Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Audition de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur les crédits relatifs à la transition écologique du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) 2
Mercredi 11 octobre 2023
Séance de 18 heures 30
Compte rendu n° 8
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
M. Jean-Marc Zulesi,
Président
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur les crédits relatifs à la transition écologique du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680).
M. le président Jean-Marc Zulesi. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’auditionner M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 portant sur la transition écologique. Je précise que nous auditionnerons prochainement M. Clément Beaune, le ministre délégué chargé des transports, pour évoquer plus particulièrement les sujets de mobilité.
Notre commission s’est déjà saisie pour avis de la première partie du PLF. Nous espérons que les décisions qu’elle a votées seront reprises en commission des finances.
Ce projet de loi de finances est ambitieux. Monsieur le ministre, comment entendez-vous déployer le budget vert, sujet qui me tient à cœur, et engager ses 60 milliards d’euros grâce à ces serviteurs de l’État que sont les agents du ministère de la transition écologique qui, en lien avec les collectivités territoriales, font vivre ce budget dans les territoires ? Je crois que vous avez de bonnes nouvelles à nous annoncer quant au nombre d’équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
Enfin, vous avez annoncé l’organisation de « COP (conférence des parties) régionales » pour mettre des moyens en face de chaque objectif et ainsi « assurer le financement des mesures et leur mise en œuvre sur le terrain dans des délais rapprochés ». Comment envisagez-vous le fonctionnement de ces instances qui doivent permettre de décliner localement la stratégie nationale ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Le champ ministériel que j’ai l’honneur de représenter, qui va de la cohésion des territoires à la transition écologique, passant par des ministres délégués dont vous auditionnerez certains, je serai elliptique sur les questions de transport et de logement afin d’éviter des redites. Je me concentrerai sur la vision globale et les rapports entre transition écologique et cohésion des territoires, puisqu’un des sujets est la territorialisation de la planification écologique, sa déclinaison et son opérationnalisation. Cette jointure entre les collectivités et l’État, pour atteindre la somme de financements nécessaires pointés dans le rapport de M. Pisani-Ferry, dans le chiffrage de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et d’autres, repose sur une mobilisation complémentaire des collectivités territoriales, donc sur un effet levier de l’État.
Si l’année 2023 a été marquée par la création du fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, l’année 2024 est beaucoup plus ambitieuse en termes de montant comme d’objets bénéficiant d’accélérations budgétaires.
Un montant de 10 milliards d’euros est consacré aux autorisations d’engagement (AE) complémentaires au titre de la planification écologique car, en la matière, ce qui compte c’est le niveau des autorisations d’engagement puisque, par définition, en particulier dans le domaine ferroviaire, le sujet n’est pas seulement ce qu’on décaisse dans l’année, puisqu’on a l’obligation d’attendre les services faits pour décaisser les crédits, mais bien ce qu’on autorise et ce qu’on lance pour le rendre possible. Ce chiffre de 10 milliards d’euros comprend 7 milliards de crédits de paiement (CP). Dans les 10 milliards d’AE, 7 milliards concernent le pôle ministériel dont j’ai la responsabilité et 3 relèvent d’autres ministères : 1 milliard d’euros pour le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, principalement pour la forêt, dont il a la tutelle même si nous travaillons ensemble sur beaucoup de sujets, 1,5 milliard d’euros pour l’industrie verte et 500 millions d’euros pour la rénovation thermique des bâtiments de l’État, contre 100 millions cette année, ce qui traduit une première étape du chantier global de la rénovation, qui ne porte donc pas uniquement sur les logements privés.
Au total, dans ce pôle ministériel de la transition écologique, les crédits progressent de 15 % et 62 milliards d’euros sont inscrits en crédits de paiement.
La grande nouveauté concerne les effectifs. Depuis vingt ans, quels que soient ceux qui en assumaient la responsabilité, ce pôle ministériel rendait des centaines de postes tous les ans. Ainsi, près de 20 000 postes ont été rendus, certains au titre de politiques de décentralisation, de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de réductions, de non-remplacements de départs, etc. L’année dernière, pour la première fois depuis vingt ans, la situation a été globalement stable, avec quelques hausses pour Météo-France, à l’Office français de la biodiversité (OFB), à l’Office national des forêts (ONF) notamment, et quelques baisses. Pour l’année à venir, 760 postes vont être créés à l’échelle de ce pôle ministériel, répartis entre les opérateurs, Agence de la transition écologique (Ademe) et agences de l’eau. Compte tenu des enjeux, on ne peut pas augmenter les moyens de ces agences au regard des sécheresses et ne pas renforcer les effectifs qui sont en première ligne pour lutter contre les fuites et appliquer les dispositifs présentés à Savines-le-Lac dans le cadre du plan Eau. Des postes sont également créés au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), à Météo-France et à l’Office français de la biodiversité (OFB).
Vingt-cinq postes sont aussi créés à la direction générale de l’aviation civile (DGAC) pour les contrôleurs aériens dans le cadre de la planification de trajectoires pour l’optimisation du trafic. Ils dépendent d’un budget annexe mais sont néanmoins dans le périmètre du ministère. Les autres postes sont créés pour les services du ministère, dont une centaine spécifiquement dédiés à l’accompagnement de la ruralité et des élus locaux pour les politiques territoriales de transition écologique. Enfin, un effort particulier est fait pour la surveillance des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) où près de cent postes sont créés.
La planification écologique qui a été présentée il y a quelques semaines montre comment nous allons tenir nos engagements climatiques en 2030 grâce à cinquante-deux leviers d’action. Tous ne nécessitent pas un engagement budgétaire et tous ne reposent pas uniquement sur des engagements de l’État. Certains relèvent d’entreprises, d’efforts de particuliers, de réallocation de crédits, etc. Néanmoins, le rapport Pisani-Ferry chiffre le besoin global à 68 milliards d’euros, dont une trentaine relèvent de la sphère publique – je parle bien des crédits nouveaux et non d’éventuelles réorientations. Dans la sphère publique, la part de l’État se situe entre 15 et 20 milliards d’euros, que viennent compléter les efforts des collectivités territoriales. J’observe au passage que le fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, a généré 10 milliards d’investissement des collectivités territoriales, sur la base des 17 000 dossiers déposés.
Le fonds vert passe de 2 à 2,5 milliards d’euros, ce qui permet d’augmenter de 40 % la part dédiée à l’accompagnement des projets dans les territoires. L’effort portera principalement sur la rénovation des bâtiments des collectivités territoriales, en particulier grâce à un plan spécifique pour les écoles qui fait l’objet d’un bouquet de financement avec le nouveau dispositif EduRénov’ présenté, il y a quelques semaines, à l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
Le deuxième grand volet concerne la rénovation énergétique globale pour laquelle sont prévus 1,6 milliard d’euros de nouveaux crédits. Demain, devant le congrès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), le ministre délégué à la ville et au logement détaillera une partie des éléments nouveaux en termes de barème. Je me tiens à votre disposition pour entrer dans le détail. Retenez l’objectif de passer, grâce au déploiement du dispositif Mon accompagnateur Rénov’, à une moyenne de 200 000 rénovations performantes – sur un total de 700 000 –, contre 65 000 lors des deux premières années.
1,6 milliard d’euros d’AE de plus seront consacrés au soutien des mobilités. Si ces crédits sont très largement fléchés vers le ferroviaire, on doit aussi relever les mesures en faveur de la voiture électrique, telles les évolutions du bonus-malus, et la mise en œuvre, courant novembre, du dispositif de leasing qui, pour la première fois, concernera uniquement des voitures construites en Europe. Afin de valoriser les énergies décarbonées nécessaires à leur production, on tiendra compte de l’empreinte globale de leur cycle de vie, en fonction non seulement de leur motorisation mais aussi de l’endroit où elles sont produites.
Bien sûr, le plan Vélo est reconduit, tandis que les crédits destinés au verdissement de l’automobile atteindront 1,5 milliard d’euros. Conformément à l’engagement pris à Savines-le-Lac, le 30 mars dernier, un complément d’un demi-milliard d’euros est prévu pour les agences de l’eau.
La stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), qui ne doit pas être l’angle mort de notre transition écologique, bénéficie de 400 millions d’euros de plus, soit un doublement des crédits affectés à la biodiversité. Une partie est destinée au monde rural, ce qui constitue une petite révolution, parce qu’elle accompagne l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) et de préservation de nos espaces. Une partie – 60 millions d’euros contre zéro – des dotations aux collectivités reposera non seulement sur le nombre d’habitants, mais aussi sur la préservation des aménités rurales.
Nous reconduisons à des hauteurs historiques les crédits destinés à l’économie circulaire. Compte tenu de son succès, le fonds chaleur de l’Ademe est doté de 300 millions d’euros de plus.
Enfin, s’agissant des « COP régionales », la planification suppose de changer d’optique et de logique. Dès lors que l’on explique où l’on va aller, quelles sont les réductions escomptées et comment on compte y parvenir, il est nécessaire de planifier et d’accompagner en amont par de la réglementation, du budget, de la fiscalité, des évolutions ou des innovations techniques. Si l’État a un rôle, celui des collectivités est considérable. Même s’il n’est pas prédominant, un gisement se trouve dans la gestion des déchets au niveau local, où doivent aussi être débattues la préservation de la biodiversité ou l’évolution de la ressource en eau. Concernant les mobilités, ce ne sont pas seulement le budget dédié au plan Vélo national et l’aide à l’acquisition qui permettent de gagner des parts de marché, mais aussi l’existence de pistes cyclables sécurisées qui donnent envie de prendre son vélo. De même, c’est la complémentarité entre les régions et l’État qui détermine les politiques ferroviaires ; c’est l’existence de bornes communales de recharge qui accompagnent la politique de verdissement et la politique industrielle. Il convient donc d’additionner et d’harmoniser les différents échelons, en confiant aux régions le déploiement de ces gisements de baisse, avant de descendre vers le bloc communal et de faire, à ce niveau, des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) des contrats de réussite de la transition écologique, en mettant les financements en face des projets.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Anthony Brosse (RE). Ce projet de budget est ambitieux par ses financements du plan climatique et une enveloppe de 10 milliards d’euros en faveur de la planification écologique. Inédit, il doit permettre à notre pays d’atteindre progressivement la neutralité carbone à l’horizon 2050. Sur ces 10 milliards, 7 milliards sont mobilisables par les ministères concernés, pour le financement des RER métropolitains, à hauteur de 700 millions d’euros, pour anticiper le leasing de véhicules électriques à 100 euros par mois, pour le fonds chaleur, en augmentation de 300 millions, pour le fonds vert, pérennisé et en augmentation de 500 millions d’euros pour atteindre 2,5 milliards d’euros, et afin de permettre à nos collectivités de rénover leurs écoles.
Afin de mieux préserver notre ressource en eau et de répondre aux engagements pris par le Président de la République dans le cadre du plan Eau, le PLF pour 2024 permettra d’augmenter les ressources des agences de l’eau de près de 500 millions d’euros, soit de plus de 20 %. Sobriété, optimisation de la ressource et restauration de la qualité : ces trois objectifs permettront de réduire de 10 % nos prélèvements d’eau, de mieux détecter et réparer les fuites, de valoriser des eaux non conventionnelles et de mieux prévenir les pollutions des aires de captage. Les attentes sont prégnantes et parfois urgentes, au regard notamment des polluants phytosanitaires, et pour le plan Eau et assainissement dans les territoires ultramarins.
Quel bilan tirez-vous du plan Eau, engagé depuis six mois ? Faut-il prévoir des ajustements budgétaires pour atteindre les objectifs que nous nous sommes collectivement fixés ? La trajectoire visée pour 2030 sera-t-elle atteinte ?
M. Nicolas Dragon (RN). Ce projet de budget prévoit une augmentation de 7 milliards d’euros de crédits de paiement pour accélérer la transition écologique. Si la finalité est louable, il ne suffit pas de débloquer des fonds et de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : « transition écologique réussie ! » pour qu’elle le soit. On peut mettre autant d’argent que l’on veut dans un projet, si les investissements et les moyens choisis ne sont pas bons, il n’atteindra pas sa cible.
Dans un budget qui se veut écologique, très peu est fait pour favoriser le nucléaire et rien pour les PRM, ces petits réacteurs modulaires qui, par le biais des innovations américaines, vont envahir le marché. Pourtant, l’énergie nucléaire est la plus compétitive, la moins chère et la plus décarbonée. Très peu est fait aussi pour la géothermie, la biomasse énergie ou encore l’hydroélectricité, première source d’électricité renouvelable en France. En revanche, pour implanter encore et toujours plus d’éoliennes, ces machines infernales qui ravagent nos paysages, dévalorisent le patrimoine des Français qui résident à proximité et ne tournent que quand il y a du vent, on peut vous faire confiance.
Pour préserver notre qualité de vie, pour que l’écologie garantisse la joie de vivre des Français et libère notre pays de ses dépendances extérieures, il est plus que nécessaire de mettre la transition écologique au service du progrès. Faisons confiance à la science, encourageons la recherche et l’innovation, tournons la page de cette écologie punitive qui tape toujours sur les mêmes, c’est-à-dire les plus faibles, pour laisser place à une écologie positive pour tous. Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin investir dans des filières d’avenir qui sont les seules capables de permettre la transition écologique que vous appelez tant de vos vœux ?
M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Le projet de loi de finances prévoit de porter le montant total des dépenses favorables à l’environnement à 40 milliards d’euros, en augmentation de 7 milliards, là où l’I4CE attendait au moins 63 milliards.
En dépit de son augmentation, le budget que vous nous présentez n’est donc ni suffisant, ni à la hauteur de l’enjeu climatique. Je me réjouis toutefois que les mobilisations populaires autour des enjeux écologiques vous conduisent à changer de registre. Par exemple, vous prévoyez la création de 10 postes pour le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), alors que depuis 2017, 394 postes y avaient été supprimés. De même, vous créez 25 postes chez Météo-France, où on en avait supprimé 381 depuis 2017.
On ne peut néanmoins qu’être déçu par les crédits prévus. Les 5 milliards d’euros consacrés à la rénovation thermique des bâtiments ne sont qu’une goutte d’eau face aux 25 millions de bâtiments passoires thermiques que compte la France. Il faudrait au moins 50 milliards d’euros la première année, puis 100 milliards par an pendant dix ans, sous forme de prêts, car le reste à charge des propriétaires d’un système de subvention comme MaPrimeRénov’ est bien trop élevé et les dissuade de réaliser les travaux. Pour être à la hauteur de l’enjeu climatique, il est urgent d’instaurer un mécanisme de prêt récupérable par l’État à la mutation du bien. Un tel dispositif a reçu l’avis favorable des professions concernées lors des auditions que j’ai menées avec mon collègue Jean-François Coulomme.
Nous attendons également une politique de fret ferroviaire fondée sur l’amélioration de l’existant et non sur la construction d’onéreuses infrastructures affectant l’écosystème, dont certaines ne respectent en outre pas les réglementations européennes et nationales relatives au cycle de l’eau.
Enfin, conformément au code de l’environnement, nous vous demandons de publier l’ensemble des bilans économiques et sociaux des infrastructures de transport réalisées, afin que l’on puisse apprécier les options qui s’offrent pour l’avenir.
M. Pierre Vatin (LR). La crise du logement devrait beaucoup inquiéter le Gouvernement. L’interdiction de louer les passoires thermiques est une folie. « Elle a beau être le fruit des meilleures intentions du monde, elle va réduire le nombre de logements mis à la disposition des gens, en général des plus fragiles. C’est redoutable, ce qui s’annonce. » Ces mots ne sont pas de moi, mais du président de votre parti, M. Édouard Philippe. Ils traduisent le doute qui naît au sein de la majorité sur la pertinence économique et l’acceptabilité de la politique de transition écologique du Gouvernement, qu’il s’agisse des zones à faibles émissions (ZFE), en janvier, du ZAN, en juin, ou de la consigne pour le plastique, il y a quelques jours. Vous fixez des contraintes en catimini dans un texte de loi, après quoi on s’arrache les cheveux pour tenter de les faire accepter par les Français, quand ils en prennent enfin connaissance.
A priori, il n’y a aucune raison pour que ce schéma change par l’usage qui sera fait des 7 milliards d’euros supplémentaires accordés à l’écologie en 2024. La rallonge de 1,6 milliard d’euros pour MaPrimeRénov’ est-elle raisonnable, alors que les rapports se multiplient pour en dénoncer les limites et que ni la filière professionnelle, ni les possibilités financières des Français ne laissent croire à un usage efficient de ces crédits ? De même, les efforts en faveur de la voiture électrique ont-ils prouvé leur pertinence, alors qu’on s’apprête à appuyer sur l’accélérateur ?
Le financement à long terme de votre plan est-il vraiment assuré quand il repose en 2024 sur la fin du bouclier tarifaire, la suppression de quelques niches fiscales et une contribution des collectivités qui n’ont pas encore été consultées ? Un élu de terrain comme vous devine sûrement, sans oser se l’avouer, que les Français, inquiets de la déliquescence de leurs services publics et de l’explosion du prix des carburants, auraient préféré que leur argent serve à relancer le nucléaire, à rénover les réseaux d’eau ou à mieux entretenir les routes, qui supportent 80 % de leurs déplacements.
Votre politique de planification écologique est en réalité une décarbonation à marche forcée qui accélérera la crise du logement, notre perte de souveraineté énergétique et la désindustrialisation. Correspond-elle vraiment aux analyses de bon sens que vous n’auriez pas manqué de faire avant votre entrée au Gouvernement ? L’élu de terrain Christophe Béchu est-il fier de la politique menée par le ministre Christophe Béchu ?
M. le président Jean-Marc Zulesi. Je rappelle que ces décisions ont été prises non pas en catimini mais notamment par cette commission et ont donc donné lieu à débat public.
M. Jimmy Pahun (Dem). Je salue l’effort budgétaire précédent en matière d’écologie de ce PLF pour 2024, puisque le budget dédié à la planification écologique va donc atteindre 40 milliards d’euros. Le Président de la République et la Première ministre ont annoncé les grands objectifs : un million de voitures électriques d’ici à 2027, autant de pompes à chaleur, 700 millions d’euros pour les RER métropolitains, une augmentation de 30 % des crédits dédiés à la rénovation énergétique. J’espère que, dans notre entourage, dans nos familles, nous le verrons.
Je me réjouis de la hausse de 400 millions d’euros du budget consacré à la protection de la diversité et de 500 millions des crédits dédiés à l’eau. Le climat et la biodiversité sont étroitement liés et il n’en faut oublier aucun. Ce Gouvernement, au côté de sa majorité, a beaucoup fait pour la transition énergétique grâce à la loi d’orientation des mobilités, à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) et la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. À nous de les faire appliquer. À nous d’aller l’expliquer dans les territoires. C’est pourquoi je veux saluer l’effort pédagogique que vous menez dans le cadre de votre « tour de France » de la territorialisation de la planification écologique.
Je conclurai sur l’importance de renforcer notre présence scientifique aux pôles. Alors que va se tenir à Paris le premier sommet international sur la situation des pôles, nous souhaitons que la France se dote d’une loi de programmation polaire, afin de planifier notre réinvestissement dans ces régions où se joue notre avenir. Le sujet ne concerne pas uniquement le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je plaide pour que les autres ministères concernés, le vôtre, ceux de la mer, des outre-mer, de l’Europe et des affaires étrangères et celui de la défense participent également à cette ambition budgétaire.
M. Gérard Leseul (SOC). Il est difficile d’évaluer précisément les crédits dédiés à la transition écologique et à l’investissement associé. La communication du Gouvernement consiste à affirmer qu’avec 7 milliards d’euros supplémentaires mobilisés pour la mission Écologie, développement et mobilité durables, l’effort serait considérable. Nous sommes très loin des 30 milliards d’euros d’investissement supplémentaires publics évoqués dans le rapport Pisani-Ferry, qui évalue les besoins d’investissement annuels pour la transition à 68 milliards d’euros, pour moitié privés et pour moitié publics, en incluant le budget vert et la comptabilisation des crédits favorables à l’environnement. Nous sommes loin, aussi, d’un « big-bang » budgétaire et fiscal à la hauteur du défi climatique.
Nous sommes loin encore d’un budget vert, que la Cour des comptes juge trop embryonnaire. Seulement 10 % des dépenses budgétaires de l’État sont cotées comme ayant une incidence favorable ou défavorable sur l’environnement, tandis que près des trois quarts ont un effet neutre, l’incidence environnementale des autres dépenses étant non cotée. Cela ne manque pas d’interroger sur la complétude du document et sur son caractère opérationnel à court terme pour les décideurs publics.
Les quelques crédits supplémentaires destinés à créer 760 ETP dans les ministères et les agences qui en dépendent ne compensent pas les suppressions que vos gouvernements ont opérées depuis 2017 : 500 postes à Météo-France, 100 postes au Cerema, plus de 500 à l’ONF.
Enfin, je m’inquiète de constater que les crédits annoncés ne sont pas en phase avec les plans annoncés par votre Gouvernement ces derniers mois. Où en est le plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire annoncé par la Première ministre ? Nous avons besoin de visibilité, de projection, d’ambition, tandis que, pour que sa planification écologique soit crédible, le Gouvernement doit engager des crédits supplémentaires et susciter la confiance. Ce projet de budget ne fait ni l’un ni l’autre.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour la forte augmentation de ce budget et les mesures prises en faveur des mobilités vertes, en particulier par le signal-prix. Pour atteindre la neutralité carbone, il était temps d’agir. Comme le mentionne le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) de février dernier, investir plus et mieux dans les mobilités, pour réussir leur transition vers la neutralité carbone, nécessite d’actionner deux leviers complémentaires de sobriété qui impliquent un report modal, le développement des transports collectifs et la massification du fret. Je vous avais d’ailleurs sollicité en avril sur le sujet similaire de l’incidence de la sortie des énergies fossiles sur l’inflation et sur le pouvoir d’achat, dans la perspective de faire progresser la fiscalité environnementale.
Je me réjouis de constater qu’à l’article 15 de ce PLF, vous prévoyez de renforcer la logique du signal-prix dans le domaine des transports, de l’agriculture et de l’énergie. Le groupe Horizons salue cette démarche qui répond à un enjeu environnemental et social.
Au-delà du secteur des transports, l’Union européenne a abouti, il y a peu, à un accord visant à accélérer la sortie des gaz fluorés, dits « HFC » pour « hydrofluorocarbure », en vue de leur élimination d’ici à 2050. La législation française prévoit de créer à partir de 2025 une taxe progressive. D’abord fixée à 15 euros la tonne équivalent CO2, elle monterait progressivement en puissance pour atteindre 30 euros en 2029. Que pensez-vous de la possibilité d’avancer cette date à 2024, en prévoyant un taux intermédiaire, ce qui serait de nature à inciter le secteur à réduire plus rapidement ses émissions et rendrait les solutions à bas carbone plus compétitives ? Comment renforcer la logique du signal-prix afin de consolider l’ambition du PLF sur ces sujets ?
Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Mardi 26 septembre dernier, nous rappelions au Gouvernement l’urgence du dérèglement climatique en arborant lors des questions au gouvernement les « warming stripes », qui montrent le rythme d’augmentation des températures au cours des siècles. Vous nous avez alors reproché de ne pas parler du fonds et d’adopter des postures sans nuances. Or les warming stripes ne sont pas une posture, encore moins le reflet d’une opinion, mais bien la traduction d’un fait scientifique. Le changement climatique bouleverse notre monde, puisqu’il conditionne l’habitabilité de la Terre, mais il est aussi un sujet éminemment politique. La contribution des activités humaines à cette évolution étant reconnue, nos choix politiques pour les orienter le sont aussi.
Puisque vous nous dites : « pas de posture, mais de l’ouverture », nous vous soumettons quelques propositions de bon sens. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) le répétait, il y a quelques jours : pour avoir plus qu’un budget vert embryonnaire, il faut sortir des dépenses néfastes au climat. Nous proposons donc d’accélérer sur le sujet et de mettre fin à certaines niches incompréhensibles pour les Français, comme celle dont bénéficie le kérosène du secteur aérien, qui subventionne la mobilité des plus riches, alors que tant de nos concitoyens galèrent avec leur voiture ou avec des transports publics trop chers. Une autre proposition, simple et basique, consiste à protéger les forêts et les puits de carbone. Or le conditionnement des aides publiques à la bonne gestion forestière et le renforcement des moyens de l’ONF ont été divisés par deux ces dix dernières années.
Enfin, nous ferons plusieurs propositions pour soutenir les agriculteurs en bio en grande difficulté. Il n’est pas normal qu’ils soient moins soutenus par l’argent public que ceux qui font moins d’effort. C’est pourquoi nous proposons des fonds d’urgence pour aider l’agriculture biologique ou pour au moins empêcher les déconversions. L’argent part dans des impasses comme le label HVE (haute valeur environnementale). Nous proposons aussi de renforcer le malus point, l’éco-contribution sur les billets d’avion, ainsi que d’autres mesures.
Pour sortir des postures et montrer votre ouverture, seriez-vous prêt à reprendre toutes ou ne serait-ce qu’une de ces propositions dans le cadre de ce PLF ?
M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Les enjeux climatiques engagent notre responsabilité à toutes et tous. Face à l’urgence et aux retards, les volontarismes doivent s’affirmer. C’est la raison pour laquelle vous évoquez un budget de 40 millions d’euros qui serait le plus vert de notre histoire. Pour autant, l’épisode budgétaire doit passer par des compromis et des consensus pour le rendre plus ambitieux et pour sanctuariser les enveloppes nécessaires à une vraie transition écologique. Nous y sommes prêts, malgré la menace du 49-3.
Mes questions seront centrées sur la rénovation énergétique des bâtiments. Nos propositions figurent dans le rapport présenté la semaine dernière avec mes collègues Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert. Massifier les rénovations globales et performantes est incontournable. Au-delà des moyens, il y a la méthode. Le dispositif Mon accompagnateur Rénov’ montant en puissance, quelle place entendez-vous lui dédier dans le parcours de rénovation ? Quels seront les moyens dont disposeront les territoires et à quelle échéance ? Quelle dynamique peut-il créer avec les collectivités territoriales dans les enjeux de rénovation par quartier de réseaux de chaleur, donc de massification des rénovations ?
Les bailleurs sociaux vont-ils bénéficier d’une enveloppe supplémentaire de 1,2 milliard d’euros sur trois ans pour les rénovations ? S’agira-t-il d’une ligne budgétaire supplémentaire ou sera-t-elle prise sur celle de MaPrimeRénov’ ? Comment entendez-vous remédier au reste à charge qui reste un frein majeur à la rénovation ? L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) et le prêt avance rénovation (PAR) sont mal connus, mal promus par le secteur bancaire. Nous proposons la création d’une banque de la rénovation. Y êtes-vous prêt ? Dans la recherche de nouvelles ressources financières, les banques pourraient devenir des obligées des certificats d’économies d’énergie (CEE), au même titre que les énergéticiens. Y êtes-vous favorable ? Enfin, les entreprises qui structurent la filière de la rénovation énergétique ont besoin de stabilité des dispositifs et de visibilité. Êtes-vous prêt à vous engager sur des plans pluriannuels, aux budgets clairement identifiés ?
M. Christophe Béchu, ministre. La cinquante-troisième mesure du plan Eau consiste à faire un bilan deux fois par an. Les six premiers mois s’étant écoulés, le premier bilan a été fait la semaine dernière à Longuenesse, dans le Pas-de-Calais, devant l’association des maires de ce département qui avaient priorisé le thème de la gestion de l’eau. Sur les cinquante-trois mesures, douze sont d’ores et déjà mises en œuvre et trente‑quatre ont été initiées. Pour la plupart des autres, le calendrier fait référence aux années 2024 ou 2025. Je citerai l’exemple du « plafond mordant » appliqué aux recettes des agences de l’eau. Leurs budgets étant pluriannuels, on ne peut changer les règles de comptabilité qu’au début de la prochaine période commençant au 1er janvier 2025. On augmente leurs crédits, mais la mécanique comptable évitant l’enfermement par les dispositifs de plafond vous sera présentée dans le cadre du PLF pour 2025.
Cet automne marque une période importante pour la réutilisation des eaux usées. Ce n’est pas la solution miracle mais elle est très pertinente en littoral, afin d’éviter des rejets dans la mer, tandis qu’à l’intérieur des terres, des rejets dans le milieu peuvent être souhaitables. Le décret rendant possibles tous les usages de réutilisation d’eaux usées par les collectivités territoriales pour arroser les espaces verts et laver les voiries a été signé le 29 août. Au mois d’octobre, les usages agroalimentaires seront rendus possibles – le décret est soumis au Conseil d’État. Concrètement, 600 millions de litres d’eau pourraient être économisés par une usine Danone en Normandie. S’agissant des eaux grises des logements, la mise en œuvre interviendra sans doute plus sûrement au mois de décembre qu’au mois d’octobre car ces sujets, qui relèvent de la compétence de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), sont un peu plus complexes.
Alors que le plan Eau prévoit mille projets significatifs de réutilisation d’eaux usées, 419 nous ont déjà été remontés au 1er octobre, très en avance sur le délai prévu. Les engagements sont tenus, afin que les habitants concernés aient connaissance des restrictions applicables. Je me tiens à votre disposition pour un bilan d’étape à six mois.
Concernant les trajectoires de sobriété et la baisse effective de 10 % dans différents territoires, cinquante sites industriels sont identifiés. À eux seuls, ils représentent 25 % de la consommation industrielle d’eau, qui sera réduite dans des proportions parfois impressionnantes. Sur le site d’Aperam, dans le Pas-de-Calais, on passera de 1,8 million de mètres cubes à zéro, grâce au remplacement d’un forage et d’un prélèvement dans le canal adjacent par la seule réutilisation des eaux de pluie et des eaux usées. Je pourrais multiplier les exemples.
Je prends comme une marque de confiance que vous me demandiez de réagir sur le nucléaire, l’hydroélectricité ou la géothermie, sujets qui sont plutôt du ressort d’Agnès Pannier-Runacher. Sans me faire son porte-parole, je peux dire que les crédits consacrés au nucléaire augmentent de 10 %. Par définition, le déploiement d’un programme de relance d’une industrie qui nous permet d’afficher un bon bilan carbone, de tenir nos trajectoires, qui présente un avantage compétitif et de transition pour notre pays, prend du temps. Typiquement, les sommes figurant dans le budget ne reflètent pas l’intensité de l’effort budgétaire. Quand vous vous appuyez sur un opérateur qui a été renationalisé, une partie des crédits, notamment ceux pour la recherche, n’apparaît pas dans le budget de l’État mais chez celui qui déploie cette politique.
Nous avons abaissé les seuils pour la production d’hydroélectricité. Les décrets seront pris d’ici quelques jours. Nous n’avons pas retenu les niveaux les plus bas pour des raisons de continuité agricole, mais des niveaux plus bas que ceux existants pour tenir compte de cette source.
Je crois particulièrement au gisement de la géothermie, en particulier de surface. L’hôtel de Roquelaure qui abrite le ministère de la transition écologique choisira, au milieu de ce mois d’octobre, l’opérateur chargé de l’installation d’un système de géothermie, afin d’être démonstrateur et de montrer que nous nous appliquons l’exemplarité que nous demandons aux autres.
Il ne s’agit pas de « sauter sur sa chaise comme un cabri » pour faire de l’écologie punitive. Je ne vois pas ce qui relève de l’écologie punitive dans le leasing pour la voiture à 100 euros, dans l’augmentation des moyens destinés à la rénovation d’une partie des logements, dans le soutien à la réindustrialisation verte du pays. Nous devons nous garder de deux écueils : laisser penser que nous ne ferions rien et qu’une écologie qui ne serait pas anticapitaliste ne serait pas écologiste – si un modèle anticapitaliste dans le monde avait permis de conduire une révolution écologique, cela se saurait – et faire croire qu’on en ferait trop et qu’il serait urgent de ralentir.
Gabriel Amard peut légitimement se sentir visé quand j’évoque ceux qui considèrent que l’écologie sans la lutte des classes, c’est du jardinage. Avec ce genre de propos, on dégoûte une partie de nos concitoyens qui refusent de faire du greenwashing, de la lutte des classes ou du combat contre les riches. Affirmer qu’il suffirait de mettre 50 milliards d’euros la première année et 100 milliards d’euros la deuxième année pour trouver la solution relève au mieux d’une pensée magique. Je veux croire que vous pouvez faire mieux, pour reprendre le titre d’un ouvrage mieux inspiré que certains tweets récents…
En ce qui concerne la publication de bilans environnementaux, on gagne toujours à faire preuve de transparence. Puisque vous auditionnerez M. Clément Beaune, je vous invite à l’interroger sur certaines fake news relatives à des bilans environnementaux d’infrastructures qui vont permettre de supprimer la circulation de dizaines de milliers de camions et la pollution associée dans la vallée de l’Arve. Faire état de conséquences hydriques sur la base de certains rapports en omettant les rapports d’un avis différent, relève à mon sens d’une forme de manipulation.
Le Christophe Béchu que je suis s’efforce de rester cohérent avec lui-même. C’est un combat de tous les jours et je veux croire que c’est aussi le cas pour un député ou pour quiconque ayant un peu de sens moral. Nous sommes tous quotidiennement confrontés à des situations nécessitant d’être capables de continuer à avancer droit.
Le maire que j’ai été continue de penser qu’il faut s’appuyer sur les territoires, ce qui explique la souplesse introduite dans le ZAN et, accessoirement, mon annonce, à Nantes, il y a quelques jours, de la non-généralisation de la consigne des bouteilles en plastique pour continuer à faire confiance aux collectivités territoriales.
Le maire que j’ai été refuse l’instrumentalisation des peurs et se réjouit d’avoir précisé que les zones à faibles émissions mobilité (ZFE) n’étaient pas un outil destiné à chasser les voitures des territoires pour le plaisir, mais étaient liées au niveau réel de la pollution atmosphérique. Cela m’a valu quelques critiques, non pas de votre famille politique mais d’autres, considérant que je réduisais trop le spectre puisque sur les quarante-trois ZFE prévues, il n’en resterait sans doute que cinq.
Je veux dire aux Républicains qu’il manque dans le débat climatique la prise en compte du coût de l’inaction. Dans quantité de domaines, en ayant les yeux rivés sur les sommes, on oublie que ne pas mettre les bonnes sommes au bon moment conduit vers des lendemains budgétaires qui déchantent. Quand un épisode de sécheresse coûte 2,5 milliards d’euros pour un seul été, ajouter un demi-milliard d’euros par an pour éviter qu’il se reproduise n’est pas une augmentation des prélèvements obligatoires pour le plaisir, mais un moyen rationnel d’éviter, demain, des explosions de coûts.
Si je peux comprendre que nous ayons des désaccords de fond, j’ai plus de difficulté à les concevoir au sujet de la voiture électrique. En souvenir des années heureuses passées dans une famille politique où nous avons été ensemble, je mentionnerai trois raisons qui devraient nous conduire à nous retrouver du même côté.
La première est de cesser d’acheter des énergies fossiles à des dictatures qui ne partagent pas notre vision et qui financent des terroristes ou des guerres. Aller vers une énergie produite souverainement grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables est une orientation sur laquelle nous devons nécessairement nous retrouver.
La deuxième a trait au pouvoir d’achat. Si une voiture électrique est chère à l’achat, économiser l’équivalent d’un plein par mois représente 1 200 euros par an de moins en fonctionnement.
Enfin, alors que l’on réindustrialise sur cette base, que les consommateurs sont en train de devancer les électeurs, que le taux d’immatriculation de voitures électriques, à l’exclusion des hybrides, est de 19,1 % pour le mois de septembre et en progrès tous les mois à l’échelle européenne, encourager nos constructeurs à continuer de fabriquer des voitures thermiques, serait préparer des vagues de licenciements dans les années qui viennent. Je peux comprendre que ceux qui regardent le passé avec nostalgie aient envie de nous y ramener, mais je comprends moins que ceux qui souhaitent représenter l’avenir du pays ne regardent pas avec nous dans cette direction.
Je garde un souvenir ému du dîner partagé avec le patron de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor, Jean-Louis Étienne, Valérie Masson-Delmotte et une partie de nos glaciologues en prévision du One Planet-Polar Summit des 8 et 9 novembre. La loi de programmation polaire que vous soutenez dépasse de très loin la compétence de cette seule commission. La fonte des glaces signifie la redéfinition des espaces géopolitiques et, si l’on ne s’en préoccupe pas internationalement, des motifs de conflits majeurs entre la Chine, la Russie et les États-Unis dans les années qui viennent. La fonte du permafrost non seulement induit un péril climatique, mais pose des questions sanitaires. Il serait insensé de croire que chacun peut continuer à chercher des informations dans son coin, quand la montée des eaux touche toute la planète. Notre pays doit être à la hauteur de son histoire en assurant l’entretien de ses bases, en engageant de nouvelles coopérations et en accueillant des chercheurs étrangers dans l’ensemble de nos espaces. Je me réjouis du caractère transpartisan de ce que vous souhaitez mettre en œuvre. Je peux vous assurer de mon soutien, pas seulement pour cet événement.
Je comprends la frustration de ne pas retrouver tous les siens et ses petits dans la construction budgétaire. Je prends aussi comme un hommage de considérer que notre budget vert est incomplet, puisque nous sommes le premier pays au monde à en avoir mis un en place. Nous allons le compléter, après un vote majoritaire de l’Association des maires de France, en étendant un dispositif de budget vert aux collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants. Quant aux dépenses neutres, je vous invite à réfléchir aux modalités de mise en œuvre du budget vert. Des dépenses pour l’Éducation nationale, des dépenses régaliennes de justice, de sécurité ou militaires peuvent-elles être rangées dans le « brun » ou le « vert » ? Par définition, dans le maintien de certains services ou missions régaliennes, le budget de l’État ne peut être entièrement ventilé entre ces types de dépenses. Faire du greenwashing en invoquant des munitions biodégradables et des uniformes recyclables ne serait pas suffisant pour faire entrer la totalité du budget de l’armée dans la bonne catégorie. Nous avons des progrès méthodologiques à faire.
En ce qui concerne les effectifs, votre cruauté aurait pu s’étendre au mandat de François Hollande. La baisse des effectifs au titre de l’écologie pendant les années 2017 à 2022 s’inscrivait dans la même trajectoire qu’entre 2012 et 2017, en moindre volume. Il est parfois bon de balayer devant sa porte.
De fait, 7 milliards d’euros, c’est peu comparé à 68 milliards d’euros, mais je dois rappeler que le rapport Pisany-Ferry ne dit pas que l’État doit mettre 68 milliards d’euros de crédits nouveaux en 2024. Il évoque un besoin de mobilisation devant atteindre 68 milliards à la fin de la décennie, à répartir entre l’État et les collectivités territoriales. La part de l’État n’est pas de 7 mais de 10 milliards d’euros puisque, je le répète, une autorisation d’engagement est le seul moyen d’engager une dépense écologique dans le cadre d’une dépense pluriannuelle. Compte tenu de l’effet de levier sur les collectivités locales, je peux affirmer sans le moindre doute que dès la première année du plan, au moins la moitié des 30 milliards d’euros est sur la table. Je dis « au moins », car l’estimation est des deux tiers quand on additionne les crédits budgétaires nationaux, la progression des crédits locaux compte tenu des verdissements et de la progression du fonds vert, et les mesures complémentaires, hors budget de l’État mais à l’intérieur de la sphère publique, comme l’accélération de la trajectoire de régénération autofinancée pour une part par la SNCF ou la mobilisation de ressources propres d’une partie de nos opérateurs.
La trajectoire d’une taxe progressive pour les gaz fluorés qui sont une menace pour l’environnement a été mise en place pour 2025. Le Gouvernement est attaché à son calendrier, à sa mise en œuvre et à son caractère prédictif. Il ne s’agit pas de faire entrer de l’argent, mais de réduire l’usage de ces gaz. Un signal-prix ne vise pas à obtenir des crédits, mais à accélérer l’adoption de solutions de remplacement. Toutefois, une législation européenne ne laisse plus de place pour une législation nationale. Le début des discussions européennes est une bonne nouvelle, parce qu’il vaudrait mieux prévoir un calendrier global et ambitieux à cette échelle plutôt qu’à la seule échelle nationale, les enjeux climatiques étant toujours internationaux. Si la logique européenne va à son terme, elle supplantera notre logique nationale. Nous avons eu, la semaine dernière, un trilogue encourageant sur l’ambition et la capacité des États européens à se mettre d’accord, dans un calendrier court, sur un dispositif analogue à celui prévu en France et applicable à l’échelle européenne. Nous en saurons plus lors des prochaines semaines et à l’occasion des prochains Conseils. La volonté est intacte, mais entre le cadre européen et le cadre national, la question se posera.
Je crois profondément au signal-prix. Comme les signaux fiscaux, il envoie des messages non pour augmenter les moyens de l’État, mais pour réaliser des baisses sur ce qui est vertueux. Si on ne veut pas donner raison à ceux qui dénoncent l’écologie punitive, l’écologie ne doit pas devenir un prétexte pour interdire et pour taxer. Je veux bien qu’on taxe au nom de l’écologie pour promouvoir ce qui est vertueux, pas pour boucher en partie le trou budgétaire.
Il y a encore des marges d’amélioration dans la copie budgétaire qui vous est présentée. Je crois aux vertus de la coconstruction. Je sais les réflexions qui se font jour sur une partie de ces bancs. Les soutiens à l’agriculture bio et aux forêts sont des sujets consensuels. Je ne peux vous dire, sans entrer dans le détail de vos propositions, si je peux en accepter, mais je serai toujours prêt à regarder comment tirer ensemble dans la même direction.
Les crédits pour les HLM sont bien des crédits nouveaux, complémentaires de ceux annoncés. L’objectif est un reste à charge dégressif en fonction des revenus. Pour MaPrimeRénov’, beaucoup reste à améliorer, mais alors qu’en 2017, deux tiers des crédits bénéficiaient aux 50 % les plus riches, aujourd’hui, les deux tiers des crédits très augmentés bénéficient aux 50 % les plus fragiles. C’est logique puisqu’en 2017, il s’agissait d’un crédit d’impôt et par définition, ceux qui n’en payaient pas n’en bénéficiaient pas dans des proportions comparables à ceux qui en payaient beaucoup. Je me réjouis qu’on ait fait rimer politique écologique et politique sociale.
Nous tiendrons nos objectifs grâce à des effectifs complémentaires. Près de 150 personnes, sur un site ou un autre, vont renforcer les équipes de la rénovation énergétique, dont 55 personnes à l’Anah et d’autres en interne au ministère. Mais je crois aux vertus de la décentralisation et de la déconcentration. Sur le modèle de la délégation des aides à la pierre, j’ambitionne de responsabiliser les collectivités locales par des objectifs. Faute de les atteindre, l’État continue à les assumer ; si elles les atteignent, elles bénéficient des délégations de crédits pour les mettre en œuvre. J’en attends la proximité et la fiabilité du processus. J’ai la faiblesse de penser que quand vous confiez une compétence de ce type à une intercommunalité, celle-ci va utiliser ses mairies annexes, ses espaces, son journal municipal pour faire connaître le dispositif, sensibiliser sa chambre de métiers ou sa chambre de commerce, valoriser des artisans de proximité et rendre possible une accélération.
Le reste à charge diminue en fonction du niveau de revenus. Nous souhaitons qu’il soit égal à zéro pour les plus fragiles au titre de l’accompagnement. Le niveau global de subventions peut monter jusqu’à 90 % pour les foyers les plus fragiles, grâce à des bons de performance énergétique plus importants, puisque c’est la performance énergétique que nous souhaitons valoriser par une sorte de « prime à la sortie » des passoires.
J’ai oublié de répondre à la déclaration du président d’un parti qui m’est cher. Opposer la crise du logement et l’urgence climatique est une fausse bonne idée. Je vous crois sincère quand vous invitez à penser aux plus modestes et je veux croire que c’est le cas de tout le monde ici. Une passoire thermique, c’est aussi une passoire budgétaire pour ceux qui l’habitent, dont des locataires. Je comprends qu’on se préoccupe de la réalisation des travaux par les propriétaires, mais je souhaiterais qu’on se préoccupe aussi du paiement des charges par les locataires de ces passoires. La facture énergétique d’un logement de soixante-quinze mètres carrés classé G s’élève en moyenne à 4 000 euros par an, contre 2 000 euros, s’il est classé D. Si on est animé par l’urgence sociale, il est nécessaire de s’en préoccuper.
J’irai plus loin car beaucoup de fake news circulent sur le sujet. Le 1er janvier 2025, on ne va « sortir » aucun locataire. Personne n’a dit cela. Si une telle bombe était à venir, on aurait constaté quelque mouvement du côté des 150 000 logements insalubres. En réalité, les passoires thermiques sont près d’une fois sur deux des logements vacants. Aider les propriétaires à faire les travaux, c’est les aider à trouver des locataires qui refusent de les habiter parce que l’air passe sous les fenêtres ou parce que l’isolation fait défaut. En outre, tous les propriétaires occupants ne sont pas concernés, car un nombre élevé de ces passoires, en proportion supérieure aux résidences principales, sont des résidences secondaires. Malgré les chiffres, elles non plus ne sont pas concernées par cette obligation de travaux pour continuer à bénéficier d’une location. Enfin, le geste le plus simple, c’est de passer de G à F. Bien que l’objectif soit clairement de favoriser des rénovations performantes, nous allons valoriser le geste consistant à passer de G à F en montrant qu’il est peu coûteux, afin qu’un propriétaire qui voudrait continuer à louer puisse le faire dans des conditions simples et à un coût bien moindre que le mur d’investissement ou de dépense présenté. La réforme globale de MaPrimeRénov’ est idéale, mais je ne veux pas qu’on attaque le calendrier des passoires thermiques en laissant penser qu’une sortie massive de locations se prépare, et encore moins aux dépens des plus fragiles et des plus modestes qui, je le répète, ont le moins de choix et sont les plus précaires d’un point de vue énergétique.
M. le président Jean-Marc Zulesi. M. le ministre m’a proposé de changer la règle et de répondre directement à chacune des questions des autres députés.
Mme Charlotte Goetschy-Bolognese (RE). La loi de finances pour 2019 a étendu aux véhicules équipés d’une motorisation électrique ou à pile à hydrogène le dispositif de déduction fiscale exceptionnelle déjà en vigueur pour les véhicules de 2,3 tonnes fonctionnant au gaz naturel, au biométhane ou au carburant UV95. Ce dispositif, dont les objectifs sont fixés tant au niveau national qu’européen, semble efficace. Le Gouvernement entend-il l’étendre aux poids lourds rétrofités ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le rétrofit est intéressant, parce qu’il évite la totalité de l’empreinte de la fabrication à partir de rien. C’est un peu plus compliqué pour les poids lourds, notamment pour des questions d’assurance, mais nous sommes convaincus de son intérêt. Dans l’écosystème des véhicules lourds promu par le plan France Relance, nous soutenons ce dispositif. Applicable aux véhicules particuliers et aux utilitaires légers depuis le 1er janvier de cette année, il a vocation à s’étendre aux poids lourds. Passée cette phase, interviendra un soutien par le plan de relance dans le cadre d’un appel à projets.
Mme Sophie Panonacle (RE). Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à mes travaux sur l’adaptation des politiques forestières au changement climatique. Les forêts françaises souffrent et ne parviennent pas à remplir correctement leur rôle de puits de carbone. Avec M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture, vous partager la lourde responsabilité de poursuivre et de consolider le soutien à la forêt, de restaurer ce puits de carbone et de pérenniser les forêts diversifiées plus résilientes. Un financement inédit est attendu dans le cadre de la planification écologique.
Dans le PLF pour 2024, les moyens dédiés à la forêt augmentent substantiellement, de 500 millions d’euros en AE et de 400 millions d’euros en CP, dont 250 millions pour le renouvellement forestier par la plantation d’un milliard d’arbres d’ici à 2030, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, et 200 millions d’euros pour le développement du bois de construction et d’une industrie française de transformation du bois compétitive. Pouvez‑vous confirmer que 2024 sera l’année de nouveaux moyens contribuant à l’adaptation des forêts au changement climatique ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je peux vous le confirmer. D’abord, j’y insiste, 50 millions d’euros ont été inscrits dans le budget 2023 dans le programme et équipement prioritaires de recherche (PEPR) pour l’adaptation de la forêt au changement climatique, c’est-à-dire un programme de recherche inédit sur les types d’essences à planter. En se concentrant d’emblée sur le cahier des charges et sur les sommes, on néglige de se demander ce dont on aura besoin dans nombre de domaines. On peut ironiser sur l’humilité avec laquelle on devrait regarder 2100, mais pas dans le domaine des forêts. Ce qu’on plante aujourd’hui a vocation à être présent à la fin de ce siècle, quand les trajectoires de températures seront plus élevées, d’où la nécessité de le faire puissamment dès maintenant. Les montants des crédits que vous avez annoncés sont exacts et historiques. Ils sont partagés entre le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui a la responsabilité de la sylviculture, et le mien, qui a celle du stockage du carbone. La dimension internationale du soutien de la biodiversité n’apparaît pas directement mais elle vient compléter ces aides. Les effectifs de l’ONF relèvent du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, mais ils ont fait l’objet d’une attention particulière.
Mme Marjolaine Meynier-Millefert (RE). Nous sommes enfin à une maille de la planification structurée, mais des réticences à s’engager dans la voie de la pluriannualité, indispensable à la structuration des filières, se font jour. Comment rendre les « COP territoriales » engageantes pour les régions ? Comment voyez-vous la coopération des territoires ?
Des annonces de retraits de financements du ZAN et de l’efficacité énergétique dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont je suis élue, ne vous auront pas échappé. Comment va-t-elle se confronter aux enjeux de la COP ?
M. Christophe Béchu, ministre. Par définition, lorsqu’on fait une planification pluriannuelle, tout doit être pluriannualisé. Je ne veux pas faire pleurer sur les équipes du secrétariat général de la planification écologique (SGPE), mais si aucun pays avant la France n’a fait ce travail, c’est en raison de l’intensité de la tâche. Nous avons d’ores et déjà des maquettes par région des émissions à l’instant T et des trajectoires qui pourraient être suivies. Je continue de penser qu’il faut faire confiance aux collectivités territoriales et que ce n’est pas à l’État de leur dire où elles doivent précisément réaliser des baisses de gisements. Mon approche reste foncièrement celle d’un élu local, mais s’il faut faire confiance, c’est dans le respect de la loi. Quand un texte a été voté, s’en extraire, c’est menacer d’illégalité les documents qui reposent sur lui. Ne pas appliquer le ZAN, c’est appliquer un dispositif plus absurde que celui qui est décrié, en attribuant moitié moins à tout le monde, quels que soient les efforts consentis. En clair, c’est donner plus à ceux qui ont fait le moins et donner moins à ceux qui ont fait le plus. Je ne peux pas croire que des déclarations faites un dimanche pour faire parler de soi aboutissent à la mise en œuvre effective d’une telle politique.
M. Jean-Yves Bony (LR). Si l’État augmente de 7 milliards d’euros ses dépenses consacrées à la transition écologique, il compte sur la mobilisation d’autres acteurs, notamment les collectivités. Quels montants en attendez-vous en 2024 ? Quels contacts avez-vous pris pour leur faire accepter cet effort décidé par le seul Gouvernement ? Comment les inciterez-vous à augmenter leur investissement, alors que leur épargne a fondu sous l’effet de l’inflation et que l’État leur impose un désendettement ?
L’augmentation de 500 millions d’euros du fonds vert sera fléchée vers la rénovation thermique de 2 000 écoles, conformément au souhait du Président Macron. Le montant de 250 000 euros par école suffit-il pour inciter les communes à solliciter cette aide et à engager les travaux ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je vais faire appel au bon sens paysan que je sais répandu dans le Cantal. Si l’on arrondit, seulement 10 % des écoles sont aux normes ; en partant des tarifs moyens de la rénovation, quelque 50 milliards d’euros sont à engager pour rénover 50 millions de mètres carrés. Ces chiffres ont été vérifiés lors des six premiers mois de l’année, puisque 618 écoles ont été accompagnées de manière volontaire en fonction des crédits disponibles, soit une dépense de 618 millions d’euros, dont 141 millions d’euros issus du fonds vert. En prenant les mêmes ratios, il faut ajouter aux 500 millions d’euros du fonds vert dédiés spécifiquement à la rénovation des écoles, 2 milliards d’euros de prêts bonifiés, multipliés sur dix ans, pour déterminer le reste à charge des collectivités dont la moitié est payée par les économies de fonctionnement.
Des collectivités, on attend plus une réorientation de crédits que des dépenses nouvelles. Faire de la rénovation plutôt que du neuf, reconstruire la ville sur elle-même plutôt que l’étendre sont des réflexes non inflationnistes mais consistant à flécher les crédits au bon endroit. J’ai déjà évoqué le sujet, ainsi que la planification, avec les principales associations d’élus. C’est le sens du « tour de France » que je viens d’entreprendre, afin de rencontrer une association des maires par semaine, une association d’élus par semaine, de tenir un débat citoyen par semaine. Cette semaine, c’est l’Assemblée des communautés de France (ADCF) et l’Association nationale des élus du littoral (Anel).
Mme Pascale Boyer (RE). Alors que nous avons encore de nombreux défis à relever pour atteindre nos objectifs en matière d’économie circulaire, composante essentielle et trop souvent oubliée de la transition écologique, je ne peux que me féliciter du maintien à 300 millions d’euros du fonds économie circulaire dans le PLF pour 2024 et des 100 millions d’euros qui viennent en soutien de la filière de valorisation énergétique des combustibles solides de récupération (CSR), même si 150 millions d’euros avaient été initialement annoncés par l’Ademe. Cependant, le déploiement de cette filière doit suivre une vision de long terme. Cette enveloppe budgétaire spécifique fera-t-elle l’objet d’une trajectoire pluriannuelle ?
M. Christophe Béchu, ministre. Vous avez totalement raison quant à la trajectoire pluriannuelle et à la nécessité d’accélérer le développement de l’économie circulaire, qui est bonne pour le climat et pour le pouvoir d’achat. Sur les 850 millions de tonnes de combustible que nous consommons collectivement, 17,2 % étaient recyclés de deuxième main en 2017. Nous avons fait progresser ce chiffre, mais nous ne sommes qu’à un peu plus de 20 %, et il est nécessaire d’accélérer. À l’occasion de la journée de la réparation, le 20 octobre, je préciserai comment, dans le cadre des bonus réparation, nous continuerons de pousser dans un certain nombre de domaines.
Les CSR peuvent être aidés jusqu’en 2026, sous réserve d’un encadrement à l’échelle de l’Union européenne.
Mme Claire Colomb-Pitollat (RE). Lors des assises des déchets, vous avez déclaré que la situation n’était pas propice à un système de consigne mais plutôt à d’autres leviers comme la généralisation de la tarification incitative. Vous mettez tout en œuvre pour améliorer la collecte et le recyclage et votre engagement est total. Comment entendez-vous adapter la réglementation encadrant la tarification incitative, en vue de sa généralisation ? Quels objectifs de collecte visez-vous, notamment pour les bouteilles plastiques et le recyclage du plastique ? Prévoyez-vous le même type de mesures pour le réemploi ?
M. Christophe Béchu, ministre. Nous recyclons en moyenne 62 % de nos bouteilles en plastique et nous avons signé avec l’Europe des engagements en vue d’atteindre un taux de 77 % en 2027 et 90 % en 2029. Il y a un risque que nous ne tenions pas ces objectifs. On dit que tous les pays ayant mis en place la consigne sont meilleurs que nous, mais en France, certaines collectivités territoriales sont déjà à 90 %, tandis que d’autres ne sont qu’à 40 %. Généraliser la consigne alors que des collectivités locales ont investi dans des dispositifs de collecte me pose une difficulté. Installées dans des supermarchés, les consignes vont mettre en difficulté le petit commerce qui y voit une fausse bonne idée. Elles vont globalement bénéficier aux villes quand les bons élèves sont les ruraux : s’ils sont pointés du doigt dans quantité de domaines, en matière de recyclage, leurs niveaux de performance ne font aucun doute. Parmi les villes les plus mauvaises, il y a Grenoble, Paris et d’autres dont il serait contre-intuitif de dire les noms.
L’objectif n’est pas de recycler plus, mais de moins consommer de plastique. Les pays ayant adopté la consigne maintiennent une dépendance au plastique. On va rendre possible la tarification incitative mixte, parce qu’il est plus difficile de la mettre en place en ville. Un amendement vise à ne rendre possible l’installation de deux types de dispositif qu’à l’intérieur d’un territoire. Cela fait partie des préconisations de l’Ademe ; nous allons aider le « hors domicile » en installant des poubelles sélectives dans l’espace public. Dans le cadre de la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour les emballages ménagers, nous allons durcir les coûts pour les plus petites bouteilles, qui sont les moins collectées, afin d’en réduire le tonnage. Les collectivités qui seront très en retard sur les objectifs acquitteront un malus. Notre pays paie 1,3 milliard d’euros pour son mauvais taux de collecte, dont 800 millions d’euros au titre des ménages. Il n’est pas normal qu’un habitant de Vesoul qui est à 90 % de recyclage, grâce à sa taxe d’enlèvement des ordures ménagères et à son comportement citoyen, paie une deuxième fois pour l’habitant de Marseille ou d’ailleurs, qui ne fait pas cet effort. Il sera donc logique d’adopter un dispositif de responsabilité.
Mme Danielle Brulebois (RE). Avec vingt-cinq collègues, nous avons cosigné le courrier de Mme Laurence Heydel Grillere qui vous demande de ne pas oublier la ruralité. Si la transition écologique doit être radicale, mais concrète, elle doit aussi être adaptée et profondément juste. Vous l’avez dit, les ruraux sont de bons élèves, souvent les meilleurs. Comment entendez-vous articuler le plan de transition écologique de 7 milliards d’euros avec les plans déjà existants, comme le plan Eau, le plan France ruralités et le fonds vert ? Quelle sera leur déclinaison financière pour les territoires ruraux dans le cadre du PLF pour 2024 ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je compte d’abord procéder par le dialogue. C’était la raison de ma présence au congrès de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) à l’Alpe d’Huez. Je souhaite par ailleurs un dispositif ne reposant pas sur des appels à projets ou des appels à manifestation d’intérêt permettant aux seules grosses collectivités ayant beaucoup de moyens, d’obtenir le maximum de subvention. Je veux intégrer dans les mécanismes de financement un dispositif qui tienne compte des espaces et pas seulement des habitants, ce qui est le cas des aménités rurales. J’entends décliner la territorialisation en favorisant les objectifs dans lesquels les ruraux pourront s’intégrer de manière plus spontanée. Enfin, je souhaite examiner, dispositif par dispositif, la contribution de chacun – je pense à l’abaissement des seuils pour la petite hydroélectricité – et écouter, dans un certain nombre de domaines, les solutions venant des territoires sans penser que nous allons les imaginer pour eux.
Mme Huguette Tiegna (RE). Le Gouvernement a lancé en 2021 le plan national pour le développement de la cyclologistique. Les aides étaient réservées aux vélos, VAE (vélos à assistance électrique) ou vélos cargos et non aux triporteurs électriques, parce qu’à l’époque, il n’en existait pas. Dans ma circonscription, une entreprise innovante fabrique des triporteurs électriques et nous souhaitons voir ces aides étendues à ce type de véhicules.
Quelle est par ailleurs la position de la France au sujet du PPWR – « Packaging and packaging waste regulation » pour « règlement sur les emballages et déchets d'emballage » – en cours de discussion à Bruxelles ?
M. Christophe Béchu, ministre. Que l’Europe ait besoin de temps pour concevoir un dispositif qui nous contraindrait à interrompre un dispositif visant à limiter le plastique à usage unique n’est pas une attitude qui nous convient. Dès lundi prochain, à Luxembourg, j’évoquerai de nouveau le sujet avec mes homologues européens. Dans certains domaines, il faut aller vers une solution européenne, mais quand des pays ont commencé à agir, on ne peut pas leur demander, de façon trop brutale, de mettre en pause un dispositif, compte tenu des investissements réalisés par certains secteurs pour tenir compte des législations existantes.
M. Matthieu Marchio (RN). Si l’incitation à l’effort pour adopter des pratiques plus vertueuses est nécessaire, l’écologie confine parfois à l’absurdité. Dans le Nord, sur l’autoroute A1, une voie de covoiturage est activée en cas de trafic dense, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas un franc succès. L’expérimentation est coûteuse : 9 millions d’euros, dont 1,5 million uniquement pour l’équipement de la voie par des caméras thermiques et des appareils photos. Compliquée, mal respectée et potentiellement cause d’accident, l’expérimentation entre dans une nouvelle phase, celle des contrôles et des amendes de 135 euros en cas de non-respect ! Les gens du Douaisis qui prennent leur voiture pour aller travailler ne le font pas par plaisir quand le prix du litre de carburant approche les 2 euros. Avec vous, c’est l’écologie punitive : on taxe les gens encore un peu plus. Comment et quand allez-vous vous assurer que les crédits alloués à la transition écologique et énergétique sont utilisés à bon escient ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je vous avoue humblement que je ne connais pas cette portion de l’A1 et ce système de covoiturage. J’ignore même s’il a été aidé par des crédits budgétaires ou s’inscrit dans un autre type de dispositif.
Votre discours est un plaidoyer vibrant pour l’accélération du développement de la voiture électrique, d’autant que, dans votre secteur, des gigafactories en cours de construction doivent contribuer à éviter le fameux litre à 2 euros et à faire évoluer le pouvoir d’achat.
Vous prenez le sujet par le petit bout de la lorgnette en invoquant une dépense de 1,5 million d’euros et l’amende qui sanctionne non le fait de ne pas faire de covoiturage, mais celui de ne pas le faire dans une voie dédiée en cours d’expérimentation. Vous conviendrez que les États-Unis ne sont ni un pays communiste, ni un pays tenté par une forme d’insoumission. Pourtant, il y a, depuis très longtemps, des voies réservées au covoiturage
Dépassez donc votre vision beaucoup trop nationaliste pour faire un peu de benchmarking : regarder ce qui se passe ailleurs serait une forme d’humilité et un moyen de prendre des exemples. La meilleure façon d’économiser de l’argent et des émissions de gaz à effet de serre, c’est de partager des trajets dans les voitures existantes. Le covoiturage est un des leviers. Que 90 % des gens aillent travailler seuls dans leur voiture est une perte d’énergie et de moyens.
M. Emmanuel Blairy (RN). On peut se réjouir de l’augmentation de 20 % des crédits du fonds vert. Toutefois, dans ma 1ère circonscription du Pas-de-Calais, le maire d’Ayette m’a fait part d’un manque de lisibilité du fonds et de difficultés pour obtenir des subventions : dans le département, l’enveloppe est vide, mais on peut présenter des dossiers jusqu’au 31 décembre 2023. Or ce maire manque d’ingénierie et ce travail est chronophage. Pour 2024, doit-il renouveler son dossier ou celui de 2023 sera-t-il pris en compte ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le hasard fait bien les choses, puisque je suis allé la semaine dernière dans le Pas-de-Calais, à Arras, Longuenesse, Moulle et Esbeck. La passion de la paperasserie n’ira pas jusqu’à demander de refaire pour 2024 les dossiers déposés en 2023. Depuis le début, nous avons voulu un dispositif simple et éviter des appels à projets, afin que les plus petites communes puissent en bénéficier. En consultant les chiffres nationaux, vous constaterez que ce ne sont pas les plus grosses collectivités qui ont capté le plus les crédits du fonds vert. Certes, pour la rénovation électrique, par exemple, l’intercommunalité ou le syndicat intercommunal a plus souvent la compétence que la commune, mais globalement, nous avons tenu cet objectif et nous continuerons à le faire. Pour l’ingénierie, nous continuons à chercher à mieux associer les parlementaires au suivi et au traitement des dossiers, car on nous dit que le préfet ne doit pas, seul dans son bureau, opérer l’arbitrage avec le maire.
M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). Vous dites vouloir inciter les collectivités à verdir leurs investissements et à les orienter massivement vers la transition écologique. Or je suis élu du département de l’Hérault et, dans la ville de Sète, il en est autrement. À défaut de verdir les mobilités, la mairie construit des places de stationnement supplémentaires en plein cœur de ville pour un montant de plus de 12 millions d’euros. On voit des arrachages d’arbres, des embouteillages à outrance, mais pas de mobilité de remplacement à la voiture individuelle. Le collectif citoyen Bancs publics, qui lutte contre la construction du parking, alerte depuis des années sur les nombreux manquements dans ce dossier. Comment garantir dans ce PLF que les dotations de l’État servent bien à la transition écologique ? Pouvez-vous faire la lumière sur la situation à Sète, source de grandes tensions ?
M. Christophe Béchu, ministre. Des éléments m’avaient été transmis il y a quelques mois, sur des transplantations d’arbres destinées à éviter de les couper, afin de dégager des espaces publics pour élargir des trottoirs ou créer des pistes cyclables, mais des précisions me manquent. Il convient de faire confiance aux agents de l’État, à proximité des projets dans les territoires, pour les mesurer. Tous les projets ne font pas l’objet d’un accompagnement du fonds vert et ce n’est pas un label garantissant que tout est écologiquement parfait. Dans cette transition, nous sommes parfois obligés de prendre en compte non seulement la dimension écologique, mais aussi la dimension sociale, comme ce fut le cas, l’an passé, quand beaucoup d’entre vous avez souhaité la création d’une aide au remplissage des cuves de fioul malgré les conséquences sur le réchauffement climatique. Nous devons mesurer à la fois ce qui relève de la transition et ce qui relève de l’évolution et de la lutte contre le dérèglement climatique. Nous ne disons pas qu’il n’y aura pas davantage de voitures, mais qu’il n’y aura plus de voitures thermiques et que l’on conservera des véhicules permettant les mobilités individuelles.
M. Vincent Descoeur (LR). Un amendement cosigné par plusieurs de mes collègues et adopté par notre commission, tend à exonérer le biopropane de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Produit à partir de déchets industriels recyclés et d’huiles végétales, le biopropane offre de bien meilleures performances environnementales que le propane traditionnel et produit bien moins d’émissions. Cette proposition a pour objectif d’accompagner la transition énergétique et la décarbonation de quelque 150 000 très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) implantées dans 25 000 communes rurales, en marge des réseaux de gaz naturel.
Quel est votre avis sur cette proposition ? Je comprendrais que vous réserviez la question à Mme Pannier-Runacher, mais celle-ci rejoint celle de ma collègue Danielle Brulebois sur l’accompagnement spécifique de la transition écologique, donc la transition énergétique en milieu rural.
M. Christophe Béchu, ministre. L’amitié que je vous porte et les années que nous avons passées ensemble à occuper des fonctions d’administration départementale dans des territoires différents me poussent à vous répondre. On aura besoin de beaucoup de sources d’énergie pour réussir la transition écologique et on ne pourra pas se priver du biogaz. Il faut parfois laisser des neutralités technologiques pour l’innovation et l’accompagnement des projets. Je transmettrai la question à Mme Agnès Pannier-Runacher, mais je suis convaincu qu’on n’y arrivera pas sans. On le voit pour les crêtes, les chaudières biomasses ou l’accompagnement des filières industrielles. En outre, ces énergies de proximité peuvent être utilisées dans des circuits courts et répondre à des problématiques rurales, en particulier pour des engins spéciaux.
M. Pierre Vatin (LR). Des acteurs de la filière des poêles à bois et pellets m’ont fait part de leur crainte de voir le dispositif MaPrimeRénov’ réservé aux projets de rénovation globale, excluant les petites rénovations. Compte tenu de leur coût, les ménages modestes ne peuvent pas toujours entreprendre des rénovations globales. Pouvez-vous les rassurer ?
M. Christophe Béchu, ministre. Nous continuons à penser que des rénovations ne seront pas globales. Si c’est tout ou rien, nombreux seront ceux qui ne feront rien, mais il y a des monogestes que nous ne voulons pas voir. L’ambition est de 700 000 travaux, dont 200 000 performants et 500 000 efficaces, dont l’installation du chauffage au bois. Toutefois, nous ne souhaitons pas répondre aux demandes de financement de travaux monogestes présentés par les possesseurs de chaudières au fioul. Autrement dit, le monogeste peut être l’installation d’un poêle à bois, mais garder une chaudière à énergie fossile et se contenter de remplacer les fenêtres ne correspond pas à notre ambition. Vous pouvez très fortement rassurer la filière.
Mme Christelle Petex-Levet (LR). La réforme des redevances sur l’eau se poursuit dans le but louable de peser moins sur les particuliers et de reposer davantage sur la logique pollueur-payeur. Si nous saluons la décision de relever enfin le « plafond mordant » pesant sur les recettes des agences de l’eau, nous nous interrogeons sur la destination finale des fonds que collecteront les collectivités au titre des redevances sur la performance des réseaux d’eau et d’assainissement. Ces financements seront-ils destinés à l’entretien des réseaux, qui ne reçoit qu’un tiers des fonds collectés par les agences, ou continueront-ils d’alimenter l’OFB, comme le laisse entendre l’article 18 du PLF ? Une subvention directe de l’État ne serait-elle pas préférable à ce vicieux principe « l’eau paie pour l’eau et la biodiversité », au détriment de la réhabilitation des réseaux ?
M. Christophe Béchu, ministre. Dans les moyens nouveaux accordés aux agences de l’eau, il n’est pas prévu de compléments de crédits pour l’OFB au titre du financement de la biodiversité. Vous lisez sans doute dans l’article 18 du PLF que sur les 475 millions d’euros, 35 vont servir à des cofinancements pour l’outre-mer. Or si le financement de ces travaux outre-mer au titre de l’eau passe par l’OFB, il ne s’agit pas d’une contribution au titre de la politique de la biodiversité, comme les presque 500 millions d’euros figurant dans le schéma des dépenses. Les présidents de comités de bassin que j’ai rencontrés sont très clairs à ce sujet. Je confirme l’augmentation de la redevance pour pollutions diffuses, la contribution des énergéticiens au financement global, alors qu’ils bénéficient encore d’une partie des prélèvements sans participer au financement, afin que ces moyens restent dans les collectivités et accompagnent les politiques de conversion sur les points de captage en prenant en compte non seulement la qualité, mais aussi la sobriété et la quantité.
M. Nicolas Ray (LR). La France manque d’unités de valorisation énergétique (UVE) capables d’alimenter les réseaux de chaleur par la combustion des déchets résiduels, de nature à renforcer notre souveraineté énergétique et à limiter le recours à l’enfouissement. On évalue à 6 milliards d’euros l’investissement nécessaire pour développer cette filière. Êtes-vous favorable à une réduction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour ces installations, notamment celles produisant au moins 50 % d’énergie thermique ? Ce serait pour les collectivités une incitation à investir dans les réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables ou de récupération.
M. Christophe Béchu, ministre. Le nombre d’UVE et le développement des réseaux de chaleur sont des sujets d’intérêt. Mais le mécanisme que vous suggérez, consistant à revenir sur la trajectoire de la TGAP, particulièrement sévère pour les enfouissements mais souhaitable pour des raisons écologiques, n’est pas sans effet sur les UVE et nécessite que je prenne un peu de temps pour vous répondre sans langue de bois.
M. Bertrand Petit (SOC). Sans remettre en question le dispositif MaPrimeRénov’ dont le niveau de mobilisation a montré l’utilité et la pertinence, il ne se passe pas une semaine sans que certains de nos concitoyens, souvent des ménages à faibles ressources, se plaignent de rester dans l’attente du versement de la prime. Ils peinent à joindre les services, doivent parfois refaire leur dossier qui s’est égaré. Quand on est peu à l’aise avec la dématérialisation, il suffit parfois d’une erreur pour voir sa demande annulée. Ce dysfonctionnement agace nos administrés. Vous dites croire aux vertus de la décentralisation et de la déconcentration, mais en attendant, que répondre aux personnes dépourvues qui attendent le versement des primes ?
M. Christophe Béchu, ministre. Demain, l’Anah réunit à Lille tous les responsables de son réseau. La question des délais peut aussi se poser pour les entreprises. Nos indicateurs montrent que la situation s’est améliorée mais, rapportés à vos circonscriptions, 700 000 dossiers peuvent conduire à 25 000 difficultés. Un des objectifs de la réforme qui sera présentée demain, c’est d’éviter ces dysfonctionnements qui alimentent un mauvais bouche-à-oreille et freine les gens, car une expérience malheureuse peut conduire d’autres ménages à hésiter à s’engager. Le dispositif est souhaitable, bon pour la planète et pour le pouvoir d’achat, y compris pour des petits propriétaires qui peuvent remettre des logements sur le marché, mais il doit être amélioré. C’est au cœur de notre réflexion sur l’évolution de MaPrimeRénov’ à compter du 1er janvier prochain.
Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Je cite le document intitulé « Financement de la stratégie nationale pour la biodiversité » : « Le système fiscal dans son ensemble tend à encourager les pressions sur la biodiversité, notamment l’artificialisation des sols ». Lors de l’examen de la proposition de loi visant à mettre en œuvre le ZAN, en juin dernier, vous avez dressé un constat similaire : « Il faut qu’on puisse utiliser une sorte de surtaxe au moment de l’artificialisation, qui permette d’abonder un fonds friches. Il faut que la fiscalité accompagne le mouvement sur lequel nous nous trouvons ». Vous avez souhaité encourager dès à présent les collectivités à renaturer, et nous partageons cet objectif. Pourtant, le PLF pour 2024 n’est toujours pas à la hauteur. Le groupe Écologiste soutiendra de nombreux amendements tendant à réduire la fiscalité dans les espaces naturels, à renforcer celle sur l’artificialisation, à financer la renaturation qui reste très coûteuse et à favoriser les communes qui artificialisent peu. Le Gouvernement compte-t-il donner un avis favorable à au moins l’un d’entre eux ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je n’ai pas oublié mes propos. Il s’agit de généraliser un régime qui concerne un peu moins de 7 000 communes ayant adopté une surtaxe sur plus-values importantes sur l’artificialisation, auxquelles s’ajoute une partie de taxe nationale fléchée sur les jeunes agriculteurs. J’ai souhaité une coconstruction législative. Je ne sais pas si vous avez vous-même imaginé un dispositif, mais nous avons eu une réunion de travail avec le président Zulesi sur les formes que cela pourrait prendre. Il y a une limite aux propos que j’ai tenus, et je compléterai ma réponse en disant qu’une partie du produit devrait être affectée aux agences de l’eau, puisque l’artificialisation a pour conséquence de boucher les nappes et de provoquer des difficultés d’écoulement. Si la recette ne va que dans la poche de la commune, on risque, pour des raisons budgétaires, de retrouver un intérêt objectif à artificialiser plutôt qu’à renaturer.
Même si tout n’est pas parfait, sur les 2,5 milliards d’euros de fonds vert, le niveau du fonds friches est particulièrement élevé, estimé à environ 450 millions d’euros pour l’année qui vient, soit 50 % de plus que la moyenne dans le plan de relance. Les premiers chiffres sont encourageants et spectaculaires, plus dans certains territoires que dans d’autres, mais il n’y avait rien, il y a quatre ans.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le dispositif MaPrimeRénov’ n’intervient que pour un remplacement de fenêtres à simple vitrage. Il est donc impossible de le mobiliser pour une meilleure isolation et une meilleure performance énergétique en changeant de fenêtres si on était déjà passé au double vitrage dans les années 2000. De même pour les fenêtres de toit qui permettent une bien meilleure isolation. Qu’est-il prévu pour y remédier ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je ne puis vous dire avec précision si le remplacement des fenêtres de toit doit faire l’objet d’une évolution de la grille globale d’aide de MaPrimeRénov’. Mais l’intention, je le répète, est d’assurer plus de lisibilité, grâce à des dispositifs simples et des points d’accueil physique multipliés. Cette discussion montre que quiconque doit pouvoir trouver l’information recherchée. Vous pourrez vous tourner vers Mme Marjolaine Meynier-Millefert, qui a rédigé avec M. Jean-Louis Bricout et Mme Julie Laernoes un rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments. L’accélération de l’action passe aussi par des changements systémiques, davantage de recours à l’humain, davantage d’ambition à court terme sur la manière d’avancer et un changement de philosophie globale.
M. Vincent Thiébaut (HOR). Je salue les ambitions de ce budget, les évolutions et l’accompagnement des collectivités territoriales. On peut se féliciter d’une augmentation de la dotation globale de fonctionnement de plus de 200 millions d’euros, soit deux augmentations consécutives après une pause durant treize ans, du passage du fonds vert à 2,5 milliards d’euros et des 100 millions d’euros pour le plan France ruralités. Toutefois, je m’interroge sur la capacité des collectivités à prédéfinir les projets et même leurs propres plans de mise en œuvre en faveur de la transition écologique. J’en viens ainsi à l’ingénierie locale. J’ai cosigné une tribune de l’Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) sur le « 1 % ingénierie ». Qu’envisagez-vous en termes d’ingénierie pour accompagner les collectivités territoriales et les aider à innover ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le soutien et l’appui sont précisément des objectifs de la territorialisation de la planification. Cette partie cruciale prendra deux formes : la nomination de cent postes, un par préfecture, vraisemblablement basés dans les sous-préfectures, destinés à aider les ruralités et les territoires souffrant d’un déficit d’ingénierie propre, et la formalisation du réseau Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)-Cérema-Ademe en termes de mise à disposition et de clarification de la part de subventions utilisable pour lancer le dispositif.
M. Nicolas Dragon (RN). Comme vous ne souhaitez pas revenir au charbon ni au fioul, je maintiens mon propos. La transition écologique passe par la transition énergétique. Peut-être auriez-vous dû être accompagné de Mme Pannier-Runacher.
Je suis élu et conseiller municipal de la ville de Laon, dans l’Aisne. Le fonctionnement de notre système de transport par câble, en site propre, a été stoppé il y a quelques années. Je l’ai longuement défendu ; il manque cruellement aux Laonnois, puisque nous avons une ville basse et une ville haute. La municipalité qui a choisi d’arrêter ce système envisage de retirer toute l’installation, qui a coûté des millions d’euros au contribuable. Acceptez-vous la disparition de cet équipement, dont certaines villes se dotent à grand renfort budgétaire ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je ne connais pas ce système de transport, ni son histoire. Votre point commun à tous, ici, c’est que vous avez réussi à convaincre des électeurs. Vous ne pouvez pas totalement douter de la démocratie puisqu’elle a permis à des gens de reconnaître vos qualités. Pourquoi ceux qui ont fait ce choix éclairé n’auraient pas fait des choix éclairés concernant les élus locaux qui ont décidé de changer le mode de transport de la ville de Laon ? Il y a une forme de prétention à considérer qu’une légitimité nationale pourrait écraser des décisions locales. Par principe, je suis attaché au respect d’une liberté locale. Je reconnais que ma réponse n’est pas géolocalisée, mais elle a le mérite de vous dire quels sont mes principes.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 16 h 45
Présents. - M. Gabriel Amard, Mme Lisa Belluco, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Jean-Louis Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, Mme Annick Cousin, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, M. Jean-Luc Fugit, Mme Charlotte Goetschy‑Bolognese, M. Daniel Grenon, Mme Chantal Jourdan, M. Gérard Leseul, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Matthieu Marchio, Mme Manon Meunier, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Christelle Petex-Levet, M. Bertrand Petit, Mme Claire Colomb-Pitollat, Mme Marie Pochon, M. Nicolas Ray, M. Vincent Thiébaut, Mme Huguette Tiegna, M. Pierre Vatin, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Jean-Victor Castor, M. Marcellin Nadeau
Assistait également à la réunion. - M. Matthias Tavel