Groupe d’amitié France-Liban

 

Compte-rendu de la rencontre avec M. Pierre Duquesne, ambassadeur chargée de la coordination de l’aide internationale du Liban de septembre 2020 à mai 2023

Mardi 4 juillet 2023

 

Depuis 2019, les difficultés que traversait déjà le Liban, en raison notamment des lourdes conséquences de la guerre en Syrie, se sont aggravées sous l’effet d’une crise multifactorielle, à la fois politique, économique, financière et sociale. Dès le lendemain de l’explosion du port de Beyrouth, le 5 août 2020, le Président de la République Emmanuel Macron a exprimé la solidarité de la nation française et lancé une action d’aide appelée à se prolonger dans le temps ; c’est dans ce contexte qu’il a nommé M. Pierre Duquesne ambassadeur chargé de la coordination de l’aide internationale.

M. Damien Abad, président du groupe d’amitié, a remercié M. Duquesne de sa présence. Ce dernier est venu accompagné de Mme Wassan Al Wahab, rédactrice Liban au Quai d’Orsay.

À titre liminaire, M. Duquesne a rappelé que, jeune retraité, il était délié de son devoir de réserve et que ses propos, libres, n’engageaient en aucune manière l’État français.

M. Duquesne s’est félicité que le Liban continue d’intéresser, en dépit de la fatigue qui peut être ressentie quant au manque d’avancées. Il a rappelé les liens qui lient la France et le pays du Cèdre et a insisté sur le fait que l’intérêt du Président de la République ne date pas de l’explosion du port de Beyrouth : la première visite d’État à Paris suite à l’élection du présidentielle de 2017 avait été celle du Président Libanais, Michel Aoun.

L’idée de l’exécutif français était, dès la fin de l’année 2017, de proposer une conférence internationale touchant à l’économie libanaise où, pour la première fois, une place centrale serait donnée au secteur privé. Malgré les promesses de dons privés, les projets de CEDRE n’aboutiront, pour la plupart, pas ; en revanche et pour la première fois, aucun argent public ne sera décaissé sans contrepartie, contrairement aux accords Paris I (2001), II (2002) et III (2007).

Pour M. Duquesne, les débats actuels sont essentiellement constitutionnels mais le vrai sujet n’est pas la répartition confessionnelle du pouvoir : le Liban a, bien trop longtemps, développé une « addiction à la dette ». Cette crise de l’endettement a fait suite à un système où, pendant 25 ans, le système de taux de change officiel fixe a donné libre cours à un enrichissement des libanais qui pouvaient en profiter.

De fait, l’appel au fonds monétaire international (FMI) le 1er mai 2020 était une sage décision. M. Duquesne, qui a également occupé le poste d’administrateur pour la France au FMI entre 2001 et 2007, a remarqué que, pour la première fois à sa connaissance, un Gouverneur de la banque centrale nationale s’opposait à une telle intervention. 

M. Duquesne porte à l’attention des membres que le système bancaire libanais a été réduit à néant : il a été remplacé par un système complexe de bureaux de change fonctionnant à l’aide de la monnaie liquide ; la diaspora ne peut plus, comme auparavant, financer l’économie libanaise. Ce système doit, pour M. Duquesne, être intégralement repensé sous l’égide du FMI ; il est dommage donc, toujours selon M. Duquesne, que personne au Liban, y compris au sein de l’élite intellectuelle, ne défende une telle intervention.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la mission Aide publique au développement au nom de la commission des finances, s’est interrogé sur le point de savoir si les conditions actuelles de l’aide au Liban ne sont pas trop drastiques étant donné les lourdes difficultés connues par le pays, notamment du fait d’un afflux massif de réfugiés sur son sol.

M. Duquesne a rappelé que 220 millions d’euros ont été donné par la France au cours des trois dernières années, ce qui n’est pas négligeable. Il rappelle que la France se tient prête à remobiliser la communauté internationale dès le moindre commencement de progrès en matière de réformes. Il a été évoqué les grandes difficultés que font courir les sanctions extraterritoriales américaines, en prenant pour exemple un projet avorté d’interconnexion électrique avec la Jordanie, rendu impossible par le Caesar Act.

Pour autant, il a été souligné que la volonté de l’exécutif est intacte. À cet égard, le mandat du nouvel envoyé spécial du Président de la République pour le Liban, M. Le Drian, éclaire cette volonté de « ne pas lâcher » le Liban en tentant de faciliter une solution politique à la crise institutionnelle, préalable indispensable à la mise en œuvre de réformes.  

Mme Véronique Besse, qui fait état d’une association sur son territoire venant en aide aux écoles libanaises, souligne les actions actuellement entreprises en matière d’équipements électriques et de salaires des enseignants.

M. Duquesne juge ces initiatives excellentes et essentielles.

M. le président Abad a remercié les différents intervenants pour leur participation et la richesse des échanges.