Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Audition de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, sur la vie associative 2
– Présences en réunion..............................22
Mercredi
28 juin 2023
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 54
session ordinaire de 2022-2023
Présidence de
Mme Isabelle Rauch,
Présidente
— 1 —
La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
(Mme Isabelle Rauch, Présidente)
La commission auditionne Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, sur la vie associative.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative. En votre nom à tous, je lui souhaite la bienvenue dans notre commission.
Pour des raisons de calendrier nous n’avions pas eu l’occasion de vous entendre, madame la secrétaire d’État, depuis le début de cette législature, il y a maintenant un an. Or les associations, nous le constatons chaque semaine dans nos circonscriptions, sont un pilier majeur du tissu social et de la vie économique de notre nation. Quelques chiffres suffisent à en prendre la mesure : 1,5 million d’associations, 21 millions d’adhérents, 13 millions de bénévoles, 1,8 million de salariés.
Les enjeux et les problématiques de la vie associative sont nombreux. À cet égard, la table ronde qui a eu lieu en mars avec des représentants du mouvement associatif, de France Bénévolat et du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep), nous a permis de mieux les appréhender. Je me réjouis donc de cette rencontre avec vous, madame la secrétaire d’État : elle nous permettra d’approfondir notre réflexion.
Avant de donner la parole aux commissaires je souhaiterais vous poser quelques questions.
Les chiffres clés de la vie associative en 2023 ont confirmé la diminution du bénévolat – phénomène enclenché au début des années 2010, et qui concerne toutes les générations. Le nombre de bénévoles est passé de 15 millions en 2021 à 13 millions début 2023. Cette crise du bénévolat se manifeste aussi par une diminution des dons effectués aux associations : s’ils repartent à la hausse depuis 2019, le nombre de foyers fiscaux ayant déclaré au moins un don est passé de 5,5 millions en 2013 à 4,8 millions en 2021.
Ces évolutions fragilisent de nombreuses associations. Comment percevez-vous la crise du bénévolat et comment entendez-vous y répondre ? Plusieurs personnes ont proposé de revaloriser la dotation du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) : dans son avis budgétaire, notre collègue Claudia Rouaux envisage notamment de porter les crédits du FDVA à 100 millions d’euros. Que pensez-vous de cette proposition ?
Enfin, pouvons-nous faire un point d’étape sur les assises de la simplification associative, lancées en début d’année ? Nombreuses sont les associations qui attendent un véritable choc de simplification leur permettant de dégager davantage de temps pour l’exercice de leur mission. Vous aviez notamment évoqué la création d’un guichet unique de l’État pour les demandes de subvention : ce projet est-il toujours à l’ordre du jour ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative. Je suis très heureuse d’échanger avec vous sur les questions touchant à la vie associative. En France, une association est créée toutes les sept minutes – c’est énorme –, un Français sur trois est bénévole, 20 millions de Françaises et de Français s’engagent et défendent des causes qui leur tiennent à cœur. Je n’apprendrai pas aux parlementaires que vous êtes le rôle irremplaçable que jouent les associations dans l’apprentissage de la vie démocratique : de par leur culture du dialogue et du compromis, elles sont une école de la citoyenneté.
J’évoquerai l’action de mon secrétariat d’État après une première année de fonction, ainsi que les conclusions de la consultation sur les assises de la simplification associative, lancée en décembre 2022. Beaucoup de choses ont été faites en une année, s’agissant notamment de la formation des bénévoles mais aussi de la reconnaissance de leur engagement – demande de beaucoup d’entre vous. Ainsi, le 17 octobre dernier, à Alençon, j’ai engagé le tour de France du bénévolat, en lien avec les élus locaux. L’opération a consisté en l’organisation d’ateliers d’idéation, afin de recueillir la parole des bénévoles sur leurs bonnes pratiques, ainsi que sur les obstacles du quotidien et sur les freins au développement des associations, l’objectif étant de trouver ensemble les moyens de les lever. Nous avons également procédé à des remises de médailles d’un genre nouveau, visant à récompenser des bénévoles et non – comme c’est habituellement le cas – les dirigeants associatifs, afin de valoriser l’engagement exemplaire des petites mains au service de l’intérêt collectif.
Dès le début du quinquennat, à l’occasion du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, ma collègue Carole Grandjean et moi-même avons souhaité porter une attention particulière aux bénévoles, dans le cadre de la réforme de la validation des acquis de l’expérience (VAE). Beaucoup d’entre vous l’avaient souligné, la VAE s’apparentait auparavant à un parcours du combattant. Pourtant, le fait de se mobiliser pour l’intérêt général permet d’acquérir des compétences inestimables. La VAE constitue une opportunité importante pour transformer son engagement en certification ou en diplôme : nous avons souhaité la rendre plus accessible et plus lisible.
Je vous l’annonce, nous allons présenter, dans les jours à venir, la plateforme dédiée à la VAE bénévoles, pour mieux accompagner les bénévoles désireux de transformer leur expérience en diplôme : l’objectif est qu’environ un tiers des 100 000 VAE annuelles provienne du secteur associatif. Dans le cadre de la formation tout au long de la vie, le compte d’engagement citoyen permettant de transformer son engagement associatif en crédit sur son compte personnel de formation (CPF) a été renforcé – par exemple, en lien avec le ministère de l’Intérieur, il a été ouvert aux sapeurs-pompiers volontaires.
L’effort sur le FDVA a également été poursuivi, plus particulièrement sur le volet formation. J’en profite pour adresser mes remerciements officiels à celles et à ceux d’entre vous qui siègent dans les collèges départementaux du FDVA : ils contribuent à orienter la stratégie de soutien à la vie associative départementale. Vous avez soutenu 80 % de petites associations, comportant en grande majorité des bénévoles, et permis la formation de 340 000 bénévoles, principalement dans des associations ne faisant pas partie de grands réseaux associatifs.
Cette organisation connaît un grand succès, notamment grâce à la participation parlementaire ; les bénévoles sont très en demande et les réseaux associatifs s’investissent fortement pour permettre de multiplier les offres de formation accessibles en distanciel. Je suis à votre disposition quant aux éventuels dysfonctionnements du FDVA et à l’évolution du dispositif et de l’organisation. Je veux également dire ma reconnaissance au mouvement associatif, qui déploie des plateformes recensant les formations disponibles. La formation est en effet primordiale : elle permet de reconnaître l’engagement et de fidéliser les bénévoles, en simplifiant leur quotidien. Nous allons continuer à travailler dans cette voie.
Lors de toutes les étapes du tour de France du bénévolat que nous avons mené, les acteurs associatifs ont indiqué vouloir se concentrer sur leur cœur de métier et passer moins de temps à remplir des papiers. Depuis un an, nous avons donc souhaité accélérer l’accompagnement et le soutien à la gouvernance associative, afin de lever la charge administrative, parfois superflue, qui pèse sur les associations : l’objectif est de libérer du temps administratif pour gagner du temps associatif. Nous avons ainsi mené une consultation d’une durée d’un mois, en décembre dernier, et pris un mois supplémentaire pour en analyser les résultats, à l’aide de la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA). Je remercie à cet égard l’ensemble des têtes de réseaux et des associations qui ont pris part à cette consultation : nous avons eu 15 000 remontées, ce qui est loin d’être négligeable. Chacun s’est emparé de la possibilité de modifier et d’améliorer les dispositifs, les résultats étant précieux, tant en termes d’expertise et de précision que d’inventivité. Je remercie aussi les parlementaires qui ont contribué à ces travaux, notamment en auditionnant les différents acteurs.
Au final, les assises de la simplification associative se traduisent en réponses à des besoins concrets, classées en quatre familles de mesures : simplification, reconnaissance, engagement et accompagnement, et ces mesures correspondent elles-mêmes à différentes solutions – outils, circulaires, dispositions réglementaires, budgétaires ou législatives.
Je livrerai quelques exemples en matière de simplification. Un premier constat s’est imposé : de nombreuses démarches quotidiennes requièrent trop de renseignements, difficiles et compliqués à trouver. Nous souhaitons accompagner la montée en puissance du dispositif existant – Mon Compte Asso – et le rendre plus opérant, en en facilitant l’interface et en donnant accès à des informations sur l’accompagnement, sur les évolutions législatives ou en répertoriant les différents dispositifs d’aide aux associations, pour que tout le monde ait le même niveau d’information. L’objectif est d’en faire un guichet unique de la vie associative, selon la logique, développée par ailleurs, du Dites-le nous une fois.
Dans le même temps, nous travaillons sur la simplification des formulaires, en vue de produire un document unique de demande de soutien pour les associations. À cet égard, la pluriannualité – grâce aux conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) – doit devenir la règle, avec des critères d’évaluation précis tout au long du projet. Les associations et les bénévoles nous ont en effet fait part, à de multiples reprises, de leur manque de visibilité, dans l’attente de décisions ponctuelles ou annuelles. Il faut changer notre mode de fonctionnement et bâtir une relation de confiance avec le secteur associatif dans les territoires, pour encourager la conduite de projets de plus grande ampleur et favoriser, in fine, la liberté associative.
C’est la raison pour laquelle il nous faut promouvoir les alliances territoriales, au service de l’intérêt général. Les acteurs n’étant pas régis par le même régime juridique doivent pouvoir s’associer et conduire ensemble des projets au service d’un bassin de vie. Il nous faut donc développer un cadre légal adéquat, permettant de créer des ponts entre l’ensemble des acteurs associatifs – acteurs privés ou publics, mais aussi collectivités.
Promouvoir l’engagement, c’est aussi faciliter l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie associative. Mon collègue Stanislas Guerini et moi-même travaillons à préciser le droit existant, s’agissant du mécénat de compétences : nous l’avons développé récemment et Mme la Première ministre l’a soutenu au niveau interministériel, pour l’ensemble du secteur de la fonction publique. Une clarification juridique est nécessaire, afin que le tissu des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) puisse y recourir. Au-delà de l’action interministérielle, il nous faut accroître la notoriété des dispositifs existants, à l’instar du congé d’engagement, encore trop peu utilisé. La vie professionnelle ne doit plus être un frein à la vie associative : les deux doivent s’enrichir et se compléter.
Concernant le volet accompagnement, j’ai déjà évoqué les travaux en cours sur le dispositif Mon Compte Asso : plusieurs actions sont à l’œuvre pour assurer un soutien de proximité et pour s’adapter aux réalités des besoins des associations. Ce dispositif est très apprécié par l’ensemble des acteurs du bénévolat : il concerne désormais dix régions – contre trois initialement –, afin de toucher le plus grand nombre de territoires possible. Je remercie encore une fois le mouvement associatif, qui accélère son déploiement dans chaque département. Cette coopération avec les acteurs de terrain est essentielle : nous en mesurons les effets concrets au quotidien. Le déploiement total, dans l’ensemble du territoire, pourra se faire à l’horizon 2025.
Je veux également poursuivre la démarche partenariale entre Mon Guide Asso et les maisons France services. Nous avons en effet observé des disparités dans l’implication de ces dernières en matière d’accompagnement des associations. Leur maillage territorial me semble cependant être une bonne porte d’entrée pour orienter ensuite vers des secteurs dits plus classiques de l’accompagnement ; c’est ce que nous allons nous efforcer de réaliser.
Enfin, madame la présidente, la question du FDVA est en discussion, notamment avec mon collègue Gabriel Attal. Nous soutenons l’augmentation des moyens affectés à ce fonds, que les entreprises peuvent également alimenter : il ne faut pas hésiter à les solliciter. Nous devons poursuivre les efforts ensemble, tant sur le secteur associatif – qui apporte souvent des réponses dans les territoires –, que sur les besoins collectifs qui émergent. Partout, des citoyens s’organisent pour créer des crèches, des services aux plus vulnérables ou des lieux collectifs permettant l’accès à la culture ou au sport.
En conclusion, l’associatif n’est pas que du bénévolat, c’est aussi un modèle économique différent, tant dans la gestion de ses profits que dans l’implication des parties prenantes autour d’une gouvernance pleinement démocratique. Nous sommes mobilisés, ensemble, pour travailler sur cette question. Je veux souligner à cet égard le travail de M. le député Quentin Bataillon pour apporter une traduction législative à la simplification administrative des associations, que nous appelons de nos vœux. Je suis à vos côtés et aux côtés des acteurs incontournables du lien social, de la solidarité et de la démocratie au quotidien, qui rayonnent dans les territoires.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Quentin Bataillon (RE). Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous remercier d’avoir inscrit la vie associative sur la feuille de route du Gouvernement dès le début de la législature. La grande consultation que vous venez de nous présenter permet une connexion directe à la réalité du terrain, en complémentarité parfaite avec le travail réalisé par les différentes têtes de réseau.
En tant que député de la Loire, je sais ce que nous devons aux milliers de bénévoles qui font vivre nos associations – à Saint-Étienne, à Saint-Genest-Lerpt, à Villars, à Saint-Priest-en-Jarez, à Roche-la-Molière ou encore à Saint-Jean-Bonnefonds. Elles sont près d’un millier à faire vivre le sport, la culture, la citoyenneté, la solidarité. Personne – ni l’État, ni les collectivités territoriales et encore moins des entreprises privées – ne peuvent les suppléer. Elles seules permettent au plus grand nombre de nos concitoyens d’accéder à des biens, à des connaissances ou à des activités en commun et à des coûts réduits, de s’élever et de déjouer des déterminismes sociaux. Elles contribuent à établir ce lien social dont notre société a tant besoin, en confiance et en proximité.
Vous l’avez dit, depuis plusieurs mois les trois groupes parlementaires de la majorité ont entamé, à vos côtés, des travaux destinés à accompagner le processus que vous venez de présenter, d’un point de vue législatif. Ils visent à compléter les différents points que vous avez soulevés, afin de favoriser l’engagement associatif et de simplifier la vie de nos associations. Ils permettront notamment une meilleure alliance entre la vie professionnelle et l’engagement associatif, notamment à travers la formation ou les congés d’engagement. Quel que soit l’avis de chacun sur la réforme des retraites, notons d’ailleurs que, pour la première fois, y figure l’obligation pour l’État de mener une réflexion sur la valorisation de l’engagement associatif dans le calcul des droits à la retraite.
En complément à la politique très forte en matière de mécénat fiscal, nous aurons également une politique en matière de mécénat de compétences, soit la mise à disposition d’employés pour les associations. Je n’ai pas peur de dire que notre politique fiscale sera volontariste : nous travaillerons avec le Gouvernement afin d’obtenir la suppression de la taxe d’habitation pour les associations, car ce prélèvement est injuste pour un certain nombre d’entre elles. Vous l’avez compris, nous serons à vos côtés, madame la secrétaire d’État, pour amplifier et complémenter l’ensemble de vos travaux. Nous vous remercions pour votre présentation.
M. Julien Odoul (RN). Madame la secrétaire d’État, lorsque vous étiez ministre déléguée chargée de la citoyenneté, vous avez mis en place, en 2020, une charte de la laïcité, obligatoire pour toutes les associations recevant des financements publics. Sans jamais vraiment nommer l’entrisme islamiste qui gangrène le milieu associatif dans certains quartiers, vous avez, dans la loi « séparatisme », étendu cette charte aux associations sportives et relevant de la politique de la ville. Trois ans plus tard, l’heure est au bilan : il n’est pas reluisant.
Il y a quelques jours vous avez sans doute été, comme nous, choquée par la décision du rapporteur public du Conseil d’État concernant les revendications de militantes islamistes pour le port du hijab dans les compétitions sportives. C’est un fait, les structures sportives, associatives ou culturelles qui font la promotion du hijab et qui profitent d’un flou juridique se multiplient dans notre pays. Elles semblent largement outrepasser la charte de la laïcité, qui n’est en rien un rempart. Plus largement, l’augmentation du nombre d’associations culturelles de type communautaire est à déplorer – des clubs de sport devenant des officines palestiniennes, des drapeaux communautaires qui se multiplient, des cours réservés aux femmes : la charte de la laïcité semble avoir du mal, hélas, à les contrecarrer.
En 2020 vous avez pointé, à juste titre, la ségrégation entre filles et garçons, mais que dire de l’antisémitisme dans certaines structures associatives ? Que dire du racisme – de tous les racismes, y compris du racisme anti-Blanc ? Face à ces dérives alarmantes, il est clair qu’une charte ne fera reculer en rien l’entrisme islamiste. Dès lors je m’interroge sur la pertinence de la mise en place de ce dispositif pour des associations déjà marginalisées et en rupture avec la République. Quel bilan faites-vous, madame la secrétaire d’État ? Quels ont été les effets réels et concrets de cette charte de la laïcité ? Combien d’associations ont été dissoutes ? Combien sont revenues dans le droit chemin républicain ? Combien de subventions ont été coupées ? Merci pour vos réponses.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Madame la secrétaire d’État, vous vous présentez devant nous dans un contexte marqué par votre récente audition devant la commission d’enquête du Sénat sur le fonds Marianne. À son issue, le rapporteur Husson a déclaré à votre sujet : « Elle ne m’a pas convaincu. Elle s’est mise en porte-à-faux à bien des égards, elle n’a cessé de se défausser. Notre rapport conclura qu’elle ne dit pas la vérité. La justice fera son travail derrière. » En dépit de ce contexte et en l’absence du crédit que nous pouvons accorder à votre parole, vous êtes aujourd’hui face à nous. Dont acte.
Je vous poserai donc, au prisme de ce qu’il convient d’appeler l’affaire Schiappa, deux questions relatives au thème de votre audition. La première concerne le financement des associations. L’affaire Schiappa révèle une pratique discrétionnaire et opaque, un favoritisme structurel mis en œuvre par votre cabinet dans l’attribution des subsides du fonds Marianne. Selon plusieurs enquêtes de presse, votre cabinet a directement participé à la sélection des bénéficiaires de ce fonds ; vous seriez vous-même intervenue pour écarter une association – SOS Racisme. À la lumière de ces pratiques, je souhaite connaître votre conception du mode et des procédures de financement du monde associatif.
Ma seconde question porte sur votre vision de la place et du rôle des associations dans notre vie démocratique. L’affaire Schiappa révèle une forme d’instrumentalisation de certaines associations par le pouvoir macroniste, à des fins politiques. Ainsi, l’association Reconstruire le commun a-t-elle manifestement été créée et financée pour mener une campagne de dénigrement contre vos adversaires politiques – notamment contre Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon –, en pleine période électorale. Cette pratique, consistant à financer avec de l’argent public des officines de propagande macroniste, rappelle le syndicat fictif Avenir lycéen, largement arrosé par Jean-Michel Blanquer : deux de ses dirigeants seront présentés demain devant la justice. Au regard de ces révélations, pouvez-vous nous indiquer comment la secrétaire d’État à la vie associative que vous êtes devenue conçoit le rôle et la place des associations dans notre vie démocratique ? Madame la secrétaire d’État, je sais que vous pratiquez la diversion et la confusion par omission : j’espère que vous répondrez clairement et précisément à mes questions.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Le Sénat, qui a son agenda propre, n’a pas rendu ses conclusions. Les propos que vous tenez, en prétendant que la parole de Mme la secrétaire d’État n’est pas crédible et en vous prévalant des travaux du Sénat, avec lesquels nous n’avons pas à interférer, sont malvenus dans notre enceinte. Faisons-nous notre opinion ici, à l’occasion de cette audition sur la vie associative.
M. Maxime Minot (LR). Le milieu associatif français – en particulier le milieu sportif, dans certains territoires spécifiques – est de plus en plus souvent la cible de l’intégrisme religieux, principalement l’islamisme intégriste. Les renseignements intérieurs dénombrent, sur 2 450 lieux de culte musulmans, une centaine de mosquées dites salafistes. Leurs activités sont cependant difficilement quantifiables, tant elles se développent sur internet et sur les réseaux sociaux. En France, les adeptes sont plutôt de jeunes hommes, âgés de 18 à 30 ans, mais aussi des quinquagénaires et des sexagénaires qui étaient à l’ancrage de cette mouvance, dans les années 1990.
Outre internet, ces prédicateurs utilisent leurs associations sportives pour capter un auditoire jeune, notamment dans les salles de sport – lieux de rassemblement d’une certaine jeunesse. Ils transmettent ainsi leur idéologie, conduisant souvent à une radicalisation de ces jeunes. Le milieu sportif est régulièrement pointé du doigt par des rapports ou par des notes des renseignements généraux qui alertent sur les dérives communautaires ou sur la radicalisation dans le milieu des associations sportives.
Depuis longtemps, le groupe Les Républicains se fait le relais des alertes de nombreux éducateurs sportifs, témoins, dans leurs associations ou dans leurs salles de sport, des dérives communautaires, notamment des prières dans les vestiaires ou des pressions sur les tenues vestimentaires des jeunes femmes licenciées. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour préserver nos associations en général – sportives en particulier – de ce prosélytisme religieux, sur lequel nous alertons le Gouvernement depuis bien trop longtemps ?
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le monde associatif est en crise, une crise profonde, alimentée depuis plusieurs années par un sentiment de défiance croissant envers les associations et leurs bénévoles. En tant que coprésidente du groupe d’études sur l’éducation populaire, j’ai pu mesurer, tout au long de mes auditions, l’inquiétude des acteurs associatifs. Ils dénoncent un flou autour de leur avenir, en l’absence de cap du Gouvernement, qui préfère se concentrer sur un service national universel (SNU) coûteux et dénué d’objectifs clairs.
Depuis 2017, les réformes menées par les gouvernements successifs n’ont fait que fragiliser les associations sur le plan financier. L’insuffisance criante du FDVA, puis la suppression, en 2018, de la réserve parlementaire, n’ont eu pour effet que d’éroder des finances déjà exsangues depuis la crise sanitaire. Justement, au plus fort de la crise, alors que les associations demandaient des moyens supplémentaires et des démarches administratives facilitées, le Gouvernement préférait les contraindre davantage, au moyen du contrat d’engagement républicain. Pire encore, ce contrat a fait entrer dans le monde associatif une ère de suspicion généralisée. Il est aujourd’hui largement dévoyé, ce qui ouvre la porte à une mise en danger sans précédent de la liberté d’association.
Deux ans après l’entrée en vigueur du contrat d’engagement républicain – ô combien décrié –, quel bilan pouvez-vous donc en dresser ? Comptez-vous réévaluer ce contrat, au vu de la crise de confiance majeure dont il est l’objet depuis près de deux ans ? Dans ce contexte, comment comptez-vous agir pour redynamiser le monde associatif et rétablir un lien de confiance brisé ? Nous pays est fort d’un tissu associatif dense, qui favorise l’émancipation et le vivre ensemble. Son rôle est essentiel face à l’offensive de repli de l’extrême droite. Madame la secrétaire d’État, il est de votre responsabilité de soutenir le tissu associatif.
Mme Béatrice Bellamy (HOR). Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de prendre part aux travaux de notre commission aujourd’hui. Cela nous permet d’aborder ensemble la vie qui maille nos territoires, celle qui existe grâce aux milliers de bénévoles, celle qui fait émerger une véritable identité pour la collectivité : je veux bien entendu parler de la vie associative.
Depuis un an, comme d’autres de mes collègues, j’ai été honorée de participer à la gouvernance du FDVA, au niveau du département de la Vendée. Durant ces derniers mois nous nous sommes donc rencontrées à plusieurs reprises, tout cela en lien avec les services de la préfecture dont je salue le remarquable travail. Cependant, force est de constater que deux points constituent des freins au déploiement du FDVA.
Le premier est la lourdeur de la procédure administrative : la mise en place d’un dossier et son traitement, avec les moyens humains que cela suppose, demandent parfois – voire souvent – des efforts inutiles. Si les associations les plus importantes, comme les comités départementaux, disposent en pratique de davantage de moyens – donc de temps – pour présenter un dossier, tel n’est pas toujours le cas des petites associations.
Le second point est celui du périmètre d’action du FDVA : les associations, qui donnent une âme à nos cérémonies et à nos compétitions sportives, ne disposent pas des mêmes moyens et ne bénéficient pas du ruissellement auquel elles peuvent prétendre au sein du territoire. Je regrette sincèrement qu’elles ne soient pas davantage soutenues dans leur vie quotidienne, avec des achats de matériel – de drapeaux, par exemple. Quelles mesures envisagez-vous de soutenir pour simplifier ces démarches, hormis les réunions publiques ? Comment ce fonds pourrait-il bénéficier à un plus grand nombre d’associations ? Enfin, le FDVA est souvent méconnu – je m’en aperçois lors de mes déplacements : comment mettre en avant ce bel outil, pour que les élus et les bénévoles aient le réflexe de le solliciter ?
Mme Sophie Mette (Dem). Les députés du groupe Démocrate vous rejoignent, madame la secrétaire d’État, dans votre volonté de simplification de la vie associative. Il faut permettre aux 22 millions de Françaises et de Français qui donnent du temps pour les autres, ou pour contribuer à une cause, d’être enfin reconnus et remerciés pour leur bénévolat. Pas moins de 1,3 million d’associations sont aujourd’hui actives sur notre territoire : elles continuent de faire vivre le lien social détérioré lors de la pandémie de covid 19.
Des voix du milieu associatif se sont fait entendre dans l’avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) publié en juin de l’année dernière. Il a été souligné que le taux d’évolution globale des subventions publiques était en diminution de presque 10 % sur la période 2011-2017, alors que le même indicateur avait augmenté de 8 % sur la même période, s’agissant des commandes publiques. Ce recours croissant au dispositif de la commande publique pénalise les petites et moyennes associations, très ancrées dans le tissu local, avec une présence importante – voire quasi exclusive – de bénévoles.
Malheureusement, la tendance est à la concentration des grandes associations – de moins en moins nombreuses, mais de plus grande taille –, qui captent l’essentiel des financements publics, tandis que, de l’autre côté, se développe un secteur de micro-associations. Qu’en est-il de la répartition équitable des financements publics au sein du milieu associatif ? Comment inclure une telle disposition dans un projet de loi ? De fait, ce sont les petites associations qui font vivre nos villages et nos zones rurales. Il faut les épauler pour qu’elles puissent mener les projets pour lesquels elles se sont engagées, et non les réduire à chasser des fonds de trésorerie.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’érosion du bénévolat n’est pas nouvelle : à l’œuvre depuis le début des années 2010, elle s’est aggravée avec la pandémie, la part de la population impliquée dans une association étant passée de 24 % en 2019 à 20 % en 2022. Les 35-49 ans et les plus de 65 ans sont les plus concernés par le recul de l’engagement bénévole. Alors que les retraités sont la colonne vertébrale du réseau associatif français – plus d’un bénévole sur trois est à la retraite –, je suis inquiet des effets à venir de la réforme des retraites : le report de l’âge de départ à 64 ans devrait dissuader nombre de personnes de s’engager une fois arrivées à la retraite. Plusieurs responsables d’associations vous ont d’ailleurs interpellée sur ce sujet.
Les différences sont générationnelles mais aussi territoriales. Si le développement du tissu associatif local est primordial dans tout le pays, il est l’est peut-être plus encore dans les territoires éloignés des services publics – particulièrement dans nos campagnes –, où le réseau associatif permet de pallier le désengagement de l’État. Je voudrais cependant souligner que l’engagement au sein d’associations environnementales luttant contre le réchauffement climatique résiste globalement, ces associations recrutant particulièrement chez les 15-35 ans.
Face à l’érosion à l’œuvre dans le monde associatif, quelles sont vos propositions pour encourager le bénévolat – autres que la contrainte, comme vous tentez de l’imposer avec le RSA et le SNU ?
Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Il y a cinq mois vous lanciez une consultation auprès des associations afin d’identifier les mesures à prendre pour leur faciliter la vie administrativement. Parmi leurs demandes se trouvent la création d’un guichet unique permettant de centraliser les demandes de subventions, un accès à des services numériques simple et intuitif et un accompagnement renforcé dans la gouvernance et la formation des bénévoles. Pouvez-vous nous indiquer quelles dispositions vous entendez prendre pour répondre concrètement à leurs demandes, en particulier concernant l’accompagnement administratif et la formation des bénévoles ?
Ma seconde question concerne le contrat d’engagement républicain. Créé sous le précédent mandat, il instaure une sorte de présomption de culpabilité à l’encontre des associations, sommées de signer un contrat pour toucher des subventions. Le bilan qu’en tire le mouvement associatif est plus que mitigé : des abus ont été constatés, comme dans le cas d’Alternatiba Poitiers, dont la subvention est menacée parce qu’elle organisait un atelier sur la désobéissance civile. Cela s’inscrit dans le contexte que nous connaissons, avec la dissolution des Soulèvements de la terre – quoi que nous pensions de leur mode d’action –, qui est très préoccupante pour la liberté associative. Nous vous demandons d’abroger ce contrat et de revenir à la charte d’engagements réciproques, pour un partenariat renouvelé entre toutes les parties prenantes mais sur des bases beaucoup plus respectueuses des apports du mouvement associatif dans notre pays.
M. Stéphane Lenormand (LIOT). Je souhaite tout d’abord revenir sur la suppression de la réserve parlementaire. Le dispositif qui l’a remplacée n’est ni plus vertueux ni plus limpide, et certainement moins intéressant pour les associations. Que pensez-vous des effets de sa suppression de ce point de vue, alors que la réserve parlementaire constituait un lien entre l’élu, sa circonscription et la vie associative ? Un texte transpartisan visant à rétablir la réserve parlementaire a été déposé par une centaine de députés. Favoriserez-vous l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?
Par ailleurs, le tissu associatif est particulièrement important en outre-mer du fait de ses particularités. Qu’il s’agisse de la Polynésie, qui est un territoire grand comme l’Europe, ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est un confetti dans l’océan Atlantique, la vie des associations est souvent compliquée par les difficultés liées au déplacement. Comment appréhendez-vous les spécificités de l’outre-mer ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Les assises de la simplification associative nous ont permis de débusquer un certain nombre de lois assez ubuesques, qu’il convient d’actualiser afin de libérer du temps pour les associations. Cela améliorera également l’attractivité associative, nombre de bénévoles étant découragés par le temps consacré à remplir des documents, isolés dans un bureau, alors qu’ils s’engagent pour participer à des activités solidaires et pour le lien social. Je suis donc pleinement convaincue que la proposition de loi que vous défendrez sera extrêmement efficace pour simplifier la vie associative. Nous serons à vos côtés pour la soutenir dans l’ensemble de ses composantes, notamment la suppression de la taxe d’habitation pour les associations.
M. Julien Odoul affirme que je n’ai pas nommé l’islamisme. Je crois qu’on me reproche plutôt le contraire, depuis quelques années ! J’ai toujours nommé la menace islamiste et l’islamisme radical, en prenant des positions très fortes contre certaines organisations, positions que j’ai probablement payées dans mon engagement politique. Je n’ai jamais cru que la charte de la laïcité était suffisante en elle-même. C’est pourquoi nous avons créé le contrat d’engagement républicain qui, lui, a valeur législative. Il permet de ne financer que des organisations respectueuses des valeurs de la République et, en outre, de demander le remboursement des subventions qui auraient été distribuées. Je cite souvent l’exemple du maire de Grenoble, qui a financé le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) : si le contrat d’engagement républicain avait existé, il aurait pu demander le remboursement des subventions qu’il lui avait accordées.
Outre le contrat d’engagement républicain, quinze dissolutions d’associations ne respectant pas les principes de la République ou représentant une menace de trouble à l’ordre public ont été prononcées depuis 2021, dont celle du CCIF. Le contrat d’engagement républicain vient remplacer l’ensemble des chartes de la laïcité qui pouvaient exister, par exemple dans la région Île-de-France ou dans la ville de Montpellier.
La question de la place des femmes dans le sport est extrêmement importante et préoccupante. Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, a rappelé qu’il ne pouvait pas y avoir de discrimination ou de communautarisme dans la vie sportive. Nous menons un travail avec le ministère des Sports à cet égard. Le contrat d’engagement républicain est un outil législatif important pour contraindre et exercer un certain nombre de contrôles.
Nous n’entendons ni abroger ni réviser le contrat d’engagement républicain. Toutefois, pour éviter de mauvaises interprétations, nous avons, avec ma collègue chargée de la citoyenneté, Sonia Backès, édité un guide en février dernier pour en clarifier le dispositif. Chaque fois que des surinterprétations nous ont été signalées, nous avons trouvé des solutions. Si vous identifiez des problèmes de compréhension ou de mise en œuvre du contrat d’engagement républicain, n’hésitez pas à nous en faire part pour que nous puissions prendre les mesures nécessaires pour faire respecter la loi.
Plusieurs d’entre vous ont souligné que nombre de petites associations peinaient à se porter candidates au FDVA, alors qu’elles en sont la cible principale. Je veux rappeler que 80 % des bénéficiaires de ce fonds ont moins de deux salariés. C’est pourquoi nous voulons nous saisir des assises de la simplification associative pour adopter un formulaire plus lisible et pour développer l’accompagnement tant numérique, avec le guichet Compte Asso, qu’en présentiel, avec les équipes de délégués départementaux à la vie associative.
La force du FDVA réside dans sa capacité à répondre aux besoins d’un territoire en déclinant localement les grandes priorités nationales fixées par un comité du monde associatif. Tel qu’il est conçu, il associe un grand nombre d’entre vous autour du préfet pour orienter les financements vers le tissu associatif. Nous avons eu beaucoup de retours positifs, de la majorité comme des oppositions, de la campagne FDVA qui vient de s’achever. Néanmoins, si vous avez connaissance de blocages particuliers, n’hésitez pas à nous les signaler. C’est le sens du courrier que j’ai adressé à la totalité des parlementaires membres du collège. Je remercie ceux qui m’ont d’ores et déjà fait part de leurs observations parce qu’elles nous sont très précieuses.
Concernant l’érosion du bénévolat, il est vrai que, à la faveur du confinement, certains bénévoles sont partis et ne sont pas revenus. Toutefois, les associations nous font part d’un renouvellement des générations, de plus en plus de jeunes décidant de devenir bénévoles. Ils s’engagent différemment, non pas en donnant de leur temps, comme les générations précédentes, mais en tant qu’activistes, par exemple dans les mouvements écologistes ou féministes. Je ne serai donc pas pessimiste sur ce sujet. Le dialogue que nous menons dans le cadre du tour de France du bénévolat vise à répondre au besoin de bénévoles des associations tout en respectant la nouvelle manière de s’engager des jeunes générations.
La question des petites associations est fondamentale pour nous. Nous avons lancé des conventions nationales avec les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress), qui comptent de nombreuses associations de terrain, pour être en lien direct avec ces dernières et pour leur apporter des réponses.
Le sujet des outre-mer nous préoccupe. Nous sommes en train de travailler avec les différentes parties prenantes et je vous annonce que sera organisée, à l’automne, une première convention de l’économie sociale dans les outre-mer. Nous cherchons le bon point d’entrée et le bon tempo pour mobiliser la grande richesse du tissu associatif de l’économie sociale et fédérer ses différentes composantes. Nous voulons les écouter parce que nous n’ignorons pas les spécificités de ces territoires et la nécessité d’y apporter des réponses particulières.
Monsieur Paul Vannier, je vous remercie pour votre question tout en nuances. Vous ne semblez pas avoir regardé mes trois heures d’audition par le Sénat, au cours desquelles j’ai apporté les réponses aux questions que vous avez posées. Vous êtes très habile car vous avez tenu des propos qui auraient été diffamants si vous les aviez énoncés à la forme affirmative. Toutefois, même avec un point d’interrogation, vos propos sont suffisamment tendancieux pour qu’une personne qui écouterait la capsule que vous ne manquerez pas de poster sur les réseaux sociaux se dise : « Oh mon Dieu, ce que ce monsieur est en train de dire est scandaleux ! Qu’est-ce qu’elle a fait, cette Marlène Schiappa ? » Or le président de la commission des Lois du Sénat a dit que je n’étais pas coupable ni même accusée de quoi que ce soit. Vous avez parfaitement le droit de vous demander si je suis une bonne ministre ou si j’ai lancé ou non des appels d’offres mais ne faites pas croire qu’il y a eu des affaires de détournement ou de favoritisme parce que ce n’est pas vrai. J’ai répondu de bonne foi au Sénat dans la limite des informations dont je disposais. Je ne suis pas en mesure de faire des comptes rendus de réunions auxquelles je n’ai pas participé.
L’association Reconstruire le commun a elle aussi été auditionnée par le Sénat. Il est totalement faux de dire qu’il s’agit d’une officine qui aurait diffusé des vidéos anti-gauche. Cette association n’a pas été créée à ma demande – on est là dans un fantasme complet – et, de plus, il est démontré qu’elle a posté des vidéos non seulement contre Mme Hidalgo et M. Mélenchon mais aussi contre M. Véran, M. Darmanin, Mme Schiappa et même contre M. le Président de la République. Elle n’a donc rien d’une officine créée par le Gouvernement pour dénigrer ses adversaires – du reste, qui lancerait une opération visant à se dénigrer soi-même ? Lors de son audition, cette association a indiqué qu’il s’agissait d’une maladresse de sa part, qu’elle pensait ranimer l’intérêt des jeunes pour le débat politique en produisant de telles vidéos. On peut parfaitement s’interroger sur l’efficacité et la pertinence de ces vidéos mais ce n’est tout de même pas le Watergate !
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Bertrand Sorre (RE). Le baromètre du mouvement associatif de 2022 montre que le besoin de reconnaissance du rôle citoyen et de l’utilité sociale de l’association est la première préoccupation exprimée par les responsables associatifs. La médaille de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif fait partie des moyens de récompenser nos concitoyens qui se sont distingués d’une manière parfaitement honorable dans le milieu associatif et dans des activités associatives d’intérêt général. Partout en France, nombreux sont les bénévoles ou les dirigeants associatifs à la mériter. Elle peut sembler pour certains dépassée mais reste extrêmement gratifiante pour son bénéficiaire, fier de voir des années d’engagement reconnues et donner lieu à des moments de joie partagée.
Toutefois, les procédures de demandes de ces décorations et surtout d’attribution sont administrativement trop lourdes et trop longues. Les préfectures demandent nombre de documents et le contingent des médailles est beaucoup trop faible. Beaucoup plus de bénévoles et de dirigeants associatifs pleinement investis dans leurs associations devraient bénéficier de cette reconnaissance. J’aimerais donc savoir si vous comptez alléger, voire réduire la lourdeur de ces procédures et élargir le quota des médailles attribuées.
M. Bruno Bilde (RN). Les associations sont un maillon essentiel de notre cohésion sociale. La crise sanitaire et les mesures de distanciation sociale ont largement aggravé le phénomène déjà existant de désengagement dans le bénévolat et les milieux associatifs. Si les associations voient de manière générale leur activité reprendre, elles peinent à trouver des volontaires pour occuper les postes dans leurs bureaux, à tel point que l’on assiste à l’arrêt d’associations actives, faute de pouvoir encore les gérer. Au-delà d’un soutien financier et matériel, le tissu associatif a besoin de mettre en valeur ceux qui le font vivre, de reconnaître leurs mérites et surtout de recruter de nouvelles bonnes volontés pour occuper des postes à responsabilité dans les associations. Comment entendez-vous lutter contre ce phénomène de désengagement et comment proposez-vous de redynamiser le tissu associatif ?
Mme Fabienne Colboc (RE). Un mot tout d’abord pour vous remercier pour votre travail sur la simplification administrative tant attendue depuis plusieurs années et sur la valorisation de l’engagement citoyen. Nous devons beaucoup aux bénévoles et aux associations qui œuvrent avec vitalité dans nos territoires. Le FDVA joue un rôle essentiel en soutenant les projets innovants des petites et moyennes associations, notamment en milieu rural, et la formation des bénévoles. Pour l’année 2023, un peu plus de 50 millions d’euros ont été mobilisés. Ce financement vient en partie des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance en déshérence. Une augmentation de ce fléchage, exprimée en montant minimum et non plus en pourcentage, pourrait constituer une belle opportunité pour nos associations. J’aimerais avoir votre avis sur ce sujet, qui n’est pas d’ordre législatif.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Longtemps membre du bureau de nombreuses associations, je sais combien la recherche de subventions est chronophage et stressante pour les milliers de bénévoles qui font vivre ce poumon essentiel de notre démocratie. Les petites et moyennes associations que je rencontre régulièrement dans ma circonscription me font toutes part de la même difficulté : lorsqu’elles disposent d’un salarié, ce qui n’est pas toujours le cas, tant s’en faut, la majeure partie de son activité consiste à aller chercher les moyens financiers pour pérenniser son poste – c’est absurde et cela interdit de se projeter sereinement. Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour sortir de ce cercle vicieux ?
Cela étant, vous avez, semble-t-il, grandement simplifié les procédures d’attribution de certaines subventions : les fiches de projets des candidats retenus pour le fonds Marianne en donnent une idée. Je connais un certain nombre de responsables associatifs qui aimeraient bénéficier d’une telle simplification, même si je doute que cela soit possible. Le moins que l’on puisse dire, c’est que vos réponses n’ont pas levé ce doute. Pensez-vous avoir encore la crédibilité nécessaire pour assumer vos fonctions ?
Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Les sciences sociales mettent en évidence la perte d’indépendance du mouvement associatif. Un article du chercheur Thomas Chevallier, récemment publié dans la revue Sociologie, montre une tentation d’instrumentalisation ou de contrôle des associations par la puissance publique. Les salariés des associations voient leurs emplois menacés si leur structure ne suit pas l’agenda politique de leurs financeurs publics. L’économiste Viviane Tchernonog a quant à elle montré que le principe de la subvention, sollicitée par une association pour financer son projet associatif, s’efface au profit de celui de la commande publique, où les associations répondent aux besoins de l’action publique. L’affaire du fonds Marianne illustre cette tension sur l’autonomie des associations et l’intervention du politique dans leur domaine d’action. Du fait de cette affaire la présente audition devant le Parlement sera peut-être la dernière pour vous en tant que membre du Gouvernement ; mais ne pensez-vous pas qu’il est plus que jamais nécessaire d’apporter des garanties en faveur de l’indépendance des associations vis-à-vis de la sphère politique ?
Mme Béatrice Piron (RE). En 2018, dans son rôle de soutien au développement de la vie associative, le Parlement a fait le choix d’abonder historiquement, à hauteur de 25 millions d’euros, le FDVA. Ce fonds a de ce fait connu une extension de ses missions de soutien à la vie associative car il finance désormais la formation des bénévoles au sein des associations et leur fonctionnement ainsi que leurs projets innovants, pour un total d’environ 50 millions d’euros. Néanmoins, il convient de noter que les seuils minimums de subventions diffèrent selon les régions. Ainsi, dans la région Centre-Val de Loire, le montant minimum alloué s’élève à 1 000 euros, contre 5 000 euros en Île-de-France. Il est important de souligner qu’au sein d’une même région, par exemple l’Île-de-France, les départements ne sont pas toujours d’accord concernant ce seuil minimum. Les Yvelines souhaiteraient réduire ce montant à 3 000 euros, tandis que Paris souhaite l’augmenter à 10 000 euros. Tout cela aboutit donc à un statu quo. Dans cette optique, je souhaite connaître votre avis sur ces seuils minimums de subventions, qui peuvent parfois écarter les petites associations. Enfin, les choix des thématiques à soutenir pourraient aussi être décidés en concertation avec les élus locaux.
M. Philippe Ballard (RN). Après le choc causé par l’assassinat de Samuel Paty, vous avez souhaité lancer un fonds visant à financer les associations promouvant les valeurs de la République pour lutter contre le séparatisme et l’islam radical. Depuis son assassinat, en 2020, peu de collectivités ont souhaité mener à bout les projets de renommer des rues ou des établissements à son nom. Cette semaine encore, à Paris, la plaque en son hommage a été dégradée, pour la sixième fois depuis le mois de février. En avril dernier, c’est l’absence de volonté politique de la part des élus et l’Éducation nationale qui avait fait échouer le changement de nom du collège de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine. Que faire pour défendre sa mémoire et soutenir les collectivités, qui sont encore trop réticentes à apposer son nom sur des rues ou des établissements ?
Mme Estelle Folest (Dem). Les représentants d’une dizaine d’associations m’ont récemment fait part du caractère chronophage de leur recherche de subventions, pour laquelle ils doivent réaliser des bilans d’action selon des calendriers différents et à plusieurs niveaux – État, région, département, entreprises pour le mécénat. Ils insistent notamment sur la nécessité d’un guichet unique.
La plateforme du Compte Asso, créée en 2018 pour simplifier les démarches administratives, toujours trop nombreuses et trop lourdes, semble encore souffrir de deux maux : soit les associations la connaissent et ne souhaitent pas l’utiliser car elle est trop complexe et peu fonctionnelle ; soit elles ne la connaissent pas. Que comptez-vous faire pour améliorer le dispositif ?
M. Stéphane Mazars (RE). Je salue l’augmentation du budget alloué au FDVA – elle est de 21 % dans mon département. J’espère que cette trajectoire sera pérennisée.
Je souscris à ce qui a été dit s’agissant des difficultés que rencontrent les petites associations pour monter les dossiers FDVA, qui sont complexes. Elles sont nombreuses à y renoncer ou à voir leur dossier rejeté. J’ai pris note de votre volonté de simplifier les démarches et d’accompagner ces petites associations.
Le sport a été désigné grande cause nationale 2024, année des Jeux olympiques. Prévoyez-vous un dispositif particulier, au travers du FDVA notamment, pour les associations qui seront en première ligne pour porter l’héritage des Jeux ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Concernant la médaille de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif, je rejoins le constat qu’a dressé M. Sorre et que beaucoup partagent. Le contingent, déjà faible, est principalement réservé aux acteurs du sport. Il est donc difficile de proposer des personnalités s’étant illustrées dans la vie associative. Nous soutiendrons une augmentation du contingent, et la possibilité d’y intégrer les acteurs de la vie associative.
Outre cette médaille, l’ordre national du Mérite peut être décerné aux dirigeants associatifs engagés depuis des années.
Nous avons par ailleurs commencé à distribuer les médailles d’honneur du bénévolat associatif, et comptons les remettre de façon plus souple et plus rapide, sur la proposition d’élus. Nous avons généralisé au niveau national une initiative de Mme Fabienne Colboc, qui nous a beaucoup inspirés.
Cette médaille ne constitue pas en soi une politique publique mais elle est un élément de reconnaissance et d’attractivité. J’ai été moi-même très émue de la décerner à des personnes qui ont ainsi pu expliquer leur engagement à leurs enfants ou petits-enfants, et pourquoi ils étaient parfois absents au repas dominical.
Monsieur Bilde, vous avez raison de souligner la baisse de l’engagement associatif. Le Gouvernement tâche de développer une culture de l’engagement, notamment des jeunes, qui forment la France de demain. Cela passe par le service civique, la plateforme www.jeveuxaider.gouv.fr ou les actions en faveur de la VAE, un élément du contrat d’engagement républicain. La simplification des démarches administratives permettra de redonner envie à certains de s’engager dans des associations. La fin des assises de la simplification administrative et la proposition de loi qui sera déposée alors pourront valoriser l’engagement dans tout le pays et le mettre en lumière à travers différents événements.
On reste toujours modeste face à l’engagement, madame Anthoine. Membre du Gouvernement depuis sept ans, j’en suis à mon troisième ministère ou secrétariat d’État et à mon second quinquennat. Pour tout membre du Gouvernement, chaque matin peut être le dernier. En attendant, je suis très heureuse de répondre à l’invitation du Parlement et d’être parmi vous pour travailler.
Je vous rejoins pour dire que la convention pluriannuelle d’objectifs protège les associations des écueils que vous avez évoqués, notamment quant à une dépendance à l’égard de l’État ou des collectivités. Les CPO garantissent la liberté associative et permettent aux associations de ne pas avoir à remplir tous les ans les mêmes documents, bien qu’il faille distinguer les subventions de fonctionnement de long terme des appels à projets et des marchés publics.
Madame Piron, l’enjeu est bien de pérenniser et de faire connaître le FDVA. Le montant du fonds est similaire à celui de l’ancienne réserve parlementaire. La quote-part des sommes acquises à l’État du fait de comptes inactifs, fixée à 20 % depuis le projet de loi de finances pour 2020, nous a grandement aidés. Des réflexions sont en cours pour définir un plancher, dans l’éventualité où les comptes inactifs seraient moins nombreux certaines années. Les entreprises de vos circonscriptions peuvent par ailleurs alimenter le FDVA : c’est un bel engagement pour celles qui veulent manifester leur soutien à la vie associative dans les territoires. N’hésitez pas à les solliciter, en tant que parlementaires.
La généralisation de Guid’Asso devrait remédier à la méconnaissance du dispositif, en fournissant un réseau d’accompagnants plus structuré. Les associations en quête d’informations pourront dès lors frapper à la bonne porte.
Je n’ai pas la réponse aux problèmes que vous avez mentionnés, monsieur Ballard, mais je vous remercie d’évoquer ce sujet qui nous tient à cœur. À la place qui est la mienne, je tâche de défendre tous les élus courageux, qui luttent pour la laïcité et contre l’islamisme, et qui s’engagent. Je mesure les risques que chacun prend ; je connais ceux que l’on prend en s’engageant contre l’islamisme. Nous soutenons l’ensemble des élus, des associations et des structures qui prennent ces positions salutaires et courageuses.
Madame Folest, je vous remercie tout d’abord de votre participation active aux assises de la simplification administrative. L’outil du Compte Asso doit pouvoir monter en puissance : c’est une demande de tous les acteurs associatifs. Le numéro et la plateforme numérique feront office de guichet unique et permettront non seulement de tracer les demandes à l’ensemble des organisations mais aussi d’éviter la saisie multiple et répétée des dossiers, et de mieux informer les bénévoles sur leurs droits, les subventions existantes et les possibilités de formation s’agissant du compte d’engagement citoyen ou de la VAE. Malgré le travail que nous avons tâché de mener, de nombreux bénévoles ne savent pas encore qu’ils peuvent, grâce à la VAE, transformer leur expérience bénévole en un diplôme. Nous nous attacherons donc à faire connaître encore davantage le dispositif.
Le sujet des Jeux olympiques, qu’a abordé M. Mazars, est capital. À la demande du Président de la République, avec la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, nous avons réservé des places pour des bénévoles ou des membres d’associations. Il importe cependant de respecter les rôles de chacun, et c’est le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques qui est à la manœuvre pour l’organisation et la ventilation des bénévoles.
Au-delà, les Jeux olympiques fournissent aussi une bonne occasion pour valoriser l’engagement bénévole dans les petits clubs sportifs, auxquels il faut porter une attention particulière. Nous sommes pleinement mobilisés pour que les JO ne masquent pas leur activité mais la soutiennent.
Monsieur Walter, je partage votre préoccupation concernant les dossiers à remplir : un guichet unique est fondamental. C’est vers lui que tendent les assises de la simplification administrative. Nous aurons, je l’espère, l’occasion d’en débattre dans l’hémicycle lors de l’examen de la future proposition de loi relative à la simplification associative. Elle sera l’occasion d’instaurer des processus clairs, qui pourront d’ailleurs se nourrir des retours d’expérience de la commission d’enquête du Sénat sur l’attribution des subventions, pour celles qui ne sont régies par aucune règle écrite ou disposition législative.
Le guichet unique et le numéro d’identification avec le principe Dites-le nous une fois permettront d’accroître la transparence et de tracer les demandes des associations dans le temps, y compris lorsqu’elles émargent auprès de plusieurs ministères, de simplifier et de clarifier les dispositifs de demande de subventions.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je salue à mon tour le rôle essentiel que jouent 16 millions de bénévoles, qui donnent de leur temps et s’engagent dans 1,5 million d’associations sportives, culturelles, humanitaires, sociales ou éducatives. Dans la circonscription rurale dont je suis élu comme dans d’autres territoires ruraux, les associations jouent un rôle majeur, contribuant au lien social entre les habitants et à la vitalité des communes. Elles participent de la cohésion sociale et du lien intergénérationnel. Malgré leur contribution si précieuse, elles manquent souvent de financements pour organiser leurs activités et remplir leurs missions. Trouver des subventions pour financer un concert, organiser un tournoi sportif ou une fête communale est souvent un parcours du combattant. À côté des grandes associations et des projets qui prennent la lumière, il est donc essentiel de prendre en compte les plus petites structures – comités des fêtes, foyers ruraux, clubs sportifs, associations patrimoniales et culturelles.
Les associations rurales n’ont pas été mentionnées dans le plan ambitieux France ruralités qu’a récemment annoncé la Première ministre. Quelles mesures pourraient être prises par ailleurs pour les soutenir ?
Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Je veux tout d’abord vous remercier d’être enfin venue honorer de votre présence la commission des Affaires culturelles, commission en charge de la vie associative, à laquelle vous devez rendre des comptes. Certes, vous avez mis un an, mais vous êtes là ! Au vu des récents événements et d’un éventuel remaniement, j’imagine que c’est juste à temps.
Vous demandez aux associations de signer un contrat d’engagement républicain, qui instaure une logique de défiance, culminant dans une vague de répression sans précédent du mouvement associatif.
De votre côté, en quoi avez-vous rempli votre contrat d’engagement républicain ? Comme je connais votre penchant pour les réponses évasives, je serai plus précise : l’avez-vous rempli en supprimant l’Observatoire de la laïcité, en vous en prenant au Planning familial ou en détournant vers des copinages et usages politiciens la vocation du fonds Marianne, créé après l’assassinat de Samuel Paty ?
M. Francis Dubois (LR). Je souhaite revenir sur la visibilité et les montants attribués par le FDVA. Les associations de terrain dressent un constat inopérant et injuste : malgré l’instauration d’un dispositif simplifié, les petites associations n’y trouvent pas leur compte. Elles ne maîtrisent pas suffisamment le dispositif car elles fonctionnent le plus souvent avec des bénévoles qui ne sont pas toujours aguerris au fonctionnement de l’administration. Un déséquilibre important se crée avec les grandes associations, très rodées et employant des salariés. Comment mieux accompagner les petites associations dont le rôle est primordial pour assurer du lien social et des événements au cœur de nos campagnes ?
La question de la répartition des aides et des montants se pose également eu égard au nombre de projets déposés. Dans la région Nouvelle-Aquitaine, seules 30 % des sollicitations sont satisfaites. Il semble capital de compléter le dispositif, par exemple en envisageant une réserve parlementaire, qui permettrait d’irriguer au plus proche de petites associations, notamment en milieu rural.
Mme Graziella Melchior (RE). Bien que, la plupart du temps, les présidentes et présidents d’association sachent parfaitement gérer les affaires courantes, ils sont parfois confrontés à des situations conflictuelles, dans la gestion de leurs équipes de bénévoles ou de salariés comme avec leurs membres ou ceux qui participent à leurs activités. En pareil cas ils ne disposent pas nécessairement des outils nécessaires car ils n’ont pas souvent reçu de formations à la gestion des conflits, telles que celles proposées au sein des entreprises. Or des situations préoccupantes peuvent constituer une charge mentale et décourager la prise de responsabilités. Et le dirigeant n’a pas toujours le temps de se former.
Ne serait-il pas pertinent de nommer, au sein des départements, un ou plusieurs référents, bénévoles ou non, qui pourraient apporter des conseils en matière de médiation et de gestion des conflits ?
M. Laurent Croizier (Dem). Dans le cadre la consultation nationale que vous avez lancée, j’ai proposé des ateliers aux représentants d’associations de ma circonscription afin de recueillir leurs remarques et leurs propositions de simplification. Les constats sont partagés : les démarches administratives s’alourdissent ; le temps administratif vient au détriment du temps associatif et demande parfois des compétences inaccessibles à des bénévoles. Des règles identiques pour les petites et les grandes associations et le système d’appel à projets de plus en plus fréquent augmentent l’insécurité des associations sur le plan financier.
Les associations ont formulé des propositions pour limiter la paperasse. Il s’agit de disposer d’un guichet unique pour unifier les démarches et les formulaires des collectivités et des services de l’État ; d’installer des référents pour les associations dans les maisons France services ; de différencier les exigences selon la taille des associations ; et de signer des contrats d’engagement pluriannuels en lieu et place des appels à projets. Le tissu associatif et le bénévolat fondent l’exception française. Notre rôle d’élu est aussi de simplifier la vie de nos associations. Je vous remercie pour la démarche que vous avez lancée.
M. Emmanuel Pellerin (RE). La vie associative est un pilier essentiel de notre démocratie et de notre cohésion sociale. En tant que député de Boulogne-Billancourt, véritable territoire associatif qui compte 2 406 associations, je suis régulièrement en contact avec ses acteurs. Par leur diversité et leur engagement, les associations contribuent de manière significative à la vitalité de notre territoire. Elles sont le reflet de l’engagement citoyen, du partage et de la solidarité qui animent nos concitoyens. Elles jouent également un rôle essentiel dans l’insertion professionnelle. Cependant, j’ai pu constater que certaines d’entre elles peinent à recruter des bénévoles. La protection civile, qui effectue des maraudes chaque semaine, manque cruellement de bras.
Comment le Gouvernement entend-il promouvoir et valoriser le bénévolat, l’insertion et l’engagement citoyen au sein des associations, notamment auprès des jeunes et des populations éloignées de la vie associative ?
M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Le temps de l’engagement associatif dense est révolu. L’heure est à un engagement plus ponctuel, pour une cause ou un événement. Les principes de fonctionnement qui animent les associations restent pourtant les mêmes : répondre aux appels à projets, remplir les demandes de subventions, gérer les plannings. Toutes ces tâches rébarbatives ont atteint un sommet. Votre plan promet de les réduire significativement. Vous avez su prendre à bras-le-corps un problème souvent présenté comme prioritaire par les associations Je ne doute pas qu’ensemble, nous parviendrons à simplifier la vie des associations.
Toutefois, ces tâches perdureront. Il nous faudra alors mieux répondre aux besoins de formation des bénévoles, enjeu considéré comme fondamental par les associations. Quelles pistes présenterez-vous dans ce domaine ? Nous, parlementaires, sommes prêts à faire des propositions.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Les questions de l’association Lire et faire lire, que je connais bien en tant que membre du groupe d’études Livre et économie du livre et du papier, rejoignent les préoccupations de très nombreuses associations.
La disparité territoriale pour ce qui est de l’accès à la lecture, d’abord, pose la question du maillage inégal des bénévoles.
La simplification de l’accès aux subventions est également posée. Vous y répondez en partie grâce au guichet unique.
Enfin, l’association demande des formations de bénévoles et d’animateurs en accueil de loisirs autour de la lecture.
Pour récompenser les bénévoles, il est possible d’offrir des places à des événements sportifs. Les territoires doivent s’engager pour remettre de telles récompenses.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Monsieur Patrier-Leitus, je me réjouis que, dans le cadre du plan France ruralités, la Première ministre ait décidé de créer un fonds ruralité pour soutenir des initiatives issues des territoires concernés. Outre le FDVA, dont 80 % des crédits sont fléchés vers les petites associations, et Guid’Asso, qui accompagne à une maille fine, un fonds de 3 millions d’euros est donc créé pour soutenir les projets locaux des organisations de l’économie sociale et solidaire – des associations, pour la grande majorité d’entre elles. Un engagement fort est donc pris pour soutenir les structures associatives. C’est aussi la reconnaissance par la Première ministre du rôle fondamental des associations et, plus largement, des structures de l’économie sociale et solidaire dans la ruralité. Par nature, cette économie est non délocalisable : elle mérite d’être soutenue.
Je partage l’analyse de M. Dubois et de Mme Melchior sur les petites associations. Il est fondamental de garder à l’esprit que les grosses structures associatives, avec plusieurs centaines de salariés, coexistent avec de plus petites associations, qu’il est important de soutenir. Guid’Asso y contribuera, notamment pour les situations préoccupantes, litigieuses ou nécessitant de la médiation. Lorsque l’on doit faire face à de tels litiges, il est fondamental d’avoir un appui et de sortir de la solitude. Une fois déployé dans tout le territoire, cet outil sera très précieux.
Monsieur Croizier, je vous remercie de votre engagement pour les assises de la simplification administrative. De nombreux parlementaires ont fait remonter des informations précises du terrain grâce à leur bonne connaissance du tissu associatif, dans leur circonscription et au-delà. Elles nous ont permis de faire des propositions concrètes. Nous avons notamment découvert que les tombolas et les lotos n’étaient pas traités de la même manière dans le budget des associations. Ces simplifications peuvent paraître marginales, mais elles sont importantes pour les associations car elles clarifient certaines situations et lèvent des freins ubuesques de la loi ou du règlement.
Je salue également l’engagement de M. Pellerin sur la question des maraudes et auprès des associations de solidarité. Depuis longtemps, vous travaillez de concert avec le secrétariat d’État et vous nous interpellez régulièrement sur la situation des bénévoles et des associations qui pratiquent des maraudes dans les Hauts-de-Seine, en Île-de-France et partout dans le territoire. Nous sommes très préoccupés par cette situation, et je veux rappeler combien les maraudes sont essentielles, y compris l’été. Les grandes associations nationales historiques et les associations locales plus récentes continuent à les organiser et ont toujours besoin de bénévoles, d’aide et de soutien : le besoin en maraudes ne se limite pas à l’hiver.
Monsieur Esquenet-Goxes, vos propositions nous sont très utiles dans le cadre de ces travaux. Nous avons organisé les assises précisément pour recueillir les remontées des associations, mais nous avons aussi besoin que les élus continuent à évoluer et à évaluer avec nous les propositions qui sont faites. Je comprends que vous en ferez d’autres, que nous prendrons en compte.
De la même manière, je rejoins Mme Bannier sur la nécessité de bonnes pratiques. Il est fondamental non seulement de débusquer ce qui peut être négatif, difficile, ubuesque ou constituer des freins pour les associations, mais aussi de travailler sur les bonnes pratiques. Vous nous permettez de les identifier et de les dupliquer. Comme nous l’avons fait pour la médaille instituée par Mme Colboc, il est possible de mutualiser et de soutenir d’autres bonnes pratiques d’associations ou de collectivités.
Enfin, madame Legrain, c’est avec grand plaisir que je me présente devant le Parlement, lequel contrôle l’action du Gouvernement. Il est donc naturel que je réponde à vos questions.
Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). On peut donc choisir les thèmes que l’on aborde !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Je suis en train de vous répondre. Vous m’interpellez exclusivement sur des actions menées dans le cadre de mes précédentes fonctions, et sur lesquelles vous ne m’aviez nullement interrogée à l’époque. Je suis là en tant que secrétaire d’État chargée de la vie associative. Je ne dois rendre compte de mon action ni comme secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, ni en tant qu’adjointe au maire ou présidente d’association. Je dois vous rendre compte de la feuille de route pour la vie associative.
Permettez-moi de trouver vos propos diffamants : vous parlez de détournement ou de « copinages » alors que l’ensemble des acteurs qui ont travaillé sur la question du fonds Marianne actent qu’il n’y a ni copinage ni favoritisme. Cela est démontré ; cela est dit par toutes les personnes qui ont été auditionnées, et même par le président de la commission d’enquête du Sénat. Pour copiner, il faut avoir des copains, et il a été plus que démontré que je n’ai aucun copain dans ce dossier. Vous-même, vous ne respectez pas les grands principes républicains en diffamant une secrétaire d’État et en faisant état d’accusations dont il est démontré qu’elles sont diffamantes et mensongères.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Lors de mon intervention, je n’ai voulu ni cadrer ni limiter la parole. J’ai seulement cherché à rappeler certains faits, notamment que les propos du Sénat n’engagent que les sénateurs, alors que nous sommes ici à l’Assemblée nationale.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour vos réponses. Vous nous avez mis la pression, si je puis dire, sur la proposition de loi relative à la simplification de la vie associative – entre autres ! Nous avons bien noté ce que vous avez dit, par exemple, sur la différence de traitement entre les tombolas et les lotos : de fait, les associations se plaignent souvent de la multiplicité des dossiers à remplir, et sont demandeuses de conventions pluriannuelles d’objectifs. Nous avons eu l’occasion d’en parler, notamment lorsque vous exerciez vos fonctions précédentes de secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes.
La séance est levée à dix-huit heures trente.
Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, Mme Bénédicte Auzanot, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, Mme Soumya Bourouaha, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, M. Francis Dubois, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Sarah Legrain, M. Stéphane Lenormand, M. Christophe Marion, M. Stéphane Mazars, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Julien Odoul, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, Mme Béatrice Piron, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, M. Bertrand Sorre, M. Paul Vannier, M. Léo Walter
Excusés. - Mme Ségolène Amiot, Mme Aurore Bergé, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, Mme Angélique Ranc, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Violette Spillebout, M. Boris Vallaud