Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

– Audition de Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales  2

– Présences en réunion.............................. 17


Mercredi
12 octobre 2022

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 3

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de
M. Thomas Cazenave, Président


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La séance est ouverte à 17 h 30.

 

La délégation auditionne Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/j2P3vU

 

M. le président Thomas Cazenave. Nous avons entamé cette semaine la discussion en séance publique du PLF pour 2023 : si chaque année apporte son lot de mesures intéressant les collectivités territoriales, celle-ci est marquée par une succession de contextes particuliers. Nous sortons en effet – si tant est que nous en soyons sortis – d’une crise sanitaire qui a fortement mobilisé les pouvoirs publics pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, l’activité des entreprises et l’action des collectivités locales dans les territoires. L’inflation suscite de nouvelles inquiétudes et l’envolée des prix de l’énergie met tout aussi sévèrement à l’épreuve les budgets locaux.

Plusieurs réponses à cette situation ont déjà été apportées, qu’il s’agisse du bouclier tarifaire ouvrant aux plus petites communes le bénéfice du tarif réglementé de l’électricité ou du filet de sécurité voté cet été dernier pour protéger, au niveau du bloc communal, celles d’entre elles qui ont été le plus touchées.

Notre délégation a d’ailleurs créé, pour suivre la situation des finances locales, un groupe de travail qui rassemble toutes ses composantes politiques et s’emploie à la prolongation de ces dispositifs, notamment du filet de sécurité, qui est la première préoccupation exprimée par toutes les associations d’élus lors des auditions auxquelles nous avons procédé.

Madame la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, vous avez annoncé, dans le cadre du PLF pour 2023, l’augmentation, très attendue par les élus locaux, de la DGF, la dotation globale de fonctionnement. Au congrès d’Intercommunalités de France, la Première ministre a du reste indiqué que l’effort dans ce domaine serait encore supérieur à votre annonce, pour atteindre 320 millions d’euros, décision historique à l’échelle des douze dernières années.

La suppression de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, fait également partie des interrogations qui animent les auditions des associations d’élus.

Enfin, les collectivités sont en première ligne pour la transition écologique et l’annonce d’un fonds vert visant à accompagner cette transition était très attendue.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires chargée des collectivités territoriales. Mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse de vous retrouver pour échanger avec vous au sujet des politiques publiques que le Gouvernement entend porter en direction des collectivités territoriales. J’aurai ainsi l’occasion d’évoquer ma feuille de route ministérielle et de répondre plus précisément à vos questions sur le volet territorial du PLF pour 2023.

Sur le plan de la méthode, nous avons voulu renouveler le dialogue avec les collectivités, les associations d’élus et le Parlement afin de construire ensemble des politiques publiques au plus près des réalités du terrain et, surtout, des besoins de nos concitoyens. Nous avons ainsi mené, avec Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, plusieurs cycles de concertations franches et fructueuses avec les associations d’élus, que nous avons reçues à trois reprises.

Après avoir évoqué la construction du budget des collectivités, je poursuivrai nos échanges dans le même esprit, avec pour boussole mon expérience de plus de vingt-et-un ans d’élue locale. Vous accomplissez, au sein de votre délégation, un travail précieux pour les territoires, sous la conduite de votre président, avec qui j’ai eu des échanges constructifs.

À l’exigence de méthode répond une exigence d’action face à la hausse des prix de l’énergie et à l’inflation. L’État doit être aux côtés des collectivités territoriales pour les aider à surmonter les difficultés du moment et, sur le plus long terme, à mener à bien leurs projets de transition énergétique, numérique et écologique. Face à l’urgence, le Gouvernement a déjà pris des mesures fortes en ce sens.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, dès le début de l’été, la loi de finances rectificative pour 2022 a instauré un fonds de 430 millions d’euros pour aider les communes et intercommunalités les plus fragiles à faire face à la hausse de la valeur du point d’indice des fonctionnaires et à celle du coût de l’alimentation et de l’énergie. Les collectivités ont besoin de cette aide au plus vite et j’ai donc souhaité que ces 430 millions d’euros soient dès maintenant mobilisables. Gabriel Attal a ainsi annoncé que, dès la parution du décret, d’ici la fin de cette semaine, et jusqu’au 15 novembre, les communes pourront déposer leurs demandes et obtenir un acompte de 50 % avant le 15 décembre.

Une information précisera aux préfets les conditions d’attribution de ce filet de sécurité, afin de leur permettre de soutenir les élus locaux. J’ai déjà demandé à certains préfets de prendre rapidement contact avec les communes relevant de ce dispositif. Cet accompagnement de l’État est encore accentué dans le PLF pour 2023 par un amendement du rapporteur général du budget tendant à étendre le filet de sécurité aux dépenses énergétiques.

Le bouclier tarifaire sera par ailleurs prolongé en 2023, ce qui permettra de limiter à 15 % la hausse des prix de l’électricité pour les plus petites communes.

Enfin et surtout, le non-plafonnement des bases fiscales permettra de laisser une pleine autonomie aux collectivités quant à leurs dynamiques fiscales.

Ces mesures permettront aux différentes collectivités territoriales de faire face aux premières tensions liées à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie.

Il nous faut néanmoins agir aussi à d’autres échelles. Au niveau du marché européen, tout d’abord, en cherchant à plafonner les prix et à capter les surprofits dégagés pour les grands groupes énergétiques par cette situation de tension. Le Président de la République s’y est employé à Prague, ainsi que le ministre des finances, Bruno Le Maire, et ils doivent formuler des propositions à cet égard dans les prochains jours.

Nous devons également agir, chacun à notre niveau, en appliquant les recommandations de la Première ministre, dont le plan de sobriété comporte un volet consacré aux collectivités territoriales, établi en lien étroit avec les associations d’élus.

J’espère que ces mesures et actions nous permettront de traverser l’hiver et de parer au plus pressé.

Le PLF pour 2023 prévoit d’augmenter d’un tiers les moyens consacrés à la dotation biodiversité, déjà doublés en 2022 et qui atteindront le montant de 30 millions d’euros, destinés aux communes relevant d’un PNR – parc naturel régional – ou d’une zone Natura 2000.

Nous mettrons par ailleurs en œuvre un fonds vert au montant inédit de près de 2 milliards d'euros. L’ensemble des projets éligibles et leurs caractéristiques doivent encore être précisés par la Première ministre, mais la méthode d’attribution des fonds est bien arrêtée : tout partira de vos initiatives, sans appels à projets. Le dialogue entre les élus et le préfet prévaudra et les territoires présenteront leurs projets.

Accompagner les collectivités territoriales, c’est avant tout sécuriser leurs financements pour leur donner de la visibilité sur le long terme, sans laquelle elles ne peuvent lancer leurs projets. J’avais initialement proposé à la Première ministre une hausse de 210 millions d’euros de la DSU – dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – et de la DSR – dotation de solidarité rurale –, financée par l’État et non par écrêtement des enveloppes allouées aux autres communes. Puis, face à la hausse des prix de l’énergie et à la poursuite de l’inflation, le montant envisagé s'est révélé insuffisant. La Première ministre et moi-même avons donc voulu le porter à 320 millions d’euros, dont 100 millions d’euros de DSR, de telle sorte que 95 % des communes et intercommunalités devraient voir leur dotation augmenter ou se maintenir. Compte tenu de l’impératif de maîtrise de la dépense publique, cette augmentation à 320 millions d’euros est une marque de confiance du Gouvernement envers les collectivités territoriales et les élus locaux.

La suppression de la CVAE devrait permettre à notre pays de gagner en compétitivité sans amoindrir les ressources des collectivités territoriales. Cette mesure sera, en effet, intégralement compensée par l’attribution d’une part complémentaire de la TVA, et bénéficiera également de sa dynamique. Elle sera destinée en 2023 aux territoires accueillant de nouvelles activités économiques sur des critères que nous établirons en concertation à partir des prochains jours. La compensation correspondra, l’année prochaine, aux sommes que l’État aurait dû reverser aux collectivités territoriales en 2023 au titre de la CVAE. Rien ne sera conservé par l’État : il n’y aura donc pas d’année blanche, ce qui répond à une exigence formulée par de nombreux élus.

Notre souci de protéger les marges de manœuvre des collectivités territoriales transparaît, enfin, dans le maintien de leurs dotations d’investissement – la DSIL, ou dotation de soutien à l’investissement local, la DSID, ou dotation de soutien à l’investissement des départements, la DPV, ou dotation politique de la ville, et la DETR, ou dotation d’équipement des territoires ruraux –, pour un montant de près de 2 milliards d'euros, équivalent à celui de l’année précédente.

Enfin, les élus bénéficieront dorénavant d’un remboursement forfaitisé de leurs frais de garde et n’auront plus à déposer un dossier de remboursement de leurs frais réels, avec une enveloppe augmentée de 1 million d’euros.

L’État accompagnateur doit accompagner les territoires selon une logique différenciée, notamment grâce au programme d’appui de l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Je pense en particulier aux programmes Petites Villes de demain et Action cœur de ville, qui permettent, en complémentarité, de redynamiser des territoires entiers à partir des centres urbains. Je pense également à l’agenda rural, dans lequel ils s’inscrivent.

Pour ce qui concerne le programme « Action cœur de ville », qui représente 4,7 milliards d'euros, le montant initial voté avec nos partenaires – la Banque des territoires, Action logement et l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat – était de 5 milliards d'euros : ce programme sera donc consommé à la fin de l’année 2022, pour plus de 6 000 actions déployées avec des résultats concrets, comme une augmentation de 15 % de la fréquentation des centres-villes malgré la pandémie, et de 17 % de ventes immobilières dans ces mêmes centres-villes. Nous préparons en ce moment l’acte II du programme, destiné à en accentuer la dynamique et qui, validé par Jean Castex à la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, devait proroger cette action jusqu’en 2026. J’ai d’ailleurs présidé vendredi dernier le comité des financeurs d’ « Action cœur de ville » et cette deuxième phase est bien engagée. Elle sera soumise pour validation à la Première ministre, qui fera des annonces plus détaillées dans les prochaines semaines.

Je souhaite par ailleurs que nous consolidions le programme « Petites Villes de demain », qui s’adresse à 1 600 communes de moins de 20 000 habitants et représente 3 milliards d'euros de soutien de l’État et de ses partenaires. Action Logement ne participe pas à la première mouture de ce programme, mais je ne désespère pas de l’introduire dans le tour de table complémentaire. À ce titre, j’ai missionné les équipes de l’ANCT pour mettre au point une feuille de route enrichie et plus opérationnelle qui réponde aux attentes des élus.

L’agenda rural, quant à lui, a changé concrètement la vie de nos concitoyens en milieu rural avec ses programmes, auxquels s’ajoutent les autres volets consacrés à la transition numérique ou au retour des services publics de proximité – comme la nouvelle sous-préfecture inaugurée voilà quelques jours par le Président de la République. Il y a là une complémentarité avec les maisons France Services, qui sont à ce jour au nombre de 2 400, sans oublier les 120 bus France Services qui sillonnent de nombreux territoires. À la fin de l’année, la France comptera 2 600 maisons France Services. Ce sont autant de points de contact et de services publics situés à moins de 30 minutes du domicile de chacun de nos concitoyens – certains sont même à moins de 20 minutes, voire dans une maison de quartier dans des villes moyennes. Au vu de ces résultats particulièrement tangibles, nous poursuivrons le développement de l’agenda rural au cours des cinq années à venir.

Le PLF pour 2023 et notre feuille de route marquent un engagement fort de l’État à agir aux côtés des collectivités pour des projets portés par les élus locaux, sur le court comme sur le long terme. J’espère qu’il ne s’agira pas d’efforts sans lendemain, et j’y veillerai.

Ce programme s’inscrit, plus largement, dans notre objectif de construire avec vous un nouveau chapitre de décentralisation. Nous verrons comment donner suite à la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, ou loi 3DS, en l’améliorant et en travaillant au plus près des attentes de nos élus. C’est d’ailleurs une volonté que le Président de la République a rappelée lundi lors de son déplacement en Mayenne.

M. le président Thomas Cazenave. Pour ouvrir nos échanges, je poserai deux questions qui n’ont rien à voir avec le PLF 2023. La première est relative à l’engagement pris par le Président de la République au cours de sa campagne de porter la réforme du conseiller territorial. Pourriez-vous nous éclairer sur l’éventuel calendrier et sur votre vision de cette réforme ? Pour faire suite à votre conclusion, je rappelle que le Président de la République et la Première ministre – cette dernière dans sa déclaration de politique générale – ont évoqué l’idée d’une nouvelle étape de décentralisation en esquissant certaines pistes de politiques publiques, dont la question du logement. Ce sujet est-il sur la table et selon quel calendrier pourrait-il se présenter au débat ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Au Sénat, j’ai voté la création du statut de conseiller territorial. Peu de temps après, le Président de la République François Hollande a souhaité annuler cette mesure, et j’ai voté contre cette annulation. Depuis 2010, le contexte a évolué : les régions sont devenues beaucoup plus grandes et le conseiller n’est plus seul, mais fait partie d’un « couple » territorial, de telle sorte que les conseillers territoriaux sont désormais plus nombreux. Comment, dans ces conditions, de mettre en œuvre cette réforme, à laquelle je suis, à titre personnel, tout à fait favorable ? Ayant été conseillère régionale, je savais qu’il était possible de répondre aux attentes des deux niveaux de collectivités, car il s’agit de collectivités de projets, qui n’exigent pas de présence quotidienne dans les hémicycles départementaux ou régionaux. Je siégeais ainsi dans une commission permanente qui se réunissait une fois par mois et je sais que, dans le département de l’Oise, les réunions de cette même commission permanente sont également mensuelles : la fonction me paraissait donc compatible.

Il reste que le Président de la République, durant sa campagne, a soutenu le principe du conseiller territorial pour rendre plus lisible l’action publique locale. La crise sanitaire a montré, en outre, qu’une collectivité de proximité telle que le département était en mesure de répondre plus rapidement aux attentes de nos concitoyens. Il n’y a pas, à ce stade, de calendrier ni de format précisément définis. J’ai échangé avec Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, de qui relève la partie régalienne du fonctionnement des collectivités.

Peut-être faudra-t-il que, comme l’a d’ailleurs fait le Sénat, vous lanciez une commission de travail ou de réflexion sur cette question lorsque le Président de la République ou la Première ministre aura donné le signal de départ. Les mandats des conseillers départementaux et régionaux courant jusqu’en 2028, nous avons du temps pour revenir sur cette réforme, qui me semble propre à simplifier les relations entre collectivités, sous réserve d’une nouvelle répartition des compétences qui éviterait de devoir rédiger, comme c’est le cas aujourd’hui, un exemplaire de la demande de subvention pour le département et un autre pour la région, voire un troisième pour l’Europe.

Pour ce qui concerne le logement, le Président de la République a évoqué la décentralisation ce matin, en conseil des ministres. Mon collègue Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, portera ce dossier. La politique du logement devra probablement être réinterrogée. Pour avoir été maire pendant vingt-et-un ans, je peux témoigner que le logement, les aides à la pierre, les attributions de logements et la rénovation urbaine sont des sujets capitaux, qui relèvent du champ de compétences d’Olivier Klein : je ne m’avancerai donc pas davantage à propos de ce dossier.

M. le président Thomas Cazenave. Nous auditionnerons donc Olivier Klein.

M. Stéphane Travert (RE). Dans L’Archipel français, Jérôme Fourquet évoque « l’archipélisation » de la France et pose la question de savoir ce qui permettrait demain de mieux cimenter notre pays et de faire du vivre ensemble une réalité factuelle pour nos compatriotes. En évoquant les dispositifs de soutien aux collectivités territoriales, le retour des services publics par le biais du maillage France Services et le déploiement du programme Petites Villes de demain, vous avez rappelé vos grandes priorités pour que les territoires ruraux restent attractifs et vivables.

Quelle nouvelle étape entendez-vous engager pour inciter de nouveau à la création de communes nouvelles ? Le département de la Manche, dont je suis élu, et celui du Maine-et-Loire ont été, voilà quelques années, des départements modèles dans la création de communes nouvelles et même d’intercommunalités XXL, le nombre d’intercommunalités passant, dans la Manche, de quarante-sept à huit. Nous travaillons toujours à la préparation de ces intercommunalités. Peut-être devrions-nous passer à la vitesse supérieure à l’échelle du pays, afin que les territoires disposent de compétences élargies et possèdent des dimensions plus étendues permettant la mise en œuvre des politiques nécessaires.

Enfin, quelles modifications pourraient-elles être apportées au dispositif Zéro artificialisation nette, ou ZAN, notamment pour des territoires comme le département de la Manche, presqu’île présentant diverses spécificités en termes de logement, de construction et d’urbanisme ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Monsieur le député, vous avez relevé à juste titre que la nouvelle vague de créations de communes nouvelles fonctionnait très bien dans l’ouest de la France. En revanche, nous n’avons guère eu de succès en la matière dans les Hauts-de-France. Françoise Gatel, spécialiste des communes nouvelles au Sénat et avec qui j’ai beaucoup échangé à ce propos, a porté ce dispositif, dont le potentiel de simplification semblait intéressant car nombre de petites communes pourraient partager leurs responsabilités. Entre 2010 et 2022, un peu moins de 800 communes nouvelles ont été créées, soit une proportion d’un tiers des 2 500 communes concernées. Depuis 2015, le cadre juridique a évolué dans le sens d’une simplification des regroupements, sur la base du volontariat, mais la dynamique semble s’être un peu essoufflée depuis quelques années, du fait peut-être de la crise sanitaire ou des années électorales – 2020 étant, par exemple, marquée par les élections municipales.

La création d’une commune nouvelle suppose non seulement l’adhésion des élus, mais aussi celle de la population. Ainsi, dans le département de l’Oise, un projet de regroupement bien ficelé par les élus de trois communes a provoqué un tollé lorsque la population s’en est aperçue, et la préfète a dû annuler cette fusion. La prudence s’impose donc et de tels projets ne peuvent reposer que sur le volontariat. Peut-être pourrions-nous relancer la procédure avec des parlementaires convaincus qui sauraient convaincre les communes.

Quant au dispositif ZAN, la difficulté que vous évoquez m’a été signalée par toutes les associations d’élus que j’ai rencontrées au cours du mois écoulé. Christophe Béchu et moi-même en sommes arrivés à la conclusion que nous devrons revenir devant le législateur, car la loi instaurant ce dispositif n’en précise pas assez les modalités de mise en œuvre, ou du moins celles qui sont fixées sont-elles très rigides, froissant notamment les maires ruraux – car il est peut-être plus facile de reconstruire la ville sur la ville. L’arbitrage que nous avons obtenu à ce jour consiste à déduire des terres consommables toutes les surfaces correspondant aux programmes d’intérêt régional ou national, comme, dans les Hauts-de-France, le canal Seine-Nord, qui concerne 2 200 hectares, ou l’aéroport de Beauvais, qui touche près de 700 hectares avec le glacis qui entoure les pistes, ou encore d’autres projets de ce genre dans d’autres départements. Il faudra donc apporter des correctifs au dispositif, même si nous sommes tous conscients qu’il faut économiser la terre agricole. De fait, si certains territoires et certains élus ont été très vertueux, d’autres ont été plus consommateurs de terres et il conviendra de trouver un équilibre pour ne pas pénaliser les premiers.

Nous entendons le mécontentement des élus ruraux qui craignent de voir mourir leur commune faute de pouvoir construire quatre, cinq ou dix maisons supplémentaires pour des familles désireuses de rester sur leur territoire – ce qui réduira nécessairement aussi le nombre de classes dans les écoles. Nous devons rompre cette spirale en engageant un processus législatif qui permette un plus grand discernement sur les territoires. La loi 3DS a permis des initiatives, des expérimentations et des territorialisations qui pourront intégrer le ZAN, car ce dispositif concerne également toutes les communes du littoral, exposées au recul du trait de côte, où celles où la construction d’une centrale nucléaire doit consommer beaucoup de terres. Christophe Béchu partage cette analyse et considère comme moi que des adaptations législatives sont nécessaires.

Mme Edwige Diaz (RN). Le groupe Rassemblement national salue les décisions prises au fil du temps pour porter de 1,5 à 2 milliards d'euros le budget du fonds vert. Nous nous félicitons également de ce que le dispositif ne recourt pas à des appels à projets, ce qui est une simplification administrative. En revanche, de grandes incertitudes demeurent quant à l’utilisation et au fonctionnement de ce fonds vert, notamment pour ce qui est du périmètre et de l’objet des subventions.

Nous avons compris que ce fonds sera dédié à la rénovation thermique des bâtiments publics, à la naturalisation des villes et au réaménagement des friches, ce qui est très bien, mais il est un autre aspect qu’il convient d’étudier avec sérieux. Dans la circonscription très rurale du Blayais dont je suis élue, en Gironde, tous les syndicats des eaux sont confrontés à des problèmes de rénovation des canalisations. Les fuites représenteraient, au niveau national, un gaspillage de 1 milliard de mètres cubes chaque année, soit la consommation d’environ 18 millions d’habitants. La question écrite que j’ai adressée à ce propos le 20 septembre à M. Béchu n’a pas encore eu de réponse. Pourriez-vous envisager de rendre les syndicats des eaux des territoires ruraux éligibles aux subventions allouées par le fonds vert ?

M. Xavier Breton (LR). Outre une question déjà posée par notre président et qui portait sur le conseiller territorial, je vous en poserai trois autres.

S’agissant d’abord du nouveau chantier de décentralisation annoncé par la Première ministre dans son discours de politique générale et dont vous venez de nous confirmer la teneur, comment peut-on redonner du souffle aux nouvelles vagues de décentralisation qui prolongent, en quelque sorte, la loi 3DS et se révèlent, à l’instar de cette dernière, de plus en plus techniques, et comment les rendre opérationnelles et efficaces ?

En deuxième lieu, les propos de la Première ministre relatifs au couple préfet-intercommunalité ont ému plusieurs associations de maires. De fait, l’échelon communal reste la cellule de base de notre démocratie et les intercommunalités lui font quelque peu écran dans la mise en œuvre des politiques publiques. Quelle est votre analyse sur ce point ?

En troisième lieu, la consultation des populations est indispensable pour la création de communes nouvelles. Or, alors que le moindre chantier d’aménagement donne lieu à des enquêtes publiques, il est possible de créer une commune nouvelle sans associer à cette décision la population concernée. Seriez-vous ouverte à l’idée d’inscrire dans la loi le principe d’une consultation de celle-ci, ne serait-ce que pour avis, afin d’ancrer les communes nouvelles dans la démocratie locale ?

M. Paul Molac (LIOT). Les propos tenus par le Président de la République en Mayenne sont très novateurs par rapport à tout ce que j’ai entendu au cours des cinq années précédentes. Il a en particulier évoqué le pouvoir normatif, c'est-à-dire réglementaire. Or, je suis de ceux qui militent pour que les collectivités locales disposent d’une part de pouvoir réglementaire, ce qui permettrait d’adapter au mieux la législation aux réalités du terrain. C’est déjà le cas en Nouvelle-Calédonie et dans les territoires d’outre-mer, mais pas encore en métropole. Un changement de mentalité est toutefois à l’œuvre. Ainsi, alors que l’on confondait naguère, par exemple en Bretagne, les notions d’autonomie et d’indépendance, la situation a radicalement changé en quelques années et chacun comprend désormais ce que désigne l’autonomie.

Pour ce qui concerne les collectivités locales, il peut en effet être choquant pour une partie de la population que la décision de créer une commune nouvelle soit prise par le seul conseil municipal. Dans le même esprit, la région Bretagne et le département de Loire-Atlantique demandent de redonner à la Bretagne les frontières qui étaient les siennes depuis plus de 1 000 ans et une association a recueilli 105 000 signatures – ce qui est considérable – pour demander une consultation en ce sens. Plusieurs députés prendront certainement leurs responsabilités sur cette question importante, qui nécessitera le recours à la loi.

Les citoyens ont une vision de ce qu’est leur territoire. C’est vrai pour les communes, mais ce l’est aussi pour les départements, qu’une volonté technocratique a cru pouvoir supprimer –  or ce n’est pas si simple, et François Hollande s’y est d’ailleurs cassé les dents. La création de grandes régions n’a pas été plus facile et a suscité beaucoup d’aigreurs – je pense à l’Alsace, bien sûr, mais une « supermégarégion » réunissant La Souterraine et Biarritz est, elle aussi, difficile à gérer. Demander l’avis de la population est le préalable nécessaire, qui permet de bien poser le débat.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Madame Diaz, vous m’avez demandé si les syndicats des eaux pourraient bénéficier du fonds vert. Je ne dispose pas des articles précisant l’organisation de ce fonds, mais les syndicats des eaux régissent eux-mêmes l’amélioration de leurs flux ou sont regroupés au titre d’une DSP – délégation de service public – qui peut gérer les aménagements et les travaux. S’appliquent, en outre, le dispositif du Gemapi – gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations –, qui certes tangue un peu, et la loi de 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, qui impose aux communes de s’organiser d’ici 2026. Je demanderai à mon collègue Christophe Béchu de vous répondre plus précisément.

Monsieur Breton, pour ce qui concerne les chantiers de décentralisation, nos échanges de ce jour sont un peu en avance. Les mots-clés employés par le Président de la République lors de son déplacement en Mayenne étaient ceux d’efficacité et de proximité, ce qui suppose d’accorder certaines responsabilités aux communes et intercommunalités, voire aux départements – je pense notamment aux routes. Ce n’est qu’à l’issue d’un débat qu’il sera possible d’avancer sur ce sujet.

Savoir s’il faut décentraliser ou déconcentrer suppose de mener une analyse, qui pourrait être aussi territoriale, sur le fondement de la loi 3DS. De fait, les attentes peuvent être différentes en Lozère, dans le Pas-de-Calais et dans les Alpes-de-Haute-Provence. Les fonctions régaliennes dans les territoires doivent rester à l’État, mais des possibilités de déconcentration existent peut-être, par exemple pour le logement, évoqué tout à l’heure.

Je suis étonnée que les départements n’aient pas voulu reprendre à leur main certaines routes – sans doute est-ce pour des raisons budgétaires. Comme dans une intercommunalité, il convient d’évaluer les budgets qui seront transférés et permettront de mettre en œuvre la décentralisation ou la déconcentration. Il importe de distinguer le programme que l’on veut décentraliser ou déconcentrer et les budgets nécessaires, ce qui impliquera sans doute des arbitrages plus difficiles.

Pour ce qui est des communes nouvelles, j’ai déjà répondu à la question.

Quant aux intercommunalités, je ne les privilégie nullement par rapport aux communes mais, pour avoir été maire, je sais ce que nous devons aussi à l’intercommunalité : nous faisons ensemble ce que nous ne pouvons plus faire seuls. C’est, du reste, souvent la ville-centre, du fait peut-être qu’elle a concentré un plus grand nombre d’entreprises sur son territoire, qui apporte le plus de financements, mais elle assume aussi, en contrepartie, davantage de charges de centralité qui permettent aux communes de l’intercommunalité de profiter de ces services. Il faut trouver un équilibre en la matière, mais je plaide pour qu’on laisse la main aux maires. Sur mon propre territoire, j’ai rencontré des difficultés pour faire aboutir un PLUI, ou plan local d’urbanisme intercommunal, et un PLUIH, ou plan local d’urbanisme intercommunal valant programme de l’habitat, car les maires ruraux déploraient de perdre la main sur les permis de construire et d’aménager. Tout doit donc se faire en bonne entente, sans être imposé d’en haut. Peut-être est-ce précisément là la nouvelle version du dialogue que le Gouvernement veut mettre en œuvre avec les collectivités territoriales. L’intercommunalité a un rôle à jouer, mais les communes restent le bassin de vie des citoyens.

En outre, les sondages montrent que les deux personnalités les plus populaires en France sont le maire et le Président de la République : c’est dire si les citoyens sont attachés à leur maire, qui dispose d’une compétence générale, mais qui, surtout, reçoit toutes les doléances des citoyens et qui, comme le disait Jacques Chirac, « est à portée de baffe ». Ne croyez donc pas que je sacrifie le maire à l’intercommunalité – loin de là !

Attribuer aux communes un pouvoir réglementaire supposerait une révision constitutionnelle. Néanmoins, les intercommunalités et les régions disposent de pouvoirs réglementaires par le biais des SRADDET – schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires –, des PLU – plans locaux d’urbanisme – et des PLUI. Il nous faut désormais exploiter pleinement la loi 3DS, qui n’est encore qu’à peine mise en œuvre et qui nous donnera une faculté de différenciation. De fait, même si elle peut être améliorée, nous n’en avons pas encore tiré la substantifique moelle.

Monsieur Molac, l’autonomie est un vaste sujet, qu’il ne faut pas compter sur moi pour arbitrer ici ! Lors du découpage des régions, l’Oise avait d’autres souhaits que celui d’être rattachée au Nord-Pas-de-Calais au sein des Hauts-de-France – notre département aurait pu rejoindre par exemple l’Île-de-France ou la Normandie. Quant à l’autonomie des régions, le fait que les langues régionales comme le breton ou le basque soient enseignées dans les écoles est une chose, mais il est aujourd’hui des sujets plus prégnants.

L’outre-mer, enfin, sur lequel vous voudrez peut-être m’interroger, est un dossier qui relève de Gérald Darmanin et de Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Madame la ministre, ma question, à laquelle vous avez déjà en partie répondu, porte sur la relation entre les maires et les intercommunalités. Lors de la convention des intercommunalités de France qui s’est tenue la semaine dernière à Bordeaux, la Première ministre a fait une déclaration très appréciée par un auditoire captif, mais qui a provoqué ailleurs des réactions : elle annonçait que les présidents ou présidentes d’intercommunalité constitueraient à l’avenir, avec le préfet, un couple moteur pour l’action publique, et présentait l’échelon intercommunal comme le plus à même d’agir, notamment en matière de transition écologique.

Si je comprends l’intention, je m’interroge, tout d’abord, quant à cette remise en question du binôme maire-préfet, qui s’est révélé être un lien central pour la gestion des cahiers de doléances pendant la crise des gilets jaunes ou pour l’organisation de la réponse à la crise sanitaire pendant la phase pandémique. Ce binôme serait-il désormais relégué au second rang, alors même que M. Béchu, votre ministre de tutelle, annonçait très récemment l’obligation pour les communes d’établir un budget vert pour 2024, s’en remettant totalement pour cela à l’autorité municipale et à la liberté dont jouissent les maires en la matière ? Quelle place entendez-vous donner aux maires et l’annonce de Mme Borne préfigure-t-elle un versement prochain de la DGF aux intercommunalités plutôt qu’aux communes ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Les intercommunalités sont gourmandes ! Je partage pleinement l’analyse de mon ministre de tutelle, Christophe Béchu. Du reste, j’ai toujours consacré l’importance du couple maire-préfet, comme l’atteste la présence ici même de mon ancien préfet dans les fonctions de directeur de mon cabinet !

Deuxièmement, l’expérience de la crise sanitaire, durant laquelle l’Oise a été aux premières loges, me permet de témoigner du lien de proximité qui s’établit entre le maire et le préfet. D’autres responsabilités peuvent toutefois relever du préfet de région en lien avec les intercommunalités, qui sont elles-mêmes chargées de certains dossiers. J’ai, à cet égard, toujours été étonnée que la politique de la ville doive être votée en intercommunalité, et il est du reste assez difficile de faire accepter cette idée aux maires de communes rurales associées au sein d’une intercommunalité avec des villes moyennes, car ils ne comprennent pas pourquoi la rénovation urbaine ou le contrat de ville relèvent de ce budget.

Ne compliquons pas davantage les choses : le maire est le pivot de la vie politique d’un territoire, l’intercommunalité regroupe des compétences, par exemple en matière d’économie, qui doivent s’exercer sur un territoire plus vaste que celui de la commune, et d’autres responsabilités économiques relèvent des régions, qui ont une plus grande hauteur de vue. Cela ne signifie pas pour autant que ces acteurs doivent agir les uns à la place des autres ou les uns contre les autres : le jeu doit être, au contraire, gagnant-gagnant pour faire avancer le territoire.

M. Bertrand Sorre (RE). Nos concitoyens et les maires demandent de la proximité, et celle-ci s’incarne dans les collectivités territoriales grâce à l’engagement de nos élus locaux. Je salue les politiques mises en place depuis 2017 et que vous avez rappelées : « Action cœur de ville », « Petites Villes de demain », l’ANCT, et l’agenda rural.

Ma première question porte sur la continuité du déploiement des maisons France Services. Je me félicite qu’elles soient déjà au nombre de 2 400, pour atteindre celui de 2 600 à la fin d’année. Merci de continuer à porter ce dispositif particulièrement apprécié et efficient. Le département de la Manche, dont je suis élu, en concentre plusieurs, que la population s’est appropriées – signe que ce choix était pertinent.

En matière de proximité, cependant, il est parfois difficile, dans nos territoires ruraux, d’obtenir des titres sécurisés, comme les cartes d’identité ou les passeports, car le nombre de mairies habilitées à les délivrer a largement diminué et les délais d’attente sont particulièrement longs, au point que certains de nos concitoyens doivent renoncer à des vacances prévues depuis six mois. Se combinent donc un manque de lieux permettant l’enregistrement des demandes et d’importants délais de fabrication. L’État, qui devrait dresser un état des lieux et déployer de nouveaux sites, a-t-il identifié ce problème ?

Ma dernière question porte sur les communes nouvelles. Comme l’a dit mon collègue Stéphane Travert, la Manche a subi un double effet : alors que se créaient de nombreuses communes nouvelles, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi Notre, créait des EPCI, ou établissements publics de coopération intercommunale, de taille assez importante. Or, les élus locaux font souvent état du manque de représentativité observé au sein ces EPCI, du fait de la limitation du nombre de représentants des communes. Ainsi, dans la circonscription dont je suis élu, la création d’une commune nouvelle regroupant huit communes qui disposaient auparavant d’une représentation relativement importante au sein de l’EPCI n’a laissé à ces communes qu’un seul représentant. Au-delà donc des transferts de compétences, qui ne sont pas toujours bien acceptés, le manque de représentativité contribue à rendre très faible l’adhésion au principe de grandes communautés de communes ou d’agglomération. La question relève de la Constitution, et il serait donc opportun qu’une révision constitutionnelle assouplisse les règles afin de laisser plus de choix à l’EPCI et aux élus locaux quant au nombre de leurs représentants.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Le Gouvernement n’est pas fermé à une augmentation du nombre des maisons France Services, qui pourrait être porté à 2 700. Si la création d’une maison France Services s’impose sur votre territoire, faites-en la demande par l’intermédiaire du préfet, délégué territorial de l’ANCT, qui la répercutera vers Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques ou moi-même, qui partageons désormais la responsabilité de ce dossier et y travaillons ensemble.

Pour ce qui est de la représentation des communes au sein des intercommunalités, tout dépend des seuils fixés dans les statuts de ces dernières. Ainsi, dans un cas que je connais bien, les communes disposent d’un représentant supplémentaire par tranche de 1 000 habitants, de telle sorte qu’une commune de 3 500 habitants dispose de trois représentants pour exprimer ses volontés. J’imagine que, dans le cas que vous évoquez, la commune nouvelle a franchi un certain seuil de population en fusionnant plusieurs communes, ce qui devrait lui donner droit à plusieurs représentants au sein de l’intercommunalité. À titre transitoire, les sièges attribués aux anciennes communes sont maintenus – je parle sous le contrôle de Stanislas Bourron, DGCL – directeur général des collectivités locales. Le fait que les communes disposent d’un nombre de sièges correspondant à l’importance de leur population répond au principe constitutionnel d’égalité de représentation.

Lorsque je présidais l’association des villes moyennes, nous avions demandé avec insistance qu’un président de ville-centre ne puisse pas être politiquement évincé de la présidence de l’intercommunalité par un blocus politicien ou une autre manœuvre. Il semble cependant que cela se produise encore, et j’en connais quelques cas. Néanmoins, il ne doit manquer, en général, que quelques voix au représentant de la ville-centre pour avoir la majorité et il convient donc de voir, pour chaque territoire, quelle est la strate permettant d’avoir un, deux ou trois élus. Si vous le souhaitez, nous rédigerons, avec Stanislas Bourron, une note encore plus précise sur ce point.

Quant à la délivrance des titres sécurisés, il se trouve précisément que le Président de la République s’est ému ce matin, en Conseil des ministres, des délais qui lui ont été signalés. Un stock de demandes s’est constitué à la suite de la crise de la covid-19 et le nombre de demandes augmente désormais, puisqu’on peut à nouveau voyager. Le délai de délivrance de 90 jours devrait être ramené à 48,5 jours. Un plan d’urgence a du reste été annoncé en mai et un train de mesures d’un montant 14 millions d’euros viendra soutenir les collectivités territoriales mettant en place des plateformes à cette fin. En complément des deux fractions actuelles de dotation annuelle, une première part forfaitaire sera ainsi attribuée à tous les nouveaux dispositifs de recueil créés entre le 1e avril et le 31 juillet. Par ailleurs, 4 000 euros sont versés au titre de chaque nouveau dispositif de recueil installé à titre provisoire ou définitif. Une seconde part sera attribuée lorsque le taux d’utilisation de ce dispositif augmentera et l’ANTS, l’Agence nationale des titres sécurisés, versera pour sa part une prime d’installation forfaitaire de 4 000 euros pour l’ouverture d’un centre temporaire. Je vous communiquerai une note plus précise à ce propos.

M. le président Thomas Cazenave. Je partage la préoccupation de M. Sorre quant à ces délais et je suis, comme nous tous, régulièrement interpellé à ce propos par nos concitoyens. Je vous remercie donc des éléments que vous pourrez nous communiquer pour présenter votre plan d’action.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Même s’il est toujours possible de faire plus ou mieux, nous, qui sommes pour la plupart d’anciens élus locaux, relevons avec satisfaction l’effort consenti par le Gouvernement au profit des collectivités territoriales. Je tiens à le souligner, car j’ai noté hier que certains de nos collègues semblaient ne pas partager cette perception.

Quant au dispositif ZAN, il est inévitable que, sur un territoire abritant un parc national, une zone portuaire, un centre-ville classé et des opérations de rénovation urbaine majeures, se posent des problèmes de densité et d’intensité urbaines. Or, nos administrés ont parfois des difficultés à accepter le principe de la densité urbaine et nous devons être pragmatiques dans l’application de la loi. Je souscris donc à votre approche en la matière.

Ma première question concerne la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, ou loi PLM. Député de Marseille, j’ai été maire d’arrondissement durant de très nombreuses années. Or, les maires d’arrondissement sont des maires Canada Dry, qui ont le titre et l’écharpe du maire, mais pas ses pouvoirs. Un toilettage ou une modernisation de cette loi de 1982 serait donc bienvenu. De fait, le territoire dont j’étais maire comptait 135 000 habitants et sa superficie représentait la moitié de celle de Paris. Il est frustrant de ne pas disposer des moyens de la politique de proximité, alors que nos administrés attendent des réponses rapides face aux enjeux du quotidien. Une réflexion s’impose sur l’articulation entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, et sur l’élargissement des pouvoirs de ces dernières.

Par ailleurs, la fin annoncée pour 2023 de la ristourne dont bénéficiaient les anciens SAN, ou syndicats d’agglomération nouvelle, devrait faire sortir certaines intercommunalités, notamment des métropoles, du bénéfice du Fpic, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, ce qui soulève diverses questions, en particulier pour ce qui concerne la métropole marseillaise, objet de toutes les attentions, y compris au plus haut niveau de l’État. Quelle est, madame la ministre, votre position sur cette question plus générale ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. La loi PLM organise la répartition des compétences entre les mairies centrales et celles d’arrondissement. Dans les faits, la situation est très différente à Paris, Lyon et Marseille, du fait des décisions prises par les conseils municipaux. Ainsi, à Paris l’assainissement est collectif, mais la propreté ne relève pas des attributions des maires d’arrondissement. J’ignore ce qu’il en est à Marseille, mais il conviendra de proposer des arbitrages aux conseils municipaux, ce qui sera sans doute un peu compliqué.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Il sera indispensable de modifier la loi. En effet, la répartition des compétences fixée par la loi PLM prévoit des mesures différenciées – pour les écoles par exemple, gérées par les mairies d’arrondissement à Paris, mais pas à Marseille –, mais certaines compétences de proximité dévolues par exemple à des intercommunalités telles que les métropoles pourraient être transférées à la ville-centre dans le cadre des réflexions en cours sur la métropole marseillaise. Le législateur doit se pencher sur la question du devenir des mairies d’arrondissement, même si cela ne concerne que trois communes. De fait, s’il est de bonne guerre que les trois maires des mairies centrales de Paris, Lyon et Marseille entendent conserver leurs pouvoirs centraux, la question qui se pose est néanmoins celle de l’efficacité des politiques publiques, car des lois de 1983 et 1982 ne sont plus adaptées aux enjeux de 2022.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. À Lyon, le département a pris de nombreuses compétences, souvent enchevêtrées avec celles de la métropole, ce qui soulève quelques difficultés. Il faudra, pour améliorer la situation, profiter d’une niche ou d’un cavalier législatif qui reste à identifier.

Le premier bénéficiaire du Fpic est la métropole de Marseille, avec 41,3 millions d’euros. Le PLF pour 2023 ne proroge pas, en effet, la ristourne, mais il prévoit, à la sortie du Fpic, une garantie de deux ans, à hauteur de 75 %, puis de 50 %, ce qui est toujours mieux que rien.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Je dois d’abord exprimer mon désaccord quant à l’effort consenti au profit des collectivités territoriales. En effet, avec un montant de 430 millions d’euros, le filet de sécurité a de bien grosses mailles et ne profitera qu’à 8 000 communes sur un total de 34 000, soit 22 % d’entre elles.

Le 5 octobre, l’Association des maires de France a souligné la nécessité de prendre des mesures immédiates face au coût de l’énergie, car les prix proposés dans les nouveaux contrats ne sont plus tenables ni acceptables. Même à l’échelle locale, des profiteurs de crise spéculent en utilisant ce moment politique de détresse pour s’enrichir aux dépens des collectivités territoriales. Or, le PLF pour 2023 n’est pas à la hauteur des enjeux. Des amendements seront proposés, mais il faut élargir le plus possible ce filet de sécurité pour protéger le plus grand nombre possible de communes. Ce n’est pas en privilégiant 8 000 communes pauvres que vous éviterez aux 24 000 autres de se trouver dans des situations de détresse.

Je n’ai pas d’opinion quant à un rattachement de la Loire-Atlantique à la région Bretagne pour des raisons historiques, mais il n’est pas possible de balayer d’un revers de main une pétition signée par 105 000 personnes et soutenue par les cinq départements concernés et par la région. C’est une question de démocratie locale. Celle-ci peut du reste s’appliquer à des échelles beaucoup plus réduites, par exemple pour le ZAN ou pour des projets d’urbanisation, dans lesquels il faudra, au-delà du rôle des élus, penser à intégrer davantage le citoyen à la prise de décisions collectives.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Vous trouvez que le bouclier de la loi de finances rectificative pour 2022 est insuffisant, et le chiffre que vous avancez est exact, mais nous avons souhaité protéger les communes les plus fragiles.

Quant au bouclier qui s’applique à l’électricité, le tarif réglementé de vente a permis de plafonner l’augmentation à 15 % pour les plus petites communes. Contrairement à ce que vous dites, 28 000 communes sont concernées, soit 80 % des communes françaises.

Le filet de sécurité voté en août 2022 et qui sera versé en 2023 s’élève à 430 millions d’euros destinés aux communes et EPCI les plus fragilisés par l’inflation. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, un acompte de 50 % peut être demandé. Ce dispositif sera reconduit en 2023 grâce à un amendement du rapporteur général du budget.

J’ai également évoqué dans mon introduction les négociations européennes que le Président de la République et Bruno Le Maire sont en train de mener en vue d’obtenir un blocage des prix au niveau européen, qui pourrait concerner tous les territoires. J’ai également dit que nous augmenterons en 2023 la DSU et la DSR de 320 millions d’euros, montant financé par l’État et non par un écrêtement de la DGF des autres communes. C’est une première depuis treize ans et cela permettra à 95 % des communes de bénéficier d’une DGF en hausse.

Cependant, l’État aussi a ses contraintes budgétaires. Vous pouvez, en tout état de cause, recommander aux élus de vos territoires de ne pas se précipiter pour renégocier des contrats qui se terminent, car les énergéticiens vendent aujourd’hui leur électricité à un prix jusqu’à cinq fois supérieur à son coût de production. La Première ministre est en train, non pas de les tancer, mais d’obtenir d’eux des prix plus raisonnables. Compte tenu des difficultés que connaissent actuellement les communes françaises, plus les énergéticiens se montrent pressants pour faire signer de nouveaux contrats, plus il faut attendre et, en cas d’urgence, ne signer que pour un ou trois mois.

M. le président Thomas Cazenave. Monsieur Kerbrat, dans le cadre des auditions que mène notre délégation, il nous a été expliqué qu’il n’était pas possible de rapporter le chiffre de 8 000 communes protégées aux 34 000 que compte le territoire national, car 80 % d’entre elles bénéficient d’un tarif réglementé. Le filet de sécurité est conçu pour traiter de manière différenciée celles qui ne sont pas protégées par ce type de dispositif. En outre, face à l’inflation des coûts, toutes les associations d’élus demandent que le législateur ne plafonne pas l’évolution des valeurs foncières. Or, c’est malheureusement ce qui a été voté en commission des finances par toutes les oppositions, malgré notre résistance. Nous devons en tenir compte en examinant globalement la situation des collectivités locales.

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Merci pour ce moment d’échange. Vos questions m’offrent toujours l’occasion d’approfondir les sujets et d’être aussi efficace que possible dans mon action au service des territoires. Je soulignerai pour conclure que plus de cinq des ministres du Gouvernement ont été des élus locaux. C’est là une première qui démontre tout l’intérêt que portent aux territoires le Président de la République et la Première ministre, et qui rappelle que nous sommes tous complémentaires au service de nos territoires.

La séance est levée à 18 h 50.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. M. Xavier Breton, M. Thomas Cazenave, Mme Edwige Diaz, M. Andy Kerbrat, M. Paul Molac, M. Jean‑Claude Raux, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Bertrand Sorre, M. Stéphane Travert.

 

Excusés. Mme Christine Pires Beaune, Mme Bénédicte Taurine, M. Frédéric Valletoux, M. Alexandre Vincendet.