Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Commission d’évaluation des politiques publiques relative à la mission Cohésion des territoires 2
Discussion unique sur l’exécution budgétaire (M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement) 2
- mission Cohésion des territoires : M. François Jolivet, rapporteur spécial Logement et hébergement d’urgence ; M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial Politique des territoires 2
Discussion sur la thématique d’évaluation Les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’ANAH 24
- Les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’ANAH (M. François Jolivet, rapporteur spécial
– présences en réunion...........................34
Mardi
16 mai 2023
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 73
session ordinaire de 2022-2023
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, procède à l’audition de M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement.
M. le président Éric Coquerel. Nous sommes réunis pour la commission d’évaluation des politiques publiques (CEPP) relative à la mission Cohésion des territoires.
Je remercie M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, d’être présent parmi nous.
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Cette réunion, consacrée à l’exécution budgétaire de la mission Cohésion des territoires, est l’occasion de prendre du recul et de faire le bilan de l’année 2022. Celle-ci a été marquée par la crise géopolitique liée à la guerre en Ukraine, par la hausse des coûts de l’énergie et, plus largement, par un retour important de l’inflation.
Ce fut une année de transition, avec la fin du déploiement du plan France relance, la dernière année du quinquennat et le changement d’exécutif ; ce fut aussi une année de continuité, car certaines priorités sont restées inchangées, notamment celles consistant à protéger les plus fragiles, à favoriser l’émancipation des habitants des quartiers populaires et, plus généralement, à loger tous les Français, à chaque étape de leur parcours résidentiel, en construisant tous types de logement, là où sont les besoins, et en rénovant le parc pour l’adapter aux transitions écologique et démographique.
En ce qui concerne l’hébergement et la protection des plus fragiles, financés par le programme 177, la lutte que mène l’État contre le sans-abrisme connaît des résultats tangibles depuis 2017 : grâce à la rupture qu’a constituée l’introduction du principe du « logement d’abord » dans la conduite de cette politique publique, plus de 440 000 personnes sans domicile ont accédé à un logement. Je souhaite que nous amplifiions ce résultat à travers un plan « logement d’abord 2 », que je présenterai dans quelques mois. Nous nous inscrivons dans la continuité de la dynamique engagée avec le premier plan : 27 millions d’euros supplémentaires ont été consacrés à la création de places en pensions de famille et en intermédiation locative.
Pour accompagner ces changements de grande ampleur, le pilotage stratégique et budgétaire de cette politique publique a évolué en 2022 : la gouvernance centrale est désormais unifiée autour de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), responsable du programme 177, et le service public de la rue au logement a été lancé. Comme l’a fait la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire, je salue l’effort de pilotage budgétaire entrepris par la Dihal. Cet effort se poursuit, dans un objectif de performance sociale.
L’année 2022 a ainsi été marquée par l’engagement de transformations structurelles. De nouveaux outils de suivi et de pilotage ont été déployés, de manière à mieux maîtriser l’exécution du programme et anticiper les besoins. La détermination de cibles du parc d’hébergement, assortie d’une visibilité plus précoce s’agissant des crédits disponibles pour chaque région, a permis d’optimiser la gestion. En particulier, il n’y a pas eu d’ouvertures de crédits en fin de gestion et les chiffres retracent une baisse du coût unitaire par place entre 2021 et 2022, sans que la qualité de l’accompagnement faiblisse.
Au total, 200 000 places d’hébergement ont été maintenues ouvertes durant l’année, dans la continuité de l’effort accompli pendant la crise du covid.
Pour en finir à propos de ce volet, il convient de rappeler les 104 millions de crédits consacrés à la revalorisation salariale des travailleurs sociaux et les 100 millions destinés à l’accueil des réfugiés ukrainiens.
Le programme 109, ensuite, finance pour sa part les aides accordées directement ou indirectement aux personnes rencontrant des difficultés pour accéder à un logement décent ou à s’y maintenir durablement.
En 2022, le programme a consacré 13,1 milliards d’euros de crédits budgétaires à cette politique publique, sur les 15,7 milliards qui constituent l’ensemble des aides personnelles au logement, soit 83 %. Une participation des employeurs en faveur de l’accès et du maintien dans leur logement des ménages complète le financement de l’État.
Le programme 109 a connu une année de relative stabilité. Après un quinquennat marqué par la réforme du calcul des aides personnelles au logement (APL), désormais effectué en temps réel, le dispositif est sécurisé. Une revalorisation anticipée de 3,5 % est intervenue durant l’été, parallèlement au plafonnement de la hausse des loyers, grâce à la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, que vous avez votée en août 2022. Les APL sont un outil puissant de protection du pouvoir d’achat des ménages, en complément des mesures portant sur les factures d’énergie.
En 2022, des crédits ont été ouverts pour permettre l’application de mesures nouvelles bénéficiant en particulier aux territoires d’outre-mer : d’une part, l’élargissement des allocations logement à Saint-Pierre-et-Miquelon, prévu par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan), et, d’autre part, le conventionnement des logements-foyers, dans les départements d’outre-mer, pour le versement de l’aide personnalisée au logement, prévu dans la loi de finances pour 2022. La stabilité de ces dispositifs est confortée en 2023.
De manière plus prospective, les travaux en cours relatifs à la solidarité à la source pourront être un levier de simplification et de justice sociale.
S’agissant, enfin, du développement et de la qualité de l’offre de logement, le programme 135 permet de mettre en œuvre les aides à la pierre, lesquelles sont très majoritairement orientées vers le financement des logements sociaux et les ménages les plus modestes à travers le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI). Le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) est destiné à financer le logement social. Au-delà des dispositifs financiers, tous les leviers doivent être utilisés. Les maires, en particulier, peuvent jouer un rôle central, notamment grâce à la compensation intégrale par l’État, pendant les dix premières années, de l’exonération de taxe foncière pour les logements sociaux agréés. Cette mesure s’appliquera aux programmes agréés jusqu’en 2026.
En 2022, la production sociale a progressé de 5 % par rapport à l’année précédente. Au total, 109 751 logements locatifs sociaux ont été agréés : 95 679 au titre du financement par le Fnap, 3 639 outre-mer et 10 433 au titre de la reconstitution de l’offre dans le cadre de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). La production de logements sociaux a donc bel et bien connu une hausse, même si elle est restée insuffisante.
L’aide à la relance de la construction durable a permis de verser, pour l’année 2022, dans le cadre d’un contrat signé avec les préfets, environ 130 millions à près de 500 communes situées dans les zones tendues et ayant dépassé les objectifs d’autorisation de logements. Grâce à elle, la production de logements dans les communes volontaires et dans les territoires en ayant le plus besoin a été accompagnée significativement. Dans le même temps, le dispositif a participé à la lutte contre l’artificialisation des sols. En effet, il favorise l’intensification urbaine grâce à la sélection d’opérations répondant à des critères de densité. Son succès montre qu’il est possible de construire plus en zones tendues, tout en restant en cohérence avec les objectifs en matière d’écologie. Nous poursuivrons donc la réflexion sur les suites qu’il convient de lui donner.
Le prêt à taux zéro (PTZ) a retrouvé de l’intérêt en cette période de taux élevés et dans le cadre de la dernière année du Pinel, avant le verdissement du dispositif.
Il faut construire plus, c’est un fait, mais il faut également rénover plus. C’est vrai, en particulier, dans le parc social. À cet égard, l’enveloppe dédiée à la relance a permis de financer la rénovation de 50 800 logements sociaux en 2021 et 2022. Nous poursuivons le mouvement cette année avec les 200 millions inscrits au Fnap, qui incluent une enveloppe octroyée à un dispositif expérimental visant à favoriser la seconde vie des logements.
Il faut également rénover plus dans le parc privé. Des moyens inédits ont été consacrés à cet objectif depuis 2020, et 1,5 million de chantiers ont été lancés – nous y reviendrons dans la seconde partie de la réunion.
Les efforts de l’État en matière de logement portent également sur la réhabilitation des logements – privés ou non –, en particulier pour lutter contre l’habitat indigne et dégradé. En 2022, 7 millions de crédits complémentaires ont été mobilisés afin d’améliorer les résultats en matière de lutte contre l’habitat indigne dans les six territoires d’accélération, à savoir la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, l’Essonne, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Nord.
Je terminerai en évoquant le programme 147 Politique de la ville, auquel des moyens inédits ont été consacrés, dans la continuité des efforts consentis durant le quinquennat. Les crédits ont été consommés en totalité. Des crédits complémentaires ont même été prévus pour le dispositif Quartiers d’été – lequel, par ailleurs, a été pérennisé cette année.
En outre, les contrats de ville ont bénéficié de 370,4 millions. Ce sera le socle des futurs contrats de ville « Engagements quartiers 2030 », qui constitueront le cadre de l’ambition du Président de la République pour les quartiers populaires.
Enfin, 15 millions ont été versés à l’Anru. Le chiffre peut paraître faible, mais il s’explique par le fait que le niveau de la trésorerie de l’Anru était encore élevé fin 2022. Pour autant, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) se déploie. Tous les projets ont été validés et ils sont quasiment tous en chantier. Les paiements s’accélèrent et, en 2022, la barre du million d’euros versés par l’Anru a été franchie. L’État accompagne cette dynamique à hauteur de 50 millions dès 2024, car les décaissements s’accéléreront au même rythme que les projets, ce dont nous devons tous nous réjouir.
Dans un contexte de transition et de poursuite des travaux engagés, l’exécution budgétaire a permis de répondre aux grands enjeux. Il faut être vigilant aux dépenses, mais, en tout état de cause, nous ne dépensons pas trop pour le logement et pour les quartiers populaires. C’est d’autant plus vrai au regard des enjeux importants auxquels nous serons confrontés au cours des prochains mois et des prochaines années.
M. François Jolivet, rapporteur spécial (Logement et hébergement d’urgence). J’ai l’honneur de commenter l’exécution budgétaire pour l’année 2022 des programmes 109, 135 et 177.
Je commencerai par les aides personnelles au logement, relevant du programme 109. L’année 2022 a été la deuxième année de mise en œuvre de la contemporanéisation du calcul des aides. Cette mesure avait été très contestée. Or le montant des aides personnelles versées en 2022 à l’ensemble des bénéficiaires s’élève à 15,721 milliards d’euros. Il n’y a donc pas eu d’effondrement. Certes, le montant des aides versées aux bénéficiaires a légèrement diminué par rapport à 2021 – de près de 270 millions –, mais cela signifie que la santé économique des ménages qui percevaient cette manne s’est améliorée ; ceux dont les revenus ont baissé ont, quant à eux, touché davantage au titre de ces aides grâce à la règle de la contemporanéité. Du reste, en dehors de certaines difficultés de fonctionnement de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) au cours des deux premiers trimestres, il n’y a pas eu de difficultés majeures. La réforme a permis à l’ensemble des familles de bénéficier des aides au logement en fonction de la réalité de leur vie, annualisées sur les douze derniers mois et recalculées chaque trimestre. À en juger d’après les échos qui me sont parvenus, l’accueil est plutôt bon désormais, même de la part des représentants des locataires.
Au titre du programme 177, 2,885 milliards ont été dépensés en 2022. Cela me permet de dire que la véritable montée en puissance du plan « logement d’abord » a eu lieu durant cet exercice. On ne peut pas ne pas remercier l’ensemble du personnel de la Dihal et surtout ses partenaires, qui ont modifié en profondeur leurs pratiques professionnelles afin d’accompagner les demandeurs. L’objectif était de construire un véritable service public permettant à ces derniers de passer directement de la rue à un logement, sans devoir traverser la phase de l’hébergement dans un centre, qui est difficile pour les familles. Qui plus est, cette stratégie a permis de dégager des marges de manœuvre et de maintenir un nombre de places ouvertes plus élevé que prévu : 201 000 places étaient ouvertes au 31 décembre 2022, alors que l’objectif était de 193 000.
Lors de la discussion du projet de loi de finances, une crainte avait été exprimée : la baisse annoncée des financements accordés pour les places d’hébergement risquait de conduire à une situation sociale critique. Nous avons été rattrapés par le principe de réalité. La loi de finances de 2018 prévoyait 1 milliard pour l’hébergement d’urgence ; le montant est désormais de près de 3 milliards aujourd’hui.
En outre, le programme 177 a dû être utilisé pour faire face à l’arrivée des réfugiés Ukrainiens. Les crédits ont donc été augmentés de 234 millions d’euros lors de la seconde loi de finances rectificative de 2022 dont près de 100 millions d’euros ont été fléchés vers l’accueil des Ukrainiens. Ainsi, nous avons été au plus près des besoins des territoires et de ceux des personnes arrivées en France les plus démunies.
Le programme 135 a été exécuté à hauteur de 890 millions. Comme l’ensemble des membres de la commission, je suis déçu par le nombre d’agréments : 95 000 environ ont été donnés hors ANRU et Outre-mer. L’objectif visé était 125 000. La production de logement social est donc en deçà de la cible. On observe une diminution de 10 % du nombre d’agréments délivrés. De plus, les conséquences du covid se font sans doute sentir. En effet, le temps du logement est un temps long : les bâtiments sortent de terre trois ans après que les programmes ont reçu l’agrément. En l’occurrence, les dossiers de certains projets dans des zones d’aménagement concerté (ZAC) n’ont pas pu être déposés à temps, ce qui a entraîné des retards dans leur instruction.
À cela s’ajoute une appétence plus faible de certains territoires envers le logement social. Les majorités issues des dernières élections, notamment dans de très grandes métropoles, ont inventé une nouvelle pratique : on demande aux organismes ayant déposé des permis de construire de les retirer. L’importance de la nature et la volonté d’envisager autrement le mode urbain expliquent sans doute cette évolution. Quoi qu’il en soit, certaines ZAC sont dédiées à d’autres enjeux que la construction de logements après avoir été remises en question par des maires.
La production est estimée à 376 000 mises en chantier soit un niveau sensiblement inférieur au nombre de permis de construire délivrés, estimé à 482 000, et aux objectifs initiaux . Cela dit, certains experts estiment que, pour satisfaire la demande, il faudrait produire environ 395 000 logements. Nous ne sommes pas si éloignés de ce chiffre.
Pour conclure, je voudrais insister sur l’importance de décentraliser les compétences en matière de logement et d’hébergement. En effet, les maires et les présidents d’intercommunalité maîtrisent les schémas de cohérence territoriale (Scot), les programmes locaux de l’habitat (PLH) ou encore les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI), c’est-à-dire tous les documents programmatiques. Ce sont eux qui signent les permis de construire et qui édifient les ZAC. Si, selon les termes de la loi d’orientation pour la ville, c’est le ministre chargé de cette question qui met en œuvre la politique du logement, il s’avère qu’il ne fait que constater ce que les territoires font d’une compétence qu’ils n’exercent pas.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial (Politique des territoires). Il m’appartient de m’exprimer sur l’exécution des programmes 112, 147 et 162 qui sont de l’ordre de 1,26 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,02 milliard en crédits de paiement.
Seul le programme 147 dépend de votre périmètre, monsieur le ministre délégué : le programme 112 est géré par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le programme 162 par le ministérieur de l’intérieur dans un cadre interministériel.
Au-delà du débat sur le niveau de financement des politiques publiques relatives à l’aménagement du territoire, l’exécution 2022 amène des remarques – voire des critiques – qui figurent dans la note que je vous ai fait parvenir.
En ce qui concerne le programme 112, doté de 383 millions en autorisations d’engagement et de 338 millions en crédits de paiement en 2022, on remarque des mouvements de crédits étonnants et une utilisation inadaptée du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT).
D’abord, on constate des transferts de crédits en provenance du plan de relance. Je pense notamment aux crédits des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plan interrégionaux État-région (CPIER), qui n’avaient rien à faire dans le plan de relance puisqu’ils correspondent au niveau annuel des autorisations d’engagement nécessaires pour l’ensemble de la durée des CPER, soit 2021-2027. Placer ces crédits dans le plan de relance relevait donc du pur affichage politique.
Ensuite, comment expliquer certaines annulations de crédits de paiement par la loi de règlement, alors qu’elles correspondent à des transferts en gestion ?
Par ailleurs, le respect du principe d’annualité budgétaire n’est clairement pas la priorité du Gouvernement : des crédits ont été votés dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2022 (LFR2) pour des dépenses prévues en 2023. Il s’agissait, notamment, d’augmenter la dotation des maisons France Services, de manière à faire passer le financement pour chaque structure de 15 000 à 20 000 euros, pour un montant total de 15,6 millions d’euros. En soi, cette décision était tout à fait bienvenue – d’ailleurs, nous avions demandé la même chose lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, ce qui avait été refusé. Comment expliquer que cette augmentation apparaisse en LFR au Sénat ? D’ailleurs, pas un centime de cette enveloppe n’a été consommé en 2022.
Enfin, l’utilisation du FNADT a été sévèrement critiquée par la Cour des comptes. Ce dispositif, à la main des préfets, est utile et souple, mais il ne doit pas devenir le véhicule des décisions discrétionnaires du Gouvernement. Il faut, à tout le moins, que l’on puisse justifier le choix de passer par le FNADT pour réaliser tel ou tel contournement autoroutier, l’achat d’une « maison de la créativité » ou encore le financement d’un centre de formation. Ces dépenses, sans doute utiles, n’ont pas de lien direct avec le programme 112.
L’exécution du programme 147 Politique de la ville, qui s’élève à plus de 550 millions, est davantage conforme à l’autorisation budgétaire du Parlement. Elle appelle tout de même quelques remarques.
D’abord, il est des exécutions conformes aux prévisions qui n’en sont pas moins inquiétantes. C’est le cas de la subvention à l’Anru, qui est inférieure à 15 millions d’euros, alors que le rythme des chantiers s’accélère. Le niveau de la trésorerie de l’établissement permet de voir venir, mais la haie à franchir sera très haute dans les années à venir, alors que l’on entend parler de plus en plus d’austérité budgétaire et que l’objectif pour l’État est d’atteindre 1,2 milliard sur l’ensemble de la durée du programme.
Ensuite, les dépenses en faveur des cités éducatives sont inférieures de 10 millions aux prévisions de la loi de finances initiale. Pouvez-vous nous assurer que cette expérimentation, qui est positive – nous avions d’ailleurs demandé qu’elle soit élargie –, demeure une priorité de votre ministère ?
En outre, quand le Gouvernement prétend financer 6 514 postes d’adultes-relais alors que l’enveloppe disponible permet seulement d’assurer la rémunération à hauteur de 4 600 postes occupés à plein temps, il y a, là encore, une forme d’affichage politique.
Enfin, sur les 552 millions d’euros consommés par le programme 147, 370 millions ont été fléchés vers les contrats de ville. Qu’en est-il de la future génération de contrats ? Comment seront-ils construits ? Quel est le niveau de financement prévu ?
L’exécution du programme 162 en 2022 fait apparaître 328 millions d’euros en autorisations d’engagement et 138 millions en crédits de paiement. Force est de constater que les événements marquants survenus au cours de l’année n’ont eu aucune conséquence sur l’exécution. Ainsi, alors que l’État a été condamné par le tribunal administratif de Paris, le 24 juin 2022, pour ses négligences dans l’affaire du chlordécone, le plan « chlordécone » est sous-exécuté. Cela n’est pas normal. De même, des arrêtés préfectoraux ont été pris en Bretagne, en juin 2022, en réponse à l’injonction adressée à l’État par le tribunal de Rennes concernant la lutte contre les algues vertes. Quelle a été la traduction budgétaire pour accompagner les agriculteurs dans le changement de leurs pratiques et mieux contrôler les rejets azotés ? Il n’y en a eu aucune. Même la Cour des comptes, pourtant prudente dans ses notes d’exécution budgétaire, ne peut que constater cette atonie du pouvoir central. Il y a urgence à agir.
M. Bastien Marchive, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Premier poste de dépenses des Français, le logement est aussi l’une de leurs préoccupations principales, particulièrement en ce moment – et à juste titre car les difficultés s’accumulent, entre la hausse des coûts de construction et celle des taux d’intérêt, qui affectent les prix de l’immobilier et brident l’accès à la propriété.
Le logement fait également face à des mutations plus profondes, comme le phénomène de décohabitation, le déclin de la construction et le développement des locations touristiques. À certains égards, la fiscalité doit également être adaptée pour tenir compte des défis actuels.
Les aspirations environnementales que représentent la lutte contre l’artificialisation des sols et la rénovation énergétique doivent elles aussi être prises en compte. En ce qui concerne ce dernier point, le budget 2023 aura été marqué par une forte accélération : des moyens sans précédent ont été accordés à cet objectif, à hauteur de 2,8 milliards d’euros. Pour autant, les défis restent nombreux. Le temps m’étant compté, je me contenterai d’en évoquer trois.
D’abord, les passoires thermiques vont progressivement être interdites à la location. C’est une bonne chose, mais cela se fera sur la base de diagnostics dont la fiabilité est souvent remise en cause.
Ensuite, les copropriétés constituent une part importante du logement et sont probablement appelées à se développer avec la raréfaction foncière et les objectifs de densification que nous nous sommes fixés. Pourtant, leur gouvernance est régulièrement un frein au lancement des grands projets de rénovation.
Enfin, nous sommes confrontés à un défi fiscal. L’enjeu est, d’une part, de dissuader la rétention foncière – ce sera là l’un des enjeux majeurs de la construction de logements dans les années à venir – et, d’autre part, de rééquilibrer l’offre entre les locations de longue durée et les locations de tourisme.
Entre facteurs exogènes contextuels et mutations profondes à l’heure de la transition environnementale, le budget 2024 consacré au logement sera l’occasion d’affirmer des ambitions structurantes. Elles devront être affirmées collectivement, avec l’ensemble des acteurs du secteur. Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre délégué, de bien vouloir nous présenter de premiers éléments à ce propos.
M. le président Éric Coquerel. Je ne pratiquerai pas la langue de bois, monsieur le ministre délégué, pour vous interpeller à la fois sur l’exécution des crédits de la mission et, plus globalement, sur le budget et la situation du logement.
En théorie, la mission Cohésion des territoires devait être discutée au début de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023. Si son examen n’avait pas été déprogrammé à cause du 49.3, elle n’aurait vraisemblablement pas été adoptée par l’Assemblée. Certes, nous ne saurons jamais ce qui serait advenu, mais je pense qu’une majorité des députés considérait que la situation du logement posait problème et que le projet de budget n’était pas de nature à le résoudre.
Quelques mois après, où en sommes-nous ? Les professionnels du secteur, parmi lesquels figure la Fédération française du bâtiment, parlent d’une « bombe économique, sociale et sociétale ». Tous les chiffres sont catastrophiques. Jamais le nombre de logements sociaux dont la construction est prévue n’a été aussi faible. La Fédération française du bâtiment explique que nous sommes revenus, en matière de réservations dans le neuf, en dessous des chiffres de 2020, c’est-à-dire moins de 20 000 au premier trimestre de 2023.
Les augmentations de charges atteignent des niveaux insoutenables du fait de l’absence de réglementation des prix pour les bailleurs sociaux. D’une manière générale, les prix du logement sont trop élevés. Pour nombre de nos concitoyens, trouver un logement, tout simplement, est devenu difficile.
Telle est la situation. Voilà pourquoi je considère qu’il s’agit d’un des principaux défis pour les prochaines années. Or, lors d’un débat organisé par le Haut Conseil des finances publiques auquel je participais, Gabriel Attal, qui ouvrait la rencontre, interrogé sur les ministères qui pourraient être appelés à faire des économies dans le cadre du plan de stabilité, a évoqué celui du logement. Cela accroît encore mes inquiétudes, d’autant que je suis député de la Seine-Saint-Denis. La question du logement est le problème numéro un pour nos concitoyens. Je souhaiterais donc, sinon que vous me rassuriez, au moins que vous me donniez quelques motifs d’espoir.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Pour ma part, je salue la progression des programmes de la mission Cohésion des territoires, notamment en ce qui concerne les politiques publiques du logement et de l’hébergement d’urgence : en 2022, les crédits exécutés s’élèvent à 16,9 milliards d’euros en CP, soit une hausse de 3,6 % par rapport à 2021. L’exécution de ces crédits traduit notamment le financement de l’accueil des réfugiés ukrainiens – qui a été mis en œuvre très rapidement, a été massif et salué par tous –, ainsi que les mesures de revalorisation du Ségur social et des opérations de mise à l’abri en Île-de-France.
Je tiens à évoquer plus spécifiquement le programme 109 Aide à l’accès au logement, qui correspond au financement des APL. Notre majorité a voté en cours d’année la revalorisation exceptionnelle des APL de 3,5 % le 1er juillet, ce qui a représenté un coût supplémentaire de 169 millions. Pourtant, grâce à la baisse du chômage, cette hausse a été supportée à budget constant. Je vois là une illustration de notre politique économique et sociale : en visant le plein emploi, nous encourageons l’émancipation tout en assainissant les finances publiques. Le coût global des aides au logement a représenté, en 2022, environ 16 milliards d’euros.
Ma question porte sur l’hébergement et le parcours vers le logement. En la matière aussi, notre majorité enregistre quelques résultats encourageants : le nombre de places d’hébergement d’urgence n’a jamais été aussi élevé – plus de 200 000 sont ouvertes chaque soir. Parallèlement, en quatre ans, grâce au plan « logement d’abord », 440 000 personnes ont quitté la rue de façon pérenne. Il convient de souligner l’effort de pilotage budgétaire entrepris par la Dihal pour le programme 177. Les résultats ont été salués par la Cour des comptes. Quel bilan faites-vous de votre lutte contre l’extrême pauvreté et en matière d’accès au logement ? Pensez-vous poursuivre en 2023 ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. La contemporanéisation des APL a eu un effet positif. Malgré les interrogations qu’elle a pu susciter, cette méthode est la bonne – si la première année pouvait présenter des risques, elle s’est plutôt bien déroulée. La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat l’a complétée d’une augmentation de 3,5 % des APL. Elle continuera à être un élément important du soutien aux plus modestes.
Grâce au plan « logement d’abord », 440 000 personnes ont quitté la rue pour un logement. Évidemment, cela ne fonctionne pas comme un vase communicant immédiat. C’est pourquoi il a fallu préserver les 200 000 places d’hébergement d’urgence, compte tenu du contexte migratoire et de la fragilité socio-économique actuels. Ce sont presque 6 millions que nous dépensons chaque soir – au total, les crédits du programme 177 représentent 3 milliards, contre 1 milliard les années précédentes.
Vous le savez, le Président de la République et la Première ministre souhaitent présenter dans les prochains mois un plan « logement d’abord 2 », avec une ambition renforcée. Ce plan ne fonctionne que si l’on est capable d’accompagner les plus fragiles avant, pendant et après leur accès au logement.
D’abord, à travers la production de logements qui correspondent aux besoins – résidences sociales, pensions de famille, PLAI. Le Premier ministre Jean Castex avait fixé pour objectif d’avoir au moins une pension de famille dans chaque quartier de gare du Grand Paris. Nous continuons de suivre ce dossier avec la société du Grand Paris et les différents aménageurs pour que cet outil utile que sont les pensions de famille permette d’héberger les plus fragiles.
La décentralisation a été annoncée, dans la feuille de route de la Première ministre et, plusieurs fois, par le Président de la République. Un chantier doit être mené sur ces questions, s’agissant notamment du logement.
L’objectif est de produire davantage là où il y en a le plus besoin. Nous y travaillons avec les associations d’élus, qui sont généralement d’accord avec cet acte de décentralisation, même si les élus d’intercommunalités, de départements ou de métropoles ne partagent pas toujours la même vision.
Nous sommes dans une phase de crise et j’ai été certainement l’un des premiers à parler de « bombe sociale », dans une interview au Parisien, en novembre 2022. Il y a urgence à produire plus et à comprendre les raisons de la baisse de production. S’il y a une responsabilité partagée, comme l’est l’acte éducatif, c’est bien celle du logement.
Nous devons aujourd’hui travailler sur une décentralisation utile car, avant les élections municipales, on a vu des élus locaux refuser certains projets et programmes, en vertu de l’adage, souvent faux, selon lequel un maire bâtisseur est un maire battu. Il en a résulté une baisse de production de logements et les années covid n’ont pas amélioré la situation. Par la suite, certains candidats ont été élus en expliquant qu’ils ne relanceraient pas la production. Plusieurs territoires, notamment quelques grandes métropoles, n’ont pas retrouvé les niveaux de production d’avant les élections municipales, ce qui est fâcheux.
Un travail est donc mené dans le cadre du CNR logement, pour atteindre l’objectif de construire plus là où les besoins sont les plus importants. Je crois en ce travail partenarial : il faut redonner aux maires l’envie de construire. En tant qu’ancien maire, je connais les injonctions paradoxales auxquelles les élus sont soumis. Dans les zones pavillonnaires, par exemple, les pétitions se multiplient lorsque des promoteurs commencent à installer un projet. Mais ceux-là mêmes qui les signent se retrouvent parfois dans d’autres dispositions, s’ils ont l’occasion de vendre leur bien à un bon prix aux promoteurs. C’est un sujet sur lequel il faut progresser.
Je crois que la décentralisation est utile. Sur les politiques, de rénovation thermique notamment, elle pourrait nous aider à aller plus vite dans certains cas, mais cela demande aussi à être travaillé. Je crois à l’idée de donner le pouvoir aux élus locaux dans le cadre des autorités organisatrices de l’habitat (AOH), par une contractualisation gagnant-gagnant. Le chantier est devant nous.
Allouer 15 millions à l’Anru en 2022 était suffisant mais ce n’est pas l’ancien président de l’agence qui contredira Nicolas Sansu sur le besoin d’inscrire 50 millions en 2023. Il faudra continuer : l’État devra tenir son engagement d’allouer 1 milliard de crédits sur toute la durée du nouveau programme national de renouvellement urbain. L’ensemble des programmes de l’Anru ont été examinés en comité d’engagement. Nous sommes dans une phase de réalisation, donc de versements plus élevés, ce que nous devons poursuivre.
Concernant les adultes relais, 5 000 postes en rotation suffisent, compte tenu du temps, souvent long, de recrutement, ainsi que des entrées et des départs. Dans le cadre du plan Quartiers 2030 et des bataillons de prévention, nous avons engagé une réflexion sur les contraintes, parfois fortes, liées à ces postes. Le niveau d’études ou l’âge des candidats ne convenant pas toujours, nous réfléchissons à élargir les critères d’éligibilité pour les adultes relais.
J’ai annoncé que le dispositif des cités éducatives était prolongé pour trois années supplémentaires. C’est un dispositif auquel nous croyons. Nous devons veiller à ce qu’il ne devienne pas un tiroir-caisse supplémentaire de la politique de la ville. Il doit conserver son ambition, celle de sortir des silos pour faire travailler ensemble tous les acteurs éducatifs – éducation nationale, collectivités territoriales, associations.
Le chantier des futurs contrats de ville est en route. Pour mener à bien cet engagement pour 2030, j’ai confié à Mohamed Mechmache une mission sur la participation des habitants dans la construction des contrats de ville. Je n’ai aucun doute sur le fait que ces contrats doivent se construire à l’échelle des quartiers, non à Paris, quelles que soient les compétences qui s’y trouvent. On a trop souvent connu une politique de la ville définie en trois, quatre ou cinq piliers, qu’il fallait satisfaire sans quoi on n’obtenait pas de subvention. Je préfère que chaque ville, chaque territoire se concentre sur sa ou ses priorités et que nous travaillions sur cette base.
Les préfets ont reçu de l’Insee des propositions de zonage fondées sur la loi Lamy de 2014 et prenant en compte les critères de revenus et de population. Ils ont pour consigne de travailler avec souplesse avec les élus des communes et des intercommunalités pour définir le zonage le plus compétent à budget constant. À ce stade, des quartiers entrant dans le dispositif, d’autres en sortant, la population globale paraît s’équilibrer – du moins, nous y travaillons.
J’ai par ailleurs demandé que chaque subvention du nouveau programme national de renouvellement urbain soit vérifiée. De nombreuses grandes associations en bénéficient ; je souhaite aussi, et surtout, aider les petites associations, celles qui agissent au quotidien dans les territoires. Tel est l’objet du travail que je souhaite mener dans chaque territoire.
Outre la capacité à construire plus, il y a plusieurs objectifs à tenir. Avec Éric Lombard et la Caisse des dépôts, nous avons travaillé à un programme de relance et d’accompagnement des projets d’investissement qui sont aujourd’hui à l’arrêt : il concernera 17 000 à 20 000 logements, pour 3,5 milliards environ. Il s’agit d’une action de soutien non à tel ou tel promoteur mais à la production de logements intermédiaires et sociaux afin que, dans des territoires en tension, des projets qui avaient déjà obtenu un permis de construire mais restaient sans acquéreur puissent démarrer rapidement. Les ventes de logements neufs ont en effet diminué de 40 % entre le premier trimestre de 2022 et celui de 2023. C’est la quadrature du cercle, et cela a commencé par une baisse de l’offre. À mon arrivée au Gouvernement, les promoteurs se plaignaient de n’avoir pas assez à vendre car on ne leur avait pas permis de construire assez de projets, à cause des élections municipales et de la crise sanitaire. Aujourd’hui, nous sommes dans une crise de la demande, mais les deux s’autoalimentent car plus les produits à vendre sont rares, moins les demandeurs potentiels ont de possibilités d’acquisition.
Nous devons donc travailler avec la Caisse des dépôts, avec Action logement et avec les banques, ce que nous faisons, avec Bruno Le Maire. Nous demandons à ces dernières d’utiliser toute leur capacité de souplesse, notamment en matière de durée d’endettement, pour limiter les refus de crédits : les dérogations auxquelles elles ont droit pour prêter de l’argent n’atteignent que 13 % à 14 % des prêts, alors que la marge de flexibilité prévue est de 20 %.
Nous travaillons aussi à prolonger le prêt à taux zéro, un dispositif d’autant plus vertueux que nous sommes dans une période de taux élevés. Outre ces mesures d’urgence, il y en aura d’autres sur les problèmes liés au foncier. Il faut travailler sur le bail réel solidaire d’activité et les offices fonciers solidaires pour mieux les accompagner et leur permettre de baisser le prix du foncier.
Sur la question des copropriétés, notamment dégradées, et de l’habitat insalubre, j’ai confié une mission à Mathieu Hanotin et à Michèle Lutz, la maire de Mulhouse, dont les propositions viendront compléter les vôtres pour alimenter un éventuel projet de loi sur l’habitat insalubre.
Enfin, nous travaillons avec le garde des sceaux et le ministère de la justice à assouplir les règles des copropriétés, en respectant la gouvernance et la démocratie en son sein. Cela est nécessaire si l’on veut développer les programmes de réhabilitation, notamment thermique des copropriétés. Il n’est pas possible que les propriétaires-bailleurs qui disposent d’un grand nombre de tantièmes en assemblée générale votent contre certains travaux et bloquent les capacités d’une copropriété à se rénover.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Benoit Mournet (RE). Le budget total de la politique du logement – 38 milliards en incluant 16 milliards de dépenses fiscales – est en progression. Il faut souligner les mesures destinées à préserver le pouvoir d’achat comme le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5 % et le bail réel solidaire, qui permet de baisser le prix du logement en dissociant le foncier du bâti. Si cette politique mérite d’être poursuivie et amplifiée, de telles sommes posent toutefois la question de son efficacité et de son efficience.
Comptez-vous poursuivre les aides à la relance de la construction durable, qui ont déjà permis à 500 communes tendues de créer des logements ? Comment s’assurer qu’elles favorisent majoritairement les résidences principales ? Pouvez-vous expliquer la sous-exécution des crédits sur cette action ?
Nous nous félicitons de l’adoption d’une faculté pour les maires de moduler la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et la taxe sur les logements vacants (TLV) dans la dernière loi de finances. À titre d’exemple, la ville de Cauterets dans les Hautes-Pyrénées est constituée de résidences secondaires à 92 %, et il est très difficile d’y loger les permanents et les saisonniers.
Le décret est en cours, mais il semble prévoir une maille assez serrée : le prix au mètre carré, pris uniformément dans le territoire, ne permettra pas une différenciation assez fine. Il faudrait envisager d’élargir ce zonage à une maille intercommunale.
Mme Mathilde Paris (RN). En 2022, près de 3 milliards de crédits ont été exécutés pour le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, dont 1,5 milliard pour l’hébergement d’urgence. Le Sénat l’a souligné, le programme 177 n’a été que « faiblement mobilisé » pour l’accueil des réfugiés ukrainiens. L’hébergement d’urgence concerne essentiellement des demandeurs d’asile, des étrangers en situation irrégulière ou à droits incomplets.
Dans son rapport de l’exécution budgétaire pour 2022, la Cour des comptes note que les frontières entre ce programme et le programme 303 Asile et immigration, piloté par le ministère de l’intérieur, sont floues, dans la mesure où ce dernier recouvre le même service, c’est-à-dire l’accès à un hébergement ; en partie le même public des réfugiés et des demandeurs d’asile ; et les mêmes associations. La moitié des places d’hébergement du parc généraliste sont occupées par des personnes en situation irrégulière ou à droits incomplets, essentiellement à l’hôtel et dans l’hébergement d’urgence.
Combien de personnes en situation irrégulière sont logées par ce dispositif et pour quel coût ? Comment expliquez-vous la faible mobilisation du programme 177 pour l’accueil des réfugiés ukrainiens ?
M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). La crise du logement représente un « risque de bombe économique, sociale et sociétale » affirment les représentants des six organismes immobiliers dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron ce lundi – et vous aussi, monsieur le ministre puisque vous revendiquez la paternité de cette expression. Tous les indicateurs sont au rouge : les ventes dans le neuf ont reculé de près de 25 % ; sur un an, le nombre de crédits immobiliers octroyés ont baissé de 40 %, selon la Banque de France ; à la fin de mars 2023, le nombre d’autorisations de nouveaux logements délivrés en un an a chuté de 11,5 %.
Selon la note d’exécution relative au programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat, le faible niveau de consommation des crédits du Fonds national des aides à la pierre s’explique par les difficultés rencontrées dans le logement social : seuls 95 679 logements ont été agréés en 2022, un niveau très éloigné des objectifs, qui s’établissaient à 125 000. Je rappelle que, d’après Emmanuelle Cosse, il faudrait construire 150 000 logements sociaux par an, quand nous peinons à en programmer 95 000. À la mi-avril 2023, l’Union sociale pour l’habitat recensait 100 000 demandes de plus en un an ; elle a finalement révisé ses chiffres à 170 000. Le nombre total de ménages en attente d’un logement social s’élève à 2,4 millions. À Marseille, il faut en moyenne huit ans pour obtenir un logement social ; il en faut quatre au niveau national.
Malheureusement, vous ne faites rien pour répondre à cette situation : c’est la faute des élus locaux, du covid, de tout le monde, mais jamais de la vôtre. Pourtant, les conclusions du Conseil national de la refondation ont été reportées d’un mois. Emmanuel Macron parle d’une nouvelle concertation mais les acteurs du secteur ne sont pas dupes. Loïc Cantin, le président de la Fédération nationale de l’immobilier, déclare, lucide : « Nous savons que nous ne serons pas entendus. » Jusqu’à quand continuerez-vous de faire la sourde oreille et d’organiser la crise du logement en France ?
M. Patrick Hetzel (LR). On doit en effet tirer le signal d’alarme : nous sommes nombreux à le dire, la crise du logement qui se profile a tout pour être historique. La Fédération française du bâtiment a annoncé que les mises en chantier de logements étaient en baisse sévère et que les projections pour 2025 étaient catastrophiques. La Cour des comptes estime ainsi que l’État « navigue à vue » en matière de logement. Les ventes de logements neufs ont également chuté, de 31,4 % pour les particuliers et 16,2 % pour les promoteurs.
Nous courons un double risque. D’abord, une baisse de 25 % des mises en chantier de logements neufs risque de supprimer jusqu’à 100 000 emplois, selon certains économistes. Second risque : la baisse entraînera une pénurie de logements. Il pourrait ainsi manquer 850 000 logements à l’horizon de 2030. Les reports liés au Fonds national des aides à la pierre sont élevés. D’où proviennent ces retards ?
Comment lever des dispositifs comme le « zéro artificialisation nette », qui crée une double contrainte pour les territoires ?
Comment comptez-vous construire plus et mieux, et mener une véritable politique, pour arrêter de naviguer à vue ?
Mme Marina Ferrari (Dem). En 2022, pour la deuxième année consécutive, les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour la mission Cohésion des territoires sont en nette hausse – +9 % en autorisations d’engagement (AE) et + 7,8 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances pour 2021 – et ont retrouvé leur niveau de 2018, de 17,3 milliards. Dans le même temps, l’exécution des dépenses a augmenté, de 4 % en AE et CP.
L’année 2022 a été une année d’aboutissement pour le programme 109 qui traite des relations financières entre l’État et le Fnal, chargé d’assurer le versement des aides personnelles au logement. Doté de 13,1 milliards, ce programme a connu une importante vague de réformes, pour la plupart imposées par la loi de programmation des finances publiques de 2018 et dont la mise en œuvre s’est échelonnée jusqu’en 2022. On peut par exemple se féliciter de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité dont le rendement est garanti à hauteur de 1,3 milliard depuis 2020. À la suite d’un accord avec les partenaires du secteur locatif social, cette somme était garantie jusqu’en 2022. Quand sera conclu le nouvel accord, négocié dans le cadre du pacte de confiance avec les bailleurs sociaux ?
Ces négociations se tiennent dans une situation de tension sur le parc social. D’une part, les taux de mobilité sont en baisse sur l’année 2022 et reflètent le caractère captif de ses occupants. D’autre part, le secteur social peine à retrouver les niveaux de production d’avant 2020, ce qui se traduit notamment par des objectifs de logements sociaux agréés en zone tendue qui n’ont pas été atteints en 2022.
Dans ce contexte, la « règle d’or » du Fnap, qui finance les subventions à la construction de logements sociaux, était encore en vigueur en 2022. Cela a malheureusement conduit à ouvrir un niveau de CP décorrélé des besoins réels, qui est à l’origine de l’augmentation d’année en année des reports de crédits de paiement non consommés sur le programme 135. Les règles de gestion financière du Fnap ont été mises à jour en février 2023, mais cela ne devrait pas résoudre le problème structurel de production de logement social rencontré par les bailleurs sociaux. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour produire des logements sociaux et les rénover ?
M. Inaki Echaniz (SOC). L’exécution budgétaire n’est ni suffisante ni satisfaisante pour répondre à la crise du logement. Les sujets sont pourtant nombreux : l’encadrement du prix du foncier ; la fiscalité des meublés de tourisme ; la question des plus-values sur les résidences principales et secondaires, qui participent à une spéculation monstre et à ce tsunami invisible qui arrive dans les territoires ; la lutte contre les pratiques tels les congés pour vente abusifs ou les baux mobilité détournés et imposés par les agences immobilières ; la lutte contre l’habitat indigne.
S’y ajoutent l’objectif zéro artificialisation nette, qui crée dans les territoires ruraux un sentiment de double peine pour des petites communes, contraintes de construire des immeubles après s’être efforcées depuis de longues années à limiter l’artificialisation ; la rénovation énergétique des bâtiments, un enjeu énergétique mais aussi de santé pour nos concitoyens ; la rénovation du bâti existant, pour lesquelles de nombreuses communes ont des projets mais manquent de financements ; la production du logement social ; l’extension de l’encadrement des loyers – quand les critères d’éligibilité seront-ils donnés ? – ; le zonage ; le logement des saisonniers ; l’adaptation au vieillissement ; et la garantie universelle des loyers.
Ce sont autant de sujets que nous avons tous abordés – hormis le RN qui ne sait que parler des étrangers et qui n’est pas capable de faire des propositions –, autant de constats partagés par tous les groupes. Des propositions parlementaires de tous bords sont sur la table depuis longtemps mais la taille des textes est limitée. Quand déposerez-vous un projet de loi d’envergure qui permettra de répondre à la « bombe sociale » qui menace nos concitoyens ?
Mme Lise Magnier (HOR). En 2022, les aides à la relance de la construction durable ont permis de verser environ 130 millions à près de 500 communes en zones tendues. Elles ont contribué à accompagner significativement la production de logements dans les communes volontaires et les territoires qui en ont le plus besoin, tout en participant à la lutte contre l’artificialisation des sols en favorisant l’intensification urbaine par la sélection d’opérations qui répondent à des critères de densité.
Il faut accompagner et renforcer ce dispositif qui produit des effets intéressants, en agissant sur tous les plans. D’abord, il est nécessaire de revoir des normes parfois dépassées : celles applicables aux immeubles de grande hauteur (IGH) datent des années 1930. On doit aussi favoriser réellement la densification dans les opérations de construction : que faire quand un permis de construire, conforme au PLU, est refusé de façon discrétionnaire par un élu qui veut un immeuble de type R+4, non R+6, dans sa commune ?
Enfin, à l’initiative de Xavier Roseren, l’Assemblée nationale a souhaité donner des marges de manœuvres fiscales aux élus. Le ministre de l’action et des comptes publics s’est engagé à ce que le décret de zonage des communes éligibles à la TLV et à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires soit publié avant la fin du printemps. Tiendrez-vous ce délai ?
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Chaque vendredi, dans ma permanence, je reçois des gens désespérés qui attendent, soit un logement plus grand, parce qu’ils dorment à trois ou quatre dans la même chambre, soit un logement adapté, parce que leur enfant est atteint de myopathie et qu’ils vivent au troisième sans ascenseur, soit un logement tout court, parce qu’ils sont hébergés par des tiers ou en passe d’être expulsés.
Hier, dans Le Parisien, six fédérations de l’immobilier ont tiré la sonnette d’alarme, car la crise que traverse ce secteur est sans précédent. On construit 370 000 logements neufs chaque année, alors qu’il en faudrait 450 000. Dans le logement social, de même, la sous-exécution du fonds d’aide à la pierre témoigne de l’ampleur de la crise : seuls 379 millions ont été dépensés, au lieu des 531 millions prévus, faute de programmes à financer.
Parmi les raisons expliquant cette baisse de la production de logements, vous avez oublié la ponction budgétaire sur le logement social que l’État a mise en œuvre au travers de la RLS, et la suppression de la taxe d’habitation, qui réduit les recettes fiscales dont les collectivités ont besoin pour financer les services publics qui doivent accompagner ces constructions de logements. Tout cela fait que l’on compte aujourd’hui 2,4 millions de demandeurs de logement social en France – le plus haut niveau jamais atteint. Quand allez-vous enfin prendre des mesures fortes pour la construction de logements neufs, notamment de logements sociaux ?
Ma deuxième question concerne la rénovation thermique. Je lis dans la synthèse du rapport spécial que l’augmentation des dotations budgétaires accordées à l’Anah pour MaPrimeRénov’ ne permettrait pas d’accélérer le rythme des rénovations. Les professionnels du bâtiment disent exactement le contraire, notamment la Fédération française du bâtiment (FFB) et le Centre d’analyses et de prévisions immobilières (Capem). Ce dernier propose de diminuer de moitié le reste à charge pour les ménages modestes et très modestes : nous ne pouvons que soutenir cette proposition, qui suppose des crédits supplémentaires. Monsieur le ministre, comptez-vous réformer le barème de l’Anah pour diminuer le reste à charge des ménages modestes et très modestes ? Par ailleurs, vous aviez annoncé une évolution des règles de vote dans les copropriétés : où en est-on ?
M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). La crise du logement, qui crée beaucoup de souffrance sociale, est l’une des causes principales de la dégradation du pouvoir d’achat. Elle suscite également des difficultés économiques. Le président du Medef a en effet indiqué que le logement est le premier obstacle à l’embauche dans un certain nombre de secteurs. La FFB, quant à elle, explique qu’il pourrait y avoir 100 000 suppressions de postes dans le secteur du bâtiment si le rythme de construction reste le même.
Jusqu’ici, la France avait la chance, dans le domaine du logement, d’avoir une économie mixte, c’est-à-dire un secteur privé et un secteur socialisé, qui fonctionnaient contracycliquement. Lorsque le secteur privé était en difficulté, comme il l’est aujourd’hui du fait de la hausse des taux d’intérêt, le logement social, c’est-à-dire le secteur HLM, prenait le relais. Ce système assurait à notre pays, bon an, mal an, un niveau de production de logements satisfaisant. Mais aujourd’hui, alors que le secteur privé est en crise, le secteur HLM ne peut pas prendre le relais, parce qu’il est exsangue.
Le logement coûte 38 milliards au budget de la nation, mais il lui en fait gagner 88 : c’est un secteur qui rapporte. Alors que l’augmentation du taux d’intérêt du livret A pèse sur les fonds propres des organismes HLM, à hauteur de 4 milliards, n’est-il pas temps de supprimer la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui se traduit par une ponction annuelle de 1,3 à 1,5 milliard sur les organismes HLM ? Ce serait une façon de les aider à relancer leur production et à jouer leur rôle contracyclique.
M. Michel Castellani (LIOT). Le plan pour le Logement d’abord a eu des effets positifs entre 2017 et 2022 et nous souhaitons qu’il soit prolongé.
La mobilité des locataires du parc social est particulièrement faible : cela montre la difficulté qu’il y a à entrer dans un parc locatif et, plus encore, à accéder à la propriété. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, améliorer la mobilité dans le parc social ?
Enfin, la spéculation a un impact catastrophique dans certaines régions, notamment en Corse. L’économie résidentielle crée certes de très belles situations, mais elle n’a jamais suscité de développement et elle produit une société à deux vitesses. Chez nous, le prix du logement explose et l’accès à la propriété est de plus en plus difficile. Que compte faire votre ministère face à cette situation ? Nous, nous avons une solution pour ces régions : la création d’un statut de résident pour les personnes qui y vivent depuis plusieurs années, afin de stabiliser les choses. Je sais bien que nous nous heurterions aux droits d’installation et de transaction, qui sont des droits fondamentaux, mais il va bien falloir prendre le problème à bras-le-corps, car il fait des ravages.
M. Olivier Klein, ministre délégué. Monsieur Mournet, vous avez justement rappelé que 130 millions sont consacrés à l’aide à la relance. Le Conseil national de la refondation (CNR) logement a proposé, pour prolonger cet effort, de créer une nouvelle aide aux maires bâtisseurs – une expression sur laquelle il faut commencer par s’entendre.
D’aucuns estiment que c’est l’État qui est responsable de la crise du logement. Je ferai remarquer que cette crise n’est pas nouvelle et que les élus locaux y ont aussi leur part de responsabilité. Un maire bâtisseur est un maire qui construit plus que son point mort. Pour prendre l’exemple de Clichy-sous-Bois, que je connais bien, si l’on y construit 130 logements chaque année, on ne fait pas bouger la population d’un iota. On reste au point mort de 30 000 habitants, il n’y a pas un enfant de plus à l’école ou à la crèche et aucune dépense de fonctionnement supplémentaire. De mon point de vue, l’aide aux maires bâtisseurs devrait couvrir une partie des dépenses de fonctionnement des collectivités locales qui s’engagent à construire plus que leur point mort. Je souhaite donc, et cela fait partie des propositions du CNR, que l’on accompagne les maires qui ont une production équilibrée de différents types de logements – très sociaux, sociaux, intermédiaires, accession à la propriété – et qui font croître leur population : il faut les aider à accueillir davantage d’enfants, par exemple en créant des équipements sportifs.
La liste des communes éligibles à la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et à la taxe sur les logements vacants sera connue avant l’été. Actuellement, sur les 1 000 communes éligibles au dispositif, seules 400 s’en sont saisies. La nouvelle liste en comptera 4 000 et nous travaillons, avec les associations d’élus locaux, à la rendre la plus juste possible. Vous avez raison, la maille intercommunale est probablement celle qu’il faut privilégier. Et cela va dans le sens de la décentralisation.
Madame Paris, l’accueil des réfugiés ukrainiens relève, non pas du programme 177, géré par le ministère du logement, mais du programme 303, géré par le ministère de l’intérieur. Il va de soi qu’il n’y a pas eu de mise en concurrence des populations fragiles. Les réfugiés ukrainiens ont été accueillis dignement, grâce aussi à l’hébergement citoyen, puisque le Gouvernement a soutenu les familles qui ont souhaité héberger des réfugiés.
Les crédits du programme 177 sont maintenus à un haut niveau et permettent d’accueillir plus de 200 000 personnes en hébergement d’urgence, que ce soit dans des centres d’hébergement d’urgence, à l’hôtel ou dans des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Il est vrai que des personnes en situation irrégulière en bénéficient. L’hébergement est un droit inconditionnel et il est essentiel de venir en aide aux plus modestes : cela nous honore. Cela étant, nous procédons aussi à des reconduites à la frontière.
J’ai installé ce matin l’Observatoire du sans-abrisme, qui travaillera à nos côtés sur la question de l’hébergement d’urgence, notamment pour loger les familles avec enfants. Nous veillerons à ne pas revenir à la gestion de l’urgence au thermomètre, qui a prévalu par le passé. Je rappelle qu’il y avait moins de 120 000 places d’hébergement d’urgence en 2017, pour 1 milliard de dépenses ; aujourd’hui, on en compte 200 000, avec un budget de 3 milliards.
Enfin, nous anticipons les grands événements que seront la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques, en privilégiant l’hébergement d’urgence en province, où la demande est moins forte.
Permettez-moi de vous rappeler tout ce que nous faisons pour lutter contre la crise du logement et pour en produire davantage, là où c’est le plus nécessaire. Lorsque j’ai lancé le Conseil national de la refondation logement, j’ai choisi de le coanimer avec Christophe Robert, qui a accepté, et avec Véronique Bédague, qui est très présente dans les médias ces derniers temps. Vous admettrez que je n’ai pas choisi la facilité. Je souhaite, comme vous, l’union sacrée sur la question du logement. Les maires, les collectivités locales et l’État peuvent continuer de se renvoyer la balle, mais ce que je sais, c’est qu’il faut construire plus et faire respecter la loi SRU partout.
Ce que je sais aussi, c’est que plus de 80 % des logements de 2050 existent déjà et que la priorité est la rénovation. Près des deux tiers des 2 millions de demandeurs de logements sociaux sont déjà dans un logement. Ce qu’ils veulent, c’est un logement plus grand ou plus petit, mais c’est aussi de vivre mieux dans leur propre logement. Il faut rénover davantage et nous y travaillons avec l’Anah. Dans le cadre de France Rénov’, nous essayons de baisser le reste à charge, voire de le supprimer totalement pour les plus modestes. Je rappelle que 80 % des financements au titre de MaPrimeRénov’, qui ont déjà permis de réaliser 1,5 million de chantiers, ont bénéficié à des familles modestes, voire très modestes. Il faut continuer dans cette voie et favoriser la rénovation globale et performante, plutôt que le monogeste, qui a souvent prévalu dans les maisons individuelles. La priorité, c’est désormais la rénovation de l’habitat collectif, privé et social.
J’avais ce matin une réunion avec Emmanuelle Cosse, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), pour avancer sur la question du pacte de confiance. La Première ministre, dans sa feuille de route, nous a demandé de le signer avant le prochain congrès HLM, et nous y travaillons. Le pacte de confiance, c’est un objectif de production, un objectif de réhabilitation et un objectif partagé de parcours résidentiel à l’intérieur du parc social. Ce parc est complètement enkylosé ; il y a trop peu de mutations, aussi bien vers le haut que vers le bas. Il faut mieux travailler entre bailleurs et je pense que la réforme de l’attribution doit nous permettre d’avancer.
Pour faire face à l’urgence, il y a le plan de rachat mené par la Caisse des dépôts (CDC) Habitat, le travail que nous faisons avec les banques, la prolongation du prêt à taux zéro et la volonté partagée de produire plus de logements intermédiaires. Plusieurs d’entre vous ont également évoqué les politiques que nous devons mener sur le foncier : je n’ai pas de tabou à ce sujet.
On m’a demandé la liste des nouvelles villes qui seront concernées par le dispositif expérimental d’encadrement des loyers. Le dépôt des candidatures s’est achevé à la fin du mois de novembre et leur évaluation est en cours. On ne peut pas faire n’importe quoi : si le cadre juridique n’est pas le bon, un propriétaire dont le loyer est encadré peut se retourner contre l’État pour obtenir une compensation, s’il s’estime lésé. Il reste un gros travail à faire avec la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et les services des communes concernées, mais si nous avons ouvert une deuxième phase d’expérimentation, c’est bien parce que nous croyons que ce dispositif peut être intéressant, notamment en zone tendue. Le CNR logement a proposé d’introduire un encadrement du foncier, et c’est une piste que nous voulons explorer dans les mois et les années à venir. Enfin, je l’ai déjà dit, je crois au recours croissant au bail réel solidaire, via un office de foncier solidaire et j’ai déjà présenté deux projets en ce sens en Conseil des ministres. En dissociant le foncier du logement, il s’agit de favoriser l’accession à la propriété de nombreuses familles.
Rien ne peut se faire sans confiance et sans volonté. Nous allons donc signer le pacte de confiance avec le monde HLM. De même, rien n’est tabou, pas même la question de la RLS, cher Stéphane Peu. Mais la priorité, c’est la rénovation thermique des bâtiments. Idéalement, elle doit permettre de donner une « seconde vie » au logement social. S’il est parfaitement rénové, un bâtiment doit par exemple pouvoir bénéficier à nouveau de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). C’est l’un des dossiers sur lesquels nous travaillons avec l’USH, dans le cadre de la préparation du pacte de confiance.
Action logement est un autre partenaire important, avec lequel il faut évidemment travailler. Nous allons signer avec cette association une nouvelle convention quinquennale, qui permettra de continuer à financer l’Anru, le programme Action cœur de ville, mais aussi la garantie Visale et le cautionnement des loyers. Le Président de la République a pris l’engagement de créer une caution universelle : il faut veiller à ce que sa mise en œuvre ne soit pas contre-productive. Visale protège les plus fragiles et les jeunes ; il ne faudrait pas qu’une caution universelle les pénalise, en mettant tout le monde sur un pied d’égalité. Il faut vraiment prendre le temps de concevoir ce dispositif, et le financer.
Madame Sas, la modification de la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété relève, non pas de mon ministère, mais de celui du garde des sceaux. Nos deux ministères travaillent ensemble sur plusieurs sujets : le quorum ; les majorités simple et qualifiée ; la règle des tantièmes, qui fait qu’un propriétaire occupant et un propriétaire bailleur ont les mêmes pouvoirs en assemblée générale ; le fait qu’un syndic peut arriver avec un tas de mandats et peser très lourd, etc. Il convient certainement d’aménager la loi de 1965, mais il faut prendre le temps d’y réfléchir et rester dans le cadre constitutionnel. Je crois qu’un projet de loi sur la copropriété, l’habitat insalubre et la lutte contre les marchands de sommeil serait bienvenu.
S’agissant du taux du livret A, monsieur Peu, nous avons limité sa hausse à 3 % en février. Nous savons que cette hausse pèse sur les bailleurs mais, dans le même temps, nous avons travaillé avec la Caisse des dépôts et consignations pour qu’elle accorde des prêts à des taux bonifiés, plafonnés pendant un an. Je rappelle que ces décisions avaient été accueillies très favorablement par Emmanuelle Cosse et l’USH. Nous travaillons avec le Gouverneur de la Banque de France à la fixation du nouveau taux, qui sera annoncé en août. Nous veillerons à ce qu’il soit le plus juste possible. Je rappelle que le livret A est aussi celui des épargnants modestes : il faudra donc trouver un équilibre entre l’intérêt des épargnants et celui des bailleurs sociaux – je note enfin que le livret d’épargne populaire est plus intéressant, avec un taux à 6,1 %.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Dominique Da Silva (RE). Ma question porte sur l’indicateur de performances du programme 109, qui mesure le taux d’effort des ménages modestes pour faire face aux dépenses liées à leur logement.
En 2022, ce taux d’effort était 70 % plus élevé pour les ménages modestes du parc privé que pour ceux du parc social : 26,3 % dans le parc privé, contre 15,2 % dans le parc social. En 2023, cet écart atteindrait 120 %, avec 28,8 % dans le privé, contre 12,9 % dans le parc social.
Cet écart s’explique en partie par le fait que les loyers sont nettement plus élevés dans le privé que dans le secteur HLM, où ils sont plafonnés. Mais il y a une autre cause que l’on ne veut pas voir : c’est la fiscalité, qui pèse beaucoup plus lourdement sur les bailleurs privés, alors que le logement social bénéficie d’importants allégements fiscaux, en plus des prêts conventionnés. Je m’interroge donc sur la pertinence de maintenir la réduction de loyer de solidarité, dès lors qu’elle creuse encore ce fossé déjà très important entre des ménages modestes. J’aimerais connaître votre analyse concernant la RLS et les aides au logement.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Vous avez dit combien il est difficile de construire dans les grandes métropoles. Il est vrai que dans nombre d’entre elles, un changement de majorité a pu conduire à un changement de perspective, notamment du point de vue de la croissance. Des conventions signées en 2020, qui avaient atteint un rythme de croisière, font l’objet de révisions par des comités d’engagement, par exemple sur le plateau de Haye, à Nancy, ou aux Provinces, à Laxou, pour obtenir des objectifs de reconstitution inférieurs aux objectifs initiaux. Il me semble que le terme de reconstitution, que vous avez utilisé, est absolument essentiel. Je me demandais si l’on pourrait y intégrer des objectifs relatifs aux tours collectives, aux quartiers qui les entourent ou aux spécificités des zones transfrontalières.
M. Xavier Roseren (RE). Il importe effectivement de massifier les aides à la rénovation énergétique et le fléchage des crédits vers les classes moyennes et les plus populaires.
Les passoires thermiques, classées F ou G au titre du DPE, seront bientôt interdites à la location. Je me réjouis que la proposition de loi de la majorité présidentielle sur le logement comporte un article visant à intégrer la location de meublés de courte durée à cette interdiction. Je souhaite toutefois appeler votre attention sur la spécificité de la rénovation énergétique en zone de montagne et j’ai deux questions à ce sujet.
D’abord, 50 % des logements des stations de ski sont classés F ou G, contre 16,9 %, pour la moyenne nationale. Les travaux de rénovation nécessaires pour éviter que ces appartements et ces maisons ne puissent plus être loués ne pourront pas être réalisés dans les délais prévus. Vous semble-t-il envisageable que le Gouvernement allonge ce délai dans les zones de montagne ?
Ensuite, le rapport sur l’attrition des logements permanents en zone touristique tendue contient plusieurs propositions pour développer le logement permanent et permettre aux habitants de vivre à l’année sur ces territoires où le coût du foncier est particulièrement élevé. Quelles sont celles qui vous semblent les plus pertinentes ?
M. Mohamed Laqhila (Dem). Marseille, où des effondrements d’immeubles ont récemment provoqué la mort de plusieurs personnes, est une parfaite illustration des retards pris dans la construction et la rénovation. Dans mon rapport annexé à la loi de règlement du budget de l’année 2018, j’avais conclu à l’absence de portage politique par l’ancienne majorité municipale marseillaise, notamment dans la conduite du PNRU – programme national pour la rénovation urbaine. Depuis l’arrivée d’une nouvelle majorité municipale, il y a trois ans, on observe une baisse significative dans la délivrance de permis de construire, en particulier pour le logement social, à tel point que le préfet vient de lancer une procédure contre la ville pour n’avoir pas atteint ses objectifs en la matière ; elle pourrait être financièrement sanctionnée. Comment suivez-vous cette ville, qui connaît un grave problème de logement – le manque est estimé à 45 000 – alors que l’État apporte 1,5 milliard d’euros dans le cadre du plan Marseille en grand ?
M. Daniel Labaronne (RE). Si je me réjouis qu’il y ait eu un effort de budgétisation des dépenses consacrées à l’hébergement d’urgence, je constate que les dépenses fiscales non évaluées sont encore nombreuses. Certaines arrivant à extinction fin 2023, cette non-évaluation est problématique alors que l’on demande aux parlementaires de décider de les proroger ou non. Avez-vous des pistes pour y remédier ?
S’agissant du Fnap, la Cour des comptes a souligné qu’il avait financé en 2022 des projets qui dérogeaient à sa doctrine d’utilisation car il ne s’agissait pas de projets de territoire. Quelle a été la proportion de projets non conformes en 2022 et pour quel montant ? Je note une sous-exécution des objectifs de réalisation des logements sociaux – 96 000 logements agréés sur un objectif de 125 000. Les besoins sont-ils correctement évalués ? Les crédits du Fnap ont été sous-consommés, en particulier parce que les objectifs en PLAI sont largement sous-exécutés alors que ceux en PLS – prêt locatif social –, les moins sociaux, sont dépassés. Faut-il revoir la structure de subvention du Fnap pour réorienter la production vers les PLAI ?
Enfin, ma dernière question s’adresse au rapporteur spécial, qui a consacré un excellent rapport à l’Anah. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question de la décentralisation de la compétence logement : quels sont vos arguments en ce sens ?
Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Le plan « logement d’abord » est nécessaire car il permet de trouver des solutions pérennes et adaptées à des publics divers. Toutefois, si un premier volet a été mis en œuvre, il faut considérer la problématique du sans-abrisme dans son ensemble. Ce plan prévoit un certain nombre de dispositifs, parmi lesquels l’intermédiation locative, qui a montré ses limites. Ainsi, dans les zones tendues, les loyers peuvent atteindre 800 à 900 euros par mois pour un logement de deux pièces, prix inabordable pour le public cible.
Même constat pour les logements très sociaux : dans de nombreuses villes, une très grande partie des demandeurs relèvent du PLAI. Or les constructions sont insuffisantes pour résorber ces demandes, obligeant ces familles à attendre plus de dix ans avant d’obtenir un logement. Quant aux logements fléchés en PLS, ils restent souvent vacants pendant des années faute de demandeurs répondant aux conditions de ressources, désavantageant tant les mal-logés qui ne peuvent y accéder que les bailleurs qui ne perçoivent pas de loyer. Quand une ville dépasse 30 % de logement social, la construction de PLAI y est plafonnée alors que son fichier de demandeurs est essentiellement composé de personnes éligibles à un logement en PLAI.
Le deuxième volet du plan « logement d’abord » devait être présenté cette année. Or aucune annonce d’ampleur n’a été faite et, pendant ce temps, les publics précaires continuent de gonfler les effectifs de demandeurs de logement. Quand ce deuxième volet sera-t-il rendu public ? De plus, ce plan devait permettre de prévenir les expulsions. Pensez-vous que la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, déposée par notre collègue Guillaume Kasbarian, va dans ce sens ?
M. Charles de Courson (LIOT). Le taux de mobilité dans les HLM ne fait que baisser, l’une des raisons étant la chute de l’accession sociale à la propriété. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?
Comment jugez-vous l’efficacité des nombreux dispositifs d’incitation à la construction de logements en vue de leur location – Pinel, Denormandie, etc. ? Ils représentent près de 15 milliards de dépenses fiscales, ce qui est considérable.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Le bilan 2022 de MaPrimeRénov’ confirme que son efficacité est très faible au regard du volume de dossiers traités. Selon l’Ademe – Agence de la transition écologique –, l’isolation et la ventilation contribuent à elles seules à réduire de 60 % la consommation énergétique moyenne. Or ces travaux n’ont représenté que 26 % des travaux financés par le dispositif, contre 66,5 % pour le changement du mode de chauffage, qui est pourtant la typologie de travaux la moins performante. Quand on regarde la répartition des travaux par catégorie de revenus, c’est encore pire : seuls les ménages aux revenus supérieurs ne réalisent que des travaux considérés comme performants, avec exclusivement des gestes d’isolation. Enfin, on ne constate que 66 000 rénovations globales, soit moins de 10 % de l’ensemble des dossiers financés, ce qui est certes en hausse mais dix fois inférieur à ce qui serait nécessaire pour atteindre nos objectifs climatiques.
Comme nous le dénonçons depuis 2019, 90 % des rénovations financées par l’Anah sont inefficaces, voire inutiles sur le plan énergétique. Si elles peuvent apporter un sentiment de confort à certains bénéficiaires, elles ne répondent pas aux objectifs de politique publique du dispositif. Accepterez-vous enfin, lors du prochain projet de loi de finances (PLF), nos amendements visant à faire de la rénovation globale, qui permet un gain énergétique minimal de 35 %, la règle et non l’exception ? L’abandon de la deuxième tranche du cadeau fiscal sur la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – suffirait amplement à majorer le financement de l’Anah pour rendre soutenable le reste à charge du dispositif.
M. William Martinet (LFI-NUPES). Le classement en zone tendue est une question essentielle car il offre des outils de régulation supplémentaires – encadrement des loyers à la relocation, fiscalité des résidences secondaires et des logements vacants –, certains étant à la main des collectivités territoriales.
Le problème est connu : certaines zones touristiques ne sont pas considérées comme des zones tendues alors qu’elles subissent une pression extrêmement importante des meublés touristiques et des résidences secondaires. Les maires demandent le classement en zone tendue pour pouvoir agir car ils n’acceptent pas l’idée que des travailleurs dorment dans leur voiture pendant que les résidences secondaires restent volets fermés les trois quarts de l’année. Il est donc nécessaire d’agir politiquement sur cette question.
Je me suis rendu le week-end dernier à Lorient, où des élus bretons m’ont appris que le conseil régional de Bretagne avait demandé que l’ensemble de la Bretagne soit classé en zone tendue. Les élus ont la volonté d’agir : des lobbies – Airbnb, Union nationale des propriétaires immobiliers – font-ils pression sur vous pour que vous refusiez d’accéder à la demande de ces élus ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Les aides au logement, revalorisées dans le cadre de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, contribuent à la baisse du taux d’effort des locataires. Combinées à la RLS, qui a permis d’éviter une augmentation des loyers lors de la baisse des APL, elles constituent donc un outil de protection des locataires les plus fragiles. Si nous devons conserver ce système, il faut également travailler sur l’ensemble des financements du monde HLM afin de lui donner, au travers du Fnap, les capacités d’investir tant dans la rénovation que dans la production neuve.
Concernant les zones de montagne, le calendrier de sortie des biens classés E, F et G doit être respecté. Néanmoins, il est vrai que les passoires thermiques sont très nombreuses en zone de montagne, et encore plus dans les stations de ski. Il faut donc travailler sur cette spécificité, en veillant à ce que les passoires thermiques G et F, dont la remise en location sera progressivement interdite en application de la loi « climat et résilience », ne passent pas dans le meublé touristique car rien ne serait plus scandaleux.
Concernant l’attrition du logement en zone touristique, je vous renvoie au groupe de travail sur le manque de logements permanents en zone touristique, auquel certains parmi vous participent sous l’égide d’Olivia Grégoire, de Dominique Faure et de moi-même. Soixante-treize propositions émanant d’associations d’élus et de services de l’État sont en cours d’étude et recevront une réponse à l’été. Néanmoins, certaines villes balnéaires et touristiques demandent beaucoup à l’État alors qu’elles sont carencées au titre de la loi SRU – loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Je trouve moi aussi insupportable de voir des volets fermés dans des communes qui manquent de logements mais chacun doit assumer ses responsabilités : elles doivent construire du logement social pour répondre aux besoins. Nous définirons ensemble les différentes mesures à prendre pour éviter les abus et lutter contre les locaux vacants et les résidences secondaires qui deviennent résidences principales juste avant une vente, mais nous devons tous tenir nos engagements.
Vous connaissez l’attention que nous portons aux problématiques de logement à Marseille, concernant tant l’habitat insalubre que la production de logements. Cette ville cumule un certain nombre de difficultés : copropriétés dégradées, enclavement de quartiers, vétusté des équipements publics, en particulier des écoles. Le nouveau programme de renouvellement urbain est extrêmement ambitieux. Deux sociétés publiques locales (SPL) ont été créées, l’une pour le logement, l’autre pour les équipements publics, pour accompagner la ville de Marseille dans ses démarches, et nous poursuivrons notre soutien.
Concernant les expulsions locatives, nous avons renforcé les effectifs des CCAPEX – commissions de coordination des actions de prévention des expulsions – et créé vingt-six équipes mobiles. J’ai également réuni l’ensemble des énergéticiens dans le cadre du FSL – Fonds de solidarité pour le logement. Notre volonté est bien de prévenir les expulsions locatives. Quant à la proposition de loi de Guillaume Kasbarian, le texte revenu du Sénat me paraît équilibré. Il se bat contre les squats, souvent synonymes de marchands de sommeil, avec la volonté de protéger tout à la fois les locataires et les propriétaires.
Je suis favorable à un soutien à l’ensemble des processus d’accession, notamment l’accession sociale à la propriété. Cela fait partie des mesures qui seront proposées par le CNR. La question du bail réel solidaire et du prix du foncier est extrêmement importante si on veut permettre l’accession sociale. Nous travaillons à la prolongation du prêt à taux zéro, qui est considéré par un certain nombre de banques, à juste titre, comme une sorte d’apport des acquéreurs. C’est donc un bon levier pour favoriser l’acquisition du logement.
Enfin, concernant la sous-consommation du Fnap, je crois vraiment à l’utilité de ce fonds pour produire du logement très social et du PLAI là où on en a le plus besoin. On le voit dans le panel du logement social : le PLAI doit être proposé de manière plus importante. Le PLUS – plan locatif à usage social – peut également être accompagné par le Fnap. Cela fait partie des pistes d’évolution sur lesquelles nous travaillerons avec Action logement et l’Union sociale pour l’habitat (USH).
La commission en vient à la discussion de la thématique d’évaluation : Les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’Agence nationale de l’habitat.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Chacun connaît les dispositifs de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) : MaPrimeRénov’, MaPrimeRénov’ Sérénité et MaPrimeRénov’ Copropriété. La massification des aides souhaitée par le Parlement a réussi puisque 600 000 dossiers ont bénéficié de l’une de ces aides pour un montant total de 2,33 milliards d’euros en 2022 et une enveloppe prévisionnelle fixée à près de 3,4 milliards d’euros pour 2023 pour l’ensemble des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique.
En dépit de ce premier constat, qui semble positif, il existe trois axes d’amélioration : un meilleur accompagnement des usagers, tout en évitant la fraude ; une clarification des objectifs poursuivis ; la création d’un cadre réglementaire et financier propice aux rénovations plus globales.
La question du service rendu est primordiale. Nous avons tous rencontré, dans nos circonscriptions, des habitants ou des entreprises qui se plaignent de ne pas avoir reçu leur aide dans les délais. Or les dossiers en incident ne représentent que 4 % du total. Ils s’expliquent par le fait que l’Anah opère des contrôles qui nécessitent d’entrer dans les logements : tant que le propriétaire n’en permet pas l’accès, l’aide n’est pas versée. De plus, la Défenseure des droits n'a fait état que d’environ 900 dossiers en souffrance du fait du « plantage » de la plateforme informatique de l’Anah, la majorité des dossiers étant déjà régularisée. Cela étant, globalement, les opérations menées par cette agence connaissent beaucoup de succès – peut-être même trop – auprès des usagers.
Il manque cependant un accompagnement dans la réhabilitation par geste. En effet, 40 % des bénéficiaires de MaPrimeRénov’ ont plus de 60 ans – nombre d’entre eux ont même plus de 75 ans. Or la procédure de dépôt d’une demande est entièrement dématérialisée, ce qui n’est pas toujours facile à vivre pour ces personnes. On pourrait envisager de décentraliser le dispositif France Rénov’ car les collectivités territoriales sont les premières maisons de services publics que connaissent les administrés et celles qui sont un peu étoffées arrivent à accompagner leurs habitants.
La lutte contre la fraude mérite également d’être renforcée. Les mêmes margoulins qui sévissaient dans les arnaques au compte personnel de formation agissent dans le domaine de la rénovation. Les ministères du logement et du budget sont en train d’y mettre fin car la justice est saisie d’un certain nombre de plaintes, ce qui signifie que l’on arrive à les détecter.
Je souhaite également aborder la question de la nécessité de clarifier les objectifs de notre politique publique. MaPrimeRénov’ prévoit une aide pour financer l’installation des pompes à chaleur. Nous sommes passés d’un diagnostic purement thermique à un diagnostic non seulement thermique mais portant également sur l’émission de gaz à effet de serre, ce qui fait que l’on compare des choux avec des carottes. Le remplacement d’une chaudière individuelle au gaz par une pompe à chaleur permet d’atteindre l’objectif de décarbonation en 2050 mais n’empêche pas le logement d’être une passoire thermique. En fait, il faut savoir ce que l’on veut : soit atteindre l’objectif zéro carbone en 2050, soit se concentrer sur l’aspect thermique.
De plus, il est nécessaire de s’inscrire dans un programme pluriannuel de financement, y compris à l’échelle individuelle. Il serait illusoire de croire que l’État peut mettre 10 ou 15 milliards sur la table pour tout financer d’un seul coup ; il n’y aurait d’ailleurs pas assez de matériaux ni d’entreprises pour réaliser tous ces travaux. Plutôt que d’accorder des aides uniques – je plaide pour leur suppression pure et simple –, il me paraît préférable de définir un parcours de gestes séquencés, avec un accompagnement financier à chaque étape car on ne peut pas attendre d’un propriétaire qu’il finance en une seule fois 75 000 euros de travaux.
MaPrimRénov’Copropriété a obtenu de bons résultats. Toutefois, je ne sais pas s’il en ira toujours ainsi car la loi « climat et résilience » a eu pour effet de désolidariser les copropriétaires entre eux. Avant, lorsqu’un immeuble était classé B, tous les appartements bénéficiaient de ce classement, même celui qui était en face nord ou au premier étage au-dessus d’un parking semi-enterré. Désormais, chaque appartement a son propre classement. Or l’absence de solidarité dans les immeubles est devenue un obstacle aux opérations de réhabilitation des copropriétés.
Il est important que le Gouvernement se pose les bonnes questions. Un moratoire est nécessaire concernant le diagnostic thermique et d’émission de gaz à effet de serre car il n’a en réalité plus rien de thermique, seul le deuxième aspect étant aujourd’hui traité.
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Je remercie le rapporteur spécial pour le travail qu’il a effectué sur cette thématique majeure qu’est la rénovation énergétique. J’espère que la présente intervention répondra aux questions que j’avais laissées en suspens tout à l’heure.
Les constats et recommandations qui viennent d’être faites alimenteront ou rencontreront d’autres travaux en cours dans le cadre de la planification écologique conduite sous l’égide de la Première ministre et au Parlement, au sein de la commission d’enquête du Sénat. Je salue tout particulièrement le regard tout en nuances que le rapporteur spécial porte sur cette politique publique complexe : il n’est jamais facile d’entreprendre des travaux lourds sur un logement. Il a mené une analyse aussi objective que possible, à rebours de certains discours laissant entendre qu’il existerait une formule magique pour rénover, du jour au lendemain, un parc de plus de 30 millions de logements, en mettant en exergue certaines difficultés bien identifiées et en cours de résorption, tout cela pour faire le buzz, trop souvent au détriment de la crédibilité et de l’action, donc du climat.
Certes, tout n’est pas parfait. Il existe des axes d’amélioration, que le rapporteur spécial a d’ailleurs évoqués et à propos desquels règne un certain consensus. Néanmoins, redisons-le avec force, la dynamique engagée sous le quinquennat précédent et sur laquelle nous nous appuyons pour accélérer est historique.
Depuis son lancement en 2020, MaPrimeRénov’ a permis d’aider plus de 1,5 million de Français à engager des travaux, à hauteur de 5,6 milliards d’euros au total. Deux bénéficiaires du dispositif sur trois disposent de revenus modestes ou très modestes, alors que le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), en vigueur jusqu’en 2019, bénéficiait pour près de la moitié aux ménages des neuvième et dixième déciles. Le gain énergétique annuel moyen est de 7,1 térawattheures par logement, soit une hausse de 30 % par rapport à 2021 et de 80 % par rapport au CITE. Depuis 2020, plus de 185 000 rénovations globales ont été financées grâce notamment à MaPrimeRénov’ Sérénité, dont près de la moitié correspondant à des sorties de passoires thermiques.
S’agissant de l’habitat collectif, les objectifs de MaPrimeRénov’ Copropriétés ont été dépassés en 2022, avec plus de 25 000 logements rénovés, contre 10 000 en 2021. Les aides ont été relevées en début d’année pour un objectif d’au moins 40 000 logements rénovés en 2023. Si les volumes restent modestes, la dynamique est positive. Nous la soutenons activement, sans réduire l’ambition des projets, dont le gain énergétique est supérieur à 50 % en moyenne.
Bref, les résultats sont là, au bénéfice de la qualité du logement, du pouvoir d’achat des bénéficiaires et du climat. Nous devons néanmoins regarder en face les difficultés qui subsistent, sans concession mais à leur juste mesure.
Il existe un stock de quelques milliers de dossiers en difficulté de traitement, à mettre en perspective avec le nombre de paiements effectués chaque année – plus de 500 000. Dans un contexte de vigilance accrue contre la fraude, l’instruction a malheureusement connu des ralentissements à l’automne, mais depuis le rythme s’est normalisé, avec un délai d’instruction d’environ cinq semaines pour un dossier complet. Les difficultés concernent pour partie des dossiers incomplets, qui nécessitent des échanges complémentaires avec le demandeur, ou des contrôles renforcés. Bien sûr, nous ne nous satisfaisons pas de l’allongement de plusieurs semaines des délais pour l’usager ou le mandataire de bonne foi – je précise que nombre d’articles parus dans les médias ces dernières semaines ont trait à des mandataires peu scrupuleux, et non à des particuliers. Des actions spécifiques ont été lancées par l’Anah pour régler ces problèmes. Il existe désormais une équipe et des procédures dédiées pour les dossiers en souffrance, comportant une prise de contact systématique avec les demandeurs ; un plan de résorption du stock des dossiers en attente de paiement au mandataire a permis d’en solder plus de 50 000 depuis la mi-février. La fluidification du traitement se poursuit en continu, grâce notamment à la formation et au dialogue avec les filières, afin d’améliorer la qualité et la complétude des dossiers déposés. Plus largement, la simplification administrative des contrôles en même temps que le renforcement de leur qualité est un axe de travail important de la nouvelle séquence des assises du bâtiment. Ce sont des gages d’attractivité ainsi que de crédibilité du label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE) sur lequel s’appuie la structuration de la filière.
La montée en puissance des rénovations globales est un objectif important et consensuel. Les travaux de planification écologique nous permettront de fixer d’ici à l’été un objectif chiffré précis, de manière à définir une première marche ambitieuse à franchir dès 2024. Cela suppose de faire évoluer les aides en vue de proposer un parcours unique, une voie réservée, plus simple et plus lisible, avec un accompagnement systématique par un accompagnateur France Rénov’ pour tous les ménages qui souhaitent entreprendre une rénovation en profondeur de leur logement, en particulier s’il fait partie des plus énergivores. Le Gouvernement proposera des actions en ce sens dans les toutes prochaines semaines.
Cela étant, eu égard à nos ambitions de réduction de l’empreinte carbone à l’horizon 2030, il serait contreproductif de se passer d’un socle efficace d’aides par gestes. Elles seront donc maintenues, notamment pour accompagner, à travers les gestes les plus efficaces, la sortie progressive des énergies fossiles, avec les garde-fous nécessaires pour éviter les absurdités bien connues que vous avez notées, monsieur le rapporteur spécial : installer une pompe à chaleur dans une passoire thermique n’est pas une solution.
La montée en puissance des rénovations globales est une problématique multifactorielle. Vous avez évoqué France Rénov’, le service public de la rénovation de l’habitat, et, par extension, le rôle des accompagnateurs agréés en cours de déploiement sur tout le territoire. Partout sur le territoire, France Rénov’ est le point d’entrée privilégié des parcours de rénovation des Français. Lancé en janvier 2022, il est le résultat d’un partenariat solide et durable entre l’État et les collectivités territoriales, avec l’engagement au quotidien des opérateurs et des conseillers de terrain.
Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et moi avons lancé la semaine dernière une concertation pour construire un nouveau pacte territorial et tracer avec les collectivités et les acteurs du réseau l’avenir de France Rénov’. Il s’agit de réaffirmer son rôle central dans cette politique publique afin de simplifier le parcours des ménages et de les accompagner vers des projets plus ambitieux et adaptés à leurs besoins. Notre volonté est de donner de la visibilité et de la stabilité, et de nous appuyer sur ce qui fonctionne sur le terrain pour faire encore mieux. Nous avons par conséquent décidé de prolonger d’une année le service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare), de manière à assurer la continuité du service public en 2024 et une concertation aussi sereine que productive. De même, nous préciserons dans les prochaines semaines les barèmes d’un nouveau programme national de certificat d’économie d’énergie (CEE) porté par l’Anah qui financera des 2024 les prestations des accompagnateurs France Rénov’, notre volonté étant que celles-ci ne soient pas à la charge des particuliers.
Je terminerai par deux domaines dans lesquels nous continuons d’avancer afin de lever tous les freins concernant les rénovations. La systématisation, la simplification et la plus grande visibilité de l’offre bancaire sont bien évidemment une condition de réussite de la massification des rénovations les plus ambitieuses. La question a été examinée dans le cadre du CNR et nous l’évoquerons lors de la restitution de ses travaux le 5 juin. La mobilisation de tout l’écosystème de l’offre locative pour embarquer les propriétaires bailleurs dans des projets de travaux, l’information, le travail de conviction et l’accompagnement vers les aides mobilisables, dont le déficit foncier, qui est doublé jusqu’en 2025 pour les travaux de rénovation énergétique, seront décisifs pour amplifier cette dynamique. À cette fin, nous avons lancé le 13 avril une feuille de route réunissant l’ensemble des acteurs concernés.
M. le président Éric Coquerel. On ne peut nier, monsieur le rapporteur spécial, que vous disposiez d’une réelle expertise sur le sujet ni que vos avis soient concrets et invitent au débat – même si je ne suis pas sûr d’être d’accord avec vous sur tout. Par exemple, penser que consacrer plus d’argent à la rénovation thermique risquerait de se heurter au manque de professionnels susceptibles de l’effectuer me semble relever du serpent qui se mord la queue.
Néanmoins, je vous rejoins sur certaines de vos observations. D’abord, il est en effet absurde, en tout cas à moyen terme, d’installer une pompe à chaleur dans une passoire thermique sans engager de rénovation complète. C’est un des problèmes que nous avons à résoudre.
Ensuite, il est indubitable que certains sont à la fois juge et partie. « Les entreprises qui font les travaux elles-mêmes sont-elles les mieux placées pour gérer les demandes de subventions de la part des particuliers et encaisser les aides de l’Anah ? » Je pense que la réponse à cette question va de soi. Cela implique à la fois un plus grand contrôle et un meilleur fléchage des aides. Du coup, cela soulève le problème du manque de personnel, que ce soit pour MaPrimeRénov’ ou à l’Agence de la transition écologique (Ademe).
Le bilan est donc insuffisant, surtout vu la course de vitesse que nous devons mener. De ce point de vue, les exigences de rénovation complète et d’un meilleur fléchage des aides me semblent pertinentes, même s’il serait également nécessaire d’accroître les moyens.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Merci, monsieur le rapporteur spécial, pour cette analyse synthétique et honnête de la politique de rénovation énergétique.
Vous tirez un bilan globalement positif – si je puis dire – du dispositif que nous avons mis en place en 2020, MaPrimRénov’, avec une très forte progression dans le temps, le nombre des dossiers bénéficiant d’une aide ayant été multiplié par quatre entre 2020 et 2022, jusqu’à dépasser 600 000. Le nombre de rénovations globales est lui aussi en forte progression, même s’il reste en deçà de l’objectif fixé. Le service des données et études statistiques (SDES) évalue à presque 2 térawattheures l’économie d’énergie réalisée en 2021 grâce à MaPrimRénov’ : c’est éloquent.
Vous indiquez que moins de 63 000 entreprises du bâtiment sont labellisées RGE. Comment faire pour augmenter leur nombre, sachant qu’une trop forte hausse des aides pourrait conduire à la multiplication des fraudes et des malfaçons ? A-t-on la capacité de former assez de personnes pour suivre cette montée en puissance ?
La rénovation des copropriétés tarde à décoller. Est-il réaliste d’imposer, comme vous le recommandez, la solidarité à l’échelle de l’îlot concernant le diagnostic de performance énergétique ? Ceux qui sont déjà bien isolés vont-ils accepter de jouer le jeu ? En d’autres termes, ne risque-t-on pas de passer d’un problème à l’autre ?
Enfin, vous proposez de flécher une partie de l’épargne réglementée vers les projets de rénovation énergétiques des particuliers. Avez-vous évalué les montants qui pourraient y être affectés ?
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Thomas Cazenave (RE). Le rapport met bien en évidence le défi à relever, à savoir la conversion de l’ensemble du secteur du bâtiment à la lutte contre le réchauffement climatique. Il souligne aussi l’ambition du Gouvernement et de la majorité pour soutenir la rénovation thermique des bâtiments. MaPrimeRénov’ est la pièce maîtresse de ce dispositif. En 2022, l’Anah a financé la rénovation de plus de 700 000 logements grâce aux 3,4 milliards d’euros d’aide distribués. Pour 2023, le budget est porté à 4 milliards d’euros, soit une augmentation de 20 %. Ce niveau historique permettra d’augmenter le nombre de logements rénovés et, surtout, la qualité des travaux réalisés.
Le rapport évoque néanmoins un certain nombre de difficultés, concernant notamment l’accompagnement de certains dossiers, ainsi que des complexités devant être levées si l’on veut accélérer et massifier la rénovation, ainsi que la rendre accessible à tous. En outre, afin d’améliorer l’efficacité des dispositifs et de rapprocher les services publics des citoyens, il convient de repenser l’implication des collectivités territoriales et s’appuyer sur leur connaissance fine du territoire et de leurs habitants.
Monsieur le ministre, quelles sont les pistes d’amélioration du dispositif MaPrimeRénov’, en liaison notamment avec la mise en place des accompagnateurs France Rénov’ ? Comment entendez-vous vous appuyer sur les collectivités territoriales pour accélérer la massification et relever le défi auquel nous sommes confrontés ?
M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Pas plus tard que lundi, j’ai organisé dans ma circonscription un séminaire sur la rénovation dans les centres de villages et de petites villes, au cours duquel plusieurs informations m’ont été transmises.
Premier problème, l’intégration de MaPrimeRénov’ dans le prix des travaux, avec un effet inflationniste. Comment fait-on pour le régler ?
Deuxièmement, quid de la rénovation du logement social dans les petites communes ? De manière générale, il faudrait engager une réflexion sur la rénovation à la charge des bailleurs sociaux.
Je suis moi aussi favorable à la décentralisation du dispositif : les coûts ne sont pas les mêmes suivant l’âge du bâti.
Avec les communautés de communes, les départements, les régions et maintenant l’Anah, les gens se trouvent perdus dans un maquis administratif. Il faudrait de l’ingénierie et du personnel pour les aider à s’y retrouver.
Enfin, une expérimentation intéressante serait le recours au bail réel solidaire (BRS) pour la rénovation globale en centre de petite ville ou de village, ce qui permettrait une intervention publique plus cohérente et de gérer les copropriétés.
M. Patrick Hetzel (LR). L’objectif de MaPrimeRénov’ était d’inciter les ménages à engager des travaux de rénovation thermique et d’isolation des logements. Les dysfonctionnements sont néanmoins assez nombreux. Vous avez évoqué le chiffre de 5 000 dossiers bloqués, mais il s’agit en réalité du nombre de dossiers signalés par la Défenseure des droits. Quand on y regarde de plus près, ce sont 4 % des dossiers qui posent un problème, c’est-à-dire 24 000 sur un total de 600 000. Cela représente un volume important.
Dans son rapport d’octobre 2022, la Défenseure des droits mentionne des dysfonctionnements techniques graves et récurrents. D’ailleurs, nombre de personnes viennent nous solliciter dans nos permanences à ce sujet. Les problèmes proviennent bien souvent du portail informatique et de l’obligation pour les ménages à créer un compte : si la dématérialisation est une bonne chose, en la rendant obligatoire, on ne crée pas les conditions d’un égal accès aux services publics.
D’autre part, 2 % des financements seulement sont destinés à des travaux d’isolation. Or, cela a été dit, une isolation adéquate est un préalable. La Cour des comptes a relevé que seulement 0,4 % des dossiers MaPrimeRénov’ concernaient une rénovation énergétique globale.
Il y a donc pas mal de choses à améliorer, et de manière urgente. Monsieur le ministre, comment comptez-vous remédier à ces dysfonctionnements qui, il faut le dire, ont pourri la vie d’un certain nombre de nos concitoyens et suscité de la défiance ?
Mme Marina Ferrari (Dem). Je remercie notre collègue Jolivet de nous permettre de faire le point sur le dispositif de soutien à la rénovation énergétique alors que l’interdiction de la location pour les logements classés G entrera en vigueur en 2025, c’est-à-dire demain, et qu’elle concerne environ 9 % des 8 millions de logements du parc locatif privé. Le rôle de l’Anah dans l’accélération de la rénovation énergétique est crucial si l’on ne veut pas que des milliers de biens sortent du marché locatif à cette date, alors même que de nombreux territoires souffrent d’une pénurie de logements. Compte tenu des difficultés à trouver des entreprises pour réaliser les travaux, à s’approvisionner en matériaux et à obtenir des financements, nous nous interrogeons sur la soutenabilité du calendrier.
Bien que l’Anah n’ait pas atteint l’ensemble des objectifs fixés pour 2022 – on constate un déficit de 100 000 unités pour les rénovations –, le groupe Démocrate note qu’elle a néanmoins aidé à la rénovation de plus de 718 000 logements. Toutefois, les travaux du rapporteur et les remontées du terrain font état de plusieurs problèmes concernant le traitement des dossiers. Monsieur le ministre, pourriez-vous faire un point sur les améliorations apportées en la matière ?
D’autre part, il semble que le déploiement dans les territoires du nouveau service public France Rénov’ ne soit pas achevé. Pourriez-vous nous dresser un état des lieux, concernant notamment l’augmentation du nombre de guichets physiques et du nombre d’opérateurs ou accompagnateurs France Rénov’ ?
Enfin, France Rénov’ devenant l’unique service public de la rénovation énergétique de l’habitat, nous nous félicitons qu’une concertation pour un pacte territorial ait été lancée le 11 mai 2023, sachant que le service public de la performance énergétique de l’habitat (Sppeh) a vocation à disparaître. La prolongation d’une année du Sare, financé par les certificats d’économie d’énergie, permet néanmoins d’apporter un peu de visibilité aux territoires. Afin d’assurer la pérennité de ce dispositif, une rebudgétisation est-elle concevable ? Envisage-t-on la création d’une ligne dédiée dans le budget de l’État ?
Mme Lise Magnier (HOR). Cela fait longtemps qu’on se demande si le dispositif MaPrimeRénov’ est efficace ou non. Je crois que nous avons maintenant un début de réponse.
Je suis d’accord avec M. le rapporteur spécial : il faut s’interroger sur le soutien aux gestes. Une règle prévaut dans le bâtiment : on commence toujours par le clos et le couvert avant de s’occuper du reste, notamment du mode de chauffage. Il est urgent d’appliquer cette règle à MaPrimeRénov’.
Les chiffres tendent à faire conclure au succès de MaPrimeRénov’. Pour ma part, j’y vois la volonté des Français de réaliser des travaux d’amélioration énergétique dans leur logement. Honnêtement, je pense que, dans le souci d’une plus grande efficience de la dépense publique, nous devrions rapidement revoir ce dispositif. Cela passe par un meilleur accompagnement et une clarification des acteurs. Entre MaPrimeRénov’, les offices publics de l’habitat (OPH), les comités d’amélioration du logement (Comal), les accompagnateurs France Rénov’, sans compter les multiples diagnostiqueurs et démarcheurs à domicile, les propriétaires sont souvent perdus. Il vaudrait mieux un acteur unique certifié par l’État – un peu comme ce qu’on a fait pour les règles de tri dans les poubelles jaunes – qui porterait le même nom partout en France et qui dresserait un audit, ferait un plan de travaux et établirait un dossier de financement et une demande d’aide. Ce serait un gage de performance et, surtout, de protection des consommateurs.
Que penseriez-vous, monsieur le rapporteur spécial, d’inclure dans MaPrimeRénov’ les « petits gestes », par exemple l’installation d’outils de pilotage de la consommation énergétique tels que les thermostats connectés ou les sous-compteurs, qui ont fleuri depuis l’appel à la sobriété énergétique cet hiver et qui permettraient de faire une économie d’énergie de 10 % à 15 % dans les logements ?
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Daniel Labaronne (RE). La loi de finances pour 2022 a créé une nouvelle dépense fiscale, le dispositif Loc’Avantages, pour les logements loués en dessous du prix du marché dans le cadre d’une convention avec l’Anah. Quel est l’intérêt de ce dispositif pour financer des travaux avant la mise en location par rapport à la possibilité d’imputer leur coût sur le déficit foncier ou à d’autres subventions ou prêts ?
Entre le prêt avance rénovation, l’éco-PTZ et les aides de l’Anah, les dispositifs de financement sont nombreux. Quel est leur intérêt comparé ? Considérez-vous qu’il existe un besoin pour un dispositif de financement complémentaire ?
Enfin, quels sont vos arguments en faveur de la décentralisation de la compétence relative au logement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. D’abord, il me semble important que nous soyons, quelle que soit notre sensibilité politique, les ambassadeurs ou les VRP de MaPrimeRénov’. Ne nous laissons pas influencer par quelques dysfonctionnements fâcheux. MaPrimeRénov’, ça marche. Ce sont 1,5 million de chantiers qui ont été réalisés, soit l’équivalent, en économie d’énergie, de la production électrique de la ville de Lyon. Oui, il y a des dysfonctionnements, ils sont assurément trop nombreux, mais vu le nombre de chantiers, il est compréhensible que la mise en œuvre d’un dispositif aussi complexe en engendre, et nous travaillons avec l’Anah à les résorber.
Les rénovations par geste ont été nombreuses pendant la première période. Certaines étaient justifiées, d’autres, telles que l’installation d’une pompe à chaleur dans une passoire thermique, l’étaient moins.
Il importe – tel est le sens de la méthode qui est la nôtre – de procéder à une rénovation qui, pour être performante, doit être globale. Tel est l’objet de l’accompagnement assuré par France Rénov : accompagner de bout-en-bout les particuliers ayant des besoins de rénovation thermique, notamment en définissant les effets de celle-ci sur leurs charges et leurs dépenses d’énergie, ainsi que leur capacité à réaliser ces travaux en une ou en plusieurs fois, et dans le bon ordre.
Pour réussir les chantiers, nous avons besoin d’entreprises reconnues garantes de l’environnement (RGE). Il faut améliorer notre capacité à donner cette qualification. Dans le cadre des Assises du bâtiment, nous avons repris la proposition de la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) consistant à maintenir l’expérimentation de la qualification au chantier : une entreprise ayant des compétences mais pas la qualification RGE peut procéder à des réhabilitations thermiques éligibles à MaPrimeRénov’ et obtenir la qualification RGE après réalisation de quatre chantiers vérifiés et contrôlés. Cette méthode permettra d’accroître le nombre d’entreprises qualifiées RGE. Par ailleurs, il faut continuer à former les artisans à la qualité de ces gestes, afin que les rénovations soient aussi performantes que possible.
J’en viens à la question de la décentralisation. Les Français ne sont pas complètement égaux devant les aides, car MaPrimeRénov’ complète les aides des collectivités locales. Certaines se sont inscrites depuis de nombreuses années dans une démarche d’accompagnement et d’attribution de primes pour la rénovation énergétique, d’autres bien moins. Certaines aides sont attribuées par des intercommunalités, d’autres sont des aides fiscales accordées par les communes. Il y a donc une forme d’inégalité.
Il pourrait donc être judicieux d’introduire, dans le chantier de la décentralisation, une forme de concurrence territoriale, qui permettrait de démontrer que ce à quoi certains ont droit dans une communauté de communes ou une agglomération donnée, d’autres n’y ont pas droit dans une communauté de communes ou une agglomération voisine. En outre, une proximité accrue pourrait peut-être atténuer les dysfonctionnements évoqués par plusieurs d’entre vous. Comme pour toutes les politiques de décentralisation auxquelles Christophe Béchu, Dominique Faure et moi-même travaillons, l’objectif est de faire mieux et plus rapidement, de produire plus et de rénover plus. C’est ainsi que nous franchirons une nouvelle étape de la décentralisation.
S’agissant des petites villes, il me semble qu’une collectivité locale propriétaire d’un bien est considérée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) comme un propriétaire bailleur. S’il s’agit d’un logement social, les aides ne sont pas les mêmes. Mon cabinet va étudier la question du logement communal et essayer de comprendre ce qui bloque.
L’idée que certaines entreprises augmentent leurs prix parce que les travaux sont éligibles à MaPrimeRénov’ est insupportable. Les entreprises sont contrôlées en raison des fraudes qui ont été détectées. Cela explique d’ailleurs la longueur des délais pour obtenir MaPrimeRénov’, qui peuvent atteindre cinq semaines. Nous ne pouvons accepter que les entreprises augmentent leur prix pour obtenir la prime, mais c’est un risque.
L’accompagnement des personnes âgées, qui subissent la fracture numérique, relève des accompagnateurs France Rénov, joignables par téléphone. Nous travaillons au développement des agences France Rénov, en lien avec les agences du réseau France Services, pour assurer une présence physique sur un maillage accru de notre territoire. Nous travaillons aussi, dans le cadre de l’instauration de MaPrimeAdapt’, destinée à l’adaptation des logements au vieillissement à domicile, à un guichet unique réunissant MaPrimeRénov et MaPrimeAdapt’. Les conseillers assureront un double accompagnement, en matière de rénovation thermique et d’adaptation du logement au vieillissement, conformément à notre volonté d’offrir un accompagnement de bout en bout. L’Anah ouvrira à la rentrée une plateforme destinée à collecter toutes les informations à cet effet.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Un exemple, monsieur le rapporteur général, pour éviter toute méprise : dans une copropriété de cinquante logements dont cinq sont classés F et les autres sont classés D, les propriétaires de ces derniers ne délibéreront pas sur l’isolation et l’amélioration des logements des cinq autres, car ils ne sont pas solidaires. Le ministre du logement ici présent et le garde des sceaux réfléchissent à une révision des règles de gouvernance des copropriétés mais en l’absence d’unité, il s’avérera compliqué de réunir des gens pour financer collectivement la rénovation d’un bâtiment.
S’agissant du fléchage du plan épargne logement (PEL), du compte épargne logement (CEL), du livret de développement durable et solidaire (LDDS), voire du prêt à taux zéro (PTZ), il faut tenir compte du fait que la plupart des gens qui entreprennent des travaux de rénovation ont plus de 60 ans. Sans nécessairement être riches, ils ont beaucoup économisé. Les conditions de sortie des dispositifs de financement pourraient être fléchées et accompagnées par les banques.
Je fais miens les propos de notre collègue de La France insoumise. Comme lui, je considère que le maquis des aides est très difficile à comprendre pour les usagers. Souvent, les maires se font les ambassadeurs du programme d’intérêt général visant à adapter les logements au vieillissement lancé par le département ou des financements accordés par la région en complément des aides de l’Anah.
Monsieur Labaronne, vous me demandez pourquoi je préconise d’abaisser le centre de gravité de l’action publique du logement au plus près du terrain, auprès des maires. Je rêve de transférer les compétences « Logement » et « Hébergement » aux métropoles et aux communautés urbaines, et aux départements là où n’existe ni l’une ni l’autre. Quant à l’animation des opérations de proximité en matière d’accompagnement de la rénovation de l’habitat, pilotées par France Rénov en lien avec le département et la région, je la placerais au plus près du terrain en la confiant aux structures intercommunales, qui ont toutes ou presque réalisé des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) et qui en ont l’habitude.
Madame Magnier, j’ai eu la chance de visiter une rénovation complète dans l’Indre. Des objets connectés ont été installés et pris en compte dans l’assiette de financement du fonctionnement de la pompe à chaleur.
La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de M. François Jolivet, rapporteur spécial.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 16 mai 2023 à 21 heures
Présents. - M. Manuel Bompard, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marina Ferrari, M. David Guiraud, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Pascal Lecamp, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas
Excusés. - M. Christian Baptiste, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - M. Inaki Echaniz, Mme Perrine Goulet, M. Bastien Marchive, M. William Martinet, M. Stéphane Peu, Mme Sabrina Sebaihi