Compte rendu

Commission d’enquête sur la structuration,
le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

 

– Audition de M. Julien Le Guet, Mme Anne-Morwenn Pastier, Mme Lucile Richard, M. Jérôme Graefe, M. Jérémie Fougerat, collectif Bassines non merci !              2

 Présences en réunion...............................29


Mercredi
27 septembre 2023

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 26

session extraordinaire de septembre 2023

Présidence de
M. Patrick Hetzel,
président

 


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La séance est ouverte à seize heures cinq.

Présidence de M. Patrick Hetzel, président.

La commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements auditionne M. Julien Le Guet, Mme Anne-Morwenn Pastier, Mme Lucile Richard et M. Jérémie Fougerat, du collectif Bassines non merci !, accompagnés de M. Jérôme Graefe, de la Ligue des droits de l’homme.

M. le président Patrick Hetzel. Mes chers collègues, nous nous retrouvons pour l’une des dernières auditions de notre commission d’enquête, dont les travaux toucheront bientôt à leur fin. Je suis heureux d’accueillir une délégation du collectif Bassines non merci !. Elle est composée de MM. Julien Le Guet et Jérémie Fougerat ainsi que de Mmes Anne-Morwenn Pastier et Lucile Richard. Ils sont accompagnés de M. Jérôme Graefe, de la Ligue des droits de l’homme.

Mesdames et messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à notre convocation, puisque tel n’a pas été le cas des Soulèvements de la Terre. Cette organisation nous a indiqué qu’elle ne souhaitait pas se présenter devant la commission d’enquête au motif qu’une action en justice était en cours.

Cette audition se déroule dans un contexte particulier, que je crois utile de préciser en ouverture de nos échanges. Les règles de fonctionnement des commissions d’enquête leur interdisent d’investiguer « sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ». Or, comme chacun le sait, les procédures ouvertes à la suite des événements de Sainte-Soline se poursuivent. Par conséquent, si nous pouvons nous pencher sur la méthode, le cadre légal applicable ou les inspirations idéologiques de chacun, notre rôle ne consiste ni à rechercher des preuves, ni à assigner des responsabilités. J’invite chaque député à garder en mémoire cette limite. J’indique par ailleurs aux auditionnés qu’ils demeurent libres de ne pas répondre à une question dont ils estimeraient qu’elle pourrait exposer leur responsabilité pénale.

Mesdames et messieurs, un questionnaire vous a préalablement été transmis par notre rapporteur. Je vous invite à communiquer vos réponses écrites dans le prolongement de cette audition. De votre côté, vous avez souhaité que des documents soient mis à la disposition des membres de la commission d’enquête : ils leur ont été communiqués par voie électronique et quelques exemplaires sont disponibles à l’entrée de la salle.

J’en viens à l’objet de nos travaux, qui portent sur les manifestations violentes du printemps 2023. Pour ce qui concerne cette audition, nous passerons rapidement sur la contestation de la réforme des retraites et les exactions commises en milieu urbain pour nous concentrer sur les oppositions aux projets d’infrastructures motivées par des considérations environnementales. Votre collectif combat la construction de bassines destinées à l’irrigation agricole. Ce qui s’est passé en mars dernier a légitimement attiré l’attention de tout le pays. Je précise que certains membres du bureau de la commission d’enquête ont eu l’occasion de se rendre sur les lieux au début du mois pour échanger avec les autorités administratives et municipales locales.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Monsieur le président, vous avez appelé notre attention sur le respect du cadre légal de cette audition. Afin que nous sachions tous quelles questions nous avons le droit de poser, pourriez-vous nous indiquer les chefs de poursuite retenus, s’ils sont connus ?

M. le président Patrick Hetzel. Pour ma part, je ne dispose pas de cette information. Les membres du collectif doivent le savoir. S’ils le souhaitent, ils pourront vous le préciser.

Notre commission d’enquête est transpartisane : elle vise à objectiver les faits et à s’approcher autant qu’il est possible de la réalité. Il me revient d’introduire nos échanges. Je poserai donc les deux premières séries de questions.

En premier lieu, pouvez-vous nous présenter les moyens d’action que privilégie votre collectif ? Êtes-vous actifs sur le terrain administratif, judiciaire, politique, électoral, idéologique, ou encore en matière d’éducation ? Comment définiriez-vous votre engagement ou, comme diraient certains, votre degré de radicalité ? Y a-t-il des lignes rouges que vous refusez de franchir, des actions auxquelles vous vous abstenez délibérément de prendre part ?

En second lieu, pouvez-vous nous présenter votre organisation ? Quel est l’historique de votre collectif ? De combien de membres est-il composé ? Comment, alors que vous n’êtes pas une association juridiquement constituée, organisez-vous et financez-vous vos actions ? Plus précisément, recevez-vous un soutien d’institutions ou d’organismes publics ?

Avant de vous donner la parole, et en application de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Anne-Morwenn Pastier, M. Julien Le Guet, Mme Lucile Richard, M. Jérémie Fougerat et M. Jérôme Graefe prêtent successivement serment.)

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Nous aimerions savoir au préalable en quelle qualité nous sommes auditionnés aujourd’hui.

M. le président Patrick Hetzel. Nous essayons de comprendre ce qui a pu se passer au cours d’un certain nombre de manifestations qui ont été émaillées d’expressions violentes. Votre collectif ayant appelé à la manifestation de Sainte-Soline, il nous a semblé important d’échanger avec vous à ce sujet.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. C’est donc en tant que structure organisatrice de l’événement ?

M. le président Patrick Hetzel. Absolument !

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Nous avons préparé un texte liminaire que nous lirons à quatre voix et qui précisera les limites juridiques de notre intervention devant vous. Nous répéterons certains éléments que vous avez déjà évoqués. Cela permettra d’expliciter le cadre judiciaire dont je fais l’objet en particulier.

Vous nous avez donc convoqués dans le cadre de cette commission d’enquête relative à l’organisation des groupuscules violents à l’occasion de manifestations. Le collectif Bassines non merci ! est constitué de simples citoyens ainsi que d’organisations diverses incluant des syndicats, des associations de protection de la nature, des groupements d’usagers et même des partis politiques. Il s’est créé en septembre 2017 en réaction aux projets de bassines sur le bassin-versant de la Sèvre niortaise et du Marais poitevin. Aujourd’hui, on dénombre plus de dix collectifs locaux constitués partout en France où des projets de bassines ont émergé.

Notre collectif s’est tout de suite constitué tel que nous le présentons aujourd’hui : divers, informel, au fonctionnement horizontal, sans dirigeant, créatif, pacifique et déterminé. C’est au titre de ma fonction de porte-parole du collectif de la Sèvre niortaise et du Marais poitevin, et non en qualité de meneur, de représentant légal ou de dirigeant, que votre commission m’a nommément convoqué.

Nous avons dû surseoir à une première convocation en juillet dernier. Non seulement mon état de santé ne me permettait pas d’y répondre, mais un doute subsistait, et subsiste toujours, quant à la légalité de cette audition. En effet, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose : « Il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter. »

En tant que porte-parole, je fais l’objet d’une procédure judiciaire qui m’a conduit, avec huit camarades, devant le tribunal de Niort le 8 septembre dernier. Le procès est en cours et nous devrons comparaître à nouveau le 28 novembre devant cette même juridiction. Parmi les questions qui nous ont été adressées par votre commission, une grande partie correspond, parfois au mot près, à des sujets couverts par le secret de l’instruction voire à des questions posées par le président Éric Duraffour ou par le procureur Julien Wattebled. Vous comprendrez aisément pourquoi nous nous autoriserons à ne pas y répondre, ni lors de cette audition, ni dans la réponse au questionnaire que nous vous remettrons ultérieurement. Certains éléments, notamment ceux qui concernent la chronologie des faits, figurent dans le rapport de la Ligue des droits de l’homme : vous obtiendrez ainsi certaines réponses.

Jusqu’au dernier moment, notre collectif s’est demandé s’il se rendrait à votre convocation ou s’il se limiterait à une réponse écrite au questionnaire de vos services, comme l’ont choisi nos camarades des Soulèvements de la Terre et de la Confédération paysanne. Nous avons cependant décidé de venir devant vous et devant les caméras de l’Assemblée nationale pour qu’un autre récit, basé sur des éléments factuels, puisse être entendu, consigné dans votre rapport final, archivé et ainsi consultable par tout un chacun à l’avenir.

M. Jérémie Fougerat, collectif Bassines non merci !. En visionnant la plupart des auditions de cette commission, nous avons constaté que certains osaient remettre en question le bilan dramatique de la manifestation de Sainte-Soline. Ce fut un véritable fiasco en termes de maintien de l’ordre avec plus de 200 blessés chez les manifestants et une quarantaine chez les forces de l’ordre. Sainte-Soline doit rester dans l’histoire comme un événement durant lequel une stratégie de maintien de l’ordre par l’envoi massif d’engins explosifs à éclats a affecté la vie de milliers de militants des luttes écologiques. C’est la première fois qu’un État européen traite aussi durement, de manière massive, une marche pacifique pour la défense de l’eau en tant que bien commun. Le Gouvernement n’aurait jamais dû donner les consignes ayant entraîné un tel feu de bombes militaires en tous genres, sans aucun discernement. Il n’aurait jamais dû prendre le risque de tuer un citoyen, une gamine ou un papy sous prétexte qu’il portait une capuche, juste pour protéger un cratère géant. La protection des personnes doit l’emporter sur celle des biens.

Pour illustrer la diversité de Bassines non merci !, nous sommes quatre à nous présenter devant vous : Julien Le Guet, batelier et porte-parole du collectif ; Lucile Richard, archéologue et rapporteure du collectif auprès de la commission des pétitions du Parlement européen ; Anne-Morwenn Pastier, docteure en sciences de la terre, qui a notamment travaillé à démontrer les limites et la partialité des études du Bureau de recherches géologiques et minières sur commande de la Société anonyme coopérative de l’eau des Deux-Sèvres qui porte le projet ; et moi-même, le docteur Jérémie Fougerat, médecin généraliste et membre de l’équipe médicale de la manifestation autorisée de Melle. M. Jérôme Graefe, membre de la Ligue des droits de l’homme et observateur durant la manifestation de Sainte-Soline, nous accompagne : il a contribué à la rédaction du rapport « Sainte-Soline, 24-26 mars 2023 – Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain ». Il pourra répondre à vos questions concernant le déroulement des faits.

Mme Anne-Morwenn Pastier, collectif Bassines non merci !. Au sein du collectif, des militants, des personnalités politiques, des paysans et des scientifiques luttent contre l’implantation de prétendues solutions de stockage d’eau qui restaurereraient le bon état des cours d’eau. Pour rappel, les bassines sont des dispositifs de sécurisation de l’irrigation des seules parcelles agricoles qui y sont raccordées. Pour les construire, des hectares de terres agricoles sont éradiqués : la terre végétale est évacuée, la roche est creusée puis damée, la surface nue est bâchée et des kilomètres de canalisations sont construits. Plus rien ne poussera sur ces terres avant des décennies voire des siècles. Quelques forages remplissent ces mégabassines pendant plusieurs mois en hiver, risquant de priver des zones humides de leur crue annuelle et d’empêcher la recharge maximale des nappes. Compte tenu de la forme des bassines, l’eau se trouve exposée à la lumière et à la chaleur, ce qui entraîne une évaporation partielle ainsi qu’une perte de qualité, avec le développement possible d’algues – et donc une eutrophisation –, voire de cyanobactéries ou de légionelles.

Ces bassines sont installées dans des zones de répartition des eaux, c’est-à-dire dans des régions où l’on sait depuis une trentaine d’années que la consommation d’eau, notamment à des fins de surirrigation agricole, est supérieure à la capacité du milieu. Au-delà du problème des bassines, c’est l’incohérence de ce schéma de gestion de l’eau que nous mettons en question par toutes nos actions, ainsi que l’iniquité de son partage tant entre les populations humaines qu’entre les êtres vivants, humains et les non humains. Dans la mesure où elles encouragent la surconsommation d’eau, les bassines ne font pas partie de la solution aux conflits d’usage que l’on voit déjà arriver, mais bel et bien du problème.

Que dire de ces bassines dans la perspective du réchauffement climatique, dans un monde où la température aura augmenté de quatre degrés par rapport à l’ère préindustrielle, un monde auquel le Président de la République nous demande de nous adapter ? Les modèles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat s’accordent à prédire des sécheresses pluriannuelles intenses pouvant durer plus de neuf années consécutives. Les bassines seront-elles toujours aussi rentables ?

Dès les premières constructions, il y a plus de quinze ans, en Vendée et en Charente-Maritime, de tels projets ont suscité l’ire des habitants les plus sensibles à leur environnement. Depuis sept ans, ce mouvement s’est amplifié suite à l’annonce d’un nouveau projet de bassines, principalement dans les Deux-Sèvres. Le retour d’expérience des premières bassines permettait de constater les promesses non tenues : là où les bassines avaient pris place, la culture du maïs régnait comme jamais. À rebours d’une politique de sobriété dans les usages agricoles de l’eau, ces bassines entretiennent l’illusion d’une ressource facilement accessible et quasi inépuisable.

Mme Lucile Richard, collectif Bassines non merci !. Notre première initiative fut de participer aux enquêtes publiques et même d’en faire la promotion auprès de nos concitoyens. En mars 2017, l’enquête publique avait recueilli 449 contributions, dont 70 % d’avis défavorables. Les commissaires enquêteurs ont pourtant émis un avis favorable. À partir de ce véritable déni de démocratie, la résistance s’est organisée, chaque composante jouant sa partition. Les associations de protection de la nature et de l’environnement ont collectivement déposé de nombreux recours devant la justice administrative. À ce jour, c’est de la troisième version de l’arrêté préfectoral que se trouve saisie la cour administrative d’appel de Bordeaux. Tous les épisodes juridiques précédents avaient abouti à une modification des arrêtés antérieurs, donnant raison aux requérants.

Les premières victoires juridiques n’ont pourtant pas arrêté ces projets, bien au contraire. Les premières mobilisations massives ont alors rassemblé des milliers d’habitants venus dire leur attachement à leur territoire et leur opposition à l’accaparement de l’eau. Nous avons organisé de nombreuses conférences, projections-débats, interventions, colloques, publié des tribunes et diverses communications pour permettre aux citoyens de s’informer, de monter en compétences, de dénoncer et de contrecarrer les mensonges diffusés couramment dans les médias, comme celui d’un remplissage des bassines par l’eau de pluie, par exemple. Grâce à cette mobilisation polymorphe et plurielle, nous avons réussi, pendant quatre ans, à maintenir un rapport de force tel que les travaux étaient à chaque fois repoussés, jusqu’à ce mois de septembre 2021 où les premières grilles du chantier de la bassine de Mauzé-sur-le-Mignon ont été installées, aboutissant à la première construction du projet deux-sévrien.

Vous devez comprendre que le démarrage des travaux, alors que les arrêtés faisaient encore l’objet de plusieurs recours, a été vécu comme un véritable bafouement des règles les plus élémentaires en matière de protection de la nature et de l’eau. Vous devez entendre à quel point cette situation porte les germes des colères et des soulèvements à venir, qui animent aujourd’hui une grande partie de ceux qui s’investissent pour la préservation de toutes les formes de vivant et des générations futures. C’est à la suite du démarrage des travaux que nos modes d’action ont changé et que nous nous sommes autorisés à investir le champ de la désobéissance civile.

De nombreux précédents expliquent un véritable sentiment de défiance à l’égard des projets d’aménagement de l’État. Que dire du lac de Caussade, grande retenue d’eau à vocation agricole construite illégalement, aujourd’hui utilisé alors que l’ouvrage devrait être démoli et la zone humide réhabilitée ? Que dire du chantier de Sivens, piloté comme les bassines par la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, qui n’aura dû son arrêt qu’à la mort de Rémi Fraisse ? Que dire des six bassines de l’association syndicale autorisée d’irrigation des Roches, en Charente-Maritime, jugées illégales à l’issue d’un parcours judiciaire de dix ans mais tout de même construites sur autorisation préfectorale ?

En novembre 2021, à Mauzé-sur-le-Mignon, notre liberté de manifester s’est vue pour la première fois menacée. Nous avons été confrontés à la mise en place de périmètres d’interdiction de manifester élargis et inédits dans leurs dimensions, excluant tout accès à la bassine en chantier. Malgré le ressentiment suscité par ces arrêtés liberticides, notre collectif et les organisations co-organisatrices ont décidé de rester dans la zone libre et d’aller montrer ce qu’était une bassine dans la commune riveraine de Cram-Chaban. En dépit des engagements de la préfecture de nous laisser cheminer, notre cortège a été bloqué au premier obstacle, le passage d’un pont sous la voie ferrée. Le rapport de confiance était rompu. Spontanément, l’ensemble du cortège a pris le chemin de la rivière Mignon, à sec, et franchi l’obstacle sous un feu nourri de bombes lacrymogènes, le premier de l’histoire de notre lutte, jetées pêle-mêle sur les enfants et les anciens de ce rassemblement qui se voulait pacifique.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Comment auriez-vous réagi, mesdames et messieurs les députés, dans cette rivière de votre enfance asséchée par les canons à eau agricoles environnants, sous ces nuages toxiques alors que vous cheminiez pacifiquement, si vous aviez vu vos proches pris à partie et vos petits-enfants s’époumoner ? Quelles pensées croyez-vous que cela suscite à l’encontre des autorités, des préfets, des agents des forces de l’ordre qui utilisent ces moyens alors qu’aucune dégradation, aucune provocation n’avait été constatée dans les rangs des manifestants ? Nous avions juste fait valoir notre liberté de manifester, de nous déplacer, de nous exprimer. Comment auriez-vous réagi si vous aviez vu, suite à cet événement, toutes les manifestations méthodiquement interdites ?

Nous avons refusé de nous plier aux interdictions systématiques et autoritaires. Nous avons continué à nous rassembler et à nous donner les moyens de circuler le plus librement possible sur ce territoire qui est le nôtre et que nous défendons. Dans la diversité de ses modes d’action, notre collectif a aussi participé à l’organisation d’événements plus sportifs, comme les descentes de la Sèvre et du Clain en canoë, ou encore récemment au convoi de l’eau. Cette manifestation en tracteurs et vélos de près de 400 kilomètres s’est conclue par une arrivée festive à l’agence de l’eau Loire-Bretagne.

Les négociations entre nos organisations et la préfète coordinatrice de bassin n’ont été que le dernier épisode illustrant le mépris de l’État. Alors que le convoi de l’eau s’était déroulé sans affrontement, que nos représentants ne faisaient que demander une suspension des travaux comme le recommandait la mission de médiation diligentée par le comité de bassin, que des dégâts irréversibles étaient causés sur le chantier de Priaires où débutait la destruction d’un nouvel espace d’une dizaine d’hectares, l’État n’a pas daigné mettre un frein à l’escalade des tensions.

L’histoire de cette lutte est celle d’un blocage démocratique. C’est l’histoire de l’épuisement de tous les recours légaux et de toutes les formes d’action que vous qualifiez de pacifiques. Ce blocage institutionnel va de pair avec une intensification de la répression des mouvements écologistes et une porosité inquiétante, contraire au principe fondamental de séparation des pouvoirs, entre les pouvoirs publics et l’autorité judiciaire, notamment lorsque le garde des Sceaux donne aux magistrats des consignes pour nos jugements. C’est la stratégie de la tension et les dispositifs et arrêtés liberticides qui entretiennent un climat explosif.

Nous exigeons une nouvelle fois, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, un moratoire sur les chantiers de bassines et leur financement, le respect des décisions de justice, la prise en compte des données scientifiques et l’organisation de concertations publiques élargies. C’est ainsi que renaîtra la confiance au sein du peuple et que nous engagerons un dialogue pour construire des solutions collectives et d’intérêt général – pas en balançant des tonnes de grenades impactantes GM2L ! La seule sortie de crise possible consiste à recréer les conditions d’écoute des citoyens ainsi qu’à mettre en place des instances de l’eau affranchies de l’emprise de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et de l’agro-industrie.

M. Florent Boudié, rapporteur. Monsieur Le Guet, vous avez interrogé notre commission d’enquête et son président sur la légalité de nos travaux. Nous ne sommes pas partisans de la désobéissance civile. Nous respectons la loi et le règlement de l’Assemblée nationale. Nous avons donc saisi le garde des Sceaux afin de nous assurer que nous pouvions créer cette commission d’enquête, qui résulte d’une résolution adoptée en séance publique. Le principe est celui d’une séparation stricte : tout ce qui concerne des parcours individuels, des actes reprochés à des individus en particulier, n’est pas évoqué au sein de notre instance. Nous étudierons avec vous, si vous acceptez de répondre à nos questions, le déroulement des faits, leur chronologie, et nous discuterons d’éléments que nous avons constatés sur place. Vous appelez au respect de la légalité : c’est une question qui se posera également vis-à-vis d’un certain nombre d’actes que vous avez pu commettre, notamment lors de la manifestation du 25 mars.

Ma première question porte sur la relation entre votre structure, que je ne sais comment nommer, et le représentant de l’État dans le département, à savoir la préfète des Deux-Sèvres. Comment les échanges avec l’autorité administrative se sont-ils déroulés en amont de la manifestation ? Avez-vous senti l’État prêt au dialogue ? Avez-vous considéré que ce dialogue n’était pas possible ? Souhaitiez-vous vous-mêmes qu’il n’ait pas lieu ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Nous l’avons dit dans notre propos liminaire : pendant les cinq premières années, nous avons organisé de nombreuses manifestations déclarées. Cela donnait lieu à des rencontres avec les services chargés du maintien de l’ordre, notamment pour établir les parcours. Il y a eu un schisme dans notre relation avec l’État à la suite d’une première manifestation en septembre et d’une deuxième en octobre 2021 à Mauzé-sur-le-Mignon. Pour la première fois, des arrêtés d’interdiction ont été pris et nous avons senti nos libertés fondamentales diminuer. Nous voulions montrer à des gens qui ne savaient pas ce qu’était une bassine à quoi cela ressemblait sur le terrain. Face à une première batterie d’interdictions, nous avons décidé, avec l’ensemble des organisations ayant appelé à cette manifestation, de ne pas dépasser la limite fixée et de nous diriger vers un autre secteur, qui ne nous était pas interdit. Nous avons alors rencontré une véritable obstruction des forces de l’ordre, qui n’étaient pas à leur place. Si nous n’avions pas été entravés dans nos mouvements, si ces premières tensions n’étaient pas apparues, s’il n’y avait pas eu de jets de gaz lacrymogène sur des cortèges pacifiques, alors la bassine de l’association syndicale autorisée d’irrigation des Roches, à Cram-Chaban, n’aurait pas été détruite. Cet acte a été commis en réaction immédiate à la violence subie, forte et arbitraire. La bassine a été débâchée collectivement. Cette action a été assumée par l’ensemble des organisations. Je rappelle que cette installation était illégale : les porteurs de projet auraient déjà dû remettre le site en état et financer le rebouchage du trou depuis belle lurette ! Néanmoins, les bassines jumelles de l’association syndicale autorisée d’irrigation des Roches continuent d’être utilisées aujourd’hui.

Nous avons gardé le réflexe de déclarer systématiquement nos manifestations. C’était le cas à Sainte-Soline. Or, une nouvelle fois, nous avons appris une semaine auparavant que cette manifestation était interdite – ordinairement, une telle décision intervient plutôt deux ou trois jours avant l’événement – et que de multiples arrêtés d’interdiction supplémentaires avaient été pris.

M. Florent Boudié, rapporteur. Y a-t-il eu des échanges formels avec l’autorité administrative ?

M. Jérémie Fougerat, collectif Bassines non merci !. En tant que médecin responsable du dispositif sanitaire de Melle, j’ai participé à une réunion de la commission de sécurité le mardi précédant le 25 mars. Étaient présents les services de la préfecture, le Samu, les pompiers, les gendarmes, la mairie de Melle et une délégation des organisateurs. La communication était possible dans la mesure où la manifestation était autorisée.

En revanche, en cas d’interdiction préalable, il est impossible d’aborder tous ces sujets, ce qui me semble préjudiciable et risqué. Je le répète : la discussion est possible lorsque le cadre le permet.

M. Florent Boudié, rapporteur. Dans vos échanges écrits ou oraux avec la préfecture, l’autorité administrative vous a-t-elle communiqué des éléments d’inquiétude relatifs à la sécurité de l’événement ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Il y a eu un jeu de ping-pong administratif. Je rappelle qu’une manifestation se déclare : il ne s’agit pas de demandes d’autorisation. Or, nous avons systématiquement reçu refus et interdictions, que nous avons tout aussi systématiquement contestés devant les juridictions au moyen de référés-liberté. Parmi les arguments qui nous étaient régulièrement opposés figurait le rappel des épisodes précédents, pourtant soumis à caution. L’administration a mis en avant le fait que les Soulèvements de la Terre faisaient partie des organisations co-organisatrices de nos rassemblements alors même qu’ils étaient frappés d’une décision de dissolution. Or, cette décision a été suspendue avec effet rétroactif. Cet élément, qui semblait à l’époque recevable devant le tribunal administratif, ne l’est plus. Nous n’avons pas déposé de recours sur le fond, mais ces arrêtés préfectoraux d’interdiction de manifestation, souvent pris dans l’urgence, sont attaquables. Cela fait partie des batailles juridiques que nous sommes prêts à mener.

M. Florent Boudié, rapporteur. Confirmez-vous que ces arrêtés préfectoraux ont été à chaque fois attaqués par vos soins devant la juridiction administrative, y compris pour la manifestation du 25 mars ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Oui, si ma mémoire est bonne. Cette démarche est systématique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Ces arrêtés ayant été validés par le tribunal administratif, ils n’étaient donc pas illégaux.

Reprenons la chronologie des événements. Sur place, nous avons rencontré un certain nombre d’acteurs. Je ne parlerai pas ici de ceux qui défendent le principe des bassines, de même que je ne veux pas entrer dans le débat sur l’opportunité de leur mise en place, puisque ce n’est pas l’objet de la commission d’enquête. Nous avons rencontré, disais-je, des élus locaux. Ils nous ont indiqué que, dès l’après-midi du vendredi 24 mars, soit plusieurs heures avant le début de la manifestation, ils avaient repéré et s’étaient inquiétés de la présence d’un certain nombre d’individus équipés et très mobiles, circulant à grande vitesse et n’étant vraisemblablement pas venus manifester. Ils ont fait le même constat en soirée, distinguant les manifestants correspondant au profil que vous avez évoqué – des personnes venues défendre une cause, parfois avec des amis ou en famille, dans une atmosphère relativement festive – de ces individus violents. Je rapporte ici ce qu’ont décrit des maires de communes de taille modeste, n’ayant aucune expérience du maintien de l’ordre et encore moins de la gestion d’une manifestation rassemblant plusieurs milliers de personnes. Avez-vous fait le même constat sur place ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Je me demande si votre question n’entre pas dans le champ de celles qui pourraient m’être posées par le président Éric Duraffour. Néanmoins, je veux bien vous apporter un élément de réponse.

Je ne sais pas comment on reconnaît un individu radicalisé ou un manifestant susceptible de commettre des violences. Aujourd’hui, la participation à l’une de nos réunions ou le simple fait de se trouver sur la route de nos manifestations peut donner lieu à des poursuites judiciaires. Près d’une vingtaine de nos camarades ont été interpellés pour participation à un groupement. Aussi le fait d’être masqué n’est-il pas un signe de détermination à la violence, mais de la volonté de continuer à manifester sans être interpellé ou placé en garde à vue. Les gens masqués ne sont pas nécessairement présents pour commettre des violences. En outre, cela fait sept ans que nous sommes dans l’action militante et que nous organisons des manifestations, toujours très populaires et familiales, y compris à Sainte-Soline. Nous nous rappelons donc qu’il est une époque où l’on nous demandait de manifester masqués. Alors que le covid‑19 est de retour, il se pourrait que des manifestants souhaitent porter un masque pour des raisons sanitaires, craignant d’être contaminés en se trouvant dans un groupe.

M. Julien Odoul (RN). Est-ce une blague ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. C’est factuel.

M. Julien Odoul (RN). Cette audition n’est pas un spectacle comique !

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. C’est vous qui devriez être sérieux.

M. le président Patrick Hetzel. Cher collègue, laissez M. Julien Le Guet s’exprimer. L’objectif d’une commission d’enquête est de susciter les échanges. Je vous invite tous à respecter la solennité qui s’impose aux travaux de l’Assemblée nationale.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Pardonnez-moi d’être factuel : je pourrai vous faire parvenir les arrêtés préfectoraux imposant le port du masque dans nos manifestations.

M. le président Patrick Hetzel. La spécificité des individus évoqués par les maires de Vanzay et de Sainte-Soline ne se limitait pas à leur tenue vestimentaire. Certains étaient en possession d’objets comme des battes de baseball. Les maires ont senti la tension monter en voyant ces personnes qui, de toute évidence, n’étaient pas venues pour une promenade bucolique dans les champs mais semblaient vouloir exprimer une forme d’agressivité. Ma question est simple : avez-vous perçu la même chose ?

Mme Anne-Morwenn Pastier, collectif Bassines non merci !. Vous semblez distinguer des manifestants assez festifs et d’autres dont le seul but serait de tout casser sans même partager notre cause écologique. Or, le 25 mars, personne n’est venu manifester dans un esprit festif. Les gens participent de plus en plus à ce genre de rassemblement munis de certains objets. En ce qui me concerne, c’est le cas depuis les manifestations contre la loi dite « travail » en 2016. Je ne parle pas de battes de baseball mais de masques, de lunettes ou de capuches visant à éviter que des grenades explosives entrent dans notre col et nous tuent comme Rémi Fraisse. Ce sont des réflexes que les manifestants ont acquis depuis plusieurs années. Ils se protègent, même s’ils ont les meilleures intentions du monde. Même pour faire une promenade bucolique dans les champs, je mettrais un masque, des lunettes, une capuche voire un casque, et plusieurs épaisseurs de vêtements pour encaisser les tirs de lanceur de balles de défense. La distinction entre des manifestants pacifiques et des blocs venus donner libre cours à la violence n’existe que dans la tête de ceux qui ne participent pas à ces manifestations.

M. Florent Boudié, rapporteur. Il ne faudrait donc pas distinguer les manifestants des casseurs. Comment expliquez-vous qu’aient été retrouvés des boules de pétanque, des machettes et des objets volontairement élaborés pour porter atteinte à l’intégrité physique des forces de l’ordre ? Il existe manifestement des éléments tangibles, matériels, permettant une distinction assez radicale.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. La réponse est évidente. En amont de la manifestation de Melle et de Sainte-Soline, il a été procédé à 24 000 contrôles en cinq jours. Ils ont touché tous les habitants de la zone, manifestants ou non. Or, on peut trouver, dans nos coffres comme dans les vôtres, un tas d’objets susceptibles d’être qualifiés d’armes par destination, à commencer par des boules de pétanque. Nous nous souvenons tous de la table présentée par les forces de l’ordre, avec tout un attirail censé prouver la violence des manifestants. Le matériel n’avait pas été trouvé chez ces derniers. Il provenait de la razzia des 24 000 véhicules inspectés. Beaucoup d’observateurs sont tombés dans le piège, qui était bien tendu. Pour ma part, je dois encore aller récupérer mes boules de pétanque à la gendarmerie de Lezay. Je n’avais aucune intention d’en faire usage sur qui que ce soit. Un camarade grimpeur élagueur a été récemment traduit devant une juridiction parce qu’il s’était rendu à la manifestation avec son camion contenant du matériel professionnel.

M. Florent Boudié, rapporteur. Si je vous suis bien, la collecte de tous ces objets susceptibles d’être qualifiés d’armes par destination participerait d’une stratégie volontaire des forces de l’ordre visant à abîmer l’image de la manifestation du 25 mars.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. D’où ces 24 000 contrôles d’identité et fouilles de véhicules. Il s’agit d’un élément factuel. Je vous laisse imaginer les stratégies qu’il y a derrière.

Mme Lucile Richard, collectif Bassines non merci !. Le vendredi, je me trouvais dans le petit village de Vanzay où débutait le premier rassemblement autorisé. J’étais au bord de la route pour orienter les manifestants. La seule personne plus ou moins énervée que j’ai aperçue ce jour-là est un automobiliste qui a accéléré brutalement pour montrer son hostilité. Chez les manifestants, il y avait plutôt du calme et de la bienveillance.

M. Florent Boudié, rapporteur. Les objets collectés proviendraient donc d’une razzia organisée parmi 24 000 personnes dont je n’ai pas bien compris si elles vivaient autour de Sainte-Soline. En revanche, les personnes excitées que vous avez rencontrées étaient des riverains insatisfaits de la tenue de la manifestation. Cette audition est publique : vos propos figureront au compte rendu et chacun pourra apprécier vos arguments.

J’en viens au récit des événements publié sur votre site internet. On y lit « En établissant un fortin autour et dans le chantier de la bassine, l’état-major de la gendarmerie s’est assuré une position défensive forte. […] Malgré tout, nous avons pensé que si nous parvenions jusqu’à la bassine, le nombre nous permettrait de l’encercler et que le pourtour serait émaillé d’approches d’ordres divers, ce qui aurait permis éventuellement d’arracher de nouveau les grilles et de stopper au moins temporairement les travaux pendant quelque temps. » Votre description paraît correspondre au constat que nous avons dressé sur place. Compte tenu de la grande étendue et de la forte visibilité du site, qui s’expliquent par la topographie, et compte tenu aussi des témoignages que nous avons recueillis et des documents, notamment photographiques, que nous avons consultés, lesquels montrent les forces de l’ordre dans une position défensive autour de l’infrastructure, il nous apparaît qu’il ne pouvait pas y avoir d’affrontement sur le site, de contact physique avec les forces de l’ordre, si ce contact n’était pas souhaité. La description que vous faites montre, semble-t-il, l’existence de cette volonté de contact.

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Je reviens sur le point précédent. En vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont la France est signataire, le simple fait que des participants se rendent à une manifestation avec un équipement de protection, comme des masques à gaz ou des casques, ne permet pas d’établir une présomption à leur encontre.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je n’ai à aucun moment parlé de casques ni d’éléments vestimentaires. Je parle d’objets qui peuvent constituer des armes par destination. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Je n’ai pas de réponse à apporter concernant les saisies qui ont eu lieu.

Nous avons constaté la présence de 3 000 gendarmes autour de la bassine et d’une lignée de camions. Notre rapport et nos observations de terrain montrent que le premier contact entre manifestants et gendarmerie s’est déroulé à 1,4 kilomètre de la bassine. Il a lieu à douze heures trente-cinq, au sud d’Asnières. Les cortèges viennent de se séparer. Le cortège bleu avance à travers champs et arrive au sud d’Asnières. À douze heures trente, on voit au loin le peloton motorisé d’interception et d’interpellation se rapprocher. Les gendarmes descendent de leur quad dans les champs et, de manière quasi concomitante, deux tirs de chandelle romaine surviennent, qui sont le fait de deux manifestants. Les gendarmes répondent par un usage massif de gaz lacrymogène, qui touche tout le monde de manière indiscriminée. Les gendarmes repartent en quad et vont directement au contact des cortèges rose et jaune, qui sont à une grande distance. Ils tirent depuis leurs quads sur des personnes très éloignées qui, là encore, ne présentent pas de danger. Ils emploient à nouveau des gaz lacrymogènes de manière indiscriminée.

Les rapports de l’inspection générale de la gendarmerie nationale et de la préfecture des Deux-Sèvres ne rapportent pas les faits de la même manière. La préfète affirme, à tort, que l’usage de la force a été décidé au vu des premières attaques contre la gendarmerie, qui aurait subi des jets de coquetel Molotov et des tirs tendus de mortier d’artifice. À douze heures trente-cinq, j’étais sur place au sud d’Asnières, à 1,4 kilomètre de la bassine : on ne voyait pas de coquetel Molotov. On lit aussi qu’il y a eu des sommations alors qu’on n’en a entendu aucune. Les deux rapports ne font pas mention des faits commis contre les cortèges jaune et rose. Dans l’émission « Complément d’enquête », on voit pourtant les gendarmes du peloton motorisé d’interception et d’interpellation, méconnaissant un ordre du commandant, tirer sur un cortège pacifique.

M. Florent Boudié, rapporteur. Pouvez-vous répondre à la question sur la bande des 100 mètres ? Vous nous avez parlé d’une zone plus éloignée. Nous demanderons d’ailleurs des précisions sur les faits dont vous faites état.

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Vous voulez savoir ce que nous avons observé dans la zone des 100 mètres entourant la bassine ?

M. Florent Boudié, rapporteur. Compte tenu des distances à parcourir, il fallait avoir la volonté d’atteindre les forces de l’ordre, qui étaient défensives et statiques, dans la bande des 100 mètres, là où les affrontements ont été les plus violents.

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. On voyait des groupes de manifestants s’avancer et essayer de progresser vers la bassine. À ce moment-là, toute la bande des 100 mètres était noyée sous les gaz. En l’espace de deux heures, 5 000 grenades lacrymogènes ont été tirées, ce qui représente près d’une grenade toutes les deux secondes. On ne nous a d’ailleurs pas précisé combien de grenades GM2L ont été employées. Des détonations se sont produites, qui émanaient vraisemblablement des GM2L, de manière très rapprochée. L’usage de la force s’est appliqué de manière indiscriminée à toutes les personnes présentes autour de la bassine, qu’elles soient à proximité directe – l’emploi de ces moyens était sans doute nécessaire à leur égard – ou au-delà de la bassine. Des dispositifs de propulsion à retard ont été utilisés pour lancer les grenades lacrymogènes à cinquante, cent ou deux cents mètres. Aucune distinction n’a été faite entre des personnes violentes, des manifestants pacifiques, des blessés, des journalistes, des observateurs… L’usage de la force n’a été ni nécessaire, ni proportionné.

M. le président Patrick Hetzel. Vous indiquez sur votre site internet que l’objectif est d’arracher les grilles et de stopper les travaux. Vous aviez donc la volonté que le chantier ne puisse pas se poursuivre ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Les travaux ont démarré il y a deux ans à Mauzé-sur-le-Mignon. Ils sont toujours sous le coup d’une décision que doit rendre la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui jugera peut-être ces ouvrages illégaux. L’État refuse d’attendre que le droit soit dit et il pousse les porteurs de projets à accélérer la démarche. Nous demandons un moratoire au vu de cette réalité juridique. C’est pourquoi nous sommes entrés en désobéissance civile. Nous avons le sentiment qu’en dépit de tout ce que nous avons fait pour être entendus dans le cadre démocratique, nous faisons face à un État et à un gouvernement qui ne tient pas ses engagements internationaux, qui ne respecte pas la directive-cadre européenne sur l’eau. Nous avons signalé à la commission des pétitions du Parlement européen la violation de neuf directives européennes. Pour sa part, le Conseil d’État a reconnu l’inaction climatique du Gouvernement.

Des violences ont été commises contre des êtres vivants, ce qui n’a rien à voir avec des atteintes aux biens. Notre mouvement, avec une partie des collectifs qui nous accompagnent, revendique un moyen d’action que d’aucuns qualifieront de sabotage. Nous préférons parler de désarmement. Nous considérons que ces bassines, à l’image de celle que nous avons décrochée à Cram-Chaban, sont des ouvrages illégaux. S’ils ne le sont pas encore, ils sont destinés à le devenir. Ils vont à rebours de l’histoire. Ce sont des constructions écocidaires. Face à l’inaction du Gouvernement ou à la complicité de certaines collectivités locales, nous avons décidé de nous y opposer, y compris à notre corps défendant.

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous partez donc du postulat que ces ouvrages sont illégaux et c’est ce qui justifie votre action ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. La plupart des ouvrages visés étaient illégaux. Un faisceau d’indices concordants montre que nous obtiendrons gain de cause en justice. En première instance, le tribunal administratif de Poitiers a dit qu’il fallait modifier les arrêtés dans ses trois premières décisions. Nous dénonçons le fait que les conditions de remplissage ne sont pas compatibles avec la directive sur l’eau. On autorise l’alimentation des bassines alors même que la rivière Mignon, en contrebas, est à sec en plein hiver. Les collectivités, les institutions ne font pas leur travail.

M. Florent Boudié, rapporteur. Madame Pastier a affirmé qu’il n’y a pas de distinction à faire entre des individus venus casser et des personnes qui se sont déplacées pour défendre une cause. Avez-vous toutefois observé des actes de violence déterminés de la part d’un certain nombre d’individus présents dans le rassemblement ?

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Nous étions dix-huit observateurs et nous couvrions une large zone. Nous avons vu des gens jeter des projectiles, dont certains étaient incendiaires. Nous avons tous vu les camions en feu. Toutefois, le fait qu’un groupe de personnes soit violent à l’encontre des forces de l’ordre ne justifie en aucun cas l’usage disproportionné et indiscriminé de la force contre l’ensemble de la zone. Des grenades ont été lancées à plus de 200 mètres, où il n’y avait strictement aucun danger pour les forces de l’ordre ni même pour la bassine.

M. Florent Boudié, rapporteur. Quel était le profil des individus violents que vous avez vus ?

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. J’ai vu des individus jeter des projectiles mais je ne peux pas vous en dire plus.

M. Florent Boudié, rapporteur. Ce point figure-t-il dans le rapport que vous avez rédigé ?

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Oui, nous avons tout mentionné. Nous évoquons les jets de projectiles et de coquetels Molotov, les camions en feu. Nous n’omettons aucun fait. Nous nous inscrivons dans le temps long. L’élaboration de ce document a demandé trois mois. Chaque équipe d’observateurs a noté, minute par minute, le déroulement des faits. Puis nous avons croisé les informations. Nous avons exploité les photographies et les vidéos. Pour corroborer des faits, nous avons aussi utilisé des sources extérieures, même si nous travaillons principalement à partir de notre matériel.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Nous avons été témoins des violences, qui ont eu lieu de part et d’autre. Certaines des personnes que vous avez auditionnées ont mis en cause la réalité des blessures infligées à nos camarades. J’espère que Jérémie Fougerat aura l’occasion de dissiper tout doute à ce sujet. Si des personnes ont été blessées des deux côtés, le bilan est très déséquilibré, à l’image de la violence et des armes employées. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Christian Rodriguez, ose prétendre que, s’il y a eu autant de répondant, c’était parce qu’il sentait que nous étions plus équipés que les gendarmes. C’est un mensonge éhonté. Il n’y avait pas photo entre l’attirail des forces de l’ordre et celui des manifestants.

Il faut se demander comment on en est arrivés là et comment éviter que cela se reproduise. Cette opération de maintien de l’ordre doit demeurer dans les mémoires comme un échec collectif, y compris donc des forces de l’ordre. La nouvelle doctrine du maintien de l’ordre ne peut consister à tout faire reposer sur le maintien dans les grandes profondeurs, pour reprendre les termes des états-majors, à savoir le bombardement à 200 mètres de tout manifestant en partant du principe que, puisque la réunion est interdite, on peut tout se permettre, même s’il s’agit d’un enfant. C’est ce qui a provoqué la boucherie de Sainte-Soline. C’est aussi honteux pour la gendarmerie que la mort de Rémi Fraisse ou de Vital Michalon.

J’ai participé à nombre de manifestations au cours desquelles nous étions au contact des forces de l’ordre. On pouvait discuter avec elles. Le rapport de force avait lieu avec les gradés. À titre personnel, je fais l’objet d’un contrôle judiciaire. Il m’est interdit de me rendre sur les lieux d’une manifestation. Or, je suis identifié par les forces de l’ordre comme un interlocuteur au sein du collectif. Nous avons l’habitude de placer un tracteur en tête de notre marche, lors des manifestations, pour dire haut et fort qu’il s’agit d’une lutte des paysans et des habitants contre l’agro-industrie. En nous interdisant également de venir avec tout notre matériel d’organisation, on nous prive de moyens d’agir. Ces arrêtés arbitraires et liberticides empêchent le rapport de force.

Si le premier contact noué par les forces de l’ordre consiste à envoyer le peloton de quads, cela augure mal de la discussion. Cela explique que les choses aient pris cette tournure. Parmi les manifestants, il y avait certainement des gens qui n’avaient pas prévu de s’opposer aux forces de l’ordre mais qui, dans un réflexe de survie, y ont été contraints, comme ces élus arborant leur écharpe qui se sont interposés pour que des blessés dans un état grave ne soient plus la cible de tirs de lanceur de balles de défense. Vous connaissez la polémique au sujet de ces tirs effectués par des gendarmes depuis leurs quads. J’espère que vous aurez l’occasion d’interroger le ministre Gérald Darmanin au sujet des mensonges qu’il a proférés dans les médias sur des éléments factuels tels que les tirs de lanceur de balles de défense ou les blessures dans nos rangs.

M. Ludovic Mendes (RE). Malgré l’interdiction préfectorale de manifester et le rejet par la justice administrative du recours intenté contre cette décision, vous avez maintenu l’appel à manifester et l’organisation de cet événement. Rappelons que l’on a trouvé sur les lieux soixante-deux couteaux, soixante-sept boules de pétanque, sept feux d’artifice, six bidons d’essence, douze parpaings, treize haches et machettes, cinq matraques ou battes de base-ball, vingt aérosols et bonbonnes de gaz, soixante-neuf équipements de protection, quatre-vingt-quinze outils divers constituant des armes par destinations et six tonnes de pierres mises de côté.

D’après Ouest-France, « le cortège Loutre jaune, rassemblant les éléments les plus radicalisés, est allé directement à la rencontre des forces de l’ordre ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Pourquoi avoir établi trois cortèges, l’un allant directement au contact des forces de l’ordre, les deux autres semblant les contourner pour entrer dans un secteur interdit d’accès ?

Des convois massifs sont venus de plusieurs villes. Comment les transports en minibus ont-ils été financés ?

On lit sur vos boucles Telegram, que vous partagez sur internet, qu’il faut se protéger de la police, ne pas lui répondre, ne pas donner son identité, couper son téléphone. Autrement dit, il faut tout faire pour que les relations avec les forces de l’ordre soient de mauvaise qualité. Pourquoi cherchez-vous absolument la confrontation ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Je ne pourrai pas répondre à une série de questions directement liées à l’organisation logistique de la manifestation. C’est ce qui me vaut une comparution devant le tribunal de Niort. Il ne me paraît pas scandaleux que l’on ait trouvé 13 haches à l’issue de 24 000 contrôles sur un territoire où l’on fait du bois. Si vous voulez savoir à quoi servaient les boules de pétanque, venez à Melle discuter avec les gens qui se sont fait confisquer leur matériel. Par ailleurs, il n’y a qu’à se baisser, chez nous, pour trouver des cailloux, puisqu’il n’y a plus de matière organique au sol. Il n’y a aucun intérêt stratégique à brasser six tonnes de pierres. Quant au transport en minibus, il est le fruit de l’autogestion.

M. Ludovic Mendes (RE). Vous ne m’avez pas répondu sur la présence des trois cortèges. Un seul aurait suffi puisque, de toute façon, la manifestation était interdite. Pourquoi avoir maintenu la manifestation sous cette forme ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Ce sont exactement les faits pour lesquels je comparais.

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Le premier contact avec les cortèges rose et jaune intervient loin de la bassine. Les forces de l’ordre tirent une grande quantité de gaz lacrymogène sur ces personnes alors qu’elles sont éloignées et ne présentent aucun danger.

M. Mounir Belhamiti (RE). En amont de la manifestation, y a-t-il eu des contacts resserrés avec les organisations politiques qui vous soutiennent ? Le cas échéant, de quelle nature étaient-ils ? Ces échanges éventuels ont-ils porté sur la présentation des risques ou les modalités d’organisation et de coordination de cet événement ? Entretenez-vous des liens logistiques et financiers avec ces partis, au-delà des rapports humains dont vous faites état dans votre rapport ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Chaque fois que nous décidons une manifestation, nous envoyons un appel à manifestation aux organisations qui nous ont soutenus au moins une fois. Elles décident de s’y associer ou non. Je remercie les élus qui se rendent à ces manifestations. Nous avons le sentiment qu’ils y sont à leur place.

M. Mounir Belhamiti (RE). Et sur les liens financiers ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Ceux qui veulent se rendre à la manifestation se débrouillent. C’est l’autogestion.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Les auditions successives ont montré que les mobilisations étaient reliées par un fil rouge, à savoir les impasses démocratiques auxquelles nous sommes confrontés et qui sont imputables à ceux qui dirigent le pays. On voit que des procédures judiciaires sont en cours alors que l’illégalité des bassines est attestée dans de nombreux cas. On constate également que les mobilisations contre la réforme des retraites ont connu une bascule le soir du recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Nous avons observé, à Sainte-Soline, les effets du « quoi qu’il en coûte humain » du maintien de l’ordre. Pouvez-vous en dire plus sur les blessures infligées ? Que préconisez-vous pour sortir de la crise ? Quelle issue voyez-vous pour la lutte contre les bassines ?

M. Jérémie Fougerat, collectif Bassines non merci !. À titre personnel, j’ai été choqué par les événements qui se sont produits. À Melle, où je me trouvais, j’ai reçu de nombreux appels de personnes en grande difficulté, en particulier lorsqu’on a compris que le Samu peinait à intervenir.

J’aurais aimé avoir un état des lieux des blessures parmi les forces de l’ordre, que l’on regrette. Il a été fait état de quarante blessés dans leurs rangs. Certaines blessures ont été déclarées le lendemain. On a eu connaissance d’acouphènes. Mais de nombreuses blessures devaient être liées à la puissance des armes utilisées. À cela s’ajoute la souffrance psychique. Ils n’ont certainement pas choisi ce métier pour faire ce qu’on leur a demandé ce jour-là.

Du côté des manifestants, nous avons dénombré 200 blessés. Un premier recensement, sur place, en avait relevé 155, comme le montre ce tableau à votre disposition, qui n’est pas complet puisque notre objectif n’était pas, alors, de tenir un décompte. Parmi les 200 blessés, une quarantaine était dans un état très grave et trois en urgence absolue. J’ai été surpris qu’il n’y ait pas eu deux décès. Cela s’explique certainement par l’auto-organisation des soignants bénévoles, qui a compensé le retard de l’intervention des secours. J’ai été agréablement surpris par l’évolution de l’état de santé de Serge D., du moins dans un premier temps car les dernières nouvelles sont inquiétantes. En effet, il n’a pas supporté la greffe faite pour remplacer le morceau d’os qu’on avait dû lui ôter. À la suite d’une surinfection, il a dû être opéré pour se faire retirer le greffon. Il est dans la même situation qu’Hedi, le jeune homme marseillais dont la photo a été rendue publique. Dans le dernier communiqué, il est précisé que Serge D. n’a passé que trois semaines en dehors de l’hôpital depuis la manifestation.

On peut penser que, plus on était proche du fortin, dans la bande des 100 mètres, plus on courait un danger élevé. En réalité, les personnes se trouvant jusqu’à 200 mètres étaient également en grave péril. D’une part, elles ont reçu une pluie de grenades et, d’autre part, on peut nourrir des doutes quant à la conformité de certains tirs, l’angle utilisé étant en question. Les explosions produites par les grenades entraînent des ondes de choc qui traversent le corps et créent des lésions internes. À cet égard, je m’interroge sur l’origine des lésions pulmonaires subies par plusieurs membres des forces de l’ordre. L’explosion provoque d’abord un effet de souffle, qui peut produire des arrachements. J’ai vu arriver, à Melle, beaucoup de blessés présentant des trous de plusieurs centimètres de diamètre et de profondeur. L’explosion crée également une onde de choc qui peut expliquer un certain nombre de lésions. Il y a un angle mort en ce domaine.

Lors de la manifestation du 1er mai à Paris, un membre des forces de l’ordre a été blessé très gravement par une grenade, assourdissante me semble-t-il, lancée de manière non conforme par l’un de ses collègues. Il a reçu la grenade dans le cou, ce qui aurait entraîné une triple fracture cervicale et, j’imagine, un pronostic fonctionnel très pessimiste.

Je suis présent aujourd’hui pour témoigner de la dangerosité de ces armes et de la nécessité de les interdire, qu’il s’agisse d’armes explosives, de lanceurs de balles de défense ou de projectiles en sachet (bean bag).

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Je voudrais également faire part de nos constats, en tant qu’observateurs, concernant les blessés. J’ai participé à beaucoup de manifestations. Celle-ci m’a beaucoup choqué. J’ai vu une personne l’œil totalement éclaté, des chairs ouvertes…

Je voudrais revenir sur un moment précis de la manifestation, entre treize heures quarante et une et quatorze heures trois : celui du gazage des blessés. Je vous renvoie à notre rapport si vous souhaitez connaître le déroulement précis des faits. À ce moment-là, une chaîne d’élus et de manifestants calmes s’est formée pour protéger les blessés qui attendaient les secours sur une route, un peu à l’écart de la bassine. On comptait parmi eux deux blessés graves. Deux équipes d’observation, présentes sur les lieux, ont vu le peloton motorisé d’interception et d’interpellation tirer des grenades de manière indiscriminée sur toute la zone, en visant les blessés ainsi que les élus et les manifestants qui les protégeaient. Une équipe d’observation, placée un peu en retrait et parfaitement identifiable, ainsi qu’une journaliste située à côté d’eux, ont également été visées par les tirs. Je rappelle que le fait de tirer sur une personne blessée constitue, pour la Cour européenne des droits de l’homme, un traitement inhumain et dégradant.

La préfète n’a pas répondu ; elle semblait confondre plusieurs événements. Elle a fait mention d’une agression des gendarmes par les manifestants, de l’emploi d’engins incendiaires. Les équipes présentes sur place à ce moment-là n’ont pourtant constaté l’utilisation d’aucun engin incendiaire. Le rapport de la préfecture des Deux-Sèvres du 27 mars ne fait pas mention de ces événements. Le rapport de la gendarmerie, publié le même jour, ne fait pas même apparaître la chronologie de l’intervention du peloton motorisé d’interception et d’interpellation entre treize heures quarante et une et quatorze heures trois. Pourtant, toutes ses autres interventions, bien plus brèves, sont notées.

J’en viens à l’entrave aux secours, qui se produit durant la phase dite de trêve, entre quatorze heures huit et quinze heures huit, qui est documentée dans notre rapport. La version officielle est fausse et incohérente. Le rapport de la gendarmerie indique que la trêve commence à quatorze heures vingt ; le rapport de la préfecture, à quatorze heures trente. Cette rectification est essentielle. Elle nous permet d’affirmer, sans doute possible, que la zone était calme durant une heure. Les phases précédentes, notamment l’usage à grande intensité de grenades explosives peu avant la trêve, ont occasionné de très nombreuses blessures, sur au moins 200 personnes. Certaines ont été mutilées et trois étaient en urgence absolue. Parmi elles, Serge D., blessé à treize heures quarante-cinq, était en en situation de détresse vitale. Il a fait l’objet de l’entrave aux secours que nous avons constatée. Dès quatorze heures onze, le Samu, contacté, a indiqué ne pas pouvoir intervenir. Cette situation a demeuré, au fil des appels, durant toute l’heure. Nous avons vérifié directement, sur le terrain et à Melle : le Samu puis les pompiers ont déclaré ne pas pouvoir accéder aux blessés. Il ressort de ces échanges que l’équipe de commandement n’avait pas donné l’autorisation d’intervenir.

Au vu de la gravité de l’état de Serge D. et des premières réactions face à l’entrave aux secours, les autorités ont cherché avec constance à tromper le public, tant le ministre de l’intérieur, la préfète des Deux-Sèvres, le commandement de la gendarmerie que la direction du Samu de Niort. Les autorités ont d’abord invoqué des heurts dans la zone où se trouvait le blessé. Or, pendant la période de trêve, elle était entièrement calme. Elle se trouvait à 200 mètres au nord-ouest du dispositif de gendarmerie entourant la bassine et à 400 mètres de l’ensemble des manifestants rassemblés pour une sorte de pique-nique. Nous, qui étions observateurs présents sur le terrain, n’avons, à ce moment-là, constaté aucun obstacle à l’intervention des secours de la part des manifestants, en très petit nombre au côté du blessé.

Les autorités ont ensuite affirmé que des médecins militaires avaient été dépêchés auprès de Serge D. Le rapport de gendarmerie fait état d’une prise en charge à quatorze heures trente-sept. Nous, qui étions sur place, avons constaté leur arrivée à quatorze heures cinquante-sept. Ils ont pu accéder sans heurt aux blessés mais, n’ayant pas le matériel adapté, ils ont attendu, avec les soignants bénévoles qui entouraient Serge D., l’arrivée du Samu à quinze heures cinq. Les autorités ont mis en avant un risque d’hostilité à l’égard des secours. À l’inverse, nous avons constaté, par exemple lors de la précédente manifestation à Sainte-Soline, que les personnes convoquées, puis condamnées ont, pour la plupart, été interpellées après avoir été contrôlées en tant que personnes blessées.

Enfin, les autorités ont avancé une localisation incertaine et imprécise des blessés alors qu’un hélicoptère survolait en permanence la manifestation. Elles auraient dû prévoir des solutions adaptées pour assurer aux blessés un accès effectif aux soins, ce qui était possible, y compris après la fin de la trêve et de la levée des barrages de gendarmerie.

Ces arguments, tout comme ceux concernant la zone d’exclusion qui n’a aucune valeur juridique, ne doivent pas faire oublier que les autorités publiques ont choisi de ne pas secourir des personnes blessées en détresse vitale. Cela entre en contradiction avec les obligations positives qui leur incombaient et cela engage, à notre sens, leur responsabilité. Ne pouvant ignorer qu’un déploiement de forces aussi démesuré et l’utilisation de matériels de guerre occasionneraient immanquablement des blessés, les autorités ont entravé les secours au mépris de la vie humaine, en ce qui concerne Serge D.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Il existe un trou béant dans le retour d’expérience de la gendarmerie en ce qui concerne le nombre des munitions utilisées. On y mentionne l’emploi de près de 5 000 grenades lacrymogènes sans jamais détailler entre les deux modèles utilisés. Les grenades du premier type ont pour effet de piquer les yeux, ce qui n’est jamais agréable. Mais les GM2L occasionnent des blessures importantes. Si une grenade de type GM2L était jetée dans cette assemblée, on pourrait évidemment parler de terrorisme. Quand vous êtes un citoyen qui la reçoit, vous êtes terrorisé. Et comme cela vient de l’État, cela a des effets profonds chez chacun de nous. Je ne voudrais pas qu’on oublie que ce sont des êtres humains qui ont été touchés. Ayez conscience que, derrière le tableau que vous allez recevoir, des images nous hantent encore !

Comme je vous l’ai dit, je ne me suis pas rendu sur le théâtre des opérations. Je suis resté en dehors de la commune de Sainte-Soline. Quand j’ai vu ce qui se passait et les images télévisées des premiers camarades tombés au sol et mis plus loin en sécurité, du moins le pensait-on alors, j’ai su que ma place n’était plus celle d’un observateur lointain mais qu’elle se trouvait dans la chapelle ardente sur le campement de Vanzay. Si vous aviez vu ce que j’ai vu, vous ne me poseriez pas les mêmes questions. Vous chercheriez à savoir comment faire en sorte que cela n’arrive plus jamais. Cette doctrine du maintien de l’ordre doit être condamnée à jamais. Vous voudriez que les GM2L, considérées des armes semi-létales par les instances internationales, soient retirées de l’arsenal et que l’on revienne à des formes de maintien de l’ordre qui font la part belle à la discussion. Cela a longtemps été le cas.

Une personne qui a fait toute sa carrière dans la gendarmerie m’a dit qu’elle n’avait jamais frappé un seul manifestant. C’était dans les années 1980, à l’époque où l’on discutait avec les gens qui manifestaient. Comme ils étaient à peu près entendus, il y avait rarement des dérives. Aujourd’hui, quels que soient nos arguments, la violence policière est la seule réponse. Notre préoccupation à tous devrait être de faire en sorte que les propositions de votre commission permettent de garantir le droit de manifester, plutôt que d’essayer de le juguler. La démocratie et le respect du droit sont la seule issue.

M. Julien Odoul (RN). À vous entendre, j’ai l’impression que soit vous habitez sur une autre planète lointaine et fumeuse, soit vous nous prenez pour des imbéciles. Selon vous, les pierres aiguisées sont là pour allumer des feux, les haches pour couper du bois et les boules de pétanque pour organiser des tournois sympathiques. Quant aux gendarmes, si je comprends bien les propos de M. Fougerat, ils se seraient blessés eux-mêmes ou ne souffriraient que de blessures psychologiques. Ce n’est pas la réalité.

Sur la forme, votre rapport n’est pas écrit en français. Il est truffé d’écriture inclusive. C’est n’importe quoi.

Sur le fond, chaque page est un pamphlet contre les forces de l’ordre. Les grades des gendarmes et leur dispositif sont bien étudiés et photographiés. En revanche, il n’y a rien sur les éléments violents parmi les manifestants. Pourquoi ne les avez-vous pas photographiés et identifiés ? J’ai bien compris qu’ils sont vos frères en habillement car vous êtes tous masqués et casqués pour vous protéger de l’État terroriste et des dangereuses forces de l’ordre qui vous attaquent. Votre pamphlet occulte complètement les responsabilités des éléments violents, qu’ils appartiennent à votre collectif ou à d’autres structures et officines d’extrême gauche.

Vous avez beaucoup insisté sur l’humanité et sur les violences contre les êtres vivants. Ma question sera très simple. Elle vous semblera peut-être dérisoire, mais elle a du sens. Selon vous, les policiers et les gendarmes sont-ils des êtres vivants qui ont, eux aussi, le droit d’être traités humainement et d’être respectés ?

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Au-delà des remarques sur la forme de notre rapport, je vous réponds sur le fond. Le rôle des observatoires, en application du droit international, est d’examiner la manière de pratiquer le maintien de l’ordre et de s’assurer que l’État respecte les libertés publiques comme le droit de réunion pacifique. Ce dernier n’est pas absolu et des limitations peuvent être justifiées. Pour vérifier que ce droit a bien été respecté, nous prenons en compte le contexte, y compris le comportement des manifestants. Nous nous intéressons donc à l’usage de la force du point de vue légal afin de vérifier qu’il est strictement nécessaire et proportionné. Le contexte apparaît dans notre rapport puisque nous n’avons pas omis de mentionner le comportement des manifestants, les jets de projectiles et de coquetels Molotov. Mais on ne peut mettre sur un pied d’égalité la violence exercée par l’État, d’une part, et ce qui peut être qualifié de violences commises par les manifestants, d’autre part.

Comme nous l’avons déjà dit, nous avons observé que les forces de l’ordre avaient pris l’initiative de l’usage de la force à douze heures trente-cinq. Il y a sans doute eu des moments où l’usage de la force était justifié, mais globalement cet usage était disproportionné et indiscriminé. C’est notamment le cas s’agissant des blessés et des personnes les plus éloignées. Nous prenons évidemment en compte le comportement des manifestants pour apprécier la stricte nécessité et proportionnalité de l’usage de la force. Cela implique de mettre en balance, ce qui est une chose complexe. Dans les cas où l’on tire sur des personnes blessées ou strictement pacifiques, l’usage de la force n’est ni nécessaire ni proportionné.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Veuillez excuser l’émoi de certains parlementaires qui, n’étant habitués ni à l’organisation et à la réalité des manifestations ni aux personnes qui y participent, ont l’impression d’avoir le diable devant eux. J’ai moi-même un long passé de syndicaliste et je tremble de peur en vous voyant. J’espère que vous excuserez cette émotion. (Sourires.)

Vous avez présenté une liste des blessés. J’aimerais qu’elle soit officiellement transmise à la commission afin d’être enregistrée comme pièce. Je ne sais pas si elle comprend la caractérisation des blessures, mais ce serait intéressant. J’avais demandé une catégorisation des blessés au directeur général de la police nationale lors de son audition. J’espère qu’il aura trouvé le temps cet été de nous l’envoyer, entre deux objections sur la séparation des pouvoirs.

Vous avez fait état du tir de 5 000 grenades. S’agit-il d’un décompte du ministère de l’intérieur, des observateurs de la Ligue des droits de l’homme ou de la presse ? Quelle a été la durée cumulée exacte des affrontements et des tirs ? Les observateurs de la Ligue, qui couvraient un large territoire, ont-ils constaté des manœuvres destinées à ravitailler en grenades et matériel le cordon placé sur le bassin ?

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. S’agissant de l’usage des armes, il convient d’apporter une précision préalable. Gérald Darmanin a expliqué qu’il ne s’agissait pas de matériels de guerre au sens du code de la sécurité intérieure. Or, nombre des matériels utilisés sont de la catégorie A2, qui comprend les armes relevant des matériels de guerre.

Le décompte des matériels utilisés provient directement du rapport publié par la gendarmerie nationale. Il indique que celle-ci a utilisé 5 015 grenades lacrymogènes, 89 grenades de désencerclement à éclats non létaux et 40 dispositifs déflagrants assourdissants. Il y a eu 81 tirs de lanceurs de balles de défense. Vous trouverez dans notre rapport des précisions techniques sur les armes utilisées et les effets qu’elles peuvent avoir.

Nous avons constaté l’emploi des armes entre douze heures trente-cinq et quatorze heures huit, soit en tout une heure et trente-trois minutes. Après une trêve d’une heure, les affrontements ont repris brièvement de quinze heures huit à quinze heures trente, soit pendant vingt-deux minutes. En l’espace d’une heure et cinquante-cinq minutes très précisément, nous avons constaté l’utilisation d’armes de guerre plusieurs milliers de fois. Autrement dit, 5 000 grenades ont été utilisées contre les manifestants en moins de deux heures. Les autorités ont refusé de donner des chiffres précis seulement en ce qui concerne les GM2L. Il serait pertinent de les interroger pour savoir combien de ces grenades ont été lancées.

En moyenne, une grenade lacrymogène a été envoyée chaque seconde et demi. C’est vingt fois plus que le soir de la mort de Rémi Fraisse. Cela en dit long sur le caractère manifestement indiscriminé, disproportionné et immodéré de l’usage de la violence.

S’agissant de votre question sur le ravitaillement, notre rapport relève en effet qu’aux alentours de treize heures, des gendarmes couraient derrière les lignes de camions avec des grosses caisses pour ravitailler en grenades.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Je souhaitais savoir si un ravitaillement avait été organisé par la gendarmerie grâce à des véhicules qui ne faisaient pas partie du dispositif sur place.

M. Jérôme Graefe, Ligue des droits de l’homme. Nous avons seulement vu des mouvements, avec des gendarmes qui étaient derrière les lignes de camions et qui portaient les caisses de grenades. Dans le reportage de « Complément d’enquête », le journaliste a filmé des gendarmes qui ne savaient plus combien de grenades ils avaient lancées et qui disaient qu’ils feraient les comptes le soir. Quoi qu’il en soit, 5 000 grenades en moins de deux heures, c’est un nombre très élevé.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je précise que les forces de l’ordre n’ont pas nié avoir eu des stratégies de ravitaillement à Sainte-Soline. Les élus locaux que nous avons consultés, ainsi que les forces de l’ordre, ont aussi parlé de ravitaillement pour les individus violents. En avez-vous constaté ? Si l’on aborde cette question, autant le faire de façon complète !

M. le président Patrick Hetzel. Pour être plus précis, l’organisation de chaînes pour alimenter en projectiles a été évoquée.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Je vous invite à revoir l’audition de Thierry Vincent devant votre commission, qui décrit parfaitement et de manière fidèle ce qui se passe actuellement lors des manifestations. Au départ, les gens ne savent pas comment ils vont agir. On ne peut d’ailleurs pas savoir comment l’on va réagir face à l’émotion et à la violence. J’ai fait état précédemment de la blessure d’un proche. Quand on voit son enfant ou sa mère touché dans sa chair par des armes, cela peut entraîner des réactions.

J’ai cru comprendre que la dernière personne auditionnée par votre commission sera le ministre Voldemort… Pardon, de l’intérieur ! J’espère que lui seront posées autant de questions à charge qu’à nous. Cela permettrait d’expliquer les choix faits pour l’opération de maintien de l’ordre public à Sainte-Soline. Et si votre commission d’enquête ne le fait pas, j’espère qu’une autre permettra d’analyser la manière dont la chaîne de commandement a abouti à la décision d’acheminer des milliers de bombes, 3 000 hommes en armes et tous ces hélicoptères. On a acculé les gendarmes dans un fortin et ils se sont retrouvés dans une position sans aucune échappatoire. Les décisions de la chaîne de commandement ont conduit à cette situation d’extrême violence.

Il est impératif que ce type d’opération de maintien de l’ordre, qui fait honte à la France dans les enceintes internationales, ne se reproduise pas. Nous allons tout mettre en œuvre, y compris en saisissant les juridictions nationales et la Cour européenne des droits de l’homme, pour faire la vérité sur le rôle de la chaîne de commandement à Sainte-Soline. Je vous rappelle que six rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont interpellé le Président de la République en personne car des engagements internationaux n’ont pas été respectés. Cela doit nous conduire à nous interroger. Je compte sur le rapporteur et sur le président pour étendre le domaine de compétence de votre commission, afin que ce que nous avons vu à Sainte-Soline ne se reproduise jamais.

M. le président Patrick Hetzel. Le champ de cette commission a été fixé par l’Assemblée nationale. Il ne dépend pas de nous. Nous désobéirions si nous ne respections pas le cadre qui nous a été assigné.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. On pourrait peut-être qualifier les 3 000 hommes en armes de groupuscule violent. Cela rentrerait dès lors dans le champ de l’enquête.

M. le président Patrick Hetzel. En tout état de cause, comme je l’ai indiqué au début de cette réunion, nous tenons à établir le déroulement des événements de la manière la plus objective possible.

M. Michaël Taverne (RN). Vous parlez systématiquement d’armes de guerre détenues par les policiers. Vous parlez de violences policières. On commence à y être habitué.

Nous avons entendu les dirigeants des syndicats. Quasiment tous, sauf la CGT – faut-il s’en étonner ? –, ont dit que les manifestations à Paris s’étaient correctement déroulées grâce aux forces de l’ordre, qui ont assuré la sécurité des manifestants, ce qui constitue leur première mission. Les dirigeants syndicaux ont également dit que des groupuscules violents étaient identifiés. Comment pouvez-vous affirmer qu’il y a un problème avec le maintien de l’ordre à la française et qu’il y a des violences policières, alors même que les organisations syndicales considèrent que les forces de l’ordre ont accompli correctement leur mission, c’est-à-dire permettre le déroulement des manifestations au sein d’un État de droit ?

Vous avez fait référence à l’État de droit tout à l’heure. Il serait bien d’en respecter les règles et de ne pas participer à une manifestation interdite.

Ensuite, vous dénoncez l’utilisation d’armes de guerre par les forces de l’ordre. Entrons vraiment dans le détail. Les masques à gaz portés par certains manifestants relèvent de la catégorie A2, c’est-à-dire des matériels de guerre. Comment justifiez-vous le fait de venir vous-même manifester avec ce type de matériels ? Que proposez-vous lorsque des gendarmes et des policiers ont affaire à des individus qui lancent des coquetels Molotov, c’est-à-dire des armes de catégorie A identiques à celles utilisées par les Soviétiques contre les blindés allemands ? Ces engins ont été utilisés contre des êtres humains.

Comme vous critiquez le maintien de l’ordre à la française, j’attends vos propositions. Je doute que vous soyez allé voir ce qui se passe dans d’autres démocraties. Les policiers ont tiré sur des émeutiers aux Pays-Bas en 2021. Il n’y a pas eu de mort chez nous et c’est à l’honneur de la France. C’est grâce au professionnalisme des policiers.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. C’est peut-être de la chance.

M. Michaël Taverne (RN). C’est grâce au professionnalisme des policiers. Il faut remettre l’église au centre du village.

J’attends vos propositions. Vous voulez interdire l’emploi des grenades lacrymogènes aux policiers. Que feront-ils lorsqu’ils seront attaqués par des manifestants armés ?

Mme Anne-Morwenn Pastier, collectif Bassines non merci !. Merci de me donner l’occasion de répondre à la question de Mme Marianne Maximi, ce que je n’ai pas eu le temps de faire tout à l’heure.

Comment sortir de cette crise ? La solution la plus simple consiste à créer des espaces de discussion…

M. Michaël Taverne (RN). Vous ne répondez pas à ma question ! Je vous ai interrogés sur les agressions contre les forces de l’ordre !

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Je ne savais pas que le syndicat Alliance participait à nos travaux !

Mme Anne-Morwenn Pastier, collectif Bassines non merci !. Je parle de protocoles préventifs pour éviter ces violences, qui interviennent des deux côtés. Pour cela, il faut un espace de débats. Or, c’est précisément ce qui a manqué s’agissant des bassines. Une telle démarche devrait commencer par des études scientifiques sur l’hydrologie, les milieux, les usages et le climat (HMUC). Cela n’a pas été le cas dans les Deux-Sèvres. Il faudrait aussi la création d’un projet territorial de gestion de l’eau (PTGE). Ce dernier est destiné à mettre l’ensemble des acteurs autour de la table.

Je prône le dialogue et l’échange rationnels pour éviter les affrontements. S’écouter me paraît l’une des bases de la démocratie. Il est dommage que M. Julien Odoul soit parti. Il est possible que nous n’habitions pas sur la même planète car j’aurais aimé lui demander son avis sur les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. La semaine dernière, la revue Science a publié une étude qui conclut que nous avons dépassé la limite planétaire de l’eau bleue, c’est-à-dire l’eau douce facilement accessible pour l’espèce humaine. Dans les décennies à venir, les précipitations vont devenir complètement aléatoires. Des ouragans se forment désormais en Méditerranée en raison du réchauffement climatique. C’est quand même une nouveauté. Nous allons subir dans le futur des périodes de sécheresse qui dureront plusieurs années. Nous avons eu énormément de chance d’échapper à la pénurie d’eau cet été. Il ne faudrait pas croire que c’est parce que le Président de la République a dit à la télévision de fermer le robinet en se brossant les dents. Nous avons évité les coupures parce que le mois d’avril a été très pluvieux, ce qui a permis de recharger les nappes phréatiques au dernier moment, et parce qu’il a beaucoup plu cet été, ce qui a limité les besoins d’irrigation. D’ailleurs, il reste même de l’eau dans la bassine de Mauzé-sur-le-Mignon.

M. Michaël Taverne (RN). Vous ne répondez pas à la question.

Mme Anne-Morwenn Pastier, collectif Bassines non merci !. J’y viens. Nous allons avoir des conflits d’usage de l’eau dans le futur. Les règlera-t-on par un dialogue de sourds au cours duquel on envoie des grenades GM2L, ou bien mettrons-nous tout le monde autour d’une table pour discuter rationnellement ?

Je me souviens qu’au lendemain de la première manifestation à Sainte-Soline, en octobre, le ministre de la transition écologique a brandi une étude du Bureau de recherches géologiques et minières qui montrait, selon lui, que les bassines n’auraient que des retombées positives pour les rivières. Il a estimé qu’il fallait que les écologistes arrêtent de s’inquiéter. Quand avons-nous pu discuter de cette étude ? J’ai effectué une contre-expertise dans laquelle je montre que le modèle retenu n’est pas assez fiable à l’échelle très locale et dans la durée pour pouvoir évaluer l’impact de ces bassines ou pour en mesurer l’éventuel bénéfice. Nous avons évidemment proposé au Bureau de recherches géologiques et minières un débat public. Nous n’avons eu aucune réponse. Nous n’avons pas d’espace public destiné à échanger et à batailler à coup d’arguments, et où nous serions vraiment entendus.

J’ai demandé aux responsables d’associations environnementales s’il serait utile que je produise un véritable contre-rapport. Ils m’ont répondu que le juge n’aurait évidemment ni le temps ni les compétences pour lire deux rapports scientifiques et se faire un avis. Je pose donc la question : dans quel espace de discussion démocratique pourrait-on régler cette crise ? Elle a eu un retentissement parce que la lutte a cristallisé. Mais nous n’en sommes qu’au début des conflits d’usage des ressources communes qui découleront de la crise environnementale d’ensemble.

Je pourrais continuer. Dans la Vienne, département où j’habite, la création de bassines est censée reposer sur des études HMUC. Au sein de la commission locale de l’eau, instance qui devrait piloter l’installation des bassines…

M. le président Patrick Hetzel. Permettez-moi de recentrer le débat.

Mme Anne-Morwenn Pastier, collectif Bassines non merci !. J’allais en venir à la transparence des institutions qui contrôlent la gestion de l’eau.

M. le président Patrick Hetzel. Vous faites partie d’un collectif qui défend une cause. Nous avons indiqué que nos travaux portaient sur l’organisation des manifestations. Il ne nous appartient pas d’ouvrir un débat environnemental, aussi légitime soit-il, car cela ne fait pas partie du champ de la commission d’enquête. Permettez-moi de clore la discussion sur ce point.

Mme Anne-Morwenn Pastier, collectif Bassines non merci !. Mon propos ne concernait pas l’environnement mais la transparence des institutions…

M. Florent Boudié, rapporteur. Personne ne doute qu’il existe un débat sur le fonctionnement de la démocratie en France, comme dans le monde et au sein de l’Union européenne. Et nous ne proposons pas forcément les mêmes solutions pour y répondre. Il ne vous a pas échappé que différentes formations politiques sont représentées au sein de cette commission.

Est-ce que j’aborderai de cette question dans mon rapport ? Je pense que oui, même si cela n’en constituera pas un élément central. J’évoquerai le problème du rapport à la démocratie et à la décision politique car cela fait partie du sujet de la régulation de la conflictualité et de la confrontation démocratique. Notre démocratie a plus de mal à le faire qu’auparavant, y compris dans l’hémicycle. Mes propositions ne seront peut-être pas partagées par tous.

Vous n’avez pas répondu une question très importante. Depuis le début des années 2000, quel que soit le sujet qui donne lieu à des manifestations – législation du travail ou réforme des retraites, par exemple – on voit apparaître un certain nombre d’individus qui s’organisent pour commettre des violences. Lors de nos travaux, le président et moi-même nous sommes attachés à distinguer les manifestants de ceux qui viennent en découdre. Car certains viennent pour cela. Cela a été relevé par les organisations syndicales et par les services de renseignement. Vous direz peut-être que ces derniers sont des services de l’État et que leur approche est biaisée, mais ils font en général bien leur travail. Les représentants de certains syndicats nous ont dit de manière explicite recommander à leurs adhérents de ne pas participer à des manifestations interdites. C’est leur choix. Je ne dis pas qu’il s’agit d’une vérité absolue.

Avez-vous oui ou non constaté, à Sainte-Soline comme ailleurs, que des groupes d’individus organisés en vue de commettre des violences s’infiltraient pour en découdre et pas pour défendre vos causes, que je ne partage pas mais qui sont légitimes ? C’est à cela que nous nous intéressons, ainsi qu’aux effets néfastes de ce phénomène pour la démocratie. Ces violences brouillent les messages des manifestants, en matière sociale comme environnementale. Considérez-vous que c’est un problème ? Pensez-vous qu’il est de votre responsabilité d’en tenir compte ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Je vous remercie de porter une attention particulière au problème de la démocratie. Anne-Morwenn Pastier a commencé à en parler. Je suis inquiet quant à la suite des évènements. Le fait que la justice administrative se prononce après les travaux crée un dysfonctionnement. Ses jugements ne sont pas suspensifs.

M. Florent Boudié, rapporteur. Constatez-vous oui ou non la présence d’individus violents ? Est-ce un problème selon vous ? Comment fait-on pour le régler ? Moins de périphrases !

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Il semblerait que la future loi d’orientation agricole classe les bassines en projets d’intérêt public majeurs. Les procédures administratives en seraient largement allégées. Cela ne va pas contribuer à atténuer les crispations chez nous puisque c’est le contraire de ce que nous demandons.

J’en viens aux tensions dans les manifestations et aux sujets qui les créent. Lorsque la dernière goutte d’eau aura été bue, il ne restera plus que la mort. Un enjeu aussi vital encourage certains d’entre nous à se dépasser et à aller au-delà du cadre militant que nous nous étions imposés. C’est tout à fait dans l’ordre des choses. Cela doit être mis en relation avec le caractère parfaitement insatisfaisant de ce qu’on nous propose face à l’urgence climatique. Nous n’allons donc pas vous aider à dresser une typologie des violences ou à identifier les raisons qui font que des gens, certainement par colère et à cause de l’incompréhension, peuvent sortir de leurs gonds et adopter des comportements qu’ils n’avaient pas jusqu’alors. Il est évident qu’il faut s’interroger sur les racines du mal. Il se soignera à grands coups de démocratie. Il n’y a pas d’alternative, comme aurait dit Margaret Thatcher.

Nous n’oublions pas le bilan de Sainte-Soline des deux côtés. Il y a eu plus de 200 blessés parmi nous. Ce chiffre néglige les troubles auditifs, qui n’ont pas été pris en compte, et les dommages de l’âme, qui sont difficile à mesurer. Monsieur Taverne, j’espère que vous ne considérez pas que quarante gendarmes blessés constituent un résultat satisfaisant en matière de maintien de l’ordre. L’objectif était soi-disant de limiter au maximum le nombre de blessés. Quand il y en a 250, ce n’est pas une bonne opération de maintien de l’ordre.

Nous sommes tout aussi inquiets pour nos camarades, que nous essayons d’accompagner dans les soins, que pour les 3 000 agents qui ont eu à jeter des bombes sur des gens qui auraient pu être leurs frères et sœurs ou leurs grands-parents. Or, ils ne bénéficient pas d’un accompagnement psychologique. Je pense que cela serait nécessaire lorsque l’on a fait montre d’une telle violence. Ils ne sont évidemment pas faits de bois. Je tiens à faire part du témoignage, qui m’inquiète fortement, d’un gendarme mobile de 23 ans – car nous avions en face de nous essentiellement des jeunes militaires. On lui a donné l’ordre de bloquer l’arrivée des véhicules de secours et il a entendu Gérald Darmanin nier cette évidence. Ce gendarme habite un petit village au fin fond des montagnes. Il en a parlé dans son village. Comment vit-il avec la honte de savoir qu’il a servi à ça et que le ministre ment ? Comment est-il accompagné ?

J’espère qu’une commission pour l’unité et la réconciliation sera mise en place après Sainte-Soline, comme au Rwanda. Désormais, je ne salue plus les membres des forces de l’ordre et les gradés avec qui nous avons en réalité travaillé depuis sept ans. Quelque chose a été profondément atteint au sein de la République. J’en appelle à la reconstruction et au dépassement de cet événement. Surtout, je le répète, notre objectif commun doit être que cela ne se reproduise jamais.

M. Ludovic Mendes (RE). Vous voulez absolument mettre en parallèle la mort de Rémi Fraisse avec ce qui s’est passé à Sainte-Soline. Je rappelle que le modèle de grenade responsable de ce décès a été interdit par Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur. Les grenades employées à Sainte-Soline ne sont pas du tout les mêmes.

Depuis tout à l’heure, vous parlez de démocratie. Quand un vote intervient au Parlement, c’est la démocratie qui s’exprime, que vous soyez ou non d’accord avec le résultat. Une consultation citoyenne avait été organisée sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Parce que le résultat ne plaisait pas aux militants, ils avaient contesté cette procédure. La démocratie avait parlé et on avait refusé de la respecter. Qu’entendez-vous par la notion de regard démocratique ? À vous entendre, nous ne sommes pas des démocrates alors que nous avons été élus pour voter la loi.

Monsieur Le Guet, vous avez à plusieurs reprises mentionné le fait qu’un tribunal vous avait interdit de manifester à Sainte-Soline. Vous avez malgré tout tenu à le faire. Vous avez mis potentiellement en danger les manifestants car, lorsque l’on est responsable d’une association qui organise une manifestation, on met en jeu sa responsabilité pénale.

Maître Graefe, pouvez-vous nous indiquer les différences en matière d’intervention des forces de l’ordre selon qu’une manifestation est autorisée ou interdite ? Leur rôle n’est pas le même. Mais vous ne le mentionnez à aucun moment dans votre rapport.

Comment avez-vous fait pour réunir autant de personnes venues des quatre coins de la France et de l’Europe ? Cela nous interroge. L’objet même de cette commission est de savoir comment vous avez pu.

En Allemagne et en Italie, certaines manifestations avaient été marquées par des débordements et il y avait un risque potentiel que cela arrive à Sainte-Soline. Qu’auriez-vous fait exactement si les forces de l’ordre n’avaient pas été présentes lors de cette manifestation ?

M. Jérémie Fougerat, collectif Bassines non merci !. J’aimerais revenir sur l’interdiction des grenades lacrymogènes instantanées GLI-F4 à la suite du décès de Rémi Fraisse. Je ne suis pas un spécialiste mais il me semble qu’elles ont été remplacées par les GM2L au motif que leur charge explosive est moindre. On m’a dit que les explosifs seraient différents et que celui de la GM2L aurait une vitesse de détonation plus rapide, et donc une onde de choc plus puissante et destructrice. Je ne sais pas si le remplacement de la GLI-F4 par la GM2L est réellement un progrès pour le maintien de l’ordre et la sécurité des manifestants.

M. Ludovic Mendes (RE). Je me suis contenté de rétablir les faits. Je n’ai pas demandé un débat sur les grenades.

M. Jérémie Fougerat, collectif Bassines non merci !. Je suis intervenu pour répondre.

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Ce débat est néanmoins très intéressant parce qu’il porte sur la dangerosité des matériels, qui produit des blessures. Cette opération de maintien de l’ordre ne doit surtout pas faire école.

M. Jérémie Fougerat, collectif Bassines non merci !. Si vous le souhaitez, je peux vous montrer des photos que j’ai prises moi-même et qui prouvent les dégâts que provoquent ces grenades. On parle de chairs arrachées, que l’on ne peut pas suturer. On pratique ce que l’on appelle une cicatrisation dirigée, ce qui suppose de poser des pansements pendant des semaines pour que la peau repousse. Voilà les conséquences réelles de ces objets !

Il serait intéressant de savoir où se trouvaient les personnes qui ont subi ces blessures. Étaient-elles dans la zone particulièrement dangereuse des 100 mètres ou bien étaient-elles plus loin ?

M. Julien Le Guet, collectif Bassines non merci !. Votre dernière question est très pertinente : qu’aurions-nous fait si les forces de l’ordre n’avaient pas été là ? Nous serions allés voir la bassine et les gens venus de l’autre bout de la France auraient pu comprendre pourquoi on appelle parfois cela une « mégabassine ». Je renouvelle mon invitation à venir dans le Marais poitevin voir les chantiers de construction. C’est très pédagogique. On comprend alors que cela va à l’encontre de l’histoire, du bon sens et du cycle de l’eau. C’est une solution technocratique pour continuer coûte que coûte de cultiver le maïs, parce que c’est bien cela qu’il s’agit, sans prendre en compte le vécu des habitants ni les conséquences sur le milieu naturel et les autres agriculteurs.

Je pense que vous savez pourquoi notre lutte résonne à travers la France et l’Europe. Nous faisons face à une situation écologique, notamment s’agissant de l’eau, catastrophique. J’habite dans le Marais poitevin, la deuxième zone humide de France. La biodiversité est en train de s’y éteindre à toute vitesse. Voici nos motivations. Vous devriez avoir les mêmes : bâtir un monde plus juste, un monde simplement vivable. Dans cette perspective, les questions liées à l’eau nous préoccupent énormément. C’est le premier élément sur lequel nous devons faire société. Elle ne peut pas être un bien marchand comme un autre. On ne peut pas spéculer sur l’eau. Toutes les formes de vie en ont besoin.

Vous comprendrez donc qu’il est impératif que soit entendue dès à présent notre demande de moratoire sur tous les projets de bassines. Cela permettra d’établir la vérité scientifique et de vérifier leur conformité avec nos engagements internationaux et européens, par exemple la directive-cadre sur l’eau. Quand tout cela aura été fait, vous verrez que l’on pourra instaurer d’autres modalités de partage de l’eau et que nous serons tous en mesure de mettre au service de solutions d’intérêt général l’énergie que nous dépensons actuellement pour lutter. C’est ainsi que l’on doit faire de la politique et que l’on doit faire société.

M. le président Patrick Hetzel. C’était le mot de la fin. Je tiens à vous remercier d’avoir participé à nos travaux.

La réunion se termine à dix-huit heures vingt.


Présences en réunion

Présents.  M. Mounir Belhamiti, M. Florent Boudié, Mme Edwige Diaz, M. Philippe Guillemard, M. Patrick Hetzel, Mme Sandra Marsaud, Mme Michèle Martinez, M. Frédéric Mathieu, Mme Marianne Maximi, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Julien Odoul, M. Michaël Taverne

Excusés.  M. Romain Daubié, Mme Emeline K/Bidi

Assistaient également à la réunion.  M. Gabriel Amard, Mme Clémence Guetté, Mme Manon Meunier