Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

 Audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger, sur le Conseil des affaires étrangères (commerce) du 30 mai 2024.              2

 

 

 


Mardi
4 juin 2024

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 60

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Jean-Louis Bourlanges,
Président


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger, sur le Conseil des affaires étrangères (commerce) du 30 mai 2024.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

La séance est ouverte à 16 h 35

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, nous nous réunissons en présence de fonctionnaires du Parlement de Moldavie, que je salue. La Moldavie, vous le savez, est candidate à l’adhésion à l’Union européenne (UE) et les négociations ont d’ailleurs commencé. C’est un pays qui nous est cher et sur les pas duquel nous veillons avec beaucoup de bienveillance, de sympathie et de solidarité. Nous sommes donc très heureux de vous accueillir, mesdames et messieurs, dans cette commission des affaires étrangères d’un pays qui vous veut du bien.

Notre ordre du jour appelle l’audition de M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger. Vous avez déjà fréquenté notre commission, cher Franck, entre 2020 à 2022, lorsque vous occupiez pour la première fois ces fonctions ; elles ont été élargies depuis, ce qui est une marque de progrès et aussi une garantie d’expérience et de compétence.

Notre commission porte une attention toute particulière aux enjeux commerciaux internationaux, dont nous avons le sentiment qu’ils sont devenus centraux pour la position de la France, son audience et son influence à l’égard de ses partenaires européens et mondiaux. Nous venons de recevoir une assez mauvaise nouvelle sur le plan budgétaire : la dégradation de notre notation. M. Le Maire a dit, non sans raison, que cela ne mettait en aucune façon en cause notre capacité à emprunter mais nous sommes malgré tout attentifs aux équilibres budgétaires et commerciaux dont vous êtes, sinon le responsable unique – c’est l’ensemble des acteurs économiques de la société française qui font le commerce extérieur –, du moins le pilote et le porte-parole.

Vous aviez déjà l’habitude de venir devant cette commission quelques jours autour de la tenue d’un Conseil des affaires étrangères consacrées au commerce, ce qui est une tradition. Le dernier consacré au commerce et aux échanges s’est réuni le 30 mai.

Le 7 février, vous avez présenté le rapport annuel sur le commerce extérieur de la France. Dans un contexte marqué par la poursuite de la guerre en Ukraine, le conflit à Gaza et ses implications sur les routes commerciales maritimes, ainsi que par la recrudescence de la compétition économique et technologique entre les États-Unis et la Chine, il faut convenir que notre pays a tiré, peut-être pas structurellement ou durablement – on verra – mais en tout cas momentanément, son épingle du jeu. Le solde commercial s’est en effet amélioré de 63 milliards d’euros en 2023, notamment grâce à la forte réduction, de 47 milliards, de notre facture énergétique, ce qui est très intéressant compte tenu de la situation extraordinairement tendue que nous connaissons depuis l’invasion de l’Ukraine et l’interruption des livraisons d’hydrocarbures et de gaz en provenance de Russie. Cette évolution est à mettre au crédit des choix que nous avons faits, notamment électronucléaires.

Les exportations, il faut le relever, ont aussi progressé – de 1,5 % –, notamment grâce au dynamisme traditionnel des secteurs de l’aéronautique et du textile. S’agissant de l’aéronautique, on voit bien qu’Airbus a le vent en poupe, dans un contexte où Boeing connaît de relatives déconvenues – que nous regrettons, sur le plan de la sécurité, parce que nous volons souvent à bord de ces avions dont nous voudrions bien qu’ils atterrissent – mais surtout à la veille de l’apparition d’un concurrent chinois qui pourrait nous tailler quelques croupières. Quoi qu’il en soit, nous bénéficions pour l’instant de l’extraordinaire succès de notre aéronautique.

Notre balance des services a affiché, quant à elle, un nouvel excédent, de 31 milliards, grâce aux bonnes performances du tourisme et des services financiers.

Au total, le déficit de la balance courante s’est partiellement résorbé, puisqu’il est passé de 54 milliards en 2022 à 34 milliards l’année dernière. Cela signifie tout de même que nous sommes structurellement à la peine, alors que la balance commerciale européenne, elle, est positive. Même si nous avons marqué des points, il nous reste donc un énorme travail à accomplir.

Autre fait notable, la contribution en volume du commerce extérieur à la croissance est redevenue positive, de l’ordre de 0,6 point, après avoir été négative de 0,6 point également en 2022. Les parts de marché de la France se sont accrues : elles ont atteint 2,7 % du commerce mondial des biens au troisième trimestre 2023. Toute la question est donc de savoir si nous avons intérêt ou non à ouvrir notre commerce à l’extérieur. Les chiffres, en l’occurrence, sont plutôt positifs mais je ne doute pas qu’on entende ici des prises de position qui marquent les limites de ce raisonnement.

Le nombre d’exportateurs français a également continué de progresser au cours des douze derniers mois, pour s’établir à 146 200 entreprises.

Tous ces chiffres montrent que la politique engagée depuis 2017 produit certains effets structurels et que notre pays peut trouver intérêt – mais c’est l’objet de débats – à s’inscrire dans le dynamisme du commerce international.

Monsieur le ministre délégué, votre audition intervient dans un contexte parlementaire particulier. Le 21 mars, le Sénat a examiné, dans le cadre de la niche du groupe communiste républicain citoyen et écologiste-kanaky, le projet de loi visant à autoriser la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada : le fameux CETA. Ce texte avait été adopté en première lecture par notre Assemblée le 23 juillet 2019 mais nos collègues sénateurs ont voté contre. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) de notre Assemblée a déposé par la suite une proposition de résolution qui a recueilli une très large approbation, malgré un certain nombre de prises de position très réservées, dont la vôtre, monsieur le ministre délégué, et la mienne, au nom de mon groupe, car je trouve qu’il y a erreur en la matière.

La question, très importante, se décompose en deux volets : d’une part, celui de l’intérêt pour notre pays de signer des accords de ce type avec un pays comme le Canada et, d’autre part, un point de procédure.

S’agissant du second aspect, mon opinion, qui n’engage que moi, est que l’accord ne représente, contrairement à ce qu’affirme l’estimable président Chassaigne, aucune méconnaissance de la démocratie puisqu’il comporte deux types de dispositions : les unes à caractère commercial, qui relèvent de la compétence de l’Union européenne et dont la ratification a lieu d’être prononcée par le Parlement européen – ce qui a été fait et qui a enclenché leur mise en œuvre – et les autres relevant de compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres, et requérant donc l’accord des différentes assemblées nationales ou infranationales de ces derniers – je rappelle que la Belgique en comporte au moins quatre ou cinq. Ce sont ces dispositions qui sont gelées et non celles qui relèvent de l’Union européenne et ont été ratifiées par un Parlement démocratiquement élu, comme nous allons encore le démontrer le 9 juin.

Sur cette procédure, monsieur le ministre délégué, pourquoi, sinon en raison de conditions politiques qui vous sont évidemment reprochées, car le monde est ainsi fait, avez-vous considéré qu’il fallait un peu plus de temps pour soumettre les dispositions du CETA à l’Assemblée nationale ?

Sur le fond, nous voyons bien que le bilan, pour la France, de l’accord entre l’Union européenne et le Canada est extrêmement positif. Les adversaires de ce texte ont néanmoins une objection de fond à l’admission dans notre circuit économique de produits, de biens ou de services qui ne sont pas, par définition, soumis à la réglementation communautaire et ne font pas l’objet de clauses miroirs. Certains estiment, comme moi, que l’ensemble est très positif et que les effets négatifs, notamment en matière d’élevage bovin, sont très limités. D’autres, par exemple dans le groupe GDR, soulignent un manquement à la solidarité.

Il y a donc un problème de fond à résoudre : sommes-nous fondés ou non à signer des accords commerciaux avec des États qui, par définition, n’appliquent pas complètement les mêmes réglementations que nous, même s’ils partagent notre approche démocratique, notre souci d’équité commerciale et notre volonté de respecter l’accord de Paris ? C’est là une affaire assez compliquée.

Une autre question, à mon avis très importante, se pose. Comment nous situons-nous face à la concurrence de grandes puissances étrangères, notamment celle de pays soit très agressifs commercialement, comme la Chine, soit très soucieux de maintenir leurs prérogatives nationales, comme les États-Unis ? Nous ne sommes plus dans un monde fondé sur les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui prévoyaient une régulation commune et partagée. On voit bien que la politique des Chinois, qui sont en difficulté aux États-Unis, sera de se développer très fortement du côté de l’Europe, ce qui pose un problème majeur. Quant aux Américains, nous avons le sentiment que la loi sur la réduction de l’inflation – ou IRA – et ce qui l’accompagne sont assez profondément défavorables à nos intérêts.

Les questions économiques dont vous êtes responsable, Monsieur le ministre délégué, sont difficiles et nous sommes confrontés à une situation délicate. Nous voulons savoir comment vous les abordez dans cette circonstance particulière, et très grave, que nous n’avons manifestement pas la même approche en France qu’en Allemagne. Les Allemands ont envoyé des machines-outils aux Chinois et s’étonnent que ces derniers fabriquent avec des produits concurrentiels. Ils sont par ailleurs conscients que la sécurité n’est plus totalement assurée par les États-Unis mais ils jouent les prolongations : ils voudraient, tout en invoquant une ère nouvelle, que la situation actuelle se maintienne. Pour notre part, nous avons, apparemment, une approche très différente : pour nous, dans le monde de demain, qui sera différent d’aujourd’hui, l’Europe doit être consciente de ses intérêts propres et arrêter d’être une sorte de ville ouverte aux produits chinois et d’être indifférente, malgré une solidarité politique nécessaire, aux conséquences de la politique américaine.

Vous êtes au cœur, Monsieur le ministre délégué, de l’un des grands débats géopolitiques pour notre continent et nous sommes donc heureux de pouvoir vous entendre.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger. Monsieur le président, merci de me donner la possibilité d’échanger avec votre commission.

Vous avez présenté des chiffres tout à fait justes. Même s’il existe toujours de petites différences entre les données des douanes et celles de la Banque de France, le déficit de la balance courante se situe effectivement entre 20 et 30 milliards d’euros en 2023 : une centaine de milliards de déficit pour les biens, un excédent de 37 milliards pour les services et un excédent de 23 milliards pour les revenus. La tendance de 2023 est en amélioration nette pour les biens, de 64 milliards, notamment grâce à la bonne dynamique de nos exportations et à la baisse du coût des importations d’hydrocarbures. Cette tendance positive s’accélère en 2024 : au premier trimestre, le déficit pour les biens est de 17,6 milliards, contre 29 milliards en 2023, et l’excédent pour les services de 10 milliards, contre 7 milliards l’an passé. Hors revenus, le déficit est donc de 7,5 milliards au premier trimestre contre presque 22 milliards en 2023, c’est-à-dire trois fois plus. Pour que cette amélioration continue, notre stratégie repose sur trois piliers.

Le premier, évidemment, est la réindustrialisation. On ne peut pas imaginer exporter si on ne produit pas. La réindustrialisation et plus largement la production, qui inclut l’agriculture, sont au cœur de notre stratégie d’amélioration de la balance commerciale. Nous devons poursuivre la politique de renforcement de notre compétitivité, qui a un impact sur notre attractivité. Elle a un effet sur les investissements étrangers, certes, mais aussi sur le dynamisme de ceux des entreprises françaises dans notre propre pays. Vous connaissez les résultats. Les créations nettes d’usines et d’emplois industriels sont en augmentation. Pour la cinquième année consécutive, la France est le pays européen, Grande-Bretagne incluse, qui non seulement accueille le plus grand nombre de projets d’investissements étrangers sur son sol mais aussi qui a la meilleure image auprès des investisseurs étrangers. Nous avons eu, en 2023, six fois plus d’investissements industriels étrangers que l’Allemagne, trois fois plus que la Grande-Bretagne et dix fois plus que l’Italie. Le nombre de projets industriels d’investisseurs étrangers s’est élevé, en gros, à 530, contre 90 en Allemagne.

Notre stratégie d’amélioration de la compétitivité et de réindustrialisation paie donc et avoir fait le pari de l’avenir avec France 2030, en investissant dans des secteurs très importants pour les exportations de demain, accélérera encore notre déploiement à l’international. Pour améliorer notre compétitivité, il faut aussi jouer au niveau européen : l’attractivité et la compétitivité de la France passent par celles de l’Europe. Nous souhaitons qu’il y ait davantage d’investissements publics en soutien de ceux des entreprises et aussi davantage d’investissements privés. Pour cela, il faut, au niveau européen, aller vers une plus grande union des marchés de capitaux et soutenir encore davantage la recherche et le développement, pour que les innovations d’aujourd’hui conduisent aux productions et aux exportations de demain.

Le deuxième pilier, lui aussi très important, est celui de l’accompagnement des entreprises dans leur déploiement à l’international. Vous avez évoqué nos 146 000 entreprises exportatrices : c’est beaucoup plus qu’il y a sept ans ; nous étions alors à un peu plus de 120 000. Chacun comprend que, mécaniquement, plus les entreprises qui exportent sont nombreuses, plus nous exportons de produits. Les Italiens en ont environ 200 000, les Allemands 300 000. Nous devons atteindre l’objectif de 200 000 entreprises françaises exportatrices à l’horizon 2030 et nous souhaitons que celles qui le font déjà accélèrent leur déploiement à l’international, notamment les grosses PME et les entreprises de taille intermédiaire, car là est souvent la différence avec l’Allemagne et l’Italie.

Dans ce but, nous avons mis en place depuis 2018 ce qu’on appelle la Team France Export, qui regroupe, dans les territoires, sous la houlette des régions, les différents partenaires travaillant aux côtés des entreprises : l’opérateur Business France, BPIFrance, les chambres de commerce et d’industrie, les conseillers du commerce extérieur de la France, les chambres de métiers, les chambres d’agriculture et un certain nombre d’acteurs privés qui accompagnent les entreprises et sont regroupés notamment au sein de la fédération des sociétés privées dédiées au développement – l’OSCI ou Opérateur spécialisé du commerce international. La Team France Export est au service des entreprises pour définir leur stratégie, les financer et les accompagner dans leurs projets de déploiement à l’international.

Dans les pays cibles en matière d’exportations, nous avons des équipes France, placées sous la houlette des postes et des ambassadeurs, qui fonctionnent avec les services économiques de la direction générale du Trésor et, là où elles existent, les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger ou les équipes de Business France et de BPIFrance. Ces équipes ont pour vocation de faciliter la stratégie des entreprises internationales, de trouver des partenaires et des acheteurs, d’assurer une présence dans des salons, d’aider à mieux comprendre l’organisation administrative et juridique des pays et de donner à nos entreprises les meilleures informations sur les priorités de ces derniers en matière économique, afin qu’elles répondent au mieux à leurs besoins.

À cela s’ajoute le plan Osez l’export ! lancé par mon prédécesseur Olivier Becht, que je pourrai exposer plus largement si vous le souhaitez.

Notre troisième pilier est la politique commerciale, qui n’est pas seulement française, comme vous l’avez souligné, monsieur le président, mais aussi européenne. La France joue un rôle clef, étant l’un des principaux pays de l’Union européenne, pour faire en sorte que cette politique facilite l’ouverture de marchés à l’export pour nos entreprises, lutte mieux contre les pratiques déloyales et exige davantage de réciprocité de la part de nos partenaires, dans le cadre d’une approche moins naïve. Le changement de paradigme a commencé en 2017, à l’arrivée d’Emmanuel Macron qui avait exposé dans son discours de la Sorbonne la nécessité de bâtir une autonomie stratégique qui passe par une politique commerciale moins naïve et qui prenne acte de l’évolution du paysage mondial. L’ordre mondial du commerce n’existe quasiment plus. L’OMC est pour le moins affaiblie et certains acteurs, y compris occidentaux, s’affranchissent de plus en plus des règles du commerce mondial. Nous avons la conviction qu’il faut continuer à défendre l’ordre mondial du commerce et à le promouvoir, notamment en aidant à la réforme et à la redynamisation de l’OMC – je pourrai vous en dire plus si vous le souhaitez.

La MC13, treizième réunion ministérielle de l’OMC, s’est tenue il y a quelques semaines. Hormis quelques petites exceptions, les résultats ont malheureusement été très décevants. Nous prenons acte que l’OMC ne joue plus le même rôle que dans le passé et qu’il faut donc que l’Europe se dote d’outils et d’une stratégie autonomes pour protéger ses entreprises contre les pratiques déloyales ou l’absence de réciprocité. C’est pour cette raison qu’ont été adoptés depuis plusieurs années, notamment pendant la présidence française de l’Union européenne, un certain nombre d’outils à cette fin.

Nous nous sommes par exemple dotés d’un outil de réciprocité en matière d’ouverture des marchés publics. Nous sommes, en effet, dans une situation folle qui voit l’Europe ouvrir ses marchés publics – européens, nationaux, régionaux, départementaux, locaux – aux entreprises du monde entier alors que nos partenaires n’ouvrent pas la totalité de leurs marchés publics, voire aucun, à nos entreprises. Nous avons, en gros, accès à 50 % des marchés publics dans le monde hors Union européenne, 30 % au Japon et aux États-Unis et quasiment zéro en Chine.

Cet instrument nous permet, secteur par secteur, de montrer à nos partenaires, en bilatéral, que s’ils n’ouvrent pas leurs marchés publics aux entreprises européennes ou le font de façon biaisée, nous pourrons bloquer leurs produits ou les pénaliser dans la réponse à nos marchés publics.

Un premier exemple concerne les dispositifs médicaux chinois. Les produits européens ne pouvant répondre aux marchés publics dans ce secteur en Chine, la Commission a ouvert une enquête à la suite de laquelle elle proposera au Conseil de prendre des décisions pouvant aller du blocage des produits chinois dans les marchés publics européens à leur pénalisation en Europe.

Autre exemple : l’outil visant à prendre en compte des subventions abusives dans le marché intérieur européen. Nous avions déjà un instrument permettant de lutter contre les subventions abusives dans les pays tiers, comme pour les véhicules électriques chinois. Là, il peut s’agir de subventions à des entreprises du marché intérieur qui répondent à des appels d’offres européens. Ce nouvel outil permet de mieux lutter contre les pratiques distorsives en matière de subventions.

Nous voulons aussi que notre politique commerciale prenne mieux en compte les grands biens de l’humanité qui relèvent du développement durable. L’idée est que la politique commerciale peut être un moyen de mettre en avant d’autres préoccupations – lutte contre la déforestation ou le réchauffement climatique, droits humains, droits sociaux –, par exemple grâce aux mesures miroirs, par lesquelles on exige une réciprocité des normes de production ayant un effet sur ces différents domaines.

Certaines de ces mesures miroirs sont déjà en vigueur, comme celle sur l’autorisation des hormones comme facteur de croissance, qui empêche le bœuf aux hormones, qu’il soit canadien, néo-zélandais, chilien ou américain, d’entrer sur le marché européen. D’autres mesures, votées, vont entrer en application dans les semaines et les mois à venir : la mesure sur les antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance – déjà appliquée en France grâce à un décret que Julien Denormandie avait pris par anticipation – mais aussi celle sur la déforestation importée, qui concerne l’importation de produits comme le cacao, le café, le soja ou l’huile de palme.

On peut enfin parler – même s’il y a débat sur la question de savoir s’il s’agit vraiment d’une mesure miroir – du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui permet de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre importées.

Un mot sur l’ouverture des marchés. Nous devons d’abord nous assurer que, sur ceux qui sont déjà ouverts, notamment par des accords commerciaux, les engagements de nos partenaires sont respectés. Le président de la République a souhaité la création d’un poste de procureur commercial européen, qui veille à la bonne application des accords. C’est le Français Denis Redonnet qui l’occupe actuellement. Un service spécifique, créé à cet effet au sein de la direction générale (DG) Trade de la Commission européenne, œuvre au quotidien avec les entreprises dans ce domaine.

Nous souhaitons aussi continuer de bâtir des partenariats avec des pays avec lesquels nous avons des liens particuliers. Il peut s’agir d’accords commerciaux mais aussi d’accords de partenariat ou d’accords spécifiques sur un sujet donné, comme les métaux critiques.

Un accord commercial est un outil qui permet de faciliter les échanges, en limitant les droits de douane, les barrières non tarifaires et les quotas, à condition de respecter certains critères négociés entre les partenaires. C’est une façon d’encadrer les échanges ; ils auraient lieu autrement mais ils sont ainsi facilités. Il est donc important de s’assurer que les conditions offertes par les accords sont vraiment meilleures. Il existe de bons accords, bien négociés, et d’autres qui le sont moins bien. Voilà pourquoi la France ne soutient pas l’accord avec la zone du Mercosur mais défend avec beaucoup de force le CETA.

Celui-ci a été négocié avec un partenaire démocratique, grand ami de la France et francophone, qui partage tous nos combats au niveau mondial pour le développement durable : contre le réchauffement climatique, pour la biodiversité, la forêt, les océans, les droits sociaux, les droits humains, l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous entretenons avec lui d’étroites relations et un dialogue permanent, y compris au niveau commercial, et il est très à l’écoute des demandes de l’Union européenne, notamment celles de mes prédécesseurs concernant des préoccupations spécifiquement françaises.

De plus, la mise en œuvre provisoire de l’accord a montré combien il était utile à notre économie, dans tous les secteurs : nous exportons davantage dans le domaine des textiles, de la chimie, des cosmétiques, entre autres, mais aussi de l’agriculture – produits laitiers, vins et spiritueux, fromages. Dans l’accord a été protégé quelque chose à quoi nous sommes très attachés : les indications géographiques, c’est-à-dire le lien entre une production et un terroir, lieu d’un savoir-faire. Cela représentait un effort considérable pour les Canadiens, qui appartiennent plutôt à une tradition anglo-saxonne de protection des marques. Ainsi, l’excédent commercial de notre secteur agricole a triplé depuis la mise en œuvre provisoire du CETA.

Nous avons suivi de très près les filières sensibles, dont le bœuf. Nous avons constaté que les exportations de bœuf canadien vers l’Union européenne, spécialement vers la France, n’avaient pas augmenté. Nous sommes même excédentaires en la matière. Cela s’explique par le fait qu’il y a une mesure miroir qui empêche le bœuf aux hormones d’entrer sur le marché européen ; or le bœuf canadien est dans la plupart des cas élevé aux hormones. Certains ont joué sur les mots en arguant qu’il n’y avait pas de clause miroir dans l’accord, ce qui est exact, mais en oubliant l’existence d’une mesure miroir plus forte, inscrite dans la législation européenne et qui s’applique à tous les pays tiers, dont le Canada.

Quant aux importations depuis le Canada, elles sont aussi en augmentation. Exportations et importations sont à peu près à l’équilibre mais ce sont, si je puis dire, de bonnes importations : matières premières, à commencer par l’uranium – nous préférons l’acheter au Canada qu’à d’autres pays – et les hydrocarbures ; produits manufacturés ; matériel de transport – l’Europe importe ainsi des Airbus A220, fruits de l’acquisition par Airbus de Bombardier, qui bénéficient de savoir-faire européens et résultent ainsi de chaînes de valeur très entrecroisées entre le Canada et l’Union européenne. Nous appelons de nos vœux le développement de telles chaînes de valeur, gage de la qualité des produits, au service des exportations de chacun des deux partenaires.

En ce qui concerne la procédure, le projet de loi de ratification a été voté en 2019, après un long débat. Certains prédisaient alors une catastrophe : nous allions être envahis par le bœuf canadien, ce serait très mauvais pour nos entreprises… Nous avons donc voulu prendre le temps de voir ce que donnait réellement la mise en œuvre provisoire – et nous ne sommes pas les seuls : dix pays ne sont pas allés au bout du processus de ratification. Cela permet de constater très concrètement si l’accord est bon ou mauvais.

Manifestement, le CETA est un bon accord. Nous n’avons pas voulu le soumettre tout de suite au Sénat, pour nous laisser du temps, mais les communistes ont inscrit le sujet à l’ordre du jour de la Chambre haute. Nous avons dit ce que nous en pensions. Il y a eu un vote négatif, que je regrette.

Il nous semblait donc utile de répondre encore à certaines questions des parlementaires, notamment au sujet des mesures miroirs. C’est pourquoi le premier ministre a confié au sénateur Daniel Fargeot et au député Benoit Mournet une mission parlementaire destinée à auditer la mise en œuvre actuelle de ces mesures et à réfléchir à celles qu’il faudrait instaurer à l’avenir au niveau européen, qui pourraient figurer sur la feuille de route de la nouvelle Commission. Cette mission devra rendre ses conclusions d’ici à la fin de l’année. Nous attendons aussi, dans le même délai, un audit mené par la Commission européenne.

Bien évidemment, le Gouvernement saisira de nouveau l’Assemblée nationale pour aller jusqu’au bout de la ratification car c’est la procédure normale.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.

M. Philippe Emmanuel (RE). Le 13 mai dernier était organisé le sommet Choose France, rendez-vous annuel incontournable dans l’agenda des industriels et des investisseurs. Des entreprises étrangères y ont annoncé des investissements d’un montant record dans notre pays : cinquante-six projets représentant 15 milliards et 10 000 nouveaux emplois en France. Comme président du groupe d’études sur le cheval, je ne peux passer sous silence qu’en marge de cet événement se tenait la Conférence internationale sur le cheval, dont les participants, issus de plus de quatre-vingts pays, ont été ravis qu’on leur présente des initiatives innovantes de la France concernant cette filière.

En dépit de fortes tensions géopolitiques et de tendances inflationnistes à l’échelle mondiale, la France conserve son titre de championne d’Europe de l’attractivité, qu’elle détient pour la cinquième année consécutive. Depuis sept ans, on ne dénombre pas moins de 10 451 projets d’investissements étrangers dans l’hexagone. Plus de 300 000 emplois ont ainsi été maintenus ou créés, partout en France. Ces projets correspondent aux priorités du Gouvernement pour assurer la réindustrialisation de la France et positionner notre pays au cœur de la production dans des filières stratégiques.

Sous l’impulsion du président de la République et grâce à votre action, monsieur le ministre délégué, nous avons su instaurer des partenariats durables et équilibrés, ainsi que des réformes ambitieuses pour la compétitivité française, à la hauteur de nos aspirations écologiques et technologiques. Ces résultats, nous les devons à une politique inchangée depuis 2017 – création d’un cadre normatif favorable, stabilité fiscale, stratégie énergétique axée sur la décarbonation et sur la transition écologique.

Contrairement à ce que pensent les eurosceptiques, l’ouverture contribue à la richesse de notre pays et à l’emploi de nos concitoyens. Comment comptez-vous maintenir et consolider notre attractivité économique et financière dans les mois et années à venir ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Nous ne voulons pas nous reposer sur nos lauriers. Vous l’avez dit, il faut de la stabilité et de la prévisibilité ; il n’est donc pas question de modifier notre stratégie, notamment fiscale. L’un des éléments clés de l’attractivité du pays est la baisse des impôts des entreprises. Nous voulons continuer, voire accélérer cette évolution, s’agissant notamment des impôts de production.

Il s’agit aussi de simplifier la vie des entreprises. À cette fin, un projet de loi est en discussion à l’Assemblée nationale, auquel s’ajoute la proposition de loi Holroyd, qui porte plus spécifiquement sur les services financiers et tend à simplifier les démarches des exportateurs, notamment grâce à la dématérialisation des documents administratifs de financement des entreprises.

Enfin, nous entendons continuer à soutenir l’investissement dans l’innovation, la recherche et développement et la formation, notamment dans le cadre de France 2030 et de la réforme de la formation professionnelle.

M. Michel Guiniot (RN). Dans les activités non législatives inscrites à l’ordre du jour du Conseil des affaires étrangères « commerce » du 30 mai figurait un état d’avancement des relations commerciales et d’investissement entre l’Union européenne et l’Afrique, sans plus de détails. Cet état d’avancement a fait l’objet d’une approbation du Conseil, où la France était représentée par M. Léglise-Costa. La discussion aurait porté sur les moyens d’approfondir nos relations afin d’instituer un partenariat mutuellement bénéfique aux échelons multilatéral, continental, régional et bilatéral.

L’Union européenne est le principal partenaire commercial de l’Afrique, son premier investisseur et son principal donateur d’aide publique au développement. Plus de 90 % des exportations des pays africains entrent dans l’UE en franchise de droits, notamment de douane, parce qu’elles sont couvertes par le système des préférences généralisées, les accords de partenariat économique avec l’Afrique subsaharienne ou les accords de libre-échange avec certains pays d’Afrique du Nord. Il paraît hypocrite de dire que nous avons une balance commerciale positive avec les pays d’Afrique quand nous y investissons autant de moyens.

Le sixième sommet Union européenne-Union africaine a acté un investissement européen de 150 milliards d’euros sur le continent, après 40 milliards déployés en 2019 pour la santé, les 5 milliards du Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique et les 30 milliards du Fonds européen de développement consacrés à l’Afrique entre 2014 et 2020. Nous sommes le premier partenaire commercial de l’Afrique mais notre balance commerciale avec ce continent est déséquilibrée, avec près de 8,4 milliards de déficit pour 2023 selon les chiffres de la Commission européenne.

Quel est l’intérêt pour l’Union européenne d’accepter les produits d’un continent qui ne paie pas de droits et ne fait l’objet d’aucune limitation de ses exportations ? Pour fonctionner convenablement, l’UE ne devrait-elle pas faire majoritairement appel à ses producteurs et protéger sa balance commerciale en fiscalisant davantage les produits venant de l’étranger ? À moins que l’Union européenne de M. le président Macron ne soit le synonyme d’un élargissement jusqu’à l’Afrique : tous les indicateurs tendent à montrer que la liberté de circulation des biens et des personnes est strictement la même entre l’UE et l’Afrique que dans l’espace Schengen…

Monsieur le ministre délégué, quel bilan vous a été présenté des relations commerciales et d’investissement entre l’UE et l’Afrique ?

M. Franck Riester, ministre délégué. D’abord, si notre ambassadeur a représenté la France au Conseil « commerce » du 30 mai, c’est parce que j’étais ici, dans l’hémicycle, pour l’examen de la proposition de résolution du groupe GDR sur le CETA.

L’Afrique a en effet été évoquée. Il s’agit d’une priorité européenne et française : comment non seulement accompagner son développement, essentiel à l’avenir du continent européen, notamment du point de vue migratoire, mais aussi bâtir des partenariats et des échanges commerciaux utiles pour l’économie africaine comme pour l’économie européenne ?

Pour cela, il faut des partenariats gagnant-gagnant, des accords économiques qui facilitent les investissements durables, comme celui que l’Union a signé avec le Kenya en 2023 et qui va entrer en application en 2024. Il faut aussi rompre avec le discours pessimiste sur la baisse de la présence économique française en Afrique. Les chiffres sont bons avec plusieurs de nos partenaires et il y a des excédents commerciaux européens dans un grand nombre de zones.

Nous souhaitons, comme les autres Européens, des partenariats qui permettent aussi de créer de la valeur en Afrique, notamment par la transformation sur place des matières premières. C’est bon pour l’environnement et pour la croissance économique de ces pays.

Il nous paraît en outre important de moderniser certains outils d’accompagnement, notamment en matière de financement. C’est ce que nous faisons avec les instruments du Trésor comme le Fonds d’études et d’aide au secteur privé (Fasep), qui accompagne des projets innovants, ou encore les prêts du Trésor ou les garanties de la Banque publique d’investissement. De même, l’Agence française de développement accompagne de plus en plus de projets susceptibles de permettre la création de valeur pour les acteurs économiques locaux. À cela s’ajoutent les budgets européens, dont la stratégie Global Gateway, à laquelle vous avez fait allusion.

J’aimerais mettre ici en avant quelques beaux projets : le métro d’Abidjan ; le Nairobi Commuter Railway, financé par un prêt du Trésor de 128 millions d’euros ; le barrage hydroélectrique de Koysha, en Éthiopie, pour 2,8 milliards.

Nous voulons poursuivre cette stratégie et nouer de nouveaux partenariats avec le continent, en Afrique francophone bien sûr – je le dis en tant que ministre chargé de la francophonie – mais aussi lusophone et anglophone. Je me rendrai d’ailleurs très prochainement au Kenya.

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NUPES). Le Conseil « commerce » du 30 mai a débattu de la manière dont la politique commerciale de l’Union peut contribuer à réduire au minimum l’incidence négative pour les entreprises de l’UE des défis géopolitiques actuels, dont les différentes guerres dans le monde et la transition énergétique. Pouvez-vous éclairer notre commission au sujet de la cohérence de la politique commerciale de l’Union concernant les matières critiques indispensables à la transition écologique et numérique ?

Il est incontestable que l’Afrique est un continent pourvoyeur en matières premières et que l’UE est son principal partenaire commercial. Le sous-sol africain regorge de minerais essentiels au commerce et à l’industrie, très utilisés dans les équipements électroniques : téléphones portables, ordinateurs, systèmes automobiles et aéronautiques. En avril 2022, un rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) Global Witness a montré l’insuffisance des mécanismes de contrôle, qui permettent en fait le blanchiment des minerais produits grâce au travail des enfants ou provenant de mines contrôlées par des milices. Pourtant, de nombreuses entreprises de l’Union européenne continuent de s’approvisionner en minerais, dont une partie fait même l’objet de trafics de contrebande. Le rapport s’appuie sur des recherches de terrain et sur des entretiens avec des acteurs politiques, de la société civile, du secteur minier et du monde universitaire, mais aussi sur des dizaines de vidéos tournées par des chercheurs locaux et que Global Witness a pu consulter. Le résultat de cette enquête corrobore les observations d’autres organisations fiables comme l’Organisation des Nations Unies (ONU) ou l’institut de recherche belge International Peace Information Service, ainsi que le récent rapport de Martin Mofali.

Malgré ces éléments, l’UE a signé le 19 février avec Kigali un protocole d’accord sur les chaînes de valeur durables pour les matières premières critiques. Récemment, le mouvement dit « du 23 mars » (M23), milice rebelle soutenue par le Rwanda, provoquait un bombardement dans le camp de déplacés de Mugunga, près de Goma. Comment un tel accord a-t-il pu être signé ? Sous quelles conditions ?

Ma seconde question porte sur les échanges commerciaux entre l’UE et Israël. On compte à ce jour 40 000 morts à Gaza et il y a encore des corps sous les décombres. Le procureur de la Cour pénale internationale a récemment émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou et de son ministre de la défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés à Gaza. Au vu de ces éléments, il convient de s’interroger sur l’accord d’association entre l’UE et Israël, récemment dénoncé par des milliers de manifestants français.

M. Franck Riester, ministre délégué. La France et l’Union européenne sont alignées en ce qui concerne la stratégie de sécurisation des approvisionnements en métaux critiques, qui passe à la fois par une politique publique et par un soutien au secteur privé. Il est à la pointe en France, au niveau de l’extraction comme du traitement de ces métaux.

Cette stratégie passe d’abord par la réindustrialisation et le développement des chaînes de valeur dans l’Union européenne. C’est le sens du Critical Raw Materials Act, appuyé par le programme InvestEU de la Banque européenne d’investissement. Le plan France 2030 contribuera au soutien à la recherche et développement et à l’innovation. Citons le projet de recyclage des terres rares par les entreprises Carester et Solvay à La Rochelle.

La diversification de nos approvisionnements, ensuite, est cruciale, notamment vis-à-vis de la Chine, l’un des grands fournisseurs mondiaux de métaux critiques. Elle passe par des accords commerciaux et de partenariat, comme avec le Chili ou le Canada – je me suis rendu dans les mines d’uranium d’Orano au Saskatchewan – ou encore avec l’Australie, avec laquelle l’UE vient de nouer un partenariat spécifique aux métaux critiques.

Enfin, il convient de promouvoir un approvisionnement durable et respectueux des valeurs auxquelles nous croyons, à commencer par les droits humains et les droits sociaux.

Comme vous le savez, une directive sur le devoir de vigilance vient d’être votée. Elle va notamment imposer aux entreprises européennes de vérifier que leurs chaînes d’approvisionnement respectent nos principes, notamment en matière de droits sociaux et d’interdiction du travail forcé ou du travail des enfants.

En outre, le Parlement européen a approuvé un règlement visant à éliminer du marché européen les produits issus du travail forcé. Les entreprises devront s’assurer qu’il n’y en a pas dans les produits qu’elles importent, notamment lorsqu’ils sont fabriqués à partir de matériaux critiques.

Nous examinons bien évidemment chaque cas et chaque pays car les situations évoluent en permanence, tout en bâtissant de nécessaires partenariats de long terme destinés à garantir notre résilience en matière d’approvisionnement en métaux critiques.

S’agissant de votre question sur Israël, je vous renvoie aux réponses apportées par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères : nous sommes favorables à une solution à deux États et nous mobilisons toute l’énergie nécessaire pour qu’elle advienne.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Avec ce devoir de vigilance, on confie tout de même aux entreprises des responsabilités qui relèvent plutôt de la puissance publique, européenne ou nationale. Il est extrêmement difficile pour des entreprises de faire la police des sociétés avec lesquelles elles font des affaires. Je comprends et je partage l’objectif de ces mesures mais l’Union européenne et les États battent leur coulpe sur la poitrine des autres… Je trouve cela un peu particulier.

M. Franck Riester, ministre délégué. Cela permet malgré tout de sensibiliser les entreprises, qui sont en contact permanent avec leurs fournisseurs et doivent faire ce travail de vigilance absolument clé. Cela n’empêche pas pour autant les États de remplir leur devoir. Le règlement qui vient d’être adopté confie d’ailleurs à ces derniers la responsabilité d’enquêter en cas de suspicion de travail forcé. Les deux actions sont complémentaires et les entreprises ne peuvent pas s’abstraire de leur engagement citoyen et de leur responsabilité sociale et environnementale.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous conviendrez que le partage des responsabilités gagnerait à être précisé à l’avenir.

M. Nicolas Forissier (LR). Ma première question concerne le dispositif public d’appui à l’exportation Team France Export. J’ai beaucoup travaillé sur ce sujet dans le passé et j’observe qu’on a enfin mis en œuvre ce qui était demandé par certains, dont moi-même, depuis vingt-cinq ou trente ans, c’est-à-dire une équipe de France rassemblant, autour de la même table, les nombreux acteurs qui travaillaient bien souvent de façon dispersée.

Avez-vous le sentiment que cette Team France Export fonctionne et qu’elle est à la hauteur de ce que font nos concurrents, notamment du point de vue budgétaire ? La subvention de l’État à Business France est inférieure de moitié à celle de l’Italie à l’agence équivalente et ne couvre pas les dépenses de personnel, ce qui pose un problème de ressources et de fragilité. Or les Italiens ont justement 200 000 entreprises exportatrices. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de faire franchir une nouvelle étape au dispositif public d’appui à l’export ?

Un mot sur le CETA. Je soutiens à fond cet excellent accord, qui n’a rien à voir avec d’autres en cours de discussion. Je sais qu’il suscite au sein de mon groupe des interrogations, voire des inquiétudes. N’avons-nous pas davantage un problème de transparence que de clauses miroirs ? J’ai eu la chance d’en discuter la semaine dernière avec Stéphane Dion, ambassadeur du Canada en France et homme d’État remarquable. Il m’a dit que son pays avait déjà fourni un certain nombre de clarifications. Je m’interroge sur les modalités des contrôles, notamment s’agissant de la viande bovine. L’État est-il suffisamment actif ? A-t-il assez négocié avec les autorités canadiennes pour s’assurer que les clauses sont respectées et pour rassurer les producteurs français et la Fédération nationale bovine ?

J’en viens à ma troisième question. Vous avez rappelé que la France est la première destination pour les investissements étrangers en Europe. Nous en sommes fiers mais quand on regarde les études dans le détail, on voit bien que les installations créent beaucoup moins d’emplois chez nous que dans les autres pays. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Qu’envisage le Gouvernement pour essayer d’augmenter la teneur en emplois des investissements étrangers ?

M. Franck Riester, ministre délégué. C’est une affaire de moyennes. Il n’y a pas moins de projets supérieurs à 250 salariés en France qu’en Allemagne ou en Grande-Bretagne mais il y a davantage de projets de manière générale, et notamment des petits. Cela aboutit évidemment à une moyenne inférieure.

Cela étant dit, nous ne réagissons pas assez rapidement face aux projets de gigafactories, pour proposer des terrains aux entreprises qui souhaitent construire. Nous travaillons donc pour qu’une deuxième étape de la loi relative à l’industrie verte permette d’aller beaucoup plus vite.

Il faut aussi noter que si nous avons davantage de petits projets, c’est que beaucoup d’entre eux font suite à des investissements précédents, ce qui indique que les investisseurs étrangers sont satisfaits d’avoir choisi la France et qu’ils continuent à moderniser leurs usines et à augmenter leurs capacités.

Avec Team France Export, nous chassons effectivement davantage en meute qu’il y a quelques années. Les différents partenaires échangent de manière permanente. C’est par exemple le cas d’Alain Di Crescenzo, président de CCI France, et de Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France, alors que cela aurait été inimaginable à ce point il y a quelques années. Ils coordonnent étroitement l’action de leurs conseillers exportations.

Cependant, on peut encore mieux faire.

Il faut toujours réfléchir aux moyens de simplifier la vie des entreprises. Je constate que beaucoup d’entre elles ne savent pas toujours à qui elles doivent s’adresser et n’ont pas identifié leur conseiller exportations. Il faut que nous progressions sur ce point, peut-être en prévoyant des moyens supplémentaires.

C’est la raison pour laquelle, dans le cadre du plan Osez l’export !, le Gouvernement a choisi d’affecter 12 millions d’euros en plus par an à l’effort de création de pavillons France dans les foires et salons. Je souhaite aller encore plus loin car il doit vraiment être manifeste que les Français sont ensemble dans ces manifestations. Les salons sont essentiels pour les exportations et il faut aider les petites et moyennes entreprises qui n’ont pas forcément les moyens d’y aller seules.

Si l’on considère les dispositifs de nos concurrents, ce qui fait vraiment la différence, c’est leur présence dans les salons. Nous n’avons objectivement pas du tout à rougir des financements que nous consacrons au soutien aux exportations, grâce aux prêts du Trésor et de BPIFrance mais aussi aux avances remboursables du Fasep. Les entreprises ne demandent pas des financements supplémentaires pour exporter mais à être accompagnées pour participer aux salons. Elles y sont un peu perdues – faute de pavillon France –, contrairement aux Italiens, aux Allemands ou aux Émiriens, par exemple, qui sont très présents.

J’ai assisté à la rencontre des entrepreneurs francophones dans le cadre du salon Gitex Africa à Marrakech il y a quelques jours : malgré tous les efforts de Business France, qui avait fait venir des start-up, nous n’étions pas du tout au niveau de ce qu’ont fait les Émiriens.

Tout cela nécessite des moyens. Lors des discussions budgétaires, je précise toujours que ceux de Business France et plus largement ceux consacrés à l’exportation sont des investissements vraiment utiles, avec un taux de retour très important pour le déploiement international des entreprises, et donc pour les finances de l’État. Je précise qu’un tiers du budget de Business France provient de subventions, les deux-tiers restants, soit une proportion importante, étant apportés par des ressources propres issues notamment de la facturation de prestations de services aux entreprises.

En ce qui concerne le CETA, revenons d’abord aux faits. Les contrôles et la traçabilité existent et ils empêchent le Canada d’exporter chez nous du bœuf aux hormones car c’est interdit. Nous sommes disposés à accroître ces contrôles et nous-mêmes, Français et Européens, en avons demandé davantage aux Canadiens. Nous avons la chance d’avoir des partenaires qui sont très à l’écoute. C’est le cas de l’ambassadeur du Canada en France mais aussi de mon homologue chargée de la promotion des exportations et du commerce international, qui est disposée à travailler avec nous en prenant en compte nos remarques et suggestions.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Lorsque l’on écoute nos compatriotes, il y a toujours trop d’État mais jamais assez de fonctionnaires pour s’occuper d’eux…

M. Bruno Fuchs (Dem). Pour me déplacer beaucoup au titre de mes responsabilités dans l’Assemblée parlementaire de la francophonie, je confirme que, presque partout, l’équipe France fonctionne manifestement bien mieux qu’il y a quelques années. Les gens se parlent, un pilote coordonne les actions et le tout est efficace.

Je peux aussi témoigner de l’attractivité de la France en prenant l’exemple de l’agglomération de Mulhouse, où vont investir dans les prochaines années à la fois Microsoft, pour 2,2 milliards d’euros, et le groupe Bolloré, pour une usine de batteries de 2 milliards. J’en profite pour saluer votre prédécesseur, Olivier Becht, qui est comme moi élu de cette agglomération.

J’en viens à mes questions. On parle beaucoup d’agriculture mais très peu de la pêche et des produits de la mer. En mars dernier, la commission de la pêche du Parlement européen a publié une étude sur la compétitivité de l’Union européenne dans ce secteur. Nous sommes le plus grand marché mondial des produits de la mer mais nous souffrons d’un manque de compétitivité et restons largement dépendants des importations. Nous faisons face à deux difficultés.

La première est la concurrence déloyale de pays dont la réglementation est plus souple que celle de l’Union européenne, notamment en matière de conservation, d’hygiène ou encore de conditions de travail.

La seconde est que l’impact écologique de certains produits de la mer que nous importons n’est pas pris en compte. C’est un fait peu connu du grand public mais une certaine forme d’aquaculture – comme l’élevage de crevettes en Asie – est une cause majeure de la déforestation des mangroves. Or ces systèmes fragiles sont aussi de véritables puits de carbone.

On peut s’étonner que la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) ne tienne aucun compte de cet élément. C’est pourtant un impératif, aussi bien pour lutter contre la déforestation que pour protéger nos professionnels. Les produits de la mer y seront-ils intégrés à l’occasion de sa prochaine actualisation ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Je vais voir avec mon collègue ministre de la transition écologique si cette question pourrait être prise en compte lors de l’actualisation de la stratégie mais aussi au sein du règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts.

La SNDI vise actuellement six produits mais aucun de la pêche, alors qu’ils peuvent effectivement avoir des conséquences sur les mangroves.

Pour autant, les questions relatives à la pêche sont abordées évidemment au niveau européen mais aussi dans le cadre de l’OMC. Un accord a ainsi été conclu lors de la douzième conférence ministérielle, en 2022, sur la pêche illégale. Il prévoit des sanctions.

Il reste que nous n’avons pas abouti en ce qui concerne la surpêche, qui peut toucher aussi l’élevage de crevettes. Il faut que je vérifie si ce dernier point figure dans le champ des négociations.

Enfin, pourquoi ne pas réfléchir à des mesures miroirs spécifiques ? La mission dont le premier ministre va charger Daniel Fargeot et Benoit Mournet a pour objet, d’une part, d’évaluer l’application des mesures miroirs en vigueur, et notamment les modalités de leur contrôle, et, d’autre part, de réfléchir à d’autres mesures de ce type qui pourraient figurer dans la feuille de route de la prochaine Commission européenne.

M. Alain David (SOC). Notre groupe se satisfait bien sûr du renforcement, lors du Conseil européen de la semaine dernière, des droits de douane sur les produits céréaliers russes ou biélorusses. Il était important de mettre un terme aux achats de céréales, d’oléagineux ou de produits dérivés, parfois même produits sur la partie occupée du territoire ukrainien. Cela montre le soutien de l’Union à l’Ukraine et notre volonté de tarir des recettes que la Russie ne manque pas d’utiliser pour sa guerre d’agression.

On ne peut cependant pas évoquer cette réunion du Conseil « commerce » sans en venir à la discussion qui a eu lieu le même jour dans l’hémicycle sur la proposition de résolution de nos amis communistes.

Nous sommes nombreux à nous réjouir de l’adoption de cette résolution qui demande au Gouvernement de soumettre le traité de libre-échange avec le Canada à un vote de ratification. Nous avons eu de nombreuses occasions de souligner la différence entre le libre-échangisme béat et le juste échange. En séance, Dominique Potier a rappelé que notre groupe souhaitait permettre au Parlement de donner au Gouvernement des mandats de négociation pour les traités commerciaux. De même, il a insisté sur l’importance de passer d’une logique de concurrence à une logique de coopération, afin de nourrir les 10 milliards d’habitants de la Terre à l’horizon 2020 tout en respectant les objectifs de l’accord de Paris.

Après l’adoption de cette résolution la semaine dernière et le refus du Sénat de ratifier le CETA en mars dernier, quand pourra se tenir un véritable débat sur ce traité à l’Assemblée nationale ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Comment un député aussi expérimenté que vous peut-il dire cela, alors qu’il y a eu un débat et un vote en 2019 ? Bien sûr que le projet de loi de ratification sera soumis au vote de l’Assemblée nationale ! J’en ai pris l’engagement au nom du Gouvernement et l’Assemblée en a déjà débattu en première lecture. Puisque nous soutenons cet accord, nous voulons qu’il soit ratifié !

Pourquoi voulez-vous absolument aller vite ? Moi, monsieur le député, je crois à cet accord. Je rencontre des viticulteurs et des producteurs de lait qui exportent, et je voudrais que l’on débatte un peu des réalités et non de fantasmes. Que l’on arrête de dire que cet accord aurait des conséquences terribles pour notre économie alors que tout montre qu’il est très positif ! Il n’y a pas un seul élément pour laisser penser le contraire. Vous pouvez lever les yeux au ciel, mais dites-moi en quoi il pose problème !

M. Alain David (SOC). Ce traité est pourtant l’une des raisons du mouvement des paysans cet hiver…

M. Franck Riester, ministre délégué. Mais les paysans sont bénéficiaires de cet accord, voilà la réalité ! Nous exportons plus de bœuf que nous n’en importons – d’ailleurs, nous n’en importons quasiment pas.

M. Pierre Cordier (LR). Dans quelles conditions sont élevés ces bœufs importés ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Monsieur le député, s’ils sont élevés avec des hormones, ils ne peuvent pas entrer sur le marché européen. Que faut-il faire de plus ?

Sans doute ne voulez-vous pas que l’on exporte du vin ? Vous n’avez probablement pas de viticulteurs dans votre circonscription mais allez donc demander ce qu’ils pensent à ceux qui ont vu leurs exportations exploser grâce au CETA et aux producteurs de fromages, dont les ventes au Canada ont progressé de 60 % grâce à la reconnaissance des appellations d’origine protégées ! Et allez leur dire qu’il faudrait revenir sur cet accord ! Mais n’en restez pas au fantasme d’une invasion de bœufs aux hormones.

M. Alain David (SOC). Vous n’êtes pas obligé de vous énerver à l’occasion de votre réponse.

M. Franck Riester, ministre délégué. Comme disait le président Sarkozy, « Je ne m’énerve pas, j’explique ». Il faut dire que tous les jours, j’entends des contrevérités ! Vous pouvez rire mais les femmes et les hommes qui bénéficient de cet accord ne comprennent pas pourquoi des parlementaires votent contre un traité qui leur est favorable. Nos amis et partenaires canadiens, qui sont disposés à travailler intelligemment avec nous, ne comprennent pas non plus. Ils nous demandent où sont les problèmes, pour travailler ensemble à des contrôles !

Tout cela explique ma réponse un peu passionnée. Mais, monsieur David, comme l’exige la procédure parlementaire, nous discuterons en deuxième lecture de la ratification de cet accord. Nous apporterons alors d’autres arguments. Nous disposerons des conclusions de la mission confiée à deux parlementaires et aussi de l’audit de l’étude d’impact de la Commission européenne, en toute transparence. Nous n’avons rien à cacher.

S’il y a des problèmes, il faudra les résoudre mais on ne peut pas balayer d’un revers de la main un accord qui est ultra-bénéfique pour notre pays, en premier lieu pour les agriculteurs et les entrepreneurs.

M. Alain David (SOC). Dont acte.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. M. David n’est pas celui d’entre nous qui est le plus prompt à balayer un argument d’un revers de la main. Il est simplement, contrairement à moi d’ailleurs, en désaccord avec vous sur ce dossier.

M. Franck Riester, ministre délégué. Nous nous connaissons depuis longtemps et nous nous apprécions.

M. David a enfin eu raison de souligner l’importance de la décision prise par le Conseil « commerce » concernant les produits oléagineux et céréaliers importés depuis la Russie et la Biélorussie, désormais soumis à des droits de douane importants. Ces produits ont représenté 1,2 milliard d’euros en 2023.

Cette décision vise à protéger les filières sensibles européennes, à lutter contre l’importation de denrées agricoles provenant illicitement de parties occupées du territoire ukrainien et à diminuer les recettes qui permettent à la Russie de financer sa guerre d’agression, le tout en préservant la sécurité alimentaire mondiale,

Je pourrai bien évidemment transmettre le détail de ces mesures à votre commission. Les droits sur le blé dur ont par exemple été portés à 58 euros par tonne.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Vous avez jugé décevante la dernière conférence ministérielle de l’OMC, qui s’est tenue il y a deux mois à Abou Dhabi. On vous comprend, puisqu’elle n’a pas vraiment permis de faire progresser la réforme de cette institution multilatérale, qui reste paralysée. Après plusieurs jours de discussions, les participants ont une fois de plus buté sur les dossiers majeurs de l’agriculture et de la pêche.

Même si l’Union européenne semble déployer des efforts pour tenter de réformer l’OMC, pensez-vous que le déclin de cette dernière est inévitable ? Ou bien existe-t-il une volonté partagée avec vos collègues européens pour la sortir enfin de cette paralysie ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Il y a une volonté européenne et de plusieurs acteurs internationaux mais il y en a d’autres qui ne veulent pas faire bouger les choses, à commencer par la Chine ou les États-Unis. Nous en prenons acte et nous regardons la situation avec lucidité mais sans nous résigner pour autant.

Au fond, pour nous, il n’y a pas d’alternative, à terme, à cet ordre mondial. Nous devons donc continuer à faire confiance au principe de ces organisations multilatérales. Nous devons travailler au redémarrage de l’ensemble du dispositif de règlement des différends, qui est aujourd’hui bloqué par les États-Unis au niveau de l’Organe d’appel. Il faut aussi relancer la négociation d’accords. Ainsi, voir avancer la deuxième phase des négociations sur la pêche serait formidable.

Nous continuons à essayer de convaincre nos partenaires chinois et américains, mais aussi indiens, ces derniers ne faisant pas beaucoup d’efforts. Mais force est de constater que, pour l’instant, les choses n’avancent pas au sein de l’OMC.

Il faut donc s’organiser en conséquence pour protéger nos entreprises contre les pratiques déloyales.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions posées à titre individuel par les autres députés.

M. Lionel Vuibert (RE). Vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué, pour être en mesure d’exporter, il faut d’abord être capable de produire sur notre propre sol. À l’heure où les enjeux environnementaux entraînent des contraintes particulières pour notre industrie, comment pouvons-nous sécuriser nos approvisionnements en matières premières critiques ? Dit autrement, comment mènerons-nous la nécessaire réindustrialisation de notre pays, notamment dans les domaines des technologies vertes et du numérique, alors que nous demeurons très dépendants de nos partenaires commerciaux ?

M. Franck Riester, ministre délégué. En matière environnementale, les clauses miroirs, la stratégie de lutte contre la déforestation importée ou encore le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières permettent de compenser les efforts que nous demandons à nos entreprises – que celles d’autres pays n’ont pas à fournir. De plus, au sein des accords commerciaux, les chapitres relatifs au développement durable ont récemment été modernisés et renforcés, notamment lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Le respect de l’accord de Paris est par exemple devenu une clause essentielle de ces traités.

S’agissant des métaux critiques, j’ai évoqué plus tôt la nécessité de bâtir des chaînes de valeur en Europe pour leur transformation et leur recyclage. J’ai cité en exemple le projet de recyclage des aimants de moteurs électriques aux terres rares conduit par Carester et Solvay, près de La Rochelle, mais j’aurais également pu évoquer les batteries et l’importance du lithium. À cet égard, la diversification de nos approvisionnements est essentielle. Le CETA et les accords conclus avec le Chili et l’Australie doivent nous y aider.

M. Alexis Jolly (RN). En août dernier, votre prédécesseur Olivier Becht a présenté le plan Osez l’export !, vendu comme une action forte pour accompagner nos entreprises à l’international. Ce plan, qui veut porter le nombre d’entreprises exportatrices de 120 000 à 200 000 à l’horizon 2030 et fait suite au volet export du plan de relance, doit être doté de 125 millions d’euros sur quatre ans.

Notre solde commercial étant de plus en plus dégradé, avec un déficit de 16,6 milliards au premier trimestre 2024, il est évident que les mesures comprises dans ce plan doivent être urgemment appliquées. Qu’en est-il ? Les crédits prévus ont-ils bien été alloués ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Oui, les crédits ont bien sûr été alloués.

Avant toute chose, il est faux de dire que notre solde commercial se dégrade. S’agissant des biens, il s’est même nettement amélioré, de 64 milliards d’euros l’an dernier. Quant aux chiffres du premier trimestre 2024, toujours pour les biens, le déficit s’élève à 17,6 milliards, contre 29,2 milliards au premier trimestre 2023.

Les treize mesures opérationnelles du plan Osez l’export ! sont engagées et les budgets sont mobilisés. Elles visent à mieux accompagner les entreprises souhaitant exporter, à soutenir les pavillons France dont je parlais tout à l’heure, à développer des e-vitrines – également appelées marketplaces – par secteur d’activité. Avec Bruno Bonnell et Laurent Saint-Martin, nous veillons à ce que les sociétés bénéficiaires du plan France 2030, dont l’effet levier doit être le plus important possible, disposent d’un accompagnement spécifique à l’export. Enfin, nous proposons les programmes Booster, qui offrent un soutien massif à certaines entreprises pour l’accélération de l’implantation internationale.

Le plan Osez l’export ! est donc bien en déploiement. Je m’apprête d’ailleurs à commencer un nouveau tour de France pour mettre en valeur ses différentes composantes.

Mme Amélia Lakrafi (RE). Vos propos, monsieur le ministre délégué, illustrent parfaitement combien, en matière commerciale, l’Union européenne est un atout pour la France, qui, seule, ne disposerait pas de la taille critique pour s’imposer dans des négociations avec ses partenaires. Malheureusement, certains profitent de la campagne des élections européennes pour remettre en cause les traités de libre-échange, qui stimulent pourtant notre croissance et contribuent à la diminution de la pauvreté dans le monde.

Merci d’avoir donné davantage de détails, en réponse à M. Guiniot, sur l’accord de partenariat économique avec le Kenya, où je me rends lundi – accord qui doit entrer en vigueur prochainement. À cet égard, et alors que j’irai mardi à Lubumbashi, en République démocratique du Congo, pour participer à la Mining Week, pourriez-vous développer la stratégie de l’Europe et de la France en matière d’approvisionnement en minerais et terres rares africains ?

M. Franck Riester, ministre délégué. En ce qui concerne les métaux critiques, j’ai déjà parlé de la nécessité de développer des chaînes de valeur au sein de l’Union européenne mais aussi des partenariats gagnant-gagnant avec des pays africains, afin qu’une partie de la transformation ait lieu dans le territoire d’extraction. Cela passe par la diversification de notre approvisionnement et par la signature d’accords de partenariat qui respectent les principes des droits sociaux et des droits de l’Homme auxquels nous sommes attachés. Nous veillons en effet à ce que les chaînes d’approvisionnement soient en accord avec nos convictions. Nous avons un dialogue nourri en ce sens avec les pays africains partenaires.

M. Kévin Pfeffer (RN). En avril dernier, en réponse à la colère des agriculteurs européens, la Commission européenne a plafonné les volumes d’importation de volailles, d’œufs, de miel et de sucre en provenance d’Ukraine. Ces seuils, largement insuffisants car basés sur des années records et donc des volumes très élevés, incluent le maïs et l’avoine mais pas les autres céréales. Les exportations de l’Ukraine vers l’Union européenne, sans quotas ni droits de douane, ont été multipliées par environ dix-sept.

Le Conseil des affaires étrangères du 30 mai a augmenté, et c’est heureux, les droits de douane sur les stocks massifs de blé russe et biélorusse, volés sur les terres ukrainiennes et qui risquaient de fortement perturber notre marché. Or c’est le cas également du blé ukrainien, dont l’explosion de l’offre fait reculer les prix et réduit la part de marché des céréaliers français en Europe.

La France, tout comme la Pologne et la Hongrie, a plaidé pour que le blé ukrainien soit lui aussi soumis au mécanisme de plafonnement mais nous n’avons pas obtenu gain de cause car de nombreux pays européens ont intérêt à accéder à un blé bon marché. De quelle manière la France continuera-t-elle d’agir pour que les producteurs français ne soient pas la variable d’ajustement de notre soutien à l’Ukraine ? Quelles sont les perspectives de régulation pour ce type d’importations, qui pèsent sur les résultats de nos paysans ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Nous partageons cette préoccupation. J’ai beaucoup œuvré, avec les membres du Gouvernement et en lien avec l’Union européenne, pour que soient établis des freins d’urgence sur les produits que vous avez énumérés : les volailles, les œufs, le sucre, le maïs, le gruau, l’avoine et le miel. Nous avons travaillé avec les producteurs pour que les périodes de référence soient plus larges que ce qui avait été imaginé initialement, afin d’améliorer l’effectivité des mesures.

Demeure la question de certaines céréales, comme le blé, qui ne sont pas concernées par ces freins d’urgence. La Commission européenne a indiqué très clairement qu’en cas de déstabilisation avérée des marchés européens, la législation actuelle nous permettrait de réagir très rapidement, au travers des mesures de sauvegarde. Nous sommes en contact régulier avec les professionnels du secteur pour, le cas échéant, attester de perturbations du marché européen par les importations ukrainiennes.

Ce qui est certain, c’est qu’il existe une perturbation mondiale des marchés du blé, en raison des pratiques russes et des bonnes récoltes ukrainiennes en 2022, lesquelles ont entraîné une baisse des prix qui touche directement nos producteurs. L’impact précis des importations ukrainiennes, pour la France en particulier, n’est pas complètement établi dans l’optique d’un déclenchement des mesures de sauvegarde mais sachez que nous sommes en discussion permanente avec les professionnels du secteur, qui nous font remonter l’information, afin de soutenir leurs demandes d’établissement de licences d’importations, préalables aux mesures de sauvegarde. Nous suivons tout cela de très près.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). L’industrie de la défense est l’une des vitrines du succès de notre pays. Dans quelques jours, le salon Eurosatory – salon mondial de la défense et de la sécurité – ouvrira ses portes en région parisienne. Il rassemblera plus de 1 700 exposants mais pas les exposants israéliens, désinvités sous la pression du Gouvernement. Ce dernier a cédé aux coups de butoir de l’extrême gauche antisémite et antisioniste qui menaçait de manifester devant le salon.

En rejetant les industriels israéliens, vous mettez une fois de plus agresseurs et agressés sur un pied d’égalité. Approuvez-vous leur exclusion du salon Eurosatory ? Est-il vrai qu’elle est justifiée par l’impossibilité d’assurer, s’ils étaient présents, la sécurité des visiteurs et des exposants dans ce lieu surveillé et clos ? Comment penser alors une seule seconde que vous serez en mesure d’assurer la sécurité des athlètes israéliens et des spectateurs dans quelques semaines, lors des Jeux olympiques, qui auront lieu sur de nombreux sites, à la fois à Paris et en province ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Comme vous le savez, le président de la République appelle à la cessation des opérations israéliennes à Rafah. Il est urgent d’obtenir un cessez-le-feu assurant tout à la fois la protection des populations à Gaza, la libération de tous les otages et le plein accès à l’aide humanitaire. Dans ce contexte, les conditions ne sont plus réunies pour recevoir les entreprises israéliennes de défense lors de ce salon français.

Mme Béatrice Piron (RE). Je voudrais évoquer l’importance de la francophonie en tant que levier économique. Créée en 1970, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) rassemble quatre-vingt-huit États et gouvernements, représentant 16 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et affichant une croissance de 7 %. Des initiatives comme le réseau francophone de l’innovation ou comme les rencontres économiques francophones permettent de promouvoir l’innovation et la collaboration économique.

En octobre prochain, la France accueillera le 19e sommet de la francophonie, dont le thème – opportunément et conjointement choisi avec l’OIF – est : « créer, innover et entreprendre en français ». À cet égard, si créer en français est une réalité qui fait vivre notre réseau diplomatique et culturel, à commencer par les Instituts français et l’Alliance française, il y a beaucoup à faire pour ce qui est d’innover et d’entreprendre dans notre langue. Comment faire de ce sommet une étape marquante vers une francophonie dynamique économiquement, dans laquelle innover et entreprendre en français seraient des atouts pour les entrepreneurs ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Merci de soulever ce sujet important. Le français est la troisième langue des affaires. Elle est parlée par près de 400 millions de locuteurs – plus de 700 millions à l’horizon 2050. Nous travaillons avec les entreprises, qui sont de plus en plus mobilisées pour tirer profit des possibilités que représente l’espace francophone. Pour ce faire, nous nous appuyons sur l’Alliance des patronats francophones – j’étais à Marrakech, jeudi dernier, pour assister à l’un de leurs événements –, sur le Forum francophone des affaires, ainsi que sur l’OIF, au travers de sa mission économique et commerciale. Nous sommes convaincus que parler la même langue facilite le commerce. D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’espace francophone représente 16 % du PIB mondial et 20 % des échanges.

Le président de la République, en lien avec Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’OIF, a souhaité donner une dimension économique particulière au prochain sommet de la francophonie, qui se tiendra en octobre à Paris et à Villers-Cotterêts. À cet égard, l’Alliance des patronats francophones et Business France prévoient un événement spécial intitulé FrancoTech, afin que les entrepreneurs de l’espace francophone partagent leurs innovations, présentent leurs projets et, plus généralement, créent du lien en vue de construire un courant d’affaires pour l’avenir. Vous avez raison, il faut mobiliser le plus d’énergies possible pour renforcer les liens économiques entre les pays francophones.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je profite de cette question pour vous interroger sur la position du ministère chargé de la francophonie concernant le destin de l’audiovisuel français extérieur. Les membres de cette commission sont très attachés à la spécificité de France Médias Monde dans le système audiovisuel. Ils l’ont exprimé par des amendements très largement partagés.

M. Séjourné a tenu des propos très favorables à notre position. Ce fut également le cas, quoique de manière discrète, lors de conciliabules, de la part du premier ministre ainsi que, j’ose à peine le mentionner, de la présidence de la République. En revanche, le positionnement de la ministre de la culture, dont chacun connaît le talent et la détermination, paraît assez différent. Nous sommes donc quelque peu perplexes et peinons à bien comprendre l’orientation retenue par le Gouvernement. En votre qualité de ministre chargé de la francophonie, pourriez-vous apporter les éclaircissements qui nous font défaut ?

M. Franck Riester, ministre délégué. En tant que ministre de la culture, j’avais défendu un projet de loi dont vous vous rappelez certainement le contenu, lequel avait d’ailleurs été voté en première lecture en commission avant que ne survienne la crise du Covid. C’était donc il y a quatre ans.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est d’ailleurs l’un de vos collaborateurs de l’époque qui défend aujourd’hui le projet de réforme de l’audiovisuel français.

M. Franck Riester, ministre délégué. Il est en effet l’orateur du groupe Renaissance pour ce texte.

Je ne suis plus responsable de ce dossier, qui revient à la ministre de la culture, ainsi qu’au ministre de l’Europe et des affaires étrangères pour ce qui concerne l’audiovisuel extérieur, le tout sous l’arbitrage du premier ministre et du président de la République, et bien sûr en lien avec le Parlement car c’est lui qui, in fine, se prononce sur le texte. Je ne me substituerai donc pas à eux.

J’en profite en revanche pour appeler votre attention sur TV5 Monde, qui est le média francophone par excellence. Son directeur général, Yves Bigot, que je remercie pour le travail qu’il a effectué pendant des années, a annoncé sa démission. Nous veillerons à ce que la direction soit assurée de manière intérimaire, le temps que le processus de nomination de son successeur ou de sa successeure soit mené à bien.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Chacun prendra donc sa décision suivant ses convictions et malgré le flou du Gouvernement.

M. Pierre Cordier (LR). En tant que député des Ardennes, je souhaite vous interroger sur la filière bois, et plus particulièrement sur nos exportations d’essences nobles en direction de pays comme la Chine, qui les transforment pour nous les renvoyer ensuite sous la forme de parquets, au risque de tuer notre filière, qui n’est pas encore totalement éteinte.

La Chine a instauré un moratoire de quatre-vingt-dix-neuf ans sur l’abattage d’essences nobles sur son sol, tandis que nous lui en envoyons des containers entiers. Je sais bien que les prix proposés aux propriétaires privés, voire à ceux des forêts domaniales, c’est-à-dire l’Office national des forêts et les communes, sont très attractifs et que leur situation financière n’est guère florissante. Quelles mesures pourraient donc être prises pour limiter nos exportations de bois, afin d’éviter la mort de la filière française et européenne de transformation et de parquets ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Il me sera difficile de répondre en peu de mots sur ce sujet aussi important que sensible. Vous l’avez dit, la loi économique fait que certaines entreprises ont intérêt à exporter. Je me tiens à votre disposition pour faire un point précis sur le plan que Jean Castex, Julien Denormandie et moi-même avions lancé pour la filière bois. Le soutien de la transformation de cette matière première sur notre sol fait partie de notre stratégie de réindustrialisation. Nous cherchons à accompagner la filière de la meilleure des manières et je suis évidemment ouvert à toute piste d’amélioration de votre part et à celles des professionnels du secteur.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, d’avoir largement contribué à l’atmosphère bon enfant qui règne dans cette commission, même si les sujets que nous abordons sont sérieux et parfois controversés. Quelles que soient vos fonctions, vous êtes toujours un interlocuteur très précieux, très précis et disponible pour répondre aux interrogations de nos collègues. C’est une chose importante dont nous vous savons gré.

Les enjeux relatifs au commerce extérieur de la France et de l’Europe étant appelés à être absolument centraux dans les vingt prochaines années, je pense que nous n’avons pas fini de vous recevoir en ce lieu.

 

La séance est levée à 18 h 30

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Carlos Martens Bilongo, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Pierre-Henri Dumont, M. Philippe Emmanuel, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Stéphanie Galzy, M. Michel Guiniot, M. Alexis Jolly, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, M. Didier Parakian, M. Kévin Pfeffer, Mme Béatrice Piron, M. Jean-François Portarrieu, M. Lionel Vuibert

 

Excusés. - Mme Élisabeth Borne, M. Bertrand Bouyx, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, Mme Mireille Clapot, M. Olivier Faure, M. Meyer Habib, Mme Brigitte Klinkert, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, Mme Yaël Menache, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa