Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

 Audition de M. Olivier KLEIN, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement  2

 Présences en réunion............................ 17


Mercredi
25 janvier 2023

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de
M. Thomas Cazenave, Président


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La séance est ouverte à 17 h 30.

 

La délégation auditionne M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargé de la Ville et du Logement.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/GDCvbP

 

M. le président Thomas Cazenave. Nous accueillons M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, que je remercie de s’être rendu disponible pour échanger avec les membres de la délégation.

L’exercice de votre ministère est au cœur des enjeux et des préoccupations des collectivités territoriales et des élus locaux, donc de notre délégation. Nous abordons régulièrement la question du logement social. Le dernier rapport annuel de l’Agence nationale du contrôle du logement social (ANCOLS) indique que la France compte un peu plus de 5 millions de logements sociaux et que quatre locataires sur dix en bénéficient.

Vous avez annoncé un pacte de confiance avec les bailleurs sociaux, les élus locaux et les partenaires financiers, pour définir et évaluer les besoins en investissement et en financement pour le logement social durant le quinquennat. Vous avez également annoncé le 9 janvier, à l’Assemblée, que votre ministère élaborait un dispositif Seconde vie, dont l’objet est d’accélérer la rénovation du parc social. Vous pourrez nous éclairer quant à ces initiatives.

Par ailleurs, je suis convaincu qu’il existe un continuum entre l’aménagement, l’urbanisme, le logement et l’hébergement. Nous avons créé un groupe de travail consacré à la décentralisation. Envisagez-vous de nouveaux transferts de compétences ? La décentralisation de la politique du logement est-elle une perspective à laquelle vous travaillez et, le cas échéant, dans quelle direction ?

Enfin, il me semble intéressant de débattre de la politique de la ville. L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), que vous connaissez bien, s’apprête à souffler ses vingt bougies. Quel bilan tirez-vous de son action et quelles perspectives pouvez-vous tracer ? Pourriez-vous également revenir sur le renouvellement des contrats de ville, qui doit intervenir cette année ? Comment percevez-vous la nouvelle génération de contrats ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Je suis heureux d’être auditionné pour la première fois par votre délégation en tant que ministre délégué à la ville et au logement.

Mon portefeuille doit s’articuler avec les collectivités, à chaque échelon, en particulier celui des collectivités locales et des maires. Les élus sont des partenaires essentiels dans les domaines du logement et de la ville. Élu municipal depuis plus de vingt-cinq ans, je suis très attaché aux collectivités. Celles-ci ont toute leur part à prendre dans les politiques du logement et la politique de la ville, que j’entends tourner vers les territoires.

La politique du logement doit reposer sur un dialogue entre l’État et les maires, pour répondre à une situation qui n’est pas bonne : les prix de vente et les loyers sont toujours plus élevés, le pays compte 2 millions de demandeurs de logement social, la remontée des taux d’intérêt fragilise la demande, l’accès au crédit est un enjeu important et l’on déplore un déficit de l’offre ainsi que de la production de logements en zones tendues, tandis que les freins à la construction restent trop importants.

Ma mission est de faire en sorte que le logement ne soit pas la « bombe sociale » de demain. À cette fin, nous devons travailler étroitement avec les élus locaux.

S’agissant du logement social, il est essentiel de maintenir un dialogue permanent avec les maires et les autres élus. Je connais bien les réalités auxquelles ils sont confrontés. Je souhaite ouvrir un échange autour de la question des attributions de logements sociaux. La gestion en flux simplifiera les demandes, mais ne rendra pas nécessairement ce mécanisme plus compréhensible par les différents échelons. Il importe que l’attribution ne déconnecte pas les élus de leurs habitants. Je souhaite donc travailler avec vous pour qu’un maire puisse accomplir son mandat en attribuant des logements sociaux suivant la vision qu’il a de sa ville et pour laquelle il a été élu, dans le respect des principes fixés par les financeurs.

Vous connaissez mon attachement à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui a fait l’objet de débats lors de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS). Le bon équilibre a été trouvé. La loi et ses exigences ont été pérennisées, tout comme un dialogue local intelligent. C’est le sens des contrats de mixité sociale, que je souhaite signer avec toutes les communes volontaires. C’est aussi celui du bilan triennal de la loi SRU.

Il importe également de réconcilier la France avec l’acte de construire. Les maires ont une responsabilité centrale en la matière. Nous devons regarder collectivement la réalité en face. En l’occurrence, il est de plus en plus difficile d’obtenir des permis de construire, notamment dans les grandes villes et en zones tendues, avec des exécutifs municipaux parfois frileux face à l’acte de construire et des oppositions locales de plus en plus fortes. Regarder la réalité en face, c’est aussi constater qu’il n’y a pas suffisamment de logements sociaux produits en zones tendues, où se trouvent pourtant les besoins les plus élevés. C’est avec l’engagement des élus que nous parviendrons à réconcilier la France avec l’acte de construire.

Nous devons collectivement réfléchir aux outils permettant de répondre à la fragilisation de la demande du fait de la hausse des taux, et accompagner financièrement les élus volontaristes, que l’on appelle les maires bâtisseurs, pour qu’ils puissent accueillir de nouveaux habitants dans de bonnes conditions. Pour y parvenir, je lancerai le chantier d’une décentralisation efficace, comme l’a souhaité le Président de la République. Les discussions que je tiendrai avec les parlementaires et les associations d’élus, ainsi que les échanges dans le cadre du Conseil national de la refondation du logement, seront l’occasion d’avancer collectivement. Je veux trouver avec vous le chemin pour redonner aux élus l’envie de construire, et de construire des logements pour tous.

Il faut certes construire plus, mais aussi construire mieux. À cet égard, une dynamique a été engagée. Les promoteurs, les architectes et les entreprises du bâtiment et de travaux publics transforment leur activité en profondeur pour répondre à cette ambition environnementale ainsi qu’aux exigences de la réglementation environnementale 2020 (RE2020). Ce cadre réglementaire ambitieux fixe plusieurs objectifs pour la construction neuve : sobriété énergétique, sortie des énergies fossiles et diminution de l’impact carbone.

L’accélération de la construction de la ville durable, que le Gouvernement promeut, se concrétise aussi à travers le fonds vert annoncé par la Première ministre. Ce fonds de 2 milliards d’euros, destiné aux collectivités locales, est un engagement fort pour accélérer la transition écologique des villes et des territoires. L’été 2022 a encore démontré que l’exceptionnel deviendra la norme et qu’il faut agir. Ce fonds accompagnera les collectivités dans leurs projets visant à adapter la ville au changement climatique, à régénérer les friches urbaines – le fonds friches, qui a connu un grand succès dans le cadre du plan de relance, sera pérennisé – et à rénover les équipements publics. C’est du concret ! Ce fonds est destiné aux élus locaux, qui sont les mieux placés pour engager des projets de transition écologique adaptés à leur territoire.

Le chantier de la rénovation massive, en liaison avec les collectivités, importe autant que celui de la construction. Les défis climatiques nous imposent d’aller plus vite et plus fort dans l’amélioration du parc de logements.

Nous actionnons plusieurs leviers, à commencer par celui de la rénovation énergétique. C’est l’une des priorités du Gouvernement, et les résultats sont là. MaPrimeRénov’ illustre la réussite de la massification des travaux de rénovation, avec 1,5 million de projets soutenus depuis 2020, au-delà de l’objectif de 700 000 par an, et plus de 160 000 rénovations globales – le chiffre de 2 500 rénovations globales avancé dans le rapport de la Cour des comptes concerne les seules opérations ayant obtenu un bonus. Quoi qu’il en soit, il faut accélérer. Alors qu’il est souvent reproché aux bâtiments de représenter 20 % des émissions de gaz à effet de serre, nous devons faire du logement l’avant-garde éclairée de la transition écologique.

L’accélération passe d’abord par un meilleur accompagnement des ménages, avec le service public France Rénov’ et la structuration progressive d’un réseau d’accompagnateurs agréés sur tout le territoire. Elle passe ensuite par la poursuite du soutien aux copropriétés de tout type. L’aide MaPrimeRénov’ copropriétés sera ainsi prolongée, pour lever les freins. Les premières rénovations ont majoritairement concerné l’habitat individuel ; l’habitat collectif est désormais une priorité pour poursuivre la massification et répondre aux objectifs de la loi « climat et résilience ». Les collectivités auront un rôle clé à jouer dans cette accélération. Je sais qu’elles demandent d’avoir au plus vite de la visibilité. C’est tout à fait légitime. Les prochaines semaines doivent nous permettre de définir ensemble les principes pérennes du cadre dans lequel France Rénov’ a vocation à être financé après 2023, pour donner de la stabilité et de la visibilité à tous les acteurs qui le composent.

S’agissant des aides aux travaux, la délégation des aides à la pierre et l’animation locale qu’elle permet, au plus près des bénéficiaires, seront des leviers utiles pour la massification des rénovations performantes, en particulier dans l’habitat collectif – seul moyen de respecter les échéances prévues par la loi « climat et résilience ». Un autre levier est le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Il est pleinement déployé : 450 projets ont été validés, des chantiers sont engagés dans près de 400 quartiers et les 12 milliards d’euros prévus seront bientôt intégralement alloués – 9 milliards l’ont déjà été ; cela ne signifie pas qu’ils ont été dépensés. Par ailleurs, on estime que les crédits alloués par l’ANRU suscitent une multiplication par quatre de l’investissement, grâce à l’effort conjoint des collectivités locales et des bailleurs. Les 12 milliards permettront ainsi un investissement total de 48 à 50 milliards dans les quartiers populaires.

Afin que le NPNRU accompagne mieux la transition environnementale, l’ANRU doit s’adapter. C’est le sens de la démarche Quartiers résilients, qui vise à réexaminer les projets et à subventionner les plus innovants dans une cinquantaine de sites, à hauteur de 100 millions d’euros, avec le soutien de la Caisse des dépôts. À cet égard, je salue l’action de l’ANRU et des maires des quartiers populaires qui s’engagent dans ces opérations de reconstruction et de renouvellement urbain.

Lier la politique de la ville et celle du logement, ainsi que l’ont décidé le Président de la République et la Première ministre, permet d’obtenir des résultats importants dans les quartiers, pour que leurs habitants se sentent pleinement citoyens. Cette démarche, qui se construit avec les élus locaux, s’articulera autour de deux thématiques.

Premièrement, l’ambition Quartiers 2030, annoncée par le Président de la République, permettra aux quartiers populaires d’avoir de la visibilité à un horizon acceptable. Elle se déclinera en quatre axes forts, une méthode, des valeurs et des outils.

La méthode sera centrée sur la contribution des habitants et la reconnaissance des quartiers populaires. L’enjeu est de prendre en compte la parole de tous les habitants de ces quartiers. Je lancerai donc, à l’instar du Conseil national de la refondation (CNR), des échanges locaux dans chaque quartier pour coconstruire les priorités des futurs contrats de ville. Des temps de restitution permettront de témoigner de la richesse de ces contributions avec respect et fidélité.

Les quatre axes seront les suivants : des quartiers du plein emploi, à travers l’insertion et la formation, l’entrepreneuriat et le développement économique ; des quartiers adaptés aux transitions, pour faire face aux enjeux climatiques, démographiques et écologiques ; l’émancipation, à travers la réussite éducative, l’éducation, la culture et le sport, et avec une priorité donnée à la lutte contre toutes les discriminations ; la tranquillité et la sécurité.

Cette ambition vise à reconnaître et objectiver les attentes des habitants autant que les richesses des quartiers populaires, avec pour fil conducteur la reconnaissance due à ceux qui y vivent.

Les nouveaux contrats de ville seront les supports de la démarche. Il faudra aussi repenser la politique de la ville et construire une nouvelle génération de contrats pour 2024-2030. Une large consultation avec les habitants, les acteurs associatifs et les élus avait commencé en 2022. Des évaluations locales avaient été effectuées et plusieurs missions lancées par Nadia Hai. Une mission conjointe de contrôle a également été engagée au Sénat. Ces évaluations nous aideront à construire les futurs contrats de ville, lesquels devront donner plus de latitude au niveau local pour s’adapter à chaque situation, en s’emparant d’un ou plusieurs des quatre axes que je viens de citer. Un contrat de ville ne sera pas nécessairement jugé bon parce qu’il se sera emparé des quatre piliers d’ambition Quartiers 2030 : chaque territoire devra définir son ou ses propres axes prioritaires. Pour utiliser l’image de la boussole, il sera possible d’aller non seulement au nord ou au sud, mais aussi au nord-est ou au sud-est.

Nous avons demandé à l’Insee de travailler aux zonages de la politique de la ville, tels qu’ils ont été définis par loi Lamy de 2014, reposant sur la méthode du carroyage et le critère de pauvreté, mais je souhaite aussi donner plus de souplesse aux territoires pour éviter les effets de bord ou s’il apparaît que le carroyage Insee n’est pas adapté à tel ou tel quartier. Nous effectuerons un travail itératif avec les préfets et les élus locaux, afin qu’aucun territoire ne soit oublié et qu’aucun quartier ne « perde le nord ».

Il convient aussi d’aider les associations à consacrer plus de temps à leur travail associatif. Préparer des demandes de subvention et répondre aux évaluations demande du temps. L’analyse des demandes de subvention est également chronophage pour les préfectures et les services municipaux. Nous essaierons de multiplier les conventions pluriannuelles d’objectifs, pour libérer du temps et soutenir les petits projets en facilitant un financement rapide. Nous disposons de divers outils pour simplifier les procédures.

Des périodes de trois ans seront instituées pour adapter plus rapidement les priorités de la politique de la ville en fonction des choix politiques des exécutifs locaux. Les nouveaux contrats de ville seront alignés sur les mandats municipaux, entre 2024 et 2027, puis reconduits jusqu’en 2030. Nous souhaitons bâtir un nouveau cadre. Le cas échéant, ces contrats devront comporter un volet relatif aux investissements, même pour les quartiers en politique de la ville qui ne sont pas dans un programme de renouvellement urbain.

Un travail sera mené en partenariat avec les financeurs – l’État, à travers la dotation politique de la ville et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), et les partenaires historiques de la politique de la ville que sont les caisses d’allocations familiales (CAF), les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et la Caisse des dépôts.

Deuxièmement, s’agissant du logement, en particulier des copropriétés dégradées et de l’habitat insalubre, les temporalités restent trop longues en dépit des nombreux outils de résorption des difficultés identifiées et de la mobilisation de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), de l’ANRU et des collectivités locales. La plus grande attention reste de mise. Ces questions sont souvent soulevées dans le CNR « Logement » et par les élus qui participent au plan Initiative copropriétés, lancé par Julien Denormandie et qu’il faut continuer à faire vivre. Que l’on soit en opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH), en plan de sauvegarde ou en opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (Orcod-in), les programmes sont trop longs, difficilement à appréhender pour les habitants, et habiter dans ces copropriétés comporte des risques.

Les territoires, leurs élus, leurs associations et leurs citoyens regorgent d’imagination. Nous devons les écouter et avancer avec eux.

J’en viens aux questions que vous m’avez posées, monsieur le président. La décentralisation du logement est un thème qui revient souvent. Le Président de la République et la Première ministre l’évoquent régulièrement. C’est normal, puisque le logement remplit une fonction de proximité. En la matière, qui plus est, les responsabilités sont éclatées : il y a celle de l’État, ce qu’il reste de celle des maires, celle qui a été confiée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux métropoles, celle des régions – sans parler de l’exception que constitue la métropole parisienne, qui n’a pas encore voté son plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), ou encore des établissements publics territoriaux (EPT) qui ne sont pas de véritables EPCI mais qui construisent quand même leur plan local d’urbanisme intercommunal PLUI. La question de la décentralisation est donc légitime.

Dans la perspective de construire mieux et plus, et de répondre aux urgences, nous réfléchirons collectivement aux bons outils de la gouvernance. Nous avons commencé, avec Christophe Béchu et Dominique Faure, à rencontrer les associations d’élus. Nous aborderons tous les sujets : l’attribution, le permis de construire, le programme local de l’habitat (PLH), les PLUI, le soutien aux maires bâtisseurs…

En tout état de cause, la décentralisation est un moyen, pas une fin. Si décentralisation il devait y avoir dans certains domaines, elle devrait être au service des objectifs du CNR : mieux loger les plus fragiles, construire là où sont les besoins, rénover et construire durablement. Elle pourrait être utile, par exemple, pour la rénovation énergétique et MaPrimeRénov’, pour garantir plus d’efficacité et d’équité. En effet, les Français ne sont pas égaux devant les aides : dans certains territoires, différentes aides persistent et s’additionnent – notamment dans les intercommunalités ayant fait des efforts, où l’on trouve des agences locales de l’énergie et du climat (Alec) compétentes –, tandis que les citoyens n’ont droit qu’aux aides de l’État dans d’autres. Une forme de concurrence territoriale obligerait les territoires à mieux s’emparer du sujet et à compléter les aides de l’État pour que le reste à charge soit moindre.

Concernant le logement social et le pacte de confiance, la Première ministre a souhaité, lors de son discours de politique générale de l’été dernier, impliquer l’ensemble des acteurs concernés. Le contexte est difficile, avec l’augmentation du coût des matériaux et celle du taux du livret A – la rémunération de 3 % est une bonne chose pour les petits épargnants, mais une moins bonne pour les bailleurs sociaux, qui voient le remboursement de leurs emprunts s’accroître et leurs fonds propres ainsi que leurs fonds de roulement en pâtir. Il faut rebâtir la confiance et travailler sur le prix du foncier. Le pacte de confiance suit trois priorités : le parcours résidentiel, la transition écologique et la production de logement social.

Le logement social est une chance pour notre pays. Ce modèle fonctionne. Il concerne de nombreux Français qui y commencent leur parcours résidentiel – certains y passent même leur vie, ce qui n’a rien de dramatique – et bénéficient ensuite de l’accession sociale à la propriété.

La rénovation des bâtiments doit concerner autant l’habitat privé que l’habitat social. Celui-ci doit être exemplaire en matière de transition écologique, car il représente 25 % des résidences principales. Le dispositif Seconde vie concerne des bâtiments assez anciens, souvent des passoires thermiques, dont la démolition n’est pas envisagée, à la fois parce que, sur le plan écologique, cette solution pose problème, et parce que l’opération est longue et complexe – elle suppose, notamment, de reloger les habitants. Le dispositif consistera donc à réhabiliter si profondément l’existant que le bailleur pourrait bénéficier des mêmes exonérations que pour une construction neuve, parmi lesquelles celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Il ne concernera pas seulement les zones ANRU.

La troisième priorité concerne la production de logement social. Cet objectif doit être partagé. En 2022, l’agrément a été accordé à 110 000 logements. Ce chiffre comprend les constructions outre-mer. Il est insuffisant au regard des besoins.

Nous devons commencer à réfléchir à l’avenir de l’ANRU. Le tuilage entre l’ANRU 1 et l’ANRU 2 n’a pas été aisé. Si 99,8 % des programmes sont passés en comité d’engagement, ils n’avancent pas tous au même rythme. Comme cela avait été le cas dans l’ANRU 1, certains seront terminés quand d’autres n’auront pas vraiment commencé. Nous devrons engager une réflexion sur cette temporalité, car notre action devra se poursuivre, que ce soit ou non à travers un troisième ANRU.

M. le président Thomas Cazenave. Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.

M. Didier Le Gac (RE). Je suis élu en Bretagne, une région qui se porte bien, avec le plus bas taux de chômage, mais dans laquelle le logement constitue une préoccupation majeure. Toutes les catégories – étudiants, jeunes salariés, moins jeunes – sont confrontées à un problème d’offre, devenu plus criant encore depuis la crise du covid. Il est difficile de trouver des locations et le logement ancien est devenu inabordable.

Pourtant, des outils existent, comme la limitation de l’hébergement touristique – c’est le cas à Saint-Malo, qui a instauré des quotas pour faire face au développement des logements Airbnb –, la possibilité de majorer la taxe d’habitation pour les résidences secondaires en zone tendue et la défiscalisation. Où en sont les groupes de travail dédiés à ces questions ?

Qu’est-il prévu pour remplacer le Pinel, qui arrivera à son terme à la fin de l’année et coûte très cher à l’État ? En écho à vos propos concernant la décentralisation, il existait un « Pinel breton », qui fonctionnait bien. La région avait défini le zonage. Cet outil servait de déclencheur pour la construction de logement social.

M. Yoann Gillet (RN). Quelles sont les conditions exigées pour bénéficier du NPNRU ? Certains quartiers éligibles n’ont pas été traités ; voilà neuf ans qu’ils sont oubliés par l’État. Beaucaire, quatrième ville du Gard, peuplée de 16 000 habitants, à l’identité et l’architecture remarquables, est victime des choix du précédent maire, qui n’avait pas déposé de candidature à ce programme avant 2014. De ce fait, malgré la volonté manifestée à plusieurs reprises par son maire, Julien Sanchez, d’adhérer au NPNRU, cette commune passe à côté de nombreuses occasions opérationnelles et financières. Des démarches ont été effectuées, notamment auprès de vous, lorsque vous présidiez l’ANRU. Les demandes sont restées sans suite. Aucun soutien, aucun appui n’a été apporté à ce maire qui subit les carences de son prédécesseur. C’est aussi le cas pour d’autres maires.

Malgré un revenu par habitant historiquement faible et alors que toutes les conditions d’éligibilité sont réunies, Beaucaire est exclue des fonds du NPNRU qui lui permettraient d’équiper son territoire, de développer la mixité sociale, de réduire les écarts de développement entre les quartiers et d’améliorer les conditions de vie des habitants par des travaux de transformation. La commune a, certes, un contrat de ville, après avoir fait condamner pour discrimination, par la Cour de cassation, la présidente du conseil régional qui refusait de le signer, mais ce contrat ne permet aucune aide en investissement.

La réponse que vous faisiez, à l’époque, au maire de Beaucaire était la suivante : « la liste des quartiers est dans la loi de 2014 et il n’y a pas d’intégration en cours de programme ». Elle était peu audible de la part d’un président de l’ANRU. La réitérez-vous maintenant que vous être ministre ? Votre rôle de ministre de tous les Français n’est-il pas de ne laisser aucune ville éligible au bord du chemin et de modifier ce qui est inadapté ? Qu’attendez-vous pour réparer cette injustice ?

Répondrez-vous à l’invitation du maire de Beaucaire à venir visiter son territoire à mes côtés ? Ou son étiquette politique fait-elle qu’aucun ministre ne se rendra dans sa commune, depuis 2017 et jusqu’en 2027 ?

M. François Piquemal (LFI-NUPES). La politique de la ville porte assez curieusement son nom, puisqu’elle concerne souvent des quartiers spécifiques d’une ville. Or les problèmes liés au logement ne se résolvent pas à la seule échelle d’un quartier, mais à celle d’une ville et des zones qui l’environnent, dans une logique d’aménagement du territoire incluant d’autres enjeux, tels le transport et l’emploi.

Nous souhaitons que la délégation aux collectivités territoriale crée une mission d’information chargée de dresser le bilan des vingt ans de l’ANRU et de réfléchir à son avenir.

La rénovation urbaine est largement faite au nom de la mixité sociale. Même si ce concept peut être interrogé, les élus locaux relèvent de nombreuses difficultés en la matière. Dans les zones touristiques, par exemple, les classes moyennes et populaires peinent de plus en plus à accéder au logement en raison de la flambée des prix et d’un encadrement insuffisamment strict des résidences secondaires. Le bilan triennal de la loi SRU montre que 47 % seulement des communes concernées ont respecté leurs obligations de logements sociaux, beaucoup préférant payer des pénalités. La loi 3DS, qui devait rectifier le tir, a reporté à 2025 la date butoir fixée pour l’atteinte des objectifs et assoupli certaines règles. Dans son dernier rapport, la Fondation Abbé Pierre dénonce le recul des constructions dans le parc social et des coupes budgétaires de l’État pour les organismes HLM inédites depuis 1984. Comment apporter davantage de mixité sociale pour lutter contre le séparatisme des riches, qui ont les moyens de vivre entre eux ?

M. Alexandre Vincendet (LR). La rénovation des copropriétés dégradées ainsi que des dalles de parking sera un enjeu majeur des prochaines années. Dans les quartiers les plus populaires, les syndics fonctionnent mal. L’incendie de Vaulx-en-Velin, dans ma circonscription, qui a coûté la vie à dix personnes, illustre la nécessité de ces opérations. Hélène Geoffroy, que vous avez rencontrée après le drame, a certainement évoqué la question.

Plusieurs projets ANRU ont été lancés dans cette circonscription ; la rénovation urbaine me tient à cœur. L’attente des habitants est forte. Comment agir efficacement ? Quels moyens législatifs, réglementaires et financiers pouvons-nous consacrer à la résolution de ces problèmes ? Si l’ANRU est efficace pour le logement social, elle ne permet pas d’aller assez loin pour les copropriétés dégradées.

Un autre sujet, au-delà de la date butoir pour engager les projets, qui est fixée au 31 décembre 2026, est celui de la hausse des dépenses de fonctionnement, liée au renchérissement du coût de l’énergie, et donc de la réduction des marges de manœuvre pour les investissements des collectivités. Une rénovation urbaine réussie, ce sont d’abord des logements rénovés ou des démolitions-reconstructions dans le cadre de la création de mixité sociale dans les quartiers populaires, mais ce sont ensuite des investissements massifs pour les équipements et les espaces publics. Faudra-t-il envisager un décalage ? Ne faudrait-il pas plutôt dégager des moyens pour aider les collectivités dont le rythme d’investissement est soutenu ?

Enfin, comment envisagez-vous l’avenir de l’ANRU, vingt ans après sa création par Jean-Louis Borloo ? Ne faudrait-il pas créer un groupe transpartisan, dans lequel les parlementaires et les maires des quartiers populaires pourraient se retrouver pour relancer ce pan de notre territoire en attente de changements ?

M. Emmanuel Mandon (Dem). J’ai été sensible à votre volonté de bâtir un nouveau cadre de confiance avec les territoires et les élus.

Toutefois, le mouvement HLM de mon département, la Loire, m’a fait part de ses inquiétudes, en particulier concernant la situation de la métropole stéphanoise. Un bailleur comme Habitat et Métropole loge près de 128 000 personnes, soit 16,6 % de la population, dont 22 % dans des quartiers prioritaires de la ville. C’est un partenaire central pour un territoire. Outre son utilité sociale et de proximité pour l’emploi et l’économie locale, il représente aussi un tiers de la commande publique. Face à la spirale inflationniste, aux impayés des locataires et aux obligations de rénovation que nous avons fixées, les dispositions en vigueur ne suffiront pas. Certaines mesures, dans le passé, ont peut-être même compliqué la situation. Ainsi, ma région a enregistré une perte de 2 000 logements.

Le taux de TVA pourrait-il être revu ? Est-il envisageable de garantir un taux fixe pour les prêts ? Je sais votre engagement, mais la situation de nombreux bailleurs sociaux est compliquée. Il faut prendre des décisions fortes. De nouvelles pistes comme celles que j’indique mériteraient d’être explorées.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). La loi de finances de 2018 a créé la réduction de loyer de solidarité (RLS), applicable dans le parc des organismes HLM et des sociétés d’économie mixte (SEM). Ce dispositif consiste à imposer aux bailleurs l’application pour les locataires d’une réduction de loyer, sous condition de ressources. Pour un opérateur de mon département, cela représente une perte annuelle de loyers de 2,5 millions d’euros depuis 2020. Ce même opérateur est endetté à hauteur de 270 millions auprès de la Caisse des dépôts. Cette dette est la forme incontournable de financement du développement et de la rénovation du logement social. Il y a un an, le taux du livret A était de 0,5 %. Pour l’opérateur en question, un taux de 3 % alourdit la charge de la dette de plus de 3,5 millions en année pleine, soit 10 % du montant des loyers. Alors que les coûts de la construction et de la rénovation flambent, cette hausse limite les capacités d’investissement. En outre, le nombre de demandeurs de logements sociaux continue de croître.

Dans ce contexte, les prélèvements effectués depuis 2108 à travers la baisse des aides personnelles au logement (APL) et la RLS ne sont plus soutenables. Ils doivent cesser pour nous permettre de retrouver le niveau d’investissement que l’urgence climatique et sociale impose. Vous l’avez dit, le logement ne doit pas être la bombe sociale de demain. La question de la RLS est-elle sur la table ?

M. Frédéric Valletoux (HOR). Le plan Action cœur de ville, lancé il y a cinq ans, concerne 234 communes. La mobilisation d’investissements a permis d’effectuer un bond en avant. En matière de logement, l’objectif était de favoriser la mixité et, depuis 2018, 15 200 nouveaux logements ont été produits sur l’initiative d’Action logement.

Ma question porte sur la méthode, alors qu’une deuxième génération de contrats Action cœur de ville a vu le jour. Une récente enquête de la Cour des comptes montre que l’équilibre doit être affiné s’agissant du lien avec les territoires et de la manière de faire émerger les projets dans les collectivités concernées. Nombreux sont les élus ou leurs représentants qui regrettent un recours trop fréquent aux appels à projets ou à manifestation d’intérêt, dont les critères sont souvent prédéfinis ou inadaptés aux besoins réels, avec des temporalités qui ne prennent pas assez en compte la réalité des territoires. Au Sénat, dans le cadre de la mission conjointe de contrôle sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, les conclusions pointaient également les limites du programme du fait d’objectifs locaux insuffisamment précis.

Dans quelle mesure la nouvelle génération de ce dispositif pourrait-elle conduire à une simplification de l’action pour les élus locaux et au renforcement de la politique de revitalisation des centres-villes dans son volet logement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Dans les zones tendues, notamment les communes littorales et touristiques, il est de plus en plus difficile pour certains ménages, y compris ceux qui habitent dans ces communes depuis longtemps, de trouver à se loger du fait de l’augmentation des prix et du manque de logements – et je ne parle pas du problème particulier que représente aussi l’accueil des saisonniers. Mon récent déplacement dans le Morbihan a été l’occasion de tenir un CNR décentralisé. La question des meublés touristiques et des résidences secondaires a été largement abordée.

Dans le cadre de la loi de finances de 2023, le Gouvernement a répondu favorablement à la proposition de parlementaires et d’élus locaux visant à étendre à de nouvelles communes la taxe sur les logements vacants et la possibilité de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. La concertation avec les élus locaux concernant l’application du texte est en cours. L’attente est forte en Bretagne, en Corse, au Pays basque et dans les stations de montagne, notamment. Je crois au pouvoir des maires. Il est légitime de leur donner la possibilité de moduler la taxe d’habitation. De mémoire, seule la moitié des maires qui pouvaient déjà modifier leur régime fiscal en avait profité.

La question est par nature interministérielle. Nous avons ainsi créé, avec Olivia Grégoire et Dominique Faure, une commission chargée d’étudier l’attrition du logement permanent dans les zones touristiques. Des élus locaux et des professionnels du secteur y siègent. Elle s’est réunie une première fois. Ses conclusions seront rendues dans les prochaines semaines.

La majoration des taxes est en cours. Au-delà des outils fiscaux, il convient de produire du logement. Il faut perfectionner les outils, par exemple le bail réel solidaire, qui vise à faire diminuer le prix du foncier.

Le Pinel court jusqu’en 2024 et des travaux sont en cours concernant la suite, en particulier dans le cadre du CNR. Les outils de défiscalisation coûtent cher. Il importe de s’assurer que leur rapport qualité-prix est intéressant. Des réflexions ont été engagées à propos du statut du bailleur privé et de l’accompagnement des propriétaires dans un système vertueux de mise aux normes des logements et de location de logements pérennes, plutôt que de meublés touristiques.

Concernant l’ANRU à Beaucaire et dans le Gard, ma réponse n’a pas changé : aucun texte législatif ne permet de modifier la liste des villes et de quartiers ANRU. La question n’est pas politique, elle est législative. Cela étant, le maire de Beaucaire n’est pas le dernier à profiter de la dotation de la politique de la ville et de la DSIL – et il a raison. Il n’est pas « blacklisté » par le préfet du Gard. La France compte 1 500 quartiers relevant de la politique de la ville et seulement 200 programmes ANRU d’intérêt national. Indépendamment des choix du maire précédent, les critères d’éligibilité de Beaucaire ne permettaient pas à la ville de relever d’un programme ANRU.

Quoi qu’il en soit, la politique de la ville et les futurs contrats de ville permettront aux quartiers relevant de la politique de la ville de bénéficier d’investissements, qu’ils fassent partie ou non du programme de l’ANRU. Beaucaire est aussi éligible aux programmes de résorption de l’habitat insalubre (RHI) et bénéficie d’interventions de l’ANAH – d’autant que les problèmes rencontrés par la ville sont davantage liés à de l’habitat privé qu’à de l’habitat social. Par ailleurs, je me rends régulièrement dans le Gard. Je suis allé à Alès il y a quelques semaines et je n’éprouverai pas de difficulté à venir à Beaucaire.

J’en viens à la mixité sociale. La politique de la ville est réussie quand elle offre aux habitants des quartiers populaires la possibilité d’en partir, mais surtout l’envie d’y rester. Un programme de politique de la ville et d’investissement doit agir simultanément en matière de logement, d’enclavement, de sécurité, d’accès à l’emploi et dans le domaine scolaire. Une partie importante de la mixité dans les quartiers y est déjà présente.

Les outils, notamment le règlement général de l’ANRU, imposent de reconstruire dans la périphérie des quartiers – raison pour laquelle la réflexion sur le renouvellement urbain doit être intercommunale. Reconstruire dans les quartiers les plus fragiles n’aurait pas de sens. La reconstruction et la reconstitution de l’offre de logement social doivent se faire, dans le cadre des politiques de l’équilibre de l’habitat, à l’échelle de l’EPCI ou de la métropole. Définir les lieux de production de logement est l’objectif des PLH et des commissions intercommunales du logement. L’ANRU est un outil vertueux, qui a démontré ses effets pour les quartiers. La politique de la ville doit accompagner à la fois l’urbain et l’humain. Tel est le signal qu’il faut envoyer aux habitants de ces quartiers.

La rénovation et la réhabilitation thermique des copropriétés dégradées sont un enjeu majeur. Nous devons, d’une façon générale, trouver de meilleurs outils d’accompagnement des copropriétés, des syndics et des conseils syndicaux. Il est compliqué de faire vivre la démocratie dans une copropriété lorsque, malgré les aides, les chantiers produisent un reste à charge important. Nous devons réduire autant que possible ce reste à charge, ou travailler avec les banques pour proposer des modes de préfinancement et des accès aux prêts. Il convient également de trouver un équilibre dans la répartition des rôles entre l’ANAH, qui accompagne les copropriétés dans leur redressement, et l’ANRU, qui accompagne plutôt celles en fin de vie, pour leur recyclage et leur bascule vers le logement social.

L’exemple de l’incendie de Vaulx-en-Velin est complexe, puisqu’il s’agit d’une copropriété dans laquelle les espaces publics, en particulier les parkings sur dalle et les parkings semi-enterrés, soulèvent divers problèmes de coûts et de domanialité. En l’occurrence, les outils de l’ANAH ne permettent pas de financer les espaces extérieurs, notamment les parkings, contrairement à ceux de l’ANRU pour les espaces qui n’appartiennent pas à la copropriété.

Nous recherchons des moyens d’accélérer la rénovation des copropriétés. Cela passe par la diminution du reste à charge ainsi que par un toilettage de la loi de 1965 et, par la suite, des règlements de copropriété, en particulier en ce qui concerne les divers types de majorité. La question est de la responsabilité du garde des sceaux.

Les efforts demandés au logement social depuis la loi de finances de 2018 n’ont pas été sans incidence sur la situation financière des organismes de gestion. La RLS représente une perte de recettes locatives importante pour les copropriétaires. L’évolution de la TVA, portée de 5,5 % à 10 % pour certaines opérations en 2018 puis ramenée à 5,5 % pour une partie d’entre elles à compter de 2020, s’est traduite par des surcoûts estimés à 700 millions d’euros.

Nous devons trouver des réponses à ces difficultés. En 2019, un pacte d’investissement a été conclu entre l’État et les bailleurs sociaux, avec une clause de revoyure à laquelle nous travaillons dans le cadre du pacte de confiance. Durant cette période, les bailleurs ont été accompagnés et ont bénéficié d’aides, comme le protocole en faveur de la relance de la construction de logements sociaux, qui visait un objectif de 250 000 logements sociaux, dont 90 000 logements très sociaux entre 2021 et 2022, le soutien de la Caisse des dépôts, renforcé par un étalement de la dette pour limiter l’effet de la hausse des taux sur les fonds propres des bailleurs, ou encore le plan d’investissement volontaire d’Action logement – lequel a permis d’abonder le fonds d’aide à la pierre pour près de 1 million d’euros pendant trois ans.

La RLS n’est pas appelée à disparaître. Cela n’aurait pas de sens et serait financièrement intenable. Mon objectif est d’accompagner les bailleurs dans l’accélération de la production et de la rénovation, notamment thermique, du logement social. Il importe que chacun mesure l’urgence climatique et la nécessité de la rénovation thermique. Le travail que nous menons avec l’Union sociale de l’habitat et l’ensemble des bailleurs est essentiel. Il se fait en confiance, avant même la signature du pacte.

S’agissant d’Action cœur de ville, je partage la désapprobation dont vous faisiez part, monsieur Valletoux, à l’égard de la manière dont les appels à projets et à manifestation d’intérêt ont fonctionné. Lorsque j’étais maire, j’ai toujours considéré que la règle principale était la suivante : premier arrivé, premier servi. Ces outils doivent être utilisés avec parcimonie et ne pas profiter seulement aux collectivités les moins modestes, qui disposent d’une ingénierie leur permettant de répondre rapidement aux appels.

Néanmoins, je crois à la qualité du projet Action cœur de ville : 234 communes en ont bénéficié, avec le soutien actif de la Banque des territoires, de la Caisse des dépôts, des collectivités locales et de l’État. Action cœur de ville a été un accélérateur pour nombre de territoires et a lancé une dynamique. C’est une réussite, en particulier pour les villes qui ont combiné le dispositif avec un programme ANRU : cela a permis de créer une synergie, en particulier pour la reconstitution de l’offre et la création de nouveaux logements, notamment sociaux.

Le deuxième programme Action cœur de ville bénéficiera de plus de 5 milliards entre 2023 et 2026. Il s’appuiera sur les évaluations déjà conduites et son fil rouge sera celui de la transition écologique. La réflexion portera sur les friches urbaines, la reconstruction de la ville sur la ville, la sobriété foncière, les projets bas-carbone et la lutte contre l’étalement urbain. Les collectivités locales seront les maîtres d’œuvre. Personne ne connaît son territoire mieux qu’un maire. Celui-ci doit donc être le chef d’orchestre des programmes.

M. le président Thomas Cazenave. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). J’aurais pu évoquer nos attentes en matière de transition écologique, mais j’aborderai la question du manque de logements dans des zones moins touristiques que celles déjà évoquées. Le département de la Loire-Atlantique est réputé pour son dynamisme en matière d’emploi, mais connaît un problème croissant d’accès au logement, auquel font surtout face les jeunes actifs. Non seulement l’offre n’est pas suffisante, mais les jeunes n’ont plus les moyens d’accéder à la propriété puisque le prix des biens a au moins doublé en quelques années. L’inflation est particulièrement marquée depuis les périodes de confinement. Parfois même, ils ne peuvent pas louer de logement, car les loyers ont considérablement augmenté dans les campagnes. Comment permettre aux jeunes d’accéder à un logement décent là où les bailleurs sociaux sont moins présents et ne disposent que de petites unités ?

Par ailleurs, un projet d’habitat inclusif pour des jeunes adultes atteints de troubles du spectre autistique était sur le point d’aboutir dans la commune du Grand-Auverné, qui compte plus de 800 habitants, grâce à la persévérance des porteurs de projet et des élus. Alors que le permis de construire était déposé, le projet se trouve à l’arrêt en raison de l’enchérissement du coût des travaux : il manque 200 000 euros pour lancer le chantier. Comment soutenir les collectivités face au mur financier qui met en péril des projets précis ou, de façon plus générale, des opérations de logement à l’échelon municipal ?

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Du fait de la crise énergétique, le prix de l’énergie a explosé. Les contrats qui arrivaient à échéance fin 2022 ont été renégociés, avec une application brutale de la hausse des charges locatives – elles ont parfois triplé –, ce qui place certains locataires dans des situations délicates, notamment ceux qui vivaient déjà dans la précarité, bénéficiant des minima sociaux. Certains bailleurs n’accompagnent pas du tout les locataires. C’est le cas, dans mon département, d’Habitat Marseille Provence (HMP), le bailleur de la métropole, ou encore de Unicil. Le Gouvernement a pourtant pris des mesures et fait des annonces dans ce domaine. Les bailleurs ont notamment l’obligation d’orienter leurs locataires vers le dispositif Soli’Aide. Que proposez-vous pour qu’ils accompagnent davantage les locataires en difficulté ?

M. Philippe Lottiaux (RN). Malgré les 45 millions qui lui sont dédiés, la politique du logement coince. Ce n’est pas votre faute. Les causes sont multiples. Nous avons parlé du problème des jeunes actifs, notamment en zone littorale, avec le développement du phénomène Airbnb.

La multiplication des dispositifs et des objectifs ne les rend-ils pas parfois incompréhensibles, voire contradictoires ?

Comment redonner envie aux maires de construire ? Faut-il des incitations financières ? Ne risque-t-on pas de construire uniquement des résidences pour les seniors, moins coûteux pour les communes puisqu’ils n’ont pas d’enfants ?

Pourrait-on revenir sur le taux de 25 % de logements sociaux, imposé uniformément alors que le prix du foncier n’est pas le même partout ? Il faudrait aussi revoir les procédures d’attribution. Si le maire pouvait attribuer 60 % des HLM au lieu de 20 %, le logement social redémarrerait rapidement.

Enfin, ne peut-on pas agir sur les flux ? Un think tank avec lequel je n’ai pas de connivences politiques majeures – je ne sais plus s’il s’agit de Terra Nova ou de l’Institut Montaigne – suggère d’instaurer des baux à durée déterminée dans le logement social. De nombreuses personnes occupent des logements sociaux alors qu’elles n’ont plus vocation à y être. Ne faudrait-il pas focaliser les efforts sur les logements intermédiaires, pour recréer la chaîne du logement, qui s’est brisée ?

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Les villes moyennes méritent une attention particulière. Lors de la révision de la carte des quartiers prioritaires, il avait été question d’instaurer des territoires de veille active pour ceux qui n’atteignaient pas le seuil d’habitants retenu par la politique de la ville. Ces quartiers de veille n’ont plus aucun moyen. Les écoles en sont exclues. Cette décision brutale a mis en difficulté de nombreux élus locaux, qui ont été contraints d’assumer financièrement des actions ou de recourir à des dispositifs absurdes. C’était notamment le cas à Fécamp, dont j’étais maire. J’espère qu’il en ira autrement dans le chantier que vous lancerez.

M. Stéphane Buchou (RE). J’insiste à mon tour sur la tension immobilière dans les zones littorales – en l’occurrence en Vendée. Je salue le vote du desserrement de la taxation sur les logements vacants en zone tendue, dans le projet de loi de finances. Toutefois, nombre d’élus locaux sont inquiets et se demandent comment s’organisera cette extension. La taxation est assise sur un nombre d’habitants. Certaines communes sont peu peuplées en basse saison mais présentent un taux de résidences secondaires oscillant entre 60 % et 70 %. De nombreux maires suggèrent donc de retenir plutôt le critère du niveau de résidences secondaires. Qu’en pensez-vous ?

Par ailleurs, la RE2020 pourrait s’appliquer aux habitations légères de loisirs (HLL), qui étaient exonérées de la réglementation thermique 2012. Pourtant, ces logements ne servent qu’en été. Les inquiétudes sont vives, tant de la part des professionnels de l’hôtellerie de plein air que de celle des fabricants. Je souhaite que ce dossier avance rapidement et que la bonne décision soit prise.

M. Olivier Klein, ministre délégué. L’essentiel de la réponse à la difficulté d’accès des jeunes au logement se trouve dans le parcours résidentiel et le parc locatif. Des évolutions majeures ont déjà eu lieu. Ainsi, les moins de 30 ans peuvent bénéficier du visa pour le logement et l’emploi, la garantie Visale, qui leur évite d’avoir à demander la caution des parents et protège les propriétaires. Mais les jeunes sont également victimes de l’insuffisante production de logements. De jeunes couples pourraient bénéficier de l’accession, notamment sociale, à la propriété. Des baux réels solidaires ou la création de foncier solidaire permettraient de limiter le prix d’acquisition. Certains jeunes doivent aussi bénéficier du prêt à taux zéro. Ces dispositifs constituent autant de leviers d’amélioration de l’accès au logement. Toutefois, ils sont insuffisants. Plusieurs générations cohabitent parfois sous un même toit. À cet égard, je rappelle que la décohabitation est de la responsabilité des bailleurs sociaux. Ce sujet nous préoccupe, mais je n’ai pas de réponse toute faite.

Concernant les charges locatives, les bailleurs et les locataires sont protégés par les boucliers en place, quel que soit le mode de chauffage collectif, y compris pour les parties communes. Il n’en reste pas moins que les prix du gaz et de l’électricité augmenteront de 15 %. Certains bailleurs avaient profité de l’ouverture à la concurrence pour conclure des contrats à prix bas, notamment pour le gaz, à raison parfois de 20 euros du mégawattheure. Le bouclier étant à 69 euros le mégawattheure, ces bailleurs subiront une multiplication par trois. Cela dit, en l’absence de bouclier, le coût aurait été multiplié par dix. Par ailleurs, certains bailleurs ont été imprudents : ils ont envoyé les appels de charges sans attendre de connaître l’effet de tous les boucliers. Ils seront tenus d’y remédier lors de la régularisation de fin d’exercice. Je vous invite à nous faire part des éventuels cas particuliers, que nous analyserons avec les préfets. Nous avons rappelé aux principaux acteurs du logement qu’il est indispensable de se déclarer pour bénéficier des boucliers. Enfin, j’ai réuni l’ensemble des opérateurs d’énergie pour leur rappeler leurs obligations. Le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) énergie aidera les copropriétaires en difficulté.

L’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) doit être envisagé dans la durée. Il n’est en rien un obstacle à la construction, au contraire.

Nous devons travailler l’aide aux maires bâtisseurs, à travers des dispositifs comme la décentralisation et des systèmes vertueux. Plus on construit, plus on apporte de la TVA et des recettes à l’État. Il importe qu’une partie soit rétrocédée aux élus, dans une logique gagnant-gagnant, afin qu’ils disposent de moyens de fonctionnement. Ce sont souvent des questions de financement plus que d’investissement.

Je tiens à la loi SRU. Lever ses objectifs serait contre-productif pour la production du logement social. Si l’on veut de la mixité, il faut réaffirmer que le logement social n’est pas un épouvantail. C’est le logement du plus grand nombre. J’y ai passé plus de la moitié de ma vie et j’en suis fier. Jean-Louis Borloo rappelait que plus de la moitié des médailles gagnées par la France aux derniers Jeux olympiques l’avaient été par des athlètes ayant vécu en logement social. Les programmes sont conduits par les meilleurs architectes. Ce sont aussi ceux qui font le moins d’économies sur les matériaux. Il existe aussi une grande interconnexion entre les promoteurs et les bailleurs, et c’est tant mieux.

Je n’ai pas de tabou concernant l’attribution de logements sociaux. Mais pour attribuer plus, il faut payer plus. Le système des réservataires est lié au financement du logement. Chacun finance, par le 1 %, ou garantit des prêts pour augmenter son parc réservataire. Il faut s’assurer de ne pas ouvrir la porte au clientélisme ou à des choix de peuplement qui ne seraient pas vertueux – mais telle n’était pas votre pensée, monsieur Lottiaux !

Concernant le zonage de la politique de la ville, il faut une règle de départ. Celle de 2014 était liée au carroyage et à un critère de pauvreté. Nous travaillerons aux futurs contrats et aux nouveaux zonages pour apporter de la souplesse tout en limitant les effets d’aubaine. C’est ce que j’ai demandé à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Ce travail sera itératif entre l’Insee, les préfets, les présidents d’intercommunalité et les maires. Les quartiers de veille active n’ont pas eu beaucoup d’effet. Avec la superposition du zonage de la politique de la ville et de celui de l’éducation prioritaire, plusieurs écoles étaient orphelines. Nous ferons en sorte, avec mon collègue Pap NDiaye, que ce ne soit plus le cas. En somme, il y aura plus de souplesse, sans nécessairement qu’il y ait plus d’argent – pour limiter les effets d’aubaine.

La RE2020 s’appliquera aux HLL, mais les performances attendues seront moindres. Il s’agit de faire en sorte que ces équipements ne soient pas des passoires thermiques. Des questions se posent, en revanche, concernant le prochain cadre réglementaire. Par ailleurs, les mobile-homes qui n’ont pas de système de chauffage ou de climatisation ne seront pas concernés. Le fait qu’un mobile-home soit mieux isolé aura des effets positifs sur les dépenses électriques, qui sont soit répercutées sur le client soit prises en charge par le gérant du camping. Quoi qu’il en soit, le travail sur la question est en cours. Je vous transmettrai une réponse complète par écrit.

Enfin, la taxe sur les logements vacants est un bon outil.

 

 

La séance est levée à 19 h 15.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. M. Stéphane Buchou, M. Thomas Cazenave, Mme Catherine Couturier, M. Jocelyn Dessigny, Mme Stella Dupont, M. Yoann Gillet, M. Didier Le Gac, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, M. Paul Molac, M. François Piquemal, Mme Christine Pires Beaune, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Jean‑Claude Raux, M. Robin Reda, M. Lionel Royer-Perreaut, M. David Valence, M. Frédéric Valletoux, M. Alexandre Vincendet.

 

Excusés. M. Xavier Batut, M. Stéphane Travert.