Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Audition de responsables du groupe Orpea : M. Laurent Guillot, directeur général, et Pr Pierre Krolak‑Salmon, directeur médical              2

– Présences en réunion.................................24

 

 

 

 

 


Jeudi
9 février 2023

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 53

session de 2022-2023

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
présidente

 

 


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La séance est ouverte à dix heures.

 

La commission procède à l’audition de M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Orpea, et du Pr Pierre KrolakSalmon, directeur médical.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, voici tout juste un an, suite à la publication du livre Les Fossoyeurs, notre commission des affaires sociales s’est saisie de l’ensemble de l’ensemble des questions soulevées par l’ouvrage de M. Castanet. Plutôt que de céder aux sirènes bien séduisantes d’une inutile commission d’enquête dont la mise en place aurait été trop longue et le temps de travail excessivement court en raison de la campagne électorale, nous avons préféré faire œuvre utile en procédant entre le 9 février et le 9 mars à de très nombreuses auditions et en lançant parallèlement quatre missions « flash » transpartisanes, ayant elles-mêmes auditionné cent quarante personnes.

Alors même que le Sénat venait de mettre en place sa propre commission d’enquête sur un champ d’investigation au demeurant beaucoup plus limité, notre commission a été en mesure dès le 9 mars de publier un rapport de 550 pages dont le Gouvernement a très vite retenu un certain nombre de recommandations.

Nous avions commencé cette très importante série de travaux par un échange avec M. Charrier, alors président-directeur général du groupe Orpea et M. Romersi, directeur général France. Le terme « échange » n’est d’ailleurs pas du tout approprié. Beaucoup d’entre nous, qui étaient déjà présents l’an dernier, s’en souviennent certainement : cette audition avait tenu davantage d’un monologue que d’un dialogue. J’y avais mis fin, en constatant que la représentation nationale était outrée de la piètre qualité des réponses fournies, quand elles n’étaient pas inexistantes et même parfois accompagnées d’une attitude désinvolte, pour ne pas dire méprisante. Certains collègues avaient déploré « l’enrobage affectif » et « les actes de contrition » qui, face à de graves accusations, dont la plupart ont été avérées dans les mois ayant suivi, avaient tenu lieu d’expression pour les représentants du groupe Orpea. Nous devons aujourd’hui en sortir et faire le point avec vous.

Je vous remercie, messieurs, d’avoir accepté notre invitation. J’espère que les commissaires, mais aussi nos concitoyens, seront davantage satisfaits de vos propos et de vos réponses. Nul n’ignore en outre qu’au-delà de très graves problèmes de fonctionnement mis en lumière l’an dernier, la situation financière et la gouvernance du groupe Orpea ont radicalement évolué depuis.

M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Orpea. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir convié ce matin pour répondre à vos questions. J’essaierai d’y répondre avec le plus de précision et de clarté possible, dans le souci de transparence et de sincérité qui m’anime depuis que j’ai pris la direction d’Orpea au mois de juillet 2022. Avec l’équipe de direction qui m’accompagne et un conseil d’administration renouvelé, nous sommes au travail depuis plusieurs mois. Si Orpea a changé, des progrès gigantesques doivent encore être faits pour améliorer sur le terrain le quotidien de nos résidents, de nos patients, de leur famille, de nos collègues dans les établissements et pour nous hisser à la hauteur des attentes collectives.

Pour commencer, permettez-moi de prendre quelques instants pour vous présenter mon parcours et l’engagement qui m’a conduit à être présent aujourd’hui devant vous. Par mon histoire personnelle, j’ai acquis la conviction que réussir, c’est être utile et changer le cours des choses. J’ai fait de mon mieux pour agir conformément à cette conviction, d’abord au service de l’État, au ministère des finances puis en rejoignant le cabinet du ministre de l’équipement, des transports et du logement Jean-Claude Gayssot à la fin des années 1990. Le combat mené à l’époque par le ministre dans ces murs pour imposer la mixité sociale dans la ville à travers la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain m’a beaucoup marqué. J’en ai retenu que la détermination politique et le rôle du législateur sont essentiels pour impulser le changement, comme vous l’avez fait l’an passé. J’ai ensuite rejoint Jean‑Louis Beffa chez Saint-Gobain, où j’ai servi pendant une vingtaine d’années, jusqu’à devenir l’un des directeurs généraux adjoints. Saint-Gobain m’a enseigné la rigueur et l’organisation mais plus encore, j’y ai appris la force exceptionnelle du collectif, des femmes et des hommes qui composent l’entreprise lorsque sa mission est en adéquation avec nos aspirations et nos valeurs.

Il n’existe pas à mes yeux de mission plus juste, noble et utile que celle de prendre soin des personnes les plus fragiles et parmi eux nos aînés. Comme beaucoup de Français, la lecture du livre de M. Castanet et les propos tenus lors des auditions que vous avez menées m’ont choqué. Les conclusions du rapport d’enquête de la mission de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances m’ont choqué également. À travers ces lectures et ces auditions, j’ai rapidement acquis la conviction que la crise déclenchée par le livre était de la responsabilité d’une poignée de dirigeants peu scrupuleux, voire pour certains crapuleux, qui ont désorganisé l’entreprise et dévoyé sa mission d’utilité sociale.

Ce livre m’a aussi fait comprendre combien ce secteur était en souffrance. Dans le même temps, j’ai acquis la conviction que les 17 000 résidents et les 75 000 patients accueillis dans nos établissements chaque année méritaient que l’on continue à prendre soin d’eux. Il fallait s’engager auprès des 26 000 salariés de l’entreprise en France, profondément affectés par le scandale mais qui sont restés tous les jours auprès des plus fragiles, dans les 350 établissements.

Quelques mois après ma prise de fonction, j’ai réalisé que la crise que traversait Orpea était plus profonde encore que celle décrite par M. Castanet et que le groupe était au bord du dépôt de bilan, à cause d’un développement immobilier et international excessif. L’entreprise était devenue la première foncière d’Europe, ce qui n’était pas sa vocation. Nous avons pris dans l’urgence et sous conciliation des décisions nécessaires à son assainissement financier. L’entrée de la Caisse des dépôts et consignations, de la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) et de la Mutuelle d’assurance du corps de santé français (MACSF) au capital d’Orpea va nous donner les moyens financiers de mettre en œuvre notre plan de refondation tel que je l’ai annoncé le 15 novembre dernier, pour construire une entreprise plus éthique et humaine, au service des plus fragiles.

Depuis ma nomination, plus de trente‑quatre dirigeants ont été sanctionnés et ont quitté l’entreprise. J’ai déposé plainte contre plusieurs d’entre eux après avoir mis en évidence des malversations qui engagent leur responsabilité pénale. Concernant l’usage inapproprié des dotations publiques, nous nous sommes engagés à rembourser à l’État l’intégralité des sommes indûment perçues sur le soin à l’euro près. Je me tiens à disposition des conseils départementaux pour faire de même sur la dépendance. Cette décision était la condition première pour regagner la confiance. Comme l’a dit M. Castanet le 25 janvier dernier sur France Inter, le système tel qu’il existait avant a été stoppé.

Lors de mes quatre-vingts visites dans nos établissements, j’ai pu constater l’implication quotidienne des équipes auprès des personnes âgées. L’ensemble des collaborateurs, soignants, cuisiniers, auxiliaires de vie, directeurs d’établissement, etc., ont fait ce qu’ils pouvaient pour assurer leur mission auprès des plus fragiles. Reste que pour prendre soin des plus fragiles, il faut prendre soin des collègues dans les établissements. Ces professionnels méritent la reconnaissance de notre entreprise et de la société dans son ensemble.

Depuis juillet, Orpea change. Alors qu’il n’existait aucun dialogue social ni négociations annuelles obligatoires (NAO) abouties depuis quinze ans, nous avons d’ores et déjà signé six accords à l’unanimité avec toutes les organisations syndicales représentatives de la branche. Le glissement des tâches était la norme, sans pour autant que cela se traduise par des perspectives d’évolution pour nos collègues les moins qualifiés. Nous avons décidé d’investir davantage dans la formation initiale et continue pour leur donner enfin de réelles perspectives d’épanouissement et de progression. Dès cette année, 1 000 formations diplômantes seront proposées aux auxiliaires de vie non diplômées. Jusqu’à l’an dernier, un directeur d’établissement ne pouvait pas remplacer un salarié absent ni changer une fenêtre sans demander l’autorisation du siège. Nous avons donné dès juillet dernier aux directeurs l’autonomie nécessaire pour qu’ils puissent embaucher ou faire des travaux sans solliciter d’autorisation. La fréquence des accidents du travail est de 50 à 100 fois supérieure à celle que j’ai connue dans ma vie antérieure dans l’industrie. Nous avons désormais une ambition pour la santé et la sécurité de nos collaborateurs et avons recruté un directeur santé et sécurité, poste qui n’existait pas. Vous constaterez que dans le soin apporté à nos collègues, les choses changent.

Je souhaitais terminer par le point le plus important. Nous sommes et devons redevenir une entreprise au service des plus fragiles, de nos parents et de nos grands-parents. Le premier critère de bien-être est le temps consacré aux personnes âgées, le temps attentif, le temps de présence passé les yeux dans les yeux et la main dans la main. Je sais que dans cette enceinte, plusieurs d’entre vous ont porté des propositions pour instaurer un ratio minimum d’encadrement. J’y suis personnellement très favorable. Depuis l’automne, nous avons recruté une à deux personnes de plus par établissement. Je suis conscient que c’est insuffisant. Il faut aussi fidéliser notre personnel pour garantir la stabilité des équipes. Le fait qu’une personne différente passe chaque jour pour faire la toilette constitue une atteinte à l’intimité et à la pudeur. Il s’agit d’une forme de maltraitance. Les résidents ont besoin de repères et les familles ont besoin d’échanger avec des personnes qu’ils connaissent et qui suivent leurs proches au quotidien. Désormais, les objectifs des directeurs des établissements reposent majoritairement sur la qualité des soins et le bien-être des résidents. Auparavant, les critères étaient purement financiers.

Le professeur Krolak‑Salmon, qui a créé et dirigé l’institut de vieillissement des Hospices civils de Lyon, nous a rejoints comme directeur médical et membre du comité de direction. Toute décision dans l’entreprise est prise avec lui, à l’aune du projet médico‑social. La question de la bientraitance renvoie aussi à celle de l’humanité des soins et de l’accompagnement. Le professeur Hirsch nous a aussi rejoints comme directeur de l’éthique. Les travaux ont déjà commencé sur ce sujet pour améliorer nos pratiques.

Le bien-être des résidents passe également par l’alimentation. Je sais que ce sujet vous remonte fréquemment de vos territoires. J’y suis attaché parce que je suis convaincu que se nourrir doit avant tout rester un plaisir, un moment de convivialité et de soins. Nous avons d’ores et déjà augmenté de 35 % le budget des repas, tout en privilégiant un approvisionnement local et de saison.

Les choses ne vont jamais assez vite. Je suis le premier, en interne, à m’impatienter. Certains médias ont effectué récemment des reportages, qui ont choqué à juste titre puisqu’ils laissent entendre que des comportements révoltants subsistent dans certains de nos établissements. Je le dis solennellement : un soignant qui manque de respect à nos aînés n’a pas la place chez nous. Sur ces comportements, ma ligne de conduite est simple : « tolérance zéro ». Depuis notre arrivée en juillet dernier, nous changeons Orpea, dans la transparence et dans le dialogue avec les résidents et les patients, avec nos proches, nos collaborateurs et nos soignants mais aussi avec la représentation nationale et les pouvoirs publics. Le temps de l’amélioration concrète, vécue par tous, s’installe progressivement. Je suis entièrement conscient que beaucoup reste à faire. La nouvelle équipe s’engage et fait son maximum pour que nos décisions portent leurs fruits au plus vite, concrètement, dans nos établissements et nos territoires, auprès des aînés.

Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je souscris à vos propos concernant les professionnels de santé qui travaillent dans ces établissements. Nous ne sommes pas ici pour leur jeter l’opprobre. Ceux-ci ont fait ce qu’ils ont pu, avec les moyens qui leur étaient octroyés à l’époque.

Mme Annie Vidal (RE). Les faits révélés dans le livre de M. Castanet tout comme les nombreux témoignages ont provoqué une onde de choc qui aujourd’hui, nous rappelle la nécessité de poursuivre notre engagement auprès de nos aînés et en appelle à notre vigilance individuelle et collective, pour lutter contre toutes les formes de maltraitance envers les personnes en situation de vulnérabilité. Au-delà des situations de maltraitance décrites, c’est aussi un système qui a été révélé, visant toujours davantage de profit au détriment des résidents et rendant les conditions de travail des professionnels vraiment difficiles. Merci, messieurs, de votre présence aujourd’hui qui, j’espère, viendra restaurer l’image que vos prédécesseurs ont laissée à la représentation nationale. Vos propos introductifs semblent encourageants.

Si M. Castanet dit que « les choses changent chez Orpea », pouvez-vous nous préciser ce que vous avez mis en place pour lutter contre la maltraitance envers les résidents et les professionnels ? Comment mettre un terme à une maltraitance institutionnelle et systémique installée ? Comment pensez-vous restaurer la confiance dans vos établissements et plus encore, initier un nécessaire processus de moralisation de tout le secteur privé ?

Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations, à la tête d’un groupement de mutuelles, a fait acquisition de 50,2 % des actions de votre groupe, ce qui s’inscrit dans le plan de refondation présenté en novembre 2022. En quoi ce plan permettra-t-il d’entériner un changement définitif des pratiques financières et immobilières, jusqu’alors au détriment de la qualité de la prise en charge des résidents et dépourvues d’humanité dans leur management ?

M. Serge Muller (RN). J’ai été aide-soignant en Ehpad pendant plusieurs années. Je viens juste de quitter mes fonctions. Pour avoir vécu une situation compliquée, je vous assure que ce métier ne peut être réalisé sereinement quand nous n’avons aucun moyen temporel pour être attentifs aux besoins des patients, assurer leur hygiène et leur confort, tout en étant humains avec eux. Si nous faisons ce métier, c’est pour la beauté des relations humaines qu’il engendre et le plaisir d’aider son prochain. La complexité du métier d’aide‑soignant réside en effet dans le fait qu’il s’agisse d’un métier de cœur. Le cœur, les soignants d’Orpea ont dû le mettre de côté. Je cite certains témoignages de soignants de vos cliniques : « on ne nous a jamais donné le temps ni les moyens de nous concentrer sur la douche » ; « le respect de l’hygiène, le temps de toilette, la surveillance des escarres, la prévention des chutes sont altérés par le manque de temps des personnels ». La liste est encore longue.

Où voyez-vous la place du cœur quand on doit courir pour faire des toilettes, rationner le linge en laissant les résidents dans une situation d’hygiène catastrophique ? Où est la philosophie humanitude, dans cette situation où le personnel allait travailler dans un lieu qui ne connaissait plus d’humanité mais dont la rentabilité était reine ? Le cœur disparaît et l’éthique du soignant avec. Tout cela engendre une forte pénibilité au travail, des taux d’incidence élevés, des troubles musculo‑squelettiques et des risques psychosociaux. Dumas disait, « il y a des services si grands qu’on ne peut les payer que par l’ingratitude ». Je vous invite à le prendre compte.

Je vous demande donc ce que vous avez prévu pour améliorer les conditions de travail de vos aides-soignants, qui ont un impact certain sur la qualité des soins des résidents et sur leur bien-être. Je souhaite enfin savoir ce que vous pensez du ratio entre les soignants et les soignés demandé par de nombreux syndicats.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Après les scandales qui vous ont frappé et que tout le monde a fait semblant de découvrir, l’État est finalement venu à votre rescousse et vous a promis monts et merveilles lors de votre nomination. Mes questions visent à s’assurer qu’il n’y a plus de maltraitance chez Orpea. L’un des points saillants de votre maltraitance réside dans le rationnement alimentaire. Trois jours plus tôt, sur une chaîne d’information continue, vous déclariez : « il n’y a pas de sujet de malnutrition, les moyens ont été mis en œuvre, le budget alimentaire a été augmenté de 35 % ». Nous serions donc passés d’un budget de 4,20 euros à 5,67 euros par résident et par jour. Ce chiffre de 35 % ne représente en réalité qu’une maigre augmentation du budget repas journalier de 1,47 euro. Celle-ci peut être mise en perspective de l’inflation des produits alimentaires : 38 % d’augmentation pour le riz ; 110 % pour l’huile de tournesol ; 20 % pour la farine ; 28 % pour les steaks hachés ; 23 % pour le beurre ; 18 % pour les œufs. Corrigée de l’inflation, l’augmentation n’est que dérisoire. Pensez-vous que celle-ci réglera réellement les problèmes de rationnement et de dénutrition de nos aînés ? Concrètement, de combien avez-vous par exemple augmenté les rations de viande, qui étaient comprises entre 40 et 60 grammes ?

Le ratio minimal de soignants (hors faisant fonction) par résident me tient en outre particulièrement à cœur. Vous avez déclaré avoir dépensé toute l’enveloppe publique destinée aux soins pour améliorer ce ratio. Qu’en est-il aujourd’hui exactement ? Pensez-vous utiliser votre enveloppe de dividendes pour embaucher ? À l’heure où la Défenseuse des droits alerte sur la situation dans les Ehpad et où les familles continuent de porter plainte contre vos établissements, nous attendons vos réponses avec impatience.

M. Jérôme Guedj (SOC). Le livre de M. Castanet a posé davantage la question d’un acteur privé du secteur commercial, Orpea, mais par extension, nous sommes amenés à nous poser deux autres types de questions, celle du secteur privé commercial et celle plus largement des Ehpad. Vous avez parlé de système crapuleux s’agissant d’Orpea. Vous êtes en train de nettoyer les écuries d’Augias. Il existe un enjeu pour les résidents et les personnels. Les uns et les autres doivent être soutenus. Aujourd’hui, dans le cadre du plan de redressement, avec vos nouveaux actionnaires, vous assumez le fait que votre bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Ebitda) va baisser significativement. Alors que vous étiez au-dessus de la moyenne de rentabilité des acteurs du secteur, à 26 ou 27 %, vous assumez un pourcentage autour de 20 %. Cela ne pose-t-il pas la question, qui n’est pas propre à Orpea, de la financiarisation de ce secteur d’hébergement des personnes âgées ? Ce type d’indicateur n’est-il pas orthogonal avec des objectifs de qualité de la prise en charge ? Dès lors que vous devenez un acteur un peu hybride, avec des actionnaires issus de l’économie sociale et solidaire, est-il raisonnable d’envisager l’objectif de dégager une rémunération d’actionnaire plutôt que de se concentrer sur la réalisation d’un bénéfice raisonnable pour pouvoir investir et poursuivre l’activité ?

M. François Gernigon (HOR). Il y a environ un an, le livre Les Fossoyeurs mettait en lumière les maltraitances répétées au sein des Ehpad du groupe Orpea. La prise de contrôle d’un groupement d’investisseurs, emmené par la Caisse des dépôts, est annoncée, faisant de ce groupement l’actionnaire principal, avec 1,35 milliard d’euros injectés dans le groupe privé.

Le ministre en charge de l’autonomie, Jean-Christophe Combe, l’a répété à plusieurs reprises. Le secteur s’est beaucoup remis en question depuis la sortie de cette enquête, pour mettre l’intérêt général et celui des résidents avant les gains financiers. Nous avons de toute évidence besoin des acteurs privés pour continuer de renforcer le secteur du bien vieillir et de l’autonomie, surtout quand nous connaissons les besoins liés au vieillissement de notre population dans les années à venir.

Cependant, nous avons également besoin, un an après ces révélations, d’avoir des acteurs privés lucratifs qui s’engagent sur des actions concrètes pour plus de moralisation et d’attractivité et des secteurs, comme avec les mécanismes de partage de la valeur, pour une meilleure adéquation des objectifs et des moyens mis en œuvre.

J’ai personnellement souhaité faire de la question du bien vieillir une priorité de mon mandat. Je suis depuis plusieurs mois sur le terrain pour écouter, questionner et comprendre comment améliorer les conditions de vie des seniors ainsi que les conditions de travail de nos soignants. En ce sens, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun que vous décliniez un plan d’action coconstruit avec l’ensemble des catégories professionnelles afin de partager et de donner une vision de votre stratégie ? Les résultats de ce plan d’action devront être mesurés à la fin de chaque année afin de les quantifier. Ils devront être communiqués largement afin de rassurer les résidents et leur famille et les salariés qui ont souffert du regard porté sur leur travail.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le 1er février, vous annonciez l’accord trouvé avec la Caisse des dépôts et des consignations dans un communiqué de presse de huit pages, qui détaille longuement le projet financier de la restructuration d’Orpea, sans aucune mention à l’humain et à l’amélioration des conditions de travail, encore désastreuses, du personnel soignant ou du quotidien des personnes hébergées, traitées comme du bétail à des fins de rentabilité. Les alertes se sont multipliées ces dernières années. Pourtant, que ce serait-il passé si M. Castanet n’avait pas révélé ce qui était déjà connu depuis bien trop longtemps ? Vous avez assuré que ce plan de refondation comportait également un volet éthique, avec une nouvelle approche du soin, une amélioration des pratiques médicales et éthiques ou encore le bien-être du personnel. Nous ne pouvons cacher notre profond scepticisme lorsque la poursuite des bénéfices reste le principal objectif devant le soin et la qualité de vie au travail, aussi bien du personnel soignant que des personnes hébergées.

La puissance publique, par le biais de la Caisse des dépôts et consignations, va acquérir 50,2 % des parts d’Orpea. Nous constatons qu’il s’agit avant tout d’une opération financière destinée à sauver le groupe de la faillite plutôt que d’une préoccupation de l’État pour que le soin aux plus vulnérables redevienne un bien public. Dans cette optique, quel sera le rôle concret de l’État dans le pilotage du groupe ? Va-t-il relever de l’Agence des participations de l’État ? Nous sommes d’autant plus sceptiques car cela ne signifie en rien le retour de l’humain dans la politique de soin et d’assistance aux personnes âgées.

Dans cette optique, le groupe Écologiste - NUPES s’interroge sur l’objectif de ces 1,35 milliard d’euros d’argent public injecté dans le groupe Orpea. Pouvez-vous nous garantir qu’ils seront destinés à donner des marges de manœuvre pour recruter du personnel, améliorer les conditions de travail et de soins ou Orpea va-t-elle devenir une énième entreprise privée sous perfusion d’argent public ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La première question que nous avons envie de vous poser a trait à ce qui a réellement changé dans le quotidien des résidents et du point de vue des personnels Quid des sous-effectifs, des taux de vacataires, des ratios personnels/résidents, des infirmiers de nuit, du versement des salaires quels que soient les dysfonctionnements rencontrés par le logiciel de paye ou du recours à des faisant fonction ? En avez-vous fini avec le grammage ? Où en êtes-vous sur la quantité, la diversité et l’apport protéiné, avec des repas pouvant donner envie et encourager l’autonomie ? Les effets de l’inflation n’ont-ils pas mangé les augmentations auxquelles vous avez procédé pour les repas ? Qu’est-ce qui a changé du point de vue de l’encadrement, de la culture et de la pratique des directeurs nationaux et régionaux, dont un certain nombre sont restés en poste ? Qu’en est-il de l’autonomie des directeurs d’établissement et de l’encadrement des auxiliaires de vie en validation des acquis de l’expérience (VAE) ? Qu’en est-il des travaux nécessaires dans les établissements qui le demandent ? Quid des tarifs ? Certaines augmentations m’ont surpris dans les établissements. Enfin, quels sont les objectifs financiers de moyen terme qui vous ont été fixés ? Pouvez-vous préciser les contours de votre but lucratif, si tant est que celui-ci ait encore un sens ?

M. Laurent Guillot. Les repas doivent être un moment de plaisir et de joie. Nous nous attachons à ce que ce soit le cas. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas de malnutrition. 50 % des personnes qui entrent dans nos établissements sont en état malnutri. Nous nous attachons à améliorer cette situation. Deux tiers des situations ont disparu au bout d’un an car il s’agit d’un soin. Nous avons augmenté de 35 % le budget alimentaire. Ces 35 % incluent l’inflation mais celle que nous constatons est plutôt de l’ordre de 15 %. Nous avons donc réalisé des efforts réels sur ces aspects. Je ne vous dis pas que tout est résolu. Je n’ai pas de « baguette magique » et ne suis pas capable de changer en six mois une situation très difficile. Je peux vous garantir que l’alimentation est un sujet fondamental, passant également par la formation de nos chefs au quotidien pour qu’ils s’adaptent. Ceux-ci disposent aujourd’hui de la liberté d’ajuster leur budget comme ils l’entendent. Si un résident souhaite manger plus, il suffit qu’il le demande. Je vous invite tous à venir manger dans nos établissements. Vous nous aiderez à continuer à progresser.

Vous avez été plusieurs à poser la question du ratio soignants/soignés. Il s’agit clairement d’un point important. Je suis favorable à ce que nous augmentions et contrôlions ce ratio. Entre le début et la fin de l’année 2022, celui-ci a augmenté de 10 %. Ce n’est pas suffisant ; il ne s’agit que d’une à deux personnes par établissement compte tenu des difficultés de recrutement mais il est important de le faire.

Eu égard à notre situation financière, nous n’allons pas verser de dividendes pendant plusieurs années et focaliserons tous les moyens que nous dégagerons sur le soin et l’accompagnement, en sortant du développement international à outrance et des investissements immobiliers sur fonds propres.

Au sujet de la lutte contre les maltraitances, la situation que nous avons trouvée était extrêmement difficile avec les professionnels. Dès mon arrivée, nous avons repris le dialogue avec les partenaires sociaux de façon extrêmement intense puisqu’après quinze ans sans accord social, six accords ont été signés à l’unanimité, avec les représentants du personnel internes et externes. Des accords ont eu vocation à organiser le dialogue social et d’autres à procéder à des augmentations de salaire et à mettre en place un treizième mois, afin de mieux retenir le personnel, ce qui constitue un enjeu fondamental.

Pr Pierre KrolakSalmon, directeur médical du groupe Orpea. Je me permettrai quelques mots introductifs qui illustrent ma démarche de rejoindre le groupe Orpea. Il s’agit d’un honneur d’être devant vous et de pouvoir débattre de l’aide à la dépendance associée au grand âge. Avant d’accepter le poste de directeur médical du groupe Orpea, j’ai lu deux fois le livre de M. Castanet et comme de nombreux lecteurs, j’ai été profondément bouleversé par l’histoire de ces personnes qui ont souffert au terme de leur vie, dans le contexte de leur hébergement en maison de retraite. J’ai été très choqué par les malversations atroces d’une équipe dirigeante cynique. Ces détournements ont affaibli les ressources des établissements, venant aggraver d’une part les grandes difficultés du secteur, le défaut de valorisation des métiers, l’attractivité et d’autre part la très grande complexité des soins à apporter à nos aînés les plus fragiles, souvent en grande dépendance.

Je me suis dit alors que je pouvais modestement apporter mon expertise acquise au sein du centre hospitalier universitaire de Lyon et de l’institut du vieillissement, qui a organisé des parcours intégrés depuis le domicile, le secteur ambulatoire, les hospitalisations et jusqu’à l’hébergement en unité de soins de longue durée et a surtout aidé les équipes soignantes à apporter les meilleurs soins. Enfin, j’ai été convaincu par la profonde sincérité de la nouvelle équipe dirigeante du groupe amené par M. Guillot, à la tête de la direction générale et M. Pepy, président du conseil d’administration. J’ai perçu leur engagement profond pour remettre le projet médico-soignant au cœur des préoccupations de l’entreprise et bien au-delà. J’espère aider l’ensemble du secteur qui sert cette grande cause.

En ce qui concerne la maltraitance, il faut rappeler que la mission de soin et d’accompagnement des équipes exige la bientraitance et la bienveillance. C’est par essence le cœur du métier. Un aide-soignant vient travailler pour être bienveillant et bientraitant. Il est de notre devoir, en tant qu’encadrants, d’organiser les conditions pour que cet aide-soignant ou cet infirmier puisse être bientraitant. Il est également de notre devoir de prévenir cette maltraitance, de la détecter et de la traiter d’un point de vue organisationnel. Il faut aussi savoir ce qu’est la maltraitrance. Les petits gestes quotidiens, les gestes trop rapides, les gestes techniques parfois peu enveloppés d’empathie ou peu accompagnés d’une considération de l’humain, avec une concentration sur ce caractère technique du geste soignant, sont de la maltraitance. Ainsi, selon moi, le risque ne peut jamais être considéré comme nul et doit faire l’objet d’une vigilance permanente du quotidien. La maltraitance directe et volontaire est exceptionnelle. Elle relève de cas très particuliers, pour lesquels nous sommes très vigilants et qui doivent faire l’objet de sanctions disciplinaires.

En pratique, avec le professeur Hirsch, nous organisons une démarche « éthique et bientraitance », qui va aller jusque dans les établissements, au plus près des équipes, en organisant des cellules interdisciplinaires (médecins, psychologues, directeurs, aidessoignants et infirmiers), qui veilleront que chaque cas soulevant une question éthique puisse relever d’une concertation interdisciplinaire, à l’échelle de l’établissement, de la région et du comité d’orientation éthique organisé par le professeur Hirsch. Nous accélérons également la formation des référents en bientraitance. 298 sont formés à ce jour et nous espérons pouvoir former les deux référents bientraitants par établissement d’ici quelques mois.

M. Laurent Guillot. Je partage complètement l’intervention à propos du temps nécessaire pour les soignants, qui est parfois source involontaire de leur part de maltraitance. L’un des premiers points est bien d’améliorer le taux d’encadrement. Je pense que votre aide collective est bienvenue en la matière. Notre travail consistera ensuite à former, trouver et embaucher.

En ce qui concerne les conditions de travail, j’ai été choqué par les taux de fréquence d’accidents avec arrêt dans ce secteur. Dans l’industrie, ces taux de fréquence sont autour de 0,5 à 1 % et leur dépassement fait l’objet d’attention. Dans le secteur du soin, il est encore plus important d’être en sécurité. Or les taux de fréquence des accidents avec arrêt varient entre 40 et 50 %. Un directeur santé sécurité vient de rejoindre notre équipe. Nous sommes en train de mettre en place des programmes, qui concernent le port des chaussures, les gants, les petits équipements, les porte-charge, etc. Il s’agit d’un travail gigantesque, qui prend plusieurs années mais qu’il faut engager pour nos collaborateurs. Notre premier devoir vis-à-vis de nos collaborateurs est qu’ils rentrent chez eux en bonne santé le soir.

Nous travaillons également sur la rémunération et la fidélisation. La mutuelle proposée n’est pas au niveau. Beaucoup de chantiers concernent donc également l’aspect financier. Nous avons enfin prévu un budget supplémentaire de 16 millions d’euros de formation pour l’année à venir, ce qui est tout à fait significatif.

S’agissant des objectifs financiers, nos ambitions dans le cadre du plan de refondation que j’ai proposé sont bien moindres que par le passé. Cela montre que notre œil n’est pas rivé sur l’indicateur de rentabilité mais plutôt sur les événements indésirables graves (EIG), que je surveille toutes les semaines, le taux d’encadrement et la rotation du personnel. Nous restons une entreprise à but lucratif mais je suis persuadé que nous pouvons être à la fois une entreprise du secteur lucratif et bien faire son travail. Telle est mon ambition.

Le plan d’action a largement été conçu avec nos collègues en interne mais également avec les remontées reçues lors des états généraux qui se sont étalés du printemps à l’automne 2022. Nous avons récolté plus de 1 700 pages de documents, d’informations et de commentaires, parfois extrêmement touchants, à propos notamment de la difficulté des collègues à ne pas être maltraitants compte tenu des moyens à leur disposition. Ce plan de refondation s’inspire largement des discussions que nous avons eues avec eux. Il a été communiqué, des objectifs lui sont assignés et il continuera à faire l’objet de communications régulières.

Je suis le premier à regretter la densité financière des communiqués de presse au moment de l’annonce du projet avec la Caisse des dépôts et consignations. Je suis néanmoins obligé de fournir ces indications au marché. Le plan de refondation présenté le 15 novembre dernier comprend seulement une vingtaine de pages à propos des éléments financiers et 100 à 150 pages au sujet du soin et des collaborateurs. Ceux-ci constituent la priorité première car ce sont eux qui réalisent le travail au quotidien auprès des patients et des résidents et qui sont les vrais responsables de la continuité de l’entreprise.

L’entreprise ne dépend pas de l’Agence des participations de l’État, mais de la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci sera évidemment représentée au conseil, comme la MAIF et la MACSF. C’est devant ce conseil que nous présenterons régulièrement la stratégie. Encore une fois, l’objectif de profitabilité est bien moindre que par le passé. La priorité tient aux collègues et aux résidents avant tout. Le premier de mes objectifs financiers personnels, c’est-à-dire mon bonus, porte à 40 % sur le bien-être et les résidents, à 30 % sur des objectifs généraux qualitatifs liés à la mise en place du plan d’action et à 30 % sur le niveau financier. Nous avons logiquement rééquilibré les objectifs de l’entreprise, au profit des patients et des résidents.

Le dialogue social beaucoup plus intense a conduit, pour la première fois, à des NAO abouties, avec des augmentations de salaire, la mise en place d’un treizième mois et une réflexion engagée sur les mutuelles. Nous remettons l’entreprise dans une démarche normale. Le progrès incrémental pourra venir ensuite mais nous en sommes à recréer les basiques. Nous faisons tout notre possible pour aller le plus vite possible. Nous avons amélioré le ratio d’encadrement de 10 %. Nous n’avons pas d’infirmières de nuit toutes les nuits mais un système d’astreinte dans les établissements. Il s’agit d’un point extrêmement important.

Nous avons redonné beaucoup d’autonomie aux établissements, qui peuvent désormais embaucher et engager des dépenses de réparation. Historiquement, les embauches étaient soumises à l’approbation du siège. Les établissements peuvent désormais le faire directement, ils le doivent même car c’est localement que les ressources peuvent être trouvées. En ce qui concerne les VAE, nous allons proposer en 2023 1 000 formations aux auxiliaires de vie souhaitant devenir aides-soignants.

La culture change mais très lentement. Il est très difficile, lorsque vous avez été habitué à recevoir des ordres et à vivre dans une culture de la peur, de changer du jour au lendemain. Nous y travaillons avec les équipes. Je leur fais confiance mais il faut qu’elles saisissent cette opportunité et je les appelle à le faire à chaque fois que je les rencontre.

Nous augmentons en effet nos tarifs. L’inflation à laquelle tout le secteur fait face, y compris le public et l’associatif, est de l’ordre de 9 à 10 %. L’inflation sur les salaires est normale, compte tenu de leur faible niveau et de l’impact de l’inflation alimentaire et énergétique sur nos personnels. L’inflation de la nourriture et de l’énergie nous touche également, même si le bouclier énergétique nous permet d’absorber une partie de cette augmentation. In fine, l’inflation globale est très importante, autour de 9 à 10 %. Je comprends totalement les Ehpad publics et associatifs, qui sont dans une situation réellement complexe. Nous faisons face à la même situation et devons donc augmenter nos tarifs, dans des proportions qui sont parfois difficiles. J’en suis parfaitement conscient.

M. Eric Alauzet (RE). Nous sommes bien évidemment très intéressés de pouvoir échanger avec vous. Avant de poser ma question, je voudrais vous dire que nous avons envie de vous faire confiance, sans naïveté bien évidemment. Une crise, si profonde soit-elle, est toujours une opportunité de progrès et les éléments de réponse que vous venez d’apporter aux questions de mes collègues vont dans ce sens. Vous êtes scrutés de très près et vous n’avez pas le droit à l’erreur. Votre responsabilité est énorme, la pression est très forte sur le groupe Orpea et la réussite impérative.

Bien que vous ayez témoigné une certaine satisfaction envers l’entrée majoritaire de la Caisse des dépôts et consignations au capital d’Orpea sur France Info le 1er février dernier, il semblerait qu’en coulisse, cette solution n’était pas celle que vous auriez privilégiée. Nous avons pu entendre que vous poussiez plutôt pour une solution orientée vers des fonds minoritaires. Pourriez-vous nous apporter des éclairages nécessaires quant à vos éventuels doutes sur le rachat d’Orpea par la Caisse des dépôts et consignations ? Le cas échéant, quelles auraient été vos préconisations de sauvetage du groupe ?

M. Thierry Frappé (RN). La situation de nos aînés en France anime les débats parlementaires mais rythme aussi la vie familiale. Avec l’abandon par le Gouvernement de la loi « grand âge », ce sont plus de 500 000 personnes âgées qui résident sous la responsabilité d’Ehpad comme dans votre groupe. Voici à présent douze mois que le scandale Orpea a éclaté, que votre entreprise fait couler de l’encre dans l’ensemble des journaux et anime les débats. Après ces nombreux mois et cette longue traversée du désert, vous avez perdu la confiance de nos concitoyens, des familles et de nombreux politiques. Nous demandons qu’à vous l’accorder mais nous avons besoin de précisions.

Notre groupe a proposé une visite au sein des établissements de santé de façon inopinée dans un but d’évaluation in situ. Qu’en pensez-vous ? De plus, nous découvrons de nombreuses informations au fil des jours. C’est le cas dernièrement avec l’annonce de la Caisse des dépôts et consignations entrant au capital de l’entreprise en devenant actionnaire majoritaire avec la MAIF et la MACSF pour une durée imprécise, estimée actuellement à cinq ans. La Caisse des dépôts a-t-elle vocation à rester actionnaire majoritaire sur le long terme ? Quels moyens seront-ils mis en œuvre pour retrouver la confiance de l’opinion publique ?

M. Didier Martin (RE). Votre présence devant nous peut rassurer les familles car vous représentez en quelque sorte l’élite de la nation. Diplômé de polytechnique, vous avez fait une brillante carrière dans l’administration puis dans l’industrie. La présence de M. Pepy et de la Caisse des dépôts et consignations rassure également. Sur le terrain, il s’agit aussi de rassurer très concrètement. En Côte‑d’Or, un seul établissement Orpea est présent. En 2022, pendant une période, les postes de direction, de médecin coordonnateur et d’infirmier coordinateur étaient vacants. La situation était catastrophique et les familles se sont tournées naturellement vers leurs élus, faute d’interlocuteurs. Les équipes ont été abandonnées sur le terrain. J’espère que le cas de Messigny est une exception sur le territoire mais il convient de rassurer.

Il s’agit en outre de transformer le scandale Orpea et de sortir de cette entreprise d’où elle est tombée pour en faire un exemple, pour l’entreprise et pour tout le secteur, traumatisé par ce scandale. Vous nous annoncez un plan satisfaisant, visant à améliorer le service aux plus vulnérables, le management, les conditions de travail, le dialogue social, la gestion saine sans course au profit et à préparer le virage d’évolution démographique dans le pays de façon saine.

Vous allez rembourser l’État et les conseils départementaux. Quelle méthode allez-vous suivre pour estimer cette aide ? Comment le ferez-vous savoir ?

M. Didier Le Gac (RE). Je suis élu de Bretagne, où les établissements privés sont très peu nombreux puisque quasiment tous sont publics ou associatifs. Aucun du groupe Orpea n’est présent.

Orpea a accepté de rembourser à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) les 55,8 millions d’euros d’argent public réclamés au titre des mauvaises pratiques passées au lieu des 27 millions d’euros envisagés. La différence, de 30 millions d’euros, correspondrait à la rémunération de salariés du groupe faisant fonction d’aides‑soignants sans en avoir la qualification. Quelles sont les actions concrètes que le groupe Orpea envisage de prendre, notamment pour aider et accompagner son personnel ? Vous avez évoqué la VAE, qui correspond à une formation externe. Que faites-vous en interne pour justifier cette différence de 30 millions d’euros ? Plus largement, pouvez-vous expliquer votre nouvelle ligne politique en matière de ressources humaines et notamment d’apprentissage ou de recrutement ?

M. Freddy Sertin (RE). Permettez-moi de citer en préambule Simone de Beauvoir qui, en 1970, écrivait : « on reconnaît le degré d’une civilisation d’une société à la place qu’elle accorde à ses personnes âgées ». Clairement, l’affaire qui concerne votre groupe a mis en lumière tous les dysfonctionnements de notre société face à la prise en charge du vieillissement de nos aînés. Elle a, à raison, choqué et ému la France entière. J’en retire toutefois également un autre enseignement. Ce sujet a su mobiliser tant l’opinion publique que l’opinion politique et l’accompagnement des personnes âgées a enfin été mis en lumière, que ce soit au domicile ou dans les établissements spécialisés.

En 2019, la direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques dénombrait 770 000 places réparties dans 11 000 structures d’hébergement pour personnes âgées. Les Ehpad représentaient alors 70 % des structures d’hébergement. Aujourd’hui, notre population vieillit. La part des 75 ans et plus devrait passer à 14,6 % de la population contre 9,1 % en 2015. Cet enjeu est donc majeur pour nous. Serons-nous en mesure d’apporter aux résidents tout le confort et le respect qu’ils méritent, au personnel encadrant et soignant les moyens pour exercer leur métier dignement et aux familles la confiance en ces structures pour prendre soin de leurs proches ? Les députés Renaissance porteront d’ici cet été une proposition de loi visant à bâtir une société du bien vieillir en France. Je ne doute pas que nous pourrons compter sur l’ensemble des collègues ici présents pour adopter nos mesures qui visent à répondre pleinement à ces questions.

Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations a annoncé qu’elle allait acquérir 50,2 % du groupe. Je salue l’arrivée de cet acteur dans le capital, amenant ainsi la confiance. La Caisse des dépôts entend mettre en œuvre des objectifs de qualité, ce que nous ne pouvons que saluer. Dans ce cadre, envisagez-vous de faire évoluer les statuts de l’entreprise afin que celle-ci devienne une entreprise à mission ? Par ailleurs, votre groupe a présenté un plan de refondation le 15 novembre dernier, qui laisse entendre un certain nombre d’évolutions. Or l’interview de M. Castanet à La Voix du Nord évoquait la présence encore de directeurs ayant été mis en cause et le fait que vous ayez conservé les mêmes fournisseurs.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Merci de votre présence pour nous parler de ce rétablissement de confiance. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer, avec d’autres collègues de la commission des affaires sociales, lors d’un conflit dur au sein de votre filiale d’aide à domicile. J’avais pu par moi-même constater votre volonté sincère de rétablir le dialogue social à travers des NAO ou d’autres éléments tout aussi importants.

J’aimerais revenir sur la problématique des marges opérationnelles. Vous avez en effet annoncé dans vos communications financières que vous souhaitiez passer de 26 % à une vingtaine de pourcents de marge financière mais je me demande si même 20 % reste possible et compatible avec la volonté d’améliorer la qualité de vie des résidents et du personnel, tout en maintenant une politique d’investissement dans les équipements.

J’ai par ailleurs rencontré les salariés de Domidom trois semaines plus tôt, qui m’ont fait part d’un sujet qui concerne en réalité l’ensemble des salariés se déplaçant à domicile, celui des transports hors indemnités kilométriques. Il s’agit du temps de transport comptabilisé par l’employeur entre chaque bénéficiaire, qui ne tient pas suffisamment compte du temps effectif. S’y ajoute la distance parfois importante entre le domicile de l’aide‑soignant et celui de son premier bénéficiaire, se traduisant par moins de temps passé auprès du bénéficiaire et un coût important porté par le salarié dans un contexte de hausse des prix des carburants.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). Le groupe Orpea a trahi la confiance et souvent brisé la vie de milliers de familles et de pensionnaires, désirant tout simplement passer leurs vieux jours de manière paisible, digne et en sécurité. Les soins apportés à nos aînés sont un enjeu de civilisation. Ce scandale nous oblige et nous alerte. La marchandisation et la logique de rentabilité détruisent tout et avilissent jusqu’à notre humanité. Nous pouvons regretter par ailleurs que le Gouvernement ait renoncé à une véritable politique pour nos aînés, en enterrant en 2021 la loi « grand âge et autonomie ». Il est également désolant que la proposition portée par le groupe Rassemblement National visant à donner un droit de visite aux parlementaires dans les établissements sociaux et médico‑sociaux ait été écartée par pur dogmatisme et sectarisme.

Je salue l’entrée au capital d’Orpea de la Caisse des dépôts et consignations, donnant l’espoir de la fin d’une marchandisation débridée et d’un meilleur contrôle de nos établissements. Ce n’est toutefois pas un chèque en blanc. De plus, l’annonce d’un mieux‑disant pour nos aînés et la baisse future de la rémunération des actionnaires ont provoqué l’effondrement des deux tiers de la valeur boursière d’Orpea depuis la semaine dernière. Ainsi, pensez-vous sincèrement qu’il est possible d’allier la dignité humaine avec la logique de rentabilité et de lucre qui est la vôtre, notamment à Miramas dans ma circonscription ? Enfin, il est regrettable que les Ehpad associatifs non lucratifs, confrontés à des difficultés majeures, aient réclamé des investissements publics comparables à ceux débloqués pour sauver Orpea, vainement et au profit d’une structure qui s’est gavée sur la fin de vie. Quelles mesures concrètes Orpea prendra-t-il, sous votre direction, pour faire en sorte que la dignité de nos aînés soit assurée et que les travailleurs puissent assurer leur fonction dans des conditions normales un jour ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Le vieillissement de la population et la perte d’autonomie constituent aujourd’hui une des principales préoccupations des Français pour leur famille. Il est primordial de mettre en place une stratégie de prévention de la perte d’autonomie tant au niveau national que territorial, de garantir à chacun un hébergement ainsi que des prestations de qualité et accessibles et de lutter contre toutes les formes de maltraitance. C’est l’objet des réflexions que nous menons afin de bâtir la société du bien vieillir en France.

Depuis un an, vos établissements ont été mis en cause et de nombreux établissements de votre groupe ont fait l’objet d’un contrôle. Quelle est la teneur de ces contrôles ? Prennent-ils la forme, dans leur grande part, d’un simple envoi de pièces administratives ?

Afin de garantir une prise en charge des personnes âgées qui ont besoin d’aide et de soins au quotidien, de répondre au souci des familles, d’améliorer les conditions de travail du personnel et de renforcer l’attractivité des métiers, êtes-vous favorable à la mise en place d’un ratio minimal de soignants par résident et à a quel taux ? D’autre part, une étude montre qu’une personne sur deux en établissement est dénutrie ou à risque de dénutrition et que les besoins caloriques ou protéiques de 80 % des résidents ne sont pas satisfaits. Quelles actions menez-vous pour améliorer la nutrition des résidents des établissements ?

Par ailleurs, le 1er janvier 2023, la Caisse des dépôts et consignations a annoncé qu’elle allait faire l’acquisition de 50,2 % des actions du groupe. Orpea va donc bénéficier d’argent public. Le 7 février à 14 heures, l’action d’Orpea se monnayait à 2,20 euros, en hausse sur la journée de + 5,4 %. Le jour de l’annonce de l’accord avec la Caisse des dépôts, elle est montée à 5,28 euros. Il est donc possible de supposer que les actionnaires d’Orpea se félicitent de l’intervention publique. Est-ce le cas ? Par ailleurs, pensez-vous modifier le statut de votre entreprise, au moins en France, l’actionnaire principal étant public ? Enfin, qu’est-ce qui devrait changer dans votre organisation dans les Ehpad pour lutter contre la maltraitance qui est dénoncée dans le livre de M. Castanet ?

M. Laurent Guillot. La confiance n’exclut pas le contrôle. Je suis extrêmement favorable à tous les contrôles et en nombre, comme je l’ai déjà dit publiquement. Je pense qu’il s’agit d’une des missions des pouvoirs publics.

J’ai en effet indiqué sur France Info que la Caisse des dépôts était la meilleure solution que nous pouvions trouver. Pour les salariés et les résidents, une solution devait être trouvée. En tant que directeur général, je devais m’assurer, si mon plan A ne fonctionnait pas, de l’existence d’un plan B. Je ne pouvais pas laisser planer une incertitude, pouvant venir d’une décision de la Caisse des dépôts ou d’un désaccord avec les créanciers. Ce plan B n’était pas ma solution privilégiée mais j’étais obligé de le prévoir. C’est peut-être la raison pour laquelle certains en ont déduit que j’aurais préféré une autre solution mais au contraire, je suis parfaitement satisfait. Pour nos patients, nos résidents, nos collaborateurs dans les territoires, nos fournisseurs et même nos créanciers, il n’existe pas de meilleure solution que l’investissement de la Caisse des dépôts, de la MAIF et de la MACSF, qui permet de rassurer et de mettre en place notre plan de refondation.

Je ne sais pas combien de temps la Caisse des dépôts et consignations restera. Il s’agit d’un investisseur de long terme dans le système français, qui accompagne en général ses participations de façon longue, avec très peu de cessions. Vous pouvez être rassurés. À mon sens, la Caisse des dépôts est présente pour longtemps.

S’agissant des visites inopinées, je vous invite personnellement tous à venir visiter les Ehpad Orpea et à passer du temps avec nos aînés. Vous apprendrez beaucoup de choses. N’hésitez pas à me faire remonter les informations que vous glanerez à ces occasions pour que je puisse également être parfaitement informé. Venez également y déjeuner, nos aînés apprécieront.

La confiance viendra par les bonnes pratiques et la qualité de notre action auprès de nos aînés. Nous mettrons du temps à la retrouver mais c’est uniquement par la qualité du travail sur le terrain au quotidien que nous retrouverons la confiance de la population française et des députés.

J’ai bien en tête les problèmes que pose l’absence de personnel dans un établissement. L’absence d’un directeur ou de professionnels coordinateurs n’est pas acceptable. Je regarderai dès mon retour la situation des Terrasses du Suzon à Messigny pour être sûr qu’elle est bien corrigée. La rotation du personnel est extrêmement importante, pas seulement chez Orpea mais dans tout le secteur ; nous devons y travailler, à travers la rémunération et les différents moyens mis en œuvre. Elle crée des trous dans l’organisation, créateurs de différends.

Je me suis engagé à rembourser les sommes du passé à l’euro. Cela a été vrai pour l’intégralité du montant à la CNSA. Pour les départements, les discussions doivent avoir lieu au cas par cas, afin que les remboursements soient mis en œuvre dans les semaines à venir. Pour la CNSA, j’ai décidé de rembourser les 30 millions d’euros, même si nous disposions d’éléments pour ne pas en rembourser la totalité. Nous sommes en pleine refondation. Un travail gigantesque doit être mené dans les territoires et les Ehpad. J’ai préféré rembourser ce montant, qui était en quelque sorte un caillou que j’avais dans la chaussure, pour qu’il soit derrière moi.

S’agissant des dispositifs concernant les faisant fonction, la formation était insuffisante chez Orpea auparavant. Nous mettons en place un dispositif de VAE et de promotion par alternance (Pro‑A). La Pro‑A est un dispositif d’accompagnement nouveau, mis en place par le Gouvernement et qui permet également de faire de la qualification du personnel de façon intéressante, en concurrence de la VAE. Un travail de simplification doit être réalisé en ce qui concerne la VAE car en l’état, le dossier est extrêmement complexe et lourd. Je sais que vous vous penchez sur le sujet. Nous attendons avec impatience votre travail. Le nombre de jurys est également un sujet à régler ensemble. En ce qui concerne l’alternance et l’apprentissage, deux instituts de formation des aides‑soignants internes sont situés en région parisienne, ce qui pose des difficultés pour faire venir les personnes de province. Nous sommes en train de trouver des accords avec d’autres instituts de formation pour pouvoir accélérer le nombre de formations. Nous allons ainsi doubler le nombre d’alternants.

En ce qui concerne la question des statuts, j’avais annoncé en juillet dernier, quelques semaines avant mon arrivée, que je considérais que compte tenu de la nature de l’activité d’Orpea, passer en entreprise à mission me paraissait nécessaire. Nous nous engageons dans le process mais je ne souhaite pas y adhérer immédiatement, sans avoir reconstruit les fondamentaux. Il n’est pas possible de devenir une entreprise à mission tant que nous n’en avons pas acquis les valeurs et tant que le projet d’entreprise collectif n’est pas clair. Un travail gigantesque doit être mené avant et la récompense sera de passer en entreprise à mission.

En ce qui concerne les fournisseurs, mon axe principal de travail est toujours le bien‑être des patients et des résidents. Des fournisseurs de tout le secteur sont clés pour les protections ou des éléments de soins fondamentaux. Je ne peux pas m’en séparer, même si leurs pratiques ont été contestables par le passé. Nous les avons fait cesser et remis les choses au clair avec les dirigeants de ces fournisseurs mais l’intérêt du soin et de nos patients commande que nous continuions à travailler avec eux.

M. Jérôme Guedj (SOC). Sont-ce les mêmes fournisseurs que ceux avec les remises de fin d’année (RFA) d’hier ?

M. Laurent Guillot. Oui. Néanmoins, les RFA ne sont désormais plus extérieures à l’entreprise et ne profitent plus qu’à quelques-uns ; elles sont intérieures à l’entreprise et sont, lorsqu’elles concernent le soin et la dépendance, reversées en totalité à l’enveloppe soin ou dépendance. Cela pose évidemment un problème éthique mais lorsqu’un fournisseur possède une position extrêmement forte et utile, avec la quarantaine de modèles de protection nécessaires, l’intérêt du patient et du résident commande.

La marge opérationnelle de 20 % permet de payer tout l’immobilier. Ces 20 % incluent donc les loyers et les frais centraux. Le loyer en constitue la grande majorité. La marge opérationnelle des activités de soins et d’accompagnement est en réalité très faible.

J’ai noté le point sur Domidom, que nous traiterons dans le cadre du dialogue social. Il importe que l’entreprise, dans l’ensemble de ses composantes, prenne l’habitude de passer par le dialogue social et les instances. J’ai bien noté le point, que je transmettrai la directrice de Domidom, mais celui-ci me semble un peu plus large.

J’ai répondu à la question sur le droit de visite. Je vous invite à visiter les établissements Orpea. En ce qui concerne l’articulation dignité/rentabilité, ma position est ferme sur le sujet. Je pense qu’une condition pour qu’une entreprise gagne sa vie est qu’elle fasse bien son travail. Sinon, tôt ou tard, celle-ci perd de l’argent, est rattrapée et il arrive ce qu’il est arrivé à Orpea. Bien faire son travail est une condition pour être rentable de façon durable. La baisse du cours de bourse a été incroyable puisqu’un an et demi plus tôt, l’action valait 100 euros ; elle en vaut aujourd’hui plutôt 2. Elle est le signe d’une entreprise qui ne fait pas bien son travail et qui, à un moment, le paye. Je suis convaincu, par mon histoire, qu’il est possible de faire les deux. La condition est de bien faire notre travail et c’est ce à quoi nous nous attachons tous les jours depuis notre arrivée.

Nous avons reçu entre 170 et 180 contrôles, sachant que nous possédons 227 établissements en France. Je pense que nous avons été le groupement le plus contrôlé et c’est normal, je n’en suis pas choqué. Vous pouvez revenir quand vous voulez. J’ai exprimé un engagement de transparence et de contrôle. La grande majorité de ces contrôles ont été physiques et inopinés.

Je suis en outre extrêmement favorable au ratio minimal de soignants. Le nombre de soignants par résident est un des critères fondamentaux de la qualité de nos actions.

Pr Pierre KrolakSalmon. En ce qui concerne les objectifs caloriques, les menus sont conçus pour atteindre 2 200 calories par jour, dépassant ainsi légèrement les recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de 2 000 calories par jour. Les apports protéiques sont de 85 grammes par jour, dépassant également les recommandations de 70 grammes par jour. Audelà, je voudrais partager avec vous le fait qu’il est important de réfléchir qualitativement à nos repas. Le repas est un vecteur de plaisir très important pour nos aînés. Il s’agit d’un moment de convivialité, où des échanges sociaux ont lieu. J’aimerais apporter à la réflexion de l’entreprise les aspects personnalisés du repas. D’un point de vue médical, augmenter presque sans limites les apports caloriques pour tous ne fait pas sens. Certains seront dépassés par ces apports en termes de volume, d’envie et de demande alors que d’autres les trouveront encore insuffisants, parfois pour des raisons neurologiques stimulant l’appétit. Nous voulons travailler sur la personnalisation et le plaisir autour des repas. Il s’agit d’un objectif du projet médico-soignant, qui convoque aussi la réflexion sur tous les plaisirs et les petits bonheurs du quotidien.

Le moment de la toilette est extrêmement important ; il rejoint l’impératif de formation et de montée en compétences des soignants. Il s’agit d’un acte de soins, dispensé à la carte en fonction des besoins de la personne et de ses altérations cognitives ou locomotrices. Nous devons ajuster les moyens d’assistance à la toilette de façon personnalisée.

M. Laurent Guillot. Le jour de l’annonce de l’entrée au capital de la Caisse des dépôts et consignations, le cours de bourse a augmenté mais il faut se situer dans la longue durée. L’arrivée de la Caisse des dépôts et consignations se traduira par une dilution massive des actionnaires. Or les actionnaires historiques ont tout perdu ; il s’agit des conséquences de la mauvaise gestion de l’entreprise, normales d’une certaine façon.

M. Arthur Delaporte (SOC). J’ai été très impliqué dans l’accompagnement des salariés de la filiale Domidom, au sein notamment de l’agence de Caen, qui s’était engagée dans un conflit de quarante‑cinq jours mais qui a fini par obtenir une revendication importante, celle de la revalorisation de l’indemnité kilométrique à 45 centimes du kilomètre et des hausses de salaire importantes, ayant bénéficié à l’ensemble des salariés du groupe. Je remercie ces huit salariés de s’être mobilisés à cette fin. Je souhaite que le dialogue social et les négociations puissent se poursuivre suite aux élections professionnelles en cours dans cette branche.

J’aimerais savoir comment vous envisagez l’avenir de cette filiale d’un point de vue stratégique. Un article des Échos paru trois semaines plus tôt a relaté l’intérêt du fonds d’investissement KKR pour reprendre le contrôle de cette filiale de l’aide à domicile, représentant environ 2 % du chiffre d’affaires du groupe mais sur laquelle vous enregistrez des pertes. Nous savons que l’avenir du vieillissement se situe aussi dans l’amplification du secteur de l’aide à domicile. Orpea compte-t-il continuer, à travers sa filiale, à être un des acteurs moteurs voire exemplaires sur le sujet de l’aide à domicile ? Quelle est votre stratégie à propos de l’aide à domicile ? Est-ce une filiale dont il faut se débarrasser parce qu’elle génère des pertes ? Le cas échéant, l’aide à domicile a-t-elle un avenir, chez Orpea ou ailleurs ?

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Au cours du scandale de maltraitance au sein d’Orpea, nous apprenions le rationnement des résidents, le sous-effectif chronique, l’insuffisance du suivi sanitaire, le rationnement des couches mais également la répression syndicale ainsi que les malversations financières. En 2012, la somme versée aux actionnaires atteignait 26,5 millions d’euros. En 2019, elle s’élevait à 77,5 millions d’euros. En sept ans, le groupe Orpea a multiplié par trois la somme des dividendes versés à ses actionnaires. Si la mise en place du rationnement humain systématiquement est incontestable, tout aussi incontestable est l’absence de rationnement des profits réalisés par ce groupe. Plus récemment, afin d’éviter le redressement judiciaire, la Caisse des dépôts a injecté 1,5 milliard d’euros, en devenant ainsi l’actionnaire majoritaire du groupe.

Malgré ces révélations, qui ont choqué le pays tout entier, à ce jour, aucune remise en cause des dérives structurelles de l’Ehpad privé lucratif ni de la privatisation du secteur de la dépendance n’a eu lieu. Vous avez récemment déclaré : « historiquement, Orpea dégageait des marges autour de 26 %. Au premier semestre, elles étaient tombées à 17 %. Nous devons d’abord les redresser. » Nous apprenons qu’en 2022, Orpea n’a pas versé de dividendes. Qu’en sera-t-il les années suivantes ? Surtout, quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour empêcher que de tels drames humains se reproduisent ?

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Orpea est devenu le symbole de la maltraitance de nos personnes âgées, de leur « prix », ignoble expression symbolisant le profit réalisé sur le dos et la santé des résidents en Ehpad. Depuis la parution des Fossoyeurs en janvier 2022, les scandales se sont multipliés, ils ont ému et ont fait couler beaucoup d’encre. Mais si on en croit la Défenseuse des droits, rien n’a changé. Le mois dernier, elle écrivait à ce sujet : « la réponse des pouvoirs publics n’est pas à la hauteur ». De manière polie, elle dénonce en réalité les belles paroles du Gouvernement qui n’ont jamais été suivies d’effets.

Je tiens à souligner la cause première de tous ces dysfonctionnements, l’insupportable élargissement du marché au domaine de la santé et de la dépendance. Si la NUPES était au pouvoir, les Ehpad privés à but lucratif seraient transformés en structures associatives, coopératives ou publiques, sans spéculation et surtout au service de l’humain.

Comptez-vous enfin mettre en place la nécessaire recommandation de la Défenseuse des droits, en premier lieu le respect du ratio minimal de huit soignants pour dix résidents dans les Ehpad ?

J’en viens ensuite à l’entrée de la Caisse des dépôts et consignations au capital d’Orpea. La presse nous a informés des dissensions entre M. Pepy et vous-même, monsieur Guillot. Vous avez apparemment tenté, par l’intermédiaire de la banque Rothschild, de faire entrer des fonds étrangers au capital, à la place de la Caisse des dépôts. Craignez-vous à ce point la diminution des dividendes liée à l’entrée de la Caisse des dépôts ? Si vous êtes autant obsédé par la rentabilité, je crains la réponse à ma première question.

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). La sortie du livre Les Fossoyeurs de M. Castanet a permis de mettre la lumière sur la maltraitance de beaucoup de nos aînés dans vos différents établissements. En mai 2021, la Défenseuse des droits a formulé soixante‑quatre recommandations concernant Orpea. Le nouveau rapport paru le 16 janvier dernier sur le suivi des recommandations est assez sévère vous concernant. Depuis mai 2021, la Défenseuse des droits a été saisie à 281 reprises pour dénoncer des atteintes aux droits. De nombreuses directives n’ont pas été mises en place, comme l’urgence des ratios minimum d’encadrement, avec notamment l’objectif de huit équivalents temps plein) pour dix résidents. Les professionnels ont déclaré préférer quitter leur poste plutôt que de continuer à travailler dans des conditions les rendant eux-mêmes complices de la maltraitance. Je suis convaincue que de bonnes conditions de travail amènent de bonnes conditions de prise en charge de nos seniors.

Qu’en est-il des questions de sous-traitance ? Quels secteurs sont-ils impactés actuellement ? La restauration ? L’entretien ? Qu’avez-vous mis en place pour vous assurer que les conditions de travail des prestataires sont respectées ? Seriez-vous prêt à nous communiquer le nom des entreprises de sous-traitance pour mieux connaître leurs conditions de travail ?

Mme Fanta Berete (RE). Parmi les quatre axes de travail que vous proposez, figure celui de l’enrichissement de l’impact économique et social des entreprises du groupe. Étant membre du groupe d’étude sur l’économie sociale et solidaire (ESS) à l’Assemblée, cet axe m’intéresse particulièrement. Dans un rapport de l’université Gustave Eiffel et de la chaire de l’ESS publié en 2022 et intitulé L’ESS dans la petite enfance et le grand âge à l’heure néolibérale, il est noté que les Ehpad privés lucratifs subissent une gestion marquée par une pression financière caractérisée par une hiérarchisation des indicateurs de qualité, avec un indicateur prégnant qui est le taux d’occupation. Pour rompre avec la pression financière sur les Ehpad, le rapport suggère notamment d’inscrire ces établissements, à partir de leur territoire, sur un modèle de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). La SCIC est une structure juridique qui associe des entreprises classiques, des collectivités territoriales, des instituts de recherche mais aussi des personnes physiques, notamment des citoyens et des bénévoles.

Au regard de vos objectifs et des attentes de la population, il est certainement nécessaire de vous réinterroger afin que les acteurs du grand âge puissent avoir un impact social positif dans la société. Quelles sont vos pistes de travail au regard de ce type de modèle ? J’ai bien entendu par ailleurs votre réponse concernant les entreprises à mission.

Mme Caroline Janvier (RE). J’aimerais vous interroger sur le modèle économique de l’Ehpad commercial. Les débats ont été nombreux au sein de cette commission suite à la publication du livre de M. Castanet, certains allant même jusqu’à évoquer l’hypothèse d’un modèle d’accompagnement de nos aînés sans structure commerciale, reposant uniquement sur des Ehpad publics ou associatifs. Si nous avons préféré renforcer les processus de contrôle et donc diminuer les marges d’autonomie du secteur public et du secteur privé associatif, nous nous posons la question en prenant connaissance de la feuille de route de la Caisse des dépôts et des consignations, qui indique que les actionnaires devront s’habituer à des rémunérations plus faibles et prévoit la cession des actions du fonds de pension canadien, qui a perdu beaucoup d’argent dans cette affaire. J’aimerais être éclairée sur la manière dont il est possible de combiner le respect d’un certain nombre d’exigences éthiques, de principes de bientraitance et de qualité d’accompagnement avec un modèle lucratif.

Mme Laurence Cristol (RE). Un personnel bien traité est un personnel bientraitant. Il faut insister sur la formation et l’accompagnement. Je sais qu’en propos liminaire, vous avez évoqué le dialogue social et les mesures mises en place en termes de recrutement et de formation.

Aujourd’hui, avec l’avancée en âge, le vieillissement de la population et la perte d’autonomie, le modèle des Ehpad est peut-être en train de changer. Auparavant, il s’agissait davantage de lieux de vie, avec des résidents admis à un âge où ils pouvaient se permettre de bénéficier d’un plan de réadaptation, de soutien et d’accompagnement pendant plusieurs années. La situation a beaucoup évolué en l’espace de quelques années et il s’agit désormais davantage de patients que de résidents. Quelles sont vos réflexions sur la façon d’imaginer le devenir de ces personnes plus âgées et en perte d’autonomie au sein de ce modèle d’Ehpad ?

Mme Katiana Levavasseur (RN). Nous aimerions vous faire confiance sur les réponses que vous apportez car vous êtes dans la lumière et devez être irréprochable. Nous souhaiterions savoir qui participe aux conseils de la vie sociale (CVS).

Nous avons par ailleurs constaté que les arrêts maladie se produisaient le matin à froid. Ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de changer le rythme de travail des soignants, c’est-à-dire de l’échelonner sur la journée pour prodiguer les soins ?

M. Laurent Guillot. J’ai bien noté la question des indemnités kilométriques. Nous allons regarder le sujet.

En ce qui concerne l’avenir de l’activité de l’aide à domicile dans le groupe Orpea, la rumeur selon laquelle KKR serait en train de racheter Domidom est complètement infondée. Aucune discussion n’est en cours et je ne souhaite pas en ouvrir. Une vraie question de fond porte sur l’équilibre et le modèle économique du domicile, avec des contraintes extrêmement fortes mais également des sujets de protection de nos patients et de nos résidents et de suivi de la qualité des soins à domicile. Ce dernier sujet est très compliqué, plus qu’en Ehpad, où un collectif, un directeur d’établissement et des équipes soignantes sont présents en permanence et peuvent immédiatement agir en cas de comportement inadéquat. Nous réfléchissons beaucoup à ce sujet, pour trouver le modèle de bientraitance et le modèle économique les plus adaptés faisant que cette activité est intéressante pour nous mais également pour tous les intervenants du secteur.

En ce qui concerne l’augmentation des dividendes par trois, je suis arrivé en juillet dernier. Je ne prends pas beaucoup de responsabilité sur tout ce qui s’est passé avant même si j’assume la responsabilité des conséquences, compte tenu de la dette d’Orpea vis-à-vis de ses personnels, patients et résidents. J’ai expliqué que les marges devaient être redressées car les 17 % sont insuffisants pour payer les loyers et les équipes du siège. Reste qu’au cœur du projet porté avec l’ensemble de l’équipe, figurent principalement le soin et l’accompagnement. Aucun dividende ne sera payé en 2022 ni dans les années à venir, compte tenu de la situation de l’entreprise. Le principal projet à ce stade est de remettre l’entreprise sur les rails.

Je suis favorable à ce que nous définissions des critères d’encadrement entre soignants et résidents, en tenant compte d’une durée d’adaptation pour traiter les sujets de recrutement et de formation.

Il a été fait état de ma supposée préférence pour les fonds d’investissement plutôt que la Caisse des dépôts et consignations. J’ai déjà répondu à cette question mais je vais me répéter. Ma solution privilégiée était celle de la Caisse des dépôts et consignations mais je me devais, en responsabilité, en tant que chef d’entreprise, de prévoir toutes les solutions, y compris celle où la Caisse des dépôts et consignations ne souhaitait ou ne pouvait pas venir. Heureusement, après de longues discussions, le plan A a abouti avec la Caisse des dépôts et consignations et les créanciers et je m’en réjouis tous les jours.

Le rapport de la Défenseuse des droits est très intéressant. Il ne concerne pas Orpea en tant que tel mais tout le secteur et porte des recommandations très importantes. Nous avons d’ailleurs décidé de faire un suivi ligne à ligne de ces soixante‑quatre recommandations, avec le Pr Krolak‑Salmon, pour définir des indicateurs de progression. Je vous confirme que nous allons rester une entreprise à but lucratif, qui fait son travail et prend soin de ses patients, résidents et collaborateurs.

En ce qui concerne la hiérarchisation des critères, ceux dans les bonus et les rémunérations de mes prédécesseurs étaient principalement axés sur des indicateurs financiers et de développement. À mon arrivée, j’ai spécifiquement demandé que le premier critère porte sur la bientraitance et l’accompagnement des personnes dans nos établissements, que ce soient des résidents ou des patients. Celui-ci représente 40 % de ma rémunération variable. 30 % sont fondés sur des critères financiers et 30 % sur des critères généraux de performance décidés par le conseil d’administration. Il en est de même dans les établissements. Le bonus des directeurs d’établissement, historiquement fondé sur des critères financiers, est désormais axé à 80 % sur des critères ayant traité aux soins, à l’accompagnement et à la sécurité dans les établissements. Il s’agit d’un changement fondamental.

Mme Fanta Berete (RE). Comment mesurez-vous ces critères ?

M. Laurent Guillot. Nous possédons des indicateurs de satisfaction et d’EIG. À mon arrivée, j’ai demandé que me soient reportés toutes les semaines chacun des EIG. Ceux-ci étaient historiquement envoyés aux agences régionales de santé dans un délai moyen de quinze jours. Ils le sont désormais dans un délai inférieur à deux jours. Ils me sont remontés et nous les examinons. Dans un premier temps, les EIG augmenteront logiquement, uniquement parce qu’ils sont déclarés. Je suis satisfait de cette augmentation car je sais désormais mieux ce qu’il se passe. Après chaque événement, un programme d’actions est défini et nous vérifions qu’il est bien mis en œuvre.

Mme Fanta Berete (RE). Je m’interrogeais également sur le modèle de la structure juridique. Le fait de pouvoir faire entrer des bénévoles est un moyen de maintenir ces personnes avant qu’elles deviennent patients. Ce type de structure pourrait-il vous intéresser ?

M. Laurent Guillot. Nous n’avons pas prévu d’aller vers ce modèle mais d’être une entreprise à mission et de renforcer les CVS dans les établissements, en incluant beaucoup plus de personnes et en créant un CVS régional, pour pouvoir apporter des conseils et du soutien aux familles, qui n’ont pas forcément l’habitude de s’engager. Un CVS régional semble être un moyen de répondre à cette nécessité, très importante, de mieux s’ancrer sur le territoire et de faire venir de façon plus ouverte les gens dans nos établissements. Les établissements d’Orpea sont traditionnellement fermés. Nous souhaitons les ouvrir à tous.

Je pense avoir répondu à la question sur le modèle économique. Je considère que nous avons besoin d’une certaine diversité dans les modèles pour essayer de voir lequel est le meilleur ou peut avoir un apport spécifique dans le temps. Les Ehpad privés, dans les années 1980‑1990, ont apporté une amélioration très sensible de la qualité de l’hébergement. Je souhaite aujourd’hui faire d’Orpea un modèle pouvant servir à l’ensemble des entreprises. Nous partons de loin, un travail gigantesque reste à faire mais je dispose de temps. L’arrivée de la Caisse des dépôts et consignations est également, de ce point de vue, un gage du temps long et de progrès. En outre, il existe un besoin fondamental de maillage du territoire, ce qui implique des investissements. Les personnes venant dans nos établissements veulent en effet être proches de leur famille et des endroits où elles ont vécu. Je pense que le privé a la capacité de réaliser ces investissements.

Pr Pierre KrolakSalmon. La question de Mme Cristol souligne une évolution sociétale incontestable. Les professeurs Olivier Guérin et Claude Jeandel l’ont très bien soulignée dans leur rapport. Ils montrent la nécessité de médicalisation plus forte des maisons de retraite, alors que les unités de soins de longue durée pourraient être dédiées à des soins plus pointus et spécialisés. Vous faites référence à la continuité d’aide et de soins pouvant être apportée aux aînés à partir du domicile jusqu’à des établissements de plus en plus médicalisés. La moyenne d’âge augmente au sein des établissements ; elle est de près de 90 ans chez Orpea alors que la durée de séjour est de deux ans et demi. La population concernée est en grande majorité très dépendante et présente des polypathologies, qui se combinent et combinent leur impact de sévérité.

Je voudrais que nous réfléchissions à la continuité d’aide que nous pouvons apporter du domicile jusqu’à des structures ambulatoires et à l’hébergement, avec une approche plus progressive. À l’étranger, des hébergements temporaires sont proposés, pour des durées très courtes, permettant aux séniors d’échanger, de rencontrer d’autres personnes, de bénéficier d’assistance de courte durée et de se familiariser à la communauté. De nouveaux supports ambulatoires peuvent être inventés pour adoucir cette transition. Il s’agit d’un vaste chantier, extrêmement pertinent pour proposer des soins et une aide à la carte.

M. Laurent Guillot. Enfin, la participation aux CVS est trop faible. Nous devons travailler sur la manière d’attirer des personnes, notamment celles en dehors de la proximité immédiate des établissements, pour faire vivre ces comités de façon plus intense qu’aujourd’hui.

Quant à la question des arrêts maladie à froid, j’y ai toujours été sensible. Dans beaucoup d’usines, notamment en Asie chez Saint-Gobain, nous faisions en arrivant le matin des exercices pour s’échauffer et éviter les accidents de début de tour d’usine. Les cinq minutes d’échauffement le matin sont une bonne idée. Il n’est toutefois pas possible de décaler certaines missions dans le temps car il faut s’adapter à la vie de nos patients et de nos résidents. Le point fondamental est que nos soignants soient présents au moment où ils sont nécessaires et non que l’organisation du travail dicte la vie de nos patients et de nos résidents. L’organisation du travail doit s’adapter aux besoins réels de la vie des résidents. Certains souhaitent se lever à 8 heures et d’autres à 10 heures. Il faut que notre organisation du travail s’adapte à ces conditions. La discussion dans un établissement autour du planning est toujours un peu difficile.

Je vous remercie pour votre accueil et reste à votre disposition pour la poursuite des échanges.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous avons envie de vous faire confiance. Nous souhaitons votre réussite car nous souhaitons le bien-être de nos aînés.

 

 

 

La séance est levée à douze heures.


Présences en réunion

Présents.  M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, Mme Laurence Cristol, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré‑Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Caroline Janvier, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, M. Didier Martin, M. Serge Muller, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Annie Vidal, M. Alexandre Vincendet

Excusés.  M. Thibault Bazin, M. Jean-Carles Grelier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Olivier Serva, Mme Isabelle Valentin, M. Stéphane Viry

Assistait également à la réunion.  M. Arthur Delaporte