Compte rendu
Commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Sarah Abitbol, ancienne patineuse artistique professionnelle 2
– Présences en réunion................................14
Mardi
5 septembre 2023
Séance de 16 heures
Compte rendu n° 9
session ordinaire de 2022-2023
Présidence de
Mme Béatrice Bellamy,
Présidente de la commission
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La séance est ouverte à seize heures.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Madame Abitbol, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie vivement de vous être rendue disponible pour cette audition.
Vous êtes, d’une certaine manière, à l’origine de la création de cette commission d’enquête car votre témoignage, en 2020, dans votre livre Un si long silence, a été le point de départ d’une immense vague de dénonciations de violences en tout genre subies par des jeunes sportifs dans de nombreuses fédérations.
Comme vous le savez, l’Assemblée nationale a choisi de créer cette commission d’enquête à la suite de ces très nombreuses révélations publiques et de divers scandales judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations.
Nous avons entamé le 20 juillet 2023 nos travaux sur l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif.
Ces travaux s’articulent autour de trois axes : l’identification des violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ; l’identification des discriminations sexuelles et raciales dans le sport ; et l’identification des problématiques liées à la gouvernance financière des fédérations sportives et des organismes de gouvernance du monde sportif bénéficiant d’une délégation de service public.
Vous êtes, bien évidemment, concernée au premier titre puisque vous êtes la première grande championne internationale à avoir dénoncé des faits de viol, attouchements et harcèlement moral de la part de votre entraîneur, M. Gilles Beyer, lorsque vous aviez entre 15 et 17 ans.
Dans votre livre, vous avez expliqué dans le détail la manière dont ces faits se sont produits, votre incapacité à verbaliser ces horreurs à l’époque et l’amnésie traumatique dont vous avez été victime pendant de nombreuses années. Votre témoignage est très poignant, non seulement du fait de la gravité des sévices auxquels vous avez été soumise, mais également parce qu’il montre la solitude dans laquelle vous vous êtes trouvée à l’époque, malgré des parents et amis très proches. L’irresponsabilité dont a bénéficié votre agresseur du fait de son aura dans la sphère du patinage artistique et de l’omerta entourant son comportement vicieux envers les jeunes patineuses, manifestement bien connu, sont également très choquantes. Enfin, l’absence de soutien, de la part de la fédération comme au plus haut niveau de l’État à l’époque des faits, est très grave. Pouvez-vous nous en reparler aujourd’hui ? Les réformes entreprises au ministère des sports comme au sein de la fédération depuis votre témoignage vous paraissent-elles adaptées à la situation ?
Vous plaidez aujourd’hui pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs et la reconnaissance de l’amnésie traumatique, et vous avez créé voilà environ un an une association, La voix de Sarah, pour poursuivre votre combat contre les violences sexuelles. Pouvez-vous nous expliquer votre démarche ?
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Sarah Abitbol prête serment.)
Mme Sarah Abitbol, ancienne patineuse artistique professionnelle. Merci d’avoir pris l’initiative de cette enquête et de m’accueillir aujourd’hui.
Il m’a en effet fallu trente ans pour parler et pouvoir prononcer le mot de « viol », si difficile à dire. J’ai enfin réussi à le faire, après de nombreuses séances avec la psychologue Meriem Salmi, avec qui j’ai commencé une thérapie en 2004. Comme vous l’avez également souligné, j’ai subi une amnésie traumatique qui a duré de nombreuses années. Si j’ai pu parler en 2019, c’est grâce au travail que j’ai poursuivi avec ma psychologue et à la pratique de la méditation et de la sophrologie.
J’avais essayé de parler à plusieurs reprises, mais sans être entendue. Ma dernière chance de le faire était, en 2019, d’écrire ce livre et de mener une enquête avec Emmanuelle Anizon, journaliste à L’Obs, pour trouver d’autres femmes qui auraient subi la même chose que moi. Je ne pouvais plus supporter l’idée que mon agresseur soit encore dans un club de patinage artistique et puisse reproduire ce qu’il m’avait fait. Il m’a fallu beaucoup de temps pour trouver le courage de parler, mais en voyant aujourd’hui le résultat, je suis heureuse de l’avoir fait. Je m’efforce de faire de ce malheur une force et de continuer le combat sur le terrain au moyen de l’association La voix de Sarah, en sensibilisant et en exposant ma propre histoire dans le but de favoriser la détection de comportements inadaptés et d’inviter certaines victimes à venir me parler – et il y a malheureusement toujours des victimes pour le faire.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci d’avoir accepté de répondre à cette commission d’enquête. Votre témoignage est très important car votre livre a été un élément déclencheur, dans l’ensemble du mouvement sportif, pour libérer la parole – même si nous constatons, au fil de nos travaux, qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Votre livre est un témoignage très fort. J’ai été très impressionnée par le cheminement qui vous a été nécessaire pour pouvoir écrire ce que vous aviez vécu dans votre parcours de sportive, et aussi par le fait que de nombreuses personnes savaient ce qui se passait. Votre agresseur était connu comme un prédateur. Vous racontez même qu’un professeur, père d’une autre sportive, ne laissait pas sa fille dormir dans le dortoir, car il savait ce qu’il en était.
Je souhaiterais que vous évoquiez cette partie de votre témoignage, car notre commission d’enquête a précisément pour objet d’examiner les défaillances au sein des fédérations ou des clubs afin de briser l’omerta et de mettre fin à l’impunité, de telle sorte que chacun puisse témoigner de ces faits qui ne devraient pas se produire.
Mme Sarah Abitbol. J’avais signalé la situation au président de la section artistique de mon club, me rendant chez lui avec mon oncle afin de ne pas être seule pour parler de ces choses horribles. Malheureusement, je n’ai pas été entendue : c’était comme si j’évoquais une simple douleur au genou. Il m’a dit d’aller déposer plainte, et que nous en reparlerions ensuite. En un mot, il me remerciait gentiment, alors que je venais de dire ce qui m’était arrivé à l’âge de 15 ans et de demander qu’on éloigne du club cet entraîneur dangereux. J’ai également signalé les faits au ministère, où l’on m’a dit qu’il existait un dossier, mais qu’il valait mieux fermer les yeux.
Quelques années plus tard, j’ai également appris qu’en effet, le père d’une élève, qui était professeur et connaissait très bien mon agresseur, savait aussi qu’il était dangereux et gardait sa fille avec lui pour ne pas la laisser dormir dans les dortoirs. Cette personne était donc complice de ce système.
Pour ma part, comme je le dis dans le livre, je ne parvenais pas à porter plainte – je suis allée jusqu’à la police, mais j’ai rebroussé chemin. Ainsi, tant qu’il n’y avait pas de procédure judiciaire, tout le monde se serrait les coudes pour éviter que les choses se sachent et pour que chacun puisse continuer à mener tranquillement sa petite vie, au sein de la fédération comme dans certains clubs.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous pu en savoir plus sur le dossier dont on vous a dit que le ministère disposait et sur les éléments qu’il pouvait contenir ?
Par ailleurs, à la suite de vos révélations, les personnes qui étaient informées et qui n’ont pas réagi ou pas déclenché d’enquête, et qui ne vous ont pas accompagnée, ont-elles été inquiétées par la justice ou ont-elles fait l’objet d’une procédure administrative au sein de la fédération ?
Mme Sarah Abitbol. Pour ce qui est du dossier, je n’ai su que plusieurs années plus tard ce qu’il en était. Marie-George Buffet avait éloigné Gilles Beyer de la fédération et l’avait suspendu pendant six mois. Il a ensuite été réintégré grâce à la fédération française des sports de glace, s’occupant notamment des compétitions internationales junior. Je n’ai jamais pu avoir ce dossier dans les mains, mais je sais aujourd’hui, grâce à l’enquête menée par Emmanuelle Anizon, que tout y figure et que, désormais il peut au moins être lu.
Les personnes concernées n’ont pas été inquiétées à l’époque. J’ignore si elles ont fait l’objet d’une enquête administrative. Je sais que la personne qui m’a reçue, M. Stéphane Clout, ancien président de la section artistique du club, est à nouveau présent au club des Français volants, peut-être même à la présidence – je n’ai pas vérifié. Quant au professeur que j’ai cité, et qui se trouvait au sein des Français volants, j’ignore s’il a été entendu sur ces questions.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Vous dites que, lorsque vous avez voulu parler, au sein de la fédération ou au ministère, vous avez trouvé porte close, qu’on vous a demandé de ne pas trop évoquer cette affaire, et que votre livre était votre dernière chance de vous exprimer. Considérez-vous que la situation a changé et que les victimes peuvent davantage s’exprimer aujourd’hui ? Sont-elles assez entendues, que ce soit au sein de la fédération française des sports de glace ou dans d’autres ? J’imagine en effet que vous côtoyez toujours des sportifs de haut niveau, qui savent que vous êtes à l’écoute.
Mme Sarah Abitbol. Nous avons trente ans de retard. Je suis très proche du ministère des sports et de Mme la ministre. Mon site internet, La voix de Sarah, propose un accès direct vers la cellule Signal-sports du gouvernement qui permet de dénoncer des agressions. Je suis de près tous les sportifs qui auraient dénoncé de tels faits – on en compte aujourd’hui plus de 900. À la suite de mon livre et de mon témoignage, certains se disent que, si Sarah Abitbol a été capable de parler, eux aussi en sont capables.
Les choses ont heureusement été reprises en main et je remercie Roxana Maracineanu, l’ancienne ministre, qui a pris le problème à bras-le-corps et a eu la force et l’audace de me suivre à 100 %, ce qui n’avait malheureusement pas été le cas auparavant. Aujourd’hui, Mme la ministre Amélie Oudéa-Castéra suit également de très près la situation avec la cellule que je viens d’évoquer et elle est très présente pour lutter contre les violences sexuelles dans le sport. Un code d’honorabilité a également été édicté. Nous avançons donc : les victimes osent davantage parler et les agresseurs se sentent moins en sécurité.
Il faut toutefois poursuivre le combat et la sensibilisation, et se rendre sur le terrain. Nous avons donc organisé, avec La voix de Sarah, de nombreuses conférences. Nous sommes allés au-devant des mouvements sportifs avec une exposition de photographies originales intitulée « Cri d’alerte », qui vise à sensibiliser autrement, d’une façon poétique et artistique. Nous sommes très présents sur le terrain et souhaiterions l’être plus encore, mais il manque de l’argent – des salaires, qui nous permettraient d’être multitâches. Je ne peux pas me couper en deux mais je m’efforce, avec la directrice de La voix de Sarah, d’être aussi présente que possible pour assurer cette sensibilisation. Je me bats au quotidien et Mme la ministre des sports et moi-même ne lâcherons rien, afin que les victimes n’aient plus peur de parler.
J’ai également beaucoup travaillé avec le Sénat sur une loi Sarah Abitbol : c’est la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport, qui a été adoptée le 15 juin à l’unanimité et qui, je l’espère, sera présentée à l’Assemblée nationale d’ici à quelques mois. Elle prévoit l’application du code d’honorabilité dans les clubs, dont nous avons constaté qu’ils ne faisaient pas remonter l’information relative aux casiers judiciaires : les présidents de club devront désormais transmettre ces informations à chaque fédération et encourront des poursuites pénales s’ils y manquent.
Aujourd’hui, je fais d’un malheur une force, pour aider le sport, et plus particulièrement celui que j’aime tant. Je suis entraîneur de patinage artistique, titulaire de la carte professionnelle et du brevet d’État premier degré et, alors que je n’y croyais plus, la présidente et le directeur technique national de la fédération de patinage artistique m’ont demandé au mois de juin de travailler avec eux, au sein du comité d’éthique, pour poursuivre mon combat en examinant les dossiers et en me rendant sur le terrain au titre de la fédération – laquelle a donc pris les choses en main, même si ce n’est que très récemment, en juin dernier.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Permettez-moi de renouveler ma question : recevez-vous ou avez-vous reçu, au cours des dernières semaines ou des derniers mois, des témoignages ou des appels au secours de sportifs agressés dans leur centre, à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) ou ailleurs ? En effet, puisque vous avez brisé l’omerta, peut-être a-t-on tendance à vous contacter, notamment par le biais de votre association.
Mme Sarah Abitbol. Bien sûr, j’en reçois toujours, et pas seulement dans le domaine du sport. Voilà quelques jours encore, j’ai pris en main le dossier d’une patineuse et l’ai fait remonter au comité d’éthique de la fédération française des sports de glace : nous allons nous en occuper. Bien que plutôt tournée vers le sport, je ne refuse jamais d’entendre une victime désireuse de me parler. En effet, le fait d’avoir été victime permet sans doute de recevoir d’une façon différente la parole des autres victimes et permet que la confiance s’instaure. De nombreuses personnes parviennent ainsi à me parler alors qu’elles ne l’ont jamais fait.
J’ai aidé un grand nombre de personnes durant une tournée de Holiday on Ice où je proposais un message d’espoir pour toutes les victimes. Je présentais une figure où je tentais de sortir d’une toile faite d’élastiques et dans laquelle j’étais bloquée. À la pause, durant une séance de dédicaces devant des panneaux de mon association La voix de Sarah, de nombreuses victimes sont venues me dire que, grâce à moi, elles avaient rompu le silence, s’étaient rendues au commissariat ou avaient parlé à leur mari. Le nombre de personnes que j’ai pu aider grâce à ce spectacle montre qu’on peut aussi sensibiliser le public d’une autre façon – dans ce cas, à raison de 2 000 personnes par spectacle et de deux représentations par jour, pour un total de 84, ce sont 200 000 personnes qui ont été sensibilisées.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Dans quel contexte recevez-vous des témoignages ? Que vous expriment les sportifs concernés ? S’agit-il d’hommes ou de femmes ? Dans quel contexte l’agression se produit-elle ?
Mme Sarah Abitbol. L’un des derniers messages que j’ai reçus faisait état de violences psychologiques sur la glace. La jeune femme qui m’a écrit n’est pas encore entrée dans les détails, car elle n’était pas encore prête, mais elle m’a fait part de plusieurs éléments et souhaite me rencontrer pour parler. Hier soir encore, j’ai reçu d’elle un texto et nous devons bientôt nous entretenir de vive voix. Elle fait état de violences psychologiques exercées par des entraîneurs qui, me semble-t-il, n’étaient pas titulaires du brevet d’État et qui n’auraient pas dû se trouver sur la glace. Il s’agit également de choses plus graves, que ma correspondante n’a pas encore pu décrire et que je devrai élucider directement avec elle.
Les violences dont il est question sont en général psychologiques, mais elles peuvent aussi être plus graves, du même ordre que celles que j’ai moi-même subies. Souvent, les victimes me communiquent d’abord des éléments plus légers et n’entrent que plus tard dans les détails, lorsque nous nous rencontrons. Il est en effet toujours difficile de mettre d’emblée des mots sur les faits.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. S’agit-il de sportifs de haut niveau, ou pratiquant dans un club ou une association ?
Mme Sarah Abitbol. En général, les sportifs de haut niveau signalent directement les faits au ministère par le biais de Signal-sports, et citent souvent mon nom.
Les dernières victimes qui ont eu recours au site La voix de Sarah étaient le plus souvent des pratiquantes de mon sport. Il arrive également que le ministère me transmette des dossiers pour que j’aille parler directement aux victimes, car une ancienne athlète et victime peut plus facilement libérer la parole d’une autre. Du reste, plusieurs associations travaillent dans ce domaine et la nôtre n’est pas encore très connue : j’imagine que Colosse aux pieds d’argile, présente depuis plus longtemps, doit recevoir un plus grand nombre de témoignages de sportifs.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Au sein de votre association, êtes-vous accompagnés par une psychologue ?
Mme Sarah Abitbol. Nous disposons en effet d’une psychiatre, mais nous ne sommes pas assez nombreux. Une autre association, qui travaille depuis quelque temps maintenant avec des victimes, va nous aider : deux personnes, qui sont mari et femme, nous rejoindront prochainement.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous avons auditionné tout à l’heure des championnes d’athlétisme qui nous ont indiqué qu’elles recevaient elles aussi nombre de témoignages de victimes issues de l’Insep ou de la fédération française d’athlétisme. D’après ces témoignages, les fédérations sont informées des faits, mais elles ne brisent pas le silence, ou du moins n’y a-t-il ni remontées ni enquêtes administratives de la part de la cellule du ministère car, à moins d’un an des Jeux olympiques, les médailles comptent plus que tout.
Il semble donc qu’on ait pris conscience de ce qui n’allait pas, mais pensez-vous que, dans les faits, les progrès soient suffisants pour que de telles situations disparaissent ? Les avancées opérées au sein de la fédération d’athlétisme, bien que réelles, ne sont peut-être pas si grandes. Quant à la fédération que vous connaissez, vous avez dit que les choses allaient dans le bon sens, mais estimez-vous qu’il reste encore beaucoup à faire ?
Mme Sarah Abitbol. Au sein de ma fédération, nous avançons, mais il reste en effet beaucoup à faire. Quant aux autres, je ne puis guère en parler, n’y ayant pas eu affaire, sinon à la fédération française de tennis, dont j’ai rencontré le président à l’occasion d’un colloque avec l’association Rebond. Isabelle Demongeot, dont je suis maintenant assez proche, et lui m’avaient félicitée d’avoir brisé le silence et assurée que la fédération était déterminée à poursuivre ses efforts pour éviter que de tels faits se reproduisent jamais, et qu’elle serait très vigilante à l’égard des entraîneurs et des modes d’entraînement. Je peux donc dire qu’avec l’association d’Isabelle Demongeot, la fédération française de tennis avance dans le bon sens.
Pour ce qui est des autres fédérations, je crains que persiste une certaine omerta et qu’on soit encore loin d’un résultat et d’un travail en profondeur, car les clubs et les athlètes sont très nombreux. Il faudrait démultiplier les associations de telle sorte qu’il y ait au sein de chaque fédération une association affiliée, qui agisse sur le terrain, ce qui n’est aujourd’hui le cas que pour le tennis, où intervient Isabelle Demongeot, ou pour le patinage artistique avec Sarah Abitbol et La voix de Sarah – puisque notre association sera désormais affiliée à la fédération et se rendra sur le terrain. Chaque association, dans chaque fédération, devrait s’y engager davantage. Nous ne sommes pas assez nombreux, mais c’est un bon démarrage.
Il me semble qu’à la suite de tout ce qui s’est dit depuis 2019 et la sortie de mon livre, les fédérations ont peur et sont plus vigilantes. Cependant, à moins d’un an des Jeux olympiques, certains faits ont pu être passés sous silence au nom des résultats sportifs, ce qui est inadmissible.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Dans votre livre, vous dites que vous étiez très proche de vos parents, en particulier de votre maman, mais qu’ils n’ont rien vu. Souvent, les victimes évoquent à la fois une méconnaissance et un manque de communication entre les dirigeants sportifs et les parents. Comment l’expliquez-vous ?
Mme Sarah Abitbol. Je décris très bien dans le livre ce qui s’est passé. Mon entraîneur a, pour ainsi dire, acheté mes parents. Il les a mis en confiance, il venait dîner à la maison : dans une telle situation, des parents ne peuvent pas penser au pire. Ils voient leur fille s’entraîner, ils pensent que l’entraîneur prend son travail à cœur, il la garde un peu plus longtemps sur la glace, il vient à la maison parler de ses futures compétitions. Mon entraîneur a mis mes parents dans sa poche, ils le vénéraient, ce qui rendait plus facile pour lui d’attraper sa proie et encore plus difficile pour moi de parler de ce qui m’arrivait. Il faisait, par ailleurs, la pluie et le beau temps dans le club, il avait les clés de toutes les portes. Il entraînait, dirigeait, manageait, et était au mieux avec l’ancienne fédération française des sports de glace. Je suis persuadée qu’il calculait tout ce qu’il faisait, et nous savons aujourd’hui que je n’étais pas sa seule victime. C’était sa méthode, se rapprocher des parents, les acheter, faire partie de la famille.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous auditionnions ce matin Angélique Cauchy, sportive de la fédération française de tennis, qui a témoigné du même engrenage. Connaissant de l’intérieur le contexte de ces situations, pouvez-vous nous en indiquer les raisons et nous faire des propositions pour en sortir ?
Mme Sarah Abitbol. L’idée qu’émettent Mme Salmi, ma psychologue, et plusieurs sportifs, parmi lesquels Mme Cauchy, que j’ai également écoutée quelques minutes ce matin, est qu’il faudrait éviter qu’un sportif soit isolé avec un entraîneur et recourir systématiquement à un double entraîneur – un homme et une femme. Cette mesure suppose certes plus d’argent et un plus grand nombre d’entraîneurs, mais elle protégerait les sportifs, que ce soit en compétition, en réunion ou en déplacement, en dissuadant les prédateurs.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous venons d’auditionner deux jeunes athlètes de la fédération d’athlétisme qui ont longtemps été à l’Insep et qui ne connaissaient pas Signal-sports. Il semblerait que l’Insep n’en fasse pas du tout la promotion, ce qui est très étonnant, puisque ce sont les athlètes de haut niveau qui sont le plus exposés aux violences. Que dites-vous de cela ?
La multiplication des associations – Rebond, La voix de Sarah, etc. – ne risque-t-elle pas de diluer les remontées du terrain et de nous faire passer à côté de faits graves au sein des fédérations ?
Enfin, que faudrait-il modifier dans l’organisation des fédérations pour que les sportifs puissent s’exprimer ? Faire pression sur elles pour qu’elles proposent aux athlètes violés de porter plainte, c’est le minimum, mais voyez-vous aussi des choses à changer dans la constitution même des fédérations ? Il y a sûrement quelque chose à faire : ce que l’on entend depuis ce matin n’est pas très glorieux…
Mme Sarah Abitbol. Sur l’une des photographies que j’ai exposées à l’Insep, on voit le numéro d’urgence 119, mais j’ignorais qu’on n’y parlait pas de Signal-sports. Je peux me charger de demander à la direction de le faire : c’est essentiel.
La cellule Signal-sports n’est peut-être pas assez connue, mais ce n’est pas à cause du ministère : sur le site de celui-ci, une page entière y est dédiée, avec un lien pour dénoncer des faits d’agressions psychologiques ou sexuelles. C’est aux fédérations et aux clubs de faire connaître Signal-sports, sur leur site internet ou directement auprès des athlètes, en organisant des réunions : il faut que cela devienne automatique.
Toutes les associations ne proposent pas la même chose. Rebond se consacre surtout à la réparation. Colosse aux pieds d’argile existe depuis des années, ses quarante salariés font un travail considérable sur le terrain, qui est même reconnu au niveau international. Avec La voix de Sarah, nous avons monté une exposition photographique et nous allons sur le terrain : dans les institutions sportives, mais aussi les hôpitaux, les territoires ultramarins, les municipalités... Il y a vraiment du travail pour tout le monde et je ne crois pas qu’il y ait trop d’associations. Leur nombre, pour moi, est plutôt un point positif.
Pour ce qui est de l’organisation, il me semblerait important que chaque club ait un référent éthique qui remonte les informations au niveau de la fédération. Le président du club aussi a un rôle essentiel à jouer : le texte qui a été adopté au Sénat en juin lui impose de consulter le casier judiciaire des bénévoles et éducateurs de son club, et il devra communiquer sur le fameux code d’honorabilité. Les entraîneurs qui n’ont pas un comportement adapté et ceux qui les défendent doivent savoir que, désormais, la fédération en sera immédiatement informée. Il faut que l’information remonte des clubs à la fédération et de la fédération au ministère. Dans cette chaîne, les présidents de club ont un rôle essentiel : s’ils ne font pas leur travail, on risque de passer à côté de faits graves.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. On parle beaucoup depuis ce matin des clubs, des fédérations et de leurs dirigeants, mais tout cela se fait dans le cadre d’une délégation de service public. Dans ce cadre donc, des agents du ministère sont mis à la disposition des fédérations : je pense en particulier aux directeurs techniques nationaux. Or il n’en a pas encore été question depuis le début de nos auditions, comme s’ils n’existaient pas, ou n’avaient aucun rôle à jouer. Ne pensez-vous pas que le ministère des sports pourrait s’appuyer sur les personnes qu’il met à la disposition des fédérations pour lutter contre les défaillances que nous constatons ?
Mme Sarah Abitbol. Cela échappe au champ de mon association, mais si le ministère peut le faire, ce sera une bonne chose, même si ce ne sera peut-être pas suffisant.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Vous avez vécu récemment aux États-Unis : y avez-vous découvert de bonnes pratiques dont nous pourrions nous inspirer ?
Mme Sarah Abitbol. Une association a établi là-bas une convention d’une trentaine ou quarantaine de pages, que j’ai traduite en français. Elle expose précisément ce qu’un entraîneur a, ou non, le droit de faire. Par exemple, un entraîneur n’a pas le droit de prendre la route avec un mineur. Cette règle n’existe pas en France : à l’époque, je prenais la voiture avec mon entraîneur et il se passait ce qui se passait. Aux États-Unis, dès qu’un entraîneur est vu en voiture avec un mineur, l’information remonte à l’association qui a établi la convention, qui la transmet à la fédération américaine. Celle-ci émet alors un blâme et, au bout de deux blâmes, l’entraîneur n’entraîne plus : il n’y a pas de demi-mesure. Je crois que l’on devrait reprendre cette convention en France et la faire signer aux fédérations : en cas de non-respect, des sanctions s’appliqueraient.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. S’agit-il d’une convention fédérale ? Qui l’a signée ? Pouvez-vous nous donner des précisions ?
Mme Sarah Abitbol. Je ne me souviens plus des détails, mais je vous la transmettrai. Ce que je peux vous dire, c’est qu’elle est automatiquement signée par la fédération. Chaque club doit la signer et veiller à son application.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous remercie de nous la faire parvenir.
Vous plaidez pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs et la reconnaissance de l’amnésie traumatique, cette perte de mémoire que subissent certaines victimes du fait de la violence des faits. Vous défendez la combinaison de ces deux mesures parce que, dites-vous, on ne se souvient pas toujours de ce qui s’est passé et, quand on s’en souvient, il est parfois trop tard. Pourriez-vous, s’il vous plaît, développer ce point ?
Mme Sarah Abitbol. Comme de très nombreuses victimes, j’ai oublié ce qui s’est passé quand j’avais 15 ans et je n’ai pas compris ce qui m’arrivait quand les faits me sont revenus en mémoire, près de trente ans plus tard : il a fallu qu’on me l’explique. J’avais l’impression d’avoir fait un cauchemar, je ne savais pas si c’était vrai ou non. Les psychologues et les psychiatres expliquent que l’amnésie traumatique est un moyen utilisé par le cerveau pour protéger l’enfant : les faits trop graves et douloureux sont pour ainsi dire mis de côté.
L’amnésie traumatique est de moins en moins mal connue du grand public mais, pour les gens qui ignorent ce phénomène, il est difficile de comprendre pourquoi une victime se met à parler trente ans après les faits, et ils ont tendance à ne pas la croire. La reconnaissance de l’amnésie traumatique dans la loi contribuerait à ce que les victimes soient crues. En effet, quand plusieurs victimes dénoncent le même prédateur, on a tendance à les écouter, mais lorsqu’une victime parle seule et qu’il n’y a plus de preuves – allez en trouver, trente ans après les faits ! – c’est beaucoup plus compliqué. Les souvenirs peuvent revenir à l’occasion d’un deuil, d’un mariage, d’une grossesse, de la naissance d’en enfant… Cela revient comme une bombe atomique et c’est terrible.
Quant aux délais de prescription, ils ont déjà été allongés et les victimes ont plus de temps, mais je me bats pour que les crimes sexuels sur mineurs deviennent imprescriptibles. Ainsi, les victimes n’auraient pas de date limite pour parler, elles pourraient le faire même quarante ans après les faits et porter plainte si elles le souhaitent. Il est souvent plus facile de se reconstruire lorsqu’on a porté plainte, que l’on est cru et qu’il peut y avoir un procès.
Je sais bien que même si une telle loi est votée, elle ne sera pas rétroactive et ne changera rien pour moi ni pour nombre de victimes, mais elle protégera les jeunes, nos enfants et nos petits-enfants. Ce serait un grand pas. Au Luxembourg, en Californie, de telles lois existent.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche de juin 2023 portant sur la fédération française des sports de glace pointe des pratiques très contestables, un fonctionnement fédéral marqué par l’omniprésence d’anciens dirigeants, ou encore des élections influencées. Quel regard portez-vous sur les changements entamés depuis la publication de ce rapport – certes très récent ? Quels sont, selon vous, les points sur lesquels il convient d’être particulièrement vigilant, s’agissant de la direction de cette fédération ?
Mme Sarah Abitbol. La publication de mon témoignage, en 2019, a beaucoup terni l’image de la fédération française des sports de glace. Pour moi, ç’a été la double peine, puisque de nombreuses portes se sont alors fermées devant moi : certains clubs ne voulaient pas entendre parler de moi, parce que j’avais dit la vérité et que je représentais un danger.
Depuis que la nouvelle présidente a pris ses fonctions, de nombreuses personnes au comportement douteux ou malveillant ont été écartées. Il reste beaucoup à faire, mais la fédération essaie d’être à la hauteur des attentes du ministère, qui a vraiment mis un coup de pression il y a trois ans.
Il faut rester très vigilant. Le comité éthique, où j’ai été élue au mois de juin, a évidemment un rôle important à jouer. Il faut contrôler ce qui se passe sur le terrain et je compte bien continuer à me rendre dans les clubs pour détecter les cas de violences psychologiques, qui sont encore très fréquents, et de violences sexuelles.
La fédération est en pleine restructuration et elle a trente ans de retard à rattraper : cela ne peut pas se faire en quelques mois.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à compléter, oralement ou par écrit, les informations que vous nous avez données. Pensez-vous nous avoir tout dit ?
Mme Sarah Abitbol. Je crois avoir répondu à toutes vos questions avec franchise et honnêteté. Si un point me revient à l’esprit, je vous en informerai. Les choses avancent, mais il faut rester très vigilant. Maintenant que je suis membre du comité éthique, je peux suivre de très près les dossiers en cours, ce qui n’était pas le cas auparavant. Mais ce qui me paraît le plus important, en tant qu’ancienne athlète et ancienne victime, c’est d’aller sur le terrain, sur la glace, pour détecter les problèmes et recueillir la parole des victimes. C’est mon combat.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pensez-vous à un thème que nous aurions oublié d’aborder ?
Mme Sarah Abitbol. Nous avons évoqué tous les sujets que j’avais identifiés en préparant cette audition. S’agissant du contrôle d’honorabilité des éducateurs et des bénévoles, et des sanctions qu’encourent les dirigeants qui n’agissent pas, j’espère que la proposition de loi adoptée au Sénat sera votée à l’Assemblée nationale d’ici à quelques mois.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pouvez-vous nous dire un mot des signaux qui traduisent le malaise ou le mal-être d’un enfant et que les parents pourraient détecter ?
Mme Sarah Abitbol. Si un enfant se retrouve soudain en échec scolaire ou ne gagne plus aucune compétition, cela doit alerter ses parents. Son mal-être peut aussi s’exprimer par l’anorexie ou la boulimie. Dans mon cas, au bout de deux ou trois mois, j’ai commencé à faire quatre chutes par programme en compétition, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant. C’était un appel au secours, le signe que je ne tenais plus debout. Autour de moi, j’ai aussi vu des jeunes qui ne supportaient plus que leurs parents leur disent quoi que ce soit : c’était une autre forme d’appel au secours. Tout changement de comportement doit alerter les parents.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Vous êtes une femme de terrain. Vous est-il déjà arrivé d’inviter une victime à porter plainte contre son club, sa fédération ou une personne, voire de l’accompagner auprès de la police ou de la gendarmerie pour l’aider dans cette démarche ?
Mme Sarah Abitbol. Une victime qui avait vécu la même chose que moi, dans le même sport et juste avant, est allée porter plainte. Je lui ai proposé de l’accompagner mais elle m’a dit qu’il était important pour elle de passer cette étape seule. Il faut tenir compte de ce que ressent chaque victime. Mon rôle est de les orienter, par exemple vers un psychologue ou un psychiatre : je propose un panel de solutions, mais il ne m’est encore jamais arrivé d’accompagner quelqu’un au commissariat ou chez un psychologue.
Je m’informe des suites qui sont données aux dossiers et les gens, souvent, me remercient. La victime qui a porté plainte m’a dit que sans moi, sans mon combat et ma force, elle n’y serait jamais arrivée. Voir des gens que j’ai aidés aller au bout de leur démarche, c’est une victoire pour moi.
Pour certaines victimes, il est très important de porter plainte pour aller mieux, mais ce n’est pas toujours le cas : la situation familiale de la personne, le temps qui s’est écoulé depuis son agression et de nombreux autres paramètres sont à prendre en compte lorsqu’on reçoit la parole de quelqu’un.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. M. Didier Gailhaguet a été écarté. Vous attendiez-vous à cela ? Êtes-vous déçue et attendiez-vous autre chose ?
Mme Sarah Abitbol. Je ne m’attendais absolument pas à cela. Mon livre, je l’ai dit, était ma dernière chance d’être entendue, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il ait un tel écho médiatique, ni à ce que le ministère intervienne – je ne m’attendais pas à un tel chamboulement.
C’est une bonne chose qu’il ait été écarté et que la ministre des sports ait pris les choses en main. En revanche, il a démissionné : il n’a pas été congédié. La nouvelle fédération doit se restructurer, après trente ans de dysfonctionnements terribles. Il faut remettre les choses à plat et recommencer à zéro. Il faut absolument maintenir éloignée de notre fédération cette personne qui y était encore omniprésente il y a seulement quelques mois.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Est-ce que cela vous suffit ?
Mme Sarah Abitbol. Qu’il ait été écarté est une bonne chose, mais il ne faudrait pas, maintenant qu’il est sorti par la porte, qu’il revienne par la fenêtre. Il faut absolument le tenir à distance et éviter que ses amis et les personnes qui l’ont soutenu conservent une place au sein de la fédération. Il faut un renouveau total.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. L’entre-soi et le non-renouvellement des équipes sont un problème qui a été évoqué à plusieurs reprises et qui traverse l’ensemble des fédérations et du mouvement sportif.
On a beaucoup parlé de l’accompagnement des victimes, mais nous aimerions aussi pouvoir éviter que ces victimes existent, autrement dit avoir des propositions pour mettre fin aux agressions qui se produisent au sein des fédérations, mouvements et clubs sportifs.
Ce matin, nous avons appris qu’au sein de la Fédération française de tennis, il semblait normal, jusque très récemment, qu’un entraîneur prenne une chambre d’hôtel avec une jeune sportive lors d’une compétition. La fédération souhaite mettre fin à cette pratique, en prenant désormais deux chambres au lieu d’une – ce qui a un coût. Avez-vous d’autres propositions à faire, générales ou spécifiques à la fédération de patinage ?
Mme Sarah Abitbol. Il paraît évident qu’un jeune athlète ne doit pas dormir dans la même chambre d’hôtel que son entraîneur. J’ai déjà suggéré l’idée que le sportif ait deux entraîneurs, un homme et une femme, et que tous deux soient toujours auprès de lui, sur le terrain comme lors des déplacements ou compétitions. Même si elle représente un très gros investissement, je pense qu’une telle mesure sauverait vraiment des athlètes. Je rappelle à ce propos que les agresseurs ne sont pas tous des hommes, même si le pourcentage de femmes est minime.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. On nous a beaucoup dit que même lorsque des enquêtes administratives ont lieu, y compris avec l’appui de la cellule du ministère, la personne mise en cause n’est pas forcément éloignée de la victime, ni même écartée du club où elle entraîne. Auriez-vous une préconisation à faire à ce sujet, même si le respect de la présomption d’innocence limite les possibilités d’action ? Laisser des mineurs en contact avec un entraîneur ou un coach qui est mis en cause dans une affaire est tout de même problématique.
Mme Sarah Abitbol. C’est une très bonne question et elle est très complexe. Dans ma discipline, il est malheureusement arrivé que des entraîneurs retrouvent leur place après avoir été écartés pendant six mois, faute de preuves. Du fait de la prescription et de l’absence de preuves, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre. Que doit faire le président de club s’il n’y a aucune preuve contre l’entraîneur, aucune condamnation pénale ? Ce sont des situations très délicates à gérer : soit il le réintègre, soit il trouve un moyen de l’écarter du club, au risque que l’entraîneur aille proposer ses services dans un autre club où il sera tout aussi dangereux. Je ne saurais pas répondre à votre question, mais elle est très importante et il faut y réfléchir.
Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous remercie beaucoup de vous être rendue disponible pour cette audition et de vous être livrée, en nous donnant un peu de vous et de votre vécu : c’est ce que nous attendions et c’est ce qui doit nous aider à faire des propositions pour protéger nos jeunes sportifs et leur permettre d’évoluer dans un univers serein.
La séance s’achève à dix-sept heures dix.
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Présents. – Mme Béatrice Bellamy, M. Pierre-Henri Dumont, M. Jérôme Guedj, Mme Pascale Martin, M. François Piquemal, Mme Claudia Rouaux, Mme Sabrina Sebaihi
Excusé. – M. Bertrand Sorre