Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 :
– mission « Écologie, développement et mobilité durables » :
. Avis Énergie (M. Jérôme Nury, rapporteur pour
avis)........................................ 2
Mercredi 25 octobre 2023
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 11
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
M. Guillaume Kasbarian,
Président
— 1 —
Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jérôme Nury, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », en ce qui concerne l’énergie
M. le président Guillaume Kasbarian. Notre commission achève aujourd’hui son examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024. Nous étudions ce matin les crédits relatifs à l’énergie dans le cadre de la mission Écologie, développement et mobilité durables.
Comme la semaine dernière, beaucoup d’amendements ont été déposés – 56 en l’espèce – mais tous n’entrent pas dans le champ de compétences de notre commission. Les irrecevabilités sont donc nombreuses. Je vous invite à bien cibler vos amendements sur chaque mission budgétaire.
Notre rapporteur pour avis sur l’énergie est Jérôme Nury. Il a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport à l’impact des prix de l’électricité et du gaz sur le pouvoir d’achat des consommateurs finals et sur le modèle économique des entreprises françaises.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis (énergie). Dans un contexte national, européen et mondial tendu, où l’énergie représente un enjeu majeur pour les populations et pour les entreprises, ce projet de budget mérite d’être examiné avec attention. Nous avons pu obtenir quelques précisions auprès du Gouvernement, mais les incertitudes sur son contenu exact et la technicité du sujet rendent la lecture des chiffres et de la stratégie difficile.
Deux des quatre programmes que nous examinons perdent une part importante de leur dotation par rapport à 2023. La baisse est ainsi de 163 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 676 millions d’euros en crédits de paiement pour le programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilité durables, et avoisine les 15 milliards d’euros pour son programme 345 Service public de l’énergie.
Ces reculs reflètent en réalité la diminution des prix de l’énergie, ce qui est une bonne nouvelle pour les usagers et pour les finances publiques. Les budgets consacrés à la protection des consommateurs ne disparaissent pas, mais ont été fortement révisés à la baisse. Les autres actions de ces programmes devraient, en revanche, bénéficier d’une hausse. Ainsi, 247 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour MaPrimeRénov’, 203 millions d’euros pour les aides à l’acquisition de véhicules propres, 306 millions d’euros pour le soutien à la transition énergétique dans les zones non interconnectées et 841 millions d’euros pour le soutien à l’injection de biométhane.
Malgré quelques avancées intéressantes, ce projet de loi de finances (PLF) et ses prévisions budgétaires s’accompagnent d’incertitudes et d’injustices.
Le chèque énergie, important pour les ménages fragiles, est reconduit sans aucune revalorisation. Le ministère de la transition énergétique m’a confirmé qu’aucun complément n’était envisagé, alors que le prix de l’énergie reste élevé et que les tarifs réglementés de vente de l’électricité ont augmenté de 26,5 % cette année.
En outre, aucun dispositif d’accompagnement n’est prévu pour les foyers se chauffant au fioul, qui sont nombreux dans nos territoires ruraux et directement frappés par la hausse du pétrole et des carburants. Avec un prix au litre d’au moins 1,40 euro ces derniers jours, il sera difficile de remplir la cuve. Dans nos campagnes, nos concitoyens n’ont pas forcément accès aux énergies à bouclier comme le gaz et il n’y aura aucune aide spécifique – telle que celle que nous avions obtenue l’an dernier – pour leur permettre de passer l’hiver.
L’augmentation des crédits alloués à la rénovation thermique des bâtiments est, par ailleurs, bien loin du 1,6 milliard d’euros annoncé par Mme la Première ministre. On compte 247 millions d’euros supplémentaires pour MaPrimeRénov’ et 669 millions d’euros pour l’Agence nationale de l’habitat (Anah), soit un total de 916 millions d’euros.
Les modalités de prolongation de l’amortisseur électricité ne sont pas non plus très claires. Le ministère m’a indiqué qu’il était prévu de maintenir ce dispositif pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) non éligibles au tarif réglementé de vente et qui resteraient engagées dans des contrats d’approvisionnement aux tarifs exorbitants. Selon les calculs des experts, la mesure pourrait coûter 770 millions d’euros en 2024. Pour le moment, elle n’est toutefois pas intégrée au PLF et aucune mesure semblable n’est envisagée pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui sont pourtant stratégiques pour nos ambitions industrielles.
Enfin, le projet de budget n’évoque pas le financement des futures installations nucléaires. Même si les modalités qui seront retenues dépendront de l’issue de la réforme du marché européen de l’électricité, il s’agit d’une question cruciale pour la préservation de notre indépendance énergétique. Compte tenu des sommes en jeu et de son niveau d’endettement, il paraît difficilement envisageable qu’EDF assume seule ces investissements. Le Gouvernement nous a finalement rejoints sur l’importance stratégique de relancer notre parc nucléaire mais, plus d’un an et demi après le discours de Belfort du Président de la République, nous ne savons toujours pas comment il compte réaliser son programme.
Pour toutes ces raisons, je ne peux me satisfaire du projet de budget qui nous est présenté pour financer la politique énergétique de notre pays. J’émettrai donc un avis négatif.
J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon avis à l’impact, en 2024, des prix du gaz et de l’électricité sur le pouvoir d’achat des ménages français et la compétitivité de nos entreprises.
Nous sortons d’une crise de l’énergie d’une violence inédite. Les prix de gros du gaz ont atteint 275 euros le mégawattheure en août 2022, alors qu’ils variaient entre 10 et 40 euros depuis dix ans. Ceux de l’électricité ont oscillé entre 500 et 600 euros le mégawattheure pendant la majeure partie du second semestre 2022, alors que la fourchette était comprise entre 40 et 60 euros ces dernières années.
Les modérateurs ordinaires que sont les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe) ou l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) ont permis de contenir les augmentations pour les consommateurs français. Toutefois, face à une telle flambée des prix, ils n’ont pas été suffisants. En outre, nous avons tous constaté les répercussions désastreuses pour EDF d’un relèvement de l’enveloppe de l’Arenh en période de sous-production de ses installations : s’il a permis d’alléger les factures des ménages et entreprises françaises de 7,8 milliards d’euros en 2022, il a fortement pesé sur les comptes de l’énergéticien. Or celui-ci va devoir réaliser d’énormes investissements.
Il faut reconnaître que, face aux ravages engendrés par cette crise et à la fragilisation rapide de nos concitoyens et de nos entreprises, l’État a réagi massivement. Les efforts, au départ ciblés sur les ménages et les petites entreprises, ont ensuite été élargis aux autres entreprises à partir de l’été 2022. Je ne rappellerai pas l’ensemble des mesures prises entre octobre 2021 et janvier 2023, parmi lesquelles les boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité, l’amortisseur électricité ou la minoration de l’accise sur l’électricité. D’après les calculs communiqués par le ministère de la transition énergétique, les dépenses supportées par le seul programme 345 s’élèveraient à près de 34 milliards d’euros entre 2021 et 2023. Quant aux pertes de recettes découlant de la minoration de l’accise sur l’électricité, qui bénéficie à tous les consommateurs depuis février 2022, elles pourraient s’élever à 18 milliards d’euros pour 2022 et 2023.
Ces aides n’ont pas neutralisé les hausses de prix, mais ont permis de contenir les surcoûts. Les boucliers tarifaires par exemple ont allégé les factures des abonnés électriques d’environ 40 %, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Sans eux, les hausses de 15 % en février et 10 % en août 2023 auraient respectivement atteint 99 % et près de 75 %.
Quand j’ai débuté mes travaux de rapporteur pour avis, il n’était pas question de prolonger ces dispositifs en 2024. Le ministre en charge de l’économie l’affirmait encore courant septembre. Mais si les prix libres du gaz sont inférieurs au plafond garanti par les tarifs réglementés de vente depuis mars et devraient le rester en 2024, ce qui rend inutile un bouclier tarifaire, la situation reste difficile pour les consommateurs d’électricité, malgré une amélioration. Les prévisions pour 2024 restent autour de 130 à 140 euros le mégawattheure, ce qui est certes mieux que les 250 euros du début de l’année, mais deux à trois fois supérieur aux niveaux d’avant la crise.
Certaines TPE, PME et ETI non éligibles au TRVe sont dans une situation critique. Contraintes de négocier ou renégocier leurs contrats d’approvisionnement lorsque les prix étaient au plus haut, elles ont accepté de s’engager pour deux ou trois ans afin de bénéficier de certains allègements. Elles se retrouvent donc piégées et devront supporter encore des tarifs exorbitants en 2024. Dans ce contexte, des mesures de soutien apparaissent donc toujours nécessaires, voire vitales, pour des entreprises ébranlées par la crise à la fois dans leur équilibre financier et dans leur compétitivité à l’égard de concurrents étrangers épargnés par cet emballement des prix.
Finalement, le PLF prévoit la poursuite de certaines mesures de protection, comme la minoration de l’accise sur l’électricité et le bouclier tarifaire pour l’électricité. Le ministère m’a également indiqué envisager le maintien de l’amortisseur électricité en 2024 pour les entreprises encore engagées dans des contrats très onéreux souscrits en 2022. Je le salue, même si je déplore que le nouveau dispositif d’amortisseur ne soit pas encore confirmé ni défini clairement et que rien ne semble envisagé pour accompagner les ETI qui seraient, elles aussi, liées par des contrats beaucoup trop chers.
Au-delà de ces préoccupations immédiates, il est indispensable de préparer la suite, en travaillant à renforcer les garde-fous durables, tels que le TRVe, et à faire évoluer l’Arenh. Pour le TRVe, je recommande de supprimer le seuil de 36 kilovoltampères (kVa) de puissance contractée permettant d’en bénéficier, comme le proposait notre collègue Philippe Brun dans sa proposition de loi visant à la nationalisation du groupe Électricité de France. Cette limite ne figure que dans la loi française. Quant à l’Arenh, en dépit de son indéniable efficacité pour protéger les consommateurs français des hausses de prix et de la variabilité des marchés, ses défauts sont devenus trop lourds à supporter pour EDF. Le dispositif arrivant à échéance en décembre 2025, nous devons trouver un nouveau système de régulation des prix de vente de l’électricité nucléaire historique, dont le parc de production est largement amorti. Plusieurs pistes sont à l’étude, parmi lesquelles les contrats à prix garantis par l’État, dit « contrats pour la différence », le plafonnement des prix de vente sur le marché de gros ou les contrats à long terme négociés dans un cadre bilatéral par les plus grandes entreprises. Les modalités de cette nouvelle régulation dépendront fortement de la réforme du marché européen de l’électricité qui est en cours de négociation, mais la question du juste niveau de prix garanti ou plafonné reste entière.
M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Antoine Armand (RE). Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez reconnu que l’État avait réagi massivement pour amortir la hausse des prix de l’électricité. Je salue à la fois ce propos, qui rend hommage à l’effort budgétaire inédit qui a été consenti l’année dernière, et la qualité de votre travail, dans lequel nombre d’entre nous se retrouveront. Comme le montrent les chiffres que vous avez cités, les mesures mises en œuvre ont permis de contenir à 15 % une augmentation, qui, sinon, aurait pratiquement atteint 100 %. Il est important d’avoir en tête cet ordre de grandeur.
Le programme 174 est celui de la transition écologique et solidaire, puisqu’il vise à décarboner notre économie en aidant les ménages les plus modestes en vue de rénover les bâtiments, changer les installations de chauffage ou renouveler le parc automobile.
S’agissant des prix de l’électricité, je partage l’essentiel de vos propos. Je souligne que nous ne réussirons à conserver des prix durablement bas qu’en combinant une hausse de la production, ce qui passe par une accélération des énergies renouvelables, et un nouveau cadre tarifaire, qui nécessite une réforme profonde du marché européen de l’électricité. Un accord a été trouvé. Il reviendra aux parlementaires de le transposer de manière efficace, pour résoudre le dilemme que vous avez évoqué : EDF doit à la fois disposer de moyens suffisants pour investir dans les énergies renouvelables et le nucléaire de demain et vendre son électricité à un prix soutenable pour nos industries, y compris pour nos nombreuses énergo-intensives.
Comme député d’un département alpin, je ne peux pas m’empêcher d’évoquer également la question du cadre régulatoire et statutaire des concessions hydroélectriques, qui sont un atout pour la souveraineté de notre pays.
Enfin, je salue l’augmentation des crédits alloués à MaPrimeRénov’ et l’évolution du bonus écologique automobile, qui permettra de différencier production européenne et extra-européenne et contribuera ainsi à la défense de notre souveraineté nationale.
Pour ces raisons, le groupe Renaissance est favorable à la fois au programme 174 et à la mission Écologie, développement et mobilité durables.
M. Alexandre Loubet (RN). Le projet de budget pour 2024 révèle l’absence de politique énergétique du Gouvernement, malgré les risques de pénurie d’électricité et la flambée des factures énergétiques que subissent les ménages et les entreprises. Partant de ce constat, il n’est pas étonnant qu’il préfère éviter le débat par un 49.3.
Ce budget est profondément technocratique. Le Gouvernement finance une multitude d’agences bureaucratiques et saupoudre des aides ponctuelles et complexes, notamment par le biais du Fonds vert, sans vision d’ensemble. Le problème est bien là : ce budget n’a aucune ambition nationale.
Alors que la France a risqué des pénuries énergétiques durant l’hiver dernier, le Gouvernement n’agit pas pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique du pays. Comme le rapporteur pour avis l’a souligné, il n’y a rien dans ce budget pour la relance du nucléaire, pourtant prioritaire. Quelques dizaines de millions d’euros sont certes alloués aux réacteurs de petite taille, mais il faut surtout accélérer le lancement du plan de construction de nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR) pour qu’ils soient opérationnels le plus rapidement possible. De même, le Gouvernement refuse toujours d’étudier la possibilité d’exploiter, en utilisant des méthodes écologiques, certaines ressources nationales comme le gaz contenu dans les sols.
Ce budget témoigne de l’idéologie européiste qui anime ce Gouvernement et de sa soumission à la Commission européenne. Comme j’avais eu l’occasion de le dire en défendant ma proposition de loi visant à faire baisser la facture énergétique des Français et des entreprises sur le territoire, les aides aux ménages constituent près d’un tiers du budget du service public de l’énergie. Elles sont nécessaires, mais coûtent cher aux contribuables et pourraient être évitées si nous nous libérions des règles absurdes du marché européen de l’électricité.
Malheureusement, la réforme du marché européen de l’électricité que Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher revendique comme une victoire est en réalité une véritable défaite. Elle ne changera rien aux factures énergétiques des ménages et des entreprises. La compétitivité du parc nucléaire existant ne profitera qu’à certains grands groupes et aux énergéticiens. Le prix de l’électricité en France, qui est pourtant parmi les moins chers d’Europe, restera indexé sur les prix européens du gaz.
Le Gouvernement ne tiendra évidemment pas compte de nos propositions. Il utilisera le 49.3 et rejettera nos amendements, qui visent pourtant à défendre la France et les Français. Je ne doute pas que ces derniers le sanctionneront lors des prochaines élections européennes.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez eu le mérite d’avoir examiné le budget d’une politique énergétique qui est un véritable canard sans tête.
Le Gouvernement prétend accélérer le déploiement des énergies renouvelables, mais la Cour des comptes pointe une planification inopérante. Il se félicite d’une réforme du marché européen de l’électricité qui ne changera rien, mais qui entérine la fin des tarifs réglementés pour les ménages. Il nous soumet des crédits énergétiques sans que nous ayons la moindre perspective, puisqu’il ne nous a toujours pas communiqué, alors qu’il y était théoriquement contraint, la loi de programmation de l’énergie, par crainte d’être minoritaire.
Il y a un an, c’est dans le cadre de l’examen de cette mission que nous avions fait voter les 12 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour la rénovation thermique que le Gouvernement a balayés par un 49.3 climaticide. Nous avons donc perdu un an – un an de plus ! Cette année, nous devrons nous contenter d’une hausse qui, pour être réelle, n’en demeure pas moins insuffisante par rapport aux besoins.
Au demeurant, nous ne trouvons pas plus que le rapporteur pour avis la totalité du 1,6 milliard d’euros supplémentaire dont se vante le ministre Christophe Béchu. Ce débat permettra peut-être de nous éclairer. Sinon, nous devrons nous contenter du 49.3 !
La politique écologique et énergétique du Gouvernement se résume à : trop peu, trop tard, trop lentement. Elle brille par sa constance autant que par son insuffisance. Nous sommes nombreux, par-delà nos différences, à le constater et à le regretter.
S’agissant de la rénovation énergétique, il faudrait rénover environ 300 000 logements classés F ou G par an pour faire disparaître les 7,2 millions de passoires thermiques qui existent dans notre pays. L’an dernier, MaPrimeRénov’ n’en a fait sortir de cette catégorie que 2 500. À ce rythme, il nous faudra 2 500 ans pour atteindre notre objectif ! Nous sommes très loin du compte et les efforts prévus pour 2024 ne suffiront pas à rattraper le retard.
Pourtant, l’argent existe. La baisse du coût du bouclier tarifaire permettra de dégager 6,8 milliards d’euros, qui auraient dû être redéployés pour accélérer la rénovation énergétique des logements, modérer les factures de chauffage de nos concitoyens et arrêter l’explosion de la dette écologique. Ne pas faire cet investissement s’apparente à une quadruple peine : nous aggravons notre retard vis-à-vis de nos objectifs écologiques et climatiques, nous ratons une occasion de créer massivement des emplois non délocalisables, nous soumettons les Français à une forme de matraquage tarifaire et enfin nous gérons mal les fonds publics, puisque l’absence de travaux d’isolation nécessitera des mesures de soutien.
M. Vincent Rolland (LR). L’évolution du prix de l’énergie inquiète autant nos concitoyens que nos entreprises. La France bénéficie d’un avantage considérable en la matière, avec son mix électrique reposant notamment sur le nucléaire et l’hydroélectricité. S’agissant de cette dernière, nous devrons avoir un jour des réponses précises concernant l’avenir des concessions.
Nous n’avons jamais changé de cap depuis la crise : il faut faire baisser les factures en amont, en rapprochant au maximum le prix de l’électricité des coûts de production du parc nucléaire historique. Un accord européen semble avoir été trouvé, mais nous n’en connaissons pas les détails et encore moins les modalités d’application pour nos industriels. Nous pensons particulièrement aux secteurs électro-intensifs, où l’électricité peut représenter jusqu’à 40 % des coûts de production. Beaucoup d’entre eux appartenant à des filières stratégiques pour notre pays, nous souhaitons, comme le rapporteur pour avis, que les conditions qui leur seront proposées par EDF soient rapidement clarifiées. Nous partageons aussi son inquiétude quant au devenir de l’amortisseur électricité pour les TPE, PME et ETI non éligibles au TRVe.
S’agissant des ménages les plus modestes, notre groupe partage l’étonnement du rapporteur pour avis quant à l’absence de revalorisation des chèques énergie, alors que le tarif réglementé de vente de l’électricité a augmenté de plus de 26 %. Nous considérons également qu’il est nécessaire de supprimer le seuil de 36 kVa qui a posé tant de problèmes à nos boulangers ou nos hôteliers-restaurateurs, pour ne citer qu’eux.
L’absence de bouclier tarifaire pour le gaz nous surprend, car le contexte international inquiète fort légitimement les marchés.
Enfin, pour ce qui est des énergies renouvelables, je regrette que la filière de l’huile végétale hydrotraitée ne soit pas soutenue. Elle pourrait être un vecteur de décarbonation de certaines économies, comme celle des zones de montagne. Les professionnels se sont déjà emparés du sujet. Il est regrettable que des amendements abordant cette question ne soient pas adoptés.
Nous suivrons la position du rapporteur pour avis.
Mme Louise Morel (Dem). La production énergétique est au cœur des défis que nous devons relever pour mener à bien la transition écologique. Dans les années 1970, le plan Messmer nous avait ouvert l’accès à une énergie abondante et peu chère. À notre tour, nous devons trouver des solutions pour les cinquante prochaines années. Plusieurs spécialistes estiment que la clef réside dans la diversification. Cette mission répond à ce besoin en mettant l’accent sur les énergies décarbonées, avec 4,2 milliards d’euros pour les énergies renouvelables, 800 millions d’euros pour le fonds Chaleur et 1,5 milliard d’euros pour le nucléaire. Il y a donc un alignement entre les objectifs et les moyens.
Je me joins toutefois aux interrogations sur le financement du nucléaire. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, les fameux « contrats pour la différence », ces contrats à prix garantis par l’État qui auraient vocation à financer le nouveau nucléaire français. Vous vous interrogez dans votre rapport sur le bon niveau de prix qui devrait être fixé, mais sans apporter de réponse.
Trois remarques à ce sujet. D’abord, nous sommes face à une contradiction : EDF nous demande de relever ses tarifs pour financer le nouveau nucléaire, mais nous avons besoin de prix de l’électricité accessibles pour les consommateurs.
Ensuite, la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, qui a rapporté 5 milliards d’euros entre 2022 et 2023, devrait être reconduite en 2024. Elle permettra, par le biais du bouclier tarifaire, de compenser une partie des prix encore élevés.
Enfin, l’accord trouvé avec nos voisins européens la semaine dernière constitue une belle victoire de la France pour financer le renouveau de son parc nucléaire. Toutefois, la question du prix demeure : quel est le niveau qui permet la réalisation des investissements nécessaires tout en restant juste pour le consommateur ? Quelles sont vos réflexions à ce sujet ?
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je comprends vos interrogations, mais je ne suis pas compétent pour calculer le juste prix du mégawattheure compte tenu du coût d’amortissement de notre parc nucléaire. Il y a des personnes beaucoup plus expertes que moi.
Pour le moment, les contrats pour la différence ne sont qu’une piste. On nous dit qu’un accord a été trouvé entre la France et l’Allemagne, mais le Parlement européen devra également se prononcer. La fixation d’un prix n’interviendra donc que dans un deuxième temps. Un prix de 60 euros le mégawatt a été évoqué, mais celui-ci ne concerne que le fonctionnement du parc existant et les travaux à réaliser dans les centrales actuelles. Il n’intègre pas les nouveaux programmes nucléaires, qui sont indispensables.
Comme je l’ai souligné dans mon rapport, tout cela reste assez flou. Si nous voulons accélérer en matière d’énergie nucléaire, un important travail devra être effectué, et rapidement.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Dans le contexte que nous connaissons depuis deux ans, cet avis budgétaire est presque le plus important du projet de loi de finances. Malheureusement, le débat est plutôt frustrant car les règles qui régiront les prix et les tarifs, les modes de gestion, les investissements futurs et l’évolution de l’Arenh font l’objet de négociations à Bruxelles, entre États : la représentation nationale n’y voit pas très clair. Peut‑être, monsieur le président, pourrions-nous convier Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher pour nous éclairer sur l’avancement des discussions qui viendront structurer le marché européen de l’énergie dans les prochaines années et sur la future loi de programmation sur l’énergie et le climat ?
Depuis la création de MaPrimeRénov’, mon groupe propose de la conditionner, en imposant un gain énergétique minimal de 30 % ou de deux classes énergétiques. Cela permettrait de réduire le recours au monogeste, qui est peu performant et ne permet pas de résorber les passoires thermiques.
Malgré l’augmentation des crédits cette année, nous regrettons que le dispositif subventionne moins les poêles à bois et à granulés de chauffage. En milieu rural et en montagne, le passage du fioul au bois permet en effet à la fois de faire des économies et, dans le cadre d’une rénovation à gestes multiples, d’engager la transition énergétique.
Nous nous réjouissons de l’apparition, à l’article 50 du PLF, du pilier « performance » de MaPrimeRénov’. Toutefois, pour massifier les rénovations globales, nous devrons réduire le reste à charge. Or le niveau de cofinancement qui est proposé actuellement n’est pas suffisant. Le bilan de l’Anah montre que seuls les ménages aisés réalisent, parmi les trois principaux gestes financés, les travaux les plus performants mais aussi les plus coûteux. Nous proposerons donc un amendement qui permettra de financer 125 000 rénovations globales avec un taux moyen de prise en charge de 50 %.
Je souhaite aussi vous alerter sur l’insuffisance des moyens alloués au chèque énergie. Non seulement le nombre de bénéficiaires demeure trop faible, mais l’évolution de son montant ne permet aucunement de faire face à l’évolution des prix. Nous proposerons donc une revalorisation de l’enveloppe prévue pour 2024.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous appelez, dans la partie thématique de votre rapport, à maintenir les aides d’urgence et à supprimer le seuil des 36 kilovoltampères. Un texte est en cours de navette à ce sujet. J’espère que votre groupe le soutiendra.
M. le président Guillaume Kasbarian. Votre suggestion d’auditionner la ministre me paraît tout à fait pertinente. Nous avons de nombreux sujets énergétiques à aborder avec elle, nous pourrions le faire en novembre.
M. Thierry Benoit (HOR). Au sein de cette mission, je me suis intéressé à tous les organismes que les gouvernements successifs ont créés depuis quelques années. Historiquement, nous avions l’Agence de la transition écologique (Ademe). Sont apparus ensuite la direction générale de l’énergie et du climat, le Haut Conseil pour le climat et le dernier né, le fameux Secrétariat général à la planification écologique. Monsieur Antoine Pellion, qui y a été nommé, a eu besoin de s’entourer de compétences et a fait appel à Mme Barbara Pompili, ancienne députée et ancienne ministre.
Cet enchevêtrement d’organismes multiplie les complexités et les financements. À une époque où l’État manque d’argent pour l’hôpital, pour les personnes âgées ou handicapées, pour l’école, pour la justice, est-ce raisonnable ? Plus on avance, plus le nouveau monde se coule dans le moule de l’ancien. Toutes ces structures sont-elles vraiment au service des causes qui leur sont confiées, ou servent-elles à recycler des personnalités politiques désireuses de se mettre à l’abri ?
Dans le domaine de l’énergie, nous disposons depuis longtemps des plateformes territoriales de rénovation énergétique. Nous cherchons à améliorer l’efficacité du service public de l’énergie, mais MaPrimeRénov’ est d’une complexité extrême. Nos permanences parlementaires se sont transformées en agences d’aide pour mener une rénovation énergétique !
Quel est votre point de vue concernant cette nécessaire simplification et le nombre de structures qui abritent – j’utilise ce mot à dessein – des personnes qui nous coûtent probablement très cher et qui rendent peu de comptes à la représentation nationale ?
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre point de vue. Nous devons prendre garde à la multiplication de ces agences d’État, qui absorbent beaucoup de crédits et de postes budgétaires. Vous trouverez en page 9 de mon rapport le coût des instances externes. Le budget de fonctionnement du Conseil supérieur de l’énergie est de 250 000 euros, celui du Haut Conseil pour le climat de 540 000 euros, et il y a encore le Secrétariat général à la planification écologique, sans même parler de l’Ademe… Au final, l’addition devient très significative. J’ai donc suggéré de rationaliser le tout et de rassembler les expertises. Des regroupements nous permettraient de faire des économies, probablement sans nuire à la qualité des avis rendus. Nous devons œuvrer en ce sens.
M. le président Guillaume Kasbarian. À titre personnel, je rejoins à la fois ce constat et cette demande, qui dépasse d’ailleurs la question énergétique. Nous avions commencé cet exercice de rationalisation en 2020 avec la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dont toute la première partie permettait de dissoudre ou fusionner des comités, hauts conseils, conseils supérieurs, hautes autorités et autres. Malheureusement, c’est un peu comme le tonneau des Danaïdes : quand vous videz d’un côté, cela se remplit de l’autre !
Pour les ministères qui relèvent de notre commission, nous pourrions demander aux ministres d’effectuer une revue de ces structures. Connaissant leur nombre, nous pourrions réfléchir à des mécanismes d’optimisation et de rationalisation. Je m’engage à évoquer le sujet avec les ministres concernés.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Accélérer la transition écologique et sociale apparaît plus urgent que jamais. La crise que nous avons vécue l’hiver dernier, avec l’augmentation des factures énergétiques, la crainte d’une panne du parc nucléaire ou les risques d’une rupture d’approvisionnement en raison du conflit en Ukraine, en témoigne. Les budgets que nous examinons aujourd’hui devraient avoir comme seul objectif la transformation de nos modes de vie et de la production d’énergie, afin de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, de baisser nos émissions de CO2, de protéger les Français face à la fluctuation des prix et d’améliorer la qualité de vie.
Nous avons besoin d’une loi de programmation énergie climat qui nous assure un cadre stable, une orientation claire et une politique assumée. Nous devons investir dans une diversification et un verdissement de nos modes de production, mais nous devons surtout changer de paradigme et faire de la réduction de la consommation d’énergie le nouveau pivot de la politique publique française.
Monsieur le rapporteur pour avis, nous ne partageons pas l’ensemble de vos recommandations, mais votre rapport a le mérite de mettre en évidence les faiblesses de ce budget, les contradictions du Gouvernement et le décalage qui existe entre ses promesses et ses actes.
La rénovation énergétique devrait être l’une des priorités nationales, à la fois pour relever le défi climatique et pour lutter contre la précarité énergétique, puisque le bâtiment est le quatrième secteur le plus émetteur de CO2 et coûte aux Français en moyenne 1 600 euros par an en énergie. Malheureusement, nous constatons un fossé abyssal entre les crédits prévus dans ce budget et les grandes annonces du Gouvernement. Seulement 916,3 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à MaPrimeRénov’, ce qui est loin du montant de 1,6 milliard d’euros promis par la Première ministre. C’est très insuffisant pour passer des 66 000 rénovations globales recensées l’année dernière aux 370 000 par an prévues jusqu’en 2030, comme notre collègue Marjolaine Meynier-Millefert et moi-même l’avons relevé dans notre rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Cet objectif ne sera pas atteint sans une massification des aides. Pour le moment, le compte n’y est pas.
Le groupe Écologiste a déposé différents amendements tendant à mettre en cohérence le budget avec les annonces qui ont été faites en matière de rénovation énergétique. Nous ne pouvons pas imaginer que le Gouvernement ait menti à propos d’enjeux aussi cruciaux. Je compte donc sur des votes positifs pour lui permettre de tenir sa parole.
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les libéraux se sont vraiment jetés sur la révision générale des politiques publiques comme la vérole sur le bas clergé. Leur réaction, face à la crise de l’énergie, consiste à installer de nouvelles instances leur permettant de récupérer des postes ! Or, pour assurer une vraie bifurcation écologique, réussir la rénovation thermique des logements, développer les transports publics ou le fret ferroviaire, nous devons nous doter d’outils et de politiques publiques efficaces.
La ministre se félicite de l’accord conclu à l’échelle européenne, qui serait inédit et historique. Son audition sera nécessaire, d’autant plus que le 49.3 va nous priver de tout débat en séance. Pour le moment, ce qui a été obtenu reste flou. J’ai le sentiment que rien ne nous permettra de préserver durablement la facture électrique des usagers et le financement de notre mix énergétique. Cette réforme va surtout ajouter du marché au marché ! En complément des prix spot ou à terme, de nouveaux dispositifs seront mis en place, comme les contrats de vente directe d’électricité, les contrats pour la différence et peut-être un prix plafond pour chapeauter le tout… Bref, nous allons créer une usine à gaz qui ne nous dit pas comment nous allons sortir de l’Arenh, ce qui est pourtant nécessaire.
Cet accord dont tout le monde se réjouit donnerait la possibilité, en cas de crise, de revenir aux tarifs réglementés de l’énergie au bout de six mois, si les prix ont atteint un niveau 2,5 fois supérieur à celui constaté au cours des cinq dernières années. Qu’attendons-nous pour que le Parlement vote le retour aux tarifs réglementés, qui constituent le seul bouclier tarifaire qui vaille pour protéger les habitants et l’économie réelle de l’explosion des coûts de l’énergie ? J’aimerais que nous évoquions ce sujet au moment de l’examen du budget. Tout le reste ne sert qu’à amuser la galerie.
M. David Taupiac (LIOT). Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie disait hier que la transition vers l’énergie propre était en cours dans le monde entier et que rien ne pourrait l’arrêter. La question n’est plus de savoir si elle se fera, mais dans quels délais. Le même constat peut être fait à l’échelle nationale : le défi n’est plus de convaincre de la nécessité de changer de modèle énergétique, mais d’accélérer nos efforts pour décarboner le plus rapidement possible notre économie.
Les crédits relatifs à l’énergie ne permettront malheureusement pas d’engager l’accélération nécessaire. En matière de rénovation énergétique, nous sommes loin de l’objectif de 700 000 rénovations complètes par an fixé par la stratégie nationale bas-carbone à l’horizon 2030. En 2022, elles n’ont été que 65 939, selon les chiffres de l’Anah. Le Gouvernement a annoncé que MaPrimeRénov’ bénéficierait de 1,6 milliard d’euros en autorisations d’engagement supplémentaires en 2024 : ce n’était déjà pas suffisant pour opérer un changement d’échelle, et il y manque 700 millions d’euros.
Les nouvelles modalités d’octroi de MaPrimeRénov’ vont en revanche dans le bon sens, pour plus de rénovations d’ampleur et moins de monogestes. Toutefois, la question du reste à charge demeure. Un foyer au revenu de 25 000 euros ne s’engagera pas dans des travaux massifs qui lui coûteront 10 000 euros, même avec un prêt à taux zéro, d’autant qu’en cette période d’inflation, la capacité d’endettement des ménages est particulièrement réduite. Quant aux foyers de la classe moyenne, on attend d’eux qu’ils avancent des montants parfois équivalents à leurs revenus annuels, ce qui semble peu réaliste.
La faculté donnée à l’Anah de valoriser elle-même les aides relevant des certificats d’économie d’énergie (CEE), sans démarche de la part des ménages, est un premier pas vers la simplification du parcours de financement. Mon groupe propose toutefois de franchir une étape supplémentaire en créant une banque de la rénovation qui centraliserait l’ensemble des dispositifs.
Concernant l’électrification du parc de véhicules, le bonus écologique et la prime à la conversion évoluent positivement. Nous devons cependant être réalistes : les véhicules électriques restent trop chers pour une grande partie des ménages. Le leasing social est évoqué pour les plus modestes, mais avec un public cible trop restreint. Nous souhaiterions en outre connaître le coût total du dispositif pour les finances publiques.
En dépit de quelques avancées en matière de rénovation énergétique et de mobilité, les crédits de cette mission nous laissent dubitatifs, si ce n’est critiques.
M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Jean-Pierre Vigier (LR). Monsieur le rapporteur pour avis, vous déplorez à juste titre la réduction des dotations consacrées aux mesures de protection des consommateurs en matière de factures énergétiques. Il aurait été préférable de conserver ces dispositifs, afin de pouvoir les réactiver rapidement en cas d’emballement des prix.
Quant aux aides destinées aux entreprises, elles laissent beaucoup d’entre elles dans l’incertitude. Le fameux seuil des 36 kVa qui conditionne l’accès aux tarifs réglementés de vente discrimine certaines TPE, ainsi que de petites collectivités. Dans quel délai pouvons-nous espérer sa suppression ? Il y a urgence. Il y va de la survie de nombreux boulangers, restaurateurs, hôteliers, tous ces commerçants et petits artisans qui ont vu leur facture multipliée par trois, voire davantage.
M. André Villiers (HOR). Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, les prix qu’ont atteint le gaz et l’électricité : 275 et 500 euros, ce sont des niveaux explosifs.
La distribution monopolistique des énergies gazière et électrique a longtemps relevé de tarifs réglementés. C’est notre histoire nationale. L’ouverture à la concurrence, y compris du marché des particuliers, génère une inquiétude légitime dans le pays, malgré le dispositif de bouclier tarifaire. Une augmentation des tarifs de l’électricité de 10 à 20 % au début de 2024 a été annoncée par la CRE, démentie par le ministre des finances. Qu’en est-il ?
Réseau de transport d’électricité a tracé le chemin, en privilégiant un mix énergétique composé du nucléaire et des énergies renouvelables. L’Assemblée nationale a adopté un texte relatif à l’accélération de la production de ces dernières. Où en sommes-nous de nos objectifs ?
M. Julien Dive (LR). Dans ce budget, nous regrettons le manque de mesures destinées à soutenir le développement des énergies biosourcées. Au nom de la décarbonation de l’agriculture, le Gouvernement a souhaité augmenter la fiscalité sur le gazole non routier, mais aucun moyen n’est alloué à l’accompagnement de la conversion. Que pouvez-vous nous dire des efforts faits en faveur du développement des carburants biosourcés pour les particuliers, comme l’éthanol et le diester ?
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’ai une question qui ne relève pas de la commission, mais, puisque le 49.3 nous prive de tout débat, vous pourrez certainement m’apporter une réponse. La décision a été prise d’exonérer du paiement de la taxe foncière les bailleurs sociaux qui investissent dans la rénovation thermique. Je ne critique pas cette mesure, qui encourage la transition écologique. Malheureusement, selon Villes de France, qui rassemble des villes moyennes, le Gouvernement n’a accordé aucune compensation aux communes, qui se retrouvent donc privées de ces recettes pendant vingt-cinq ans. Vous pourrez vérifier mes propos. Ces méthodes sont l’illustration parfaite de nos dysfonctionnements.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Optimisation ou rationalisation sont des mots qui sonnent bien dans un projet libéral. Ils sont utilisés dans de nombreux domaines, y compris pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et réduire notre consommation. En revanche, les appliquer à des organismes qui n’ont pas assez de moyens pour gérer les missions qui leur sont confiées me paraît hasardeux. Est-il judicieux d’évoquer la suppression du Haut Conseil pour le climat dans la période actuelle, alors que nous n’avons pas de loi de programmation énergie-climat et que le réchauffement climatique est la troisième préoccupation des Français ? Quant à l’Ademe, elle a certes connu une crise de gouvernance, mais qui est liée à la procédure de nomination de son président. Le travail engagé par ces différentes agences est fondamental. En outre, leurs moyens sont stables, alors que les enjeux à venir ne feront qu’accroître leur charge de travail.
M. le président Guillaume Kasbarian. La question de l’optimisation des moyens n’est pas le monopole des libéraux, à moins de penser que les communistes ou les socialistes ne sont pas attachés au bon usage de l’argent public. Vérifier l’utilisation qui est faite des fonds publics, notamment en nous assurant que les structures qui sont créées par les différents ministères fonctionnent correctement et ne sont pas redondantes, me semble faire partie de nos missions. Nous devrions être capables de trouver un terrain d’entente à ce sujet, qui n’a rien d’idéologique.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Quand nous avons commencé les discussions avec le Gouvernement, fin août, tous les dispositifs protecteurs devaient avoir disparu en 2024. Les prix de l’électricité devant rester élevés toute l’année, nous pouvons nous réjouir que le bouclier ait finalement été maintenu.
Même si elle n’est pas encore inscrite dans le budget, nous avons également obtenu l’avancée concernant l’amortisseur pour les PME ayant conclu leur contrat d’électricité à des prix très élevés. C’est une mesure de protection indispensable, qu’il faudra peut-être prolonger pour 2025, car certaines entreprises se sont engagées sur trois ans. Nous restons vigilants sur ce dispositif.
Concernant le seuil des 36 kVa, nous avons été nombreux à demander sa suppression. Quand les boulangers nous ont alertés, nous avons constaté que cette limite était une spécificité française, apparemment héritée des tarifs « jaune » et « bleu ». Nous devons revoir le système pour prendre en compte la nature du client au lieu de la puissance souscrite. Certaines toutes petites entreprises peuvent en effet avoir des besoins importants, notamment lorsqu’elles utilisent des fours. Nous avons interpellé le ministère et la CRE : celle-ci a besoin de six mois de travail pour réajuster le dispositif. Tant que nous n’aurons pas obtenu de garanties, nous devrons continuer à faire pression.
Pour ce qui est de l’évolution des prix, j’ai effectivement entendu la CRE annoncer une hausse de 10 à 20 % en 2024. Toutefois, la tendance actuelle sur les marchés est plutôt à la baisse. Le Gouvernement table sur une augmentation maximale de 5 %, ce qui est une bonne nouvelle pour les usagers.
Je partage l’avis de notre collègue Julien Dive à propos des carburants biosourcés. Certaines expérimentations donnent des résultats très satisfaisants. En Normandie par exemple, le train Paris-Granville roule au colza, dont le processus de fabrication donne aussi des tourteaux qui sont indispensables pour nos éleveurs. Nous devons encourager ces initiatives. Le Gouvernement pourrait également se mobiliser davantage en faveur des biofiouls, qui sont composés de 30 % de végétaux, et demain le seront à 100 %. Or le fioul reste le mode de chauffage principal dans les territoires ruraux. Inciter à l’utilisation d’énergies biosourcées, notamment grâce à la fiscalité, serait une bonne chose et je regrette que l’approche du Gouvernement ne soit pas un peu plus innovante sur ce sujet.
Article 35 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CE200 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, II-CE199 de M. Matthias Tavel et II-CE252 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). L’amendement II-CE200 vise à rétablir l’amendement voté en séance publique l’année dernière pour augmenter les crédits alloués à la rénovation énergétique de 12 milliards d’euros et que le Gouvernement avait balayé en utilisant le 49.3. Il s’agit donc de faire respecter la volonté de l’Assemblée nationale.
Une augmentation de 12 milliards d’euros peut sembler importante, mais elle est nécessaire pour répondre aux besoins climatiques et sociaux. Elle permettra en outre de créer de l’activité économique dans le secteur de la rénovation des logements. Il s’agit donc d’un investissement au service du dynamisme de notre pays.
Accessoirement, cette somme ne représente que la moitié des profits cumulés d’Engie et de TotalEnergies en une année. C’est donc un amendement parfaitement raisonnable que je vous invite à voter.
L’amendement II-CE199 est un amendement de repli à 2 milliards d’euros, ce qui est très peu en comparaison des besoins.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement II-CE252 se fonde sur des recommandations du rapport d’information sur la rénovation énergétique pour rendre le budget conforme aux annonces gouvernementales.
Il est important de ne pas augmenter de manière trop brutale les aides, pour éviter de créer des bulles spéculatives. La montée en charge doit, au contraire, être progressive, y compris pour permettre à la filière de s’adapter.
Conformément aux montants annoncés par le Gouvernement, nous proposons de porter le budget alloué à MaPrimeRénov’ à 4,5 milliards d’euros dès 2024, soit une hausse de 1,6 milliard d’euros, comme promis, au lieu de 916,3 millions d’euros.
Comme nous l’avons souligné dans notre rapport, qui a été adopté par l’ensemble des membres de cette commission, un peu moins de 66 000 rénovations globales ont été réalisées en 2022, pour un objectif de 370 000 par an jusqu’en 2030. Pour être réaliste, le Gouvernement a ramené l’objectif à 200 000 pour 2024, ce qui ne sera possible que si l’on dégage les crédits correspondants.
Cet amendement, qui est également défendu par ma corapporteure du groupe Renaissance, devrait faire l’objet d’un consensus, puisqu’il consiste simplement à se donner les moyens d’avancer en matière de rénovation énergétique des logements, sujet crucial pour protéger les Français face à la hausse du prix de l’énergie.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je regrette comme vous que l’augmentation des crédits n’atteigne pas 1,6 milliard d’euros dans ce budget. Les montants que vous proposez sont toutefois très élevés, voire irréalistes. Vous savez bien que le Gouvernement ne lèvera pas le gage pour de telles sommes. Avis défavorable aux trois amendements.
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). La frilosité du rapporteur pour avis n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous sommes face à une urgence climatique, car les passoires thermiques génèrent des gaz à effet de serre, mais aussi face à une urgence sociale.
Notre collègue Thierry Benoit évoquait tout à l’heure ses permanences parlementaires : les miennes ne désemplissent pas ! Beaucoup de gens ne sont plus mesure de payer leur loyer, leur facture d’électricité, leur alimentation… Ils n’ont plus de cran pour se serrer davantage la ceinture ! Les communes, les centres communaux d’action sociale ont élaboré des dispositifs d’aide, mais ils ne suffisent pas. C’est la double peine : les plus pauvres sont aussi ceux qui habitent le plus fréquemment dans les passoires thermiques.
M. Antoine Armand (RE). Le combat pour la rénovation des logements n’est pas politicien et mérite d’être pris au sérieux. Je salue d’ailleurs le travail de nos collègues Laernoes et Meynier-Millefert.
Pour être efficace, il faut objectiver les choses. Or les chantiers doivent donner lieu à un accompagnement personnalisé, être réalisés par des artisans formés, répartis sur tout le territoire… Avancer des montants de 12 milliards d’euros est totalement irresponsable et n’a aucun sens. Puisque vous avez travaillé le fond du sujet, je suppose que vous ne le faites que pour vous faire mousser médiatiquement. Évidemment, nous voterons contre.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CE251 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Les précédents amendements n’ont pas été mis aux voix de façon totalement correcte. J’estime que l’Assemblée n’a pas été assez éclairée. L’amendement que je présentais ne proposait pas une augmentation de 12 milliards d’euros, mais visait seulement à traduire dans le budget les annonces du Gouvernement, ce qui représente une hausse de 770 millions d’euros. Il s’agit d’un amendement de bon sens, déposé en accord avec le groupe Renaissance.
Je regrette que le rapporteur pour avis, qui pointait également ce décalage dans son rapport, ait donné un avis défavorable. Il aurait pu rendre un avis favorable, car cet amendement n’aurait pas déséquilibré le budget. Notre proposition n’entraînait pas de révolution, puisqu’elle restait conforme aux annonces du Gouvernement.
L’amendement II-CE251 concerne les aides octroyées dans le cadre du fonds Chaleur. L’année dernière, celles-ci ont été consommées en cinq mois. Or elles ont des effets immédiats sur la réduction de notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Nous proposons donc d’augmenter les crédits de 200 millions d’euros, pour atteindre un montant total de 1 milliard d’euros.
M. le président Guillaume Kasbarian. S’agissant de la procédure, j’ai appliqué les mêmes règles que d’habitude : un orateur pour l’amendement, un contre.
Par ailleurs, la présentation que vous venez de faire ne correspond pas à l’amendement II-CE251. Le rapporteur pour avis va donner sa position sur ce dernier, et vous pourrez reprendre la parole ensuite.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je ne fais pas preuve de frilosité, mais de lucidité. Les annonces de la Première ministre étaient de la communication. Nous ne devons pas tomber dans ce piège. Les autorisations d’engagement de MaPrimeRénov’ sont une chose, mais seulement la moitié des crédits inscrits l’année dernière ont été consommés ! On peut se faire plaisir en inscrivant dans le budget des sommes folles, mais cela reste de l’affichage, puisqu’elles ne sont pas utilisées. Comme cela a été souligné, les professionnels du bâtiment ne vont pas pouvoir suivre, parce qu’ils font face à des pénuries de main-d’œuvre et de matériaux.
L’amendement II-CE251 vise à financer une mission de préfiguration d’une banque de la rénovation énergétique. J’émets un avis défavorable, car le programme 174 permet déjà la prise en charge d’études en matière de politique de l’énergie.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Pardon pour la confusion entre les amendements. La rénovation des logements nécessite des subventions et des aides publiques, mais également des financements privés. Or nous avons constaté dans notre rapport que ces derniers étaient difficiles à obtenir, car les banques ne jouent pas le jeu. Cet amendement d’appel ne pèse pas sur le budget, mais permettrait de travailler à la création d’une banque de la rénovation. Puisque nous ne pouvons plus reculer devant la nécessité de réduire la consommation énergétique de nos logements, nous essayons de trouver des solutions.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CE201 de M. Matthias Tavel et II-CE277 de Mme Marie‑Noëlle Battistel
M. William Martinet (LFI-NUPES). Le calendrier des obligations de performance énergétique à respecter pour mettre en location des logements est contesté au sein de la Macronie. À La France Insoumise, nous considérons que plutôt que de remettre en cause les échéances, nous devons nous donner les moyens de les respecter.
L’amendement II-CE201 vise à cibler les subventions et les aides sur les propriétaires bailleurs modestes afin qu’ils puissent réaliser les travaux nécessaires et continuer à louer leurs logements. Il répond ainsi à des objectifs écologiques et sociaux, mais aussi sanitaires. Car vivre dans une passoire thermique, où il fait trop froid l’hiver et trop chaud l’été, constitue un risque pour la santé. Des études montrent la surmortalité liée à ces conditions de vie.
Écologiques, sociales et sanitaires, les raisons d’accélérer la rénovation des logements sont suffisamment nombreuses pour lui octroyer des moyens importants.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il faut en effet accompagner l’interdiction de location des passoires thermiques en créant une aide spécifique pour les rénovations qui permettent d’atteindre un niveau bâtiment basse consommation (BBC) ou équivalent. Celle-ci serait ciblée sur les propriétaires bailleurs d’un logement de la classe F ou G, dont le niveau de revenu est compris entre les premier et quatrième déciles. Cette prime additionnelle, versée par l’Anah, permettrait de supprimer tout reste à charge.
La location des logements énergivores est déjà interdite pour la fraction des logements les plus consommateurs de la classe G, soit 191 000 logements. Les prochaines échéances sont fixées à 2025 pour le reste de la classe G, 2028 pour la classe F et 2034 pour la classe E.
Les propriétaires bailleurs privés, en particulier les plus modestes – qui possèdent 167 000 logements – ont besoin d’un soutien financier et d’un accompagnement accrus. Depuis la disparition du crédit d’impôt pour la transition énergétique, il est nécessaire de rendre plus attractives les différentes aides et primes versées par l’Anah.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. J’aurais pu soutenir ces amendements, parce que je considère que les propriétaires bailleurs sont souvent mal traités dans les dispositifs de l’Anah et les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah). Si j’avais pu les sous-amender, j’aurais ouvert cette aide à l’ensemble des propriétaires bailleurs. Ne pouvant pas le faire, je donne un avis défavorable. Les volumes de crédits envisagés sont de toute façon trop élevés pour espérer lever le gage.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vous dites à la fois que les crédits sont trop élevés et que vous seriez favorable à un dispositif encore plus large. N’y a-t-il pas là une petite contradiction ?
Dans nos amendements, nous avons fait le choix de cibler la mesure de deux manières. Tout d’abord, elle ne s’appliquerait qu’aux passoires thermiques devenant des logements BBC. Les exigences en matière de performance énergétique sont donc très fortes. Par ailleurs, elle serait réservée aux propriétaires bailleurs les plus modestes – alors que nous sommes souvent accusés de ne pas être sensibles à leur sort.
Un dispositif qui s’adresserait à tous les propriétaires bailleurs pourrait s’accompagner d’effets d’aubaine et engagerait des dépenses déraisonnables. Je vous invite donc à émettre un avis de sagesse sur cet amendement très ciblé.
M. Antoine Armand (RE). Accuser notre majorité de remettre en cause l’interdiction des passoires thermiques alors que c’est précisément elle qui l’a voulue, c’est une certaine mauvaise foi.
En quatre ou cinq amendements, je constate que les amendements de la NUPES auraient déjà engagé une quinzaine de milliards d’euros de dépenses supplémentaires, qui se seraient immédiatement ajoutés à notre déficit alors que de très nombreuses aides existent déjà en matière de rénovation des logements. Lors de l’examen d’un PLF, il faut savoir garder une certaine responsabilité budgétaire.
La commission rejette les amendements.
Amendements II-CE276 de Mme Marie-Noëlle Battistel et II-CE202 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune)
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mon amendement vise à faire financer par l’Anah 125 000 rénovations globales en 2024 avec un taux moyen de cofinancement de 50 %.
Depuis sa création, MaPrimeRénov’ n’est pas assez exigeante sur le plan des gains énergétiques. Elle favorise principalement les monogestes et incite les ménages modestes ou intermédiaires à choisir les gestes les moins coûteux, qui sont aussi les moins efficaces du point de vue de la performance thermique.
L’isolation n’a représenté que 21 % des travaux subventionnés, contre 20 % pour l’acquisition de poêles à granulés. Le changement de mode de chauffage représente au total 70 % des dossiers. Il contribue évidemment à réduire la consommation énergétique, mais il n’est pas aussi efficace que l’isolation.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). L’amendement II-CE202 est un peu facétieux : il sollicite une augmentation de 1 euro symbolique des crédits alloués à la rénovation énergétique.
Nous considérons que le compte n’y est pas et regrettons que le débat ne puisse pas avoir lieu en séance. Au moins pour les petits propriétaires, au moins pour les passoires thermiques, il y a un effort budgétaire à faire. Or la promesse de 1,6 milliard d’euros supplémentaire faite par la Première ministre ne se retrouve pas dans les documents budgétaires. Alors, voyons si un effort de 1 euro est autorisé en Macronie ou si c’est déjà trop !
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. Le niveau des restes à charge notamment est décourageant. Je dois néanmoins émettre un avis défavorable à cause des montants de ces amendements, le premier très élevé, pour lequel le gage ne pourra être levé, et le second… facétieux !
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il ne faudrait quand même pas que notre collègue Nury se prenne pour le ministre ! Ce n’est pas à lui de décider si le gage sera levé, d’autant que nous avons proposé des recettes supplémentaires pour ce budget.
À Dieppe, nous avons mené onze opérations programmées d’amélioration de l’habitat, pour rénover des logements sur le plan thermique et conserver en cœur de ville des populations modestes dans des conditions de logement dignes. Nous constatons que le reste à charge est un frein. Nous n’atteindrons pas nos objectifs si nous n’augmentons pas les financements.
Comme l’a dit l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, le logement constitue la bombe sociale de demain. Si nous laissons des logements sortir du parc faute de nous donner les moyens de les rénover, nous ne ferons qu’aggraver la situation.
M. Thibault Bazin (LR). Les avis émis par le rapporteur pour avis traduisent une écologie à la fois réaliste et pragmatique. Les causes qui sont défendues par ces amendements sont légitimes, mais il est difficile d’acter une modification budgétaire de 1 milliard d’euros. C’est une réalité politique.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Sans me prendre pour ce que je ne suis pas, je remarque que les propos de notre collègue Jumel pourraient laisser penser que seul le ministre doit se préoccuper de l’état des finances publiques. Or je considère que les députés aussi doivent se montrer responsables. Quand il est question de créer une dépense de 1 milliard d’euros, heureusement que les parlementaires sont vigilants ! Sinon, voulez-vous que nous proposions des budgets qui ne sont pas à l’équilibre, démagogiques, en disant que c’est de toute façon l’affaire du ministre ? Ce n’est pas ma façon de concevoir le rôle du législateur.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CE258 de Mme Julie Laernoes et II-CE284 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement II-CE258 ne déstabilisera pas les finances publiques et ne creusera pas la dette de manière excessive, puisqu’il consiste à dégager 545 millions d’euros pour le tiers des ménages français qui vivent en copropriété.
Beaucoup de copropriétés ont été construites dans les années 1970, avant l’entrée en vigueur de la réglementation thermique, à une époque où il fallait écouler une électricité nucléaire à bas coût. Il est parfois difficile d’obtenir des décisions collectives pour rénover ces logements souvent peu isolés.
Nous souhaitons relever le plafond des travaux de 25 000 à 40 000 euros par copropriétaire, pour tenir compte du coût réel des chantiers et réduire le reste à charge. Nous proposons aussi de multiplier par dix la bonification BBC, qui est beaucoup trop faible pour être incitative – or, puisque de nouveaux travaux n’auront pas lieu avant longtemps, autant engager directement une rénovation performante. Enfin, la bonification accordée aux ménages modestes et très modestes doit être revue, car son montant est trop faible pour leur permettre de financer le reste à charge et de passer à l’action. En outre, son caractère forfaitaire conduit à pénaliser les propriétaires de grands logements.
L’enveloppe que nous demandons est, vous en conviendrez, assez modeste, pour un enjeu prioritaire. La décision d’une copropriété permet, à l’occasion d’un même chantier, d’améliorer la performance énergétique de beaucoup de logements.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement II-CE284 est proposé par le collectif Alerte. Il vise à majorer les crédits alloués à l’Anah de 545 millions d’euros. J’espère que le rapporteur pour avis ne trouvera pas cela démesuré.
L’objectif est d’augmenter les moyens dédiés à MaPrimeRénov’ dans les copropriétés, qui restent un point noir, et de favoriser des rénovations beaucoup plus performantes. Comme le préconise le rapport Firéno, publié par l’Ademe, l’obtention de l’aide serait réservée aux rénovations qui atteignent les classes A ou B du diagnostic de performance énergétique ou à la réalisation dans les parties communes des six postes de travaux mentionnés dans la loi.
Les aides publiques à la rénovation énergétique destinées aux copropriétés sont parmi les seules à tendre vers une approche globale. Des économies d’énergie d’au moins 35 % sont par exemple exigées pour bénéficier de MaPrimeRénov’ Copropriétés. Il nous semble important de les favoriser. Notre amendement n’est pas si ambitieux que ça et tout à fait réaliste.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il s’agit tout de même d’un demi-milliard d’euros. Par ailleurs, les copropriétaires peuvent solliciter un prêt à taux zéro pour financer ces travaux. En outre, rien n’interdit au Gouvernement d’expérimenter, à budget constant, l’efficacité d’un renforcement de MaPrimeRénov’ Copropriétés. Pour ces raisons, avis défavorable.
M. Antoine Armand (RE). David Amiel a effectivement déposé un amendement, voté en commission des finances, qui prévoit un prêt à taux zéro pour les copropriétés. Par ailleurs, l’enveloppe actuelle de l’Anah pourra être davantage orientée en leur faveur le cas échéant. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Rien n’interdit d’abonder la rénovation des copropriétés, bien sûr, mais nous savons bien qu’à enveloppe constante, le nombre total de logements rénovés sera limité. Ce n’est pas une réponse acceptable.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Comme je l’ai déjà dit, nous ne dépensons chaque année que la moitié des crédits provisionnés pour MaPrimeRénov’. Il ne sert à rien de vouloir les augmenter, commençons par les dépenser ! Je partage votre objectif d’accélérer la rénovation des logements, mais je ne comprends pas votre posture.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CE259 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement II-CE259 concerne l’accompagnement des ménages. Nous avons eu beaucoup d’inquiétudes quant à l’avenir des espaces conseil France Rénov’. Jusqu’à l’été, nous ne savions pas si le service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare) aurait les moyens de poursuivre son activité en 2024. Nous avons besoin d’une visibilité pluriannuelle dans ce domaine.
Dans notre rapport, nous avions souligné la nécessité de disposer d’un service d’accompagnement gratuit et indépendant. Aujourd’hui, notre modèle privilégie la quantité au détriment de la qualité, ce qui peut conduire à prioriser les ménages qui ont les moyens de financer leurs travaux, qui comprennent les enjeux et les explications qui leur sont données et qui sont prêts à passer à l’acte, car ces dossiers sont plus simples et prennent moins de temps. Nous devons réformer ce système afin de ne pas mettre de côté les ménages les plus modestes ou les situations les plus complexes. Dans un service public, il n’est pas possible d’effectuer un tel tri.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation quant à la continuité du Sare. Tout le monde souhaite qu’il se poursuive. Dans les territoires, ce sont souvent les régions, les départements et les intercommunalités qui sont appelés en renfort pour le suivi et l’animation.
Votre proposition coûterait 270 millions d’euros et serait financée en prenant sur les crédits alloués au réseau ferroviaire et au biométhane. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Avis défavorable.
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Le rapporteur pour avis et la majorité semblent très préoccupés par le montant des dépenses générées par les amendements que nous proposons pour accélérer la rénovation énergétique. Mais je rappelle qu’avec le mécanisme de l’Arenh, les fournisseurs alternatifs d’énergie ont gagné des sommes folles sur le dos d’EDF et donc des pouvoirs publics. Leurs profits indus s’élèvent à plusieurs milliards d’euros. Voyez, des solutions existent pour trouver de l’argent !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE255 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Conformément au rapport que nous avons adopté, cet amendement propose d’allouer un budget supplémentaire pour le contrôle des travaux. En effet, l’un des écueils que nous avons relevés tient au manque de confiance : celle‑ci est essentielle pour engager une rénovation. Pour massifier les travaux, l’État doit donc disposer de moyens supplémentaires pour contrôler les chantiers, fiabiliser les travaux, éviter les malfaçons et garantir la confiance dans la labellisation des professionnels « Reconnu garant de l’environnement » (RGE).
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Pour 2024, un peu plus de 8 millions d’euros y sont consacrés. Il est déjà très compliqué d’obtenir les CEE et, pour les artisans, la labellisation. Nous n’avons pas intérêt à décourager les uns et les autres. Au contraire, nous devons faire confiance à nos concitoyens et aux artisans, qui sont généralement très professionnels. Je ne souhaite pas le renforcement et la systématisation des contrôles. Avis défavorable.
M. William Martinet (LFI-NUPES). Puisque nous arrivons à la fin des amendements consacrés à la rénovation énergétique des logements, j’en profite pour interroger M. le rapporteur pour avis et ses collègues LR. Depuis le début de la discussion, nous constatons en effet un revirement par rapport à l’an dernier. Cette année, quand nous proposons d’investir massivement, comme nous l’avions fait ensemble précédemment, vous trouvez tout trop cher. Quand, à l’inverse, nous proposons des dispositifs ciblés, par exemple sur les propriétaires bailleurs modestes, vous les trouvez insuffisamment ambitieux. Et quand nos demandes sont sectorielles, par exemple pour les copropriétés, vous nous répondez que les mécanismes existants suffisent. Que voulez-vous faire réellement en matière de rénovation énergétique ?
M. Thibault Bazin (LR). Vous voulez attribuer des crédits supplémentaires alors que les enveloppes actuelles ne sont pas consommées ! Ce qu’il faut avant tout, c’est faire évoluer les modalités d’accès aux subventions. Compte tenu du problème du reste à charge, on peut d’ailleurs craindre que les évolutions apportées au dispositif réduisent encore la consommation des crédits.
Nous ne changeons pas de cap et nous sommes en désaccord avec vous. Vous voulez cibler davantage les aides quad nous pensons qu’elles doivent être plus accessibles aux classes moyennes. La discussion sera la même dans le cadre de l’examen des crédits de la mission Cohésion des territoires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE203 de M. Matthias Tavel
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je suis étonné de l’incohérence de nos collègues LR : ils nous reprochent que nos mesures soient trop générales quand elles sont générales, et trop ciblées quand elles sont ciblées ! Bref, ils se sont opposés à tous les amendements visant à accélérer la rénovation énergétique, même ceux qui étaient en faveur des copropriétés et des propriétaires bailleurs modestes.
Le présent amendement vise à augmenter les crédits prévus pour protéger les Français de la hausse des tarifs de l’électricité : après 15 % en février et 10 % en août, nous pouvons nous attendre à 10 %, voire 20 % en 2024, comme la Commission de régulation de l’énergie l’envisage et comme le Gouvernement semble bien peu motivé à s’y opposer… Nous considérons donc qu’il est nécessaire d’allouer des crédits au bouclier tarifaire et de prévoir dans le budget le maintien des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz, auquel nous sommes attachés. À ce propos, il est regrettable que le Gouvernement se plie, une nouvelle fois, aux exigences de la Commission européenne.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je comprends votre préoccupation. Le tarif réglementé de vente de gaz (TRVg) a été arrêté en juillet. Les prix de marché y étaient inférieurs, mais la question se pose pour 2024. Si nous assistions à une hausse subite du gaz, comment pourrions-nous protéger nos concitoyens ? Dans mon rapport, j’ai regretté qu’aucune ligne budgétaire ne soit prévue, mais le Gouvernement m’a répondu qu’un projet de loi de finances rectificative (PLFR) serait de toute façon nécessaire. Par ailleurs, il nous a été indiqué que le bouclier tarifaire gaz pour l’habitat collectif serait prolongé l’année prochaine, ce qui est plutôt rassurant.
Pour ces différentes raisons, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de renforcer les aides aux consommateurs de gaz en 2024.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Mais, comme vous, j’estime qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Faire figurer une ligne budgétaire dans ce PLF nous aurait permis de réagir plus rapidement en cas de flambée des prix du gaz, ce qui est important dans le contexte géopolitique actuel.
Par ailleurs, notre amendement porte également sur la question de l’électricité, pour laquelle vous n’avez pas apporté de réponse. Si la proposition de loi de Philippe Brun sur le groupe Électricité de France était adoptée, il faudrait la traduire du point de vue budgétaire. Nous proposons donc d’anticiper.
Pour financer ces mesures, nous proposons de ne pas compenser auprès des fournisseurs d’énergie le manque à gagner dû au contrôle des prix que nous appelons de nos vœux. Malheureusement, nous constatons que vous préférez, comme le Gouvernement, vider le Trésor public plutôt que de vous attaquer au trésor privé !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE206 de Mme Alma Dufour
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). J’espère que nos collègues LR seront sensibles à cet amendement qui vise à élargir le bouclier tarifaire pour les PME et les ETI, qui sont mises en danger par l’envolée des prix de l’électricité. Afin de protéger l’outil de production et l’emploi, il nous semble indispensable de prévoir, encore cette année, des dispositifs budgétaires solides pour les accompagner.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je suis moi-même très attentif à ce que les PME et les ETI soient protégées. Il faut cependant rappeler que la minoration de l’accise sur l’électricité sera prolongée en 2024. Elle bénéficiera à l’ensemble des consommateurs, particuliers et professionnels. Le ministère nous a en outre donné l’assurance verbale que l’amortisseur électricité perdurerait pour les entreprises ayant signé des contrats d’approvisionnement pluriannuels à tarifs élevés. Tant que nous n’aurons pas de précisions sur la manière dont le Gouvernement mettra en œuvre cette mesure, il me paraît prématuré d’augmenter les crédits.
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous avons voté à deux reprises, une première fois à l’initiative du groupe PS et une seconde fois à l’initiative du groupe communiste, une proposition de loi sur les tarifs réglementés, pour protéger les artisans, TPE et PME. La droite a voté ce texte – j’avais obtenu le soutien du président Olivier Marleix.
Les négociations à l’échelle européenne permettent enfin à la France de faire ce qu’elle veut en cas de crise – ce qui devrait d’ailleurs être le cas même en dehors des crises. Il faut donc prévoir des crédits budgétaires pour assurer la mise en œuvre de la proposition de loi « Brun, Jumel et Cie » qui reviendra en discussion. Je vous invite à être constants et à ne pas faire, à quelques mois d’écart, l’inverse de ce que vous avez voté en séance.
M. Antoine Armand (RE). Je m’étonne de ce type de raisonnement, surtout de la part de notre collègue Jumel, dont je connais l’attachement à l’industrie. Les prix doivent avoir un lien avec les coûts de production. C’est l’objet de la réforme du marché européen de l’électricité, qui doit permettre d’éviter une totale décorrélation. Dans un monde où nous aurions cette garantie et où nous pourrions disposer de contrats de long terme, avoir des prix administrés ne dépendant pas des capacités industrielles de notre producteur d’énergie représenterait pour ce dernier, en l’occurrence EDF, un danger énorme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE207 de Mme Alma Dufour
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). C’est le même amendement que le précédent, mais pour le gaz. Nous connaissons tous la volatilité des prix du gaz dans le contexte actuel. Il faut donc adopter une logique de prévention. Si nous voulons éviter des défaillances de PME ou d’ETI et des arrêts de production au cours de l’année, nous devons prévoir des dispositifs permettant à la puissance publique de réagir rapidement face aux chocs qui ne manqueront pas de se produire.
Contrairement à ce que vient de dire notre collègue Antoine Armand, la réforme du marché européen de l’électricité ne prévoit pas de fixer le prix de l’électricité en fonction des coûts de production. La tarification reste dépendante du coût marginal. La seule évolution est la possibilité de négocier qu’une partie de la production puisse être vendue à une partie des consommateurs à un prix différent, mais le principe global n’est pas remis en cause. Il s’inscrit toujours dans une logique spéculative à laquelle nous nous opposons.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Notre collègue nous accuse de nous contredire, mais alors qu’il vient de demander 2 milliards d’euros supplémentaires pour MaPrimeRénov’, il propose maintenant qu’on lui retire 2 milliards !
S’agissant du TRVg, il était de 56 euros le mégawatt. Or les prix de marché sont actuellement de l’ordre de 50 euros et devraient être stables en 2024. Abonder le bouclier tarifaire ne me paraît donc pas avoir de sens. Avis défavorable.
M. Antoine Armand (RE). Nous ne devons pas laisser s’installer des confusions.
Puisque l’électricité ne se stocke pas, un système de tarification marginale est indispensable pour avoir de l’électricité à tout instant. Il a été inventé par Marcel Boiteux, qui est mort récemment et auquel nous pouvons rendre hommage. Je ne crois pas qu’il s’agissait d’un dangereux ultralibéral.
Parallèlement, certains outils, comme les contrats pour la différence ou les contrats de long terme, ont été demandés par les énergéticiens, au premier rang desquels EDF. Ces outils sont nécessaires pour conclure des contrats qui reflètent les coûts de production.
Nous avons bien besoin des deux en même temps.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Notre collègue Antoine Armand nous appelle à respecter les coûts de production : je suis tout à fait d’accord, mais, dans ce cas, pourquoi avoir hésité aussi longtemps à relever l’Arenh et pourquoi les prix que nous avons votés ne sont-ils toujours pas effectifs ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE205 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à faire bénéficier du bouclier tarifaire les associations d’intervention sociale et d’urgence.
L’Insee et les associations estiment que près de huit millions de personnes relèvent de l’aide alimentaire. Les banques alimentaires pallient les carences de notre système économique et social, qui ne permet plus aux étudiants, aux enfants de familles monoparentales ou aux retraités de manger à leur faim. L’enquête de l’Insee parue en juin 2022 montre que 10 % des bénéficiaires se sont tournés vers ces associations depuis la crise sanitaire. Or celles-ci doivent faire face à des dépenses de logistique et de transport élevées et difficilement compressibles, liées à leurs chambres froides et à leurs véhicules par exemple.
Nous proposons de créer un programme Mesure d’aide exceptionnelle aux associations d’intervention sociale d’urgence et d’aide alimentaire et de le doter de 10 millions d’euros, afin d’aider ces structures à faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. La somme demandée n’est pas déraisonnable, contrairement aux précédents amendements. Toutefois, ces structures bénéficient déjà du bouclier tarifaire pour l’électricité si elles comptent moins de dix salariés, ont un bilan inférieur à 2 millions d’euros et ont un contrat de puissance inférieur ou égal à 36 kVa. Si elles dépassent ces seuils, elles seront éligibles à l’amortisseur que j’ai évoqué tout à l’heure. Mon avis n’est donc pas favorable, car cet amendement est redondant par rapport aux dispositifs existants.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je crains de ne pas partager l’optimisme du rapporteur pour avis. Il nous dit que le problème est déjà pris en charge, mais les remontées dont nous avons connaissance ne vont pas dans ce sens. Peut-être y a-t-il des difficultés d’application sur le terrain. En tout cas, conformément au principe de précaution, il nous semble préférable de voter cet amendement plutôt que d’être confrontés à des défaillances imprévues. Mieux vaut prévenir que guérir. Si le montant est faible, monsieur le rapporteur pour avis, l’intérêt est majeur !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE213 de M. William Martinet
M. William Martinet (LFI-NUPES). Il s’agit de lancer l’alerte à propos d’une discrimination qui dure depuis deux ans en matière d’énergie : les habitants de logements collectifs, qu’ils soient locataires ou propriétaires occupants, dans les copropriétés ou dans le logement social, ne bénéficient pas du même bouclier tarifaire que les autres particuliers.
Le bouclier tarifaire pour les particuliers est déjà insuffisant, et celui qui s’applique au logement collectif l’est encore davantage. Les fédérations de copropriétaires ou de bailleurs sociaux estiment qu’il existe une inégalité de traitement par rapport aux comptes individuels, qui aura des conséquences importantes lors des régularisations de charges effectuées en fin d’année. Certains montants très élevés pourront mettre les personnes concernées en grande difficulté.
Ce n’est pas une augmentation de 15 % que subissent les locataires ou propriétaires occupants du logement collectif, mais un doublement ou un triplement des prix. Nous sommes face à une véritable bombe sociale. C’est un amendement d’appel que je vous propose, mais nous menons cette bataille depuis deux ans et nous n’abandonnerons pas. Les habitants du logement collectif doivent être protégés aussi efficacement que les autres. Il n’y a pas de raison qu’ils soient discriminés et qu’ils payent leur électricité ou leur gaz plus cher.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il ne doit pas exister de discrimination entre les différents utilisateurs. Cet amendement est toutefois facétieux, puisqu’il porte sur des crédits de 1 euro, ce qui lui retire toute portée.
Les logements collectifs seront éligibles en 2024 au bouclier tarifaire ou à l’amortisseur, qui sera prolongé pour les contrats qui ont été signés il y a plusieurs mois. C’est une réponse à votre préoccupation. Avis défavorable.
M. William Martinet (LFI-NUPES). Il y a un peu plus d’un an, j’avais interpellé le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, dans cette même commission. Il avait affirmé que tout le monde était protégé par le bouclier tarifaire. Puis il s’est rendu compte que ce n’était pas le cas pour le logement collectif. Depuis, certes, les choses ont évolué : un bouclier tarifaire spécifique a été instauré pour le logement collectif.
Toutefois, ce bouclier tarifaire n’est pas aussi protecteur que celui dont bénéficient les autres clients, selon l’analyse faite par les fédérations de copropriétaires et les fédérations de bailleurs sociaux. Cette discrimination pénalise des publics qui n’ont pas les moyens de supporter des hausses importantes de leurs factures d’énergie. En effet, les habitants du logement social sont souvent des travailleurs de première ligne ou des retraités avec de petites pensions.
Il est temps de faire cesser cette discrimination. Nous sommes favorables à un retour au tarif réglementé de vente pour tout le monde : bailleurs sociaux, copropriétés, particuliers et entreprises. En tout cas, il faut agir, car cette inégalité n’est pas supportable.
M. Thibault Bazin (LR). Pour siéger dans des structures d’habitat collectif, je reconnais que nous rencontrions les difficultés que vous évoquez il y a un peu plus d’un an : certains avaient été oubliés par le dispositif. Mais des corrections ont été apportées et j’ai le sentiment que la situation s’est plutôt inversée. Les occupants du logement collectif semblent maintenant mieux protégés que les autres : leurs contrats sont souvent conclus après des mises en concurrence, ce qui permet de mieux maîtriser les prix, et des investissements ont été programmés par les bailleurs sociaux. Je ne partage pas votre constat d’un manque d’équité, ou alors de manière inversée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE225 de M. Benjamin Saint-Huile et amendements II-CE274 et II-275 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
M. David Taupiac (LIOT). L’amendement II-CE225 concerne le chèque énergie. Il vise d’une part à relever le plafond de revenus, afin d’élargir l’assiette des bénéficiaires. Aujourd’hui, ce plafond est de 11 000 euros, ce qui exclut de nombreux ménages modestes : parmi les 3,5 millions de ménages en situation de précarité énergétique, on sait que 25 % ne bénéficient pas du dispositif. D’autre part, il veut augmenter le montant du chèque énergie, qui s’élève en moyenne à 148,56 euros. C’est moins de 10 % des dépenses moyennes, qui étaient de 1 589 euros en 2020 et de 1 720 euros en 2021.
Présidence de Mme Marie-Noëlle Battistel, vice-présidente de la commission.
M. Dominique Potier (SOC). L’amendement II-CE274 vise à majorer les crédits consacrés au chèque énergie de 26,5 % afin de tenir compte des hausses de 10 %, puis de 15 % des tarifs réglementés de vente d’électricité intervenues au cours de l’année 2023.
Le bouclier tarifaire apporte une protection nécessaire et bienvenue aux ménages modestes, même s’il n’est pas ciblé sur ceux qui en ont le plus besoin. Toutefois, une hausse de 26,5 % des dépenses d’électricité en 2023, qui s’ajoute à d’autres subies depuis 2020, sans même parler des autres énergies domestiques comme le gaz, justifie de revaloriser le chèque énergie.
L’amendement II-CE275 est un amendement de repli. Pour tenir compte de l’inflation prévisionnelle, il propose de rehausser le seuil d’éligibilité, autrement dit de modifier le revenu de référence permettant de bénéficier du chèque énergie. C’est le strict minimum.
Monsieur le rapporteur pour avis, le premier de ces deux amendements ne corrige pas les inégalités que subissent les plus pauvres de nos concitoyens, il évite de les creuser. Il pourrait plaire aux droites, puisqu’il maintient les pauvres dans leur pauvreté…
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je comprends et partage l’objectif de ces amendements. Il faut tenir compte de l’inflation et de la hausse des tarifs. L’augmentation du chèque énergie me paraît donc légitime.
Je suis défavorable à l’amendement de M. Sainte-Huile, dont les montants me paraissent beaucoup trop élevés. L’amendement II-CE274 de la présidente Battistel, qui porte sur 238 millions d’euros, me paraît à la fois plus réaliste et tout à fait justifié. Je lui donne un avis favorable, en espérant que le Gouvernement réussira à lever le gage. Je préfère cet amendement au II-CE275, sur lequel j’émets un avis défavorable.
M. Thibault Bazin (LR). Personne ne veut maintenir les pauvres dans la pauvreté ! Nous ne sommes simplement pas d’accord sur les moyens pour les en sortir. Notre groupe compte surtout sur le travail et l’insertion professionnelle mais, pour lutter contre la précarité énergétique, il faut évidemment un accompagnement, qui soit le plus pragmatique possible.
M. Dominique Potier (SOC). J’ai simplement voulu faire un peu d’humour pour dire qu’il ne s’agit pas de réduire des inégalités, mais d’adapter le niveau du chèque à la hausse des prix.
L’amendement II-CE275 est retiré.
La commission rejette l’amendement II-CE225 puis adopte l’amendement II-CE274.
Amendement II-CE208 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Pour contenir la hausse des prix de l’énergie, notamment de l’électricité, il faut développer les énergies renouvelables. Il importe de structurer nos filières industrielles si nous voulons créer des emplois en France et ne pas dépendre de l’étranger, comme c’est déjà le cas pour le photovoltaïque par exemple.
Avec cet amendement, nous proposons donc de créer un nouveau programme budgétaire intitulé Fonds de soutien au développement des énergies renouvelables. La France est le seul pays à ne pas avoir tenu ses objectifs au niveau européen : il faut rattraper notre retard, ce qui suppose aussi un rattrapage budgétaire.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Ce que vous voulez créer existe déjà au sein du programme 345 Service public de l’énergie, qui contient les crédits consacrés par l’État au développement des énergies renouvelables.
Certes, en 2024 comme en 2023, aucun crédit ne sera inscrit sur l’action 09 qui soutient les énergies renouvelables électriques en métropole. La raison est que les prix de vente sur les marchés sont supérieurs aux prix garantis pour les contrats aidés en cours. L’État n’aura donc rien à verser et devrait même récupérer 2,67 milliards d’euros de recettes, lesquels couvriront les nouveaux contrats aidés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CE212 de Mme Clémence Guetté
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je me félicite de l’adoption de l’amendement précédent, qui marque une profonde et heureuse conversion idéologique de nos collègues du Rassemblement national. Ils viennent de comprendre que le développement des énergies renouvelables a un intérêt national.
Dans le même esprit, le présent amendement vise à renforcer notre souveraineté en matière de développement des énergies renouvelables. Nous appelons à créer, sur le modèle de la base industrielle et technologique de défense (BITD), une « base industrielle et technologique des énergies renouvelables ». Cette filière doit être considérée comme une industrie de souveraineté, pas comme une activité concurrentielle comme une autre. Il est essentiel que l’État ne soit pas dépendant de décisions prises par des groupes privés comme General Electric ou Engie. Il doit se donner les moyens de participer à leur capital et à leurs décisions, voire de maîtriser une partie de ces filières d’intérêt national.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Bien que très sensible aux questions de souveraineté nationale, je ne suis pas convaincu de l’efficacité des prises de participations que vous proposez. Avec 0,5 % de la capitalisation de TotalEnergie et de General Electric, l’État ne pèsera pas pour grand-chose dans les prises de décision de ces entreprises, mais devra mobiliser 900 millions d’euros. Quant au renforcement de sa participation au capital d’Engie, il n’est pas indispensable puisque l’État pèse déjà sur la stratégie de l’entreprise, et coûterait 1,9 milliard d’euros. Avis défavorable.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Une augmentation assez limitée de la part de l’État au capital d’Engie lui donnerait 50 % des voix. Je conçois que ceux qui ont privatisé GDF – votre famille politique, monsieur le rapporteur pour avis – n’y soient pas particulièrement favorables, mais, pour notre part, nous souhaitons reconquérir le capital d’Engie comme nous avons obtenu la reconquête du capital d’EDF. C’est une première étape. Quant à General Electric, il faut montrer notre désaccord avec le plan de suppression d’emplois qui a lieu en ce moment même dans la filière de l’éolien terrestre et qui, selon nous, met en cause l’intérêt industriel de notre pays.
M. Antoine Armand (RE). Sans vouloir remettre en cause la présidence, au vu du nombre de personnes dans la salle et des mains levées, nous n’avons pas la même appréciation sur le sort des deux amendements qui viennent d’être adoptés.
Chers collègues de La France insoumise, si vous aviez vraiment voulu soutenir le développement des énergies renouvelables, vous auriez pu commencer par voter la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Une autre incohérence est d’opposer sans cesse l’énergie nucléaire aux énergies renouvelables, alors qu’elles ont en commun de nous fournir de l’électricité décarbonée. Enfin, je constate que les nationalisations recommencent à vous démanger, mais faire un peu confiance aux entreprises de notre pays n’est pas nocif à l’économie française ni européenne.
Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Sans vouloir remettre en cause la présidence, vous le faites quand même. Mais il n’y a pas eu d’erreur. Je confirme que nos collègues du Rassemblement national ont tous voté pour l’amendement II-CE208 – même s’ils ne le souhaitaient peut-être pas.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE209 de Mme Clémence Guetté
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous aurions rêvé de voter une loi d’accélération des énergies renouvelables. Malheureusement, loin d’accélérer les choses, la loi que vous avez votée a créé de nouvelles difficultés pour les acteurs du secteur.
Le présent amendement propose de créer un fonds de sauvegarde et de développement de l’industrie éolienne, qui est bien loin de ce qu’elle devrait être dans notre pays. Nous n’atteindrons pas nos objectifs de développement des énergies renouvelables sans le soutien de la population, que nous n’aurons pas si nous devons importer des composants – pales ou turbines – qui pourraient être produits en France. Pour que la population s’y retrouve, il faut que ces énergies aient des retombées industrielles et qu’elles créent de l’emploi local. Défendons cette filière, ne l’abandonnons pas aux entreprises étrangères. Notre collègue Armand nous dit qu’il faut faire confiance aux entreprises de notre pays, mais la situation énergétique française n’incite pas à faire confiance aux acteurs privés ! Et, n’en déplaise au président Macron, General Electric, jusqu’à preuve du contraire, n’est pas une entreprise française.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Pour le coup, il est vrai qu’on encourage beaucoup le développement de l’éolien, mais en faisant tourner l’industrie allemande, scandinave ou chinoise. Nous aurions effectivement intérêt à structurer une vraie filière en France et à encourager l’innovation, notamment pour le recyclage des pales, des mâts et du béton. Je partage donc votre préoccupation sur ce point.
Cela étant, votre amendement coûterait 1 milliard d’euros, que vous voulez prendre dans les crédits alloués à MaPrimeRénov’ – dont vous demandiez l’augmentation tout à l’heure. Au reste, le projet de loi de finances prévoit un crédit d’impôt pour soutenir les investissements dans les industries vertes, dont l’éolien, à hauteur de 500 millions d’euros. Cela peut faire avancer le sujet.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vous savez parfaitement que nous devons gager les dépenses que nous proposons et que nous tenons aux crédits alloués à la rénovation thermique : c’est vous qui avez refusé de les augmenter, arguant du fait qu’ils n’étaient pas totalement consommés. Et à présent, vous les défendez…
Sur le fond, nous ne croyons pas qu’un crédit d’impôt soit aussi efficace qu’un fonds de sauvegarde piloté par l’État. Il y a un désaccord philosophique entre nous : pour notre part, nous croyons que la planification doit se faire avec des outils publics davantage qu’avec des subventions à des acteurs privés, même si elles peuvent parfois se justifier. Si nous voulons reconstruire une filière, il faut davantage que des crédits d’impôt pour des acteurs privés : il faut une stratégie pilotée par l’État.
M. Antoine Armand (RE). Nous partageons votre préoccupation d’avoir une filière industrielle dans les énergies renouvelables. Toutefois, le marché étant déjà relativement mature, il ne s’agit pas de créer ab initio une économie administrée, mais de soutenir les nombreux acteurs qui sont déjà engagés dans le secteur. Notre intérêt, c’est qu’ils se saisissent du crédit d’impôt de la manière la plus rentable économiquement, de sorte que la filière française non seulement se crée, mais soit durable et rentable à moyen terme. C’est cela qui nous permettra d’avoir des composants locaux pour nos éoliennes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE210 de Mme Clémence Guetté
M. René Pilato (LFI-NUPES). Dans le même esprit, nous proposons la création d’un fonds de sauvegarde et de développement de l’industrie photovoltaïque piloté par Bpifrance.
En 2018, le dumping social international a conduit à la délocalisation en Asie d’activités de l’entreprise Photowatt. Les pouvoirs publics doivent tout mettre en œuvre pour sauvegarder et développer l’outil industriel existant, notamment celui de Photowatt, au service de l’emploi local et de la souveraineté énergétique nationale.
Bpifrance est d’ores et déjà un financeur de la recherche et développement dans le secteur de l’énergie photovoltaïque. Le fonds que nous voulons créer doit permettre de renforcer sa capacité à investir dans les entreprises innovantes du secteur. Il doit aussi permettre de faciliter l’industrialisation des solutions photovoltaïques innovantes et de consolider les outils industriels existants. Il s’agit d’intensifier le soutien public à l’industrie photovoltaïque et de développer la capacité des pouvoirs publics à planifier son développement.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Comme la filière éolienne, la filière photovoltaïque dépend d’industries étrangères, surtout asiatiques. Il faut effectivement encourager la fabrication de composants et de panneaux en France.
Vous proposez de prendre 1 milliard d’euros sur les crédits alloués à MaPrimeRénov’. Le problème, c’est que l’amendement II-CE208, qui a été voté grâce à la connivence entre le Rassemblement national et la France insoumise, a déjà privé MaPrimeRénov’ de 2 milliards d’euros et qu’il ne lui reste plus que 700 millions d’euros.
Par ailleurs, le crédit d’impôt pour soutenir les investissements dans les industries vertes, que j’ai déjà évoqué, contribuera aussi à développer une filière photovoltaïque française.
M. Thibault Bazin (LR). Ces amendements démontrent que le développement d’un certain nombre d’énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque et l’éolien, ne contribue pas nécessairement au développement durable, puisqu’il suppose l’importation de matériaux qui ne sont pas produits d’une manière vertueuse, du point de vue aussi bien social qu’environnemental. Nous avons la chance, en France, de développer des technologies et de produire des matériaux pour d’autres énergies vertueuses : l’hydroélectricité, que l’on peut en outre stocker, contrairement à l’énergie produite par le vent ou le soleil, mais aussi le nucléaire. Cela devrait nous amener à repenser l’ensemble de notre stratégie énergétique.
M. Dominique Potier (SOC). Je souscris totalement aux propos de notre collègue René Pilato. Monsieur le rapporteur pour avis, vous savez bien qu’il faut prendre des crédits quelque part si l’on veut proposer un amendement. En cas d’adoption de celui-ci, il reviendra au Gouvernement de lever le gage.
Dans la loi sur la production d’énergies renouvelables, le groupe Socialistes a défendu l’idée qu’il fallait sélectionner des entreprises européennes selon des critères de RSE (responsabilité sociale des entreprises). Nous avons renforcé cette disposition dans la loi relative à l’industrie verte avec l’amendement sur le principe de réciprocité commerciale, qui protège notre industrie de la concurrence déloyale des entreprises asiatiques dans les marchés publics. Le présent amendement serait un instrument de plus pour reconquérir notre souveraineté industrielle au service de la planification écologique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE211 de Mme Clémence Guetté
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous nous attachons là à des énergies en cours de développement et d’industrialisation, les énergies marines renouvelables : énergie marémotrice, énergie hydrolienne, énergie houlomotrice par exemple. Notre pays a beaucoup d’atouts en la matière. Dans le secteur de l’hydrolien, une ferme pilote va être lancée au large du raz Blanchard, avec un soutien public de 65 millions d’euros. En revanche, une hydrolienne qui fournissait 25 % de l’électricité de l’île d’Ouessant est en danger, car la société qui l’exploite est en redressement judiciaire. Il faut apporter un soutien public à ces technologies prometteuses afin qu’elles aillent au bout de leur développement et que les filières industrielles commencent à se structurer. Cela nous permettra de diversifier au maximum nos sources d’approvisionnement énergétique.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il existe déjà des dispositifs de financement pour ces investissements : le programme 345 Service public de l’énergie, qui finance les installations de production, ou le programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables de la mission Recherche et enseignement supérieur. Enfin, le nouveau crédit d’impôt soutiendra les investissements dans les industries qui fabriqueront ces systèmes de production. Votre amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
M. Antoine Armand (RE). Jean-Luc Mélenchon a proposé de remplacer l’énergie nucléaire, qui représente en France une puissance de 60 gigawatts, par l’hydrolien, dont le potentiel maximal de puissance serait de 3 à 4 gigawatts. Cela doit tous nous rappeler à la réalité.
M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je ne comprends pas bien cette remarque et je vous invite, cher collègue, à relire avec plus d’attention notre programme. Le scénario négaWatt auquel nous nous référons ne prévoit pas le remplacement du nucléaire par le seul hydrolien.
Il est vrai qu’il existe des dispositifs de soutien mais si nous voulons développer ces filières à la fois dans l’Hexagone et outre-mer, il faut y consacrer davantage de moyens. Il est très important de développer de petites sources d’énergie, qui ne produiront pas des volumes énormes mais qui auront leur importance localement et permettront de renforcer la sécurité globale de notre système d’approvisionnement, par exemple par leur régularité s’agissant des énergies marines.
La commission rejette l’amendement.
Présidence de M. le président Guillaume Kasbarian.
Amendement II-CE253 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit de porter les crédits du fonds Chaleur à 1 milliard d’euros au lieu des 800 millions d’euros prévus, afin d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans la loi : la chaleur renouvelable couvre en effet à peine 23 % de nos besoins, pour un objectif de 38 %.
Depuis sa création, le fonds Chaleur a donné un puissant coup d’accélérateur aux énergies renouvelables et a permis d’aider plus de 7 100 installations. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez dit que les crédits de MaPrimeRénov’ n’étaient pas tous consommés, mais ceux du fonds Chaleur l’ont été en seulement cinq mois et de nombreux projets sont en attente faute de crédits. La hausse que nous proposons, de 200 millions d’euros est modérée et ne va pas déséquilibrer l’ensemble. Elle nous permettrait d’atteindre nos objectifs et d’être efficaces, en lien avec les collectivités territoriales, qui sont souvent à l’origine de la création des réseaux de chaleur.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le fonds Chaleur, inscrit au programme 181 Prévention des risques de la mission Écologie, ne fait pas partie des programmes budgétaires que j’ai eus à examiner. Je constate néanmoins que ses moyens seront portés à 820 millions d’euros en 2024, contre 520 millions d’euros en 2023 : l’effort budgétaire que vous demandez est donc déjà inscrit dans la loi de finances. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Si le fonds Chaleur ne bénéficie pas de moyens supplémentaires, des projets en cours vont être bloqués : je répète que ses crédits ont été consommés en seulement cinq mois. Par ailleurs, comme on y a ajouté la géothermie, un ajustement de ses moyens s’impose. Je précise que cet amendement est issu de discussions avec le syndicat des énergies renouvelables et l’association Amorce. Il faut protéger ceux de nos concitoyens et celles de nos entreprises qui sont raccordés à un réseau de chaleur de la volatilité des prix.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE286 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement a été adopté en commission du développement durable à l’initiative de notre collègue Marjolaine Meynier-Millefert, corapporteure de la mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Nous proposons de créer un fonds de garantie pour encourager la valorisation de la chaleur fatale, qui est un angle mort de la politique énergétique française alors qu’elle a un vrai potentiel industriel. On estime que la chaleur fatale pourrait couvrir 15 % des besoins nationaux ou répondre aux besoins annuels de chauffage de la ville de Paris. Nous proposons de créditer ce fonds de 50 millions d’euros, hors dotation du fonds Chaleur.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je suis convaincu de l’intérêt de développer l’exploitation de ces sources d’énergie, d’autant que le redéploiement de 50 millions d’euros que vous proposez se ferait à partir d’une action mise en extinction. Avis favorable.
M. Antoine Armand (RE). Cet amendement est le fruit d’un travail transpartisan de qualité sur la question de la chaleur fatale, qui a trop souvent été négligée, alors qu’il s’agit d’une énergie déjà produite que nous devons continuer à récupérer dans l’intérêt économique et écologique de nos entreprises et de notre tissu social.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CE230 de Mme Hélène Laporte et II-CE270 de M. Alexandre Loubet (discussion commune)
M. Alexandre Loubet (RN). En début d’année, nous avons voté une loi de relance du nucléaire, qui prévoit notamment de construire six réacteurs de nouvelle génération d’ici à 2035. Pourtant, le projet de loi de finances ne consacre pas le moindre centime à cet objectif. Nous avons déposé ces deux amendements d’appel afin que l’État contribue au financement de la relance du nucléaire, indispensable pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique du pays. Sinon, qui va payer ? EDF, avec ses 65 milliards d’euros de dette, ne saurait financer seule la construction des nouveaux réacteurs, d’autant plus qu’elle pourra être amenée à vendre une partie de sa production électronucléaire à ses concurrents alternatifs.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre inquiétude quant à la remise en route du programme nucléaire. Il n’y a rien, dans ce budget, qui se rattache à une quelconque stratégie en la matière. Cela étant, on ne peut pas se décider pour n’importe quel montant – 500 millions d’euros ou 1 milliard d’euros pour vos amendements. Il faut une étude sérieuse pour chiffrer le montant de l’investissement nécessaire à un véritable programme électronucléaire, dans une stratégie globale. Mon avis sera donc défavorable, d’autant plus que le programme 172 de la mission Recherche et enseignement supérieur, qui est renforcé par le plan « France 2030 », est destinataire de crédits destinés au nucléaire.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ces amendements un peu délirants prévoient la relance du projet de réacteur rapide refroidi au sodium Astrid, qui a été arrêté en 2019 par M. Macron. Ils tendent à faire croire à nos compatriotes qu’ils seront protégés grâce au nucléaire, ce qui est une fable : le parc vieillit, et chacun s’accorde à reconnaître que l’on ne saurait mettre en service de nouvelles centrales avant les années 2037 à 2040 ; or nous avons des besoins immédiats. Les crédits proposés n’aideront en rien à faire face aux enjeux de la montée en puissance des énergies renouvelables et de la nécessaire réduction de la consommation. Ce serait investir dans une mauvaise direction, et cela témoigne de l’absence totale de vision écologique du Rassemblement national. Nous voterons contre ces amendements.
M. Alexandre Loubet (RN). Monsieur le rapporteur, je partage votre avis : ni 500 millions d’euros, ni même 1 milliard d’euros ne suffiraient à relancer le nucléaire dans notre pays. C’est pourquoi j’ai précisé qu’il s’agissait d’amendements d’appel. Mais on ne peut que déplorer que le financement du programme nucléaire soit complètement absent du projet de loi de finances. Nous perdons du temps, alors qu’il nous faut défendre le pouvoir d’achat des Français et la sécurité d’approvisionnement électrique du pays.
Madame Laernoes, le nucléaire protège les factures énergétiques des Français et des entreprises, et nous prémunit contre les pénuries d’électricité. Lorsqu’Emmanuel Macron a fermé la centrale de Fessenheim pour faire plaisir aux écolos, on s’est retrouvé avec des ruptures d’approvisionnement et de production électrique et on a dû relancer une centrale à charbon !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CE272 de M. Alexandre Loubet
M. Alexandre Loubet (RN). Malgré notre dépendance aux importations de gaz, essentiellement américain, la flambée des prix énergétiques et les risques de pénurie en énergie que nous venons de connaître, le Gouvernement s’obstine à refuser d’étudier la possibilité d’exploiter les ressources contenues dans nos sols. Ne serait-ce que dans ma circonscription, en Moselle-Est, on trouverait l’équivalent de près de 4 % de la consommation annuelle française de gaz pour une vingtaine d’années. Après avoir étudié la possibilité d’exploiter les gisements de gaz de manière écologique, cela nous permettrait de contribuer à la sécurité d’approvisionnement électrique du pays, de réduire notre dépendance et de diminuer la facture des Français.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le gaz de couche est contenu dans les veines de charbon, en profondeur, et ne peut en être extrait que par forage. En Australie et aux États-Unis, les exploitants recourent majoritairement à la fracturation hydraulique, qui est interdite en France. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le programme du Rassemblement national est décidément invraisemblable. Outre le tout-nucléaire tout de suite – impossible puisque même les modèles des nouvelles centrales ne sont pas prêts – il propose d’exploiter des énergies fossiles sur notre propre sol, et cela de manière écologique ! En réalité, on dégraderait notre environnement tout en continuant à exploiter des énergies fossiles. Le programme du Rassemblement national est un danger absolu, y compris en matière énergétique.
M. Alexandre Loubet (RN). Madame Laernoes, si l’on avait suivi votre logique, on n’aurait même pas inventé la roue parce qu’elle aurait écrasé des insectes ! Il faut revenir à la réalité : la France serait restée un pays du tiers-monde si elle n’avait pas exploité les ressources contenues dans ses sols et ses sous-sols, comme le charbon. C’est ce qui nous a permis de devenir une puissance industrielle et de demeurer une des principales économies mondiales – en tout cas, tant que votre idéologie n’arrivera pas aux commandes.
En 2014, le ministre Arnaud Montebourg s’était vu remettre un rapport proposant des méthodes écologiques d’extraction du gaz, sans fracturation hydraulique. Et rappelons que le gaz que nous importons, en particulier des États-Unis, est obtenu par fracturation hydraulique.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il existe en effet d’autres méthodes, en particulier la stimulation. Toutefois, cette dernière a été interdite en juillet, car l’entreprise qui devait l’employer n’a pas démontré qu’elle en avait la capacité technique, ni que cette technologie était dépourvue d’effets nocifs pour la nature. Cette méthode n’est manifestement pas encore aboutie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE229 de Mme Hélène Laporte
M. Alexandre Loubet (RN). Cet amendement d’appel vise à inciter le Gouvernement à soutenir davantage l’hydrogène, dont le développement est fondamental pour réussir la transition écologique. Il faut soutenir les usines de production d’hydrogène vert, par électrolyse, mais aussi la possibilité d’extraire et d’exploiter de l’hydrogène blanc. On a découvert dans ma circonscription, en Moselle, l’un des plus gros gisements d’hydrogène naturel au monde, qui correspondrait à près de la moitié de la production annuelle mondiale. Il nous faut étudier la possibilité d’exploiter l’hydrogène blanc, en nous assurant que cela n’aura pas d’impact nocif sur l’environnement.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le budget satisfait votre proposition puisque l’action Soutien hydrogène a été dotée de 680 millions d’euros. Je partage votre avis : il faut absolument encourager le développement de la technologie par électrolyse, notamment pour les transports individuel et collectif, mais aussi pour le matériel agricole, gros consommateur de carburant carboné. Mais voyons déjà comment les 680 millions d’euros seront consommés en 2024. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE231 de Mme Hélène Laporte
M. Frédéric Falcon (RN). Il s’agit de renforcer l’action Aides à l’acquisition de véhicules propres afin de revenir à un système de bonus écologique incitatif pour les véhicules thermiques et hybrides économes. Le système institué en 2008 reposait sur un équilibre entre bonus et malus à l’achat de véhicules. Il s’est progressivement transformé en un dispositif purement punitif pour les véhicules thermiques et hybrides, réservant le bonus aux véhicules électriques et à hydrogène. Pourtant, les constructeurs ont effectué des progrès considérables en matière de limitation de la consommation de carburant et d’émissions de CO2. À l’heure actuelle, 77 % des voitures neuves vendues sont thermiques ou hybrides. Les autres technologies ne sont, pour l’heure, pas adaptées à tous les usages et ne peuvent prendre le dessus. Le dispositif actuel est donc en décalage avec la réalité.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis favorable. Les dispositifs d’aide sont en effet centrés sur des véhicules totalement électriques, dont le coût demeure élevé pour nombre de nos concitoyens. Il faut encourager l’achat de voitures hybrides milieu de gamme ou bas de gamme, dont la consommation est de l’ordre de 1,5 à 2 litres pour cent kilomètres, ce qui en fait des véhicules vertueux du point de vue environnemental.
M. Thibault Bazin (LR). Je soutiens cette position pragmatique. Dans nos territoires, l’offre hybride est parfois beaucoup plus adaptée aux usages et aux problématiques rencontrées par les professionnels et les familles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE278 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement, issu du collectif Alerte, vise à renforcer le principe de justice sociale dans l’octroi de la prime à la conversion pour permettre aux ménages modestes dépendants de la voiture de s’équiper d’un véhicule électrique. Nous proposons la création d’une « super-prime » de 2 000 euros pour les 50 % de ménages les plus modestes, ce qui porterait le montant de la prime à la conversion de 6 000 à 8 000 euros. Malgré une augmentation de 1 000 euros du montant maximal de la prime à la conversion en 2023, le calibrage actuel du dispositif reste en effet insuffisant pour réduire suffisamment le reste à payer.
Le dispositif proposé permettrait de réduire de 30 % le reste à charge des ménages modestes. Ainsi une Renault Twingo E-tech, qui est vendue 24 000 euros, ne leur reviendrait, après cumul des bonus, des primes et de l’aide des collectivités locales, qu’à 4 000 euros. Cela aiderait particulièrement les personnes qui résident dans une zone rurale ou de montagne et qui n’ont d’autre choix que d’utiliser leur voiture.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je comprends votre objectif, mais il me paraîtrait trop restrictif de limiter l’aide à l’achat de véhicules électriques. Pour accompagner les territoires ruraux, il faut aussi encourager l’hybride.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE285 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement, proposé par le Réseau Action Climat, a pour objet de financer une garantie de l’État à hauteur de 75 % sur le prêt à taux zéro mobilité (PTZ-m), sur le modèle du prêt avance rénovation créé par la loi « Climat et résilience ». En effet, la possibilité offerte aux organismes prêteurs de bénéficier d’un crédit d’impôt est intéressante, mais insuffisante pour garantir un déploiement rapide et généralisé du PTZ-m à la hauteur de l’enjeu que constituent les zones à faibles émissions. Sur le modèle du microcrédit, cette garantie de l’État pourrait être assurée par le fonds de cohésion sociale, dont la gestion est assurée par Bpifrance.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le PTZ-m est une expérimentation toute récente, qui a commencé le 1er janvier dernier. Il convient d’en dresser le bilan avant d’engager plus avant les finances de l’État. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE226 de M. Benjamin Saint-Huile
M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à créer un programme Leasing social. En effet, si l’action Aides à l’acquisition de véhicules propres voit ses crédits augmenter de 15 %, le projet de loi de finances ne détaille pas les sommes qui seront allouées à la prime à la conversion, au bonus écologique et au leasing social. Nous proposons de flécher 50 millions d’euros vers ce nouveau programme.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je rappelle que les crédits de l’action 03 Aides à l’acquisition de véhicules propres sont portés à 1,5 milliard d’euros, ce qui marque une progression de 203 millions d’euros et laisse de la marge pour ajuster les enveloppes. Limiter à 50 millions d’euros les moyens consacrés au leasing social risque au contraire de brider son développement, ce qui serait un peu paradoxal. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Conformément à l’avis du rapporteur pour avis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits modifiés de la mission Écologie, développement et mobilité durables relatifs à l’énergie.
Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-CE240 de Mme Christine Engrand et sous-amendement II-CE317 de M. Jérôme Nury
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Cet amendement est intéressant, car il propose d’élargir l’indicateur de performance, qui suit l’évolution des émissions de gaz à effet de serre des véhicules neufs, en prenant en compte non seulement les émissions produites pendant leur période d’utilisation, mais aussi le poids carbone issu de leur fabrication. Toutefois, la rédaction en étant quelque peu ambigüe, je propose un sous-amendement visant à ajouter les mots : « de leur fabrication à leur recyclage ». Avis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.
M. Antoine Armand (RE). On peut légitimement partager cette préoccupation. Pour mener à bien la transition écologique, il faut en effet avoir la capacité de mesurer l’ensemble de l’empreinte carbone d’un véhicule. À cet égard, le « score carbone », qui est en cours d’élaboration par les ministères de la transition écologique et des finances, vise à prendre en compte cette empreinte, notamment l’énergie nécessaire à la fabrication d’un véhicule. Cet amendement ne paraît donc pas pertinent.
La commission adopte le sous-amendement et rejette l’amendement.
Article 50 : Évolution de la prime de transition énergétique dite « MaPrimeRénov’ »
Amendements II-CE260 et II-CE256 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Une refondation du dispositif MaPrimeRénov’ est en cours, qui a pour objet de le faire reposer sur deux piliers, l’efficacité et la performance, et de favoriser la rénovation globale plutôt que les monogestes. L’amendement II-CE260 vise à exclure les logements à la performance énergétique classée E du pilier Efficacité, qui permet le changement de chauffage sans modification portée au corps du bâtiment. Il vise également à conditionner l’octroi du pilier Performance à des travaux induisant au moins trois sauts de classe énergétique au lieu de deux. Enfin, l’amendement vise à systématiser la réalisation d’un contrôle sur site pour les travaux qui seront financés par MaPrimeRénov’, car c’est essentiel à la confiance et permettrait de vérifier le bon usage de l’argent public.
Le second amendement ne concerne que le contrôle sur site pour l’octroi de MaPrimeRénov’. Ces amendements ont notamment été travaillés avec le Réseau pour la transition énergétique et négaWatt.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis défavorable sur les deux. Je suis opposé au durcissement des vérifications. On peut faire confiance à nos concitoyens et aux entreprises quant à l’utilisation de l’argent public. Je ne suis pas davantage favorable à ce que l’on durcisse les conditions d’octroi de MaPrimeRénov’, car cela découragerait un peu plus les propriétaires. Il existe déjà un maquis d’aides au sein duquel il est difficile de se retrouver : cela irait à l’encontre de ce que vous prônez.
M. Thibault Bazin (LR). Je partage l’avis du rapporteur. Je suis inquiet de l’évolution qui est proposée. Il ne faut pas rendre les choses encore plus contraignantes.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). La réforme de MaPrimeRénov’ vise à atteindre l’objectif fixé par la loi, qui est de 370 000 rénovations globales par an alors que l’on en était à 66 000 l’année dernière. Dans le cadre de notre rapport d’information, nous avons mis en évidence la nécessité, pour lever les freins à la rénovation globale, de cesser d’accorder des subventions pour changer juste de modèle de chauffage. Cela implique d’ajuster les modalités de financement, ce qui, nous l’avons noté, est compliqué. L’accompagnement indépendant et gratuit est essentiel pour accompagner tous les ménages. Par ailleurs, je suis choquée que vous négligiez ainsi le contrôle d’une aide publique. Le fléau de la fraude nuit au secteur du bâtiment, comme l’a montré notre rapport.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 50 non modifié.
Article 51 : Prolongation complémentaire du congé d’accompagnement spécifique des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 51 non modifié.
Article 52 : Prolongation temporaire du bouclier tarifaire sur l’électricité et modification des conditions d’établissement des tarifs réglementés de vente de l’électricité
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 52 non modifié.
Après l’article 52
Amendement II-CE214 de M. Matthias Tavel
M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les insuffisances du bouclier tarifaire, en se concentrant sur trois points : les publics qui en sont exclus ; la perte de pouvoir d’achat, y compris pour les bénéficiaires ; et l’exposé de solutions de long terme, comme les tarifs réglementés de vente, malheureusement amenés à disparaître. L’existence même de ce bouclier est la preuve que le marché ne fonctionne pas. Il est urgent de protéger les ménages, frappés par l’inflation, mais aussi les très petites, petites et moyennes entreprises, les collectivités, qui l’année dernière ont dû fermer des bibliothèques et des piscines, ou les associations qui viennent en aide aux plus démunis. La Banque alimentaire a besoin de 16 millions d’euros supplémentaires rien que pour faire face à l’augmentation des factures d’énergie.
Une réforme est en cours à l’échelle européenne. À ce propos, la ministre Agnès Pannier-Runacher a cherché à faire croire à la représentation nationale et à l’ensemble des Français, hier, dans l’hémicycle, que l’on avait obtenu une déconnexion des prix du gaz et de l’électricité. C’est un mensonge : la seule « victoire » – et c’est ironique – est celle de l’implication du nucléaire dans la réforme. Il est urgent de sortir de la concurrence.
M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Parler d’insuffisance du bouclier tarifaire me paraît abusif alors que l’État y a consacré 32 milliards d’euros de dépenses budgétaires, plus 18 milliards d’euros de pertes de recettes découlant de la minoration de l’accise sur l’électricité, soit 50 milliards d’euros en tout.
Toutefois, il serait intéressant d’obtenir un rapport sur le sujet, dans la mesure où cette crise énergétique, qui est venue percuter les entreprises et nos concitoyens, a été peu anticipée. Nous avons également payé « cash », ces derniers mois, l’abandon de la filière électronucléaire. Il faut mener une vraie réflexion sur les crises énergétiques, passées et à venir. Sagesse.
M. Antoine Armand (RE). Monsieur Laisney, ce n’est pas parce que l’on dit plusieurs fois quelque chose de faux que cela devient vrai. Ce que la ministre de la transition énergétique a dit hier, c’est que les outils qui seront mis en place dans le cadre du nouveau marché européen de l’électricité permettront de déconnecter durablement le prix de l’électricité dans les contrats de long terme du prix du gaz spot, établi à chaque instant, qui est une tarification marginale nécessaire pour avoir de l’électricité – laquelle ne se stocke pas : c’est une loi physique, pas une loi que pourrait voter La France insoumise, irréaliste parce qu’elle ne s’appuie pas sur les réalités techniques et industrielles.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables consacrés à l’énergie.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9 h 30
Présents. - M. Xavier Albertini, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Bertrand Bouyx, Mme Maud Bregeon, Mme Françoise Buffet, M. Romain Daubié, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, M. Inaki Echaniz, Mme Christine Engrand, M. Frédéric Falcon, M. Grégoire de Fournas, M. Charles Fournier, Mme Florence Goulet, Mme Mathilde Hignet, M. Alexis Izard, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, Mme Hélène Laporte, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, M. William Martinet, M. Nicolas Meizonnet, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, M. Nicolas Pacquot, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, M. Benjamin Saint-Huile, M. Matthias Tavel, M. Lionel Tivoli,
M. Jean-Pierre Vigier, M. André Villiers
Excusés. - M. Laurent Alexandre, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Perceval Gaillard, M. Éric Girardin, M. Luc Lamirault, Mme Sandra Marsaud, M. Max Mathiasin, M. Charles Rodwell, Mme Danielle Simonnet, M. Stéphane Travert, M. Jiovanny William
Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. François Piquemal, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. David Taupiac