Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (n° 2520) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général) 2
– Présences en réunion...........................34
Mercredi
29 mai 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 074
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission examine le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (n° 2520) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général)
M. le président Éric Coquerel. Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023. Ce texte a été présenté en Conseil des ministres le mercredi 17 avril, jour où nous avons auditionné le ministre Thomas Cazenave et le premier président de la Cour des comptes. À la différence de l'année dernière, le Gouvernement n'a pas présenté plusieurs projets de loi de règlement pour chacun des trois exercices budgétaires non encore soldés à cette heure – 2021, 2022 et 2023. Il s'est contenté, dans le projet de loi de règlement pour l'année 2023, d'inclure deux articles – 7 et 8 – qui prévoient l'affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2021 et de l'exercice 2022.
En théorie, la procédure est la même que pour le projet de loi de finances. Nous avons auditionné le ministre et les groupes ont pu s’exprimer. Je vous propose donc de ne pas faire de discussion générale. Vous aurez l’occasion, bien sûr, de vous exprimer sur les amendements. Si tout le monde est d’accord, je vous propose de passer directement à l’examen des articles.
Article liminaire : Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2023
Amendements de suppression CF27 de M. David Guiraud et CF54 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux. L’adoption de l’article liminaire reviendrait, d’une part, à valider une gestion insincère, eu égard aux écarts importants entre la loi de programmation des finances publiques, la loi de finances initiale et le constat final et, d’autre part, à valider une politique économique fondée sur le mythe du ruissellement, qui vient sans jamais venir, alors que les Français s'appauvrissent constamment et que le pays connaît un déclassement international chaque année plus inquiétant.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On ne peut pas parler d’insincérité : la Cour des comptes a été extrêmement claire à cet égard. Il y a certes un écart significatif entre les prévisions de la loi de finances initiale et l’exécution constatée, mais celui-ci ne s’explique évidemment pas par une volonté de nuire ou de cacher quoi que ce soit. Je vous propose d’avoir un débat argumenté et d’éviter ces qualificatifs déplacés.
Le projet de loi de règlement est strictement encadré par la loi organique relative aux finances publiques (Lolf) dans laquelle nous, parlementaires, avons précisé l’intégralité du contenu de la loi de règlement, qui a d’ailleurs changé de nom. Supprimer un article revient à supprimer de l’information, information dont nous avons besoin et que nous demandons au Gouvernement. Il n’y a donc pas de marges de manœuvre sur la forme.
Il n’y en a pas non plus sur le fond puisque la loi de règlement est un simple constat de l'exécution budgétaire. L’État ne peut déplacer des crédits d’une mission à l’autre. Ce texte est une photographie.
Vous n’avez pas voté la loi de règlement de 2021 ni celle de 2022, alors qu’elle ne présentait quasiment aucun écart, et je crains que vous ne votiez pas celle de 2023. C’est votre droit mais ne cherchez pas de fausses excuses.
M. le président Éric Coquerel. Le rapporteur général cherche à nous convaincre que nous sommes dans un exercice technique, que ce texte n’est qu’une photographie de l’exécution budgétaire. Il reste que voter la loi de règlement revient à valider l’exécution du budget en 2023.
Je rappelle que, comme l’a dit Emmanuel Macron, le déficit supérieur observé est dû au manque de recettes. Plutôt que d’insincérité, je parlerais donc d’erreur manifeste dans l’élaboration du budget et dans l’estimation des recettes – que ce soit la TVA ou l’impôt sur les sociétés – et des réductions d’impôts. Lors de son audition par la commission d’enquête sur la dette, François Ecalle, qui n’est pas vraiment un économiste insoumis, a d’ailleurs souligné que le déficit avait largement été creusé ces dernières années davantage par le manque de recettes que par l’augmentation des dépenses publiques.
Je voterai donc pour la suppression de l’article liminaire, car le budget a été mal exécuté en vertu du choix politique de réduire les moyens de l’État depuis des années et de manière injuste.
Mme Véronique Louwagie (LR). L’article liminaire est le moment de vérité, puisqu’il constate le résultat des politiques publiques conduites par le Gouvernement au cours de l'année 2023. Je ne comprends donc pas l’intérêt de sa suppression. En revanche, on peut être contre cet article et c’est notre position.
L’écart est important : il s’élève à 2 milliards de plus par rapport à ce qui avait été annoncé en novembre dernier et à 8,4 milliards de plus que le déficit voté en loi de finances initiale en décembre 2022. Comment le Gouvernement a-t-il pu se tromper à ce point ? Pourquoi a-t-il mis autant de temps pour admettre l’ampleur de son erreur et corriger le tir ? Après celui de 2020, ce déficit est le pire de notre histoire.
Face à cette dérive sans précédent, les députés de notre groupe voteront contre ce projet de loi, comme ils l’ont fait pour les comptes de 2021 et 2022. Nous manifestons ainsi notre désapprobation des politiques publiques conduites par le Gouvernement.
M. Daniel Labaronne (RE). « Les Français s’appauvrissent constamment et le pays connaît à l’international un déclassement » peut-on lire dans l’exposé sommaire de l’amendement. Or le pouvoir d’achat des Français s'est amélioré, et sans doute beaucoup plus que dans la plupart des pays européens, en raison du reflux de l'inflation, de la dynamique salariale et de la revalorisation des prestations sociales. Dire que les Français s'appauvrissent est donc faux.
Par ailleurs, la France est le premier pays en termes de taux de croissance et le premier pays à avoir vu son taux de chômage décroître aussi rapidement. Elle est en outre, pour la quatrième année consécutive, le premier pays d'accueil des investissements directs étrangers. Nous ne subissions donc aucun déclassement.
M. Mohamed Laqhila (Dem). Il ne s’agit pas d’exprimer son opposition ou son soutien à la politique menée par le Gouvernement. Ce texte, important, relate en effet tout simplement la réalité des comptes de l’exercice écoulé, notamment celle du déficit public de 5,5 % du PIB. Certes celui-ci est supérieur aux prévisions, mais ce n'est qu’un constat. D'ailleurs, malgré ce déficit, le ratio de la dette publique, grâce à une croissance nominale, a diminué pour s’établir à 110,6 % du PIB contre 111,9 % en 2022.
Ce texte rappelle l’environnement économique : une économie mondiale au ralenti, une croissance de 3,1 % affectée par la guerre en Ukraine et des politiques monétaires restrictives en Europe. Or malgré ce contexte, la croissance française, soutenue par le commerce extérieur, a atteint 0,9 % et les dépenses de l’État ont été contrôlées grâce à des mesures de régulation comme le surgel de 1 % des crédits.
Notre groupe votera pour ce projet de loi, qui relate tout simplement le passé.
Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Monsieur Labaronne, dans quel monde vivez-vous ? Nous avons reçu ici même, à la rentrée, des représentants des associations caritatives comme les Restos du cœur ou le Secours populaire qui nous ont expliqué qu’ils observaient, dans tous les départements, un appauvrissement massif de Français et des Françaises et de celles et ceux qui vivent ici. Les files pour les aides alimentaires s’allongent dans tout le pays. Comment pouvez-vous donc affirmer que les Français ne s’appauvrissent pas ? 30 % des Français se retrouvent avec 100 euros le 10 du mois, 20 % des étudiants déclarent ne pas manger à leur faim et 58 % des Français ont dû baisser leurs dépenses alimentaires.
M. Philippe Lottiaux (RN). Je voudrais féliciter le Gouvernement pour ce chef-d’œuvre de novlangue. Notre situation budgétaire est telle que le Soudan pourrait passer pour le bon élève du Fonds monétaire international (FMI).
Néanmoins, le Gouvernement nous explique qu’avec un déficit de 5,5 %, nous faisons mieux qu’en 2020, année du covid, que le marché du travail est « bien orienté », alors que le ralentissement économique a provoqué une augmentation des défaillances d’entreprises de 36 % en 2023 par rapport à 2022, que le commerce extérieur est dynamique alors que notre déficit commercial atteint 99 milliards – un déficit qui se creuse de 1 milliard tous les trois jours, c’est en effet très dynamique.
L’exposé général des motifs du projet de loi inverse la réalité. Nous ne pouvons admettre la façon dont ces données sont présentées. Nous voterons donc contre le projet de loi.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le projet de loi est un document technique qui présente une photographie du passé. Je peux comprendre que certains votent contre le texte, mais supprimer l’article liminaire reviendrait à casser le thermomètre. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’article liminaire non modifié.
Article 1er : Résultats du budget de l’année 2023
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 : Tableau de financement de l’année 2023
La commission adopte l’article 2 non modifié.
Après l’article 2
Amendement CF12 de M. David Guiraud
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cet amendement demande un rapport permettant d'apprécier l'évolution de la dette en fonction des emprunts indexés sur les taux français et européen d'inflation.
Le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2023 porte à 270 milliards le montant des émissions de dette à moyen et long termes de l’État. Contrairement aux prédictions volontairement alarmistes du Gouvernement, les taux d’intérêt à dix ans se sont pour l’instant stabilisés et oscillent aux alentours de 3 %.
Si l’inflation a créé un relèvement des taux, émettre des titres d’endettement indexés sur l’inflation relève d’un choix politique. Je rappelle que c’est sous la présidence et sous la responsabilité directe d'Emmanuel Macron, notamment lorsqu'il était ministre, que la France a levé énormément d'emprunts indexés sur l'inflation, qui pèsent aujourd’hui lourdement sur nos finances publiques.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il existe déjà beaucoup d’informations sur la dette. Je vous renvoie vers les sites et les publications de l’Agence France Trésor (AFT) ou de la Banque de France.
Par ailleurs, la Lolf prévoit un rapport annuel sur la dette des administrations publiques, qui peut faire l’objet d’un débat au Parlement et une commission d’enquête sur la dette est en cours.
Je rappelle enfin que le pourcentage d’emprunts indexés est assez stable puisqu’il est de 12 % alors qu’il était de 13 % en 2012.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF20 de Mme Alma Dufour
Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Cet amendement propose un rapport d’évaluation de l’action budgétaire du Gouvernement face à l’inflation, qui a créé des asymétries très fortes entre les profiteurs de crise, qui ont accumulé des superprofits, et les classes populaires, qui connaissent la précarité alimentaire.
La commission d’enquête est une chose, le travail des membres de la commission des finances, éclairé par des rapports, en est une autre.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur. J’ai mentionné la commission d’enquête à propos de l’amendement précédent sur la dette.
Votre amendement porte sur un autre sujet, celui de l’inflation. Vous sous-entendez dans votre amendement que le Gouvernement favoriserait l'inflation afin de réduire le poids de la dette. C’est exactement le contraire qui a été fait. Ainsi, l’inflation cumulée depuis le début de la guerre en Ukraine est très significativement inférieure – presque trois points – à celle de l’Allemagne ou d’autres pays d’Europe. Parallèlement, les dépenses de l’État sont liées à l’inflation puisque des mesures ont été prises pour réduire son impact sur nos concitoyens. Je pense notamment à l’indexation de l’intégralité des prestations sociales et des retraites.
Avis défavorable.
M. Kévin Mauvieux (RN). Vous jouez sur l'inflation pour alléger le poids de la dette indexée. Je rappelle qu’une part assez importante de la dette indexée est détenue sous la forme d’obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix de la zone euro alors que nous n’avons aucune maîtrise sur l'inflation européenne.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF21 de Mme Alma Dufour
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cet amendement propose un rapport sur les personnes morales détenant 1 milliard de titres de dette française, qui est l’objet d’une forte spéculation. On parle d’une dette qui nous mettrait dans la main de pays étrangers. Or, une grande partie est détenue par des particuliers et des entreprises françaises et une autre partie par la Banque centrale européenne (BCE), qui regroupe les banques nationales, dont la Banque de France. En quelque sorte, nous détenons des dettes à l’égard de nous-mêmes. Le débat public exige de la clarté sur la structure de notre dette.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce débat est légitime. Je vous renvoie aux réponses du ministre dans le cadre des débats de la commission d’évaluation des politiques publiques qui se sont tenus hier ainsi qu’à l’audition du directeur général de l’Agence France Trésor dans le cadre de la commission d’enquête sur la dette.
Nous avons donc les informations suffisantes pour savoir qui détient la dette française. Ce ne sont pas les États qui la détiennent, mais des particuliers, par l’intermédiaire de fonds d’investissement. Ainsi, c’est non pas l’État américain qui détient une partie de notre dette, mais les retraités américains à travers leurs fonds de pension. J’ajoute que seul un quart de notre dette est détenue par des non-résidents de la zone euro.
Un rapport supplémentaire ne paraît donc pas nécessaire. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je ne sais pas s'il faut un rapport supplémentaire, mais c'est un vrai problème car la France est un des pays où la dette détenue par des étrangers est la plus importante, ce qui nous fragilise.
M. Kévin Mauvieux (RN). Nous allons voter pour cet amendement, mais, malheureusement, le Gouvernement ne pourrait le satisfaire s’il était adopté. En effet, contrairement à ce qu’a dit le rapporteur général, les éléments statistiques dont disposent la Banque de France et le FMI sont liés aux flux lors des adjudications et lors du remboursement des obligations – j’ai pu l’établir grâce à des auditions que je mène depuis deux mois. Entre ces deux moments, les titres circulent très rapidement. Par ailleurs, pour savoir où les titres sont détenus – et non qui les détient, puisque l’identité des détenteurs est secrète, ce que l’on peut comprendre –, il faudrait modifier un article du code du commerce interdisant aux personnes publiques de demander à Euroclear de fournir la photographie des détenteurs, par nationalité, à un instant T.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF22 de Mme Alma Dufour.
Amendement CF39 de Mme Valérie Rabault
M. Philippe Brun (SOC). Les réponses que le ministre délégué Thomas Cazenave nous a apportées hier, à l’occasion de la commission d’évaluation des politiques publiques relatives à la mission Engagements financiers de l’État, démontrent que le Gouvernement n’a pas de connaissance précise de la nationalité des investisseurs détenant des obligations assimilables du Trésor (OAT).
Nous proposons que dans un délai de trois mois à compter de la promulgation du présent projet de loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillant la nationalité de ces investisseurs.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je répète que détenir de la dette française, ce n’est pas être actionnaire de l’État. L’indépendance de la France est assurée par la très grande diversité des détenteurs de la dette – sur les 50 % qui ne sont pas résidents français, la moitié réside en Europe et l’autre à l’extérieur –, ainsi que par notre crédibilité en matière de remboursement.
Il est vrai qu’en dehors des enquêtes de la Banque de France et du Fonds monétaire international (FMI), nous ne disposons pas des informations précises que vous souhaitez obtenir. Mais à quoi serviraient-elles, cher collègue ?
M. Kévin Mauvieux (RN). L’Agence France Trésor (AFT) refuse catégoriquement de chercher à savoir où sont les non-résidents qui détiennent la dette française – officiellement pour ne pas déstabiliser les marchés et ne pas dégrader la qualité de la signature française. Pourtant, les représentants du FMI, de Natixis, de la Banque de France et d’Euroclear que j’ai interrogés dans le cadre du Printemps de l’évaluation sont tous favorables à une plus grande transparence à ce sujet. Je ne comprends donc pas l’argument de l’AFT.
Vous affirmez ensuite, monsieur le rapporteur général, qu’un détenteur de la dette française ne serait pas un actionnaire de l’État. Je suis ravi d’apprendre que la Russie n’a jamais été actionnaire du Rassemblement national !
Tout ce que j’ai pu constater pour ma part, c’est que 22 % des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATI) et 33 % de celles indexées sur l’inflation dans la zone euro (OATEI) sont détenues par non-résidents.
M. Philippe Brun (SOC). La nationalité des personnes qui détiennent notre dette est une information importante, monsieur le rapporteur général. Je constate d’ailleurs que l’Allemagne et les États-Unis publient des rapports ce sujet.
Sachez, pour ceux qui n’étaient pas présents hier soir, que le ministre délégué chargé des comptes publics nous a indiqué que les porteurs d’obligations de nationalité russe ne voyaient pas apparaître de remboursements de la part de l’État, compte tenu du passage des flux financiers au travers d’Eucoclear. Cette réponse m’a étonné, et m’interroge : les pays avec lesquels la France a cessé toute interaction en raison de sanctions internationales ne reçoivent-ils plus aucune rémunération des obligations qu’ils ont acquises ? C’est une vraie question ! Les Français ont le droit de savoir si, lorsque nous remboursons notre dette, nous finançons des pays du Golfe, des paradis fiscaux ou le régime de Vladimir Poutine.
Mme Véronique Louwagie (LR). La dette française est détenue – grosso modo – à hauteur d’un quart par la Banque centrale européenne (BCE), d’un quart par des Français, d’un autre quart par des résidents de la zone euro non français, et enfin d’un quart par des résidents hors zone euro.
Or la part des non-résidents évolue, tout comme la dette en elle-même, qui a crû de 1 000 milliards d’euros depuis 2017. La question de la souveraineté budgétaire est donc une question que nous devons nous poser. Nous devons aussi de la transparence aux Français. Cette dette les concerne tous, et non pas uniquement les contribuables.
J’ai été surprise d’entendre le ministre délégué souligner l’intérêt de la diversité des prêteurs et indiquer qu’il fallait tenir compte de l’offre des investisseurs. Derrière, il y a la situation de notre dette ; ne l’oublions pas.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avoir un créancier, lorsque l’on s’appelle le Rassemblement national, c’est un problème. Avoir des dizaines de millions de créanciers, c’est au contraire un gage d’indépendance.
Nous disposons déjà d’une certaine visibilité à l’émission, ainsi qu’au travers de la Banque de France et du FMI. Je ne nie cependant pas le manque de visibilité et le fait que la transparence pourrait être améliorée : la commission d’enquête présidée par notre collègue Juvin, à laquelle je fais confiance, doit apporter des réponses à ce sujet.
Je le redis : l’information n’écarte pas le danger, si jamais il y en avait un ! Et, sans entrer dans des considérations trop techniques, je soulignerai que la levée d’une partie de la confidentialité pourrait affecter les taux et la qualité de nos émissions.
Avis défavorable : je vous renvoie à la commission d’enquête.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CF53 de Mme Valérie Rabault
M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons que le Gouvernement publie un rapport justifiant les orientations et décisions relatives à la politique d’émissions d’obligations souveraines de la France, détaillant notamment les calendriers et volumes d’émissions d’OATI et d’OATEI.
C’est un vieux débat, qui ne laisse pas de nous diviser. L’Allemagne a décidé de ne plus émettre d’OATI, et le marché couvre très largement les adjudications par l’AFT d’obligations souveraines françaises. Il nous semble donc incompréhensible, alors que l’inflation demeurera élevée dans les prochaines années, de continuer à émettre des OATI.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Sauf à imaginer que la commission d’enquête ne servira à rien, il ne me semble pas utile de multiplier les rapports.
Je signale que le pourcentage d’OATI était supérieur sous la présidence de François Hollande, et vous encourage par ailleurs à lire le rapport annuel très précis publié sur la dette.
Je souligne enfin que si l’AFT décidait d’emprunter exclusivement à taux fixe, alors que nous sommes en période de baisse de l’inflation, sa décision aurait un impact de plusieurs milliards d’euros sur le budget de l’État en 2024. Je vous laisse responsables de vos votes.
M. Kévin Mauvieux (RN). Ce que vient de dire le rapporteur général est faux. Les OATI ont été créées en 1999. Pendant vingt-deux ans, elles nous ont fait gagner quelques dizaines de millions d’euros chaque année puis, en l’espace de deux ans, elles nous ont fait perdre 10 milliards d’euros.
J’ajoute que les rentrées fiscales liées à l’inflation ne peuvent combler la hausse des taux d’intérêt puisqu’un tiers des obligations sont indexées sur l’inflation européenne, sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise.
M. le président Éric Coquerel. J’entendais récemment le Gouverneur de la Banque de France expliquer pourquoi le modèle français de taux fixes pour les crédits immobiliers était un acquis à conserver absolument. J’ai donc du mal à me convaincre qu’un taux variable serait profitable pour la dette de l’État. Dans les deux cas, les mêmes maux peuvent aggraver le déficit.
M. Philippe Brun (SOC). D’après un calcul de coin de table, l’émission d’obligations indexées sur l’inflation a fait perdre 8 milliards d’euros à la France. Pourquoi continuer avec ce produit ? L’appétence du marché, que le ministre délégué a invoquée hier, peut se comprendre : c’est un produit rémunérateur !
On constate aujourd’hui que d’autres pays parviennent à s’en passer et que nos besoins de couverture sont très largement satisfaits. Surtout, comme le souligne le rapport de notre collègue Mauvieux, un grand nombre de détenteurs d’OATI ne sont pas français. Nous sommes en train, je crois, de renchérir considérablement le coût de la dette française. Il est important que nous puissions en débattre et que cet amendement soit adopté.
Mme Véronique Louwagie (LR). De quel rapport parlez-vous, monsieur le rapporteur général, lorsque vous évoquez un rapport sur la dette ? S’agit-il du rapport de la mission Engagements financiers de l’État établie par le rapporteur spécial ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) a imposé la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement, suivie d’un débat sur la dette ; nous avons régulièrement ce débat dans l’hémicycle.
Pourriez-vous avoir la gentillesse, monsieur Mauvieux, de ne pas déformer mes propos ? Ce que j’ai dit, c’est que si nous décidions aujourd’hui de ne plus émettre que des obligations à taux fixe, une telle décision coûterait de l’argent au Trésor public. Je n’ai pas dit qu’il ne fallait jamais en émettre !
Je reviens aux propos de notre collègue Brun. C’est facile de refaire l’histoire ; bien malin celui qui peut prévoir le niveau d’inflation à long terme ! Par définition, les OATI nous coûtent plus cher lorsque l’inflation augmente et moins cher lorsqu’elle baisse. Je ne dis pas que les OATI ne nous ont rien coûté il y a deux ans, lorsque nous étions dans un cycle haussier. Mais nous sommes entrés dans un cycle de baisse : décider de n’émettre plus que des obligations non indexées nous coûterait de l’argent. Une fois de plus, faisons confiance à l’Agence France Trésor pour arbitrer et obtenir les meilleurs taux au moindre coût pour notre pays.
M. Emmanuel Lacresse (RE). Si les banques proposent des taux fixes en France, c’est pour éviter de faire exploser leur besoin en capital. Or l’État n’est pas tenu par les mêmes obligations.
Avec les OATI, on fait le pari que les périodes d’inflation élevée sont transitoires ; or ce pari est en passe d’être gagné. À l’avenir, les OATI auront donc toute leur pertinence et il est fort probable qu’elles deviennent beaucoup plus compétitives pour l’État, grâce à des taux d’intérêt plus faibles que d’autres produits.
La commission rejette l’amendement.
Article 3 : Résultat de l’exercice 2023. Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe
La commission rejette l’article 3.
Article 4 : Budget général – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement
La commission rejette l’article 4.
Après l’article 4
Amendement CF2 de M. Frédéric Cabrolier
M. Frédéric Cabrolier (RN). Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport établissant le bilan de l’usage des crédits budgétaires affectés à la lutte contre le narcotrafic pour les années 2022 et 2023. Les opérations « Place nette XXL » ne sont qu’une déclinaison du plan national de lutte contre les stupéfiants mis en œuvre depuis 2020, et leurs résultats sont pour le moins limités. Quant au procureur de Marseille, qui a évoqué la corruption à bas bruit de fonctionnaires de police ou de greffiers, il a été dédit par M. Dupont‑Moretti. Il nous semble impératif dans ces conditions de faire le bilan des sommes qui ont été engagées par l’État.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais redire que supprimer des articles de la loi de règlement, cela revient à casser le thermomètre ! Le Gouvernement apporte de la visibilité sur l’exécution du budget, et la commission des finances lui répond qu’elle n’en veut pas ! Voter contre la loi parce qu’on est en désaccord, c’est une chose ; mais voter contre des articles qui apportent des informations souhaitées dans le cadre de la Lolf, c’est vraiment paradoxal ! Cela en dit long sur l’image que chacun de nous a de son rôle de parlementaire.
Un orange budgétaire relatif à la politique de lutte contre les drogues et les conduites addictives est annexé à chaque projet de loi de finances (PLF), cher collègue Cabrolier. On lit notamment dans la dernière édition – qui compte 148 pages – que 2,4 milliards d’euros ont été prévus pour cette politique publique en 2024. Je vous encourage à le lire avant de demander un rapport supplémentaire.
M. Fabien Di Filippo (LR). Je comprends mal l’agacement du rapporteur général : il sait qu’il est difficile de déposer des amendements sur ce type de texte, et que les textes financiers sont peu nombreux. Nous sommes tout à fait preneurs de la visibilité et de la transparence que peut nous apporter le Gouvernement, mais nous lui renvoyons la balle : pourquoi n’y a-t-il pas, compte tenu de la dérive des finances publiques des dernières années, de projet de loi de finances rectificative (PLFR) ? Un tel texte permettrait à chacun d’exprimer son avis sur la conduite du budget de la nation d’une façon claire et limpide, et de voter. Mais on nous empêche de le faire ! Ne reprochez pas à vos collègues, monsieur le rapporteur général, de déposer des amendements pour s’exprimer sur certains sujets financiers cruciaux.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Engagez-vous avec vos amis du Gouvernement à ce qu’il n’y ait pas de 49.3 sur le budget, monsieur le rapporteur général, et nous pourrons alors nous engager à voter peut-être le projet de loi de règlement de l’année prochaine !
Mon collègue Di Filippo l’a bien dit : on nous empêche de voter, il n’y a pas de PLFR, et vous nous reprochez ensuite de saisir, pour exprimer notre opposition, les textes qu’on nous laisse examiner !
M. le président Éric Coquerel. Je rappelle à ce propos que plusieurs PLFR et projets de loi de finances de fin de gestion (PLFG) ont été adoptés par l’Assemblée depuis 2022 – sans recours au 49.3
M. Mathieu Lefèvre (RE). Je suis toujours très surpris qu’une loi de règlement fasse l’objet d’une obstruction politique ! Vous demandez de voter chers collègues, puis vous rejetez la loi de constatation !
Comment se fait-il que dans les exécutifs locaux, les oppositions s’accordent en général pour voter la photographie des comptes de l’année précédente, alors qu’au niveau national, elles le refusent ?
La loi de règlement est le meilleur point d’appui des parlementaires pour pouvoir contrôler l’action du Gouvernement. Ce n’est pas en supprimant les articles qui retracent les mouvements budgétaires de l’année passée que nous parviendrons à mieux légiférer.
M. le président Éric Coquerel. Sachez, monsieur Lefèvre, que le sujet a déjà été largement débattu en votre absence et que le rapporteur général a défendu la même position que vous.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vois que cela vous dérange, mais je le répète : ce projet de loi propose une photographie de ce qui s’est passé. Supprimer un article, c’est donc supprimer de la visibilité ! Si l’on ne veut pas de loi de règlement, demandons à l’État de ne plus nous en fournir, et cela ira plus vite !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF7 de M. David Guiraud
Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Nous demandons – ce n’est pas la première fois – la remise au Parlement d’un document budgétaire permettant d’évaluer précisément l’ensemble des moyens mis en œuvre dans la lutte contre l’évasion fiscale, et leur répartition entre les typologies de personnes contrôlées. Nous devons disposer de ces informations pour pouvoir débattre des besoins matériels et humains de l’administration dans ce combat contre un phénomène qui constitue l’une des principales raisons du déficit budgétaire – et donc de la cure d’austérité sans précédent qui est imposée par le Gouvernement. Je vous rappelle que le coût de l’évasion fiscale est estimé à 100 milliards d’euros par an.
Dans les documents dont nous disposons, les moyens consacrés au contrôle fiscal sont mêlés à ceux dédiés à d’autres politiques publiques, ce qui empêche toute transparence sur le sujet. Quant aux indicateurs fournis, comme le taux de contrôles effectués par intelligence artificielle, ils sont parfois peu utiles.
Il faut que nous puissions évaluer globalement les moyens de la lutte contre l'évasion fiscale, qui sont aujourd’hui éparpillés dans différents programmes budgétaires. Le document de politique transversale auquel vous me renverrez probablement porte uniquement sur la lutte contre la fraude, et il est très incomplet.
La politique de lutte contre l’évasion fiscale est d’intérêt majeur pour le budget et pour la justice fiscale.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous l’avez dit, ce document de politique transversale existe, il est annexé chaque année au projet de loi de finances : vous n’avez pas besoin d’aller chercher les informations dans les différentes politiques publiques. En tant que rapporteure spéciale sur le sujet, vous pouvez faire des propositions pour enrichir le contenu de ce document et nous serons ravis de vous suivre : plus grande est la transparence en la matière, mieux c’est. Nous sommes au moins autant motivés que vous à lutter contre l’optimisation fiscale.
Le plan de lutte contre la fraude a permis de recouvrir 15,2 milliards d’euros en 2023 ; c’est 3,5 milliards de plus qu’en 2019. Quant à la lutte contre la fraude sociale, elle a permis le recouvrement de 1,2 milliard en 2023 contre 800 millions en 2022. Un plan avait été engagé par Gabriel Attal lorsqu’il était ministre délégué chargé des comptes publics ; un nouveau plan a été lancé par Thomas Cazenave, intégrant 1 500 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre la fraude fiscale et, d’ici à 2027, 1 000 agents supplémentaires pour lutter contre la fraude sociale. Vous le voyez : nous partageons votre intérêt pour cette politique publique et renforçons les moyens qui lui sont alloués. Mais de grâce, ne demandons pas de document supplémentaire !
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Je soutiens l’amendement de ma collègue Charlotte Leduc. Les moyens mis en place pour lutter contre l’évasion fiscale, en effet, sont insuffisants – je parle bien d’évasion et non de fraude, comme vous venez de le faire de façon hasardeuse monsieur le rapporteur général. Il faut d’importants moyens, par exemple, pour contrôler les accords préalables en matière de prix de transfert – lesquels peuvent permettre de transférer des bénéfices dans des pays à fiscalité avantageuse. Nous avons besoin d’une plus grande transparence sur les moyens de la lutte contre l’évasion fiscale, mais aussi d’un renforcement de ces moyens.
Mme Véronique Louwagie (LR). Vous avez indiqué il y a quelques instants, monsieur Lefèvre, que les oppositions votaient les comptes administratifs au niveau local, contrairement à ce qu’elles font au niveau national. Or je peux vous dire que dans l’Orne, les oppositions ne votent ces comptes ni dans les communes ni au conseil départemental !
J’ajoute que le législateur a bien prévu que les parlementaires puissent voter contre un projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, puisque le rejet de celui-ci n’a aucune conséquence !
Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Vous affirmez être prêt à enrichir le document de politique transversale, monsieur le rapporteur général. Pourtant, les propositions de modification que j’ai faites à deux reprises, à l’occasion de mon rapport spécial sur la lutte contre l’évasion fiscale, n’ont jamais été votées par la majorité. Je compte donc sur votre vote lorsque je ferai une nouvelle recommandation à la rentrée prochaine.
Par ailleurs, vous avez évoqué l’optimisation fiscale. J’ai cru comprendre que votre langue avait fourché mais je prends bonne note de vos propos : je me réjouis que nous puissions y travailler et mettre en évidence le fait qu’il s’agit bien d’une forme d’évasion fiscale.
Sans même parler de justice fiscale, accorder des moyens à la lutte contre l’évasion fiscale, c’est augmenter considérablement les recettes de l’État. Il n’y a aucun intérêt à faire des économies sur les agents dédiés au contrôle fiscal, qui rapportent des millions.
M. le président Éric Coquerel. Je voudrais vous signaler que j’ai été étonné que M. Cazenave organise des réunions sur la question de l’évasion fiscale en l’absence de certains groupes. Je vais lui écrire à ce sujet. Son directeur de cabinet m’a indiqué qu’étaient invités ceux qui s’intéressent au sujet – or, parmi ceux-là, tous n’étaient pas présents !
M. Mathieu Lefèvre (RE). Certes, le Parlement est libre de rejeter le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes, comme tout projet de loi. Il n’en est pas moins faux de dire que cela est sans conséquences, notamment sur les comptes spéciaux. Il importe que nous soyons pleinement éclairés avant de nous exprimer.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je prends les demandes de rapports comme des façons d’ouvrir des débats sur les politiques publiques, davantage que comme des demandes effectives. Dans ce cadre, j’aimerais énumérer les documents dont nous disposons pour travailler, qu’il serait bon de lire avant d’en demander d’autres. Les quarante-deux rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes comptent 7 700 pages – que peut-être tout le monde n’a pas toutes lues.
Dans le cadre des travaux de l’Assemblée nationale, votre serviteur a rédigé un rapport sur le présent projet et loi, qui compte deux tomes ; dans le tome II, figurent les quarante-huit notes d’exécution budgétaire rédigées par les rapporteurs spéciaux de notre commission. La Cour des comptes a publié un rapport sur le budget de l’État et soixante et une notes d’analyse d’exécution budgétaire, ainsi qu’un rapport sur la certification des comptes 2023. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) publie un avis. Au sein de chaque ministère, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) veille à la bonne exécution du budget.
Lors de l’examen du projet de loi de finances, le document intitulé « Évaluation des Voies et Moyens présente l’analyse des dépenses fiscales par domaine sur trois ans. Nous disposons également des documents de politique transversale (DPT) – les « oranges budgétaires » – , et des « jaunes budgétaires » sur des thèmes spécifiques
Discuter des politiques publiques et entendre des avis distincts ne suscite aucune hostilité de ma part, au contraire. Ajouter des rapports à la masse déjà colossale d’informations dont nous disposons me laisse plus circonspect. Il ne faudrait pas qu’on reproche un jour à notre administration de rédiger trop de rapports !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF13 de M. David Guiraud
M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Il s’agit d’obtenir du Gouvernement un rapport de synthèse et d’évaluation de l’efficacité des plans gouvernementaux adoptés depuis 2020, déployés dans le cadre des missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire, Plan de relance et Investir pour la France de 2030 et du plan de résilience. Ce sont des plans à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Dans une période où on demande aux Français de faire de plus en plus d’économies, il serait judicieux d’obtenir un rapport sur l’efficacité de la stratégie adoptée, qui consiste souvent à saupoudrer les aides publiques sans contreparties, que la majorité refuse à chaque projet de loi de finances. Les Français doivent savoir si les économies qu’on leur demande de faire peuvent être trouvées ailleurs.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Un tel rapport existe. Il s’agit du rapport final du comité d’évaluation du plan France Relance, publié en janvier 2024. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF17 de M. David Guiraud
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il vise à obtenir un rapport sur la mission Remboursements et dégrèvements. Toute l’année, on nous a expliqué que nous étions à l’euro près. Or cette mission, qui est la plus importante du budget, présente des zones d’ombre. Ses crédits s’élèvent à 130 milliards, dont dix ouverts en fin de gestion budgétaire sans que l’on en connaisse la destination. Nous dépensons donc 142 milliards pour financer les niches fiscales, soit la première dépense du pays, dans le flou.
Le RAP de la mission se contente d’indiquer les montants par sous-action. Des écarts entre la prévision et l’exécution demeurent inexpliqués. Par exemple, les remboursements sur les acomptes d’impôts sur les sociétés sont en hausse de 6 milliards, alors que le bénéfice fiscal des entreprises est en très nette hausse. Le crédit d’impôt contemporain de services aux particuliers a été élargi aux mandataires et aux plateformes sans que l’on ne sache ni pourquoi ni comment.
Manifestement, le budget des niches fiscales du pays n’est pas à l’euro près, alors même qu’il s’agit du premier poste de dépenses de l’État. Il nous semble important de faire la lumière sur cet état de fait.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous renvoie aux travaux de notre collègue Mme Christine Pires Beaune, qui assure un suivi précis de cette mission, des dépenses fiscales afférentes et de leur évolution, ainsi qu’aux Voies et Moyens annexés chaque année au projet de loi de finances. Avis défavorable.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Certes, le budget de cette mission est le plus élevé, mais la spécificité de ses crédits est d’être évaluatifs et non limitatifs. La plupart des crédits alloués au financement des remboursements, des dégrèvements et des crédits d’impôt sont liés à la mécanique de l’impôt. S’agissant par exemple de la TVA, il s’agit du solde entre la TVA encaissée et la TVA décaissée.
Si notre collègue Guiraud a des propositions d’évaluation de certaines des 476 niches fiscales, je suis preneuse. Certaines d’entre elles représentent des milliards d’euros. Il est difficile de les passer toutes au peigne fin. En outre, il est parfois difficile, je le reconnais bien volontiers, d’obtenir des informations à ce sujet, souvent couvert par le secret des affaires ou par le secret fiscal.
La partie thématique du rapport spécial que je consacrerai cette année à la mission portera sur le crédit d’impôt investissement en Corse. L’an dernier, je l’avais consacrée au crédit d’impôt services à la personne (Cisap), qui est le premier crédit d’impôt pour les ménages. L’année précédente, je l’avais consacrée au crédit d’impôt recherche (CIR), qui est le premier crédit d’impôt pour les entreprises.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF18 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Il vise à obtenir un rapport sur l’évolution des recettes propres et de la rémunération du compte bancaire de la Présidence de la République au Trésor, dont les règles sont fixées par l’arrêté du 15 septembre 2014. En tant que rapporteure spéciale de la mission Pouvoirs publics, j’ai observé que les recettes de ce compte ont explosé. Elles atteignent 2,3 millions d’euros, soit une hausse de 171 % dont je ne parviens pas à identifier la cause. Si l’Élysée a une technique pour augmenter à ce point ses recettes, il serait bon de la partager avec les collectivités locales, que le Gouvernement rend responsables de beaucoup de choses mais qui ne bénéficient pas des mêmes aides.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous avez abordé ce sujet lors de la présentation de la mission Pouvoirs publics, dans le cadre du Printemps de l’évaluation. Les données sont publiques. Vous avez adressé plusieurs demandes à la ministre Lebec, qui s’est engagée à fournir les informations demandées. Votre souci de transparence vous honore, même s’agissant d’une recette annuelle de 2 millions. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF33 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il vise à obtenir un rapport sur la sous-consommation des crédits alloués à MaPrimeRénov. Nous avons observé une diminution de 15 % du nombre de rénovations l’année dernière, couplée à une incapacité chronique d’utiliser les fonds alloués à MaPrimeRénov. Ces chiffres confirment les dysfonctionnements révélés par le rapport de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, initiée par le sénateur Gontard, notamment le reste à charge trop élevé pour les ménages, le coût de la labellisation « reconnu garant de l'environnement » (RGE) pour les entreprises et les dysfonctionnements administratifs.
Au lieu de couper les budgets alloués à la rénovation thermique des logements, le Gouvernement devrait analyser ces dysfonctionnements et investir pour y remédier. Nous n’atteindrons pas les objectifs de l’Accord de Paris si nous ne réduisons pas notre consommation d’énergie.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons l’objectif de respecter l’Accord de Paris. La réduction des émissions de CO2 enregistrée en 2023 y contribue.
Les dépenses dues à MaPrimeRénov ont significativement augmenté en 2022, moins en 2023. Les raisons en sont bien documentées, notamment par un rapport de la Cour des comptes. L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a publié des informations. L’Assemblée nationale a publié l’an dernier un rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Le recul significatif des crédits de paiement constaté en ce début d’année 2024 est dû au hiatus entre ce que certains nous poussent à faire et la réalité de ce que peuvent faire les Français. Certes, il faut faire davantage de rénovations globales et accompagner nos concitoyens dans cette démarche. Toutefois, lorsque l’on exclut du dispositif les mono-gestes, on se heurte aux réalités : sur le terrain, les artisans, les financements et les compétences en matière d’accompagnement manquent.
Il faut donc appréhender la sous-consommation des crédits consacrés à MaPrimeRénov avec prudence. Nous y avons beaucoup réfléchi, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) aussi. Notre intérêt à tous est d’augmenter les moyens dévolus en la matière. En tout état de cause, un rapport ne résoudra pas le problème. Avis défavorable.
M. Marc Le Fur (LR). J’ignore ce qu’il en est pour nos collègues, mais, en ce qui me concerne, ma permanence est assaillie de situations complexes en matière d’obtention de MaPrimeRénov. Les gens n’obtiennent pas toujours les financements espérés et sont confrontés à un degré élevé, voire record, de complexité, encore accru par les allers-retours du Gouvernement, qui ouvre et restreint le dispositif comme s’il voulait caler la dépense. Plusieurs rapports ont été rédigés, mais aucun n’a été suivi d’effet. Il faut simplifier le dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF15 de M. David Guiraud.
Amendements CF36, CF40, CF41, CF42 et CF43 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). Certains crédits de paiement des missions Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs, Administration générale et territoriale de l’État, Préparation et emploi des forces, Énergie, climat et après mines et Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ont été annulés et non reportés dans des proportions assez élevées. À défaut d’obtenir un rapport à ce sujet du Gouvernement, nous aimerions obtenir quelques informations du rapporteur général.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le taux de consommation des crédits en 2023, au regard des montants issus de la loi de fin de gestion, est de 96,4 %, contre 95,3 % en 2022. L’exécution du budget s’est donc améliorée.
En cas d’écart entre les crédits prévus et ceux effectivement consommés, le Gouvernement peut annuler ou reporter les crédits. Nous sommes plusieurs à penser – et à l’avoir dit au Gouvernement – que le montant des reports de crédits demeure trop élevé. En 2023, il s’est élevé à 23,5 milliards, ce qui est un progrès par rapport aux 29 milliards de 2022. Les annulations de crédits s’élèvent à 6,2 milliards. Compte tenu du déficit qu’accusent les finances publiques, cela n’a rien d’excessif.
Pour chaque mission, les écarts ont une origine propre, qu’il incombera au ministre chargé des comptes publics de détailler lorsque nous examinerons le présent projet de loi dans l’hémicycle. Souvent, les décalages sont dus à des projets d’investissement ou à des projets immobiliers au sein de tel ou tel programme. Rapportés au périmètre des dépenses brutes de l’État, qui s’élèvent à 592 milliards, les 6 milliards d’annulations de crédits représentent une proportion de 1,04 %.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Monsieur le rapporteur général, je constate que vous essayez de nous noyer dans des chiffres globaux. S’agissant des dépenses sur lesquelles nous appelons l’attention, les écarts sont beaucoup plus importants. Vous ne voulez pas répondre. Dont acte. Nous interrogerons le ministre dans l’hémicycle.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne botte pas en touche. Je tiens à votre disposition des éléments d’explication mission par mission. Mon propos visait à préciser le contexte global, en rappelant que les annulations de crédits, dont le montant est de l’ordre de 1 % des dépenses de l’État, sont limitées.
S’agissant de la sous-consommation des crédits du programme 348, elle est notamment due à l’annulation de certains projets, notamment la rénovation des cités administratives de Melun et de Brest, à des transferts issus d’autres programmes pour le cofinancement des cités administratives, et au report de la notification de certains marchés à 2024. Ainsi s’explique le taux d’annulation du programme 348, qui est en effet supérieur à 1,04 %.
Mme Véronique Louwagie (LR). En matière de rénovation énergétique et de performance énergétique des opérateurs de l’État, notre collègue Annie Vidal et moi-même présenterons demain, dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), les conclusions de la mission d’information sur l’évaluation de l’adaptation des logements aux transitions démographique et environnementales. Nous y formulons plusieurs propositions pour relever les défis des transitions énergétique et démographique.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CF44 de M. Christian Baptiste
M. Christian Baptiste (SOC). Il vise à obtenir un rapport justifiant l’annulation d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement non consommés en 2023 et non reportés du programme Conditions de vie outre-mer, à hauteur respectivement de 7 % et de 18 %.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La sous-consommation apparente des crédits du programme 138, à hauteur de 1,31 % en autorisations d’engagement et de 1,08 % à périmètre courant doit être mise en rapport avec une mesure de périmètre minorant les crédits à hauteur de 264 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. L’ancien mécanisme de compensation du « bandeau maladie » est désormais compensé par une fraction de la TVA. À périmètre constant, les crédits du programme 138 sont en hausse de 13,5 % en autorisations d’engagement et de 13,8 % en crédits de paiement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CF45, CF47, CF48, CF49 et CF50 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). Il s’agit d’obtenir des explications sur plusieurs annulations d’autorisations d’engagement non consommées en 2023 et non reportées. À défaut d’en obtenir, nous espérons en obtenir du ministre dans l’hémicycle.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cher collègue, je vous livrerai, pour le plaisir de vous contredire, quelques indications détaillées. Le taux d’exécution du programme 102 est de 84 % en autorisations d’engagement, mais de 99 % en crédits de paiement. Cette situation résulte principalement de la sous-exécution des allocations de solidarité. Comme en 2022, l’écart à la baisse s’explique par l’amélioration de la situation économique et par une sous-consommation de l’enveloppe dévolue aux contrats aidés en raison de l’amélioration de la situation de l’emploi.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 5 : Budgets annexes – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement
La commission adopte l’article 5 non modifié.
Article 6 : Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes
La commission adopte l’article 6 non modifié.
Après l’article 6
Amendement CF1 de M. Frédéric Cabrolier
M. Frédéric Cabrolier (RN). Il vise à obtenir des éclairages sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a choisi d’annuler 21 millions d’euros de crédits de la mission Contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Ces crédits auraient pu être affectés à l’entretien des infrastructures routières. En effet, d’après les chiffres de l’association Prévention routière, 30 % des accidents mortels survenus en 2022 sont dus au mauvais état des routes et près de 20 % des routes nationales sont considérées en mauvais état. Ces chiffres témoignent d’un sous-investissement de l’État du réseau routier et d’un désengagement progressif, identifiés par la Cour des comptes.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce rapport existe : il s’agit du RAP du compte d’affectation spéciale (CAS) Radars. S’agissant des infrastructures routières, il est d’ores et déjà prévu que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) reçoive en 2024 une part d’un montant de 233 millions du produit des amendes perçues.
Les crédits dont l’annulation est prévue représentent 1,2 %, soit l’épaisseur du trait.
Par ailleurs, compte tenu du principe d’annualité, si l’on constate en fin d’année que des crédits ne sont ni consommés ni reportés, ils ont vocation à être annulés. Tel est le cas des 21 millions précités.
M. Mathieu Lefèvre (RE). S’agissant des comptes spéciaux, M. le rapporteur général peut-il indiquer les conséquences du rejet du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes ? J’ai cru comprendre que, d’après la Cour des comptes, le report de leurs crédits était envisageable.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La non-adoption du texte nous oblige à garder la trace, qui se consolide chaque année, des écarts constatés et des reports qui n’ont pas lieu. Du point de vue de la charge administrative et de la lisibilité de nos comptes, rejeter le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes n’est pas souhaitable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF16 de M. David Guiraud.
Article 7 : Affectation du résultat patrimonial de l’exercice 2021 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État
Amendements identiques CF28 de M. David Guiraud et CF55 de M. Mickaël Bouloux
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il s’agit de supprimer l’article 7, notamment pour faire en sorte que l’Assemblée nationale reprenne le pouvoir que le Gouvernement lui retire.
L’article 7 vise le solde des comptes de l’année budgétaire 2021. La raison en est simple : éviter à tout prix de déposer un nouveau projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2021, la minorité présidentielle ayant subi en 2022 une défaite en la matière, suivie d’une autre en 2023. L’unique objet de cet article est de contourner le Parlement. Après deux projets de loi de finances promulgués sans vote du Parlement, après 20 milliards de baisses de dépenses publiques sans consulter le Parlement, il est temps que celui-ci assume pleinement ses responsabilités.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Adopter l’article 7 équivaut à adopter a posteriori le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2021, pourtant rejeté à deux reprises par le Parlement. M. le rapporteur général, vous fondez vos arguments sur le respect de la Lolf, mais celle-ci n’a pas prévu le cas d’un Parlement sans majorité claire.
Du point de vue de la démocratie, il est très choquant de faire approuver des comptes après deux échecs. Le Gouvernement n’a pas le courage de présenter et d’essayer de faire adopter à nouveau le texte.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Chacun est libre de ne pas voter le texte mais supprimer les articles équivaut à casser le thermomètre et à nous priver de visibilité sur l’exécution du budget 2023, alors même que nous la demandons au Gouvernement et que nous avons enrichi la Lolf en ce sens au fil de ses modifications.
L’article 7 procède à une opération comptable – l’imputation définitive du résultat de l’exercice 2021 au bilan de l’État – qui répond à une exigence de la Lolf. Si nous le supprimons, nous ne respecterons pas la Lolf et rendrons illisible – vous diriez insincère – la comptabilité de l’État. J’y suis fermement défavorable.
Il y a quelques connaisseurs de la comptabilité nationale parmi nous. Si nous n’affectons pas au bilan de l’État les résultats exercice après exercice, le budget sera, pour le coup, insincère. Au demeurant, nous n’en conservons pas moins la trace des écarts et des reports. Je pose la question : à défaut, que faire ?
M. Mathieu Lefèvre (RE). À l’occasion de l’examen des articles relatifs au bilan patrimonial de l’État, j’aimerais en rappeler l’amélioration en 2023, pour trois raisons : la diminution des charges financières ; la diminution des charges de fonctionnement ; la diminution des charges d’intervention nettes, en raison notamment de l’augmentation des financements européens au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Ce sont là des éléments à mettre au crédit de la majorité présidentielle.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’article 7 non modifié.
Article 8 : Affectation du résultat patrimonial de l’exercice 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État
Amendements de suppression CF29 de M. David Guiraud et CF56 de M. Mickaël Bouloux
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Alors que 2022 a été une année charnière, marquée par une redéfinition des perspectives budgétaires, en fonction des projections de crises, de l’objectif de réduction de la dette et de l’augmentation de l’inflation. Pourtant, le Parlement n’a pas réellement été mis à contribution. Il faut supprimer l’article pour affirmer les responsabilités du Parlement et son autonomie.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous encourage à lire l’article 8. Il vise à opérer une opération comptable, l’imputation définitive du résultat de l’exercice 2022 au bilan de l’État, conformément à la Lolf. S’il n’est pas adopté, que ferons-nous du solde ? Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
La commission adopte l’article 8 non modifié.
Article 9 : Règlement du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce »
Amendement CF38 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’article 37 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que seule une loi d’approbation des comptes et des résultats de gestion peut apurer les pertes et profits survenus sur les comptes spéciaux et donc les clôturer. Or tous les projets de loi d’approbation des comptes présentés par le Gouvernement ont été rejetés par le Parlement ces dernières années – peut-être le présent texte le sera-t-il également. Que deviendrait alors le solde créditeur du CAS – compte d’affectation spéciale – Participation de la France au désendettement de la Grèce, clos le 1er janvier 2023, d’un montant de 800 millions d’euros ?
Puisqu’une grande majorité de la représentation nationale ne verrait pas d'objection au présent article, qui vise à régler ce compte, ne faudrait-il pas à modifier la Lolf afin de prévoir que l’apuration et la clôture des comptes spéciaux puissent être menées en dehors d'une loi d'approbation des comptes ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce compte d’affectation spéciale devait être clos le 31 décembre 2020, mais cette échéance a été repoussée de deux ans par la loi de finances pour 2020. Le compte est désormais clôturé, mais non apuré. Je vous propose d’affecter son solde au budget général de l’État, en adoptant l’article 9. Avis défavorable à la demande de rapport ; le Gouvernement pourra fournir en séance des explications complémentaires, si vous le souhaitez.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 9 non modifié.
Après l’article 9
Amendement CF3 M. David Guiraud
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Le Parlement doit pouvoir apprécier la répartition des recettes de la TVA. Dans son dernier rapport sur le budget de l’État, la Cour des comptes relève que l’État ne touche plus que 46 % du produit de la TVA. De fait, la grande majorité des mesures prises par la minorité présidentielle, telles que la suppression de la taxe d’habitation, de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –, de la contribution à l’audiovisuel public et la création de nouvelles exonérations de cotisations à la sécurité sociale, ont été financés par des transferts du produit de la TVA. Le montant de ceux-ci explose depuis 2018.
Que faites-vous avec l’argent que les Français payent au supermarché, avec le produit de l’impôt le plus injuste de notre pays ? Je rappelle qu’un individu des classes populaires contribue autant à cet impôt qu’un membre des classes les plus aisées, voire davantage.
Le produit de la TVA n’est plus alloué à l’État, au service public. Il est de plus en plus difficile de retracer l’allocation de cet argent dans la documentation budgétaire. Un débat public est essentiel sur cette dérive. Les montants transférés, qui excèdent 100 milliards d’euros, sont supérieurs au budget de l’éducation nationale.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Malgré nos désaccords sur les baisses d’impôts, qui ont selon moi profité aux Français et aux entreprises, convenez que l’utilisation de la TVA est parfaitement documentée. Les détails seront repris dans mon rapport sur ce texte.
C’est vrai, une part significative du produit de la TVA échappe désormais aux caisses de l’État – mais elle ne finit pas pour autant dans une banque suisse. En 2023, sur un total de 208 milliards d’euros de recettes, 95,2 milliards d’euros ont été alloués à l’État ; 57,3 milliards d’euros aux administrations de la sécurité sociale ; 52,1 milliards d’euros aux collectivités territoriales ; 3,8 milliards d’euros à l’audiovisuel public. Comme vous le voyez, la TVA acquittée par les Français sert intégralement à financer le service public.
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Comment se satisfaire d’une telle imbrication de trois budgets distincts ? Le budget de la sécurité sociale est supposé être autonome, comme celui des collectivités territoriales.
Même M. Moscovici a reconnu que vous créez une situation malsaine en privant la sécurité sociale et les collectivités locales de ressources autonomes et en les plaçant sous perfusion de l’État. Cela permet à ce dernier de décider du fonctionnement de leur budget, c’est-à-dire d’attaquer la démocratie sociale et la démocratie locale.
De plus, dans la documentation budgétaire de l’État, il est de plus en plus difficile, non pas de connaître les montants des transferts de TVA, mais de comprendre leur motivation, de savoir quelle niche, quelle exonération ils compensent. Vous dépossédez l’Assemblée nationale de sa capacité à lire le budget.
Vous déclarez que ces sommes ne partent pas en Suisse. On peut avoir un doute, quand elles permettent des exonérations aux plus grands groupes.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La TVA est acquittée par les consommateurs. Je ne vois donc pas le rapport avec les grands groupes.
Avis défavorable. La documentation donne beaucoup de visibilité. Le montant de la compensation versée aux collectivités territoriales est calculé selon des règles que nous avons votées, tout comme le montant de la compensation versée à l’audiovisuel public. Il n’y a rien de mystérieux en la matière ; tout est transparent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF23 de M. David Guiraud
M. David Guiraud (LFI-NUPES). C’est un exemple concret du traitement de la TVA dans la documentation budgétaire de l’État : le rapport d’exécution du budget pour 2023 révise l’évaluation du coût des dépenses fiscales de l’État, le faisant passer de 89,1 milliards d’euros à 81,3 milliards d’euros, en faisant disparaître près de 8 milliards d’euros dans un tour de passe-passe nocif. La « nouvelle convention de chiffrage des dispositifs relatifs à la TVA. », qui consiste à calculer les dépenses fiscales de TVA au prorata de la part du produit de cet impôt perçu par l’État, vous permet de faire disparaître en tout 11,4 milliards d’euros de dépenses fiscales par une astuce. Au passage, vous traitez les collectivités territoriales et la sécurité sociale comme parties prenantes des dépenses fiscales de l’État. Je vous alerte sur cette pratique, qui nous fait plonger dans le flou le plus absolu, pour des sommes colossales, alors que nous sommes supposés être « à l’euro près ».
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il est paradoxal que vous nous reprochiez une baisse de 8 milliards d’euros des dépenses fiscales.
La documentation est transparente et la révision du mode de calcul justifiée, car les dépenses fiscales s’appliquent à la TVA avant affectation à tel ou tel, et non à la part de la TVA affectée à l’État.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF4, CF5 et CF6 de M. David Guiraud
Amendement CF8 de M. David Guiraud
Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Un rapport doit évaluer le coût et les recettes liées à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale par niveau de revenu des personnes physiques et morales contrôlées. Serait ainsi calculé le coût de collecte pour l’ensemble des particuliers, pour les particuliers dont le patrimoine se situe dans le dernier décile, pour les PME-TPE – les très petites, petites et moyennes entreprises –, pour les ETI – entreprises de taille intermédiaire – et pour les grands groupes.
Une étude du National Bureau of Economic Research démontre qu’aux États-Unis, chaque dollar investi dans le contrôle fiscal des 10 % les plus riches rapporte en moyenne 12,5 dollars. Évaluons mieux l’efficacité de la lutte contre la fraude à l’échelle française, pour amplifier les moyens alloués à cette lutte.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cette politique transversale donne déjà lieu à un « orange » budgétaire très spécifique, dont le contenu est fixé non par le Gouvernement, mais par la loi, en l’occurrence l’article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005. Nous pourrions effectivement modifier ce contenu, je n’y suis pas opposé.
La lutte contre la fraude est une priorité. Nous avons voté le recrutement de 1 500 agents supplémentaires pour lutter contre la fraude fiscale et de 1 000 agents supplémentaires contre la fraude sociale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF9 de M. David Guiraud
M. le président Éric Coquerel. Le déficit pour 2023, initialement prévu à 4,9 % du PIB, s’élève finalement à 5,5 % du PIB. M. Macron explique cela par « un problème de moindres recettes » ; le même se félicitait plus tôt d’avoir réduit les impôts de 60 milliards d’euros par an.
Il nous faut davantage de détails sur l’évolution des recettes fiscales, grâce à un rapport étudiant notamment le rôle des mesures du Gouvernement, celui de l’évolution de l’activité, et celui de l’inflation, pour la TVA notamment. Dans son rapport sur l’exécution budgétaire en 2023, la Cour des comptes pointe que, alors que le PIB a augmenté de 0,9 % en volume et de 6,4 % en valeur, les recettes fiscales diminuent en valeur. C’est exceptionnel. Plus de 20 milliards d’euros manquent au budget général de l’État.
Par ailleurs, il n’est pas satisfaisant qu’avec la suppression d’un nombre croissant d'impôts, la sécurité sociale et les collectivités locales soient biberonnés à la TVA. C’est un impôt injuste, dont le produit est fluctuant. Le rôle qui lui est accordé est donc dangereux pour les finances publiques.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le tome I de l’annexe des Voies et Moyens présente déjà de manière très précise l’évolution des recettes fiscales. Elle répondra à la majorité de vos questions, qui sont légitimes.
Si les recettes fiscales de 2023 ont été inférieures de 7,7 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale, c’est essentiellement à cause du produit de l’impôt sur les sociétés, inférieur aux prévisions de la loi de fin de gestion de 2023 – mais supérieur à celles de la loi de finances initiale.
Vous le savez, les recettes de cet impôt sont difficiles à prévoir, puisque les redevables doivent verser le solde pour le 15 décembre, après que l’essentiel de la discussion budgétaire a eu lieu. L’an dernier, à cette date, la loi de programmation des finances publiques et la loi de fin de gestion avaient été adoptées ; nous en étions à la deuxième lecture du PLF. En outre, un ralentissement de l’économie a été observé en décembre, au niveau mondial. Cela explique que le produit de l’impôt sur les sociétés a été inférieur de 4,4 milliards d’euros aux prévisions formulées en novembre, dans le cadre du collectif de fin de gestion.
Cette évolution est une source d’inquiétude. Nous devrons préparer le prochain budget à la lumière des annexes sur les Voies et Moyens.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF10 de M. David Guiraud
M. le président Éric Coquerel. Cet amendement d’appel vise à faire la lumière sur le taux effectif de l’impôt sur les sociétés. En 2017, le taux nominal de cet impôt avait été réduit de 33 % à 25 %, avec des différences importantes selon la taille des entreprises et leur secteur d’activité.
Le rapport établi par le rapporteur général et moi-même sur cette question a dressé un premier bilan, que le Gouvernement devrait actualiser.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons actualisé nous-même ces travaux, dans le cadre de la mission d’information sur les différentiels de fiscalité. Alors que l’écart d’imposition entre grandes et petites entreprises était de 21 points en 2007, il n’est plus que de 1,6 point, grâce à des mesures prises aux niveaux national et international, parfois sous l’impulsion de la France.
Nous avons fait converger le niveau de l’impôt sur les sociétés avec celui de nos partenaires principaux. Dans le budget pour 2024, nous avons voté la transposition du pilier 2 de l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui prévoit un taux minimal d’imposition de 15 % au niveau mondial ; il devrait permettre de percevoir 1,5 milliard d’euros de recettes en 2025.
Les différentiels de fiscalité sont davantage prégnants entre secteurs d’activité, au détriment du secteur industriel. La baisse des impôts de production participe à rééquilibrer la situation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF11 de M. David Guiraud
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous demandons qu’un rapport évalue les mesures d’aides publiques aux entreprises privées qui sont passées dans la norme fiscale. Par exemple, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui était une aide directe aux entreprises, a été transformé en baisse pérenne des cotisations, permettant au Gouvernement de prétendre qu’il a diminué les aides publiques aux entreprises.
Pourtant, ces aides ont été multipliées par vingt en quarante ans et par deux en dix ans. Sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, elles ont augmenté de 80 milliards d’euros par an. En 2018, alors que le montant des aides s’élevait à 140 milliards d’euros, Gérald Darmanin annonçait qu’il réduirait celles-ci lorsque l’économie reprendrait. En 2021, leur montant atteignait 160 milliards d’euros et même 207 milliards d’euros, si l’on prend en compte les mesures déclassées. Il est désormais près d’atteindre 256 milliards d’euros.
Malgré nos désaccords – j’estime personnellement que nous vivons une mutation profonde du capitalisme, marquée par une intervention accrue de l’État au détriment des Français et en faveur des grands groupes –, convenons que l’utilisation de l’argent public devrait être présentée de manière plus lisible pour les parlementaires. Le choix de déclasser les aides nous empêche notamment d’évaluer l’efficacité des aides publiques aux entreprises et de les piloter.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne peux soutenir ces raccourcis. Le tome II de l’annexe des voies et des moyens du PLF dresse la liste exhaustive des mesures classées ou déclassées depuis le PLF précédent et présente leur montant. Une annexe à ce document retrace même le coût de l’ensemble des mesures fiscales déclassées. Dans le PLF pour 2024, trois déclassements ont été opérés, pour un coût nul. L’idée selon laquelle nous cacherions la vérité ne résiste pas à l’analyse des documents.
En outre, arrêtez de cibler les entreprises. Souhaitez-vous arrêter la politique de soutien à l’innovation et à la recherche ou la politique de soutien à l’apprentissage ? Il n’est pas très honnête de diaboliser les aides nécessaires aux entreprises.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF19 de M. David Guiraud.
Amendement CF24 de M. David Guiraud
M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport précisant, commune par commune, le montant de la dotation globale de fonctionnement octroyé. L’autonomie des collectivités locales a été fortement dégradée par plusieurs mesures du Gouvernement, notamment la suppression de la CVAE et de la taxe d’habitation – rappelons en outre que cette dernière mesure a profité pour moitié aux 20 % de nos concitoyens les plus aisés.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces questions sont déjà bien documentées. Je comprends que l’on critique la suppression de la taxe d’habitation au motif qu’elle risque de distendre le lien entre les habitants d’une commune et les services publics fournis par celle-ci. Mais les critiques portant sur le montant de la compensation versée aux communes ne tiennent pas. Les études de différents spécialistes montrent que la suppression de la taxe d’habitation a été compensée par une recette dynamique, sur laquelle les collectivités gardent un pouvoir de taux. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF25 de M. David Guiraud
M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport sur l’évolution de l’autonomie fiscale des départements. Depuis 2017, le taux d’autonomie fiscale du bloc communal est passé de 50 % à 43 % ; celui du département, de 40 % à 20 % ; celui des régions est inférieur à 10 %.
Si les impôts fournissent des recettes, ils créent également un lien entre les décideurs politiques et leurs concitoyens. En substituant la TVA aux impôts locaux comme source de financement des collectivités, vous déconnectez donc nos concitoyens des décisions politiques du maire, du président du conseil départemental ou du président de région. Nos concitoyens entretiennent finalement davantage de liens avec leur buraliste ou leur grande surface qu’avec leurs élus. Comment s’étonner que les citoyens se comportent en consommateurs, si c’est quand ils consomment qu’ils paient leurs impôts ?
Les entreprises, elles, ont renforcé leur lien avec l’État. Elles captent 76 % des milliards d’euros dégagés par la suppression de la CVAE. Ce ne sont donc pas les petites entreprises, les artisans et les petits commerçants qui profitent de la mesure. Pourquoi continuez-vous à taper sur les Français ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous vous êtes un peu éloigné du contenu de votre amendement. Rappelons que les prélèvements obligatoires sont à un niveau très élevé en France, même s’ils ont beaucoup baissé en fin d’année, ce qui est un effet positif de la perte de recettes. Et cessons d’évoquer le lien fiscal qui existerait entre les citoyens et les départements : les citoyens n’ont absolument aucune idée de ce que coûte le fonctionnement d’un département. Sur le long terme, le remplacement de la CVAE par de la TVA est bénéfique pour les départements parce que la TVA est une recette plus dynamique et plus prévisible : sauf cataclysme, elle augmente d'une année sur l'autre, même si sa hausse a été moins élevée que prévu l’année dernière. À l’inverse, la CVAE est décrite dans tous les rapports comme non prévisible, incomprise, injuste d'un territoire à l’autre. N’idéalisons pas la CVAE maintenant qu’elle a quasiment disparu. Nous n’avons pas besoin d’un rapport sur quelque chose qui est déjà clairement documenté. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF26 de M. David Guiraud
M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous demandons le même type de rapport pour la région. La défense de cet amendement me permet de vous répondre que la compensation n'a pas été à la hauteur de l'inflation en 2023 : la perte s’élève à 1,3 milliard d’euros pour l'ensemble des collectivités. En cinq ans, la suppression de divers impôts locaux a conduit à une baisse de 27 milliards d’euros de leurs ressources. Elles perçoivent le versement mobilité, par exemple, mais il est plafonné et elles ne peuvent pas le déplafonner. Ces rapports nous permettraient de faire le lien entre la suppression de ces impôts locaux et la décision politique, quelles que soient les collectivités.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je conteste ces chiffres sortis de nulle part et jamais justifiés. Il y a une faille dans votre raisonnement : chacune des recettes des collectivités baisse car elle n'a pas été compensée, mais la somme de ces recettes augmente quand même de manière très significative. Comment expliquer ce phénomène mathématique ?
Pour les régions, la DGF figée a été remplacée par la TVA qui augmente. Entre 2017 et la période actuelle, l’écart est colossal – d’ailleurs les régions ne s’en plaignent pas. Quant au remplacement de la CVAE par la TVA en 2020, pendant la crise sanitaire, il a aussi été bénéfique pour les régions, la différence étant de l'ordre de 1 milliard d’euros. Ce sont les faits, très documentés, concernant le financement des régions. Je ne vois pas l'intérêt d'un rapport supplémentaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF14 de M. David Guiraud
M. le président Éric Coquerel. Nous demandons qu’un rapport étudie l’impact des dépenses de l’État, notamment de celles évaluées comme neutres, sur le climat et la biodiversité.
Le Gouvernement évalue les dépenses publiques défavorables à l’environnement à 19,9 milliards d’euros en 2023, un montant très inférieur aux estimations d’organismes spécialistes de la question – Réseau action climat, par exemple, les situe à 67 milliards d’euros. Cet écart s’explique peut-être par une attribution trop hâtive de la classification « neutre » à 340 milliards d’euros de dépenses publiques, sans aucune justification.
En outre, la méthodologie du budget vert n’est pas traitée sérieusement dans le présent projet de loi. L’exposé des motifs indique qu’une analyse détaillée de l’exécution du budget de 2023, selon cette méthodologie, sera présentée en annexe du PLF pour 2025, c’est-à-dire alors que le budget de l’année n-1 sera soldé et les choix de l’année n+1 déjà arbitrés. Ce n’est pas sérieux. Il faut nous éclairer davantage sur le budget vert.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le suivi de ces dépenses s’améliore d’année en année. C’est un travail technique qu'il faut poursuivre avec le Gouvernement et les différents services. Nous sommes d’accord avec cet objectif, fixé dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, de réduire le nombre des dépenses non suivies ou classées neutres.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CF30 et CF32 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Dans la même veine que celui qui vient d’être défendu, l’amendement CF30 demande un rapport détaillé sur le budget vert, de façon à éliminer des dépenses neutres ou non cotées. Ces dernières représentant encore 90 % des dépenses, le budget vert perd de son intérêt – la Cour des comptes et le Haut Conseil pour le climat ont d’ailleurs critiqué ces insuffisances. Il est urgent de revoir la méthodologie, notamment en adoptant une classification fondée sur l'empreinte carbone chiffrée pour plus de transparence. Il faut aussi comparer notre approche avec celle de nos voisins européens, afin d'améliorer nos outils de calcul des dépenses publiques néfastes pour l’environnement.
L’amendement CF32 vise à faire en sorte que le classement soit établi sur les dépenses réelles et non sur les prévisions car il n’y a pas d'exécution budgétaire verte, si je puis dire. L’écart entre dépenses budgétisées et dépenses réelles peut être très important, alors que le budget vert donne lieu à beaucoup de communication. Sans analyse de l'exécution budgétaire, on n'a pas de vision réelle du caractère favorable ou défavorable des dépenses réelles de l'État.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons vos objectifs. Rappelons que nous sommes à l'initiative de ces budgets verts et que nous avons inscrit l’amélioration de ces ratios dans la loi de programmation – texte que certains ici n’ont pas voté. Il faut aussi admettre que certaines dépenses ne pourront jamais être qualifiées et devront toujours être considérées comme neutres sur le plan environnemental. Il en est ainsi pour les dépenses de personnel du ministère de l’éducation nationale, qui représentent une part significative de son budget de 80 milliards d’euros. Cela étant, nous progressons chaque année : les dépenses favorables à l'environnement sont de 27,8 milliards en 2023 contre 24,9 milliards en 2022. Contrairement à ce que vous dites, nous avons les données concernant l’exécution du budget vert, certes avec deux ans de décalage car cela nécessite des traitements manuels. L’exécution budgétaire pour l’année 2023 apparaîtra donc dans le budget vert pour l'année 2025. Avis défavorable.
M. Fabien Di Filippo (LR). En fait, je voulais revenir sur les échanges précédents concernant les finances des collectivités locales. Je ne voudrais pas laisser passer sans réagir l’amalgame qui a été fait par M. Rome entre les différentes collectivités. Les régions, qui ont des ressources économiques et qui ont bénéficié de taxes sur l'économie, s’en sortent bien. Il en va de même pour la partie intercommunale du bloc communal, dont les recettes sont plutôt dynamiques. En revanche, les communes ou les départements sont affectés par l’inflation et la hausse des dépenses sociales.
Quant au rapporteur général, il peut vanter la dynamique des recettes des collectivités puisque la TVA a été transférée aux collectivités et que nous sommes en période de forte inflation. Nous en venons à une situation incongrue où les collectivités vont toucher plus de recettes de TVA que l'État. Mais si nous entrons dans un cycle de croissance très molle ou de récession, cette dynamique ne jouera plus, et il n’y aura pas de compensations dans le temps. Voilà la réalité.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L'État perçoit environ 95 milliards d'euros de TVA, un montant bien supérieur à celui des collectivités. Contrairement à ce que vous dites, les courbes sont très loin de se croiser.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CF31 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il vise à ce que le Gouvernement remette enfin au Parlement un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse, comme la loi l’exige. Depuis 2019, le Gouvernement bafoue la loi de 2015 en refusant de publier ce rapport annuel. Cette négligence est inacceptable, alors que les indicateurs tels que la pauvreté en conditions de vie, l'espérance de vie en bonne santé, ou l'empreinte carbone sont cruciaux pour orienter nos politiques publiques.
Nous avions progressé entre 2008 et 2017, après la publication en 2008 du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, qui avait mis en lumière les limites du PIB. Actuellement, on se replie sur une vision assez conservatrice et classique, fondée sur le PIB, alors que cet indicateur ne rend compte ni de la destruction du capital naturel ni des inégalités à l'intérieur de la société.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous avez raison, chère collègue. Je vous invite à retirer votre amendement parce que la loi prévoit déjà ce que vous demandez. À défaut d’un retrait, j’émettrai un avis défavorable. Il faudra profiter du débat en hémicycle pour rappeler au Gouvernement ses obligations en la matière car, depuis quelques années, il ne produit plus ce rapport.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CF34 et CF35 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L'amendement CF34 demande un rapport au Gouvernement justifiant le différentiel abyssal entre le rendement de la contribution sur les rentes inframarginales (Crim) des producteurs d’électricité – 626 millions d’euros – et les prévisions inscrites en loi de finance initiale de 2023 – 12,3 milliards d'euros. La Cour des comptes, qui avait déjà sévèrement critiqué le bilan de la taxation des profits des producteurs d’électricité en mars dernier, juge cet écart inexplicable. Il est impératif que le Gouvernement rende des comptes sur ce qui est une gestion défaillante des finances publiques.
L’amendement CF35 traite du même sujet. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport justifiant le niveau dérisoire des recettes issues de la contribution temporaire de solidarité (CTS) sur les entreprises pétrogazières : 61 millions d'euros, autant dire une paille, sachant que TotalEnergies, par exemple, a engrangé 19,9 milliards d'euros de bénéfices en 2023.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends vos demandes, chère collègue.
La Crim versées par les énergéticiens a baissé pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le prix spot de l’électricité a fortement diminué au cours de l'année 2023 : il a été divisé par cinq entre 2022 et 2023. Vous remarquerez que dans la loi de fin de gestion pour 2023, les recettes attendues de cette contribution ont beaucoup baissé. Ensuite, la contribution d’EDF a été moins importante que prévu, en raison d’un report de pertes constatées en 2022. À ces deux raisons principales viennent s’ajouter deux effets de moindre importance : certains comportements d'achat et de revente adoptés par certains producteurs ont permis de diminuer le montant dû au titre de la Crim ; une faible partie de l'écart demeure inexpliquée et fait l'objet de contrôles fiscaux – il peut aussi y avoir une absence d'autodéclaration. La situation n’étant pas satisfaisante au regard des performances réalisées en 2022 et 2023 par ces entreprises, nous envisageons d’actualiser cette contribution exceptionnelle.
S’agissant de TotalEnergies, le groupe dégage l’essentiel de ses profits dans ses zones de production, c'est-à-dire dans des pays étrangers. Son taux d’imposition est très élevé, mais, hélas, il paie l'essentiel de ses impôts à l'étranger.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CF52 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous demandons au Gouvernement de fournir un document synthétique actualisant les chiffres de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, adoptée en force par le biais d’une énième application de l’article 49.3. Outre le mode d’adoption de cette loi, une deuxième raison plaide pour une actualisation : à l’occasion de la publication des comptes nationaux, le 31 mai 2024, l’Insee va appliquer la nouvelle base 2020 à ses données. Ce changement de base améliore les prévisions économiques, mais il rend obsolètes les chiffres inscrits dans la loi – dont on a pu constater qu’ils avaient déjà tendance à dérailler. L’idéal serait que le Gouvernement présente une nouvelle loi de programmation des finances publiques et la soumette au vote sans recours au 49.3. À tout le moins, il faudrait recalculer ces valeurs pour mieux comprendre la trajectoire des finances publiques. Cette mise à jour est essentielle : sans elle, il est difficile d'évaluer correctement la situation économique actuelle.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je prends votre proposition comme une provocation : il ne sert à rien de multiplier les lois de programmation des finances publiques que, de toute façon, vous ne votez pas. Comme ces lois couvrent une période de cinq ans, des modifications peuvent intervenir qui rendent une partie des projections inopérantes. Cependant, la loi de programmation contient des engagements, en particulier sur la transition écologique, que nous respectons. Elle définit des politiques publiques prioritaires : les lois de programmation sur la justice, l'intérieur, la recherche et les armées ont été sanctuarisées dans la loi de programmation des finances publiques et leur budget augmente de 7 % en 2023. Cette loi de programmation est utile, mais on ne peut pas la réactualiser à chaque fois que le contexte macroéconomique et international change. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF37 de M. Mickaël Bouloux
M. Mickaël Bouloux (SOC). De nombreux projets de loi de règlement ont été rejetés, ce qui se produira peut-être encore cette année. Pour notre part, nous voterons contre le texte. Quoi qu’il en soit, cela n’aura pas de conséquences concrètes. Habituellement, le rejet des comptes entraîne des répercussions pour les gestionnaires, que ce soit dans le secteur public ou privé. Nous proposons donc de lancer une réflexion pour envisager des changements, y compris législatifs, afin d’aligner la gestion de l'État sur les pratiques courantes en matière de responsabilité financière.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre demande me surprend. Vous votez contre les lois de règlement pour la troisième année consécutive, et vous nous demandez d'expliquer les conséquences du rejet. J’imagine qu'en votant contre le texte, vous êtes conscient des conséquences de votre vote. La loi de règlement est une photographie de l'exécution budgétaire de l'année précédente. Le Gouvernement n’a aucune marge de manœuvre pour en modifier les résultats. C’est toujours une surprise pour moi de vous voir voter contre ces textes, mais j’en prends acte. Maintenant, vous voudriez savoir les conséquences de votre vote. Assumez !
M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous ne demandons pas quelles sont les conséquences de ces rejets : nous avons constaté qu’il n’y en avait pas. Nous demandons un rapport, permettant d’engager une réflexion pour qu’un rejet ait des conséquences concrètes : la chute du Gouvernement ou autre.
Mme Véronique Louwagie (LR). La loi de règlement est certes un document comptable, mais elle traduit les politiques publiques conduites par le Gouvernement. Son rejet n'a de conséquence ni sur les finances publiques ni sur la suite du processus budgétaire de l'examen des futures lois de finances. En revanche, le vote donne un signal politique très fort. Le groupe Les Républicains votera contre ce projet de loi de règlement, et j’espère que le Gouvernement y verra un signal de fermeté face au dérapage budgétaire actuel.
M. Mohamed Laqhila (Dem). Voter contre l'approbation des comptes revient à considérer qu’ils sont insincères, alors qu’ils ont été certifiés par la Cour des comptes. Leur insincérité reste à prouver et, pour notre part, nous voterons pour le projet de loi de règlement.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’ensemble du projet de loi.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 9 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, Mme Anne Bergantz, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Christine Decodts, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, Mme Olga Givernet, Mme Perrine Goulet, Mme Géraldine Grangier, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Yannick Haury, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Lise Magnier, M. Emmanuel Mandon, Mme Alexandra Martin (Gironde), M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier, Mme Huguette Tiegna
Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Tematai Le Gayic, M. Christophe Plassard
Assistaient également à la réunion. - M. Karim Ben Cheikh, M. Pierre Cordier