Groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire
-----------
Paris, le 14 avril 2023
Compte rendu de la réunion du 11 avril 2023
Le groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire s’est réuni le mardi 11 avril 2023 à 9h pour le Compte-rendu du Déplacement de Mme la Présidente Yaël Braun-Pivet et de sa délégation en Côte d’Ivoire du 1er au 3 avril 2023 auquel participait le Président du GA.
Philippe Brun a rappelé la composition de cette délégation de haut niveau qui, outre la Présidente et lui-même comprenait les Présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense, MM. Jean-Louis Bourlanges et Thomas Gassilloud, ainsi que la députée des français de l’étranger et Présidente déléguée de la section française de l’APF, Mme Amélia Lakrafi.
Ce déplacement très dense et passionnant a permis raffermir une nouvelle fois les relations entre les deux pays et la collaboration interparlementaire.
La Côte d’Ivoire fait figure de « bon élève » de la sous-région avec une inflation maitrisée, une croissance du PIB estimée à 6,7 % et des frontières qui restent étanches face au risque terroriste présent au Burkina Faso et au Mali.
Les échanges avec la France sont importants : Deuxième partenaire commercial derrière la Chine avec une part de marché de 11 % en 2020 (1,1 Md EUR), la France occupe une place majeure dans l’économie ivoirienne. Et inversement. La Côte d’Ivoire représente le 2ème débouché de la France en Afrique subsaharienne, juste derrière l’Afrique du Sud. Si le climat des affaires est donc bon, l’application par les entreprises françaises des règles européennes en matière d’anticorruption peut entrainer des pertes de marchés au bénéfice d’entreprises dont les pays ne respectent pas ces règles, comme c’est le cas pour les entreprises russes. La pratique consistant à payer le directeur des achats pour pouvoir accéder au marché est en effet une pratique répandue dans différents pays africains, dont la Côte d’Ivoire. De ce fait, plusieurs groupes pourraient quitter le pays, comme le groupe Bolloré qui se désengage de son activité historique de logistique, notamment dans le secteur portuaire. Sans remettre en cause le rôle d’exemplarité dans ce domaine que doivent exercer les entreprises françaises, une telle situation conduit à des montages juridiques permettant de s’adapter aux pratiques locales.
Un des principaux sujets abordés par la mission a été celui du devenir de la base militaire de Port-Bouët, située dans la banlieue sud d’Abidjan à un kilomètre de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny. Son emplacement, avec un accès au port, en fait une plateforme stratégique, opérationnelle et logistique majeure sur la façade Ouest-africaine. L’actualité porte sur l’évolution de cette présence française après de la présentation par le Président de la République, le 27 février dernier, de sa stratégie pour l’Afrique, et de la « réorganisation » du dispositif militaire français qu’il entend mener sur le continent. Concrètement, le projet à l’horizon 2025 est de diviser par deux (de 1000 à 500) le nombre de soldats français présents qui seraient affectés à des fonctions de formation des militaires ivoiriens appelés à assurer à terme la direction du camp.
La délégation s’est rendue sur la base durant plus de deux heures ce qui constitue une première pour une délégation parlementaire et a été apprécié par les militaires qui ont pu faire part de leurs incertitudes quant à l’avenir du camp.
Cette présence militaire française est en place depuis le 1er janvier 2015, elle fait suite à l’opération Licorne en réponse à la crise politico-militaire en Côte d'Ivoire en 2002. Cette présence est bien acceptée par la population et les dirigeants, lesquels n’ignorent pas les risques d’instabilité liés à une armée nationale s’accommode parfaitement de la situation.
Un des autres sujets abordés est celui de la restitution du « tambour parleur », cet instrument en bois aux propriétés symboliques et mystiques servait notamment à prévenir des dangers, mobiliser pour la guerre ou convoquer les villages à des cérémonies ou des fêtes. Confisqué en 1916 par l'armée française, l'objet est actuellement au musée Jacques-Chirac du Quai-Branly, à Paris. Le principe de la restitution du tambour a été décidé par le Président Macron fin 2021 mais, en l’état du droit le vote d’une loi est nécessaire pour autoriser, par une dérogation limitée au principe d’inaliénabilité qui protège les collections publiques françaises, la sortie des collections nationales et le transfert de propriété de plusieurs œuvres. La solution préconisée par la Présidente Braun-Pivet réside dans l’adoption d’une loi cadre permettant de ne pas faire autant de lois spécifiques que de demandes de restitutions. Ce projet de loi préparé par le MEAE pourrait être examiné rapidement par le Parlement.
La visite de la délégation coïncidait avec une assemblée plénière de l’Assemblée parlementaire de la francophonie et l’ouverture solennelle de la session parlementaire à l’Assemblée nationale de Côte d'Ivoire. À cette occasion, pas moins de cinq présidents d’Assemblées francophones étaient présents le lundi 3 avril pour la cérémonie d’ouverture de la session ordinaire et ont pris la parole : la Présidente Yaël Braun-Pivet et les présidents des assemblées nationales du Sénégal, du Niger, du Rwanda, de l’Algérie et d’Afrique du Sud. Le Président de l’Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, Monsieur Adama Bictogo, a accompagné la délégation française tout au long de son séjour. Cet homme d’affaire de 60 ans, également dirigeant du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a obtenu l'approbation du chef de l'État Alassane Ouattara et a été élu le 7 juin 2022 avec 237 voix pour, contre six, à la suite du décès du président en exercice, Amadou Soumahoro. Adama Bictogo a déjà affiché ses ambitions en vue des élections présidentielles de 2025.
La délégation s’est également rendue dans un centre d’insertion des jeunes financé par l’AFD, elle a rencontré plusieurs femmes leaders ivoirienne autour des sujets de l’excision et de la polygamie et est intervenue devant un panel de jeunes à l’Institut de Formation Politique Amadou Gon Coulibaly parfaitement au fait de l’actualité politique et parlementaire française.
Dans l’optique de dynamiser les relations privilégiées issues du protocole d’accord interparlementaire signé en 2014 par le Président Claude Bartolone et son homologue ivoirien Guillaume Soro, Philippe Brun a officiellement invité la Présidente du groupe d’amitié avec la France, Mme Patricia Yao, à venir en France dans le cadre des réceptions de délégations des groupes d’amitié. Cette proposition a été accueilli avec enthousiasme par Mme Yao qui est Député-Maire de Guitry et assume également les fonctions de directrice de cabinet de la Première dame Dominique Ouattara, dont le nom de jeune fille est Dominique Nouvian et qui est d’origine française. Une telle visite ne pourrait avoir lieu avant le mois d’octobre 2023 en raison de la tenue des élections municipales en septembre qui font figure de test électoral important, le Président Bictogo est d’ailleurs lui-même candidat à Yopougon.
La délégation a enfin eu l’honneur d’un entretien de près de deux heures avec le Président Alassane Ouattara qui a longuement décrit les bons résultats économiques de son pays. Le Président est très au fait de la vie politique française regarde régulièrement LCP. Il a fait part de ses inquiétudes à l’égard de la milice Wagner et de son intention de proposer à la CDAO de prendre des sanctions à son encontre. Globalement le climat est plutôt russophobe en CIV mais les entreprises russes gagnent pourtant des parts de marché, notamment car elles pratiquent le versement de commissions aux intermédiaires contrairement aux entreprises de l’Union européenne qui sont tenues par les règles de compliance européennes.
Le Président Alassane Ouattara est également inquiet des risques de déstabilisation de l’information par les russes, ainsi qu’en matière de développement de la corruption ; il est demandeur d’expertise et de soutien français sur ces sujets. Il a également souligné l’extrême jeunesse de la population ivoirienne, 75% de la population est âgé de moins de 35 ans et est revenu sur l’épineuse question des visas sachant que les effectifs consulaires sont très réduits puisque trois agents seulement doivent traiter 60 000 demandes de visas par an, soit de l’ordre de 125 dossiers par jour sans compter la lutte contre la fraude documentaire qui est assez répandu en CIV.
Mireille Clapot a indiqué s’être rendue en CIV en décembre 2022 avec l’ONG Action santé mondiale. Elle a constaté une situation particulièrement dégradée pour la santé des femmes et des enfants, notamment le grand nombre de grossesses précoces non désirées et un taux de mortalité infantile très élevé de 56 %0. Par ailleurs, la CMU obligatoire est décriée depuis son lancement, en 2019, pour ses lenteurs administratives et son inefficacité. Elle a également indiqué que la crise économique qu’a connu la CIV dans les années 1980 et le développement du concept idéologique d’ivoirité ont eu des conséquences néfastes sur la formation intellectuelle d’une génération d’ivoiriens.
Philippe Brun a reconnu que la bonne santé économique du pays ne trouve pas immédiatement de traduction en matière de santé et de bien-être de la population. Il a indiqué que le Président Ouattara ne méconnait pas cette situation mais que, selon lui, les effets positifs en matière de santé ou d’éducation ne sont mesurables que sur une période relativement longue, de l’ordre de 20 ans.
Présents : MM. Philippe Brun, Mme Mireille Clapot
Excusés : M. Sacha Houlié
Représentés : Mme Lysiane Métayer