Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 Audition, ouverte à la presse, de Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères   2


Mercredi
07 décembre 2022

Séance de 18 h 30

Compte rendu n° 15

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Jean-Louis Bourlanges,
Président


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président

La séance est ouverte à 18 h 35

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous sommes très heureux de vous recevoir, madame la ministre, car le moins que l’on puisse dire est que la cour est pleine. Vous avez bien des choses à nous dire, bien des inquiétudes à apaiser, bien des réponses à nous apporter.

L’agenda international ne manque pas d’interpeler. Au regard de la situation en Allemagne et en Italie, comment envisagez-vous l’évolution de l’Union européenne ? Que pouvez-vous dire des relations avec les États-Unis à la suite du voyage du président de la République à Washington et à la Nouvelle-Orléans ? S’agissant des Balkans occidentaux, quelle est la position du président de la République qui a assisté hier à Tirana à un sommet à leur sujet ? S’ajoutent à cet agenda déjà très rempli de grands forums internationaux comme le Forum de Paris sur la paix ou la Conférence de Charm el-Cheikh sur le changement climatique, dite COP 27.

Nous sommes également préoccupés par la révolte – ou la révolution, la protestation, la contestation, selon les points de vues – de la population iranienne à l’encontre du gouvernement de Téhéran, mais aussi par le destin des Kurdes de Syrie, que j’ai dernièrement reçus.

Le paysage international est très inquiétant, sans parler de la guerre en Ukraine. Quelles réponses notre diplomatie peut-elle apporter à toutes ces questions ?

Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Je tiens à remercier le président Bourlanges de m’avoir invitée à nouveau à intervenir devant vous et je veux vous redire que vous pouvez compter sur ma disponibilité et sur celle de mon cabinet.

Lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, en septembre dernier, le président de la République soulignait les risques d’une fracturation du monde dans lequel nous évoluons. C’est un fait, l’espace de la confrontation n’a cessé de s’élargir.

On le voit en Ukraine, en proie depuis près de neuf mois à la guerre d’agression voulue par le Kremlin, lequel a franchi un à un tous les seuils juridiques, moraux et politiques. C’est l’élément le plus flagrant du bouleversement du contexte stratégique dans lequel nous évoluons. Ce fut le choix de l’invasion d’un pays voisin, souverain, indépendant. Ce fut l’annexion des territoires du Donbass, en violation flagrante du droit international. Ce sont les exactions dont les forces armées russes se sont rendues coupables, à Boutcha, à Irpin, à Izioum, à Kherson et ailleurs. C’est une stratégie qui vise à faire de l’hiver une arme de guerre pour faire souffrir les civils du froid. Ce sont les bombardements qui ciblent les infrastructures et les populations civiles. Ces agissements, faut-il le rappeler, sont en droit international constitutifs de crimes de guerre. Ceux qui en sont responsables devront en rendre compte.

Cette guerre met en péril la souveraineté de l’Ukraine. Elle met en cause la sécurité, la stabilité et la prospérité de notre continent. Mais sa portée dépasse largement le cadre régional. Cette guerre est l’affaire de tous car il s’y joue la préservation des principes fondamentaux de l’ordre international, ceux de la Charte des Nations Unies : la non-agression, le règlement pacifique des différends, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États. Si nous permettons qu’ils soient bafoués par la Russie aujourd’hui, alors ils ne vaudront nulle part ailleurs.

Or force est de constater que les zones de confrontation s’accroissent ailleurs : dans le Caucase – où les tensions ont repris sur le terrain entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan –, dans le Nord-Est syrien – où la Turquie préparerait une nouvelle incursion terrestre aux conséquences déstabilisantes –, en Irak – pris en tenaille entre frappes turques et frappes iraniennes ciblant, là encore, le Kurdistan –, au Sahel – où la situation empire tant au Burkina Faso qu’au Mali.

Dans cet environnement en voie de conflictualisation, notre diplomatie doit également relever le défi de ce que le président de la République a appelé la compétition des universalismes. Depuis plusieurs années, on observe partout dans le monde les tentatives de recul des marqueurs de la démocratie sous des coups d’assauts concertés et souvent assumés : érosion des espaces de liberté d’expression, d’opinion et d’information ; affaiblissement de l’indépendance de la justice ; attaques contre les sociétés civiles et les défenseurs des droits de l’Homme.

Ces attaques, nous les connaissons également en Europe. Elles visent à légitimer des modèles qui se présentent comme alternatifs alors qu’ils sont tout bonnement autoritaires.

Or, alors que l’on disait les démocraties sur la défensive, voire en recul, je constate que la promesse autoritaire ne fait pas autant recette que voudrait le faire croire la propagande des pays qui la portent. Que l’on songe au Brésil, où Jair Bolsonaro a été défait dans les urnes face à Lula. Que l’on pense à l’Iran, où les femmes défient l’oppression, la censure et la violence du régime en défilant dans les rues au cri de « Femmes, vie, liberté ». Que l’on pense encore à la Chine, dont la stratégie sanitaire, loin de l’efficacité qu’on nous vantait au début de la pandémie, peine à arrêter le virus tout en suscitant de vives protestations. Ou que l’on pense aux tensions profondes qui se sont fait jour au sein de la société russe à la suite de la mobilisation partielle décrétée par Vladimir Poutine, le 20 septembre, pour pallier les lacunes de son armée.

Ces événements, dans tous ces pays, nous montrent que l’aspiration à la liberté est universelle. Face au défi du relativisme et des manipulations, nous avons considérablement musclé nos capacités de lutte contre la désinformation, en créant notamment une sous-direction dédiée à la communication stratégique au sein du porte-parolat du ministère. Elle monte en puissance, avec un mot-clé qui est celui de la réactivité : identifier le plus tôt possible les angles d’attaque de nos adversaires et faire pièce aux fausses informations nous concernant en rétablissant les faits.

Plus largement, ce sont les moyens de notre diplomatie d’influence, qu’ils soient culturels, éducatifs ou scientifiques, qui doivent contribuer, sur le terrain, à la promotion de notre modèle.

Nous devons renforcer nos partenariats avec les pays qui, comme nous, partagent un même attachement au respect de l’ordre international fondé sur le droit et au multilatéralisme. Je pense en particulier à nos partenaires stratégiques en Indopacifique, à commencer par l’Inde, bien sûr.

Dans l’environnement dégradé que je viens de vous présenter, il est plus que jamais nécessaire de mener une diplomatie combative. C’est ce que nous faisons et je veux maintenant évoquer les principales lignes de force de notre action.

Notre premier combat, c’est de faire en sorte que l’Europe reste libre de ses choix et maîtresse de son destin. C’est l’ambition de l’agenda de souveraineté du sommet de Versailles, que nous appliquons.

Nous voulons que l’Europe soit libre de ses choix industriels et énergétiques. C’est pourquoi nous travaillons, d’une part, à nous défaire de notre dépendance au pétrole et au gaz russes, et, d’autre part, à renforcer notre indépendance en accélérant la décarbonation de notre mix énergétique : nucléaire, d’un côté, renouvelable, de l’autre, avec en parallèle davantage de sobriété et d’efficience. La prochaine étape sera la réforme du marché de l’énergie, que nous appelons de nos vœux et dont nous souhaitons qu’elle permette le découplage du prix du gaz et de l’électricité, si possible au printemps 2023.

Nous voulons que l’Europe reste libre de ses choix en matière de défense et de sécurité. Grâce à la boussole stratégique, elle s’est dotée en mars dernier d’une doctrine commune que nous traduisons en actes. Cela passe par le renforcement des capacités européennes. Nous avons, là encore, montré la voie avec notre partenaire allemand, en signant un accord au sujet du système de combat aérien du futur (SCAF) et bientôt, je l’espère, le même type d’accord pour le char du futur.

Nous voulons que les instruments d’achats communs de matériels en cours de négociation permettent de renforcer la compétitivité de notre industrie européenne de défense et assument clairement une part de préférence européenne ; en un mot, que l’argent des contribuables européens investi dans la défense européenne crée des emplois européens. C’est à l’ordre du jour du Conseil européen de la semaine prochaine.

Pour tenir cet agenda, nous avons, bien entendu, besoin d’un couple franco-allemand solide et innovant. En janvier prochain, nous célébrerons les soixante ans du traité de l’Élysée. Je crois que notre dialogue n’a jamais été aussi dense, à tous les niveaux. À la suite de l’entretien qu’ont eu le 26 octobre le président de la République et le chancelier Scholz, nos deux gouvernements sont pleinement mobilisés pour définir un programme de travail concret au service du renforcement de la souveraineté de l’Europe.

Deuxième axe, nous sommes aux côtés de nos partenaires et de nos alliés. Je pense bien sûr à l’Ukraine. Vous connaissez les différents volets de notre soutien : avec nos partenaires du G7 et de l’Union européenne, nous avons établi une politique de sanctions sans précédent, afin d’exercer une pression maximale sur le Kremlin et d’assécher le financement de l’effort de guerre russe. Huit paquets de sanctions ont été adoptés par l’Union européenne, ciblant 1 241 individus et 118 entités dans des secteurs stratégiques tels que l’industrie de défense, l’énergie, les transports ou les secteurs financiers. Elles sont efficaces, contrairement à ce que certains veulent faire croire, et pèsent sur des pans entiers de l’industrie russe, y compris de son industrie d’armement.

Parallèlement, la Russie s’est isolée sur le plan diplomatique. À plusieurs reprises l’Assemblée générale des Nations Unies s’est clairement prononcée sur l’agression russe. Le 13 octobre dernier, à nouveau, elle a condamné à 143 voix contre 5 l’annexion illégale des territoires ukrainiens occupés par la Russie.

Sur le plan militaire, la France, avec ses partenaires et alliés, aide l’Ukraine à exercer son droit à la légitime défense. Elle le fait à titre national, en fournissant aux forces armées ukrainiennes les armements dont elles ont le plus besoin : les dix-huit canons Caesar, les six canons TRF1, les munitions, le carburant ont joué un rôle décisif dans la reprise de Kherson. Face aux bombardements russes, nous adaptons ce soutien en faisant porter notre effort sur le matériel de défense antiaérien pour protéger les infrastructures essentielles de l’Ukraine. Enfin, nous formerons 2 000 soldats ukrainiens d’ici à la fin de l’année dans le cadre de la mission d’assistance de l’Union européenne, comme nous nous y sommes engagés.

Ce soutien, nous l’apportons également à l’échelle européenne, en particulier au titre de la Facilité européenne de paix, qui sert à financer l’achat d’armements grâce à plus de 3 milliards d’euros, à ce stade, pour la seule Ukraine. Nous apporterons ce soutien aussi longtemps que nécessaire.

Nous amplifions également notre soutien économique et humanitaire. Là encore, l’Europe est au rendez-vous, avec plus de 19,7 milliards d’euros d’aide à ce jour, sans compter les 18 ou 19 milliards que coûte aux États membres l’accueil de millions de réfugiés ukrainiens. Et nous espérons qu’un nouveau paquet de soutien financier de 18 milliards d’euros sera adopté d’ici à la fin de l’année.

L’Ukraine a aussi besoin d’un soutien d’urgence, pour aider sa population à passer l’hiver. C’est l’objet de la conférence internationale que le président de la République organise le 13 décembre prochain à Paris. Elle regroupera quarante-six pays et vingt-six organisations internationales et régionales, selon les estimations. Notre objectif est de mobiliser la communauté internationale afin d’apporter un soutien concret et immédiat face à l’urgence de l’hiver, en fournissant à l’Ukraine de quoi maintenir en fonction ses infrastructures essentielles dans les secteurs prioritaires : l’énergie, l’alimentation, l’eau, la santé et les transports. Nous établirons également un mécanisme de coordination de l’aide d’urgence, afin de nous assurer que les capacités des bailleurs puissent s’ajuster, en temps réel, aux besoins exprimés par l’Ukraine et le peuple ukrainien.

Je veux évoquer également l’Arménie. Vous le savez, la France est en première ligne des efforts consentis pour soutenir ce pays et mettre fin aux tensions. L’action du président de la République au sommet de Prague, le 6 octobre, a été décisive pour obtenir le déploiement d’une mission d’observation de l’Union européenne à la frontière entre les deux pays, mais intégralement située sur le territoire arménien. Cette mission est opérationnelle depuis le 20 octobre dernier et, bien que des incidents subsistent, elle a contribué à faire diminuer l’intensité des tensions sur le terrain. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que la présence de l’Union européenne se maintienne au-delà de son terme actuel fixé au 19 décembre, jusqu’à ce que sa présence ne soit plus nécessaire. Nous nous assurerons que cette mission puisse compter sur une présence française en adéquation avec l’importance que nous accordons au règlement du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Mais malgré les tensions, il existe une fenêtre d’opportunité pour régler les problèmes qui n’ont jamais pu trouver de solution depuis la chute de l’Union soviétique. Des réunions se sont tenues entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à Bruxelles et à Washington, respectivement sur la délimitation de la frontière et sur le projet de traité de paix. N’en négligeons pas l’importance. Il nous faut continuer de dialoguer avec l’Arménie et avec l’Azerbaïdjan, afin d’encourager les parties à aller de l’avant et à saisir la chance de la paix. C’est le message que le président de la République a adressé au président Aliev comme au premier ministre Pachinian. Nous sommes pleinement engagés pour le retour de la paix.

Nous agissons à tous les niveaux pour prévenir l’apparition de nouvelles fractures risquant d’entraîner une fragmentation accrue de la communauté internationale. L’heure n’est pas aux logiques de blocs mais à la construction d’alliances autour d’actions concrètes. Nous devons rechercher des coalitions au cas par cas, sur des projets permettant d’œuvrer ensemble à la préservation des biens publics mondiaux – la sécurité alimentaire, le climat –, mais aussi de nos intérêts et de notre sécurité face à ceux qui sont tentés de faire prévaloir la force sur le droit. Nous nous y sommes employés au sommet du G20, en Indonésie, puis à Djerba, lors du sommet de la francophonie, ces enceintes étant particulièrement propices à ce genre d’explications et d’actions.

La France est particulièrement engagée sur le front de l’insécurité alimentaire, qui progresse dans les pays du Sud du seul fait de la guerre russe en Ukraine. Nous avons pris un certain nombre d’initiatives, reprises au niveau européen et à l’international. L’initiative FARM (mission pour la résilience alimentaire et agricole) vise ainsi à stabiliser les marchés agricoles en assurant une meilleure transparence et en luttant contre les spéculations, à soutenir l’Ukraine et les pays les plus vulnérables en leur permettant des achats à prix raisonnables et à rendre la production agricole plus durable.

L’initiative « Opération de sauvetage des récoltes » a été lancée avec nos partenaires de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), afin de répondre aux besoins d’engrais dans les pays vulnérables pour leur permettre d’assurer les récoltes de l’année prochaine. Nous avons mobilisé 7,5 millions d’euros pour que le Programme alimentaire mondial puisse acheminer les engrais. Nous avons facilité le transport d’engrais russes, sur lesquels les dispositifs de sanction ont été levés, depuis les Pays-Bas vers le Malawi, et nous finançons le transport d’une deuxième cargaison de l’Estonie vers le Tchad. En outre, nous soutenons financièrement l’initiative ukrainienne de dons de céréales, Grain from Ukraine, à des pays africains et du Moyen-Orient, les premiers pays concernés étant le Soudan et le Yémen. Enfin, nous soutenons les « corridors de solidarité » ouverts par l’Union européenne sur le continent, qui permettent d’acheminer les céréales par voie terrestre, fluviale ou ferroviaire. À ce jour, ils ont permis de sortir d’Ukraine davantage de céréales que par la mer noire, dans le cadre de la Black Sea Grain Initiative.

La France est également en première ligne s’agissant des efforts internationaux en faveur de l’environnement et de la biodiversité. Elle organisera en mars 2023, avec le Gabon, un sommet sur les forêts. Celui-ci doit permettre de protéger plus efficacement et de mieux valoriser cet inestimable bien commun que sont les forêts tropicales, véritables puits de carbone.

Nous sommes également en pointe de la mobilisation internationale pour le climat. À cet égard, la COP27 de Charm el-Cheikh n’a pas été à la hauteur de nos ambitions. Ainsi, ni l’ambition d’atteindre le pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre avant 2025, ni l’objectif de réduction de l’utilisation des énergies fossiles n’ont été retenus dans l’accord final. Celui-ci réaffirme malgré tout l’essentiel, c’est-à-dire la nécessité de fournir des efforts supplémentaires dès la fin 2022, et encore plus l’année prochaine, afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré.

Plusieurs décisions importantes ont néanmoins été prises lors de cette COP, dont celle de créer des dispositifs dédiés aux dommages sociaux et économiques dus au changement climatique, comme le mécanisme de financement des pertes et préjudices, créé pour répondre aux attentes légitimes des pays les plus vulnérables, qui ne sont pas responsables des émissions qui les atteignent. La France y prendra toute sa part, tout comme elle contribue d’ores et déjà au fonds d’adaptation, auquel elle a décidé d’accroître sa participation de 10 millions d’euros pour 2022-2023. Notre engagement financier global en faveur du climat s’élève ainsi à 6 milliards d’euros par an entre 2021 et 2025. Nous tenons nos engagements, ce qui n’est pas le cas de tous les pays. Les efforts de tous sont indispensables pour relever les défis liés au financement des efforts de la lutte contre le changement climatique. Ce sera l’objet du sommet sur un nouveau pacte financier entre les pays du Nord et du Sud, qui se tiendra à Paris en juin 2023, en coordination avec les institutions financières internationales.

Permettez-moi de revenir brièvement sur la visite d’État du président de la République aux États-Unis, la première sous l’administration Biden. Ce déplacement a illustré la force de la relation franco-américaine. La déclaration conjointe publiée lors de ce déplacement constitue à cet égard une nouvelle feuille de route et une nouvelle étape dans l’approfondissement de notre partenariat, après celle de Rome en octobre 2021. Parmi les nombreux sujets qui ont été abordés avec le président Biden figurent le soutien constant de la France et des États-Unis à l’Ukraine et la lutte contre l’impunité, ainsi qu’un programme de travail bilatéral sur des sujets multiples comme le spatial, le nucléaire civil ou encore la transition climatique.

Autre sujet évoqué, et non des moindres : l’Inflation Reduction Act (IRA), la politique de subventions de l’administration Biden aux entreprises américaines. Elle vise à localiser aux États-Unis des entreprises permettant d’aborder résolument la transition écologique et de retrouver ainsi de la souveraineté dans tous ces domaines. Même si tel n’est pas l’objectif, elle peut pénaliser fortement l’industrie européenne en créant les conditions d’une concurrence inégale entre nos deux économies Le président de la République a obtenu du président américain qu’il reconnaisse la nécessité, pour les États-Unis et l’Union européenne, de resynchroniser leurs approches, afin d’éviter que la mise en œuvre de l’IRA ne pénalise les entreprises européennes. Il faudra en trouver les mécanismes, qui peuvent consister à prévoir des exemptions pour nos entreprises, comparables à celles obtenues par le Canada et le Mexique, ou bien à éviter la course aux subventions. Le travail qui sera mené entre Européens et Américains pour définir ces réglages ne dispense pas l’Union européenne de prendre ses responsabilités en renforçant le soutien à son industrie, avec le même objectif de nous rendre plus souverains et plus indépendants. Nous devons faire plus et surtout plus vite pour pouvoir rester compétitifs.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. En vous écoutant, je trouve que le monde a l’air moins tragique qu’il ne l’est quand je lis les journaux. Je pense que c’est imputable, pour une part importante, à l’action de la France, porteuse de sérénité, et sans doute également à votre hauteur de vue. Nous en venons maintenant aux orateurs des groupes.

M. Alain David (SOC). À la suite de la décision de votre ministère de suspendre l’aide publique au développement (APD) pour le Mali, nous avons reçu un communiqué du réseau Cités Unies France sur ce point. Au titre de la coopération décentralisée, 250 projets sont soutenus par des collectivités territoriales françaises, représentant un engagement d’environ 3 millions d’euros et bénéficiant à plus de 7,5 millions de Maliens. La Commission nationale de la coopération décentralisée devait se réunir le 6 décembre. Avez-vous eu des informations ? Les collectivités sont inquiètes : devront-elles rembourser ? Le flou est total.

En tant que président du groupe d’amitié France-Birmanie, je souhaite également appeler votre attention sur un sujet malheureusement grandement ignoré : la poursuite des persécutions de la société civile birmane par la junte putschiste. Récemment encore, des étudiants ont été condamnés à mort par le tribunal militaire, confirmant, selon le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, le mépris total de la junte pour les efforts de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et de la communauté internationale pour créer les conditions d’un dialogue politique en Birmanie.

Par ailleurs, en tant que rapporteur pour avis et observateur attentif de la qualité de l’engagement des personnels de notre audiovisuel extérieur, je ne peux pas non plus passer sous silence la récente suspension des programmes de Radio France internationale (RFI) au Burkina Faso. Sous l’accusation fallacieuse d’avoir repris des informations terroristes mensongères, le nouveau pouvoir burkinabé a suspendu immédiatement et jusqu’à nouvel ordre la diffusion de ce média. Après des manœuvres identiques au Mali, qui avaient participé à la décrédibilisation de la France et de son action dans le pays, le Burkina Faso est donc le nouveau théâtre de ces attaques tendancieuses contre un média indépendant et de qualité. Quelles initiatives le Gouvernement et notre diplomatie entendent-ils prendre pour rappeler l’attachement de la France à la liberté d’informer ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Nous avons suspendu notre aide au développement au Mali en février, en même temps que nous avons pris la décision de retirer les forces françaises présentes dans ce pays pour l’aider à lutter contre les groupes terroristes armés, les conditions du maintien de cette force n’étant plus réunies. Il est exclu que nos financements d’aide publique au développement servent en quoi que ce soit à soutenir l’action des autorités maliennes, notamment leur alliance avec les mercenaires de Wagner, qui commettent exactions sur exactions, comme cela est dûment documenté dans de nombreux rapports, en particulier ceux de l’ONU.

Par ailleurs, si nous avons décidé de mettre fin à l’APD, ce n’est pas la France qui a décidé de mettre fin à son aide humanitaire. Nous avons publiquement regretté la décision des autorités maliennes d’interdire toutes les activités menées par les organisations non gouvernementales (ONG) qui reçoivent un financement français, que ces ONG soient françaises, maliennes ou internationales. C’est une décision brutale, injuste et que l’on ne peut s’expliquer. Nous sommes en train de regarder quels sont les contours précis de cette position, qui n’est pas la nôtre. Les seules conséquences de cette décision, si elle devait être confirmée et traduite en actes, seront de pénaliser la société civile ; peut-être même – j’en émets l’hypothèse – est-ce l’objectif de la junte malienne ? Pour mémoire, nous avons, depuis 2013, consacré plus de 100 millions d’euros à l’aide humanitaire et à l’aide au développement au Mali, aidant ainsi les populations à accéder à l’eau, à la santé et à l’éducation.

Concernant le Burkina Faso, je ne vous cache pas ma très vive préoccupation. Les accusations portées contre RFI sont évidemment mensongères. Ce n’est pas un média d’État, il suffit de l’écouter pour s’en rendre compte. Nous avons des contacts avec le nouveau chef de l’État du Burkina Faso. Cela fait partie des questions que nous pourrons évoquer avec lui.

En Birmanie, c’est un fait, la dégradation de la situation se poursuit, plus d’un an et demi après le coup d’État. La France condamne régulièrement les détentions arbitraires et les difficultés que rencontre la société civile, et elle appelle régulièrement à la libération de l’ensemble des prisonniers politiques. Elle est au premier rang dans la réponse de l’Union européenne, dont les sanctions ont été renforcées il y a moins d’un mois. Enfin, parmi les lauréates de l’initiative Marianne, qui permet à des défenseurs des droits de l’Homme venant du monde entier de passer plusieurs mois en France, j’ai reçu hier une dame qui venait du Myanmar et qui est mieux placée que moi pour vous décrire les difficultés de la société civile dans son pays.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Depuis plusieurs jours, une vive inquiétude s’exprime dans la population à la suite de l’annonce d’éventuelles coupures d’électricité. Il est fondamental que les écoles ne subissent pas de fermeture et que la gestion des difficultés à venir ne conduise pas nos concitoyens en zone rurale à se sentir laissés pour compte.

Entre 1990 et 2018, la consommation électrique en Europe a augmenté de 27,6 % et devrait encore augmenter drastiquement, alors que l’Union européenne lance des plans ambitieux pour sortir des énergies fossiles et électrifier les transports. L’Europe s’est construite hier autour du charbon et de l’acier ; elle peut le faire demain autour de la transition énergétique. Pour cela, il faut que les règles du marché européen protègent les citoyens contre la précarité énergétique. En septembre, la présidente de la Commission européenne indiquait qu’il était nécessaire de réformer le marché européen de l’électricité, notamment par le découplage du prix de l’électricité de celui du gaz. Pouvez-vous nous détailler la feuille de route de la diplomatie française et de la représentation française de l’Union européenne sur cette question ?

Quelles solutions communes le Gouvernement et l’Union européenne recherchent-ils pour mieux prévenir les crises dans l’approvisionnement en électricité ? Le besoin est réel de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, notamment par l’importation de gaz naturel liquéfié. Plus généralement, du point de vue de la diplomatie économique, quelle est l’action du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et de l’Union européenne pour diversifier nos sources d’énergie ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Anticipant la crise, la France avait pris des mesures cet été et rempli ses stocks de gaz à plus de 95 %. Nous avons diminué, de façon aussi ordonnée que possible, notre consommation de gaz et d’électricité, par exemple en abaissant la température dans les bâtiments. Nous avons également adopté des mesures de protection des ménages et des entreprises pour lutter contre la hausse des prix de l’énergie. Nous sommes sans doute le pays qui y consacre le plus de ressources publiques en Europe.

Il faut évidemment réformer le marché européen de l’électricité, en particulier pour découpler les prix du gaz et de l’électricité. Nous espérons un accord au printemps mais, pour cela, nous attendons les propositions de la Commission européenne, si possible d’ici à la fin de l’année, pour pouvoir consacrer quelques mois à la négociation. Cela améliorerait le mécanisme de fixation des prix.

Enfin, nous devons diversifier nos sources d’approvisionnement, être moins dépendants de nos sources d’énergie, même si la France n’était pas le pays le plus dépendant de la Russie. Dans ce but, nous développons avec nos partenaires européens un dialogue renforcé avec des partenaires producteurs fiables : Norvège ou encore États-Unis, qui nous approvisionnent beaucoup en gaz naturel liquéfié. Il faut aussi procéder à des achats groupés de façon à acheter moins cher ; c’est ce que font les Européens. Un accord sur ce point a été trouvé, non sans difficulté, au Conseil européen sur l’énergie, en octobre.

M. Hubert Julien-Laferrière (ÉCOLO-NUPES). Les pays du Sahel sont les destinataires prioritaires de notre aide publique au développement. La cible de 0,7 % de notre produit intérieur brut pour l’APD, inscrite dans la loi en 2021, est-elle atteignable ?

Qu’en est-il de l’objectif de consacrer 50 % de notre APD aux services essentiels que sont la santé, l’éducation, l’accès à l’eau, l’assainissement, et de celui de doubler la part de la santé dans notre aide publique au développement ? On n’a peut-être pas suffisamment mesuré les effets de la crise du Covid sur les autres grandes pandémies, contre lesquelles nous contribuons à lutter, notamment par le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, créé par les présidents Chirac et Mandela. Ces pandémies ont repris de la vigueur. Nous devons monter en puissance sur ce sujet.

Par ailleurs, le projet EACOP de TotalEnergies déplace des communautés entières en Ouganda et menace la flore et la faune, l’oléoduc prévu devant traverser des réserves naturelles d’éléphants, de lions, de chimpanzés parmi les plus importantes au monde. C’est un projet qui entraîne aussi des arrestations de militants et de membres des communautés affectées critiquant le projet. Alors que notre ambassadeur soutient le projet EACOP, certaines ONG reprochent à la France son silence. La France entend-elle s’exprimer publiquement sur le projet EACOP en Ouganda ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Le taux de 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) pour l’APD qui figure dans la loi d’août 2021 est un objectif. Un niveau précis est néanmoins fixé dans cette loi pour les années 2021 et 2022, en l’occurrence 0,55 % : j’ai le plaisir de vous dire que nous y sommes, ce qui représente un doublement en volume de l’aide publique au développement de la France depuis 2017. Si le taux de 0,55 % demeure dans le projet de loi de finances pour 2023, l’augmentation de la base, c’est-à-dire du revenu national brut (RNB), conduira à une forte augmentation en volume de notre aide en 2023, soit plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires.

Mon ministère a consacré plus de 1 milliard d’euros en 2020 au secteur de la santé – je n’ai pas encore les chiffres pour 2021 et pour 2022 –, la même somme pour le changement climatique et un peu plus pour l’éducation. Nous sommes donc sur une bonne trajectoire.

Pour ce qui concerne le projet EACOP, mené par une société privée, il ne comporte pas de financement public français. Je vous renvoie donc aux liens entre TotalEnergies et le gouvernement ougandais, qui sont les promoteurs de ce projet.

M. Hadrien Ghomi (RE). Merci d’avoir mis en lumière le rôle primordial de la France dans les conflits qui surviennent.

L’Assemblée nationale nourrit un grand intérêt pour les questions internationales. La semaine passée, le groupe Renaissance a présenté trois propositions de résolutions : la première, pour condamner l’attaque de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie ; la deuxième, pour affirmer notre plein soutien au peuple ukrainien ; la troisième, pour manifester notre solidarité avec le peuple iranien. Cette dernière proposition de résolution a été votée à l’unanimité, le 28 novembre, marquant ainsi la volonté du Parlement de soutenir le renforcement des sanctions à l’encontre des hauts dignitaires iraniens décidé au niveau européen, ainsi que la demande très symbolique d’exclusion de la République islamique d’Iran de la commission de la condition de la femme des Nations Unies. Beaucoup d’observateurs estiment qu’un renforcement des sanctions contre les hauts dignitaires iraniens peut être envisagé. Qu’en est-il ?

Enfin, les tensions entre la Turquie et les forces kurdes au Nord de l’Irak et de la Syrie, connaissent un regain avec des déclarations particulièrement véhémentes du président Erdogan. Sachant le rôle important des forces kurdes dans la lutte contre Daech, la situation pourrait-elle favoriser le retour des djihadistes ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Votre proposition de résolution, que j’ai approuvée publiquement, a valu une convocation à notre ambassadeur à Téhéran. Des sanctions européennes ont déjà été prises contre les responsables iraniens en octobre et de nouvelles sanctions sont en discussion. Sans vouloir m’avancer, je pense pouvoir vous dire que, lors du prochain conseil des affaires étrangères, qui aura lieu lundi à Bruxelles, nous devrions sanctionner à nouveau les responsables des programmes de drones iraniens vendus ou donnés à la Russie.

Nous condamnons la répression brutale menée par les autorités iraniennes et soutenons les aspirations à la liberté des Iraniennes et des Iraniens. L’exclusion de l’Iran de la commission de la condition de la femme des Nations Unies sera examinée d’ici à la mi-décembre, sur la base d’un texte d’origine américaine, rédigé en concertation avec de nombreux autres pays. La France votera évidemment en faveur de ce texte.

Des bombardements turcs ont frappé le Nord-Est syrien ; ce n’est pas la première fois que cela se produit. Nous comprenons que la Turquie veuille assurer sa sécurité face au terrorisme – puisque le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est à nos yeux une organisation terroriste –, mais cela ne justifie pas qu’elle déstabilise le Nord-Est syrien. Par ailleurs, nous refusons l’amalgame qui pourrait être fait entre le PKK et les Unités de protection du peuple (YPG), qui luttent à nos côtés contre Daech et qui doivent continuer à le faire.

Comme Sébastien Lecornu, j’ai appelé mon homologue turc il y a quelques jours, pour lui dire qu’il importait de ne pas déstabiliser la région. Je ne vous garantis pas d’avoir été entendue.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Avons-nous des troupes là-bas ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Je ne peux pas répondre à cette question.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Certaines non-réponses sont par elles-mêmes des réponses…

M. Thibaut François (RN). Le 24 février dernier, l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie a plongé l’Europe dans la stupéfaction et déstabilisé une grande partie du vieux continent. Beaucoup de pays frontaliers de l’Ukraine subissent des dommages collatéraux et c’est notamment le cas de la Moldavie. Située entre l’Ukraine, la Transnistrie et la Roumanie, elle compte 2,6 millions d’habitants et affiche un PIB de 13,7 milliards. Avec un indice de développement humain relativement faible – 0,75 point –, elle se classe au quatre-vingt-dixième rang sur cent quatre-vingt neuf. La corruption y est très présente et son ex-président, Igor Dodon, est lui-même soupçonné de trahison et de corruption.

Le 21 novembre, une conférence réunissant quarante-cinq délégations internationales s’est tenue à Paris pour soutenir la Moldavie : une enveloppe de plus de 100 millions d’euros lui a été promise par le président de la République. Cette somme s’ajoute aux 150 millions d’assistance macrofinancière qui lui ont été accordés en avril 2022 par le Conseil de l’Union européenne, à l’aide de 695 millions décidée lors d’une conférence à Berlin, en avril 2022, et aux 250 millions que lui a promis Mme Ursula von der Leyen le 10 novembre. Cela commence à chiffrer !

Madame la ministre, compte tenu de la situation géopolitique de la Moldavie, de sa situation politique et financière et de la corruption qui y règne, quelles conditions ont été mises à ces financements, et selon quels critères ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Voisine de l’Ukraine, la Moldavie est effectivement un pays fragile. Elle l’est d’autant plus que la Russie a entretenu en Transnistrie, depuis plusieurs dizaines d’années, des forces séparatistes qui créent en son sein un conflit gelé. Ce pays subit par ailleurs les conséquences économiques de la guerre menée par la Russie en Ukraine. La Moldavie ne peut plus bénéficier des fournitures d’électricité qui, traditionnellement, lui venaient d’Ukraine. Elle souffre également de la décision russe de réduire, puis d’interrompre, ses livraisons de gaz.

C’est notre responsabilité d’aider la Moldavie à faire face aux conséquences d’une guerre qu’elle n’a ni choisie, ni voulue. Je rappelle que ce pays a désormais le statut de candidat à l’Union européenne et qu’à ce titre il fait l’objet d’un examen précis – avant comme après l’octroi de ce statut – de la part de la Commission européenne, au nom des Vingt-sept. Cela fait partie des avantages de ce statut de candidat, qui a également été attribué à l’Ukraine, un autre pays où la corruption n’a pas encore été complètement éradiquée.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’ajouterai que la présidente de Moldavie, que nous avons reçue au Palais Bourbon avec Mme Braun-Pivet il y a une dizaine de jours, est une vraie héroïne de la lutte contre la corruption. C’est d’ailleurs sur cet engagement qu’elle a été élue : elle a mis en cause des forces de corruption qui étaient profondément liées à la Russie.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Nous nous inquiétons de l’affaiblissement de notre diplomatie, révélé par la situation de notre compatriote Salah Hamouri, détenu par Israël depuis le 7 mars, sans charge ni procès. Malgré quelques déclarations somme toute assez timides, le Gouvernement français et la représentation diplomatique se sont contentés d’un rôle passif, de visite consulaire en visite consulaire, sans obtenir de réelle avancée dans ce dossier, ni mettre fin à un harcèlement qui dure depuis plus de vingt ans.

La diplomatie française ne hausse pas le ton face à Israël parce que, nous a-t-on répondu, ce serait contre-productif : Israël risquerait de se braquer et d’expulser Salah Hamouri, l’empêchant à jamais de revenir à Jérusalem Est, sa terre natale. On ne peut pas dire que votre choix tactique a été le bon, puisqu’Israël a quand même décidé de procéder à cette expulsion. Comble de la honte, notre consul s’est vu refuser l’accès à l’audience de Salah Hamouri, au mépris du droit consulaire. Est-ce votre coopération militaire avec Israël – l’exercice Eastern Breeze s’est achevé hier – qui vous empêche de faire preuve de courage ? Si Israël persiste dans cette voie, délivrerez-vous un laissez-passer consulaire ou défendrez-vous les droits de notre compatriote ? Prendrez-vous enfin des sanctions à l’encontre d’Israël ?

Avez-vous seulement entrepris des démarches pour obtenir le soutien de l’Europe ? La déportation de Salah Hamouri constituerait un crime de guerre, au regard du droit international. Votre courage dépend-il de l’opinion et de l’intérêt des États-Unis ? Face à l’Iran et à la Russie, vous trembliez moins, vous parliez plus clairement. Pourtant, comme la Russie, Israël annexe et colonise des territoires qui ne sont pas les siens. Et, comme l’Iran, Israël bafoue les droits humains élémentaires. Ce « deux poids, deux mesures » est insupportable.

Au Nicaragua, deux de nos compatriotes, deux femmes, sont également retenues en prison, jugées pour complot par un État dictatorial. Là-bas aussi, vous demandez leur libération, mais à voix basse, par crainte de l’expulsion de notre ambassadeur.

Nous sommes la France et nous méritons le respect. Nous n’avons pas à avoir peur de défendre nos compatriotes, où qu’ils soient à travers le monde. Allez-vous enfin apprendre de vos erreurs ? Qu’attend le président de la République pour s’exprimer publiquement sur la situation de Salah Hamouri et faire respecter la position de la France ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Je ne commenterai pas votre emploi des mots de « déportation » et de « crime de guerre », tant ils sont outranciers.

La France est mobilisée depuis le début de cette affaire. Aucun prisonnier français dans le monde – et il y en a beaucoup – ne bénéficie d’une telle attention de la part des autorités françaises. Le président de la République lui-même s’est exprimé sur ce sujet.

Plusieurs visites consulaires ont été organisées. Une audience devait avoir lieu aujourd’hui. Si je suis bien informée, l’expulsion qui avait été fixée à la date du 4 décembre est reportée. À ce stade, M. Hamouri n’a pas été expulsé. Il a bénéficié du droit de visite consulaire et nous poursuivons le dialogue avec les autorités israéliennes. Je crois vous avoir déjà dit que nous le faisons tant à Paris que sur place, avec le plein soutien de nos partenaires européens. Nous souhaitons que M. Hamouri soit libéré, qu’il puisse jouir de l’ensemble de ses droits et mener une vie normale à Jérusalem, qui est sa ville de naissance et de résidence.

En ce qui concerne le Nicaragua, je ne sais d’où vous tenez l’information selon laquelle nous aurions peur que notre ambassadeur soit expulsé. On n’expulse pas si facilement un ambassadeur. Le nôtre vient juste d’arriver et il assume sa mission, y compris en défendant nos ressortissantes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’avais, lors d’une séance de questions d’actualité, interrogé le Gouvernement au sujet des victimes de la répression de M. Daniel Ortega et j’avais reçu des réponses très fermes et précises de votre prédécesseur.

M. Vincent Seitlinger (LR). En tant que député d’une circonscription frontalière, nos rapports avec l’Allemagne me préoccupent particulièrement. La construction européenne est née de l’amitié franco-allemande mais des sujets d’inquiétudes apparaissent avec le report du conseil des ministres franco-allemand, la possibilité que l’Allemagne se dote d’un bouclier antimissiles sans la France et l’Italie et les atermoiements relatifs au système de combat aérien du futur (SCAF). Comment envisagez-vous la relation franco-allemande dans les prochains mois ? N’y a-t-il pas urgence à rétablir notre lien avec notre voisin ?

Par ailleurs, les diplomates ont exprimé leur mal-être en faisant grève le 2 juin. Les états-généraux de la diplomatie qui ont été lancés pour y donner suite doivent être davantage qu’une concertation de façade et amorcer des changements concrets pour vos agents. La semaine dernière, dans votre ministère, M. l’ambassadeur Jérôme Bonnafont a présenté aux députés membres du groupe de travail sur la réforme du corps diplomatique sa méthode de travail et les thématiques retenues, dont l’une concerne les ressources humaines. Nous avons rappelé à M. l’ambassadeur la forte opposition des membres de notre commission à la réforme du corps diplomatique ; il nous a indiqué que, dans le cadre des états-généraux, des modifications pourraient y être apportées. Comment comptez-vous infléchir cette réforme du corps diplomatique, qui n’est souhaitée par personne ?

Enfin, lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, le président de la République avait fait part de son souhait que la France lutte contre la désinformation et contrôle les discours prononcés contre elle. Quand la cellule chargée de cette lutte sera-t-elle activée ?

Mme Catherine Colonna, ministre. J’ai déjà longuement évoqué les relations franco-allemandes dans mon propos liminaire. Le report du conseil des ministres franco-allemand du 26 octobre a été une bonne chose, puisqu’il nous a permis de prendre conscience que nous ne travaillions pas assez ensemble. Depuis, des avancées ont été obtenues, notamment sur le SCAF. Le président de la République et le chancelier se sont vus, comme les premiers ministres et plusieurs ministres. Nous avons pu vérifier que nous voulons construire ensemble une Europe plus souveraine. Je vous donne rendez-vous autour du 22 janvier, pour le prochain conseil des ministres franco-allemand.

Je me dois de rappeler que l’objet des états-généraux de la diplomatie n’est pas de revenir sur une réforme qui était déjà décidée quand j’ai pris mes fonctions. Ils doivent permettre à tous les agents du ministère, quel que soit leur pays d’affectation, leur statut ou leur grade, de s’exprimer sur ce qu’ils pensent devoir être l’outil diplomatique adapté au monde nouveau et compliqué que nous connaissons. L’ambassadeur Jérôme Bonnafont a mis sur pied trois groupes de travail et il se déplacera, avec une partie de son équipe, dans plusieurs pays. Lorsque la phase des consultations se terminera, nous ferons un point d’étape, avant d’entamer la deuxième phase, qui consistera, en janvier et février, à faire des propositions concrètes sur les métiers de la diplomatie et sur la place et le rôle du Quai d’Orsay dans l’État en ce début de XXIe siècle.

S’agissant, enfin, de la lutte contre la désinformation, la sous-direction dont j’avais annoncé la création vient de voir le jour et on constate déjà son efficacité en interne. Pour ne prendre qu’un seul exemple, lors d’une vague de bombardements russes, un certain nombre de médias maliens ont prétendu que notre ambassadeur avait fui : nous avons fait en sorte qu’il se montre pour démentir cette rumeur infondée.

M. Bruno Fuchs (DEM). Depuis le 16 septembre et la mort en détention de Mahsa Amini, des manifestations secouent l’Iran et le régime s’entête dans une répression arbitraire et sanguinaire. Depuis le début du mois de novembre, l’armée russe bombarde l’Ukraine avec des centaines de drones de fabrication iranienne, nous rappelant que l’Iran penche du côté de la Russie, qu’il est donc frontalement opposé à la paix et aux engagements défendus par la France.

En parallèle, la France poursuit ses efforts pour que les négociations reprennent autour de l’accord de Vienne de 2015, qui prévoyait la fin de l’enrichissement de l’uranium iranien en échange de la levée des sanctions économiques occidentales. Dans ce dossier, la France a toujours su adopter une position équilibrée, maintenant à chaque occasion les conditions du dialogue et de la négociation. La répression féroce des autorités iraniennes et la participation du régime des mollahs à la guerre en Ukraine, en appui de la Russie, sont-ils de nature à changer la position de la France vis-à-vis de l’Iran et les objectifs de la négociation sur le nucléaire militaire iranien ?

Par ailleurs, au sein de l’Organisation internationale de la francophonie, la France a toujours laissé ses partenaires en première ligne. Or, au sommet de Djerba, le président de la République a annoncé que le prochain sommet, en 2024, se tiendrait en France. Est-ce le retour de la France dans la francophonie ? Si tel est le cas, il y a urgence à changer de méthode et à adopter une stratégie beaucoup plus offensive. D’abord, il faut que la France défende farouchement sa langue, qui a été abandonnée depuis des dizaines d’années, notamment dans les institutions européennes. À la COP27, au pavillon France, des représentants de la France ont fait leur conférence en anglais : c’est ahurissant ! Comment des Béninois, des Camerounais ou des Cambodgiens peuvent-ils penser qu’il faut développer l’usage du français si la France elle-même abandonne l’usage de sa propre langue ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Il est clair que la fourniture par l’Iran de drones militaires à la Russie constitue une violation de la résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui avait accompagné l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, ou JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action). Cette violation nous a conduits à mobiliser nos partenaires européens et à décider ensemble, le 20 octobre dernier, de sanctions, dont un nouveau train sera envisagé dans le cadre du conseil affaires étrangères du 12 décembre. Il faut néanmoins déconnecter ces livraisons de drones de la négociation du JCPOA. Sur ce dossier, un texte est sur la table, fruit de mois de négociations : il appartient maintenant à l’Iran de nous dire s’il l’accepte, ou non. Les signaux sont plutôt négatifs, puisque l’Iran a commencé à produire de l’uranium enrichi à 60 % sur un deuxième site, ce que nous avons condamné.

Je vous bénis presque de m’avoir interrogée au sujet de la francophonie. Je n’ai pas osé vous dire tout à l’heure que le sommet de Libreville s’intitulera One Forest Summit. Les membres ici présents de mon cabinet savent que je refuse souvent de parler anglais, parce qu’en tant que ministre de l’Europe et des affaires étrangères, je préfère parler français. Il n’est évidemment pas souhaitable que, dans un pavillon français, on s’exprime en anglais, même s’il est naturel que chacun cherche à se faire comprendre.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’ai toujours pensé que l’ignorance de l’anglais était l’arme favorite des Français pour défendre leur langue. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

Mme Amélia Lakrafi. Je suis rentrée hier d’un déplacement à Maurice, petit pays de l’océan indien qui abrite la quatrième communauté française de ma circonscription, forte de 15 000 personnes. J’ai pu mesurer la force du désir de France parmi la population mauricienne. Maurice se trouve dans une région qui n’est pas sous les feux de l’actualité mais qui est éminemment stratégique pour notre pays, puisque Mayotte et La Réunion sont à 40 minutes de vol seulement. Un entretien avec le secrétaire de la Commission de l’océan indien (COI) m’a confirmé l’importance de ce vaste ensemble, où se renforce la présence de l’Inde, qui projette d’y installer une base militaire, mais aussi de la Chine et même de la Russie. Quelle est l’ambition de la France dans cette région, au regard de ses relations avec Maurice ? Envisagez-vous d’y faire un déplacement officiel, sachant que le dernier de ce type a été accompli par le président François Mitterrand ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Cette région est effectivement stratégique. Nous avons présidé la Commission de l’océan indien en 2021 et 2022 au titre de notre présence dans la région avec nos territoires de Mayotte et de La Réunion. Ceux-ci ont toute leur place dans notre stratégie concernant l’Indopacifique.

Nous avons adhéré à l’association des États riverains de l’océan indien il y a deux ans. Nous sensibilisons nos partenaires de l’Union européenne à ces questions, parce que nous serons d’autant plus forts que nous ne serons pas seuls à assurer la liberté de circulation maritime dans cette zone, ainsi que d’autres libertés que nous souhaitons voir progresser. Je vous remercie de votre suggestion au sujet de Maurice car nous souhaitons précisément renforcer la coopération entre ce territoire et La Réunion.

M. Lionel Vuibert. Dans ma circonscription, de nombreuses entreprises, telles que La Fonte ardennaise, connaissent des difficultés de recrutement. Certaines d’entre elles envisagent de faire appel à de la main-d’œuvre étrangère à l’Union européenne. Pouvez-vous préciser la nature des accords internationaux que vous avez évoqués hier, lors de la déclaration du Gouvernement sur la politique d’immigration, ainsi que les pays concernés par ces accords qui permettraient de soulager les métiers en tension ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Malheureusement, pas encore. J’ai rappelé hier la nécessité d’attirer les talents dans notre pays mais aussi de pourvoir les dizaines de milliers d’emplois vacants afin de répondre aux besoins des entreprises dans les secteurs et les métiers en tension.

Le ministère de l’intérieur a indiqué que la copie du Gouvernement n’avait pas encore été transmise au Conseil d’État, les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat devant l’aider à affiner son projet de loi. C’est la raison pour laquelle je ne peux vous apporter pour l’heure de réponse précise.

M. Philippe Guillemard. Le voyage du président de la République aux États-Unis a confirmé la force des liens qui unissent nos deux nations. Il est aussi porteur d’espoir dans de nombreux domaines. Le conflit en Ukraine, sur lequel les deux présidents sont alignés, était au cœur des discussions.

Quelles coopérations entre nos deux pays pouvons-nous attendre, en particulier dans le domaine du climat et de la biodiversité ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Les présidents ont adopté une déclaration conjointe qui précise les domaines de coopération pour l’avenir, en particulier l’énergie – nous avons besoin du gaz naturel liquéfié produit aux États-Unis – et l’espace. Dans ce domaine, notre coopération, déjà sans égale, pourrait se renforcer au bénéfice de certains de nos astronautes.

Dans la lutte contre le réchauffement climatique, nous avons beaucoup à faire, car les États-Unis ont pris du retard dans leur transition énergétique. Nous devons les convaincre de faire davantage, et ce sans que leurs progrès se fassent au détriment de la souveraineté européenne. Ce n’est pas leur intérêt car cela ne manquerait pas d’entraîner un affaiblissement de l’Europe, donc un risque de découplage.

Mme Liliana Tanguy. Depuis un an, la route des Balkans est de nouveau la plus empruntée par les migrants. L’agence Frontex a ainsi recensé près de 130 000 tentatives de franchissement irrégulier des frontières extérieures de l’Union européenne à partir des Balkans depuis le début de l’année. La Commission européenne a présenté un plan d’action destiné à mieux contrôler les flux migratoires dans la région.

Les engagements pris lors du sommet entre l’Union européenne et les Balkans occidentaux qui s’est tenu hier à Tirana sont-ils de nature à résoudre la crise migratoire et à inciter la Serbie à mettre fin à l’exemption de visas qu’elle pratique ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Selon les informations dont je dispose, la question migratoire n’a pas été au cœur des discussions. Le sommet a porté principalement sur l’aide à la stabilité que les Vingt-sept veulent apporter aux Balkans dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la déstabilisation possible des pays de cette région, qui sont l’objet d’une grande attention de la part de pays non européens.

Les discussions, principalement consacrées à la résilience aux conséquences économiques, notamment énergétiques de la guerre en Ukraine, ont permis d’octroyer aux pays des Balkans une aide financière et de leur donner accès au mécanisme d’achats en commun, mais aussi de signer un accord visant à réduire les frais d’itinérance.

Face au regain de la route des Balkans dans les flux migratoires, nous devons, d’une part, renforcer Frontex, et, d’autre part, dialoguer avec les pays concernés. Il a été rappelé hier qu’il leur appartient de choisir leur avenir. La voie de l’Union européenne leur est ouverte depuis plus de vingt ans ; à eux de faire le nécessaire pour se montrer aptes à la rejoindre.

Mme Caroline Yadan. Les propos de Mme Soudais tout à l’heure, en particulier l’emploi du terme « déportation », sont tout à fait indécents et trouvent, selon toute vraisemblance, leur origine dans la détestation par la gauche extrême de l’État juif, qui s’apparente à une obsession et attise les haines.

Salah Hamouri est un membre actif du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), impliqué dans de nombreuses actions terroristes de nature militaire, mais également dans la collecte de fonds et l’enrôlement de recrues. Le FLPLP est l’auteur de nombreux attentats suicides, d’assassinats de civils, notamment les cinq membres de la famille Fogel, dont un bébé de trois mois, égorgés dans leur sommeil en mars 2011. Il est reconnu comme organisation terroriste par l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et Israël.

Après avoir plaidé coupable, Salah Hamouri a été condamné le 17 avril 2008 à sept ans d’emprisonnement pour la planification de l’attentat contre le grand rabbin d’Israël. Ayant poursuivi ses activités auprès du FPLP, il a ensuite fait l’objet d’un arrêté d’expulsion.

Pouvez-vous confirmer que vos échanges avec l’État d’Israël prennent en considération l’ensemble de ces éléments ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Je vous le confirme, madame la députée. Nous prenons aussi en considération le fait que M. Hamouri a purgé sa peine, ce qui, dans un État de droit, signifie qu’il a payé sa dette vis-à-vis de la société.

M. Nicolas Metzdorf. Les territoires français du Pacifique sont les derniers territoires européens. Or la délégation de l’Union européenne et son administration sont installées à Suva, capitale des îles Fidji. Je souhaite donc que la France demande son transfert à Nouméa, sur un territoire européen.

Mme Catherine Colonna, ministre. Je ne crois pas pouvoir influer sur le choix fait par les Vingt-sept des îles Fidji pour y installer une ambassade. Au demeurant, certaines réunions européennes se tiennent en Nouvelle-Calédonie, la dernière en date ayant eu lieu la semaine dernière et nous y étions représentés.

Mme Laurence Vichnievsky. Les institutions juridictionnelles étaient jusqu’à présent préservées de l’emprise de la langue anglaise puisque le français était la langue de délibération. Or la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que la Cour européenne des droits de l’Homme délaissent désormais le français au profit de l’anglais. En outre, en 2020, pour le parquet européen, le choix a été fait de l’anglais comme langue de travail unique. Comment de telles décisions sont prises ? Quels sont les recours éventuels dont nous disposons pour faire appliquer les traités ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Le maintien de la francophonie dans l’Union européenne et plus largement dans l’espace européen est un enjeu majeur, non seulement pour le devenir de la langue mais aussi pour la place du droit romain par rapport au droit anglo-saxon. Se déroule en ce moment même au Quai d’Orsay, en présence du garde des sceaux, un colloque sur ce thème.

Un programme auquel nous consacrons 1 million d’euros permet de financer des stages dans plusieurs juridictions situées en Europe. Les cours de justice prenant leurs décisions en toute indépendance, y compris en ce qui concerne leur langue de travail, nous devons miser sur la conviction et la formation.

M. Frédéric Petit. Les sanctions qui ont été imposées au Belarus avant le déclenchement de la guerre en Ukraine sont actualisées à reculons. Or les zones grises favorisent toujours les agresseurs.

Que faisons-nous pour que les sanctions contre le Belarus, qui peut être considéré comme cobelligérant voire territoire occupé par l’armée russe, soient coordonnées avec celles que nous prenons contre la Russie ? En nous abstenant de le faire, nous offrons nous-mêmes une échappatoire.

Mme Catherine Colonna, ministre. Il n’y a pas de recul dans l’application des sanctions imposées à la Biélorussie. Il est possible qu’elles méritent d’être actualisées en prenant en considération les comportements des autorités biélorusses. Nous sommes préoccupés par l’implication croissante de la Biélorussie dans la guerre menée en Ukraine par la Russie mais les situations des deux pays sont toutefois différentes. Le renforcement des sanctions n’est pas l’hypothèse principale sur laquelle nous travaillons ; néanmoins, nous jugerons sur les actes.

Par ailleurs, nous luttons contre le contournement des sanctions et nous travaillons à de nouvelles mesures dans ce domaine.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie pour l’excellence de vos analyses et pour votre disponibilité constante, madame la ministre.

 

La séance est levée à 20 h 20

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Pierre-Henri Dumont, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, M. Philippe Guillemard, M. Joris Hébrard, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Élise Leboucher, M. Nicolas Metzdorf, M. Frédéric Petit, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert, M. Éric Woerth, Mme Caroline Yadan, M. Frédéric Zgainski

 

Excusés. - M. Moetai Brotherson, Mme Eléonore Caroit, M. Olivier Faure, M. Meyer Habib, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, M. Laurent Marcangeli, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Christopher Weissberg, Mme Estelle Youssouffa

 

Assistait également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux