Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (n° 1076) (M. Philippe Brun et M. Sébastien Jumel, rapporteurs) 2
– Examen du rapport de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise (M. Louis Margueritte et Mme Eva Sas, rapporteurs) 25
– Information relative à la commission................29
– présences en réunion...........................30
Mercredi
12 avril 2023
Séance de 8 heures 30
Compte rendu n° 59
session ordinaire de 2022-2023
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (n° 1076) (M. Philippe Brun et M. Sébastien Jumel, rapporteurs).
M. le président Éric Coquerel. Nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement. Nous avions, à l’origine, nommé M. Philippe Brun rapporteur de ce texte ; nous lui avons adjoint la semaine dernière un second rapporteur en la personne de M. Sébastien Jumel.
En ce qui concerne les amendements déposés sur ce texte, j’ai été conduit à en déclarer six irrecevables pour méconnaissance de la règle dite de l’entonnoir, qui interdit d’adopter en deuxième lecture des dispositions sans lien direct avec celles qui restent en discussion. Il s’agit, non pas uniquement d’amendements portant article additionnel, mais aussi d’amendements que l’on peut qualifier de « faux à l’article » : au lieu d’adapter ou de modifier le dispositif en discussion, ils visent à lui en substituer un d’une tout autre nature.
S’agissant des questions de recevabilité financière, sans vouloir raviver les braises du débat qui nous avait animés en séance publique au sujet de l’amendement devenu l’article 3 bis, qui visait à étendre les tarifs réglementés de vente d’électricité à des entreprises et à des collectivités, j’ai relevé avec intérêt ce qu’indiquait le sénateur Gérard Longuet dans son rapport. D’une part, « les analyses juridiques convergent pour considérer que sauf à adopter une interprétation très extensive de l’article 181 de la loi de finances pour 2023, le dispositif de bouclier tarifaire qu’il prévoit pour 2023 ne pourrait pas s’appliquer à l’extension des TRVE proposée par l’article 3 bis. C’est d’ailleurs ce qui a permis d’assurer sa recevabilité financière au regard des exigences de l’article 40 de la Constitution ». D’autre part, « conformément à la position des services du ministère de la transition écologique et de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), étendre le périmètre des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) comme il est prévu à l’article 3 bis n’induit pas l’extension du dispositif dit de bouclier tarifaire et, par conséquent, ne se traduirait pas par le versement de compensations budgétaires de l’État aux fournisseurs d’électricité ». Il rejoignait ainsi l’analyse de mon homologue au Sénat. Vous comprendrez, compte tenu de ces éléments et de ceux que j’avais exposés en première lecture, que l’amendement CF28 des rapporteurs ait été jugé recevable.
M. Sébastien Jumel, rapporteur. Dans le cadre de son ordre du jour réservé, le groupe GDR-NUPES a fait le choix de reprendre une proposition de loi transpartisane que Philippe Brun avait défendue à l’occasion de la niche du groupe Socialistes et apparentés, qui avait fait l’objet d’un large consensus en première lecture, à l’image de celui qu’avaient su construire nos prédécesseurs à la Libération, quand ils avaient considéré l’énergie comme un bien commun qu’il convenait de préserver, et qu’ils avaient conçu EDF, fleuron national chargé de concrétiser cette intention, comme un outil public.
Marcel Paul disait, en 1945 : « L’électricité, c’est l’armée de la reprise économique. […] Il ne s’agit pas seulement, d’ailleurs, d’un problème économique, pourtant combien crucial, mais au fond […] de l’indépendance de la France. » Il ajoutait qu’il fallait gagner la bataille de l’électricité parce qu’elle était essentielle, parce que l’électricité n’est pas un bien comme les autres, mais un bien commun, une exception.
La crise énergétique a démontré combien, en la matière, les lois successives avaient abîmé la maîtrise publique, la capacité de l’État stratège à incarner une politique énergétique au service de nos concitoyens. L’explosion des prix en est une illustration. Le risque d’un renoncement à la souveraineté en est une autre : cet hiver, nous étions quasiment en rupture d’approvisionnement.
La commission d’enquête présidée par Raphaël Schellenberger a permis de pointer, de manière précise et consensuelle, les responsabilités politiques qui sont à l’origine de cette situation et de mesurer à quel point l’effacement de l’État dans la conduite des politiques énergétiques avait affaibli notre souveraineté énergétique et industrielle. À ces années d’errements stratégiques au sommet de l’État s’est ajoutée une politique européenne allant dans le même sens : les quatre paquets législatifs européens transposés en France ont constitué autant de lois qui ont fait mal à EDF.
La loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome), pour ne citer que celle-ci, a consacré l’organisation du marché, avec l’introduction du mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), dispositif technocratique s’il en est, dont tout le monde reconnaît qu’il a contribué à « siphonner » financièrement EDF. Ce mécanisme s’est révélé incapable de préserver notre économie et la compétitivité de nos industries, comme en témoigne le nombre très important d’entreprises mises à mal par l’explosion des coûts de l’énergie. L’Arenh a contribué à dégrader la qualité de la fourniture d’électricité, la sécurité d’approvisionnement, les prix, la continuité du service et a participé à la massification de mauvaises pratiques comme le démarchage commercial agressif de la part de fournisseurs alternatifs.
La proposition de loi n’a pas pour ambition de résoudre tous les problèmes. Elle est raisonnable et pragmatique. Elle vise à répondre à l’urgence. La question des tarifs, notamment, y est abordée de manière mesurée et prudente. Ce texte n’en est pas moins nécessaire pour plusieurs raisons.
D’abord, le contexte géopolitique rappelle que la capacité d’un État à sécuriser son approvisionnement est un élément stratégique et un facteur de souveraineté.
Ensuite, la situation financière d’EDF est très difficile et justifie l’intervention de l’État au secours de son énergéticien national.
Enfin, le rôle du Parlement dans la définition de la politique publique énergétique doit être réaffirmé, afin de corriger les erreurs du passé.
La proposition de loi ne traite pas du statut de l’entreprise, même si, pour le groupe GDR-NUPES, le choix qui a été fait de transformer l’établissement public industriel et commercial (EPIC) en société anonyme mérite d’être interrogé.
Tout le monde s’en souvient, nous avons mené une bataille transpartisane, d’Olivier Marleix à Sébastien Jumel, en passant par les insoumis, les socialistes et les écologistes, contre le projet Hercule, qui visait à saucissonner le groupe EDF et à permettre la vente à l’encan de certaines de ses composantes. La proposition de loi vise, d’une certaine manière, à nous prémunir contre tout nouveau projet Hercule 2.0 ou autre. Je le dis d’autant plus facilement que le nouveau président-directeur général d’EDF et le ministre de l’économie eux-mêmes considèrent que, pour se doter d’un mix énergétique équilibré et intelligent, il faut une entreprise intégrée et que le projet Hercule est donc malvenu et inopérant – bref, caduc. Nous proposons d’inscrire ce constat dans la loi en rendant impossible de céder tout ou partie des missions accomplies par EDF sans l’accord du Parlement.
L’incessibilité des actions est un autre élément majeur du texte. L’État a pris la décision de récupérer 100 % du capital d’EDF – le processus est en cours d’achèvement. Pourquoi, dès lors, voulons-nous l’inscrire dans la loi ? Pour que toute décision tendant à modifier cet état de fait nécessite une approbation du Parlement. Nous entendons graver dans la loi une disposition qui nous semble aller dans le bon sens, à savoir la reprise en main par la puissance publique du capital de cette entreprise stratégique fournissant ce bien commun que représente l’énergie.
Nous aurons l’occasion de débattre de l’endroit où il convient de placer le curseur en ce qui concerne l’accès aux tarifs réglementés de vente. Nous souhaitons l’élargir aux plus fragilisés : les artisans, les PME et les collectivités locales – la taille des collectivités n’a pas encore été arrêtée ; des amendements viseront à affiner le dispositif. Il faut amortir l’onde de choc que constitue l’augmentation du prix de l’énergie pour ces acteurs de l’économie réelle.
Avec Philippe Brun, nous nous sommes fixé comme objectif de parvenir à un consensus, pour faire en sorte que le texte trouve une traduction dans les faits. Cela suppose aussi de trouver un accord avec le Sénat, qui devra examiner à son tour le texte en deuxième lecture.
M. Philippe Brun, rapporteur. Je remercie le groupe GDR-NUPES d’avoir inscrit cette proposition de loi au programme de son ordre du jour réservé.
Sébastien Jumel a rappelé le caractère transpartisan du texte. Un rapporteur socialiste en première lecture à l’Assemblée, un rapporteur Les Républicains au Sénat, un rapporteur communiste en deuxième lecture : c’est la preuve que nous sommes capables de défendre l’intérêt national lorsque celui-ci est menacé, de même que le service public de l’énergie.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture comprenait des dispositifs essentiels pour répondre à l’objectif fixé par son intitulé – à savoir « protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement », lequel résultait d’ailleurs d’un amendement de M. Schellenberger et Mme Louwagie. Le texte qui nous revient du Sénat, en dépit de ses nombreux apports, n’est plus tout à fait conforme à cet objectif, malheureusement. Nous proposons donc de le faire évoluer pour atteindre un équilibre.
D’abord, nous souhaitons rétablir l’article 1er, qui transfère la propriété d’EDF à la puissance publique – autrement dit, qui acte la nationalisation d’EDF.
Ensuite, nous entendons réécrire l’article 2 pour y faire figurer les missions assumées par le groupe EDF. Cet article n’entravera pas la vie normale de l’entreprise, à savoir les cessions et acquisitions dans ses filiales, mais garantira que les activités essentielles du service public de l’énergie continueront d’être assurées par notre opérateur national.
Enfin, nous vous proposerons de revenir sur l’article 3 bis, qui avait défrayé la chronique lors des débats en première lecture et dont le périmètre a été réduit au Sénat. Nous vous proposons de trouver un juste milieu en incluant dans les bénéficiaires des TRVE non seulement les TPE, mais aussi les PME et, avec elles, toutes les petites collectivités, qui souffrent de manière dramatique de la hausse des coûts de l’énergie.
Cette proposition de loi est courte mais elle est attendue. L’Assemblée nationale a à nouveau l’occasion de marquer son opposition à la méthode retenue par le Gouvernement et son attachement transpartisan à un service public de l’électricité fort, géré dans le respect de l’intérêt général.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le Sénat a adopté cette proposition de loi la semaine dernière. Force est de constater qu’il a modifié totalement le texte adopté par l’Assemblée nationale. Je l’en remercie, tant la proposition de loi, telle qu’elle était sortie de notre assemblée, était mal construite et mal pensée.
Les propos de Gérard Longuet sont particulièrement sévères à l’égard du texte de notre assemblée. Il le qualifie dans son rapport de « mythe, celui d’un retour vers un passé qui, pour être souhaitable, n’en est pas moins illusoire », ignorant des réalités et des enjeux. Le professeur Coleman, dans une tribune publiée dans Le Monde il y a quelques jours, écrivait quant à lui : « cette proposition de loi s’apparente à un coup d’épée dans l’eau ». L’un et l’autre disent ce que nous avons essayé de vous faire comprendre lors de l’élaboration du texte.
Nous sommes tous d’accord pour aider EDF dans son combat stratégique consistant à reconstruire notre proposition énergétique. La preuve en est que, dès le mois de juillet, la Première ministre a annoncé la reprise à 100 % du capital d’EDF – c’est la raison pour laquelle l’intitulé initial de la proposition de loi n’avait pas de sens. Pire encore que s’il s’agissait d’un texte avant tout symbolique, inutile et passant à côté des vrais enjeux, Gérard Longuet considère que « les dispositions de la proposition adoptée par l’Assemblée nationale pourraient être exploitées par les adversaires de la France au Conseil [européen] et conduire à affaiblir nos positions ». Elles mettraient en danger, notamment, « la relance de la filière nucléaire nationale ». Non seulement ce texte ne sert pas à grand-chose, mais il est dangereux.
S’agissant de la partie relative à la détention du capital, je ne reviens pas sur le fait que le processus d’acquisition par l’État de la totalité du capital arrive à son terme. Les articles 1er et 2 du texte adopté par l’Assemblée nationale étaient, comme nous le disions, au mieux inutiles et sans nul doute source d’insécurité juridique et de confusion. Le Sénat a validé cette analyse et s’est borné à prévoir dans la loi que le niveau de détention du capital d’EDF par l’État ne pourrait être inférieur à 100 %. Il s’agirait donc de valider a posteriori le choix stratégique du Gouvernement portant sur le capital d’EDF. Je ne suis pas certain que ce dispositif soit indispensable. En tout état de cause, il conviendrait, à tout le moins, d’éviter de revenir à la position initiale de l’Assemblée nationale.
S’agissant des TRVE, dont je continue de penser qu’ils n’ont pas de rapport – même indirect – avec l’objet de la proposition de loi, et qu’ils contreviennent aux articles 40 et 45 de la Constitution, le Sénat a choisi de les étendre à toutes les TPE, annulant ainsi en grande partie la mesure votée à l’Assemblée nationale, en raison de son incompatibilité avec le droit communautaire – obstacle juridique que nous avions dénoncé dès le départ. Quant au coût de la mesure pour l’État, vous aviez dit ici même en première lecture qu’il serait important, monsieur Brun, mais nous attendons toujours des éléments plus précis.
Par ailleurs, le rapporteur Gérard Longuet lui-même relativise fortement l’intérêt de la disposition adoptée par le Sénat : « Il ressort de […] l’opérationnalité matérielle de la création de nouveaux TRVE, qu’à très court terme, un soutien opérationnel concret aux TPE et aux PME ne peut passer que par une accélération de la mise en œuvre et/ou un renforcement des dispositifs d’amortisseur et de “sur-amortisseur” ». Je vois dans cette analyse la reconnaissance de l’utilité des dispositifs que nous avons créés. Certes, ils sont imparfaits, mais ils peuvent être mobilisés sans délai en faveur des PME et des TPE. J’y vois aussi l’aveu que le souhait d’étendre les TRVE relève avant tout de l’affichage et ne règle en rien les problèmes concrets des TPE, a fortiori quand on prétend que cette extension ne coûterait rien.
Pour ma part, je continue de penser que le mécanisme défendu par certains de nos collègues à l’Assemblée nationale était extrêmement coûteux, ce qu’ils n’ont d’ailleurs pas dissimulé. Il a même fallu, en séance, que la majorité de circonstance s’accorde pour préciser dans le texte que l’extension des TRVE, par dérogation au dispositif du bouclier tarifaire, ne serait pas compensée par l’État pour les fournisseurs, pour tenter de pallier l’irrecevabilité manifeste du dispositif initial au titre de l’article 40 de la Constitution.
Au total, il s’agit soit d’un dispositif coûteux, car s’apparentant à une extension du bouclier tarifaire, et dans ce cas il est irrecevable, soit d’une extension des seuls TRVE à toutes les TPE, mais alors le mécanisme ne les protège en rien, ni dans l’immédiat ni à moyen terme : les TRVE sont construits sur la base des prix de marché. Dans ces conditions, nous proposerons de supprimer cette mesure et, si elle était maintenue, je demanderais de rétablir le gage visant à compenser la charge supplémentaire, afin de signifier l’impact d’une telle mesure sur nos finances publiques.
Face à la montée des prix de l’électricité, nous avons déjà pris plusieurs mesures destinées à aider les entreprises. L’enjeu est important, mais il est sans rapport avec l’objet initial de la proposition de loi, à savoir la nationalisation d’EDF. Qui plus est, le dispositif que vous proposez ne serait pas opérationnel rapidement. Il ne réglerait donc en aucune manière les problèmes des entreprises, auxquels il est urgent de répondre. Nous étudierons l’impact réel sur les PME et les TPE des dispositifs existants et, si cela s’avère nécessaire, nous les renforcerons, mais le mécanisme proposé dans ce texte est un contournement. Il supposerait la modification et la renégociation de dizaines de milliers, voire de centaines de milliers de contrats entre les entreprises et leur fournisseur d’électricité. Il n’est donc pas opérationnel.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Cette proposition de loi nous revient dans une version plus conforme à la réalité et aux faits.
En ce qui concerne le capital d’EDF, la réalité des chiffres est celle que vous avez rappelée, monsieur le rapporteur général : l’opération de rachat d’actions en vue du retrait de la cote est en passe de réussir. Les chiffres sont impressionnants : la montée au capital atteignait 95,82 % et les droits de vote 96,53 % à la date du 8 février.
Une autre réalité est celle des dates. En l’occurrence, comme l’a noté le Sénat, la cour d’appel de Paris a annoncé qu’elle rendrait sa décision entre le 8 février et le 3 mai. Autrement dit, le débat est en passe d’être tranché sur le plan procédural. Sur ce point, le Sénat a fait œuvre de sagesse.
S’agissant du démantèlement éventuel d’EDF, qui a de nouveau été évoqué, l’intention du Président de la République, affirmée dans le discours de Belfort puis réaffirmée dans celui de Saint-Nazaire, est bien de consolider l’électricien national. C’est notre intention à tous et le Gouvernement a pris des mesures dans ce sens.
Quant à la réalité politique, dans cette commission comme lors du débat qui a eu lieu dans l’hémicycle, elle est caractérisée par le fait qu’une partie de ceux qui ont voté en faveur du texte prônent le démantèlement du nucléaire, quand l’autre partie souhaite celui des énergies renouvelables et le tout-nucléaire. Cette réalité ne saurait déboucher sur un résultat équilibré, alors que celui auquel est parvenu le Sénat l’est relativement.
Le Sénat a également trouvé une solution de sagesse en ce qui concerne l’incessibilité.
S’agissant des tarifs réglementés de vente, nous devrons revenir sur le rattachement au texte de la mesure et insister sur son manque de pertinence.
M. Alexandre Sabatou (RN). Il ne se passe plus un jour sans que j’aie des doutes à propos de la composition politique du Sénat. Chers collègues Les Républicains, comme beaucoup de Français, je ne comprends pas : que s’est-il passé au Sénat, où vous êtes majoritaires ? Quelle errance a conduit les sénateurs LR à renier votre vote ? En séance, nous étions côte à côte pour défendre cette proposition de loi. Vous l’avez votée de l’article 1er à l’article 4. Le Sénat, lui, a décidé de tout supprimer : il n’en reste plus rien. Un seul article sort rescapé de la navette parlementaire : le fameux article 3 bis, étendant le bouclier tarifaire aux petites entreprises – mais il est probable que nous le devions davantage au calendrier électoral qu’aux sénateurs eux-mêmes.
Chers collègues LR, il serait temps de clarifier vos positions quant à l’avenir d’EDF, alors que vos amis du Sénat se sont égarés. Le Sénat nous a renvoyé un texte vidé de son essence et qui ne servirait à rien s’il était définitivement adopté en l’état.
La France a besoin d’un groupe EDF fort. Il doit redevenir le fleuron qu’il était dans un passé pas si éloigné, un modèle d’efficacité et d’innovation. Il est donc nécessaire de sanctuariser EDF pour garantir notre souveraineté énergétique tout en maîtrisant les coûts, pour les citoyens et les entreprises.
Nous doutons que le projet Hercule soit réellement mort et enterré, comme le clame le Gouvernement. La proposition de loi empêchera, notamment, qu’il revienne par la fenêtre.
Il y a eu, à l’Assemblée nationale, une alliance de circonstance, comme aiment à le rappeler les macronistes. Au Rassemblement national, nous avons toujours voté les propositions de loi relevant du bon sens et œuvrant en faveur du bien commun, et nous n’avons pas besoin de recevoir un coup de téléphone pour le faire.
Cette proposition de loi est nécessaire pour redonner à la France sa souveraineté énergétique, contrer l’inflation galopante par des prix de l’énergie maîtrisés, mais surtout pour garantir aux entreprises, aux industries, aux TPE et aux PME des tarifs compétitifs. C’est pourquoi le groupe Rassemblement national défendra le retour au texte transpartisan adopté en première lecture dans notre hémicycle.
Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Nos débats ont été très généraux. Pour ma part, je souhaiterais parler de ce que vivent concrètement nos concitoyens.
Depuis la discussion en première lecture, plusieurs centaines de boulangeries ont fermé. Dans ma conscription, des villes de 10 000 habitants vont ainsi se retrouver sans commerce.
Je vous parlerai de Yassine et de sa femme, qui travaillent quatre-vingts heures par semaine, se paient un Smic à deux et vont arrêter leur activité ; de Sophie, qui ne se paie plus depuis un an au moins ; de la boulangerie de la gare de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, qui a vu ses factures passer de 5 000 à 20 000 euros. Il n’est pas vrai que ces entreprises peuvent dénoncer les contrats : on leur inflige des pénalités exorbitantes.
Il y a aussi des PME en souffrance dans l’agroalimentaire et dans l’industrie. Je vous ai déjà parlé de l’entreprise Velcorex, en Moselle, seul fabricant de velours made in France, qui a investi depuis dix ans des dizaines de millions d’euros dans des machines pour continuer à produire et qui va également mettre la clé sous la porte si rien ne se passe.
Tous les jours, je reçois des dizaines de messages de petits commerçants qui observent nos débats, ont suivi ce qui s’est passé au Sénat et attendent que nous les sortions de cette situation. Celle-ci n’est d’ailleurs pas normale : autant il y a un problème, effectivement, en ce qui concerne le gaz, car nous l’importons, autant, en matière d’électricité, il ne devrait pas en aller de même, car EDF produit 85 % de l’électricité en France et l’État a racheté les actions du groupe. Le coût de la production de l’électricité, lissé sur trois ans, s’élève à 70 euros le mégawattheure ; cette année, il était aux alentours de 100 euros le mégawattheure. Il n’est donc pas normal que des contrats proposent un prix de vente de plus de 1 000 euros le mégawattheure.
Les marges des fournisseurs dits alternatifs, comme TotalEnergies ou Engie, ont explosé. Cela non plus n’est pas normal.
Oui, nous revenons à la charge avec cette proposition de loi ; oui, nous demandons qu’il se passe quelque chose, car, à la fin, ce sont les PME ou les consommateurs qui trinquent.
Mme Véronique Louwagie (LR). Si nous avons soutenu cette proposition de loi, au Sénat et à l’Assemblée nationale, c’est parce que nous voulons à tout prix éviter le démantèlement d’EDF auquel l’exécutif n’a pas peut-être pas renoncé. Il n’y a pas de divergence d’opinions au sein de notre groupe entre les députés et les sénateurs. La politique énergétique menée par les gouvernements successifs au cours de ces dernières décennies a été déplorable, comme l’ont révélé les travaux de la commission d’enquête conduite par Raphaël Schellenberger. Les lourdes erreurs stratégiques et les décisions prises en dépit du bon sens pèsent sur les Français.
C’est vrai, les sénateurs ont amoindri la portée de ce texte en supprimant la procédure de nationalisation, mais ils l’ont remplacée par un objectif de détention par l’État de 100 % du capital d’EDF, ce qui revient plus ou moins à ce qui était prévu par l’offre publique d’achat (OPA) lancée par l’État. Néanmoins, l’inscription de cette disposition dans la loi impose au Gouvernement de saisir le Parlement de toute nouvelle évolution de la participation publique au capital de la société – notre groupe y tenait.
Les sénateurs ont également supprimé le recours à une commission administrative nationale d’évaluation chargée d’évaluer la valeur des actions d’EDF – ce n’est pas un problème.
En revanche, ils ont conservé le bénéfice des tarifs réglementés de vente d’électricité à l’ensemble des très petites entreprises et des petites communes. Le rapporteur général a beau considérer que le dispositif n’est pas opérationnel, il le sera si l’on s’en donne les moyens. Je lui conseille également, puisqu’il pense que ce texte est inutile, d’en parler aux artisans, aux boulangers, aux commerçants qui subissent de plein fouet la hausse des coûts de l’énergie.
Des contrats ont sans doute pu être renégociés mais le jeu en vaut la chandelle et nous soutiendrons ce texte.
M. Pascal Lecamp (Dem). La proposition de loi nous est revenue méconnaissable du Sénat. Si ce texte a su trouver sa place dans trois niches parlementaires, c’est bien qu’il traite de sujets dont nous nous préoccupons tous.
La guerre contre l’Ukraine, les difficultés de notre parc nucléaire, les sécheresses, les conclusions du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) mettent en évidence deux impératifs : nous devons assurer notre souveraineté énergétique et décarboner la production électrique. C’est pourquoi nous devons rester sur la trajectoire que nous avons engagée avec le rachat de la totalité des parts du groupe EDF, qui devrait prendre fin cet été.
La nationalisation d’EDF prévue dans la première version du texte aurait inutilement fragilisé l’opération en cours. Les sénateurs, du même avis que nous, ont supprimé l’article 1er et modifié l’article 2. Cela étant, nous restons opposés aux dispositions qui, guidées par des considérations actuelles, contraignent la gestion d’EDF pour l’avenir. Qu’il s’agisse de prévoir une détention à 100 % du capital par l’État ou dans la limite de 2 % par des salariés, il n’appartient pas au législateur de rigidifier le fonctionnement d’une société. Au contraire, EDF doit bénéficier de marges de manœuvre pour favoriser la transition énergétique sur le long terme.
Concernant l’article 3 bis, nous partageons la préoccupation des sénateurs qui ont souhaité mieux protéger les TPE en supprimant le verrou du compteur électrique d’une puissance inférieure à 36 kilovoltampère (kVA) pour bénéficier des offres de fourniture d’électricité aux tarifs réglementés de vente. Or il n’est pas possible, à court terme, d’y mettre fin, du fait des engagements européens et de la capacité des fournisseurs d’électricité.
Le Gouvernement, soutenu par les députés, a pris des mesures pour protéger plus efficacement les artisans, les boulangers, les petits entrepreneurs, qu’il s’agisse du bouclier tarifaire ou de l’amortisseur d’électricité.
Néanmoins, nous invitons le Gouvernement à revoir la règle des 36 kVA car, ne soyons pas naïfs, beaucoup d’entreprises ont remplacé leurs compteurs à 50 ou 70 kVA par deux compteurs de 36 kVA.
Nous voterons contre le texte.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Se chauffer, s’éclairer : l’État doit être le garant de notre indépendance énergétique pour assurer à tous la possibilité de vivre dignement. Or notre pays traverse une période difficile : la crise sanitaire, la crise sociale, la guerre aux portes de l’Europe. Face à ces épreuves, nos concitoyens ne se sentent plus protégés et subissent de surcroît la politique brutale du Gouvernement qui leur impose la réforme du chômage et celle des retraites. Cette politique est si brutale que même la Première ministre parle de convalescence.
Or, comme ce fut le cas en 1946, au sortir de la seconde guerre mondiale, il importe que l’État assure aux Français de disposer de ce bien élémentaire qu’est l’électricité, au travers de cette proposition de loi de nationalisation d’EDF qui sanctuarise son caractère unifié et la protège de toute velléité de démantèlement.
La proposition de loi de Philippe Brun, rejoint par le rapporteur Sébastien Jumel, est ancrée dans la réalité et à la hauteur des enjeux. Ce texte doit aussi permettre d’assurer un bouclier tarifaire aux TPE et aux artisans. Il s’agit de protéger le tarif réglementé, mesure d’autant plus importante que beaucoup ne profitent pas du bouclier tarifaire, contrairement à ce qu’affirme le rapporteur général.
Comme en 1946, il serait digne que la classe politique dépasse les clivages partisans pour que l’État récupère le plein contrôle d’EDF et garantisse l’indépendance énergétique de notre pays. L’enjeu est double : nous devons réussir la transition énergétique et compenser l’instabilité des coûts de l’énergie, suite au chantage énergétique auquel se livre la Russie en particulier.
Protéger EDF et notre souveraineté énergétique, c’est protéger les Français et répondre à l’urgence de la situation.
M. Christophe Plassard (HOR). La réécriture par les sénateurs de cette proposition de loi, dont j’ai compris qu’elle vous plaisait peu, chers collègues, répond en partie aux interrogations que nous avions soulevées lors de l’examen du texte en première lecture, en février.
D’une part, les articles 1er et 3, qui prévoyaient de nationaliser EDF, ont été supprimés pour ne pas perturber le déroulement de l’OPA en cours. D’autre part, les sénateurs ont réécrit en partie l’article 3 bis, qui ouvrait les tarifs réglementés de vente de l’électricité à toutes les entreprises jusqu’à 5 000 salariés en 2023 et aux TPE-PME de façon pérenne. Cet article, ajouté par amendement à l’Assemblée nationale, soulevait de grandes difficultés pratiques, sans parler du risque d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité. Les élus de l’opposition de tous bords, qui avaient voté en faveur de cette disposition, l’ont fait en connaissance de cause, préférant ignorer la réalité au profit d’une mesure démagogique et coûteuse.
Si le texte qui nous revient du Sénat est plus raisonnable que celui que nous avions adopté, nos griefs restent nombreux et nous voterons contre. Accorder le bénéfice des tarifs réglementés à toutes les PME et petites communes, quelle que soit la puissance de leur compteur électrique, prendrait plusieurs mois alors que les cours de l’électricité sur le marché européen retrouvent des niveaux équivalents à ce qu’ils étaient avant la guerre en Ukraine.
Des mesures importantes ont été prises rapidement pour protéger ménages et entreprises : bouclier tarifaire, amortisseur d’électricité, guichet d’aide, plafonnement pour les TPE. Nous devons continuer à avancer au niveau européen pour réformer le marché de l’électricité et découpler les prix du gaz de ceux de l’électricité, afin de bénéficier pleinement de l’avantage concurrentiel qu’offre notre énergie nucléaire.
L’action du Gouvernement et de la majorité qui ont lancé une OPA, l’abandon du projet Hercule, les projets de loi relatifs aux énergies renouvelables et au nucléaire, confirment la volonté de notre pays de reprendre en main sa souveraineté énergétique.
Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Les mots ont un sens. La Première ministre, lors de sa déclaration de politique générale, le 6 juillet dernier à l’Assemblée nationale, a annoncé son intention de nationaliser EDF. Or une opération de nationalisation consiste à transférer à la collectivité nationale la propriété des moyens de production privés afin de transmettre à la nation le pouvoir sur une ou plusieurs entreprises, en l’occurrence EDF, des moyens de production ou des branches de l’économie.
Bien évidemment, lorsqu’elle a prononcé ce mot que l’ensemble des Français a entendu, nous avons tous pensé que le Gouvernement s’engageait dans la bonne voie, alors que la guerre en Ukraine faisait rage, que les tarifs de l’énergie explosaient et que nous perdions de notre souveraineté énergétique. Nous nous sommes également dit que c’était là le meilleur moyen de retrouver la maîtrise de notre énergie et de faire enfin les bons choix – hélas, le Gouvernement a préféré le nucléaire aux énergies renouvelables, mais nous ne l’avons appris qu’après.
Néanmoins, étant d’une nature, non pas soupçonneuse, mais attentive, nous nous sommes vite rendu compte qu’il manquait quelques mots essentiels dans ce texte et nous nous sommes pris à douter de la réelle volonté du Gouvernement de nationaliser EDF. Philippe Brun et l’ensemble de nos collègues de la NUPES étaient tout aussi dubitatifs. De fait, il s’est avéré qu’il s’agissait d’une recapitalisation, ce qui laissait ouverte la possibilité de démembrer le groupe EDF au profit d’intérêts privés.
M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Cette proposition de loi répond à trois objectifs. Le premier est celui de l’indépendance et de la souveraineté énergétiques. La guerre en Ukraine et la dérégulation du marché européen ont révélé la nécessité de reprendre la main sur notre marché de l’énergie électrique et de faire en sorte que l’État et la nation soient propriétaires à 100 % d’EDF.
Le deuxième tient au rôle du Parlement. Hercule n’est pas tout à fait mort et pourrait se cacher derrière Jupiter. Le Parlement doit être le seul décisionnaire pour résister à la volonté qui, très certainement persiste chez le Gouvernement, de démanteler EDF. Il est indispensable d’inscrire l’incessibilité de l’entreprise dans la loi.
Le troisième, enfin, a trait au prix de l’énergie pour nos concitoyens, les entreprises, les collectivités locales. La situation est dramatique. Vous ne devez pas rencontrer les mêmes personnes que moi pour penser que le bouclier tarifaire a atteint son but ! Des locataires subissent des hausses insupportables de leurs charges d’énergie de 200 ou 300 euros. Des PME ne peuvent plus payer. Des artisans, des commerçants, ne peuvent plus ouvrir leur boutique.
La proposition de loi vise à répondre aux difficultés de nos concitoyens et nous devons la rétablir dans son intégralité.
M. Michel Castellani (LIOT). Le marché européen de l’électricité portait en lui les promesses d’une hausse de la production et d’une baisse des prix. Nous le savons tous, ces engagements n’ont pas été tenus. Cela fait vingt ans que l’Union européenne bâtit un cadre juridique qui fragilise le modèle énergétique français. Les exigences d’ouverture à la concurrence pénalisent EDF et, au-delà, portent atteinte à la souveraineté énergétique de la France. Ces mêmes exigences pourraient d’ailleurs conduire à remettre en cause l’unité du groupe puisque le projet de démantèlement Hercule était soufflé par la Commission européenne.
La France doit reprendre en main sa politique énergétique en renforçant EDF. C’était l’objet de la proposition de loi initiale du groupe socialiste, aujourd’hui inscrite à l’ordre du jour par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. La nationalisation du groupe faisait de l’État le premier décideur en matière de politique énergétique, ce qui prémunissait le groupe contre un éventuel démantèlement.
Le Sénat a réécrit le texte pour prévoir une détention de 100 % du capital par l’État ; au moins l’intervention du Parlement sera-t-elle garantie en cas de projet d’ouverture du capital du groupe mais la politique énergétique ne s’en trouvera pas transformée pour autant.
Concernant le bouclier tarifaire, la suppression du seuil est pertinente pour permettre à toutes les PME, aujourd’hui écartées du dispositif, d’en bénéficier. Il aurait été de bon ton de le maintenir pour l’ensemble des collectivités, conformément aux propositions de l’Assemblée nationale.
Notre groupe souhaite revenir à un texte proche de la version initiale adoptée en première lecture.
M. Sébastien Jumel, rapporteur. Je suis arrivé ce matin avec l’envie d’être sympathique. Je vous ai d’ailleurs présenté cette proposition de loi comme un texte transpartisan, rédigé dans un esprit constructif. Je voulais conserver cette atmosphère.
Je ne peux toutefois m’empêcher de sourire en voyant le rapporteur général Cazeneuve jouer les mauvais perdants. Les Marcheurs, en l’absence d’une majorité qui leur soit favorable, multiplient les secondes délibérations jusqu’à obtenir gain de cause ou passent en force, comme nous l’avons vu ces dernières semaines. Une nouvelle méthode a été inaugurée en l’honneur de cette proposition de loi : faute de majorité, les Marcheurs ont quitté l’hémicycle ! Une première sous la Ve République.
Vous avez dit, monsieur Cazeneuve, que ce texte était passéiste. Je vous renvoie à cette phrase d’un rappeur que j’aime bien : « Je suis passé pour être présent dans ton futur ». Ceux qui nous ont précédés ont considéré que, dans l’intérêt de la nation, des biens publics méritaient que l’État s’en préoccupe. Ils l’ont fait après mûre réflexion, forts de leur expérience.
Les vingt années de libéralisation que nous avons vécues dans le secteur de l’énergie vous rendent incapables d’en valoriser le moindre avantage. EDF a perdu son savoir-faire face à l’incapacité de l’État de fixer un cap en matière de politique énergétique. La commission d’enquête engagée par M. Marleix a révélé au grand jour que nous avions perdu de notre souveraineté énergétique. Et vous prétendez que le retour au tarif réglementé ne serait pas efficace ! Sur quelle planète vivez-vous ? Les exemples ne manquent pas, qui démontrent l’incapacité des boucliers tarifaires de préserver les artisans, les boulangers, les TPE et les PME et de redonner du souffle aux collectivités locales, asphyxiées par la hausse des tarifs de l’énergie et impuissantes à assurer correctement les services publics. Votre approche dogmatique vous empêche de voir la réalité.
Si j’avais laissé parler mon cœur, je serais allé beaucoup plus loin et j’aurais prévu les conditions pour que des commissaires du Gouvernement siègent dans les conseils d’administration des entreprises pour vérifier que les décisions prises par le Parlement soient respectées – ce qui n’a pas été le cas durant ces trente dernières années au sein d’EDF.
Malheureusement, nous devons nous contenter de rendre incessibles les actions que l’État rachète pour recouvrer un capital à 100 % public et de graver dans le marbre le caractère intégré d’EDF, car c’est le seul moyen de développer le mix énergétique et que les discours ne suffisent pas.
Vos arguments selon lesquels le retour à un tarif réglementé serait une usine à gaz impossible à appliquer pour EDF ne tiennent pas. Il ne serait pas bien compliqué pour EDF d’identifier les clients éligibles. Une déclaration suffisait pour reconnaître les petits consommateurs d’énergie éligibles au bouclier tarifaire ; je ne vois pas pourquoi ce serait plus compliqué pour EDF. En tout cas, il faudra trouver une solution rapidement, car le temps presse.
M. Philippe Brun, rapporteur. Ne travestissez pas le travail du Sénat qui a adopté la proposition de loi. Ne détournez pas les propos que Gérard Longuet a tenus au Sénat. S’il avait été aussi opposé à ce texte que vous le prétendez, il ne l’aurait pas fait adopter par son groupe !
Gérard Longuet s’est d’ailleurs étonné en séance publique qu’il puisse être établi un marché à partir de matières qui ne sont pas stockables, les mégawatts. Son propos est d’autant plus intéressant qu’il ne l’a pas toujours tenu. Il a rappelé la nécessité de sortir progressivement du marché. C’est ce que nous proposons en voulant rétablir le bénéfice du tarif réglementé pour certains consommateurs.
Monsieur le rapporteur général, vous relancez le débat sur le contrôle de la recevabilité au titre des articles 40 et 45 de la Constitution mais la question a été tranchée par le président de la commission des finances dont la décision a été saluée par le rapporteur au Sénat et par le président de la commission des finances du Sénat. Je conçois que vous puissiez avoir une analyse juridique différente des leurs, mais comprenez que vous ne pouvez pas avoir raison contre deux présidents de commissions des finances et un rapporteur, lesquels n’appartiennent pas, de surcroît, à notre groupe politique. Il vous restera tout le loisir de présenter une requête au Conseil constitutionnel lorsque ce texte sera adopté.
Vous avez, par ailleurs, douté de l’opérationnalité de notre proposition de loi dès cette année. Nous vous avons pourtant montré notre détermination à la faire voter rapidement. Adoptée au Sénat jeudi dernier, elle est examinée ce matin en commission des finances. Soyez assuré que nous ferons tout pour qu’elle retourne très rapidement au Sénat. Dans ce pays, des parlementaires de tous bords veulent défendre le service public de l’énergie et le rétablissement des tarifs réglementés. Ils se battront jusqu’au bout pour le succès de ce texte qui sera opérationnel pour nos boulangers et nos PME en 2023.
Quant aux marges de manœuvre, ce texte n’empêcherait pas le PDG d’EDF de procéder à des cessions ou des acquisitions, de réorganiser son entreprise, de décider de la rotation d’actifs. En revanche, si vous adoptez notre amendement à l’article 2, il prévoira de rétablir la liste des activités assurées par le groupe EDF, pour prévenir tout démantèlement. Je crois que, contrairement à ce qui est prétendu, le projet Hercule est toujours d’actualité. Je vous renvoie à mon rapport, monsieur le rapporteur général, dans lequel sont citées les notes que j’ai consultées à Bercy : toutes mentionnent la cession de 30 % des actifs du groupe, relatifs à la transition énergétique. Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter la proposition de loi.
Article 1er : Nationalisation d’EDF (supprimé)
Amendements identiques CF26 de M. Philippe Brun et CF14 de M. Alexandre Sabatou
M. Sébastien Jumel, rapporteur. L’amendement tend à rétablir l’article dans la rédaction suivante : « La société Électricité de France est nationalisée ». Quoique symbolique, cette mention est pleine de sens pour nous.
J’ai demandé au nouveau président d’EDF, lorsque nous l’avons auditionné dans le cadre de la commission d’enquête, si ce texte pourrait fragiliser sa trajectoire. Il a répondu, sous serment, que ce ne serait pas le cas.
M. Alexandre Sabatou (RN). La nationalisation d’EDF est l’essence même de cette proposition de loi. L’amendement tend, par conséquent, à rétablir la rédaction de l’article 1er issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture. Il s’agit de réaffirmer clairement qu’EDF appartient à l’État français et de garantir par la loi la réussite de la nationalisation.
M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement est-il utile ? Prévoir de nationaliser EDF suppose qu’elle était privatisée. Or elle ne l’a jamais été, depuis 1946, puisque 70 % de son capital appartenait au secteur public.
Par ailleurs, les salariés d’EDF détiennent 1,4 % du capital. Seront-ils expropriés ?
Enfin, comment s’articule cet article avec l’OPA, même si celle-ci est suspendue ?
M. Emmanuel Lacresse (RE). Les amendements tentent de racheter le péché originel commis par la plupart de ceux qui s’apprêtent à les voter : ne pas avoir voté le 26 juillet dernier le projet de loi de finances rectificative pour 2022, qui donnait des crédits au Gouvernement pour racheter la part de capital que l’État ne détenait pas. Comme M. de Courson vient de le faire observer, EDF n’est jamais sortie du secteur public. Le Sénat n’a fait que supprimer la limite de 70 % figurant dans le code de l’énergie, dont le franchissement à la baisse doit faire l’objet d’une autorisation par le Gouvernement.
Un autre péché originel consiste à employer le mot « nationaliser », qui donne le sentiment de suivre un projet de développement et de croissance du groupe comparable à celui qui a été mis en œuvre après-guerre. En réalité, la plupart de ceux qui s’apprêtent à voter les amendements, notamment ceux qui sont membres des groupes de leurs rédacteurs, soutiennent le démantèlement de la partie nucléaire du groupe.
Il convient d’en rester à la rédaction du Sénat.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Franchement, les auteurs des amendements se paient de mots ! Nous souscrivons tous à l’objectif stratégique de renforcer EDF. Notre majorité a décidé, comme l’a annoncé la Première ministre, d’en prendre le contrôle à 100 %. Et vous, chers collègues des oppositions, vous arrivez plusieurs mois plus tard en disant : « Coucou ! Nous avons une bonne idée : prenons le contrôle d’EDF ! ».
Nous sommes sur le point de le faire ! Appelez cela nationalisation si vous le souhaitez. Il s’agit d’une OPA, car il faut bien racheter la part de capital détenue par les actionnaires minoritaires. Lorsqu’elle sera terminée, en juin, nous en serons exactement au même point que si nous avions nationalisé EDF.
Se payer de mots ne sert à rien. Faire une loi qui ne sert à rien vous intéresse peut-être, mais ce n’est pas ainsi que nous devrions fonctionner. Permettez-moi de vous dire, avec tout le respect que j’ai pour vous, que vous enfoncez des portes ouvertes.
Quant aux leçons sur le soutien aux entreprises venant d’oppositions n’ayant voté aucune mesure à cet effet – ni le bouclier tarifaire sur l’électricité, ni le bouclier tarifaire sur le gaz, ni l’amortisseur électricité, ni le guichet unique des formalités aux entreprises, ni le plafonnement du prix de l’électricité à 280 euros le mégawattheure pour les TPE –, trop c’est trop !
M. Philippe Brun, rapporteur. J’aimerais répondre à la question de Charles de Courson sur l’articulation de notre proposition de loi avec l’OPA en cours. La version initiale du texte prévoyait, en cas d’annulation de l’OPA par la justice le 3 mai, la nationalisation brute, selon une procédure d’expropriation que notre droit permet. Cette disposition était inscrite à l’article 3, supprimé par le Sénat.
Nous nous inscrivons désormais dans le cadre de l’OPA. La portée normative de l’article 1er, telle que nous proposons de la réduire, est donc essentiellement symbolique. Il s’agit d’affirmer que nous prenons acte du retour d’EDF dans le domaine public des Français. L’article ne procède pas en lui-même à la nationalisation d’EDF, permise par l’OPA en cours.
S’agissant des actions détenues par les salariés, elles font l’objet d’amendements à l’article 2.
La commission rejette les amendements identiques CF26 et CF14 et l’article 1er demeure supprimé.
Article 2 : Régime de détention du capital d’EDF et organisation du groupe
Amendement de suppression CF18 de M. Emmanuel Lacresse.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Il vise à supprimer l’article 2, dont la portée a été fortement amoindrie par le Sénat. L’autorisation d’acquérir les titres que l’État ne détenait pas a été délivrée par la loi le 28 juillet. L’État a procédé à une offre publique d’achat simplifiée et détient 96 % du capital d’EDF à sa clôture provisoire. Son issue définitive est suspendue à une décision de la cour d’appel de Paris. Il n’est ni utile ni nécessaire de conserver l’article tel qu’il a été rédigé par le Sénat.
M. Sébastien Jumel, rapporteur. Avis défavorable. La majorité propose de supprimer l’article 2 au motif que sa portée a été amoindrie par le Sénat. Nous partageons ce constat et proposons d’y remédier. Il s’agit d’affirmer la garantie de la détention publique d’EDF en l’inscrivant dans la loi.
J’ai entendu les uns et les autres dire qu’une telle disposition est inopérante, qu’elle ne sert à rien, qu’elle n’est qu’affichage et de portée purement symbolique. S’offrir la garantie que seul le Parlement, et non un discours présidentiel ou un décret ministériel, peut défaire ce qu’il a fait, c’est, je crois, réaffirmer le contrôle, par les représentants de la nation, d’un fleuron auquel nous tenons et qui est stratégique. Tel est le sens de la proposition de loi.
M. Charles de Courson (LIOT). Puis-je obtenir une réponse à ma question sur l’actionnariat des salariés ? Il est protégé à l’article 2. La suppression de celui-ci aurait-elle pour effet de priver les salariés des actions qu’ils détiennent ?
M. Philippe Brun, rapporteur. Tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale et modifié par le Sénat, l’article 2 prévoit une rétrocession des actions aux salariés, dans la limite de 2 % du capital. Cette rétrocession, facultative, est laissée à la discrétion du Gouvernement. L’État devient propriétaire d’EDF à 100 %. Au demeurant, la plupart des actionnaires salariés ont vendu leurs actions. Nous aborderons ce sujet lors de l’examen des amendements CF22 et CF21, qui soulèvent notamment la question du caractère opérant de ces dispositions.
La commission rejette l’amendement CF18.
Amendement CF15 rectifié de M. Alexandre Sabatou.
M. Alexandre Sabatou (RN). Il vise à rétablir l’article 2 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. Il s’agit de rendre à EDF sa simplicité de fonctionnement. Si l’on va dans une mauvaise direction, il n’y a pas de honte à rebrousser chemin ; c’est plus efficace que de persévérer dans une mauvaise direction, comme le fait l’article 2 adopté par le Sénat.
Il s’agit surtout de franchir une première étape dans le retour du monopole d’EDF sur l’électricité. Qu’un acteur de l’électricité nationalisé gère toute la filière, de l’amont à l’aval, de la distribution à la commercialisation et du transport à la production, permettra à l’État d’assurer des tarifs attractifs et une énergie abondante pour nos concitoyens et les entreprises.
M. Philippe Brun, rapporteur. Le rapporteur Jumel et moi-même proposons, par l’amendement CF27, une rédaction de l’article 2 semblable à celle que vous proposez, mais plus conforme à celle du Sénat, vis-à-vis duquel nous souhaitons adopter une démarche constructive. Demande de retrait ou avis défavorable.
L’amendement CF15 est retiré.
Amendements CF17 de M. Alexandre Sabatou, CF22 et CF21 de M. Pascal Lecamp et sous-amendement CF29 de M. Alexandre Sabatou (discussion commune).
M. Alexandre Sabatou (RN). L’amendement CF17 vise à ouvrir aux épargnants français l’accès au capital d’EDF. Chaque année, lorsque nous votons le budget, nous orientons l’épargne des Français. Adopter cet amendement permettrait aux Français d’être libres d’investir dans EDF et de participer à la performance de notre industrie énergétique.
M. Pascal Lecamp (Dem). Du côté démocrate, il nous semble inutile, voire nocif, d’inscrire dans la loi la détention d’EDF à 100 % par l’État, certes conforme aux enjeux actuels, mais acquise par l’OPA en cours. Nous considérons, comme les sénateurs, qu’EDF doit rester une société anonyme.
Préciser qu’elle est d’intérêt national, donc qu’elle protège la politique énergétique de la France, ne pose aucun problème, mais il faut, s’agissant de ses investissements futurs, conserver la flexibilité permettant une éventuelle augmentation de capital, dans la limite d’une participation de l’État supérieure à 70 %. Plutôt que de confier à la loi le soin de revenir sur des dispositions figées, laissons les gestionnaires d’EDF gérer l’entreprise comme une société anonyme doit l’être.
S’agissant de la part de l’actionnariat salarié, nous souhaitons, dans le cadre de nos réflexions sur le partage de la valeur, offrir aux entreprises la possibilité de porter ce seuil à 10 % du capital. Les salariés d’EDF en détenaient, avant le déclenchement de l’OPA, 1,32 %. Plutôt que de fixer la barre à 2 %, nous préférons laisser à un décret le soin de fixer un seuil le plus proche possible de celui de 10 % défendu par le groupe Démocrate.
M. Alexandre Sabatou (RN). La limite de 2 % du capital pour les épargnants salariés a été proposée par le Rassemblement national, car moins de 1,5 % des salariés d’EDF en sont actionnaires. Je ne vois pas d’inconvénient à porter ce seuil à 10 %. Toutefois, renvoyer sa fixation à un décret laisse ouverte la possibilité d’un seuil inférieur à 2 %. Le sous-amendement prévoit donc un plancher.
M. Sébastien Jumel, rapporteur. L’amendement CF17 du Rassemblement national prévoit l’ouverture du capital d’EDF, dans la limite de 30 %, aux personnes physiques de nationalité française. Il en permet donc la privatisation à hauteur de 30 %. Par ailleurs, il prévoit un critère de nationalité dépourvu de pertinence. Avis défavorable.
Les amendements CF22 et CF21 renvoient à un décret la fixation de la part du capital ouverte aux salariés et aux anciens salariés. Cette disposition est contraire à l’esprit de la proposition de loi, qui vise à rendre la main au Parlement, et à la Constitution, qui confie à la loi la fixation des règles concernant les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé.
Par ailleurs, la réécriture de l’alinéa 2 de l’article 2 fait disparaître la référence à la détention publique à 100 % d’EDF, qui a fait consensus lors de l’examen du texte en première lecture.
Nous émettons donc un avis défavorable aux trois amendements.
M. Philippe Brun, rapporteur. L’article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant [...] les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé ». Procéder par décret nous semble contraire à la Constitution.
Le seuil de 2 % nous semble faire consensus, entre nous et avec le Sénat, avec lequel nous souhaitons parvenir à un accord. Il est supérieur à la part détenue par les salariés avant le déclenchement de l’OPA.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. S’agissant de l’amendement CF17, nous ne sommes plus à une contradiction près du Rassemblement national, qui nous explique qu’il faut absolument nationaliser EDF et, trois amendements plus loin, nous dit qu’il faut en privatiser 30 % du capital au bénéfice d’actionnaires français, ce qui ne fonctionne pas et n’est pas constitutionnel.
Je suis défavorable aux trois amendements, non sans trouver intéressant l’amendement CF21, qui s’inscrit dans la réflexion que nous avons collectivement engagée sur le partage de la valeur. Plus les salariés des entreprises ont une part importante du capital de leur entreprise, mieux c’est. Je ne vois pas pourquoi EDF échapperait à cette règle.
Toutefois, pourquoi inscrire dans la loi une limite ? La part des salariés sera peut-être de 2 %, ou de 2,5 %. Je constate que les entreprises du CAC40 dont les salariés ont 10 % du capital ou plus se portent plutôt bien. Il faut ouvrir cette possibilité de partage de la valeur sans la figer dans la loi.
M. Alexandre Sabatou (RN). Un peu de sérieux, messieurs Cazeneuve et Jumel ! Comme M. Brun l’a confirmé, la nationalisation que nous soutenions par le biais du rétablissement de l’article 1er était de nature symbolique. EDF peut être considérée comme nationalisée car l’État est majoritaire à son capital.
Il ne s’agit pas d’en permettre la privatisation, mais d’ouvrir son capital aux citoyens français, pour orienter l’épargne des Français. L’argent public, nous en avons besoin ailleurs, me semble-t-il. Nous votons chaque année un budget en déficit.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Je partage l’opinion du rapporteur général et des rapporteurs sur l’amendement du Rassemblement national, qui permet implicitement une ouverture du capital tout en la réservant à des propriétaires résidents, ce qui est contraire au droit européen.
Les amendements du groupe Démocrate, notamment l’amendement CF21, présentent un intérêt. Contrairement à M. Jumel, je considère que la loi peut parfaitement, dans ces matières, déléguer au Gouvernement le soin d’en juger. Réserver une partie du capital à certains actionnaires soulève des difficultés considérables, s’agissant notamment du moment auquel ils peuvent en percevoir le bénéfice. En confier la coordination à un décret ne pose aucun problème. Pour nous qui sommes défavorables au maintien de l’article 2, ces amendements peuvent être considérés comme des amendements de repli.
Successivement, la commission rejette les amendements CF17 et CF22 ainsi que le sous-amendement CF29, et adopte l’amendement CF21.
Amendements CF1 et CF12 de M. Michel Sala, et CF13 de Mme Alma Dufour.
M. Michel Sala (LFI-NUPES). L’amendement CF1 porte sur la société mère, l’amendement CF12 sur ses filiales et l’amendement CF13 sur EDF Renouvelables.
Nous souhaitons protéger EDF d’un démembrement en inscrivant dans la loi que les statuts de la société mère EDF et de ses filiales prévoient, par une clause spécifique, l’inaliénabilité des actions détenues par l’État. Toute société anonyme peut adopter une clause d’incessibilité pour une durée déterminée. Certes, ces dispositions ne nous prémunissent pas contre les risques d’ouverture du capital par son augmentation, mais elles constituent une assurance bienvenue.
La clause d’inaliénabilité a notamment pour objet d’interdire la cession ou la transmission des droits sociaux sur lesquels elle porte. Elle permet le maintien des associés ou de certains d’entre eux pour assurer la pérennité de la société.
M. Philippe Brun, rapporteur. Nous avons examiné des amendements similaires à ceux-ci en première lecture. Il n’est pas nécessaire d’inscrire dans les statuts d’EDF l’incessibilité de ses actions.
S’agissant de ses filiales, l’inscription d’une clause d’incessibilité empêcherait toute réorganisation, dont la vente d’activités à l’étranger. À mes yeux, qu’EDF soit propriétaire de sa filiale en Allemagne ou au Maroc n’a rien de stratégique. Les dispositions de l’article 2 présentent l’intérêt d’offrir à l’entreprise une souplesse lui permettant de bien vivre.
Il ne nous semble pas pertinent d’inscrire dans la loi l’incessibilité des actions des quarante filiales d’EDF. La proposition de loi protège d’ores et déjà du risque de démantèlement d’EDF. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Charles de Courson (LIOT). L’inscription sans condition d’une clause d’inaliénabilité dans des statuts a été déclarée nulle par la Cour de cassation. En l’espèce, elle est inutile et même dangereuse, car les filiales ont elles-mêmes des filiales. Il ne semble pas raisonnable d’adopter ces amendements.
Les amendements CF1, CF12 et CF13 sont retirés.
Amendement CF27 de M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun, rapporteur. Cet amendement devrait faire consensus. Afin de rétablir une disposition prévenant le démembrement d’EDF dans la proposition de loi, nous gravons dans le marbre de la loi ses métiers essentiels au bon fonctionnement du service public de l’énergie. Nous nous inscrivons dans la rédaction de l’article 2 adoptée par le Sénat, en modifiant l’alinéa 4.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Nous ne voterons pas l’amendement, qui dresse une liste des activités d’EDF établissant une situation de monopole.
Certes, il existe un service public de l’énergie, défini notamment par la directive européenne du 5 juin 2019, telle qu’elle a été négociée par la France dans le but de préserver notre service public et nos particularités, notamment la protection des publics les plus vulnérables, ce qui au demeurant nous a permis d’adopter cette année un bouclier tarifaire et d’en compenser le coût auprès de l’exploitant. Mais il n’existe pas de monopole fondé sur un inventaire, peut-être incomplet et certainement plus d’actualité.
Il faut que le groupe EDF puisse continuer à évoluer, notamment vis-à-vis de ses créanciers. Il serait tout à fait inopportun, pour la poursuite du financement par voie obligataire, que le groupe Électricité de France soit empêché de procéder à des cessions.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement ne pose pas de problème en tant que tel ; il en pose un dans l’hypothèse d’une lecture a contrario. Toute activité non mentionnée dans la liste pourrait être déclarée contraire à la loi en cas de contentieux.
Mme Véronique Louwagie (LR). Nous voterons l’amendement, qui permet d’éviter le démantèlement, que nous craignons, d’un fleuron national. L’adverbe « notamment » interdit de conférer à liste d’activités un caractère restrictif et exclusif. Il s’agit d’énumérer les activités que le groupe EDF doit exercer.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne vois pas l’intérêt de l’amendement, sinon d’ajouter au texte une disposition inutile.
D’abord, la liste n’étant pas exhaustive, que se passera-t-il à terme ? Pourquoi la production d’hydrogène et le commerce électronique n’y figurent-ils pas ? Ensuite, si EDF veut se séparer de sa filiale de commercialisation d’électricité au Gabon, si tant est qu’elle existe, elle ne peut plus le faire. Faut-il comprendre qu’elle assure la commercialisation d’électricité en partie ou dans certains endroits ?
Avec cet amendement, nous nous immisçons dans le travail d’une entreprise et nous n’en respectons pas le management. Évitons de rédiger une loi bavarde et faisons confiance à ce grand groupe qu’est EDF.
M. Philippe Brun, rapporteur. L’énumération proposée a le mérite de ne pas être exclusive. Elle n’interdit pas à EDF d’exercer d’autres activités et lui permet de se séparer de certaines filiales. Inscrire les métiers d’EDF dans la loi permet d’en empêcher le démantèlement.
Pour reprendre l’exemple de la commercialisation d’électricité, il s’agit d’une activité très rentable. En priver EDF, pour en faire un simple producteur alimentant le réseau en électricité que l’on achèterait chez Leclerc, Free, M6 ou je ne sais qui, équivaudrait à un démantèlement.
La proposition de loi permet d’éviter un grand démantèlement d’EDF par l’abandon complet de certaines activités, par exemple celles d’EDF Énergies Nouvelles ou la vente de prestations de services énergétiques par Dalkia, dont nous savons que le Gouvernement a l’intention de la vendre et qu’il a mandaté une banque d’affaires à cet effet. Or ses dividendes contribuent chaque année à la bonne santé financière d’EDF.
Je rappelle que l’arrêt de la moitié de nos réacteurs en 2022 a coûté 34 milliards à EDF, dont le déficit a pourtant été contenu à 18 milliards. C’est grâce à des activités rentables produisant des flux de dividendes, telles que la gestion du réseau, la fourniture de services, la commercialisation et le développement des énergies renouvelables, qu’EDF n’est pas tombée totalement dans le rouge.
Notre amendement offre de la souplesse et ne remet aucunement en cause le management de l’entreprise. Il permet d’éviter tout démantèlement du groupe.
La commission adopte l’amendement CF27.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Article 3 : Fixation du prix de l’action (supprimé)
Amendement CF16 de M. Alexandre Sabatou.
M. Alexandre Sabatou (RN). Il vise à rétablir l’article dans sa version résultant des débats en première lecture à l’Assemblée nationale, qui permet de se prémunir contre un rétropédalage du Gouvernement.
M. Philippe Brun, rapporteur. Nous proposons de ne pas rétablir cette version et de conserver celle adoptée au Sénat, dans un souci de simplification. Nous nous en remettons à l’OPA en cours. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L’amendement CF16 est retiré et l’article 3 demeure supprimé.
Article 3 bis : Extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité
Amendement de suppression CF19 de M. Emmanuel Lacresse.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Si le Sénat a limité l’extension du tarif réglementé de vente d’électricité, l’article fait toutefois passer l’essentiel des PME à un tarif réglementé. Or le bouclier tarifaire mis en place par le Gouvernement est plus efficace, d’abord parce qu’il s’est mis en place rapidement et, ensuite, parce que faire transiter toutes les TPE et les PME vers des contrats relevant d’un tarif réglementé prendrait un temps considérable. On raterait ainsi l’effet recherché, qui est de les protéger.
M. Sébastien Jumel, rapporteur. Le bouclier tarifaire vise à atténuer les effets de la crise de l’énergie mais la réalité sur le terrain démontre à quel point il est insuffisant, notamment pour les TPE ayant une puissance de sécurité supérieure à 36 kVA. Un agriculteur du pays de Bray possédant 500 vaches et 6 appareils pour transformer le lait m’a ainsi expliqué que sa facture d’électricité avait augmenté de 500 % et que les dispositifs d’aide ne lui permettaient pas d’y faire face. Le retour au tarif régulé est le seul bouclier tarifaire efficace. Avis défavorable.
M. Fabien Di Filippo (LR). Les collectivités de taille moyenne, trop grandes pour bénéficier du bouclier tarifaire mais avec une surface financière limitée, sont étranglées par l’explosion des prix de l’énergie. Ce dispositif, extrêmement coûteux, n’est donc pas la panacée.
Par ailleurs, je me demande si le chiffrage de la suppression du TRVE a été fait quand les prix de l’électricité étaient au plus haut. Alors qu’ils diminuent depuis quelques semaines, ce chiffrage est sinon insincère, du moins inexact.
Mme Nadia Hai (RE). Quel est l’intérêt de voter cet article si le TRVE ne coûte rien ? De plus, il ne s’appliquerait pas en 2023 alors que c’est maintenant que les entreprises, les agriculteurs et les collectivités en ont le plus besoin. Pourquoi n’acceptez-vous pas notre proposition de travailler ensemble à une amélioration des dispositifs existants ? Pourquoi cet entêtement à vouloir adopter cet article qui ne remplit pas l’objectif de protéger nos concitoyens contre l’augmentation des prix ? Nous voterons en faveur de sa suppression.
La commission rejette l’amendement CF19.
Amendements CF2 de M. Michel Sala, CF3 de Mme Alma Dufour, CF4 et CF6 de M. Michel Sala, CF28 de M. Philippe Brun et CF5 de Mme Alma Dufour (discussion commune).
M. Michel Sala (LFI-NUPES). Les collectivités et les entreprises n’ont pas accès au TRVE, à l’exception des plus petites – celles qui emploient moins de dix personnes, ont un chiffre d’affaires ou des recettes n’excédant pas 2 millions d’euros et une puissance ne dépassant pas 36 kVA, ce qui exclut une bonne partie des boulangers. L’article 3 bis actuel supprime la condition de puissance, permettant à davantage d’entreprises d’avoir accès au tarif réglementé. Nous considérons toutefois qu’il faut étendre cette disposition à tous les consommateurs afin de les protéger à court terme de la crise de l’énergie et à long terme des aléas du marché libéralisé de l’énergie.
M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Si les petites communes bénéficient du tarif réglementé, celles qui assument les charges de centralité n’y sont plus et subissent de ce fait la hausse du prix de l’électricité. Cela provoque un effet ciseau qui les empêche d’investir dans la transition énergétique. Il s’agit donc de leur permettre de réaliser ces investissements en rétablissant le tarif réglementé pour 2023.
M. Philippe Brun, rapporteur. L’amendement CF28 est une proposition de conciliation. Alors que le Sénat limite l’application des tarifs réglementés aux TPE, nous souhaitons en étendre le périmètre de sorte qu’il englobe les PME et les collectivités de moins de 250 employés. Un tel dispositif est conforme au droit européen.
Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Nous partageons la position du rapporteur. Si les PME sont exclues des tarifs réglementés, les entreprises qui se situent au-dessus du seuil de 10 salariés vont licencier ou arrêter l’emploi saisonnier cet été, pour ne pas franchir ce seuil. Des secteurs industriels risquent de péricliter et, surtout, la crise provoquée par l’inflation alimentaire s’aggravera. Cela fait des mois que des PME de l’agroalimentaire nous disent qu’elles vont devoir augmenter le coût des matières premières parce que leur chaîne du froid leur coûte trop cher. On a laissé l’inflation énergétique peser sur les entreprises, avec pour conséquence une inflation colossale au supermarché. Certains salariés nous disent devoir sauter des repas !
M. Philippe Brun, rapporteur. Demande de retrait au profit de l’amendement de consensus CF28. Je remercie les députés Insoumis pour leurs propositions, dont nous partageons les objectifs.
M. Mathieu Lefèvre (RE). Il est tout de même paradoxal que les oppositions nous proposent des mesures pour pallier leurs propres manquements dans leurs votes ! Vous n’avez voté ni le plafond à 280 euros le mégawattheure pour toutes les TPE, ni le guichet d’aide pour toutes les entreprises, ni la prise en charge de 50 % de la facture d’électricité au-dessus de 180 euros, et vous nous proposez une mesure qui soit ne coûte rien aux finances publiques et est donc inopérante, soit coûte aux finances publiques et serait donc contraire à l’article 40 de la Constitution.
Par ailleurs, vos amendements consistent à intervenir plus tard et moins bien que le Gouvernement. Un tel dispositif devra en effet être notifié à la Commission européenne, les contrats devront être changés, les nouvelles offres tarifaires devront être calculées... À l’inverse, le dispositif proposé par le Gouvernement est déjà en application depuis le 9 janvier et plafonne le prix pour l’ensemble des TPE-PME.
Pour toutes ces raisons, nous voterons évidemment contre ces amendements.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement CF28 n’est pas un amendement de consensus. Il est tout de même paradoxal de s’entendre dire par les oppositions, qui n’ont voté aucune des mesures de protection des Français, des PME et des collectivités territoriales, qu’il faut le faire pour les plus grandes entreprises.
Je rappelle que 30 000 communes sur 35 000 sont aujourd’hui protégées par le bouclier tarifaire, tout comme des centaines de milliers de TPE, la majorité des boulangers et des agriculteurs. Et vous ne l’avez pas voté !
Par ailleurs, la proposition de loi vise à protéger le groupe EDF d’un démembrement – c’est dans son intitulé. Votre amendement est donc irrecevable en application de l’article 45 car il est sans lien avec l’objet du texte. De plus, vous n’avez toujours pas répondu à la question de son coût : confirmez-vous, comme en première lecture, qu’il aura un coût important pour l’État ? Si ce n’est pas le cas, qui va payer ? Entendez-vous plomber les comptes d’EDF en ajoutant 10 à 12 milliards de charges ? Si, en revanche, cette mesure n’a pas de coût, alors elle n’a pas d’intérêt.
Je remercie le Sénat qui, dans sa sagesse, a réduit considérablement l’impact de cette proposition de loi. Néanmoins, même si nous partageons l’objectif de protéger le tissu économique français, je trouve que ce n’est pas le bon véhicule législatif.
M. le président Éric Coquerel. L’intitulé n’est aucunement pris en considération dans l’application de l’article 40 ou de l’article 45.
Mme Véronique Louwagie (LR). Je ne peux pas laisser le groupe Renaissance dire que certains députés n’auraient pas voté le bouclier tarifaire ni l’amortisseur. Nous n’en avons pas eu l’occasion puisque la loi de finances a été adoptée sans vote ! C’est quand même fort de café de nous donner des leçons sur un vote auquel nous n’avons pas pu participer !
M. Sébastien Jumel, rapporteur. Je remercie Mme Louwagie de ce rappel utile : nous avons été privés de vote ! Il semble que le rapporteur général ait oublié ce détail…
Par ailleurs, il suffit d’aller sur le terrain à la rencontre des entreprises et de leurs représentants pour mesurer à quel point l’usine à gaz que vous avez créée se révèle inopérante et incapable de protéger qui que ce soit.
M. Philippe Brun, rapporteur. Nous avons longuement débattu du coût de cette mesure dans l’hémicycle en première lecture, rappelant qu’il ne s’agissait pas de tarifs subventionnés – libre au Gouvernement de les subventionner ensuite s’il le souhaite mais ce n’est pas ce que nous proposons.
La logique du tarif réglementé est d’assurer de la constance et de la visibilité. Avec un tel tarif, le minotier de ma circonscription ne verra plus sa facture multipliée par quatorze. Nous ne proposons pas de raser gratis – malheureusement, il y a le marché européen de l’électricité, qui connaît une explosion des prix – mais de sortir de la logique spéculative du marché en revenant à des prix abordables et prévisibles.
Les amendements CF2, CF3, CF4, CF6 et CF5 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CF28.
Elle adopte l’article 3 bis non modifié.
Article 3 ter : Demande de rapport sur Électricité de Mayotte
Amendement de suppression CF20 de M. Emmanuel Lacresse.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Il vise à supprimer cet article, cette demande de rapport n’ayant pas de lien, ou alors très distant, avec l’objet de la proposition de loi. De plus, Électricité de Mayotte est un opérateur distinct dans lequel EDF ne possède qu’une participation minoritaire, de moins de 25 %, l’actionnaire majoritaire étant le conseil départemental de Mayotte.
M. Philippe Brun, rapporteur. Le groupe Renaissance semble avoir décidé de se charger du contrôle de la recevabilité des amendements. Cette disposition a été adoptée en séance à la suite du vote d’un amendement de notre collègue Estelle Youssouffa, le contrôle de la recevabilité ayant été fait sous l’autorité de la Présidente de l’Assemblée nationale : remettriez-vous en cause son appréciation ?
Je ne comprends pas pourquoi vous dites qu’il n’y a pas de lien entre Électricité de Mayotte et le service public de l’électricité. Avis très défavorable à la suppression de cet article. Nous avons besoin de réfléchir à l’évolution de cet opérateur.
M. Patrick Hetzel (LR). Il faut s’opposer à la suppression de l’article. Les débats qui ont eu lieu en première lecture ont démontré que la question de Mayotte méritait d’être étudiée. Revenir sur cette disposition, comme le souhaite la majorité, est un affront fait au Parlement. Il y a un véritable décalage entre la volonté affichée par l’exécutif de changer de méthode et cette volonté de balayer en commission ce qui a été coconstruit. Curieuse manière d’envisager cette nouvelle méthode !
M. Emmanuel Lacresse (RE). L’électrification des territoires ultramarins est une priorité budgétaire, raison pour laquelle le budget prévoit, cette année encore, une forte augmentation des fonds qui lui sont consacrés. Si le débat sur Mayotte est nécessaire, cet amendement ne visait qu’à assurer la cohérence de la proposition de loi et ne méritait pas tant d’agressivité.
L’amendement CF20 est retiré.
La commission adopte l’article 3 ter non modifié.
Article 4 : Gage de recevabilité financière (supprimé)
Amendement CF24 de M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne suis pas convaincu par la réponse du rapporteur : nous sommes en train de voter une loi qui affaiblira EDF de manière significative. Je demande donc, en toute cohérence, que l’on rétablisse le gage.
Je trouve M. Hetzel un peu sévère. Nous sommes fondamentalement favorables aux objectifs de la PPL, mais ses deux objectifs sont déjà traités par ailleurs et c’est pourquoi nous voterons contre. Par ailleurs, il n’y a pas de consensus entre les chambres, tant s’en faut : on voit bien qu’il n’y a ici qu’une tentative de rétablir tous les dispositifs supprimés par le Sénat et qu’il y a donc bien deux visions différentes. Je préfère de loin la version issue du Sénat, beaucoup plus sage.
M. Sébastien Jumel, rapporteur. Quand un match est perdu, on ne demande pas à le rejouer, monsieur le rapporteur général ! La question de la recevabilité financière des initiatives parlementaires est réglée par le rapport Woerth : elle n’a pas à être examinée lorsqu’il s’agit d’une navette.
Notre loi siphonnera EDF, dites-vous. Ce qui siphonne EDF, c’est l’Arenh ! Vous avez la possibilité de le suspendre sans délai, et je vous invite à vous concentrer sur ce sujet plutôt que sur notre proposition de loi, qui fait consensus.
Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je ne comprends pas pourquoi le rapporteur général parle d’affaiblissement d’EDF. Nous confortons au contraire cette entreprise en la protégeant dans son entièreté.
L’amendement rétablit d’une façon un peu détournée l’examen de la recevabilité financière au titre de l’article 40. C’est tout à la fois malvenu et inutile, car il ne conforte pas EDF. Nous sommes donc contre cet amendement.
M. Mathieu Lefèvre (RE). Si ce texte ne coûte rien, il est inopérant. S’il coûte au budget de l’État, l’amendement du rapporteur général est fondé. Si vous en faites supporter le coût à EDF, qui connaît déjà une grande fragilité financière, il vous faudra assumer ce choix politique.
Concernant l’article 3 bis, j’aimerais savoir, messieurs les rapporteurs, ce qui motive votre renoncement à vos ambitions maximalistes et votre ralliement à la position du Sénat, qui est bien plus sage que la vôtre. Est-ce une façon de masquer vos attaques contre les collectivités – vous n’avez pas voté les filets de sécurité ni la majoration de la DGF – et contre les indépendants et les commerçants, par votre proposition d’alourdir de 700 euros les charges sur l’embauche d’un salarié, vous qui nous donnez des leçons de réduction en la matière ?
Nous voterons pour cet amendement.
M. Philippe Brun, rapporteur. Il faudrait rétablir le gage car le texte serait contraire à l’article 40. Or, selon le président de la commission des finances du Sénat, une extension de TRVE n’implique aucune dépense publique si le Gouvernement ne prend pas, de façon discrétionnaire, un arrêté pour étendre le bouclier tarifaire à ces nouveaux tarifs. Gérard Longuet lui-même, qui n’est pas connu pour être « dépensophile » ou « étatolâtre », s’est rangé à cette interprétation puisqu’il a fait supprimer l’article 4. Avis défavorable.
Pour répondre à M. Lefèvre, nous avons décidé, au vu du succès de la navette parlementaire, de modérer notre ambition. La commission vient de maintenir la version du Sénat ; nous en prenons acte afin d’aboutir à un compromis en vue de l’adoption de ce texte.
La commission rejette l’amendement CF24 et l’article 4 demeure supprimé.
Titre
Amendement CF23 de M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp (Dem). Il vise à supprimer la référence au démembrement d’EDF, qui n’est souhaité par aucun député. Le texte visant à adapter le secteur de l’électricité au contexte actuel, nous proposons de modifier le titre en ce sens.
M. Sébastien Jumel, rapporteur. Dans l’histoire, à chaque fois qu’on a présenté un texte visant à adapter un secteur, cela s’est traduit par un démantèlement et par une dégradation de la qualité du service public. Nous assumons que ce texte vise à nous prémunir d’un démembrement. Le projet Hercule, dont l’objectif était une vente à la découpe d’EDF, n’est pas si lointain. Nous souhaitons revenir au caractère unifié, intégré de l’entreprise, consubstantiel aux missions d’intérêt public que nous lui confions. Nous assumons donc le choix du titre de cette proposition de loi.
M. Patrick Hetzel (LR). En première lecture, nous avions souhaité préciser que l’objet de cette loi était de protéger EDF d’un démembrement. Vous essayez de vous raccrocher aux branches en prétendant que le Gouvernement est en train de régler cette question. Le titre que vous proposez serait en total décalage avec l’esprit qui nous anime.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Il est illusoire de vouloir figer dans le titre l’incessibilité de l’entreprise. En réalité, ce texte traite du secteur de l’électricité uniquement, pas de l’objet social d’EDF. C’est l’action du Gouvernement qui aura été essentielle pour protéger EDF. Il faut voter pour l’amendement.
La commission rejette l’amendement CF23.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
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Puis la commission examine le rapport de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise (M. Louis Margueritte et Mme Eva Sas, rapporteurs).
M. le président Éric Coquerel. Nous procédons à l’examen du rapport de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise, dont M. Louis Margueritte et Mme Eva Sas sont les rapporteurs.
M. Louis Margueritte, rapporteur de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise. Merci monsieur le président. À l’issue de plusieurs mois de travaux, nous avons l’honneur de venir présenter devant les membres de cette commission les conclusions de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux de partage de la valeur dans l’entreprise.
Je tiens d’abord à remercier les administrateurs de la commission des finances pour le travail remarquable qu’ils ont accompli depuis le mois de décembre à nos côtés, ainsi que nos équipes. Je salue enfin Eva Sas pour la qualité du travail que nous avons mené ensemble.
Depuis janvier, nous avons auditionné une quarantaine d’acteurs, qui nous ont permis de nourrir nos travaux de leurs réflexions sur l’état du partage de la valeur en France, qui allaient au-delà des questions fiscales et sociales. Je pense ici aux organisations syndicales et patronales, économistes, universitaires, administrations publiques ainsi qu’aux associations et fédérations spécialisées sur ces sujets. Ces auditions se sont déroulées dans un climat d’écoute et les échanges furent respectueux et nourris.
Au cours des auditions, l’ensemble des organisations syndicales nous ont fait part de leurs revendications en termes de revalorisation des salaires. Les organisations patronales ont quant à elles attiré l’attention de la mission d’information sur la nécessité de préserver un climat normatif favorable aux entreprises et d’offrir une certaine souplesse.
Ces auditions nous ont permis d’établir divers constats. Tout d’abord, la France est le deuxième pays d’Europe en matière de déploiement des outils de partage de la valeur qui sont complémentaires à la rémunération, qu’il s’agisse des dispositifs d’intéressement, de participation, d’épargne salariale et de prime de partage de la valeur (PPV).
Ces outils constituent un complément important aux salaires et sont particulièrement utiles pendant la période d’inflation que nous connaissons. Même si notre pays se situe en bonne place dans le domaine du partage de la valeur, de fortes inégalités persistent entre les salariés des petites et moyennes entreprises (PME) et ceux des grandes entreprises.
En effet, la part des salariés couverts par au moins un dispositif n’est que 20 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés, alors qu’elle est de 89 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Il nous est apparu nécessaire de corriger de cette situation ; c’est une question de justice sociale.
À ce titre, nous pouvons saluer collectivement l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur, qui a été conclu le 10 février 2023 par les partenaires sociaux. Je pèse mes mots : cet accord est historique et particulièrement utile dans un secteur où le dialogue social a connu quelques troubles. Réunissant la plupart des organisations syndicales ainsi que les organisations patronales, il constitue la preuve que le dialogue social existe et fonctionne en France et que consensus et ambition ne sont pas des notions contradictoires.
Cet accord permettra de réduire les inégalités entre les salariés des grandes entreprises et les salariés des PME, pour introduire plus de justice sociale. Alors que 53 % des salariés du secteur privé bénéficient actuellement d’au moins l’un des trois outils de partage de la valeur, grâce à l’ANI, jusqu’à 1,5 million de salariés supplémentaires pourront profiter d’un tel dispositif.
Les travaux de la mission d’information et la conclusion de cet accord sur le partage de la valeur permettront à la représentation nationale de s’emparer de ce sujet essentiel pour améliorer le pouvoir d’achat, première préoccupation des Français, pour instaurer une répartition plus équitable des bénéfices et pour introduire plus de justice entre les entreprises.
Dans les semaines à venir, l’accord du 10 février 2023 sera transcrit dans la loi et fournira l’occasion de réconcilier démocratie participative et démocratie parlementaire. Il était donc indispensable que nous rendions nos conclusions au préalable. La loi sur le partage de la valeur s’inscrira dans la continuité de ce que nous avons fait pendant six ans, c’est-à-dire agir pour améliorer le pouvoir d’achat. Il est de notre responsabilité collective que, demain, le travail paye mieux et que nous puissions transcrire cet accord. J’espère qu’il permettra de nourrir un débat constructif en commission et dans l’hémicycle, qui pourra aboutir à des mesures concrètes pour nos compatriotes.
La transcription de l’ANI dans la loi ouvrira de nouveaux droits pour les salariés. D’abord, les entreprises de 11 à 49 salariés auront désormais une obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur lorsqu’elles réalisent un bénéfice supérieur ou égal à 1 % du chiffre d’affaires au cours des trois années précédentes. C’est historique et je salue l’effort des fédérations pour aboutir à cette solution.
D’un commun accord avec ma co-rapporteure, nous souhaitons que cette obligation prenne effet dès le 1er janvier 2024, alors que l’ANI prévoyait sur ce point une entrée en vigueur au 1er janvier 2025. De plus, nous souhaitons que les salariés du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui ne génèrent pas de bénéfices par définition, puissent être plus largement bénéficiaires de ces dispositifs, en particulier sur l’intéressement. Nous voulons également qu’il en soit de même pour les fonctionnaires et les agents publics qui, s’ils peuvent bénéficier de ces dispositifs, notamment une prime de performance collective, sont assez peu touchés jusqu’à présent.
Par ailleurs, je suis personnellement favorable à ce que la PPV soit prolongée pour les entreprises de moins de 50 salariés et assouplie pour les entreprises de moins de 11 salariés, sans condition d’ancienneté et de temps de présence dans l’entreprise. La prime de partage sur la valeur est plébiscitée par les petites entreprises car elle est lisible et facile à mettre en place, bien qu’il existe des effets de substitution avec l’augmentation des salaires. Mais il faut rappeler que les très petites entreprises (TPE) et les PME ont moins de visibilité à moyen et long terme sur le résultat qu’elles vont réaliser.
Afin de soutenir davantage le pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes, je souhaite également que nous permettions le déblocage d’une épargne salariale dans un plafond de 1 000 euros par an pour les salariés dont le revenu fiscal est inférieur à trois fois le salaire minimum de croissance (Smic).
Nous sommes conscients que ces dispositifs ne résoudront sans doute pas la question des salaires, ni ne répondront à la question de la substitution à l’augmentation des salaires. Cependant, cet accord et les ajustements que nous proposons permettront demain l’accès à ces dispositifs pour des centaines de milliers de Français, voire des millions. Il faut s’en saisir, bien au-delà de nos rangs.
Chers collègues, nous devons collectivement répondre à cette ambition politique forte : instaurer un meilleur partage de la valeur et un meilleur partage des bénéfices en France. Ce sont des questions de justice et d’intérêt général. Je suis persuadé que malgré nos divergences, nous saurons nous montrer à la hauteur de cet enjeu majeur pour le pouvoir d’achat des Français, au-delà des clivages politiques et sur tous les bancs.
Mme Eva Sas, rapporteure de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise. Merci monsieur le président. Je tiens tout d’abord à rappeler la divergence que j’ai eue avec mon co-rapporteur sur le périmètre de la mission. En effet, son champ est restreint aux dispositifs d’intéressement, de participation, d’épargne salariale et à la PPV, alors même que le premier instrument de partage de la valeur demeure l’augmentation des salaires. La prime dite « de partage de la valeur », elle, n’est qu’une prime de pouvoir d’achat habilement rebaptisée, qui ne permet pas d’améliorer durablement le partage de la valeur entre capital et travail.
L’un des constats de la mission est que ce partage est stable depuis 1990. Toutefois, d’une part il s’est stabilisé à un niveau inférieur de 6,8 points à la période 1970-1985, et de 3,4 points à la période 1949-1969 ; d’autre part ces chiffres sont faussés par l’optimisation fiscale croissante, qui déplace de la valeur ajoutée vers des pays à fiscalité plus favorable, notamment par le biais des prix de transfert, diminuant ainsi artificiellement la part du capital dans la valeur ajoutée. Les travaux du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) ont ainsi mis en évidence que les profits non déclarés en France atteignaient 36 milliards d’euros en 2015, soit 1,6 % du produit intérieur brut (PIB). Ce montant a ainsi été multiplié par trois par rapport au début des années 2000.
Sur les dispositifs en eux-mêmes, les travaux de la mission d’information permettent de mettre en lumière la nécessité d’apporter certaines améliorations. D’abord, concernant la PPV, il convient de souligner son effet de substitution à l’augmentation des salaires, évalué à 30 % par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), cette estimation étant convergente avec les études antérieures portant sur la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa).
C’est pourquoi il apparaît opportun, au minimum, de séparer les temps de négociations obligatoires dans l’entreprise, entre celles consacrées aux salaires, d’une part, et celles sur les dispositifs de partage de la valeur, d’autre part, afin de garantir, comme le rappelle l’ANI, le principe de non-substitution. Mais surtout, il apparaît essentiel, dans la période actuelle, de soutenir la dynamique salariale par l’augmentation du Smic et la conditionnalité des aides aux entreprises, plutôt que de la freiner, en soutenant des primes ponctuelles.
Il faut de plus noter que les autres dispositifs de partage de la valeur souffrent de la concurrence, voire de la cannibalisation de la PPV, très simple à mettre en œuvre, mais qui n’est pas un dispositif négocié permettant de partager des objectifs collectifs.
La participation, quant à elle, est minorée par la structuration juridique des groupes, concentrant les résultats dans les holdings au détriment des centres de coûts, et donc de leurs salariés, et plus encore quand les groupes mettent en œuvre des schémas d’optimisation fiscale, voire de fraude fiscale. Dans ce dernier cas, certains verrous juridiques empêchent les salariés de récupérer leur juste prime de participation, même quand la fraude fiscale est avérée.
Il convient donc d’abord de calculer la participation au niveau des groupes pour permettre aux salariés de bénéficier d’un partage équitable des résultats, et surtout d’abroger l’article L. 3326-1 du code du travail, pour permettre un recalcul de la participation en cas de redressement fiscal des entreprises.
Il paraît également pertinent de reprendre la formule de participation issue des débats du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (Copiesas), soit 10 % du résultat comptable, pour la rendre plus juste et plus lisible.
Les travaux de la mission ont par ailleurs mis en évidence que les dispositifs de partage de la valeur ont à ce jour un effet redistributif dans l’entreprise, mais anti-redistributif dans la société, car ils profitent plus aux salariés des grands groupes, qui sont déjà ceux qui sont les mieux rémunérés. Ainsi, à peine 3 % des entreprises de 10 à 49 salariés ont distribué des primes de participation en 2019, contre 51 % de celles ayant plus de 1 000 salariés. L’enjeu est donc bien l’accès des salariés des entreprises de moins de 50 salariés aux dispositifs d’intéressement et de participation.
L’ANI a souhaité répondre à ce besoin, en rendant obligatoire un dispositif de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 49 salariés si l’entreprise réalise un bénéfice supérieur ou égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives. Cependant, l’inclusion de la PPV dans les dispositifs à mettre en œuvre en limite singulièrement la portée, d’autant plus que celle-ci se substitue, en partie, à des augmentations des salaires. Il convient donc de privilégier les dispositifs de participation et d’intéressement à la PPV dans les entreprises de moins de 50 salariés. De plus, la mise en place de cette obligation sera tardive, n’engendrant pas de distribution effective avant 2025. Enfin, aucune obligation quantitative n’est imposée par cet article : si nous traduisions tel quel l’ANI, il pourrait se traduire par la distribution aux salariés des entreprises de 11 à 49 salariés d’une PPV d’un montant d’un euro en 2025.
L’ANI comprend également des dispositions en cas de résultats exceptionnels de l’entreprise. On notera néanmoins que la mise en œuvre de ces dispositions reste très incertaine, la définition des résultats exceptionnels étant renvoyée à l’appréciation de l’employeur. En l’état, la disposition pourrait de plus ne concerner que les salariés de certaines entités des grands groupes, négligeant les sous-traitants et l’ensemble de la chaîne de valeur et accentuant encore le phénomène d’un salariat à deux vitesses. Il y aura donc nécessité de définir plus précisément la notion de résultats exceptionnels et d’étendre la redistribution qui en découle à l’ensemble de la chaîne de valeur, via un fonds dédié à l’intéressement des TPE-PME ou une redistribution aux salariés des sous-traitants.
Enfin, il paraît utile de consolider la transparence de la gestion de l’épargne salariale et son utilisation en accord avec les limites environnementales. En ce sens, il conviendra de renforcer les incitations à l’investissement responsable, et d’améliorer l’information des épargnants.
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Information relative à la commission
La commission a désigné M. Christophe Plassard, rapporteur pour avis sur les articles 1er à 10 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033).
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 12 avril 2023 à 8 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Sébastien Jumel, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Sylvain Maillard, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Sophie Mette, M. Yannick Monnet, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Ersilia Soudais
Assistaient également à la réunion. - M. Dominique Potier, M. Jean-Luc Warsmann