorder le bénéfice des repas à 1 euro, après étude de son dossier par une assistante sociale.
Madame Calvez, nous ne disposons pas d’un vivier féminin suffisamment abondant en Stem pour imposer des quotas à l’entrée en école d’ingénieurs. Nous étudions donc, avec le ministère de l’Éducation nationale, les moyens de renforcer l’attractivité des sciences techniques et mathématiques, de la physique, des sciences de l’ingénieur et de l’informatique auprès de tous les jeunes et en particulier des jeunes filles. Ce n’est pas le concours qui fait peur aux jeunes filles – il n’y a qu’à voir le nombre d’étudiantes en études de médecine ou vétérinaire pour s’en convaincre. En revanche, nous devons leur présenter les intérêts du métier d’ingénieur, les défis que l’on peut relever en choisissant les mathématiques ou l’informatique. Nous réfléchissons à l’instauration de quotas à l’entrée de certaines classes préparatoires mais il faut prendre en compte la différence de niveau entre la classe prépa, après le bac, et l’intégration en classe d’ingénieur.
Quant aux masters, tous les diplômes nationaux, privés ou publics, sont proposés sur la plateforme « Mon Master ». Seule l’université Paris-Panthéon-Assas a souhaité hiérarchiser les vœux de ses candidats. Nous lui avons rappelé les risques juridiques qu’emportait une telle initiative puisque la hiérarchisation a lieu sur son propre site et non sur celui la plateforme nationale des masters. Tous les autres établissements ont joué le jeu. L’offre, pour le moment, est supérieure à la demande et la plateforme devrait permettre de satisfaire les demandes des candidats. De toute manière, nous dresserons le bilan de ce dispositif et nous verrons s’il a permis d’éviter que des filières en tension, qui ont refusé des étudiants, se retrouvent à la rentrée avec des amphithéâtres vides parce que certains étudiants, acceptés ailleurs, n’en avaient pas informé l’université. La plateforme devrait améliorer la distribution des places et l’orientation des étudiants.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je vous remercie.
La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, Mme Soumya Bourouaha, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Philippe Fait, Mme Estelle Folest, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Jérôme Legavre, M. Stéphane Lenormand, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, M. Maxime Minot, M. Julien Odoul, Mme Isabelle Périgault, M. Stéphane Peu, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Angélique Ranc, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé‑Polian, M. Boris Vallaud, M. Léo Walter
Excusés. – Mme Aurore Bergé, Mme Martine Froger, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, M. Emmanuel Pellerin