Compte rendu
Délégation aux droits des enfants
– Audition, ouverte à la presse, de M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la Jeunesse 2
– Examen du rapport pour information au nom de la délégation aux droits des enfants sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales 10
– Présences en réunion.............................11
Mardi
31 janvier 2023
Séance de 17 heures 30
Compte rendu n° 10
session ordinaire de 2022-2023
Présidence
de Mme Perrine Goulet,
Présidente
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La séance est ouverte à 17 heures 39.
Présidence de Mme Perrine Goulet, présidente de la délégation
La Délégation aux droits des enfants auditionne M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme la présidente Perrine Goulet. Nous avons aujourd’hui le plaisir de recevoir M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Lors de notre rencontre avec des enfants à l’occasion de la Journée internationale du droit des enfants à l’Assemblée nationale, ceux-ci nous ont alertés sur le harcèlement, lequel est très important dans les établissements scolaires. De nombreux témoignages ont fait part du manque de réactivité et d’écoute de la communauté scolaire.
Le projet pHARe existe, mais nous avons également été alertés par des enseignants de collège et de lycée lors du colloque organisé par notre délégation sur le numérique et la protection des mineurs. Ils souhaiteraient aux aussi participer au programme, mais cela ne semble visiblement pas possible partout. Qu’en est-il ? Un intervenant de ce colloque proposait également une formation au numérique de trente-cinq heures sur l’ensemble de la scolarité. Qu’en pensez-vous ?
Plus généralement, au moment où la mort du jeune Lucas nous interpelle tous, comment lutter contre ce fléau qui gangrène nos établissements scolaires et détruit de nombreux enfants ? Le harcèlement se déploie également à travers internet et les réseaux sociaux, qui charrient par ailleurs d’autres maux, comme la consultation de sites pornographiques ou la diffusion de fausses informations. Comment l’école peut-elle agir pour accompagner les enfants dans l’usage de ces nouveaux medias ?
La violence est partout dans notre société, y compris dans les familles. De nombreux enfants ne savent pas toujours qu’on n’a pas le droit de les frapper, de les humilier et les agresser pour les éduquer. Souvent, les enseignants se rendent compte les premiers de ces violences et sont ainsi les premiers générateurs d’informations préoccupantes. Je les en remercie. Nous avons tous intérêt à ce que la violence diminue dans notre pays, ce qui ne peut passer que par l’éducation à la non-violence, à l’éducation au corps, à la parentalité et à la vie sexuelle dès le plus jeune âge. Comment envisagez-vous de rendre réellement effectifs à l’école les cours d’éducation sexuelle et à la vie affective déjà inscrits dans la loi ?
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui et d’être auditionné par votre délégation, dont la création récente témoigne de l’importance que l’Assemblée nationale accorde au sujet des droits des enfants.
Mon action est pleinement consacrée aux élèves, qui sont d’abord des enfants. Je sais pouvoir compter sur votre délégation pour faire avancer les questions cruciales pour nos élèves. À votre invitation, je vais fournir quelques indications liminaires sur les thèmes que vous avez évoqués : l’éducation à la sexualité, dont j’ai rappelé la nécessité dès ma prise de fonction et la lutte contre le harcèlement et le cyber-harcèlement, qui a fait la une récemment suite aux drames des jeunes Lucas et Ambre.
L’éducation à la sexualité est une mission obligatoire de l’éducation nationale depuis la loi du 4 juillet 2001, qui impose trois séances d’éducation à la sexualité par an à l’école, au collège et au lycée. À la suite d’une enquête diligentée dès septembre, nous nous sommes aperçus que 90 % des élèves n’avaient pas eu de séance l’année dernière. Or nous savons que cette éducation est essentielle pour donner à notre jeunesse les clefs du respect de soi-même et des autres. Ils ont besoin d’informations fiables fondées sur des connaissances scientifiques, mais également de connaître leurs droits, pour prévenir les violences sexuelles, sexistes, les discriminations, les LGBTphobies, les formes de harcèlement et pour favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes.
Nous avons le devoir impératif de donner aux élèves les moyens de se poser les bonnes questions et de réfléchir aux atteintes auxquelles ils peuvent être confrontés. C’est d’ailleurs ce que les élèves me disent lorsque je les rencontre dans les établissements : ils souhaitent que cette éducation à la sexualité se déroule à l’école. Ils trouvent également injuste qu’elle ne bénéficie pas à tous car il est souvent plus facile d’en parler à l’école que dans les familles. Nous devons faire plus et mieux.
Il faut que tous les professeurs puissent dispenser cet enseignement obligatoire. Nous avons publié un ensemble de ressources pédagogiques et nous allons renforcer la formation des agents de l’éducation nationale. Afin de lutter contre l’homophobie à l’école, j’ai décidé que dans chaque académie soient créés des groupes de prévention, de sensibilisation et d’action contre les LGBTphobies. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’inaugurer demain un séminaire national sur le sujet. Les équipes éducatives doivent accompagner et il nous faut mieux répondre aux questions que se posent les élèves.
Sur le harcèlement scolaire, je vous rappellerai ces quelques chiffres : un élève sur dix est victime de harcèlement à un moment de sa trajectoire scolaire ; 600 000 collégiens et lycéens ont eu le sentiment d’avoir été harcelés l’année dernière. En réaction, nous avons développé une politique active de sensibilisation et de prévention, avec la généralisation du programme pHARe depuis la rentrée 2022 à toutes les écoles élémentaires et tous les collèges.
Ce programme, pour le moment facultatif dans les lycées, est un programme de prévention et de lutte contre le harcèlement. Il intègre tous les acteurs au niveau de l’établissement: cinq adultes référents et dix élèves ambassadeurs par collège. Nous avons également formé 22 000 enseignants pour le moment et créé des numéros gratuits : le 3020 pour le harcèlement et le 3018 pour les cyberviolences, qui sont affichés dans les établissements.
Enfin, il faut aussi prévenir les situations, intervenir voire sanctionner les harceleurs, grâce à l’appui de la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, qui fait du harcèlement un délit et permet de poser le droit. Mais le harcèlement se prolonge également bien au-delà de l’école avec le cyber harcèlement. J’ai ainsi eu l’occasion d’interpeller les plateformes, notamment TikTok, pour qu’elles s’engagent à faciliter les signalements et qu’elles suppriment plus rapidement les contenus signalés. Enfin, nous développons à l’école la sensibilisation aux bons usages du numérique.
L’éducation est un droit universel et fondamental pour nos enfants ; son accès doit être inconditionnel. L’école est l’endroit qui rassemble les enfants dans une unité de lieu et de temps, mais également le lieu privilégié pour repérer les situations difficiles et exercer des actions de prévention et d’accompagnement.
Mme Caroline Janvier (RE). Monsieur le ministre, depuis votre prise de fonction, vous avez pris à bras le corps le sujet de la lutte contre les inégalités et le harcèlement. La question de l’inclusion des enfants en situation de handicap est aujourd’hui une priorité. La France a d’ailleurs été condamnée par l’ONU l’année dernière à ce titre. Or les principes issus de la loi du 11 février 2005 portent sur l’intégration de tous les enfants, porteurs ou non de handicap. Ils exigent également de ne pas faire de distinction entre les types de handicap.
Le rapport récent de la défenseure des droits montre que 20 % des saisines dont elle fait l’objet concernent l’accueil des élèves handicapés. Il importe donc de travailler sur la question de l’attractivité du métier d’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), leur formation et le décloisonnement entre le secteur spécialisé et le milieu dit ordinaire. Quelles sont vos pistes de travail sur ces sujets ?
Mme Caroline Parmentier (RN). En 2021, plus d’une femme sur cinq et près d’un homme sur six indiquaient avoir été victimes de violences intrafamiliales avant l’âge de quinze ans. Ces agressions sont difficiles à déceler et à combattre car elles touchent à l’intime. Détecter, prouver et instruire un cas de violence intrafamiliale est ainsi particulièrement difficile et délicat.
Je suis convaincue que l’école est un lieu crucial pour repérer et identifier les enfants victimes de ce type de violences. Néanmoins, les enfants ont du mal à relater de tels faits et à exprimer ce qu’ils ont vécu. De nombreux enseignants, agents spécialisés des écoles maternelles (ASEM) et auxiliaires de vie scolaire (AVS) se sentent par ailleurs démunis et insuffisamment formés pour faire face à de tels cas. Quels seraient selon vous les progrès possibles à réaliser dans l’approche de l’équipe éducative pour permettre une détection plus efficace de ces cas de violences intrafamiliales ?
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Le rapport que la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) a publié le 31 mars 2022 trace quatre axes d’action et vingt préconisations concrètes. Parmi celles-ci, je souhaite insister sur un point : l’accompagnement nécessaire des professionnels de l’enfance et de la jeunesse, et donc de vos professeurs.
Comment, en tant qu’enseignants, repérer, traiter et prévenir des violences qui par essence impliquent les familles ? Dans cette situation de désarroi, nous avons été laissés absolument seuls. C’est encore le cas aujourd’hui, malgré les avancées récentes dont vous avez parlé. La formation initiale et continue des enseignements reste notoirement insuffisante. Comment comptez-vous y remédier alors que l’école reste le premier lieu de socialisation des enfants et devrait donc être le premier rempart contre les violences qui leur sont faites ?
M. Alexandre Portier (LR). Aujourd’hui, la France manque à plusieurs de ses engagements en matière d’éducation. S’agissant du handicap, les délais de remise des matériels pédagogiques sont inappropriés. Je vous avais d’ailleurs interpellé par question écrite il y a quelques mois mais n’ai pas obtenu de réponse. Le 8 novembre dernier, vous avez indiqué au Sénat que tous les enfants ne pouvaient pas être en milieu ordinaire. Comment peut-on accepter que le budget de l’éducation serve à cacher le refus d’investir sur les politiques du handicap elles-mêmes ?
S’agissant de l’orientation, des heures de technologie ont été supprimées au collège pour terminer les enseignements qui auraient dû être réalisés à l’école primaire. Il y a là un double échec : pour le primaire et ses enseignants, mais aussi pour l’apprentissage technique et scientifique. Le baccalauréat n’a presque plus de valeur dans notre pays et vous continuez à pousser les jeunes vers des études supérieures sans avenir alors qu’ils pourraient trouver réussite financière et bonheur dans des filières techniques. Quand allez-vous mettre fin au dogme du collège unique et mettre les moyens nécessaires pour l’orientation de nos jeunes, afin de garantir l’égalité des chances ?
M. Erwan Balanant (Dem). Vous avez rappelé l’existence de la loi du 2 mars 2022 sur le harcèlement scolaire. Elle repose sur trois piliers : la prévention, l’accompagnement et la protection. J’aimerais que le volet protection ne serve plus dans notre pays et que les cas de harcèlement scolaire n’aillent pas jusqu’au pénal. Resteraient alors les deux volets de la prévention et de l’accompagnement.
Le programme pHARe se déploie dans les écoles et au collège, mais reste facultatif dans les lycées. Or l’article premier de la loi rend obligatoire la prévention et l’accompagnement des victimes dans tous les établissements scolaires de France. Comment peut-on vérifier l’effectivité de cette prévention ?
Enfin, cette loi faisait suite à un rapport dans lequel j’avais effectué un certain nombre de propositions, notamment celle de conduire une grande étude chiffrée sur le harcèlement scolaire en France. Cette étude pourrait être médiatisée par un baromètre de l’état du harcèlement. Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette idée ? Aujourd’hui, nous sommes incapables d’objectiver le nombre d’enfants harcelés.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). La santé représente l’une des missions fondamentales de l’école. En tant que ministre de l’éducation nationale, vous devez vous assurer que l’institution remplit cette mission. En l’occurrence, l’article 24 de la convention internationale des droits de l’enfant indique que les États s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’accès aux services médicaux.
Néanmoins, le rapport 2020 de la Cour des comptes est sans équivoque : on dénombre seulement 900 médecins scolaires pour plus de 12 millions d’élèves. Au-delà des médecins scolaires, il y a en moyenne un infirmier pour 1 300 élèves, un psychologue pour 1 500 élèves et un assistant social pour 4 500 élèves.
Si l’école est un lieu d’apprentissage, elle a aussi vocation à être un point d’accès à la santé. Ces manquements de l’institution accroissent les risques auxquels les enfants sont exposés. Ceci est d’autant plus regrettable que l’éducation nationale repousse simultanément la main tendue proposée par des associations. Monsieur le ministre, pensez-vous qu’un système de santé scolaire aussi fragile puisse répondre aux nouveaux défis et urgences qui se présentent ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Nous constatons un grand mouvement de l’école inclusive depuis 2005. Actuellement, nous comptons 430 000 enfants en situation de handicap en milieu ordinaire. Face à cette situation, nous avons créé des postes d’AESH (4 000 par an ces dernières années et 4 000 sont budgétés cette année) pour ce qui est le deuxième métier de l’éducation nationale (un AESH pour sept à huit professeurs). Et pourtant, cela ne suffit pas tant les demandes sont importantes. Le système entier est embolisé : les instituts médico-éducatifs (IME) manquent de places et les classes unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) sont pleines.
Cette situation pose la question de l’attractivité du métier des AESH, qui, je le rappelle, bénéficieront d’une augmentation de 10 % à la rentrée 2023, après la création de la prime d’éducation prioritaire pour les AESH et les assistants d’éducation (AED) à compter du 1er janvier. Cette question est aussi en relation avec le nombre d’heures effectuées par les AESH. Nous devons tendre vers les trente-cinq heures, contre vingt-quatre actuellement. Nous faisons des progrès de ce point de vue : une fiche de paie unique permet désormais de regrouper le paiement scolaire et le paiement périscolaire, tout en respectant la décision du Conseil d’État, qui nous enjoint de ne pas rémunérer le périscolaire. J’ajoute également la CDIsation au bout de trois ans au lieu de six ans.
Au-delà de cette question, d’autres se posent. Nous travaillons ainsi en vue de la convention nationale sur le handicap du printemps 2023, qui nous permettra d’enclencher l’acte II de l’école inclusive. Il faut en effet repenser les liens entre le milieu ordinaire et le milieu médico-éducatif. Des expériences sont ainsi menées pour rapprocher les soignants d’enfants à besoins particuliers mais placés en milieu ordinaire. Par exemple, pour les enfants souffrant de troubles du spectre autistique, certaines écoles sont dotées de deux salles : une salle ordinaire de cours et une autre où ces enfants peuvent se rendre en cas de difficulté pour s’isoler. Nous travaillons en ce sens, y compris avec les associations représentatives.
Nous réfléchissons également à la formation des enseignants, dans le cadre des nouvelles missions que nous allons leur proposer, pour se servir des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) mais aussi des enseignants référents et disposant d’une formation qui leur permette d’intermédier avec leurs collègues dans les établissements du premier et second degré.
M. Alexandre Portier, il me semblait que nous vous avions répondu, peut-être pas formellement, sous la forme de demandes qui peuvent être faites au fonds d’éducation pédagogique, lequel est doté de 150 millions d’euros. Celui-ci commence en effet à abonder les projets d’innovation pédagogique.
Ensuite, notre mission consiste à pouvoir accueillir tous les enfants, mais dans des conditions différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. L’objectif consiste bien à rapprocher le médico-éducatif du milieu ordinaire pour que des enfants en situation de handicap plus marqué puissent être accueillis.
Deux questions m’ont été posées sur les violences intrafamiliales. Nous devons faire des progrès, même si l’école est le premier lieu de détection des formes de violences subies par les enfants, y compris dans le milieu familial. Nous utilisons néanmoins un livret de formation assez complet, élaboré par la Ciivise, et nous avons publié un vade-mecum à destination des enseignants et personnels de l’éducation nationale.
S’agissant du harcèlement, le programme pHARe vise à faire prendre conscience au harceleur de la gravité de ses actes, dans une logique de non-violence. Il cherche ainsi à éduquer et à élever pour que, à l’issue de la démarche, le harcelé soit réparé et que le harceleur en soit grandi. Ce programme, expérimenté dans six académies, avant d’être généralisé lors de la dernière rentrée, a des résultats intéressants.
Je retiens par ailleurs l’idée de dresser un état des lieux précis de l’état du harcèlement. La généralisation du programme pHARe nous permettra de disposer de plus de signalements à l’école élémentaire et au collège. Ce programme a un effet de révélation qui pourra asseoir une statistique plus précise ; je suis d’accord avec vous sur la nécessité d’en disposer.
Pour répondre à Mme Francesca Pasquini, nous reconnaissons les difficultés du système de santé, qui tiennent surtout à des postes non pourvus. Ainsi, environ un tiers des postes de médecins scolaires sont vacants, particulièrement dans certains départements ruraux. Nous devons mener une réflexion sur le système de santé en tenant compte des difficultés de recrutement.
Une mission a ainsi été confiée à trois inspections générales, qui vont achever leur travail en février ou en mars, ce qui permettra au ministre de la santé et à moi-même de formuler des réponses. Je reconnais volontiers que la situation actuelle n’est pas satisfaisante et je serai heureux de revenir vers vous pour formuler des propositions de réforme sur le système de santé scolaire, actuellement en crise.
Ensuite, la suppression de l’heure de technologie en sixième a effectivement eu lieu car nous sommes obligés de nous centrer sur les savoirs fondamentaux. Il faut en effet reconnaître que la situation n’est pas satisfaisante : environ 25 % des élèves ont des difficultés de lecture à leur entrée en sixième et un tiers en mathématiques. Cette situation est inacceptable, d’autant plus que les enfants des milieux les plus défavorisés sont ceux affectés par les difficultés les plus importantes. En mathématiques, nous avons clairement besoin du calcul mental. De même, on n’écrit plus suffisamment en cours moyen, qu’il s’agisse de la dictée, des rédactions ou des cahiers d’écrivain. Pour autant, nous ne laissons pas tomber la technologie.
Nous ne jetons pas non plus les élèves vers les études supérieures et nous prenons en compte les filières techniques. J’ai eu notamment l’occasion d’évoquer la sous-représentation des filles dans les filières techniques, technologiques et certaines filières scientifiques. Pour remplir nos objectifs en matière de formation de techniciens et d’ingénieurs, il nous faut beaucoup plus de femmes dans ces filières. Nous sommes particulièrement attachés à la revalorisation des voies professionnelles dans le lycée et dans les formations supérieures courtes. Je considère également qu’il existe de nombreuses voies de réussite scolaire, dont les études techniques et professionnelles.
M. Philippe Fait (RE). Je connais votre combat contre le harcèlement et votre attachement au bien-être à l’école. À cet égard, des champs n’ont pas été investis dans le milieu scolaire. Je pense ici aux techniques alternatives qui ont fait l’objet d’études et ont démontré leur efficacité, comme la méditation. À ce titre, je souhaite connaître votre point de vue sur le bien-être à l’école pendant le temps scolaire.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Je souhaite m’arrêter sur la question des AESH. Vendredi dernier, une députée Renaissance expliquait ainsi en commission des finances que les accompagnants d’enfants en situation de handicap assument leur statut précaire « parce qu’elles ont leur mercredi et les vacances scolaires ».
En réalité, les AESH que j’ai rencontrées sont en souffrance, elles subissent les temps partiels et sont trop peu nombreuses. Elles accompagnent parfois jusqu’à sept enfants avec des besoins différents, dans des établissements différents, sans reconnaissance et pour un salaire moyen de 760 euros. À titre d’illustration, dans l’école Renan classé en REP+ sur ma circonscription, il y a deux AESH pour huit élèves qui nécessitent un accompagnement à temps plein et sept en attente d’identification à la rentrée.
La France insoumise demande la création d’un un corps de fonctionnaires pour les AESH avec une formation et un salaire dignes de ce nom. Ces métiers essentiels devraient être valorisés. Allez-vous agir pour donner leurs lettres de noblesse à ces métiers, agir pour ces femmes et enfants aujourd’hui méprisés ?
Mme Alexandra Martin (LR). Le sujet des accompagnants des enfants en situation de handicap et des AESH mobilise particulièrement notre délégation. L’arrêt du Conseil d’État a indiqué que tout enfant en situation de handicap a le droit d’avoir un AESH pendant le temps périscolaire. Simultanément, l’arrêt a fait porter le coût financier et organisationnel de ce temps périscolaire aux collectivités territoriales. Qu’envisagez-vous de faire pour les soutenir concrètement ?
Mme Anne-Laure Blin (LR). Nous constatons chez nos voisins européens une nette augmentation du nombre d’enfants opérés pour une transition physique d’un genre vers un autre. De plus, des militants favorables à ces opérations peuvent intervenir dans les établissements scolaires. Or il n’est pas démontré médicalement que les personnes souffrant de dysphorie de genre se sentent mieux après une telle opération. Au contraire, les cas de dépression, d’anxiété, d’automutilation et d’envies suicidaires subsistent. L’école est un lieu d’apprentissage et non un lieu de militantisme. Un certain nombre d’interventions témoignent de l’activisme de ces associations qui promeuvent ces questions de transidentité à travers des questions saugrenues. Quelles sont les conditions d’agrément mises en place par le ministère met pour examiner les interventions de ces associations ?
Un autre sujet de taille porte sur la place de l’écriture inclusive à l’école. Un certain nombre de circulaires proscrivent cet usage, mais dans les faits, il se développe de plus en plus. Quelles sont les mesures mises en place pour circonscrire cet usage qui ne porte d’inclusif que le nom ?
Enfin, nous avons auditionné la direction générale de l’enseignement scolaire, qui avait assuré me transmettre les chiffres relatifs à l’instruction en familles (IEF). Or aujourd’hui, nous n’en avons toujours pas eu connaissance.
Mme la présidente Perrine Goulet. Vous avez évoqué les difficultés de lecture et d’écriture à l’entrée en sixième. Pour éviter de repousser ces problématiques, ne faudrait-il pas généraliser l’engagement d’un maximum de vingt-quatre élèves par classe sur toutes les classes de primaire ?
Ensuite, je vous alerte sur les difficultés rencontrées par les assistantes sociales de l’éducation nationale, dont le rôle est pourtant primordial. Enfin, l’éducation sexuelle doit évoluer selon moi : ne devrait-on pas en faire une matière à part entière et la dispenser sur l’ensemble de la scolarité, avec une éducation au corps et au droit des enfants dès la maternelle ?
M. Pap Ndiaye, ministre. M. Philippe Fait, j’avoue ne pas bien connaître les questions relatives à la méditation, mais votre question m’invite à m’y pencher.
Ensuite, j’ai reconnu que les AESH ne sont pas rémunérés à hauteur convenable, raison pour laquelle nous devons tendre vers les trente-cinq heures. Par ailleurs, seul un petit pourcentage d’enfants, estimé entre 6 % et 7 %, ont besoin d’un accompagnement pendant la pause méridienne. Il importe donc d’agir en fonction des besoins précis. J’ai parlé également de la CDIsation des AESH et de la conférence nationale sur le handicap.
Mme Alexandra Martin, vous avez rappelé la décision du Conseil d’État. Je précise que la circulaire du 4 janvier sur la feuille de paie unique a été élaborée en concertation avec les associations et les collectivités territoriales, dont les retours ont été positifs pour le moment.
Ensuite, la question des identités de genre a été explicitée par une circulaire de septembre 2021, qui se penche sur la question de l’accueil et du bien-être des élèves trans. Cette circulaire dispose ainsi que le changement de prénom est possible dans le fonctionnement ordinaire de l’école, qu’il s’agisse des cartes de cantine ou des cartes scolaires par exemple. Nous devons faire mieux en ce qui concerne l’accueil des élèves LGBT et lutter contre de l’homophobie et la transphobie.
Les associations sont quant à elles soumises à un double processus d’agrément, soit au niveau des académies, soit au niveau national. En l’espèce, les conditions d’agrément examinent le contenu et le sérieux de ce qui est proposé aux élèves. D’une manière générale, certaines associations sont agréées, d’autres ne le sont pas.
J’ai également été questionné sur l’écriture inclusive. Je ne suis pas favorable au point médian, qui n’a d’ailleurs pas envahi l’éducation nationale. Mais l’écriture inclusive, ou en tout cas le français inclusif, peut prendre des formes qui ne sont pas problématiques : « Mesdames, Messieurs » ou « Françaises, Français » sont des expressions inclusives, qui tiennent compte du féminin et du masculin.
Au 1er octobre 2022, environ 57 000 demandes d’IEF avaient été instruites dont 51 394 demandes avaient fait l’objet d’une autorisation, soit un taux d’autorisation de 90 %. Le quatrième motif, à propos d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, pose problème et conduit à des situations de contentieux. L’évaluation, notamment de ce motif est inégale selon les académies : certaines académies ont été plus rigoureuses que d’autres. Un effort de clarification doit être mené. Nous vous donnerons tous les éléments chiffrés si vous le souhaitez.
Mme la présidente, le dédoublement des classes de grande section n’est pas encore entièrement réalisé (70 %, contre un objectif de 100 % pour la rentrée 2024), mais il l’est pour les classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. La première cohorte des élèves de sixième ayant préalablement profité d’un dédoublement atteste d’un effet positif, particulièrement pour les REP+. Nous sommes confiants dans les effets du dédoublement, en particulier s’il est accompagné d’un changement dans les approches pédagogiques.
Envisager un dédoublement sur des cohortes plus importantes apparaît difficile à l’heure actuelle, compte tenu des difficultés rencontrées pour le recrutement des professeurs des écoles. Elles nous obligent donc à nous limiter à vingt-quatre élèves, effet positif d’une situation par ailleurs malheureuse qu’est la baisse de la natalité en France. Elle se fait sentir de manière particulièrement prononcée dans le primaire.
Par ailleurs, je suis d’accord avec vous : nous avons besoin de recruter des assistantes sociales. Enfin, l’établissement de l’éducation à la sexualité comme une matière à proprement parler se heurte à l’emploi du temps des élèves, qui est déjà bien chargé. Soyez assurés que nous attachons une grande importance aux questions liées à la sexualité, qui résonnent au sein de l’école et de la société française. Vous pouvez compter sur moi, Mme la présidente, pour que la loi soit respectée et que l’éducation à la sexualité soit correctement enseignée. Je suis attaché à ce que nos enseignants disposent des formations et des outils pédagogiques nécessaires, et j’ajoute que des associations agréées interviennent également dans ce domaine.
Mme la présidente Perrine Goulet. Monsieur le ministre, nous vous remercions.
M. Pap Ndiaye, ministre. Je suis à votre disposition pour continuer à échanger sur ces sujets.
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La Délégation aux droits des enfants examine et autorise la publication du rapport pour information de Mme Nicole Dubré-Chirat au nom de la délégation aux droits des enfants sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales (n° 658 2e rectifié).
Ces débats n’ont pas fait l’objet d’un compte rendu écrit ; ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
La séance est levée à 19 heures 50.
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Réunion du mardi 31 janvier 2023 à 17 h 40
Présents. – M. Erwan Balanant, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Fait, Mme Perrine Goulet, Mme Servane Hugues, Mme Caroline Janvier, Mme Alexandra Martin, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Alexandre Portier, M. Éric Poulliat, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Léo Walter
Excusés. – M. Perceval Gaillard, Mme Hélène Laporte, Mme Isabelle Santiago, Mme Isabelle Valentin