Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Examen de la proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (1) (n° 257) (M. Pierre Meurin rapporteur). 2
– En application de l’article 13 de la Constitution, audition de M. Boris Ravignon, dont la nomination est proposée par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) (M. Pierre Vatin, rapporteur) 23
– Vote sur cette proposition de nomination................37
– Informations relatives à la Commission.................37
Mercredi 14 décembre 2022
Séance à 9 heures 30
Compte rendu n° 34
session ordinaire de 2022-2023
Présidence de
Mme Marjolaine Meynier-Millefert,
Vice-présidente
puis de M. Jean-Marc Zulesi,
Président
— 1 —
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Pierre Meurin, la proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (n° 257).
Mme Marjolaine Meynier-Millefert, présidente. La présente proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à l’initiative du groupe Rassemblement national, sera examinée en séance publique le jeudi 12 janvier.
M. Pierre Meurin, rapporteur. Cette proposition de loi vise à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
Je commencerai par un propos philosophique, car ce sont les grandes idées qui sous-tendent les actions politiques concrètes. Lors de l’audition de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa), un représentant de l’Ademe m’a dit : « Les énergies fossiles nous ont donné des possibilités quasiment illimitées. Il sera difficile de trouver des solutions alternatives du même niveau. »
Les ZFE-m, comme le concept de sobriété énergétique, reposent sur l’idée de décroissance. Ce pessimisme scientifique et technologique revient à dire : il faut revenir en arrière pour le climat et la santé, car nous ne pourrons pas inventer le « mieux demain ». Cette logique intellectuelle, poussée à l’extrême, conduirait à une glaciation sociale : il faudrait ne rien faire pour ne pas prendre de risque.
La traction humaine des véhicules n’est-elle pas plus conforme à la transition écologique que la traction mécanique ? Il faut toujours pousser jusqu’au bout un raisonnement pour en déceler les conséquences ! Sous couvert de belles et grandes idées, on commet parfois les pires erreurs politiques. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Dans cette logique, on oublie de croire en la science, dans la technique, dans le progrès et donc dans le développement de la société. On oublie de croire que demain sera mieux qu’aujourd’hui. On oublie d’investir pour l’avenir.
Les ZFE-m, qui rétablissent de facto une sorte de péage urbain, relèvent précisément de cette logique intellectuelle décroissante. Puisque la voiture est polluante, l’automobiliste pollue et ne doit donc plus rouler. Peu importe qu’il ne dispose d’aucune alternative plus propre pour se déplacer, il faut le verbaliser dès 2025. Entre 13 millions et 17 millions de véhicules seront concernés par cette interdiction de circuler d’ici deux ans.
Nous sommes face à une pyramide à l’envers, qui inverse la progressivité des court, moyen et long termes. Pour notre part, nous souhaitons faire en sorte que d’autres solutions émergent, que les Français privilégient l’intermodalité et qu’ils en viennent naturellement à utiliser de moins en moins leur voiture.
Les ZFE-m sont un dispositif qui ne tient pas ses promesses et a tout de la fausse bonne idée. Je vous propose donc d’envisager d’autres pistes, socialement acceptables et opérantes sur les plans climatique et sanitaire.
Nous voulons une écologie sociale, consensuelle et partagée entre les Français et les territoires, non une écologie punitive, que je qualifierai de séparatiste, opposant, d’un côté, les métropoles, qui ont absorbé et concentré les transports, les commerces, les professionnels de santé et les services publics, et, de l’autre, les zones rurales qui ont vu peu à peu se réduire l’ensemble de ces offres.
Entre 1920 et 2020, le maillage ferroviaire de notre pays a été amputé de 40 000 kilomètres. Tous les élus des zones rurales connaissent ces voies ferrées abandonnées, qui font partie du paysage. Ce long mouvement de fermeture des petites lignes populaires du quotidien, qui permettaient aux Français d’aller travailler dans de bonnes conditions, a conduit à l’explosion du trafic routier. Alors que tout a été fait pour le démultiplier, il faudrait maintenant le supprimer sans délai.
La dévitalisation des villages et l’éloignement progressif de tous les transports publics, des services de santé et des commerces au profit des métropoles ont entraîné un allongement des trajets en voiture, en particulier pour les Français les plus modestes, que le prix de l’immobilier dans ces métropoles a conduits à un exode vers les zones plus rurales. Pour eux, la voiture est devenue un outil de survie.
Dès 2025, lorsque les premières verbalisations automatiques seront opérées, les
ZFE-m marqueront la deuxième phase du séparatisme. Après avoir été écartés des logements métropolitains, les plus modestes ne pourront plus pénétrer dans ces territoires, même pour le travail. Les ZFE-m feront de ces Français, qui sont déjà les oubliés de la mondialisation, les oubliés et les exclus de la métropolisation.
Les enjeux sanitaires sont bien plus globaux que le simple chiffre de 40 000 morts par an du fait de la pollution de l’air aux particules fines et aux oxydes et monoxydes d’azote. En trente ans, l’écart d’espérance de vie entre les métropolitains et les ruraux est passé de trois mois à plus de deux ans, au profit des métropolitains.
Nous aimerions tous qu’il n’y ait aucun mort de la pollution, comme nous aimerions aussi qu’il n’y ait, par exemple, aucun mort lié à la désertification médicale. Or celle-ci conduit les Français les plus modestes, dans les zones rurales, à ajourner, voire à renoncer à l’accès aux soins, ce qui entraîne des évolutions pathologiques irréversibles. Savez-vous que l’excès de sel provoque 1,5 million de morts dans le monde ? En nous appuyant sur la même logique que les ZFE-m, nous pourrions en interdire la vente, afin de ne prendre aucun risque.
Tous les paramètres ne rentrent pas dans les cases d’un tableau Excel produit par un ministère ou dans une diapositive de PowerPoint. Je voudrais en citer un, qui relève des sciences humaines, trop souvent sacrifiées sur l’autel des sciences dures et de la data. Depuis la crise des gilets jaunes, les automobilistes et les Français des zones rurales se sentent stigmatisés, culpabilisés et infantilisés. Le contrat social devrait se fonder sur une adhésion la plus large possible à un enjeu qui relève du bien commun. Or le sentiment de stigmatisation et de culpabilisation entraîne un rejet de la transition écologique par des millions de Français qui ont l’impression qu’elle se fait sans eux, et surtout contre eux. Ces éléments sont à prendre en considération pour que la politique redevienne enfin une science humaine, un art de trouver le bien commun précisément en commun.
Plus concrètement, les ZFE-m sont instituées et organisées selon des critères contestables. Les vignettes Crit’Air sont liées à l’ancienneté du véhicule, alors qu’une Clio Campus Crit’Air 3 pollue quatre fois moins qu’un SUV Range Rover pourtant Crit’Air 1. La mesure des particules fines est effectuée par rapport au système d’échappement de la voiture, alors que les émissions de particules fines liées au freinage et à l’usure des pneus sont 2 000 fois plus importantes – une idée intéressante serait de fluidifier le trafic dans les métropoles pour limiter les coups de frein. La prime à la conversion est impossible à mettre en œuvre et coûterait des milliards d’euros aux contribuables. Les ZFE-m risquent de mobiliser des milliers d’agents pour les constats d’infractions. Comme le matériel vidéo n’a pas été budgété et que les ressources humaines ne sont pas disponibles, la mesure pourrait être inapplicable, en plus d’être antisociale. J’ai eu cet échange avec le vice-président de Rouen Métropole, pourtant issu du mouvement Europe Écologie-Les Verts. En tant qu’élu de terrain, il est plus que sceptique sur l’efficacité du dispositif, dont il a déjà observé les limites. Par effet de ricochet, des artisans et professionnels pourraient être amenés à refuser des clients et des chantiers dans les périmètres couverts par des ZFE-m.
Les auditions pour ce texte, tout comme la mission flash de la commission, ont fait ressortir tous ces problèmes, qui sont trop nombreux pour donner lieu à des adaptations ou pour créer une usine à gaz de dérogations et d’aides. Il faut tout reprendre à zéro et refondre l’ensemble du système, car les élus locaux, comme les Français, n’y comprennent plus rien. Or nous avons un devoir de clarté et d’intelligibilité de la loi.
Notre proposition de loi est en grande partie une réponse à la conclusion de la mission flash menée pour notre commission par MM. Millienne et Leseul : « Le déploiement des ZFE-m soulève des questions majeures d’acceptabilité et de justice sociale, qu’il nous faut anticiper dès à présent. Il est urgent que notre commission se saisisse pleinement du sujet ».
À travers cette proposition de loi, je vous propose de le faire en supprimant les ZFE-m, en encourageant doucement et avec pédagogie les Français à passer d’une voiture des années 2000 à une voiture des années 2010, en améliorant l’entretien des moteurs par le décalaminage et en préparant l’intermodalité de demain, sans idéologie et dans une logique de coconstruction.
Mme Marjolaine Meynier-Millefert, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Avant de souligner l’irresponsabilité politique de cette proposition de loi, je retracerai rapidement l’historique de la création des ZFE mobilité.
Le 12 juillet 2017, le Conseil d’État a ordonné à l’État de mettre en œuvre des plans de réduction des concentrations de dioxyde d’azote et de particules fines dans treize zones en France. Ces deux principaux polluants sont responsables de maladies respiratoires et de plus de 40 000 décès prématurés par an en France, selon Santé publique France. Ce sont des données scientifiques, monsieur le rapporteur ! Les mesures quotidiennes effectuées par les Aasqa montrent que les deux tiers des oxydes d’azote et une grande part des particules fines des milieux urbains denses proviennent des véhicules utilisant des énergies fossiles.
Dans ce contexte, en 2018, la ministre chargée des transports – l’actuelle Première ministre – a réuni, en liaison avec le Conseil national de l’air, que je présidais, les élus des principales agglomérations touchées par des dépassements réguliers des normes de qualité de l’air. C’est dans ce cadre, et dans celui de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), que nous avons doté les onze agglomérations les plus touchées d’outils pour créer des zones à faibles émissions mobilité sur leur territoire, selon un calendrier et un périmètre qui leur est propre, en vue de réduire les émissions de ces polluants.
Dans le cadre de la loi « climat et résilience » de 2021, le dispositif a été renforcé, en donnant à ces onze agglomérations la possibilité de mettre en œuvre des restrictions supplémentaires, mais seulement en cas de dépassements réguliers des normes de qualité de l’air. La même loi demande à trente-deux agglomérations de plus de 150 000 habitants de mettre en place d’ici à 2025 leurs propres ZFE mobilité.
Les ZFE mobilité ne sont pas un dispositif antisocial dirigé contre nos concitoyens ; elles visent à améliorer leur santé respiratoire en luttant contre la pollution de l’air.
Pour en revenir à la proposition de loi du Rassemblement national, je note qu’en plus de supprimer les ZFE mobilité, il est prévu, dans l’article 2, de supprimer l’accès au prêt à taux zéro. Or cette mesure sociale fait partie des aides nécessaires pour accompagner nos concitoyens dans l’acquisition d’un véhicule moins polluant.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Renaissance, défavorable à la proposition de loi, a déposé un amendement de suppression pour chacun des deux articles. Nous ne voulons pas transiger avec la santé respiratoire de nos concitoyens.
M. Nicolas Dragon (RN). Le groupe Rassemblement national soutient évidemment les efforts pour lutter contre la pollution de l’air et le réchauffement climatique, mais à condition que ce ne soit pas toujours les mêmes qui en supportent les conséquences. Les constats des sociologues sur la France périphérique devraient tous nous alerter. Ils décrivent une élite urbaine et privilégiée, dont les décisions influent profondément sur la vie de ceux qui se trouvent à sa périphérie. Les ZFE-m en sont l’archétype, puisqu’elles bannissent des grandes villes les précaires et les ruraux.
Les partisans des ZFE-m veulent interdire la circulation d’un véhicule sur deux d’ici à 2025. Peuvent-ils nous expliquer comment les automobilistes ne disposant pas d’une vignette Crit’Air 1 ou 2 pourront obtenir un véhicule autorisé dans ce délai ? Peuvent-ils affirmer que les aides à la conversion seront suffisantes pour des automobilistes qui ont souvent de faibles revenus ? Une telle mesure montre leur incompréhension de la précarité croissante dans laquelle vivent nos compatriotes.
Les solutions proposées n’en sont pas. Les véhicules électriques que l’on veut imposer sont pertinents sur de courts trajets en milieu urbain, où les bornes de recharge sont nombreuses. En revanche, pour de longues distances et dans les zones rurales, ils complexifient les déplacements et en augmentent considérablement la durée.
Les ZFE-m pénalisent les habitants des territoires ruraux, interdits d’accès dans les métropoles, ainsi que les habitants des communes situées aux alentours de ces métropoles, qui ont déjà été chassés des centres-villes par la gentrification.
Les défenseurs des ZFE-m préconisent aux populations rurales ou périphériques d’utiliser un réseau de transports en commun souvent défaillant ou le vélo. Par ces grands froids, je les invite à faire un trajet à vélo depuis ma circonscription de Laon jusqu’à Reims : nous en reparlerons !
Au lieu de combler les fractures qui existent dans notre pays, les ZFE-m ne font que les élargir – à se demander si des enseignements ont été tirés de la crise des gilets jaunes.
Voilà pourquoi le groupe Rassemblement national souhaite abolir ces ZFE-m injustes et développer un réseau de transports de qualité, en accompagnant les automobilistes plutôt qu’en les excluant.
M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). Nous discutons ce matin d’un dispositif mis en place pour réduire les pollutions aux particules fines et tenter d’améliorer la santé de nos concitoyens. Contrairement au Rassemblement national, qui n’a aucune considération pour l’urgence climatique, nous ne sommes pas pour sa suppression pure et simple. La présente proposition de loi est cependant l’occasion d’aborder le sujet des ZFE-m.
Alors que leur déploiement est effectif dans onze grandes villes depuis cette année, seulement 40 % des Français en sont informés. En 2025, quarante-trois villes seront concernées et 40 % du parc automobile actuel n’aura plus le droit de circuler dans une partie du territoire.
Nous devons revoir en urgence l’ordre des priorités. Acquérir un véhicule électrique, quand les modèles d’entrée de gamme coûtent 20 000 euros malgré les aides proposées, semble impossible pour la plupart des Français compte tenu de leur pouvoir d’achat. Dans de nombreux territoires concernés par les ZFE-m, les offres de transports en commun sont très largement insuffisantes, voire inexistantes, et ne constituent pas une solution alternative à la voiture individuelle. Il est impératif de lier ces deux sujets.
Lors de récentes auditions, nous avons eu la chance d’écouter des représentants de l’Association des maires de France, de Régions de France et de nombreuses collectivités engagées dans le déploiement de ZFE-m. Elles sont unanimes quant au manque de concertation avec les populations et au manque de communication. Elles soulignent le décalage entre les dix années nécessaires pour construire une ligne de métro ou de réseau express régional (RER) et l’application immédiate des mesures restrictives.
À La France insoumise, nous souhaitons que la France devienne un pays à très faibles émissions, mais nous sommes également attachés à la soutenabilité d’une telle mesure pour l’ensemble de nos concitoyens et à son inclusivité. Nous demandons donc un moratoire et la suspension de l’application des ZFE-m, tant que d’autres solutions, accessibles et fiables, n’auront pas été proposées.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra lors du vote sur la proposition de loi.
M. Nicolas Ray (LR). Si la loi reste en l’état, la moitié des automobilistes français seront privés d’accès aux centres-villes en 2025.
Les ZFE-m ont été voulues par le législateur pour lutter contre la pollution atmosphérique, responsable de plus de 40 000 décès dans notre pays. La législation n’a cessé de se rigidifier ces dernières années, avec la loi LOM et la loi « climat et résilience », qui a rendu obligatoire l’instauration de ZFE-m dans quarante-trois agglomérations au plus tard le 31 décembre 2024, soit demain ou presque.
Nous ne doutons pas que les ZFE-m puissent contribuer à améliorer la qualité de l’air dans les grandes villes et la qualité de vie des populations qui y résident. Cependant, en imposant ces obligations si rapidement, le législateur a pris le risque de créer une nouvelle fracture entre ceux qui pourront continuer à vivre et circuler dans les agglomérations et ceux qui ne pourront plus s’y rendre, même occasionnellement pour suivre des soins médicaux.
La mission flash menée par nos collègues Gérard Leseur et Bruno Millienne nous a déjà beaucoup renseignés sur les fragilités du dispositif. Les conditions préalables à l’acceptabilité des ZFE-m ne sont pas réunies. Elles ne seront acceptées par les Français qu’avec un calendrier de mise en œuvre desserré, des règles simplifiées et harmonisées entre les villes, un développement suffisant des réseaux de transports, le déploiement de parkings relais et la mise en place de carnets d’usage pour autoriser les déplacements occasionnels, notamment pour se soigner.
Le risque est réel qu’une colère semblable à celle des gilets jaunes explose quand les Français auront pris conscience des restrictions à venir. Toutefois, cette proposition de loi ne s’accompagne d’aucune autre solution pour améliorer la qualité de l’air. Plutôt qu’une suppression du dispositif, son assouplissement serait plus pertinent. C’est pourquoi nous conditionnons notre position aux réponses qu’apportera très prochainement le Gouvernement à ce sujet. Nous relèverons le défi écologique non pas en braquant les Français, mais en respectant leur bon sens et leur liberté.
M. Bruno Millienne (Dem). Dangereuse, passéiste, démagogique et mensongère : voilà, monsieur le rapporteur, les mots qui me sont venus à l’esprit lorsque j’ai lu cette proposition de loi, qui ressemble d’ailleurs plus à un tract mal ficelé de Marine Le Pen qu’à un véritable travail législatif.
Ce texte est dangereux, parce qu’il nie la réalité de la pollution atmosphérique en France, qui est responsable de 48 000 morts par an. Il s’inscrit dans un « pollutio-scepticisme » – pardonnez ce néologisme – qui n’a rien à envier aux délires mensongers de vos idoles, de Trump à Poutine. Il expose en outre la France à de nouvelles condamnations de l’Union européenne, à laquelle nous appartenons encore, ne vous en déplaise !
Ce texte est passéiste, parce qu’il sort la France du chemin de transition de ses mobilités que tous ses voisins empruntent, y compris vos amis italiens. En ce sens, il incarne parfaitement le programme de rabougrissement que vous défendez.
Je regrette qu’aucun membre de votre groupe n’ait assisté à une seule minute des auditions que nous avons menées avec Gérard Leseul sur l’accompagnement de la mise en place de ZFE-m. Vous auriez pu constater la multitude d’initiatives qui fleurissent dans nos territoires et chez nos industriels pour adapter nos mobilités aux nouvelles contraintes. Quand l’arc républicain travaille en bonne intelligence pour trouver des solutions nous permettant d’atteindre nos objectifs en matière de santé publique, le Rassemblement national veut tout arrêter et laisser nos enfants s’asphyxier.
Cette proposition de loi est démagogique, parce qu’elle cherche à faire peur pour gagner quelques voix – ce qui constitue le fonds de commerce habituel du Front national. Quoi de mieux que le mensonge pour attiser la peur ? Vous indiquez ainsi dans votre exposé des motifs que dès le 1er janvier 2025, les véhicules dotés de vignettes Crit’Air 5, 4 et 3 ne pourront plus accéder à plus d’une quarantaine d’agglomérations, ce qui est tout simplement faux. Cette restriction ne concernera que les métropoles dont les niveaux de pollution dépassent les seuils réglementaires, soit à peine une dizaine.
Vous présentez un texte bâclé sur un sujet que vous ne maîtrisez même pas. Pour ceux qui s’y intéressent honnêtement, le rapport de la mission flash que nous avons effectuée avec Gérard Leseul formule des propositions, que l’on peut approuver ou non, mais qui sont exactes et réalistes.
M. Gérard Leseul (SOC). La proposition de loi du Rassemblement national qui nous réunit malheureusement aujourd’hui vise à supprimer les zones à faibles émissions mobilité. Répondre de manière simpliste, voire simplissime, à une problématique complexe, alors qu’il faudrait mettre en place des politiques publiques fines et ambitieuses : la recette est bien connue d’un parti d’extrême droite qui surfe sur les crispations de nos citoyens. La question que vous auriez dû vous poser – et nous poser – est : comment concilier enjeux de santé publique, développement durable et mobilité pour tous ?
Les ZFE-m peuvent avoir des vertus, à condition d’être mises en œuvre avec ambition et surtout avec un accompagnement sur mesure afin de permettre à tous nos concitoyens, urbains comme ruraux, de disposer d’une solution de mobilité bon marché leur permettant de continuer à circuler librement.
J’ai relevé plusieurs erreurs dans votre propos, y compris la mention de l’élu de Rouen, qui ne s’est pas prononcé contre les ZFE-m. Vous auriez dû lire plus attentivement les conclusions de la mission flash que Bruno Millienne et moi avons conduite.
Votre proposition fait complètement l’impasse sur la santé publique et sur le coût des mobilités pour nos concitoyens. Vous proposez même la suppression de l’expérimentation du prêt à taux zéro pour changer de véhicule, alors que nous souhaiterions la mise en place d’une garantie de l’État pour l’élargir à tout le territoire.
Dans le cadre de la mission flash que nous avons réalisée, nous avons formulé vingt recommandations. Certaines peuvent être mises en œuvre rapidement. Il est effectivement nécessaire de renforcer la communication sur la mise en place des ZFE-m et de revoir les critères, mais les politiques d’accompagnement doivent être positives et non, comme vous le proposez, provoquer de l’exclusion.
Pour finir, je rappellerai qu’aucun des acteurs que nous avons auditionnés lors de la mission flash n’a contesté l’utilité des ZFE-m.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Si je ne mésestime pas le travail réalisé en amont de cette proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité, celle-ci semble en totale contradiction avec nos engagements en faveur de l’environnement et de la santé de nos concitoyens.
Le secteur des transports représente le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale. Celles-ci proviennent à 93 % des voitures, des véhicules utilitaires et des poids lourds. Limiter leur utilisation au profit de mobilités plus douces doit donc être au cœur de notre action.
Notre ambition écologique ne pourra être pleinement satisfaite que dans un cadre européen et international. Nous devons donc faire preuve de responsabilité dans la mise en œuvre des directives européennes. Concernant la qualité de l’air, les États membres ne doivent pas dépasser des valeurs limites de concentration de polluants. Le principe de cette obligation a été transposé dans le droit français et les ZFE-m en constituent un outil clef, car les indicateurs de qualité de l’air dans nos métropoles restent largement supérieurs aux seuils préconisés.
Toutefois, nous ne sommes pas insensibles à la facilitation de l’accès à des véhicules propres, au développement d’autres types de mobilités et à la prise en considération de la dimension sociale. Nous sommes favorables à une amélioration du dispositif, par un calendrier mieux adapté, une meilleure gouvernance, ainsi qu’une harmonisation et une optimisation des mesures.
Quant à la suppression de l’expérimentation du prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule moins polluant, nous y sommes évidemment opposés. Ces mesures d’accompagnement, qui visent plus particulièrement les ménages les plus modestes et dépendants de leurs véhicules pour leurs activités professionnelles, sont essentielles.
Je vous invite, monsieur le rapporteur, à étudier les conclusions du rapport transpartisan rendu dans le cadre de la mission flash sur les ZFE-m conduite par MM. Millienne et Leseul, sans vous limiter à une phrase isolée. Vous y trouverez des pistes d’ouverture réalistes, à condition de mobiliser les bonnes volontés.
Pour des raisons évidentes de cohérence, le groupe Horizons et apparentés est opposé à la suppression des ZFE-m. Monsieur le rapporteur, nous ne doutons pas de la préoccupation sanitaire de votre groupe envers nos concitoyens, mais que faites-vous des 48 000 décès prématurés liés chaque année à la pollution de l’air ? Ne considérez-vous pas la qualité de ce dernier comme une urgence et un enjeu majeur ?
Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). La pollution de l’air provoque 48 000 décès prématurés par an en France. Ce chiffre est d’ailleurs en cours de réévaluation ; il pourrait atteindre 100 000. Les premiers touchés sont les plus pauvres et les enfants. Cette pollution est en outre responsable de maladies chroniques, dont la plus connue est l’asthme.
La France a été condamnée à plusieurs reprises pour son incapacité à offrir un air pur à sa population. Il était donc vraiment temps d’agir. Bien qu’elles ne constituent pas une solution parfaite, les ZFE-m sont un moyen de protéger les habitants des villes et de leurs périphéries, en premier lieu les plus pauvres.
Nous savons que le Rassemblement national ne s’intéresse pas forcément aux plus fragiles, mais quand on lutte contre le retour en arrière et le mode de vie amish, il serait cohérent de proposer des améliorations du dispositif plutôt que sa suppression. Nos collègues Millienne et Leseul l’ont fait dans leur excellente mission flash.
Parmi leurs propositions, je retiens notamment le rétrofit, qui est une mesure à la fois écologique, sociale et potentiellement créatrice d’emplois industriels locaux. Nous aurions tout à gagner à la mettre en œuvre. Beaucoup d’autres pistes sont intéressantes, comme la prise en considération du poids des véhicules et la possibilité de laisser entrer dans les ZFE-m les petits véhicules anciens, qui sont moins polluants.
J’espère que ces propositions seront retenues afin d’améliorer l’acceptabilité des ZFE-m. En outre, les écologistes estiment depuis longtemps qu’il faut investir massivement dans des transports collectifs performants, des infrastructures cyclables et des pratiques autres que l’autosolisme.
Si les conditions de mise en œuvre des ZFE-m sont à améliorer, s’il faut étendre la concertation et veiller à prendre en considération tous les usagers, le groupe
Écologiste-NUPES est néanmoins favorable à ce dispositif. Nous proposerons donc des amendements de suppression des articles et voterons contre la proposition de loi.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Entre, d’une part, la pollution de l’air et ses conséquences humaines – 48 000 vies brisées chaque année – et, d’autre part, la problématique d’acceptabilité sociale, avec l’impossibilité d’accepter qu’une partie de la population soit empêchée de venir dans les centres-villes faute de disposer des équipements automobiles et autres lui permettant de s’y rendre, se pose une question d’égalité républicaine. Malheureusement, le débat est tronqué, car il est réduit à une caricature.
La proposition de loi supprime le dispositif, alors que notre responsabilité collective est de conserver ce qui est plutôt positif et d’apporter des mesures nouvelles en matière de mobilité pour préserver l’égalité républicaine que nous devons à nos concitoyens, et plus particulièrement à ceux qui vivent dans la France qualifiée de périphérique.
Comment chacun a pu le relever, ceux que l’on prétend protéger par ce texte sont par ailleurs les plus touchés par les morts précoces et prématurées liées à la pollution de l’air. Au nom de mon groupe, je regrette que ce sujet sérieux et capital pour les années à venir soit abordé de manière extrêmement restrictive, en nous renvoyant finalement à un choix binaire : pour ou contre les ZFE-m.
Nous aurions pu adopter une autre perspective, consistons à nous retrouver sur la nécessité d’apporter des réponses adaptées pour répondre aux enjeux de santé publique et sur la nécessité de développer des mobilités garantissant l’égalité républicaine. Nous devrons apporter des solutions, notamment par le prêt à taux zéro, aux personnes qui se retrouveront en situation difficile.
Nous voterons contre la proposition de loi, mais regrettons la forme prise par ce débat.
Mme Marjolaine Meynier-Millefert, présidente. Nous en venons aux interventions des autres députés.
M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Il est vrai que les choses s’emmanchent mal. Les zones à faibles émissions sont mal pensées et mal appliquées sur le plan écologique et social. Les émissions de CO2 ne sont pas prises en considération, les SUV électriques bénéficient de la vignette Crit’Air 1 alors même que leur production est loin d’être écologique. Le dispositif est en réalité un grand plan de relance de l’industrie automobile chinoise, puisque les véhicules électriques accessibles au peuple sont tous produits en Chine. Il favorise le
tout-voiture au lieu de développer les autres modes de déplacement et les transports en commun. La conversion des véhicules thermiques en véhicules électriques n’est même pas envisagée. Les mesures de gratuité pour les transports en commun sont insuffisantes. Il est pourtant urgent d’agir pour la santé et le climat. La mission flash a ouvert des pistes. Quand allons-nous agir ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Il faut en effet impérativement agir pour la santé et le climat. La vraie solution est le développement massif des transports en commun, de RER par exemple. M. Macron lui-même en a annoncé le développement dans dix métropoles françaises. Allons donc dans cette direction, mais en veillant à ce qu’il y ait une maîtrise publique des travaux, des infrastructures et de la gestion des transports, en refusant la mise en concurrence avec le privé qui crée les désordres que l’on sait en Île-de-France et en favorisant leur utilisation en fixant des tarifs abordables, en mettant en place un service adéquat et en instaurant la gratuité pour les moins de 25 ans, les chômeurs et les personnes précaires. Pour ce faire, il convient de lancer un grand plan d’investissement concerté entre l’État et les collectivités territoriales, qui ne fasse pas reposer l’effort financier sur ces dernières. Si, dans leur conception actuelle, les ZFE-m ne sont pas acceptables, il faut urgemment trouver des solutions pour améliorer la qualité de l’air, réduire les émissions de CO2 et garantir le droit à la mobilité pour toutes et tous. Or la présente proposition de loi supprime les ZFE-m mais ne propose rien.
M. Damien Adam (RE). Ma circonscription, tout comme celle de M. Leseul, est concernée par une ZFE-m au titre de la LOM.
Monsieur le rapporteur, avez-vous auditionné les Aasqa, qui nous fournissent des données très précises, notamment sur les émissions de dioxydes d’azote et de particules fines ?
Votre proposition de loi ne répond aucunement au problème. Les ZFE-m sont un bon outil, qui a été proposé par le Gouvernement et adopté par le Parlement. Des difficultés d’application sont apparues dans certains territoires, notamment dans la métropole de Rouen – vous avez d’ailleurs cité le témoignage d’un adjoint à la mairie de Rouen qui s’est exprimé dans le cadre de vos auditions –, mais cela ne remet pas en cause le dispositif à l’échelle nationale.
M. Pierre Meurin, rapporteur. Tous les intervenants disent que les ZFE-m ne marchent pas, qu’elles posent beaucoup de problèmes, mais qu’il faut quand même continuer à les mettre en place… Notre discours a le mérite d’être clair : supprimons les ZFE-m, repartons de zéro et trouvons ensemble un nouveau dispositif !
Il est inexact de dire que nous ne proposons rien. Si nous voulons supprimer les
ZFE-m, nous voulons aussi inciter en douceur, avec pédagogie et grâce à des aides ciblées, les Français à changer de véhicule, par exemple pour qu’ils remplacent une voiture des
années 2000 par une autre des années 2010. Il s’agit d’accélérer un peu le processus d’extinction naturelle du vieux parc automobile.
Autre solution, rendre le décalaminage obligatoire. Selon les acteurs de la filière que nous avons auditionnés, un entretien une fois par an permettrait de réduire dans une proportion de 40 % à 60 % la pollution aux particules fines. On pourrait donc renforcer les normes du contrôle technique pour ce qui concerne la pollution atmosphérique. Cela permettrait de rompre avec la logique consistant à interdire aux véhicules anciens d’aller en ville, qui n’est pas comprise par les Français, est socialement injuste et pose de nombreuses difficultés d’application.
Nombreux sont ceux qui mettent en avant les transports en commun – mais s’il n’y a pas d’alternative à la voiture, on ne peut pas interdire aux gens d’entrer dans les villes, et cela quel que soit l’âge de leur véhicule ! Les petites lignes du quotidien souffrent depuis des années d’un sous-investissement chronique : en un siècle, je le répète, on a fermé 40 000 kilomètres d’entre elles, ce qui a provoqué l’explosion du trafic routier. Tant qu’on n’y a pas remédié, on ne peut adopter une écologie punitive qui exclurait les Français des zones rurales des centres-villes. Les enjeux sanitaires sont très importants mais plus vous enclavez les zones rurales, plus vous les stigmatisez ; vous dites à leurs habitants qu’ils ne sont pas les bienvenus dans les villes – c’est en tout cas le sentiment qu’ils ont – alors même que les établissements et les professionnels de santé s’éloignent d’eux et que leurs trajets en voiture ne cessent de s’allonger.
Il y a une vingtaine d’années, l’écart d’espérance de vie entre les urbains et les ruraux était de deux mois ; il est aujourd’hui de deux ans et demi. On note donc un accroissement des inégalités sanitaires entre les zones rurales et les zones urbaines.
J’ai habité à Saint-Joseph, commune rurale située non loin de votre circonscription, monsieur Fugit. Avec ma 306, malgré les bouchons sur le pont de Givors, je rejoignais Lyon en quarante minutes ; avec le train, cela m’aurait pris une heure et demie.
L’exclusion des voitures en ville est décorrélée du développement des transports en commun : voilà le problème. C’est pourquoi je parle de décroissance et de passéisme. On cherche à compliquer la vie des Français et à ralentir leurs déplacements au lieu de les faciliter grâce à un plan d’investissement dans les transports en commun.
Quant aux attaques politiciennes auxquelles certains se sont livrés, je les prends comme des taquineries. « Pollutio-scepticisme » : j’aime beaucoup ce néologisme, monsieur Millienne. Vous prétendez que je n’ai pas consulté votre rapport. C’est faux : je l’ai évidemment lu avec la plus grande attention et, monsieur Adam, j’ai auditionné les Aasqa, dont Atmo France et Airparif.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Et que vous ont-elles dit ?
M. Pierre Meurin, rapporteur. Elles m’ont parlé de leurs travaux, qui sont intéressants.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Ont-elles confirmé les chiffres que nous avons donnés ?
M. Pierre Meurin, rapporteur. Les ZFE-m excluant les véhicules Crit’Air 3, 4 ou 5 n’ont pas d’effet significatif sur la qualité de l’air.
MM. Jean-Luc Fugit (RE) et Bruno Millienne (Dem). C’est faux !
M. Pierre Meurin, rapporteur. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Ademe, dans son rapport sur les zones à faibles émissions à travers l’Europe. Les études d’impact montrent un effet très limité des ZFE mobilité sur les concentrations en particules et en dioxydes d’azote lorsque les restrictions de circulation concernent les véhicules jusqu’au Crit’Air 3. En d’autres termes, pour qu’elles soient efficaces, il faudrait interdire aussi la circulation des véhicules Crit’Air 2, soit les trois quarts du parc automobile français.
En conclusion, les ZFE-m sont selon moi un non-sens politique, social et même sanitaire.
Amendements de suppression CD1 de Mme Lisa Belluco, CD5 de M. Gérard Leseul, CD7 de M. Bruno Millienne, CD9 de Mme Anne-Cécile Violland et CD11 de M. Jean-Luc Fugit.
Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous n’avons jamais dit que les ZFE-m ne servaient à rien. Ce que nous disons, c’est que ce dispositif, qui se met en place depuis quelques années, nécessiterait des mesures d’accompagnement adéquates. En particulier, les investissements en parallèle dans les transports en commun ne sont pas à la hauteur.
Nous sommes favorables non pas à la suppression des ZFE mais à une adaptation du dispositif. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.
M. Gérard Leseul (SOC). Dans la discussion générale, j’ai exposé nos arguments en faveur d’une amélioration des ZFE-m. Si nous sommes parfaitement conscients que leur mise en œuvre n’est pas encore satisfaisante et si nous déplorons le manque de coordination au niveau national, l’absence de parlementaires au sein du comité de suivi et l’insuffisante harmonisation des dispositifs, nous ne voulons pas les supprimer pour autant.
Dans le cadre de la mission flash, Bruno Millienne et moi avons émis vingt recommandations. Nous avons tout intérêt à les soutenir collectivement auprès des pouvoirs publics, voire à en émettre d’autres afin que des moyens plus importants soient consacrés aux mobilités individuelles et surtout aux mobilités collectives, qui font actuellement défaut. Ce ne sont pas les annonces du Président de la République sur les RER métropolitains qui régleront le problème, surtout si l’on refuse par ailleurs d’augmenter les crédits de la SNCF. Il n’est toutefois pas question de supprimer une disposition visant à réduire les pollutions atmosphériques, lesquelles provoquent de nombreux décès parmi nos concitoyens.
M. Bruno Millienne (Dem). Nous non plus nous ne voulons pas supprimer les
ZFE-m. Nous voulons améliorer le dispositif pour qu’il soit un succès. Il est dommage, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez auditionné ni Gérard Leseul ni moi-même, car, après la mission flash, nous avons continué à travailler avec les acteurs de terrain et avec le Gouvernement. Si vous vous étiez un peu renseigné, vous sauriez qu’il y a déjà de nombreux retours des territoires et que diverses solutions ont été proposées. Le génie français a ceci de fantastique que, face à une difficulté, les territoires font des suggestions, ce qui facilite grandement les choses. Oui, c’est un challenge, mais nous pouvons le gagner. C’est ce que nous vous aurions dit si vous nous aviez interrogés.
M. Vincent Thiébaut (HOR). Supprimer les ZFE-m reviendrait à nier les problèmes de santé publique et les enjeux climatiques ; c’est un déni de la réalité. Les difficultés de mise en œuvre des ZFE-m sont souvent liées à la surenchère de certaines collectivités territoriales. Quant à l’accompagnement, je rappelle que la prime à la conversion a déjà permis de sortir plus de 1 million de véhicules anciens du parc automobile français. Elle va être renforcée de 1 000 euros, notamment pour les personnes qui habitent dans des ZFE-m. Un prêt à taux zéro (PTZ) permettra en outre de soutenir à partir de 2023 les ménages les plus modestes dans leur transition écologique en matière de véhicule.
Au-delà des enjeux de santé publique et de climat, la question que posent les ZFE-m est : pourquoi a-t-on besoin d’utiliser autant la voiture, de se rendre si fréquemment dans les grandes villes et de posséder deux à trois véhicules par foyer ? C’est en réalité un problème d’aménagement du territoire. Je pense que nous pourrions tous nous retrouver pour travailler sur le sujet, à partir de projections.
Quoi qu’il en soit, la suppression des ZFE-m et des aides à l’achat d’un véhicule propre me paraît aberrante au regard des enjeux que j’ai indiqués. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Dans la discussion générale, j’ai retracé l’historique des ZFE-m, en expliquant pourquoi nous avions décidé d’inscrire ce dispositif dans la loi d’orientation des mobilités, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le titre III, « Développer les mobilités propres et actives ». Je voudrais maintenant, monsieur le rapporteur, vous apporter quelques éléments scientifiques. Je reviendrai sur la question de l’accompagnement à l’occasion de l’examen du prochain article ; pour l’heure, je souhaite corriger plusieurs inexactitudes que vous avez proférées.
Vous avez déclaré que les ZFE-m n’avaient pas d’effets sanitaires. Soyons sérieux. Lors du confinement de 2020, alors que la circulation était considérablement réduite, les émissions d’oxydes d’azote ont été réduites de 70 % – les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air que vous avez auditionnées vous le confirmeront ; je vous renvoie aussi au rapport que j’ai remis au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) au mois de décembre 2021. En effet, ce n’est pas tant contre les particules fines que contre les oxydes d’azote que les ZFE-m vont permettre de lutter. Cela prouve que dès lors qu’on s’attaque à la circulation automobile dense, en particulier à celle des véhicules les plus anciens, il y a un effet direct sur la qualité de l’air.
Au-delà des aspects sanitaires, l’enjeu socio-économique est énorme. La pollution de l’air coûte près de 5 milliards d’euros par an à la France, dont 3 milliards de dépenses de santé respiratoire. Elle a aussi – et, à ma grande surprise, cela n’a pas encore été signalé – un impact sur la biodiversité, ainsi que sur les rendements agricoles : elle provoque l’été une baisse de 15 % à 30 % de ceux-ci en raison de l’ozone troposphérique résultant de la présence d’oxydes d’azote – si vous voulez, je peux vous faire un cours de chimie. Elle a ainsi des répercussions directes sur les productions de blé, de maïs et, en Asie, de riz – qui ne sont rien moins que les aliments principaux de l’humanité. Elle provoque aussi la dégradation des bâtiments.
Les zones à faibles émissions mobilité ont été conçues en 2018-2019 avec la ministre des transports de l’époque, Élisabeth Borne, en concertation avec les collectivités territoriales et au vu de ce qui se faisait en Allemagne et en Italie, où l’on compte plus de 200 zones équivalentes – on a constaté à Rome une baisse considérable de la pollution, qui est tout à fait bénéfique, notamment pour nous autres touristes. Elles ont donc été inscrites dans la loi d’orientation des mobilités.
On ne peut pas dire n’importe quoi. Comment nos collègues de la France insoumise – qui annoncent, à ma grande surprise, vouloir s’abstenir sur ce texte – peuvent-ils affirmer qu’à partir de 2025, 40 % du parc automobile n’aura plus le droit de circuler ? Ce n’est pas ce qui est inscrit dans la loi ! Ce que dit la loi « climat et résilience », c’est qu’un calendrier d’exclusion des véhicules jusqu’en 2025 sera imposé uniquement si les valeurs limites de qualité de l’air sont régulièrement dépassées. Pour ce qui concerne les oxydes d’azote, cela ne concernera en réalité que les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille.
À Villeurbane, vos concitoyens, monsieur Amar, perdent un an d’espérance de vie à cause de la pollution. Vous devriez soutenir les zones à faibles émissions mobilité. Comment pouvez-vous vous abstenir sur un tel texte ? C’est irresponsable !
Il s’agit d’un enjeu de santé publique et environnemental majeur. Lisez la loi dans le détail avant de critiquer, comme d’habitude, ce qui a été fait au cours de la précédente législature. Nous nous sommes attaqués à la pollution de l’air de manière extrêmement poussée. Il a été inscrit dans la loi « climat et résilience » un plan d’action « chauffage au bois » élaboré avec le Conseil national de l’air, que je préside, des associations environnementales comme Réseau Action Climat et le monde agricole. Ce plan prévoit une réduction progressive de l’émission de particules fines dans l’ensemble du territoire ainsi qu’une réduction de l’emploi des engrais azotés dans le monde agricole.
En ce moment même, le projet de décret définissant les trajectoires annuelles de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac du secteur agricole jusqu’en 2030 – que nous avons élaboré en liaison avec le monde agricole – est soumis à consultation publique. On n’a jamais autant fait que sous la précédente législature pour s’engager dans une trajectoire d’amélioration progressive de la qualité de l’air. C’est un enjeu de santé respiratoire. Je ne comprendrais pas que des groupes qui se disent sensibles aux questions écologiques s’abstiennent sur un tel texte.
En mettant en place les ZFE-m, on traite aussi la question du CO2. Au cours de la précédente législature, on a intégré pour la première fois dans l’indice de la qualité de l’air au quotidien la mesure des particules PM2.5, ce qui était réclamé depuis 2011 par nombre d’associations. Eh bien, c’est le gouvernement de l’époque, et plus particulièrement la ministre de la transition écologique et solidaire Élisabeth Borne, qui a eu le courage de le faire.
Dernier point qui a été scientifiquement démontré : on s’est aperçu à l’occasion de l’épidémie de covid que la faiblesse de la résistance au virus était fortement liée à l’exposition à la pollution de l’air. Autrement dit, les personnes qui vivent dans un milieu pollué ont une résistance au virus plus faible. Cela a été démontré à partir d’études de cohorte menées en France et dans le monde. Tout est consigné dans le rapport de l’Opecst, que je vous invite à lire.
Adopter ces amendements de suppression, c’est donner la possibilité de mettre en œuvre des ZFE-m – même si, j’en suis d’accord, il faudra améliorer l’accompagnement ; c’est vouloir préserver la santé respiratoire de nos concitoyens. J’espère que la France insoumise ne s’abstiendra pas. Ce serait incompréhensible.
M. Pierre Meurin, rapporteur. Le calendrier, qui nous arrive en pleine figure, rend impossibles des mesures d’accompagnement et la mise en place d’autres solutions que les ZFE-m avant les premières verbalisations.
Nous sommes tous sensibles à la qualité de l’air – merci, madame Violland, de l’avoir reconnu. Or certaines pistes n’ont pas été explorées. Juridiquement, le droit de circulation d’un véhicule est lié au contrôle technique, non à la mise en place de zones de restriction. Le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi a priori du dispositif des ZFE-m. Or j’ai tendance à penser que celles-ci sont un outil de séparatisme territorial contraire aux grands principes constitutionnels de liberté, d’égalité et de libre circulation des personnes. D’autres voies sont possibles, comme le renforcement du contrôle technique – que tous les Français connaissent et acceptent –, en y intégrant une mesure plus stricte de la pollution de l’air par le véhicule. Cela éviterait une usine à gaz.
La pollution aux oxydes d’azote est liée aux imbrûlés et à l’encrassement des moteurs. La meilleure manière d’améliorer la qualité de l’air est de favoriser l’entretien de ces derniers et de renforcer l’arsenal répressif contre les véhicules qui roulent alors qu’ils n’ont pas respecté les obligations du contrôle technique. Le décalaminage, que j’ai découvert récemment, est une solution intéressante qui, pratiquée annuellement, permettrait de réduire dans une proportion de 40 % à 60 % les émissions d’oxydes d’azote d’un véhicule. Or il n’est pas obligatoire.
Certes, les ZFE-m pourraient avoir un effet sur la qualité de l’air, mais ce serait au prix de l’exclusion de millions de Français des centres-villes où ils travaillent, consomment et ont accès aux soins et aux services publics du fait de la disparition de ceux-ci des zones rurales. Les gouvernements successifs ont largement participé au mouvement de métropolisation qui a dévitalisé les zones rurales. Un sondage montre que 60 % des Français ne savent pas ce que sont les ZFE-m. C’est une bombe à retardement sociale qui risque d’éclater quand les habitants des zones rurales prendront conscience qu’ils seront verbalisés à hauteur de 68 euros lorsqu’ils entreront dans une métropole.
Pendant le confinement, monsieur Fugit, aucun véhicule ne roulait. Or je vous ai dit tout à l’heure que pour enregistrer une amélioration significative de la qualité de l’air en ville, il faudrait exclure également les véhicules Crit’Air 2. Votre remarque va donc dans mon sens, puisque pour réduire de 70 % les émissions d’oxydes d’azote, il faudrait aller jusqu’à la suppression totale de la circulation automobile ! Pouvez-vous m’indiquer avec précision la réduction prévisionnelle des émissions avec des ZFE-m excluant les seuls véhicules Crit’Air 3, 4 et 5 ?
Avis défavorable sur les amendements de suppression.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Vous dites, monsieur Fugit, que le confinement a fait baisser les émissions. L’exemple corrobore ce que nous disons : il est nécessaire de procéder à une baisse générale de celles-ci. Vous faites un constat juste mais, fidèles à votre doctrine du « en même temps », vous n’en tirez pas les conclusions. Pour notre part, nous affirmons que les émissions de particules fines, mais aussi celles de CO2, sont un problème global. Nous sommes donc très critiques envers le texte qui nous est soumis : en proposant de supprimer purement et simplement les ZFE-m, monsieur le rapporteur, vous faites preuve d’un déni des questions environnementale, climatique et sanitaire. Qui plus est, votre texte est écrit avec les pieds. Vous continuez à promouvoir le tout-voiture et n’avez guère travaillé sur les autres solutions dont vous parlez – c’est le moins que l’on puisse dire.
Le problème n’est pas envisagé dans son ensemble. Vous omettez de dire, monsieur Fugit, que les ZFE-m ne régleront pas le problème des émissions par les activités industrielles, nombreuses à la périphérie de nos villes, qu’il s’agisse de l’agglomération de Lyon-Villeurbanne ou de la métropole bordelaise. Jusqu’à preuve du contraire, lesdites émissions ne s’arrêtent pas à la rocade ou au périphérique de ces grandes métropoles ! Nous pensons qu’il faut revoir le périmètre des ZFE-m pour traiter la question de manière plus globale. Il faut en outre un accompagnement pour sortir rapidement du tout-voiture. Or le texte présenté ne répond à aucun de ces objectifs. Nous prendrons nos responsabilités en conséquence. Nous avons besoin d’une proposition cohérente qui tienne compte des enjeux climatique et sanitaire.
M. Bruno Millienne (Dem). Je souhaite apporter quelques éclairages.
Les contrôles policiers et les barrages dont vous avez parlé, monsieur le rapporteur, n’existeront pas ; c’est une vue de l’esprit, sinon une lubie. Pour votre bonne information, il a été acté que le contrôle des véhicules serait assuré au moyen d’un système de vidéosurveillance dénommé Lapi – lecture automatisée des plaques d’immatriculation – et que le produit des amendes collectées serait reversé aux collectivités, hors frais de gestion par les services de l’État. Gérard Leseul et moi avons préconisé que l’entrée en vigueur de ces contrôles au second semestre 2024 – et non 2025, comme vous l’avez dit – soit précédée d’une période d’au moins six mois de contrôles pédagogiques, étant entendu que ce sont les collectivités qui décideront.
S’agissant de la réglementation des émissions de particules fines, sans doute n’êtes-vous pas au courant que la norme Euro 7 est en cours d’élaboration au niveau européen. Elle concerne surtout les particules émises par les pneus et les freins. D’ailleurs, les fabricants de pneus ont déjà commencé à s’adapter : les nouveaux véhicules électriques sont équipés de pneus beaucoup plus durs, qui émettent moins de particules.
Votre proposition de loi est hallucinante. Au cours de sa préparation, vous auriez pu interroger le collectif Roole, acteur de l’économie sociale et solidaire, avec lequel travaillent des associations de lutte contre la précarité telles que le Secours catholique, le Secours populaire, Emmaüs ou les garages solidaires. Sans doute n’en avez-vous même pas entendu parler. Ils ont fait une proposition assez intéressante, que j’ai transmise au Gouvernement et sur laquelle celui-ci travaille : il s’agirait de récupérer une partie des 1,2 million de véhicules hors d’usage qui sont envoyés chaque année à la casse, en tout cas ceux qui roulent encore, de les rétrofiter et de les mettre en leasing – peut-être pour moins de 100 euros, précisément – au profit des gens qui ont peu de moyens. Au bout de cinq ans, ces véhicules électriques seraient rachetés par l’usager ou mis sur le marché de l’occasion. Le collectif Roole formule la même proposition pour les véhicules des domaines.
Nous allons en outre agir, notamment en instaurant des subventions, pour créer une filière du rétrofit des véhicules des artisans et commerçants, sachant que la valeur patrimoniale de ces véhicules est liée avant tout à leur aménagement, qui permet l’exercice de tel ou tel métier. Les intéressés plébiscitent le principe du rétrofit.
En matière de lutte contre la pollution de l’air, le partage des contraintes ne se fera pas uniquement dans les métropoles – je vous l’apprends peut-être, monsieur Prud’homme. Le Gouvernent a créé un groupe de travail sur la création de ZFE dans les ports maritimes et fluviaux. Gérard Leseul et moi avons en effet constaté que les ports sont tous situés à proximité d’une future ZFE-m. Dès lors, il n’est pas normal que le port ne soit pas concerné par les mesures que l’on demande à la ville d’appliquer. Il n’est pas prévu de faire de même pour les zones industrielles et les zones aéroportuaires, celles-ci n’étant pas toutes situées à proximité d’une ZFE-m. En revanche, nous avons demandé au Gouvernement de renforcer les normes antipollution dans ces zones.
Si vous aviez daigné nous parler au préalable, monsieur le rapporteur, peut-être n’auriez-vous pas déposé votre proposition de loi.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Travaillant depuis vingt ans sur la pollution de l’air, je vais m’efforcer à mon tour d’apporter quelques éclairages, en me plaçant du point de vue scientifique.
Pour chaque polluant, sur le fondement d’études scientifiques, notamment épidémiologiques, on fixe deux normes : une valeur limite de concentration dans l’air, au-delà de laquelle on sait qu’il y a un impact sur la santé ; un objectif qualité, en deçà duquel on sait qu’il n’y a aucun impact sur la santé. Entre les deux, il y a un intervalle. Les politiques publiques visent à diminuer la concentration du polluant de sorte qu’elle passe au-dessous de la valeur limite, puis atteigne l’objectif qualité, voire tombe en deçà.
Depuis plus de vingt ans, des politiques publiques sont menées pour réduire les émissions d’oxydes d’azote – en particulier de protoxyde d’azote –, de particules fines ou encore d’ammoniac. En la matière, c’est sans doute dans le secteur industriel que l’on a le mieux travaillé et le plus progressé – ne déformez pas mon propos.
Pour améliorer la qualité de l’air dans son ensemble, il faut jouer sur les émissions relevant des transports – c’est l’objet des travaux que nous menons ce matin –, de l’agriculture – j’ai évoqué tout à l’heure les mesures engagées dans ce secteur – et d’autres pratiques comme le chauffage au bois non performant. Notez bien que nous ne nous opposons pas au chauffage au bois, mais au chauffage au bois non performant. C’est pourquoi le Gouvernement a présenté le 23 juillet 2021 un plan « chauffage au bois », dont les mesures de nature législative ont été introduites dans la loi « climat et résilience ». Il s’agit de diminuer progressivement les émissions de particules d’ici à 2030, afin de progresser vers l’objectif qualité et de réduire l’impact sur la santé de nos concitoyens. Nous agissons non pas contre les gens, mais contre les polluants.
Chaque polluant a une source privilégiée. Les émissions de particules sont réparties entre le chauffage au bois, l’industrie, l’agriculture et les transports. En revanche, la source principale des émissions d’oxydes d’azote, ce sont bel et bien les véhicules utilisant des énergies fossiles, à savoir l’essence et le diesel. Plus les véhicules sont anciens, plus ils émettent une grande quantité d’oxydes d’azote par kilomètre parcouru.
M. Pierre Meurin, rapporteur. La source est essentiellement le diesel.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Le diesel plus encore que l’essence, nous sommes d’accord sur ce point.
Lorsque nous avons travaillé sur les ZFE dans le cadre de la LOM, j’ai défendu un amendement visant à préciser qu’il s’agissait de ZFE mobilité. Certains ont souri, se demandant quel était l’intérêt d’ajouter ce « m » à ZFE. Mon intention était tout simplement de bien faire comprendre que nous allions jouer uniquement sur le levier des transports à énergie fossile, et non sur le chauffage au bois, l’agriculture ou l’industrie.
L’objectif politique, c’est l’amélioration de la qualité de l’air. L’outil dont nous avons doté à cette fin les collectivités, ce sont les ZFE-m. J’ai entendu tout à l’heure des propos un peu démagogiques qui laissaient entendre que tout était imposé par l’État. Ce n’est pas exact : c’est aux collectivités de décider du périmètre et du calendrier, en s’appuyant sur les mesures de qualité de l’air réalisées par les Aasqa. La loi – je suppose que chacun en a lu les dispositions en vue de se prononcer sur le présent texte – impose la création sans délai d’une ZFE-m, avec l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 à compter du 1er janvier 2025, dans un seul cas : si et seulement les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées de manière régulière, c’est-à-dire si l’une des valeurs limites est dépassée au moins trois années sur les cinq dernières années. Compte tenu du parc automobile existant et de ce qui a été observé, nous savons que cela concernera principalement les agglomérations parisienne, lyonnaise et marseillaise.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Ce n’est pas vrai. Il n’y a que Brest qui est exemptée !
M. Jean-Luc Fugit (RE). Je parle là des émissions d’oxydes d’azote, eu égard à l’objectif que j’ai indiqué. Quant aux autres agglomérations de plus de 150 000 habitants, il leur est demandé de mettre en place une ZFE-m d’ici à 2025, mais selon un calendrier et dans un périmètre dont elles sont responsables. On leur fait bel et bien confiance.
Le ministre de la transition écologique et le ministre délégué chargé des transports ont créé un comité de suivi qui se réunira tous les six mois, afin d’assurer une coordination nationale entre tous les acteurs qui se sont engagés dans cette politique.
J’espère que nous allons adopter les amendements de suppression.
M. Pierre Meurin, rapporteur. Merci, monsieur Fugit, mais vous ne m’avez pas donné de chiffre concernant l’impact des ZFE-m en matière d’amélioration de la qualité de l’air. Je le répète, l’exemple du confinement n’est pas pertinent, car le trafic était alors presque nul ; autrement dit, les véhicules Crit’Air 2 ne roulaient pas non plus. À moins qu’on ne veuille en arriver là dès 2025 ? Cela ne me paraîtrait ni réaliste, ni raisonnable, ni socialement acceptable. J’en reviens donc à mon argument : pour que les ZFE-m conduisent à une amélioration significative de la qualité de l’air en ville, il faudrait exclure jusqu’aux véhicules Crit’Air 2, à savoir les trois quarts du parc automobile français.
Je ne doute pas que vous soyez un grand scientifique, monsieur Fugit, mais la politique est une science humaine. Le réalisme commande de combiner des mesures pour parvenir au bien commun. En l’espèce, il n’y a absolument pas d’autres solutions que la voiture individuelle ; il n’y a pas suffisamment de transports en commun, ni d’intermodalité. Avec les ZFE-m, la durée des déplacements va tripler, quadrupler ou quintupler pour les habitants des zones rurales. Quand bien même cela améliorerait la qualité de l’air, cela compliquera la vie de millions de Français. Si on leur proposait d’être exposés à un peu plus de particules fines pour faire une heure de trajet au lieu de cinq, je pense qu’ils signeraient.
Le dispositif des ZFE-m est une usine à gaz, que les Français ne comprennent pas et n’acceptent pas. Supprimons-le et refondons-le ; repartons de zéro. Nous sommes prêts à travailler, avec vous tous, à d’autres solutions.
Vous regrettez, monsieur Millienne, que je ne vous aie pas auditionnés, Gérard Leseul et vous, dans le cadre de la préparation de ma proposition de loi. Cela aurait été effectivement intéressant ; c’est un oubli de ma part, dont je vous prie de m’excuser. J’ai néanmoins lu votre rapport, dans lequel vous formulez des propositions. Vous auriez d’ailleurs très bien pu déposer des amendements pour les intégrer dans le présent texte. Au lieu de saisir cette occasion, vous avez déposé des amendements de suppression. Vous êtes donc davantage dans une posture politicienne que vous n’avez la volonté de faire appliquer vos propres recommandations.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Article 2 (article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) : Suppression de l’expérimentation d’un prêt à taux zéro dans les zones à faibles émissions mobilité
Amendements de suppression CD2 de Mme Lisa Belluco, CD3 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, CD6 de M. Gérard Leseul, CD8 de M. Bruno Millienne, CD10 de Mme Anne-Cécile Violland et CD12 de M. Jean-Luc Fugit.
Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’article 2 vise à supprimer une mesure d’accompagnement qui me semble pourtant utile. Je propose de la conserver et nous invite à réfléchir à d’autres mesures d’accompagnement.
M. Gérard Leseul (SOC). Non seulement cette proposition de loi relève du déni sanitaire, environnemental et démocratique, mais c’est aussi un texte totalement réactionnaire. L’article 2 est antisocial, et je n’en comprends pas du tout la logique. Vous vous attachez à supprimer l’expérimentation d’un PTZ, une des seules mesures intéressantes, qu’il convient au contraire d’améliorer. Il faut tout faire pour étendre ce dispositif, pour le faire garantir par l’État, condition sine qua non de sa réussite, et pour en accélérer la mise en œuvre – nous nous étions déjà battus en ce sens. Nous voterons avec vigueur pour les amendements de suppression.
M. Bruno Millienne (Dem). Pour les raisons que vient d’évoquer Gérard Leseul, nous demandons nous aussi la suppression de l’article 2. Il est encore plus ahurissant que l’article 1er ; les bras m’en tombent !
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le rapporteur, vous savez très bien que le recours au contrôle technique n’est pas une solution viable. En revanche, grâce au système de vidéosurveillance Lapi, il sera possible d’attribuer une note de pollution aux cartes grises des véhicules mis sur le marché, dispositif qui pourra être harmonisé au niveau européen. Voilà une mesure intelligente.
Le rapport que Gérard Leseul et moi avons remis à l’issue de notre mission flash – j’ai adoré travailler avec vous, mon cher collègue – n’a pas servi à caler une armoire. Le Gouvernement a déjà repris neuf des vingt mesures qui y figurent. Le ministre de la transition écologique est très optimiste quant à la possibilité de faire garantir le PTZ par l’État. Plusieurs groupes de travail ont été créés : sur l’harmonisation des mesures, sur l’acceptabilité sociale, sur les ZFE portuaires. Un délégué interministériel a été nommé. Un comité de suivi se réunit pour permettre la concertation et faire en sorte que tous les acteurs avancent dans le même sens. Vous semblez méconnaître tout cela, monsieur le rapporteur. C’est vous qui êtes dans une logique totalement politicienne : vous cherchez à faire peur aux Français et à gagner ainsi quelques voix supplémentaires ; j’espère que vous ne les obtiendrez pas.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le groupe Horizons et apparentés est très surpris que l’on propose, par l’article 2, de supprimer ce PTZ. Ce serait particulièrement injuste et contre-productif au regard de nos objectifs en matière de transition écologique.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Pour déployer les ZFE-m, il faut accompagner à la fois les collectivités et nos concitoyens.
En matière d’accompagnement des collectivités, l’Ademe pilote un groupe de travail national. Des engagements ont été pris dès 2018, avant même l’examen de la LOM, entre le Gouvernement et les collectivités les plus touchées par le dépassement régulier des normes de pollution atmosphérique. Les ministres ont récemment réuni toutes les collectivités concernées. Le fonds vert, annoncé pour 2023, prévoit 150 millions d’euros pour accompagner les collectivités dans la mise en place des ZFE-m, notamment pour financer les études préalables réalisées par les Aasqa. Des moyens existent donc déjà ; il faut sûrement les renforcer.
En matière d’accompagnement des particuliers, nous avons instauré au cours de la législature précédente le bonus écologique et la prime à la conversion, qui a été étendue par la loi « climat et résilience » à l’achat d’un vélo à assistance électrique – le président Zulesi s’en souvient. Au total, 1 million de primes ont été accordées au cours du quinquennat précédent. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut aller plus loin encore, mais c’est un premier pas.
D’autre part, on ne peut pas dire que nous n’accompagnons pas le développement des mobilités actives et des mobilités partagées ! Nous avons créé le forfait mobilités durables, désocialisé et défiscalisé. Son montant a été progressivement relevé : de 400 euros initialement, il a été porté à 500 euros sur proposition de la Convention citoyenne pour le climat ; le dernier projet de loi de finances rectificative prévoit qu’il atteindra désormais 700 euros, voire 800 euros dans certains cas. Hier, un plan « covoiturage » a été annoncé. Mme la Première ministre a en outre décidé que le plan Vélo serait doté de 250 millions d’euros par an, contre 50 millions précédemment.
D’autres mesures sont en gestation. Le Président de la République a évoqué des projets de RER. Il avait auparavant mis en avant la question du leasing social, sur laquelle nous allons travailler.
Le PTZ est l’une des mesures d’accompagnement. Vous proposez de le supprimer par l’article 2, ce qui est tout de même surprenant. Je me réjouis que ma collègue écologiste Lisa Belluco souhaite le conserver. Elle a aussi indiqué tout à l’heure être favorable au rétrofit. Or celui-ci pourra désormais être financé par le PTZ, grâce à l’adoption d’un de mes amendements au projet de loi de finances. Dès lors, supprimer le PTZ reviendrait à supprimer un outil de soutien au rétrofit, ce qui serait incohérent.
Je vous invite à voter pour les amendements de suppression de l’article 2 aussi massivement que vous avez voté pour ceux de suppression de l’article 1er. Il faut préserver les aides prévues. Il faudra aussi, le cas échéant de manière transpartisane – je m’adresse notamment à Gérard Leseul –, travailler au renforcement de ces mesures au cours des années qui viennent, de telle sorte que nos concitoyens respirent mieux et se portent mieux.
M. Pierre Meurin, rapporteur. Nous pensons que ce PTZ est mal orienté et pose plusieurs difficultés. D’abord, il manque sa cible, puisqu’il concerne l’achat de véhicules électriques ou hybrides rechargeables. Ensuite, la mission flash l’a montré, le reste à charge est de 20 000 à 40 000 euros. Enfin, le PTZ n’est pas garanti par l’État, ce qui signifie que les ménages les plus modestes risquent d’en être exclus, alors qu’ils devraient en être les premiers bénéficiaires. Rappelons que les conditions pour y être éligibles sont particulièrement strictes : ne sont concernés que les foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 14 000 euros.
Comme il s’agit d’une expérimentation, nous pouvons encore espérer une meilleure orientation des aides. Pour ma part, je propose une aide qui permettrait aux propriétaires d’un véhicule Crit’Air 4 ou 5 d’acheter un véhicule d’occasion Crit’Air 2. Le reste à charge serait nul. Ce dispositif, qui coûterait moins cher à l’État, inciterait au renouvellement du parc. C’est donc une mesure de bon sens, qui contribuerait à l’amélioration de la qualité de l’air, tout en étant plus raisonnable que les ZFE, puisqu’elle serait dépourvue de leur dimension séparatiste et antisociale.
Avis défavorable sur les amendements de suppression.
Mme Danielle Brulebois (RE). Chers collègues de la NUPES, en particulier du groupe Écologiste, vous nous jetez sans arrêt à la figure que la France a été condamnée par la justice européenne pour avoir dépassé de manière continue les seuils limites de pollution, notamment aux oxydes d’azote. Pour la même raison, le Conseil d’État a ordonné le 17 octobre dernier le versement d’une astreinte financière importante. Vous dites que la France n’en fait pas assez pour protéger l’environnement et nos concitoyens, mais vous n’êtes pas d’accord lorsque nous voulons en faire davantage. Mon collègue Jean-Luc Fugit a énuméré les nombreuses mesures qui ont été prises. Nous vous invitons à travailler avec nous pour les améliorer, notamment pour les rendre plus lisibles pour les entreprises et pour mieux prendre en compte nos concitoyens les plus pauvres.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 2 est supprimé.
Après l’article 2
Amendement CD13 de M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin, rapporteur. J’ai déposé cet amendement tardivement, et vous prie de m’en excuser. Néanmoins, il ne devrait pas poser de difficultés politiques ; il pourrait même être consensuel : il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport sur les solutions alternatives au remplacement généralisé des véhicules thermiques par des véhicules électriques ou hybrides coûteux. Le décalaminage à l’hydrogène et la conversion des moteurs au bioéthanol, par exemple, n’ont pas été explorés. Nous pourrions au moins obtenir un tel rapport ; je souhaite ainsi contribuer à la réflexion.
La commission rejette l’amendement.
La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi et rejeté l’amendement portant article additionnel, l’ensemble du texte est rejeté.
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Boris Ravignon, dont la nomination est proposée par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons à l’audition, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, de M. Boris Ravignon, que le Président de la République propose de nommer aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Le rapporteur, M. Pierre Vatin, lui a adressé un questionnaire dont les réponses vous ont été transmises.
Je tiens à souligner l’importance que nous attachons à l’Ademe, désormais dénommée Agence de la transition écologique, opérateur central pour conduire la transition écologique. Nous la sollicitons régulièrement pour la grande qualité de son expertise, sur la foi de laquelle nous avons aussi élargi ses missions au fil de plusieurs lois, en particulier la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) et la loi « climat et résilience ». Sa gouvernance territoriale a également été remaniée dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS ».
Après la période de vacance du poste de président du conseil d’administration de l’agence, c’est donc avec un grand intérêt que nous étudions la proposition de vous nommer, M. Ravignon, à ces fonctions exigeantes eu égard aux multiples chantiers de la transition écologique et au large périmètre des missions à mener. Il s’agit d’un beau défi. Nous attendons encore beaucoup d’un opérateur essentiel au niveau national comme dans les territoires. Votre parcours d’élu local pourrait contribuer au développement de cette fierté nationale qu’est l’Ademe.
M. Pierre Vatin, rapporteur. Permettez-moi de me réjouir de cette audition. Le précédent président du conseil d’administration ayant quitté l’agence en avril dernier, il était plus que temps qu’une candidature soit soumise au Parlement pour la présidence de cette agence dont nous savons tous ici le rôle important dans les différentes politiques menées en faveur de la transition écologique.
Après avoir lu vos réponses au questionnaire, je reviendrai sur plusieurs points.
Vous rappelez que la stratégie de l’Ademe se concentre sur les régions, les établissements publics de coopération intercommunale (Epci) et leurs délégataires. Qu’en est-il des autres collectivités et plus particulièrement des petites communes, qui peuvent connaître des besoins spécifiques hors des Epci et qui sont les plus démunies pour faire face aux enjeux de la transition écologique ? Comment l’Ademe, en collaboration avec les autres opérateurs de l’État, peut-elle améliorer son offre de services à destination de ces collectivités ? Il n’est pas toujours évident pour les maires des petites communes de savoir vers qui se tourner, et il me semble utile que l’Agence aille autant que possible à la rencontre de ce public.
En ce qui concerne l’efficacité de l’Ademe, vous soulignez à juste titre les efforts déjà accomplis ainsi que votre volonté de les poursuivre, de gagner en productivité et, si vous êtes nommé, d’opérer une évaluation de l’organisation de l’agence au regard de ses missions et des objectifs qui lui seront assignés. Comptez-vous inciter les agences de l’État à nouer des partenariats afin qu’elles accomplissent leurs missions sans doublons ni travail en silo ?
L’Ademe effectue un suivi de dossiers, quelquefois anciens mais précieux aux yeux des riverains, liés à la protection de l’environnement et à des risques de pollution importants tels que celui de la décharge de Néry-Saintines dans ma circonscription. Pouvez-vous assurer nos concitoyens qu’elle continuera de le faire ? Ce travail ne risque-t-il pas d’être délaissé au profit des politiques nouvelles dont le besoin n’est pas à démontrer ?
L’efficacité de l’Ademe repose aussi sur ses effectifs, dont le nombre augmente. Comment envisagez-vous le dialogue social au sein de l’Agence, qui compte plus de 1 200 agents, de nombreuses implantations et une grande richesse de profils professionnels ?
Vous indiquez vouloir conserver vos mandats de maire et de président d’agglomération arguant de ce qu’une expérience de terrain sera utile pour vos fonctions de président de l’Ademe. Une mission ne risque-t-elle pas d’empiéter sur l’autre ? Comment concilierez-vous la rémunération de la présidence du conseil d’administration avec vos indemnités d’élu local ?
Enfin, quelle passion pour la transition écologique vous anime ?
M. Boris Ravignon. J’ai trouvé plaisir et intérêt à répondre au questionnaire du rapporteur parce qu’il permet de préciser le projet du président de l’Ademe que je deviendrai, si les commissions du Sénat et de l’Assemblée en décident ainsi.
S’agissant de la dernière question, ma candidature ne doit rien au hasard. La transition écologique, expression qui résume bien la complexité et l’ampleur du sujet, est le fil rouge de mon engagement politique national et local. Dès 2007, conseiller du Président Nicolas Sarkozy, en doublon avec Chantal Jouanno jusqu’à son départ pour l’Ademe, j’ai travaillé avec bonheur sur le Grenelle de l’environnement et ses suites pendant cinq ans avec des acteurs importants du virage écologique de notre pays, comme Jean-Louis Borloo. J’ai pu alors constater l’importance de l’Ademe et participé à la création de certains de ses outils tels que le fonds Chaleur. Issu directement des lois Grenelle, ce fonds, qui a vu le jour en 2009, est monté en puissance pour atteindre plus de 500 millions d’euros. Il s’est révélé comme l’un des outils les plus efficaces pour soutenir les énergies renouvelables destinées à la production de chaleur.
Après cette expérience nationale, j’ai eu le bonheur de devenir élu local et de poursuivre, comme maire et président d’agglomération, mon action au service de la transition écologique en prenant conscience des contraintes quotidiennes qu’elle implique. Pour développer des pistes cyclables dans une ville, réduire les vitesses de circulation et concilier les différents usages, la pédagogie sur le terrain est primordiale. Nous l’avons fait à Charleville-Mézières avec certains résultats – selon la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), il s’agit de la ville moyenne dont l’équipement cyclable a le plus progressé.
Nous avons aussi mis en œuvre d’autres politiques, notamment pour la récupération de chaleur. Ainsi l’usine Stellantis chauffe désormais un quartier de la ville grâce à la récupération d’une chaleur auparavant dissipée à l’air libre. Cette écologie positive est très bien reçue par nos concitoyens car tout en améliorant le bilan écologique local, nous leur offrons une source de chaleur déconnectée des cours du gaz, ce qui est appréciable dans la période actuelle.
L’Ademe joue un rôle dans l’économie circulaire et l’accompagnement de la réduction des déchets. La communauté d’agglomération Ardenne métropole est la première agglomération de la région Grand Est à engager une démarche visant à créer une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) incitative.
En matière de mobilité électrique comme sur d’autres sujets, j’ai souvent constaté la qualité de l’expertise de l’Ademe, ainsi que son rôle central dans toutes les politiques de transition écologique. C’est pour mettre mes connaissances de praticien de la transition écologique au service d’un opérateur national que je suis candidat. L’expérience locale sera utile, elle est même une condition du succès de la massification de la transition écologique. L’Ademe est appelée à devenir l’agence des solutions de la transition écologique.
L’action de l’Ademe revêt une dimension territoriale considérable. Une petite moitié des effectifs est affectée aux directions régionales. L’agence est ainsi présente dans toutes les régions de métropole et d’outre-mer ; elle compte également des délégations à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Cette présence est nécessaire pour faire progresser la transition écologique non seulement dans des territoires favorisés mais aussi dans le reste du pays.
Je partage votre préoccupation quant aux besoins d’ingénierie de certains Epci, des intercommunalités de petite taille, des petites communes, voire des régions pour certaines missions spécialisées. L’Ademe dispose déjà d’outils pour y répondre.
Les conventions territoriales signées avec les collectivités permettent le financement de l’équivalent de 300 postes de chargés de mission d’ingénierie. C’est à la fois beaucoup pour le budget de l’Ademe et peu au regard des missions à accomplir, mais ces 300 postes s’ajoutent aux agents propres de l’agence et procurent de l’expertise au niveau intercommunal. En ce qui concerne les communes, l’ampleur de la tâche justifie d’avancer en ordre avec les autres opérateurs, dont l’Agence nationale de la cohésion des territoires (Anct) qui a pour mission généraliste d’apporter de l’ingénierie aux territoires les plus défavorisés. Il existe déjà, avec l’Anct, des conventions qu’il faudra encore mieux mettre en œuvre pour soutenir les petites communes et intercommunalités. Il y a des collaborations plus spécifiques avec d’autres opérateurs comme le Centre d’étude et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Le Cerema est un pourvoyeur d’ingénierie technique à la qualité reconnue.
Nous devons formaliser nos relations avec les autres opérateurs de l’État pour éviter les doublons et la concurrence mais aussi utiliser au mieux l’argent public mis à leur disposition.
La convergence, dont vous relevez à juste titre la nécessité, doit aussi être de mise avec les régions. Si la loi « 3DS » a ouvert la possibilité de déléguer aux régions la mise en œuvre du fonds Chaleur et du fonds Économie circulaire, aucune coopération n’est encore établie pour la décarbonation industrielle. En tant que vice-président, pour quelques jours encore, en charge du développement économique de la région Grand Est, je peux vous assurer que toutes les régions de France proposent aux entreprises de faire des diagnostics et de les aider à investir pour la décarbonation. Il serait dommage d’avancer en ordre dispersé et de dépenser l’argent public de la région et de l’État sans rechercher des synergies dans les interventions des uns et des autres. Si nous voulons entraîner dans ce sillage les 26 000 petites et moyennes industries (PMI) de notre territoire, nous avons intérêt à unir nos forces. Beaucoup reste à faire pour mieux coordonner l’action de l’État et celle de ses différents opérateurs. Nous collaborons déjà avec certaines régions, dans le respect de leur autonomie, et nous connaissons des exemples de coopérations réussies.
En ce qui concerne les effectifs, les moyens d’intervention augmentent. Aux 4,2 milliards d’euros du budget d’intervention, il convient d’ajouter les 125 à 130 millions d’euros du budget de fonctionnement moyen de l’Ademe, soit, pour 2023, 4,4 milliards d’euros d’autorisation d’engagement, montant considérable grâce auquel le plafond d’emplois a été relevé de quatre-vingt-dix. Cette bonne nouvelle permettra de pérenniser et de stabiliser des emplois créés l’an dernier pour faire face au besoin d’instruction plus rapide et plus réactive des demandes. Peut-être faut-il aller au-delà. En tout état de cause, si ma nomination était confirmée, je ferai le tour des services de l’Ademe afin de vérifier, avec les différents responsables territoriaux, l’adéquation entre les missions confiées, notamment les nouvelles, les objectifs affichés de consommation des crédits considérables et les moyens dont nous disposons.
L’ajustement ne pourra pas se faire en abandonnant des « petits » dossiers, qui ne le sont que pour ceux qui ne s’en occupent pas. Mon expérience d’élu local m’a appris qu’il n'y avait jamais de petit dossier.
Sur les trois thématiques du Fonds vert – la renaturation, les friches et les biodéchets –, nous cherchons à interconnecter le plus possible les systèmes d’information afin d’éviter les doubles saisies qui font perdre beaucoup de temps. Nous poursuivrons les efforts pour améliorer la fluidité des systèmes d’information. Si les effectifs augmentent, la vérité oblige à reconnaître une érosion entre 2014 et 2020 ; la hausse récente opère donc une remise à niveau. Mon objectif prioritaire est de m’assurer de l’adéquation entre les missions qui nous sont confiées, les attentes légitimes du Gouvernement et du Parlement et les moyens humains qui nous sont alloués.
S’agissant du dialogue social, des administrateurs salariés ont souhaité hier me rencontrer, dans le plus grand respect des prérogatives du Parlement. Nous avons commencé à nouer une relation que je souhaite régulière et dense. L’Ademe est une grosse équipe dont les membres partagent une culture forte quant aux transitions à mener. Cet esprit de mission est une chance et il attire de nombreux profils de jeunes ou moins jeunes qui ont envie de servir leur pays. Dans une structure comprenant 80 % de cadres, où tous les agents occupent des postes clés, il est indispensable de mobiliser l’ensemble des services.
J’ai dit ce matin à vos collègues du Sénat que je renoncerai au mandat de vice-président de la région Grand Est et même à celui de conseiller régional, mais j’ai bien l’intention d’être un président d’action de l’Ademe à plein temps et d’organiser sur mon temps personnel l’exercice de mes mandats locaux. Je serai aussi présent qu’Arnaud Leroy l’était et sur le temps qui me reste, j’accomplirai le mandat pour lequel les Carolomacériens m’ont élu, en m’appuyant sur les équipes techniques et politiques solides dont je dispose pour relayer mon action.
J’ai déjà fait savoir que si je percevais une rémunération comme président de l’Ademe, je renoncerais à mes indemnités d’élu local. Il est toutefois impossible de les réduire à zéro. En effet, une disposition du code général des collectivités territoriales prévoit que personne, adjoint ou conseiller municipal, ne peut percevoir plus que le maire, ce qui me permettra d’abaisser le montant de mes indemnités au moins au niveau de la première adjointe. Pour le reste, je ferai don au centre communal d’action sociale (Ccas) de Charleville-Mézières de mon indemnité de maire et à une association humanitaire de mes indemnités de président de l’agglomération.
Quant à la rémunération du président de l’Ademe, elle est composée d’une partie socle et d’une partie variable, laquelle me semble éminemment justifiée. Il est important que les responsables des opérateurs soient motivés et qu’une partie de leur rémunération soit conditionnée à l’atteinte de résultats fixés par le Gouvernement en lien avec le Parlement. Pour la partie socle, j’ai été surpris de découvrir qu’un opérateur de l’État peut être davantage rémunéré que ses ministres de tutelle. S’il y avait matière à rétablir une plus grande cohérence, j’y serais tout à fait favorable.
M. le président Jean-Marc Zulesi. La parole est aux orateurs des groupes politiques.
Mme Danielle Brulebois (RE). L’Ademe attend un président depuis plus de six mois alors qu’elle a bien besoin d’un pilote, tant elle est un outil formidable, original et essentiel. Agence des solutions ainsi que vous l’avez qualifiée, l’Ademe n’a pas d’équivalent en Europe. La France a opté pour un outil transversal qui correspond parfaitement à la complexité de l’écologie et couvre de nombreux domaines tels que la protection de l’environnement, la maîtrise de l’énergie et le développement durable.
Depuis sa création en 1991, l’Ademe contribue à la mise en œuvre des politiques publiques. Votre expérience d’élu local vous a permis d’appréhender ces sujets au plus près du terrain tandis que le Grenelle de l’environnement vous a donné l’occasion de travailler directement avec les équipes de l’Ademe. Dotée d’un budget de 4,2 milliards d’euros en 2023, l’Agence verra ses effectifs augmenter de 10 % car ses défis sont toujours plus grands et sa tâche de plus en plus vaste : bâtiments, urbanisme, mobilités et transports, pollution des sols, gestion des déchets, responsabilité élargie des producteurs (REP) et éco-organismes, recyclage et mise en place de l’économie circulaire, fonds Chaleur, financement de projets d’innovation, d’industrialisation, de décarbonation de l’industrie, hydrogène, renaturation, produits biosourcés, forêts et filières bois, qualité de l’air et du bruit, plan France relance 2030, Fonds vert, etc. Et l’on n’a de cesse d’ajouter des missions.
Le groupe Renaissance se réjouit donc de voter en faveur de votre nomination, car il faut des compétences et de l’expérience pour mener à bien toutes ces missions au profit de notre pays et au plus près des préoccupations locales.
Nous aimerions vous entendre sur les orientations et les priorités de l’Ademe pour les années qui viennent. Comment entendez-vous décliner, avec vos dix-sept directions régionales, le contrat d’objectifs et de performance 2023-2027 ?
Mme Alexandra Masson (RN). Le choix du président du conseil d’administration de l’Ademe était attendu depuis six mois. Le 3 décembre, la fumée blanche est enfin sortie du palais de l’Élysée. Maire de Charleville-Mézières, président de la communauté d’agglomération Ardenne métropole, vice-président de la région Grand Est, vous êtes un élu conscient des réalités de terrain. Se pose toutefois la question des raisons qui ont poussé l’exécutif à attendre aussi longtemps pour procéder à votre nomination, alors que plusieurs milliards d’euros de subventions de l’Ademe pour des centaines de projets sont restés bloqués durant les six derniers mois.
En mars 2022, vous faisiez partie des signataires d’une lettre au Président de la République rédigée par des élus ardennais volontaires pour que leur territoire accueille un ou plusieurs réacteurs de nouvelle génération. En vous nommant, le Gouvernement semble donc, a priori, choisir un élu local favorable à l’énergie nucléaire.
Le Rassemblement national défend le nucléaire car il a permis à la France de réussir la transition énergétique avant le reste du monde en offrant à nos concitoyens et à notre économie une électricité décarbonée, abondante, bon marché et toujours disponible. C’était le dernier avantage compétitif dont disposait notre économie, notamment nos industries, face à l’Allemagne. La décision prise par François Hollande de réduire la part de l’électricité d’origine nucléaire à 50 % à l’horizon 2025, décision confirmée par Emmanuel Macron à l’horizon 2035, par la fermeture de douze réacteurs nucléaires, est insensée. C’est un reniement de la politique nucléaire civile lancée par le général de Gaulle en 1958. Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, actuellement discuté dans l’hémicycle, qui tend à doubler le nombre des éoliennes terrestres et à défigurer notre littoral en installant cinquante parcs d’éoliennes en mer, est absurde. Jamais le grand froid ne sera combattu grâce aux éoliennes.
Face à ce « en même temps » devenu l’alpha et l’oméga de la politique de la nation, nous nous abstiendrons sur votre nomination.
M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). Le changement climatique affecte nos sociétés et oblige à nous adapter. Il est urgent de réduire nos émissions de carbone. L’Ademe mène, coordonne et harmonise les politiques de transition écologique. Elle accompagne les décideurs politiques pour mettre en avant l’efficacité énergétique et déployer les énergies renouvelables. Le projet de loi censé accélérer leur développement, en cours d’examen par le Parlement, ne contient malheureusement pas d’objectifs chiffrés.
Nous allons payer cette année 500 millions d’euros à l’Europe car nous n’avons pas atteint nos objectifs en matière d’énergie renouvelable dans le mix énergétique de 2020 : 19,3 %, contre les 23 % requis. En 2030, le seuil sera de 40 %. Nous avons donc besoin d’accélérer – tous les scénarios de RTE, repris par l’Ademe, le disent.
Nous nous attendions donc à rencontrer une personne convaincue de la nécessité de développer des énergies renouvelables. En proposant votre désignation, Emmanuel Macron a peut-être omis de dire que vous êtes une figure politique particulièrement favorable au développement du nucléaire. Vous avez réussi à convaincre la grande majorité des élus du département des Ardennes d’en faire un territoire pilote. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) arrive à échéance au début de l’année prochaine et nous aurions un pronucléaire convaincu à la tête de l’agence qui nous conseille. Arnaud Leroy, le précédent président, a quitté l’Ademe pour cause de dissensions sur la trajectoire du Gouvernement. Emmanuel Macron, autrefois convaincu par les énergies renouvelables, se présente désormais comme un grand défenseur du nucléaire.
Nous n’avons plus le temps, nous voulons des objectifs clairs et une réelle planification. Nous voulons un gouvernement qui atteigne ses objectifs à l’horizon 2030 et votre amour pour le nucléaire nous semble incompatible. C’est pourquoi notre groupe votera contre votre nomination.
Mme Christelle Petex-Levet (LR). Depuis plusieurs semaines, les Français vivent dans l’angoisse de voir leur pays, autrefois leader européen de l’électricité décarbonée grâce au nucléaire, devenir un mendiant énergétique et risquer des coupures cet hiver. Les récents propos alarmistes de certains ministres ne nous ont d’ailleurs guère rassurés. L’influence du lobby écologiste antinucléaire au sein de l’Ademe a été récemment soulignée. À plusieurs reprises, ces dernières années, l’Agence a publié des rapports accréditant l’hypothèse d’un possible mix électrique 100 % renouvelable en 2050. Les postulats de départ farfelus, l’absence de comité scientifique et le décalage complet avec la réalité de chaque source d’énergie auraient pourtant dû nous alerter sur la crédibilité de ces études.
La dernière d’entre elles concluait à l’inutilité de construire de nouveaux réacteurs EPR. Elle a été écartée afin de ne pas créer de dissonance avec la conversion récente du Président Macron aux bienfaits du nucléaire, motivée par le calendrier électoral.
Notre groupe a lancé, il y a deux mois, une commission d’enquête visant à identifier les responsabilités dans notre perte de souveraineté énergétique. Nul doute que le discours antinucléaire militant caché sous les fausses évidences des données scientifiques a eu sa part dans la désorganisation de la filière française. L’expertise technique ne devrait jamais servir à faire de la politique.
Président de l’Ademe, comment garantirez-vous l’objectivité des avis de l’Agence ? Faudrait-il revenir sur l’objectif fixé par la loi de 50 % de production d’électricité d’origine nucléaire d’ici à 2035 et sur le plafond de puissance installée limité à 63,3 gigawatts ? Le Président Macron a promis six, plus huit, réacteurs EPR, dont deux d’ici 2050, mais la PPE prévoit de fermer douze réacteurs d’ici à 2035. Quel est votre avis sur l’hypothèse d’une prolongation de la durée de vie de ces douze réacteurs ?
Enfin, il semble que le conseiller en matière d’énergie et d’environnement du Président ait un avis très réservé sur le nucléaire, puisqu’il a récemment déclaré que l’incidence de l’atome sur l’environnement était beaucoup plus forte que les énergies renouvelables en raison des émissions de CO2. Vous connaissez bien Emmanuel Macron. Quelle sera la ligne défendue, celle du conseiller à l’Élysée ou celle de l’éventuel président de l’Ademe que vous aspirez à être ?
Mme Anne-Laure Babault (Dem). Vous déclarez vouloir « faire le bilan de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché » dans le contrat d’objectifs et de performance qui s’achève en 2023. En matière écologique, les critères comptables traditionnels ne sont pas toujours les meilleurs alliés de l’action publique. Il n’est pas opportun d’évaluer de la même manière la biodiversité ou le climat et les finances publiques ou les politiques économiques d’une région. Par exemple, le train représente un coût très important pour les finances publiques mais évite un coût climatique précieux qui préserve notre budget carbone. Quels critères utiliserez-vous pour déterminer si une action a marché ou non ?
Par ailleurs, le Planet-score vise à mesurer l’incidence environnementale des produits et services, enjeu majeur pour la transition. La base de données relative aux analyses du cycle de vie (ACV) de l’Ademe ne prend pas en considération la totalité des critères attendus par les consommateurs, notamment l’usage de l’eau, le recours aux pesticides et le bien-être animal. Elle surpondère les rendements, ce qui donne des résultats absurdes selon lesquels les produits issus de l’agriculture intensive seraient mieux notés que ceux issus de l’agriculture biologique. Le Planet-score développé par l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques (Itab) répond de manière plus exhaustive aux attentes des consommateurs. Comment concevez-vous l’élaboration de cet outil avec les différentes parties prenantes ? Le cadrage européen n’intervenant pas avant 2026, nous pouvons nous donner le temps de la réflexion. Certains distributeurs et industriels sont prêts à avancer. Il s’agit d’une réelle attente des consommateurs.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Alors que de nouvelles missions sont régulièrement confiées à l’Ademe, parmi lesquelles très récemment la mise en place du Fonds vert, il est indispensable de renforcer les effectifs de l’Agence, plus encore au moment où le Parlement examine le projet de loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. L’Ademe devra être opérationnelle pour préparer ces grands chantiers.
Comme je l’ai souligné dans mon rapport budgétaire sur le programme 181 Prévention des risques, de solides financements sont nécessaires pour atteindre les objectifs de déploiement des énergies renouvelables et favoriser le développement d’une économie circulaire. Or, en suivant la trajectoire budgétaire actuelle, l’Agence ne sera pas dotée des moyens suffisants pour atteindre les grands objectifs fixés par le Gouvernement.
Enfin, votre volonté de conserver vos mandats électifs suscite des inquiétudes. La fonction de président-directeur général de l’Ademe est une charge très prenante qui doit s’exercer à temps plein. En démissionnant de vos deux mandats, vous pourriez vous prémunir de toute accusation de partialité dans les dossiers relatifs à votre territoire. Sur ce sujet, votre réponse sera déterminante.
Les élus du groupe Socialistes et apparentés, particulièrement attachés à l’Ademe, à son action dans nos territoires et aux conditions de travail de ses agents, attendent de votre part des réponses sans ambiguïté.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le groupe Horizons et apparentés compte en son sein de nombreux élus locaux et nous vous remercions de manifester par votre candidature votre intérêt pour le défi des transitions écologiques. Nous espérons que le fait de conserver vos mandats locaux vous permettra de rester au fait des réalités de nos territoires.
En tant qu’ancienne maire d’une petite commune de Haute-Savoie, ancienne vice-présidente de la communauté de communes du pays d’Évian et de la vallée d’Abondance, je profite de votre présence pour remercier l’Ademe de ses soutiens passés et futurs à notre territoire, qu’il s’agisse de contributions financières ou de supports d’ingénierie territoriale. Mon village de Neuvecelle n’aurait pu entreprendre la politique de rénovation énergétique de ses bâtiments sans l’expertise du conseiller en énergie partagé.
Nous partageons l’idée selon laquelle la diversité des missions confiées à l’Ademe est le gage de sa pertinence et de sa crédibilité. Si le contexte incite à donner la priorité aux questions énergétiques, nous restons attachés aux ressources du vivant et à la biodiversité de nos écosystèmes. L’augmentation du budget de l’Ademe dans le projet de loi de finances pour 2023 lui donne une plus grande marge de manœuvre. Les différents partenariats constituent une collaboration précieuse. Comment entendez-vous répondre à l’ensemble des sollicitations ?
Enfin, monsieur Ravignon, je vous invite à prendre soin de vous et à garder un peu de temps pour vous ressourcer. Nous avons besoin d’un président de l’Ademe en pleine forme.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). L’Ademe a été créée sous la présidence de François Mitterrand. En trente ans d’existence, son périmètre d’action s’est peu à peu élargi, mais on peut regretter que ses effectifs et ses moyens financiers n’aient pas été accrus à due proportion des enjeux.
Face à l’urgence climatique, les gouvernements ont trop souvent dénigré le rôle crucial de l’Ademe. Nous abordons une décennie critique et l’Agence, acteur majeur de la transition écologique, doit devenir l’un des établissements publics incontournables de cette législature.
Dans ce contexte, la nomination de M. Ravignon nous pose question comme à un grand nombre de salariés de l’Ademe. On ne peut occulter le fait que votre famille politique a souvent pris des positions contraires aux impératifs écologiques. Je pense au moratoire sur les éoliennes, levier important pour développer les énergies renouvelables, ou au refus de considérer la réduction de la consommation de viande pour limiter notre empreinte écologique, deux positions totalement incompatibles avec l’objectif de neutralité carbone et les politiques défendues par l’Ademe.
En outre, vos réponses au questionnaire du rapporteur ont renforcé nos craintes, puisque vous confirmez votre intention de cumuler la fonction de président-directeur général de l’Ademe avec celles de maire et de président d’agglomération, deux fonctions requérant au minimum un temps plein. Il est donc permis de s’interroger sur la compatibilité de votre profil avec les exigences de la fonction – président-directeur général étant aussi un poste à temps plein, a fortiori, en période de grave crise énergétique où l’Ademe est fortement sollicitée tant par ses tutelles que par ses partenaires et bénéficiaires. Ce cumul inédit créerait un grave précédent, alors même que nous entrons dans une bataille décisive pour éviter l’emballement climatique.
Pour toutes ces raisons, nous sommes très réservés sur votre nomination.
Mme Nathalie Bassire (LIOT). On ne peut qu’accueillir favorablement la nomination d’un élu local tant la connaissance du territoire est essentielle sur de nombreux sujets, en particulier celui de la transition écologique. Toutefois, j’ai quelques interrogations sur vos priorités pour les années à venir à la tête de l’Ademe.
En 2020, l’Ademe a réalisé une étude sur l’objectif d’autonomie énergétique dans les zones non interconnectées (ZNI). Pour les six principales ZNI, les résultats mettent en avant deux scénarios : un scénario tous feux verts où tous les besoins en électricité sont couverts par une énergie primaire locale non fossile et un scénario d’autonomie énergétique prenant en compte tout le parc de véhicules routiers. Pouvez-vous confirmer que l’Ademe accompagnera les ZNI ? Comment aiderez-vous nos territoires à atteindre ces objectifs très ambitieux ?
Le ministre Christophe Béchu pointait, il y a quelques mois, un manque de lisibilité de l’aide de l’État en matière d’ingénierie partagée entre l’Ademe, le Cerema et l’Anct. Comment comptez-vous remédier à ce flou ?
La démarche de l’Ademe qui tend à ne pas définir des modèles globaux mais à les adapter à la particularité de chaque territoire me semble louable. Ce travail avec les acteurs de terrain est-il perfectible ? Comment concevez-vous le rôle des citoyens dans les travaux et les réflexions de l’Ademe ?
Notre pays a pris un retard préjudiciable en matière de rénovation énergétique, notamment de rénovation globale. L’Ademe rappelle qu’il est crucial de favoriser les rénovations complètes plutôt que des travaux de rénovation énergétique non coordonnés et monogeste. Quel peut être son rôle dans ce domaine, notamment pour simplifier les démarches ?
Le développement de l’hydrogène nous tient particulièrement à cœur. Comment l’Ademe doit-elle s’investir dans ce qui devrait être l’un des piliers de la transition énergétique, notamment dans le domaine des transports ?
M. Boris Ravignon. Madame Brulebois, les orientations de l’Ademe ne sont pas laissées à l’appréciation de son président-directeur général. Elles font l’objet d’engagements du Gouvernement, du Parlement, de moyens budgétaires et d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) arrivant à échéance à la fin de l’année 2023. Le COP définit la feuille de route du président, lequel est missionné pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement grâce aux moyens mis à disposition par le Parlement. La situation est claire.
Avant sa révision, le COP fera l’objet d’un bilan, au début de 2023. Certaines thématiques devront être approfondies. Outre la mise en œuvre des différents fonds – le fonds Chaleur renouvelable, le fonds Économie circulaire et celui pour la décarbonation de l’industrie –, l’Agence doit relever le défi de l’adaptation. Les choses vont beaucoup plus vite que nous aurions pu le penser et il faudra être encore plus présent aux côtés des territoires pour définir des stratégies résilientes et d’adaptation à brève échéance.
Le développement des énergies renouvelables pose la question de la souveraineté économique qui n’est pas au cœur des missions de l’Ademe. Il serait toutefois dommage de continuer à alimenter la demande en panneaux chinois et de ne pas participer à la structuration d’une filière, sinon française, du moins européenne. L’Ademe devra mobiliser ses ressources et son expertise en ce sens. Le soutien apporté aux productions nationales dans le cadre du fonds Chaleur annule l’effet des importations, permettant d’atteindre l’équilibre, mais nous devons pouvoir faire encore mieux.
Madame Masson, je veux exprimer ma hâte, si le Parlement en décide, de commencer à travailler. Il y a urgence à agir. L’Agence doit venir en aide aux collectivités et aux entreprises qui veulent investir dans la transition énergétique. Les entreprises qui voient leurs factures exploser attendent un soutien rapide pour établir des diagnostics et financer des investissements. Il y va de la survie d’une partie de notre tissu industriel et de l’attractivité industrielle de la France.
Le nucléaire renvoie au rôle d’expertise de l’Ademe puisqu’il ne fait pas partie de ses missions – mais il fait évidemment partie de son paysage. Le choix de relancer des EPR doit être pris en considération dans ses analyses. Le rapport produit par l’Ademe sous le titre « Transition(s) 2050 » révèle différentes voies pour parvenir à la neutralité carbone. Le rôle de l’Ademe est de baliser les choix afin d’éclairer nos institutions démocratiques. Nous avons le double rôle de mise en œuvre concrète de solutions et d’expertise indépendante et non biaisée. L’examen des différents scénarios de « Transition(s) 2050 » montre que le choix porte sur les risques que l’on accepte de prendre. Je m’attacherai à préserver la capacité d’expertise de l’Agence, qu’incarne notamment un conseil scientifique de qualité, pluraliste et ouvert.
Monsieur Carrière, l’Ademe ayant à atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement grâce aux moyens votés par le Parlement, elle doit accélérer le développement des énergies renouvelables. Le principal outil dont elle dispose est le fonds Chaleur renouvelable – la chaleur représente 40 % de notre consommation énergétique finale. L’Agence doit utiliser les moyens qui lui sont confiés le plus efficacement possible dans tous les territoires afin de combler le retard surtout en matière de production d’électricité ; s’agissant de la chaleur, le bilan est plutôt positif.
Une centrale nucléaire est déjà implantée dans le territoire ardennais. De manière unanime et transpartisane, les élus ont souhaité faire participer leur territoire à la relance de l’activité nucléaire, non seulement par conviction de l’utilité de cette énergie dans la transition en cours, mais aussi eu égard aux retombées économiques très bénéfiques de l’implantation de la centrale de Chooz. Dans le nord des Ardennes, elle a créé de nombreux emplois et est devenue un pourvoyeur de richesses pour les collectivités dont elles ne pourraient pas se passer.
Madame Petex-Levet, s’agissant de l’articulation du nucléaire avec les énergies renouvelables, l’Ademe s’insère dans la politique énergétique du pays et doit remplir les missions qu’on lui confie. Le développement du nucléaire ne relève pas de l’Agence. En revanche, elle intervient pour développer la production de chaleur et agit en tant que conseil auprès des collectivités pour la production d’électricité. S’agissant des énergies renouvelables, l’Ademe doit faciliter les choix locaux, favoriser la cohérence territoriale et se mettre encore davantage à disposition des acteurs locaux. La loi « 3DS » a, à juste titre, fait du préfet le délégué territorial de l’Agence. C’est avec lui que les intercommunalités ou les Scot signent les contrats de relance et de transition écologique (Crte) notamment. Que l’Ademe soit aux côtés du préfet pour instruire et apporter son expertise est donc un plus. Ce qui pouvait jusqu’à présent être informel devient opportunément une obligation avec la « loi 3DS ».
L’Ademe doit continuer à éclairer l’avenir grâce à ses experts. Ses projections, notamment celles du rapport « Transitions(s) 2050 », rejoignent les réflexions de RTE et d’autres acteurs. Il est indispensable de préserver l’objectivité scientifique de sa démarche. Je le répète, l’Agence a pour mission de présenter des analyses et de mettre en évidence différentes options entre lesquelles il revient au pouvoir politique de choisir. Après quoi, elle aide à la mise en œuvre.
Madame Babault, il ne s’agit pas de faire une évaluation comptable du COP, même s’il est utile d’examiner les dépenses. Si nous n’utilisons pas les moyens que le Parlement nous confie, il convient de vérifier si les projets sont bien conçus et si le recours à l’appel à projets est bien adapté. Venant d’un territoire pauvre, je sais qu’il est parfois très difficile de mobiliser une ingénierie pour répondre à des appels à projet. Il y a des leçons à tirer de l’analyse comptable, mais elle ne peut suffire. Par chance, nous disposons d’une année pour faire le bilan et dégager les orientations nouvelles. Si vous souhaitiez que le président de l’Ademe revienne devant vous pour évoquer les orientations du futur COP, ce serait non seulement normal mais utile. À titre personnel, j’en serais heureux.
Je confesse mon ignorance de l’outil Planet-score. Toutefois, la démarche intellectuelle de l’Ademe est de sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier et de chercher à affiner ses analyses. Les analyses en cycles de vie de l’Ademe font autorité et sont utiles pour éclairer les choix. Si des insuffisances sur le plan scientifique sont relevées, nous aurons à cœur de les corriger, réglementation européenne ou pas.
Monsieur Delautrette, je n’évacue pas l’importante question des effectifs et des financements. L’adéquation entre les objectifs assignés et les moyens confiés, lesquels augmentent de manière importante, sera la priorité de mes premières semaines de travail. L’Ademe a élaboré des systèmes d’information plus efficaces. Conjugué à l’attribution de moyens supplémentaires, cela permettra-t-il d’atteindre les résultats attendus ? Vous me permettrez de réserver mon jugement. Si des moyens supplémentaires devaient être alloués, ce serait à l’Assemblée nationale et au Sénat d’en discuter. Je n’ai pas de raison de penser ni qu’il y a une complète inadéquation entre les objectifs et les moyens ni, à l’inverse, que l’État serait trop généreux. La situation budgétaire du pays exige une juste affectation des moyens. Je ferai valoir cette analyse sur le terrain à la rencontre des différentes directions régionales de métropole et d’outre-mer.
Je suis convaincu qu’il m’est tout à fait possible d’être président à plein temps de l’Ademe et d’assumer mes mandats locaux de maire et de président d’agglomération, sous réserve de procéder à l’ajustement nécessaire pour prévenir les conflits d’intérêts. Je ne pourrais plus et je ne devrais plus avoir à connaître d’aucun dossier carolomacérien ou ardennais. Le Grand Est, précurseur en la matière, se prépare à signer avec l’Ademe une convention de délégation de moyens du fonds Chaleur, en application de la « loi 3DS ». Elle doit être examinée demain en séance plénière au conseil régional, et je peux vous annoncer que, par prudence, je me mettrai en retrait. Je suis persuadé que c’est une chance de rester élu local en devenant président de l’Ademe et de pouvoir faire le lien entre les deux. Cela permettra d’entendre les difficultés dans lesquelles se débattent parfois nos collègues élus locaux. Dans le même temps, une organisation simple doit permettre d’éviter que les décisions du président de l’Ademe ne soient sujettes au moindre soupçon de partialité.
Madame Violland, j’ai subi récemment une courte hospitalisation mais j’ai une santé de fer. Je vous remercie de votre sollicitude. Je serai président de l’Ademe à plein temps et, sur mon temps personnel – un choix de vie d’ailleurs plus pénible pour les gens qui vivent avec moi que pour moi-même –, je continuerai à assumer mes fonctions locales. Je suis convaincu d’être pleinement capable de le faire, sans le moindre préjudice pour les missions qui pourraient m’être confiées par le Gouvernement après accord du Parlement.
Monsieur Thierry, le périmètre de l’Ademe s’est considérablement élargi. Si les moyens augmentent, je suis conscient qu’il s’agit d’un rattrapage permettant de retrouver les effectifs du début des années 2010. Le travail sur l’adéquation des besoins aux moyens que je souhaite mener très rapidement aboutira peut-être à des ajustements complémentaires.
Convenez que dans ma famille politique, je suis relativement libre. Surtout, les missions de l’Ademe ne sont pas sujettes à interprétation personnelle. Il s’agit d’appliquer les politiques de transition écologique de l’État et de soutenir une évaluation indépendante et objective de nature à éclairer les choix. Je crois être capable de mener à bien ces missions indépendamment de mes opinions personnelles, à l’instar de nombre de fonctionnaires. Quand on est au service de l’État, on est au service des politiques publiques qui sont conduites.
Madame Bassire, l’Ademe demeurera aux côtés des territoires d’outre-mer en matière de transition énergétique. Je pourrais étendre le propos aux déchets, domaine dans lequel les systèmes insulaires ont de plus grandes vulnérabilités que le territoire métropolitain. Consciente de cette situation, l’Ademe a réparti 54 personnes dans les différentes délégations régionales outre-mer et y apporte des moyens proportionnellement plus importants qu’en métropole. Les territoires d’outre-mer font ainsi l’objet d’une sorte de discrimination positive.
En vertu d’un partage des rôles, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) est heureusement désignée comme l’opérateur de la transition écologique de l’habitat pour les particuliers. Néanmoins, dans la contractualisation avec les territoires, l’Ademe conserve une approche globale exigeante afin de privilégier les rénovations globales qui sont les plus aptes à améliorer l’efficacité énergétique.
Pour le développement de l’hydrogène, l’Agence dispose de moyens incitatifs propres et d’autres au titre du plan France 2030. Pour résoudre le paradoxe de la poule et de l’œuf – quand produire si l’on n’a pas d’usage ? Comment produire tout en développant les usages sur des périmètres bien définis ou dans le cadre de grands projets d’infrastructures ? –, nous souhaitons soutenir la constitution d’écosystèmes. Je ne reviens pas sur les avantages de l’hydrogène pour la stabilisation de notre mix énergétique.
Quant à l’association des citoyens, je ne sais pas si elle est une réalité, mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait impliquer massivement des associations citoyennes dans le fonctionnement d’un organisme aussi important que l’Ademe dont les missions doivent emporter l’adhésion de tous.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux autres orateurs.
M. Vincent Descoeur (LR). Avec notre collègue Marjolaine Meynier-Millefert, j’ai rendu un rapport sur la rénovation thermique des bâtiments qui préconise la rénovation globale. Or les travaux par geste représentent la majorité des travaux soutenus par le dispositif MaPrimeRénov’. Ce dispositif doit-il être réorienté ? Jugez-vous suffisant le budget qui lui est alloué, sachant que des crédits supplémentaires adoptés dans le projet de loi de finances ont été annulés à la suite du recours à l’article 49.3 ? Que recommandez-vous pour s’assurer de l’efficacité des travaux de rénovation ?
M. Nicolas Ray (LR). Depuis 2008, un seul président de l’Ademe a effectué un mandat complet de cinq ans. M. Loos est resté un an et demi, Mme Jouanno, un an. Cette instabilité ne nuit-elle pas à l’efficacité de l’Agence, dont les missions nécessitent le temps long ? Prenez-vous l’engagement de mener à son terme votre mandat ?
Les agences et les opérateurs de l’État occupent une place croissante dans notre organisation. Cela vous paraît-il efficace pour l’action publique et économe pour les finances publiques ? Certaines missions de l’Ademe, voire la totalité, n’auraient-elles pu continuer d’être assurées directement par les administrations centrales des ministères ?
M. Damien Adam (RE). Il est temps d’envisager une absorption du Cerema par l’Ademe afin de faire de celle-ci une très grande entité dotée de toutes les compétences en matière de transition écologique pour l’État et les territoires. La mission menée en 2021 par le Conseil général de l’environnement et du développement (CGEDD), en lien avec l’inspection générale de l’administration (IGA), sur l’avenir du Cerema n’avait pas abordé cette question.
M. Frédéric Zgainski (Dem). Pour obtenir l’accompagnement dont elles ont grand besoin, les collectivités territoriales doivent s’adresser à une multitude de guichets qui souvent manquent d’expertise : régions, Ademe, préfets – en dépit des synergies avec l’Agence que vous avez soulignées –¸ syndicats départementaux d’énergies et environnement. Entendez-vous clarifier les rôles de chacun, voire offrir un guichet unique ?
M. Gérard Leseul (SOC). Monsieur Ravignon, vous évoquez la répartition de votre rémunération entre une part variable et une part fixe, d’ailleurs plus élevée que la rémunération d’un ministre. Quel est le pourcentage de chaque part ? Quelles sont les modalités d’appréciation de cette part variable ? Est-elle accessible à tous les cadres dirigeants de l’Ademe et plus largement à l’ensemble des salariés ?
Comment pourrez-vous assurer le cumul des fonctions à l’Ademe avec les mandats locaux que vous souhaitez conserver ? Comment assumerez-vous ce cumul de visions politiques ?
M. Boris Ravignon. Monsieur Descoeur, les bâtiments sont au cœur de la transition écologique puisqu’ils représentent 40 % de la consommation d’énergie. La désignation de l’Anah comme chef de file pour l’accompagnement de l’habitat des particuliers ne signifie pas le désinvestissement de l’Ademe. Je souhaite inciter les intercommunalités, qui sont compétentes en matière d’habitat, à adopter une vision encore plus globale. Les opérations programmées de rénovation de l’habitat doivent être aussi inclusives que possible et ne pas se limiter à un changement de fenêtres ou à remédier à un pont thermique. L’Ademe continuera de promouvoir l’efficacité de la rénovation globale. Il serait peu judicieux pour une organisation chargée d’atténuer le changement climatique de mettre de côté 40 % de notre consommation énergétique.
Monsieur Ray, le changement fréquent de dirigeant complique la tâche des organisations et crée des discontinuités. Je suis candidat pour assumer un mandat complet, ce qui fut le cas, à quelques mois près, d’Arnaud Leroy. Je sais, pour les connaître, qu’il y a de l’affect entre les « Adémiens » et les « Adémiennes » et que cette maison, caractérisée par la culture de l’action, a besoin de permanence et de visibilité. Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de tergiverser alors qu’il faut massifier toutes les transitions.
Le choix d’une agence est presque un objet de sciences politiques. Quand on confie à un organisme des missions qui demandent l’instruction de dossiers, de la réactivité et des implantations territoriales, il est logique de ne pas le lier à une administration centrale. L’autonomie de gestion que permet un Epic m’apparaît souhaitable, même si on peut regretter que les ressources propres représentent moins de 10 % du budget de l’Agence. La qualité de l’expertise de l’Ademe étant reconnue, on pourrait envisager d’accroître ses ressources sans peser sur les finances publiques de l’État ou des collectivités. L’utilité et l’efficacité du modèle de l’agence en seraient renforcées.
Monsieur Adam, je ne vais pas commencer par me fâcher avec la présidente du Cerema ni avec son directeur général, qui a pris récemment ses fonctions. La collaboration entre nos deux institutions est indispensable et perfectible. À ma grande surprise, j’ai découvert qu’il n’existait pas de convention entre elles. Le Cerema, c’est une super ingénierie et une compétence reconnue dans des domaines particuliers, mais sans financements. Il faut une articulation entre les deux organismes, ce qui passe dans un premier temps par la signature d’une convention. Pour la suite, gardons les perspectives ouvertes, discutons avec le Cerema sans lui donner l’impression de lancer une OPA hostile.
Monsieur Zgainski, les guichets multiples sont le premier sujet de récrimination des utilisateurs – chefs d’entreprise, particuliers, maires, responsables de collectivités de toutes tailles. La multiplicité des intervenants est source de complexité et de confusion. En tant qu’opérateur principal, l‘Ademe a la responsabilité d’y remédier. Nous devons nous employer avec les autres organismes à simplifier le paysage et à mobiliser de l’ingénierie au profit des élus des plus petites communes et intercommunalités pour les aider à monter leurs dossiers. Mais à court terme, nous aurons du mal à créer un guichet unique. On pourrait l’envisager pour ce qui relève de l’État, mais les régions consacrent des moyens considérables à la décarbonation industrielle, parfois en mobilisant des fonds européens comme ceux du Fonds européen de développement régional (Feder). Défenseur de la décentralisation, je ne souhaite pas revenir sur ce point. L’importance de l’écologie ne justifie pas une recentralisation, mais il faut rechercher le plus de coordinations et de coopérations possibles pour débrouiller le maquis des aides et des interventions.
Enfin, je ne me suis pas intéressé aux pourcentages et au détail de la rémunération. On m’a dit qu’il y avait une part variable faisant l’objet d’une discussion avec le secrétaire général du principal ministère de tutelle, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Je n’ai pas plus d’informations mais ces éléments doivent être rendus publics, qu’il s’agisse des critères ou de leur application. L’idée d’un président-directeur général omnipotent de l’Ademe ne correspond pas à la réalité. Le modèle, c’est un P.D.G. en duo avec un directeur général délégué. Fabrice Boissier qui occupait cette fonction sous le mandat précédent étant parti, le poste doit également être renouvelé. Ma priorité sera de faire le tour des services pour m’assurer de l’adéquation des moyens aux missions, mais l’engagement d’un directeur général ou d’une directrice générale des services délégué ne peut pas attendre. J’ai bien l’intention de reconstituer un duo, ce qui devrait vous rassurer sur ma capacité à accomplir la mission que je brigue aujourd’hui devant vous.
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Après le départ de M. Boris Ravignon, il est procédé au vote sur la proposition de nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d’âge étant Mme Sandrine Le Feur et M. Sylvain Carrière.
Les résultats du scrutin qui a suivi l’audition sont les suivants :
Nombre de votants |
40 |
Abstention, bulletins blancs ou nuls |
4 |
Suffrages exprimés |
36 |
Pour |
19 |
Contre |
17 |
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Informations relatives à la Commission
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a nommé Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (sous réserve de sa transmission).
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9 h 35
Présents. - M. Damien Adam, M. Henri Alfandari, M. Gabriel Amard, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, M. Christophe Barthès, Mme Nathalie Bassire, M. José Beaurain, Mme Lisa Belluco, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Sylvain Carrière, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. Mickaël Cosson, Mme Catherine Couturier, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, M. Jean-Luc Fugit, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Daniel Grenon, M. Yannick Haury, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Florence Lasserre, Mme Sandrine Le Feur, M. Gérard Leseul, M. Jean-François Lovisolo, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Alexandra Masson, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, Mme Christelle Petex-Levet, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland, M. Frédéric Zgainski, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - M. Emmanuel Blairy, M. Aymeric Caron, M. Jean-Victor Castor, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Sylvie Ferrer, Mme Clémence Guetté, Mme Chantal Jourdan, M. Marcellin Nadeau, Mme Claire Pitollat, Mme Marie Pochon
Assistaient également à la réunion. - M. Fabrice Brun, M. Jimmy Pahun, M. Lionel Vuibert