Compte rendu

Commission d’enquête sur la structuration,
le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

 

 

– Examen du rapport, à huis clos.........................2

 Présences en réunion...............................11


Mardi
7 novembre 2023

Séance de 13 heures 30

Compte rendu n° 28

session ordinaire 2023-2024

Présidence de
M. Patrick Hetzel,
président

 


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La séance est ouverte à treize heures trente.

Présidence de M. Patrick Hetzel, président.

 

 

M. le président Patrick Hetzel. Depuis notre réunion constitutive le 24 mai dernier, nous aurons siégé à quarante-et-une reprises pour un total de plus de cinquante-deux heures dauditions, auxquelles sajoutent les déplacements effectués en Gironde et dans les DeuxSèvres.

Ce travail a été à la fois dense, sérieux et respectueux de chacun. Jai veillé à ce que toutes les opinions puissent sexprimer, aussi bien parmi les membres de la commission que parmi les personnes auditionnées.

Nous avons pu discuter et débattre. Les comptes rendus attestent de la vigueur de certains échanges, mais cest aussi tout le sens de la démocratie. Je remercie les membres des différents groupes davoir fait en sorte que les échanges soient fructueux. Je remercie également les personnes que nous avons auditionnées d’avoir exposé leurs points de vue. Je déplore, évidemment, que les Soulèvements de la Terre, et eux seuls, se soient soustraits à cet exercice démocratique. Cela ma conduit à écrire au procureur de la République de Paris.

Je vous indique avoir reçu du président de la Ligue des droits de lhomme un courrier contestant certains éléments avancés par le ministre de lintérieur lorsque nous l’avons auditionné. Ce courrier a été rendu public par la Ligue – c’était sans doute là son objectif premier –, de sorte que chacun a pu en prendre connaissance. Le rapporteur y fait dailleurs référence dans le projet de rapport que vous avez pu consulter.

Les contributions que les membres ont souhaité rédiger seront annexées au rapport au moment de sa publication. Puisquelles engagent leurs signataires uniquement, elles ne sont pas soumises au débat daujourdhui.

La résolution portant création de la commission denquête ayant été adoptée dans lhémicycle le 10 mai dernier, nous aurons respecté le délai de six mois qui nous était imparti pour mener à bien nos travaux.

À lissue de notre discussion, je mettrai aux voix ladoption du projet de rapport. Conformément à lordonnance du 17 novembre 1958, cest à lexpiration dun délai de cinq jours francs, soit après la journée de lundi, quaura lieu la publication. Dans lintervalle, je vous demanderai de ne pas communiquer les documents en votre possession.

Monsieur le rapporteur, je vous cède la parole, non sans vous remercier de la bonne entente et de la confiance mutuelle qui ont caractérisé nos travaux.

M. Florent Boudié, rapporteur. Je vous remercie chaleureusement, monsieur le président, pour votre efficacité et votre bienveillance dans la conduite de nos débats. Je remercie également les membres de la commission d’enquête pour leur implication au cours des trenteneuf auditions, auxquelles se sont ajoutés nos déplacements à Bordeaux et à SainteSoline.

Tous les acteurs ont accepté d’être auditionnés, à lexception des Soulèvements de la Terre. Ceci vous a amené, de manière inédite me semble-t-il, à faire application de larticle 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958. Nous aurons ainsi démontré notre volonté d’écoute mais aussi notre intransigeance face au non-respect de notre institution.

La complémentarité des approches, quelles soient opérationnelles, juridiques – tant sur le plan administratif que judiciaire – ou sociologiques, et leur caractère parfois discordant, sinon contradictoire, nous ont permis dentendre tous les points de vue, y compris ceux qui étaient très éloignés des nôtres. En tant que rapporteur, je me suis efforcé de restituer, aussi fidèlement que possible, les constats et analyses qui nous ont été présentés par lensemble des personnes auditionnées. Les éventuelles conclusions personnelles que jen ai tirées sont expressément soulignées comme telles dans le rapport.

Les débats préalables à la création de la commission d’enquête ont fait ressortir les trois objectifs principaux qui lui étaient assignés. En premier lieu, cerner le profil des groupes et individus présents sur le théâtre de rassemblements en marge desquels ont éclaté des violences, afin de dissiper certains dénis et fantasmes. Il est une donnée objective et presque incontestée : lextrême violence à laquelle les forces de lordre ont été confrontées, mettant parfois leur vie en danger. Je tiens à leur rendre hommage. Le rassemblement de SainteSoline marque le franchissement dun cap dans la violence. La stratégie de confrontation est assumée, organisée, préméditée et ne peut avoir pour seule issue qu’un déferlement de violence.

Deuxième objectif, comprendre et rendre compte de lorganisation des structures impliquées, de leurs ressources matérielles et humaines, de leurs motivations, de leurs soutiens ainsi que de leurs modes opératoires.

Troisième objectif, déterminer les moyens nécessaires pour mieux prévenir et mieux réprimer les actions violentes, en évaluant la pertinence du cadre légal et règlementaire ainsi que lefficacité des dispositifs de maintien de lordre. À cet égard, jai souhaité que nous nous intéressions non pas à la conduite des opérations de maintien de lordre – terme par trop ambigu – mais à leur déroulement et aux comportements de lensemble des acteurs.

Le rapport comprend trois parties. La première dresse le bilan humain, matériel et économique des violences commises en marge des manifestations, en exposant la mobilisation des forces de lordre et la réponse judiciaire qu’elles ont suscitées. Bien que la commission denquête ait été créée à la demande de deux groupes de la majorité, à aucun moment nous navons éludé le point de basculement que constitue le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution sur la réforme des retraites le 16 mars 2023.

La deuxième partie sintéresse à la notion de continuum de la violence en décrivant les modes opératoires des activistes radicaux mais aussi leur profil, leurs motivations et lorganisation des groupuscules auxquels ils se rattachent. Il existe en effet, en marge des mouvements de revendication traditionnels, de nouveaux rapports à la violence, des formes de légitimation explicite ou implicite de son usage, corroborant une montée en puissance des éléments activistes radicaux qui nest pas propre à notre pays. La formation dun bloc radical au sein des précortèges et le développement des rassemblements spontanés, notamment dans la protestation contre la réforme des retraites, mais aussi laffirmation de radicalités nouvelles au nom de la défense de causes environnementales me poussent à un constat alarmant : les frontières entre violence et non-violence, entre conflictualité et extrémisme, entre contestation et volonté insurrectionnelle sont aujourd’hui particulièrement perméables. Jemploie dans le rapport le terme de « brume » pour qualifier cette nébuleuse de la pensée très inquiétante qui nous a tous frappés. J’évoque également un glissement vers la violence dont témoignent les mutations de la désobéissance civile. Certains estiment que celle-ci peut désormais saffranchir du principe de non-violence qui est pourtant sa caractéristique fondatrice.

Le rapport clarifie un point qui a pu faire naître des craintes ou des fantasmes : les violences nont pas été planifiées et orchestrées par des organisations activistes et radicales qui, sur le territoire national ou à l’étranger, en auraient assuré le pilotage centralisé. De même, il nexiste pas de lien organique entre activistes ou groupuscules violents et organisations plus traditionnelles telles que des partis politiques ou des syndicats. En revanche, il existe des passerelles. C’est le cas avec une partie du milieu étudiant ; nous lavons vu à Bordeaux. C’est même le cas avec le milieu syndical – je pense à certains militants de la CGT MinesÉnergie. Si Sophie Binet, lors de son audition, sest étonnée de mes remarques sur lattitude de cette fédération de la CGT, consistant à couper l’électricité du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, elle ne la pas dénoncée. Nous sommes là dans la brume que j’évoquais précédemment.

La troisième partie du rapport analyse les enjeux opérationnels du maintien de lordre et le cadre juridique afin de sanctionner plus efficacement les auteurs de violences – ceux qui sont venus casser, en découdre avec les forces de lordre et sen prendre aux symboles de l’État, au risque parfois de menacer la vie des policiers et des gendarmes. Les individus violents nont manifestement pas fait la distinction que certains ont voulu mettre en évidence entre violences contre les biens et violences contre les personnes.

Le rapport formule trente-six recommandations de niveau juridique variable. Permettez-moi de vous en présenter quelques-unes.

Elles concernent, en premier lieu, la modernisation des instruments du maintien de lordre et le contrôle de l’activité des forces de sécurité intérieure – lun ne pouvant à mon sens aller sans lautre.

Il sagit dabord de stabiliser la doctrine demploi des forces et de tirer les leçons de l’expérience des manifestations du printemps 2023. La France dispose depuis septembre 2020 d’un schéma national du maintien de lordre (SNMO), qui a fait lobjet de plusieurs ajustements à la suite dun arrêt du Conseil d’État du 10 juin 2021.

Nos travaux confirment une tension, quasi inévitable, que connaissent bien les acteurs de la sécurité publique, entre deux principes fondamentaux : dune part, le maintien à distance et la désescalade, qui est lobjectif des forces de lordre, nen déplaise à certains ; dautre part, lintervention rapide et la mobilité des forces en cas d’exaction. La très grande mobilité des éléments du bloc radical, leur sens de lorganisation et leur violence contraignent les forces de lordre à des opérations dans un environnement toujours plus complexe. Cest la raison pour laquelle le rapport recommande d’« évaluer la pertinence opérationnelle de larticulation et du format des unités de maintien de lordre affectées à lencadrement des rassemblements et des manifestations au regard des exigences du SNMO ».

Le rapport souligne également limpératif que constitue une coopération renforcée avec les organisateurs et les participants des manifestations. Lexemple de Sainte-Soline – le refus total des organisateurs de dialoguer avec les autorités administratives, y compris sagissant de l’architecture des secours – est à cet égard remarquable, si jose dire. Sans coordination entre organisateurs et forces de lordre, il est inévitable que les choses se passent mal. Dans les manifestations intersyndicales, le plus souvent, la coordination est plutôt satisfaisante.

Les forces de lordre doivent être capables de distinguer le manifestant de bonne foi de lindividu violent, notamment lors de la dispersion de la manifestation. Il faut améliorer la communication en direction des premiers. La France doit ainsi revoir profondément son approche en « dotant les forces de lordre de moyens techniques – tels que panneaux indicateurs, dispositifs – permettant dassurer linformation des participants aux cortèges et rassemblements sur le lieu des manifestations et de communiquer efficacement à leur destination ». C’est la recommandation n° 3.

Il me paraît également indispensable daméliorer les rapports fonctionnels entre les forces de sécurité intérieure et les services dordre des syndicats. Nous constatons un affaiblissement des moyens déployés par les structures syndicales pour la protection des manifestations et rassemblements organisés à leur initiative, mais aussi des difficultés pratiques dans la gestion de laccès aux cortèges. En particulier, un meilleur filtrage des individus violents est nécessaire en fin de manifestation, sur les lieux de dispersion : autant il est difficile pour eux d’accéder au point de départ du cortège, autant il leur est souvent facile de se rendre à son point d’arrivée et de sy livrer à des exactions. Il apparaît donc nécessaire de renforcer les effectifs des équipes de liaison et dinformation, de sorte que les services dordre des syndicats disposent en permanence dun interlocuteur identifié.

Le rapport invite également à mieux définir la place des journalistes et des observateurs. Cest là un sujet qui peut faire débat entre nous. Les journalistes que nous avons reçus – qu’ils soient street reporters ou quils appartiennent à des chaînes dinformation en continu – nous indiquent que les premières violences qu’ils constatent sexercent contre eux. Ils notent en second lieu des difficultés dans leurs relations avec les forces de lordre. Jappelle donc à une meilleure coordination, dans le cadre du SNMO, même si des progrès ont déjà été accomplis après l’arrêt du Conseil d’État que je mentionnais précédemment. Un comité de liaison mensuel est prévu : il doit aborder ces questions pour lever les ambiguïtés sur la mission des journalistes, surtout dans le cadre chaotique des manifestations.

Je propose ensuite la nomination dobservateurs indépendants. Jai beaucoup hésité avant de formuler cette proposition, et je sais qu’elle fera débat, mais jai constaté que des gens se présentent déjà comme observateurs. Ils le sont, sans doute, mais ils sont aussi parfois membres des structures qui appellent à manifester. La question de leur impartialité se pose. Ceux que nous avons entendus considéraient qu’ils n’étaient là que pour observer le comportement des forces de lordre : pourquoi pas, mais il me semble qu’il faut tout observer. Si nous voulons objectiver les questions des violences et du maintien de lordre, et apaiser le débat public, la présence dobservateurs indépendants, qui ne seraient pas là pour regarder lune ou lautre seulement des parties en présence, pourrait être une solution. Le débat en noir et blanc auquel nous assistons nest pas toujours à la hauteur de la complexité des situations et, jy insiste, de la violence qu’affrontent nos forces de lordre.

Le contrôle externe du maintien de lordre revient au Défenseur des droits. C’est un modèle qui est plutôt un standard européen. Mais ses moyens, matériels et humains, sont limités. Dans ce débat sur le maintien de lordre, et parce que je ne crois pas que le problème vienne des forces de lordre, jestime que nous devons assurer la transparence : je propose donc de donner au Défenseur des droits la possibilité de saisir directement les inspections générales à des fins denquête administrative.

Meilleure reconnaissance des journalistes, statut dobservateur, contrôle externe confié à une autorité publique indépendante : voilà, je crois, des solutions pour apaiser le débat sur le comportement des forces de lordre.

Nous devons également nous poser la question des moyens du maintien de lordre. Il faut conforter les ressources humaines et matérielles à disposition pour conduire des opérations de police très spécifiques. La disponibilité des forces de lordre est essentielle : nous serons tous daccord, ou presque, pour estimer indispensable de respecter la trajectoire de reconstitution de nos forces inscrite dans la loi dorientation et de programmation du ministère de lintérieur (Lopmi). En tant que parlementaires, il nous revient d’être vigilants sur ce point. Cela concerne aussi le renseignement, qui est au cœur de la lutte contre les individus violents.

Nous devons doter nos forces de lordre darmes adaptées à des missions de plus en plus exigeantes. Il faut renouveler les armes de force intermédiaire ; je plaide notamment pour le déploiement de canons à eau, mais aussi de quads, car la mobilité est indispensable. Jassume également de considérer que lusage de drones, dans le cadre du décret du 19 avril 2023, constitue une solution intéressante ; jestime même que nous pourrions élargir les conditions de leur emploi.

Je marrêterai enfin sur les recommandations de niveau législatif. Je suis resté prudent car je ne suis pas un chaud partisan des lois de circonstance, même si cest le jeu de la politique et que nous nous y sommes tous laissé prendre.

Je propose dinscrire dans le code pénal le caractère obligatoire de la peine complémentaire dinterdiction de manifester pour les délits les plus graves, comme le port darmes : la procureure de la République de Paris a évoqué à ce sujet un oubli législatif. Je précise que le juge peut, de façon motivée, écarter cette peine complémentaire : lautorité judiciaire reste indépendante.

Lobligation de pointage a fait ses preuves dans le cas des interdictions de stade : elle pourrait être étendue aux interdictions de manifester. Nous pourrions également intégrer la violation de linterdiction de manifester – interdiction prononcée par un tribunal, je le rappelle – parmi les critères permettant une rétention qui peut durer jusqu’à vingt-quatre heures. Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, a affirmé devant nous la nécessité doutils pénaux préventifs – toujours dans le respect des libertés publiques et de lindépendance de lautorité judiciaire.

Je propose enfin d’élargir le champ des infractions punies dune interdiction de manifester. Je pense en particulier à la participation à un attroupement, levier pénal très important.

Voilà les pistes de réflexion que je vous propose pour consolider notre dispositif de maintien de lordre et jouer la carte de la transparence. Il faut sortir du débat parfois absurde dans lequel nous tombons tous, quelles que soient nos sensibilités politiques. Notre exigence républicaine nous impose de réprimer avec la plus grande efficacité, dans le cadre de l’État de droit, des violences qui fragilisent tout autant lordre public que la liberté fondamentale de manifester.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je représente mon collègue Benjamin Lucas, qui a participé aux travaux de la commission d’enquête. Je voterai contre la publication de ce rapport. Cette commission denquête très politique visait à masquer limpopularité du Gouvernement au moment de la réforme des retraites, et pour cela à mettre en accusation et à disqualifier le mouvement syndical, qui a réussi à réunir des manifestations massives et tout à fait pacifiques, mais aussi le mouvement écologiste.

Présente moi-même à une manifestation le 1er mai, à Nantes, jai subi une charge des forces de lordre, après la manifestation, sur une terrasse de café bondée. Les forces de lordre se sont massées de manière menaçante ; jai avancé avec mon écharpe de députée et les mains en lair : cela na rien empêché. Jai aussi parlé à de nombreuses familles choquées des méthodes de maintien de lordre employées ce jour-là. Ce sont des débordements qui ne sobservent pas dhabitude.

Le droit de manifester nest pas garanti : les gens ont peur, ce qui pose problème dans une démocratie. Or, je nai pas limpression que ce rapport cherche à y remédier.

La non-violence est un principe fondamental des écologistes ; nous avons toujours condamné les violences, dqu’elles viennent. Or, le rapport emploie le terme « écoterroriste ».

M. Florent Boudié, rapporteur. Vous navez pas lu le rapport : je dénonce ce terme, au contraire !

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ce terme a été utilisé et le rapport le reprend, tout en indiquant qu’il ny a pas dactes terroristes menés par des militants écologistes. Vous opérez un rapprochement sémantique ; vous parlez de répression, dinterdiction de manifester, alors qu’il ny a aucune preuve d’écoterrorisme. La violence des méthodes policières utilisées contre des militants des causes écologiques, les mêmes que pour des terroristes, nous inquiète et montre une dérive.

M. Michaël Taverne (RN). Cest une blague !

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Non. Jai aussi combattu la construction de laéroport de Notre-Dame-des-Landes et manifesté à cette occasion, de manière pacifique et avec Mounir Belhamiti qui est assis à mes côtés. En démocratie, nous avons le droit de manifester pour exprimer un désaccord. Or, le rapport sefforce de disqualifier des mouvements et des revendications. Il propose de restreindre le droit de manifester de certains. Il napporte donc pas grand-chose, dans un moment grave pour notre démocratie et pour la liberté de manifester – droit qui, je le redis, nest pas garanti aujourd’hui.

Enfin, vous ne vous arrêtez pas sur les groupes dextrême droite. Pourtant, lattaque terroriste contre la maison du maire de Saint-Brevin-les-Pins a eu lieu pendant la période couverte par la commission denquête.

Mme Sandra Marsaud (RE). Merci pour ce travail, monsieur le rapporteur. Jai entendu ce qui vient d’être dit avec un peu de dépit. Pour avoir participé à la plupart des auditions, je nai pas entendu ce que vous dénoncez, madame Laernoes – bien sûr, vous avez le droit de donner votre opinion. Pour ma part, je suis très attachée au développement durable, mais je nappartiens pas à Europe Écologie-Les Verts et je suis fière de défendre ces sujets au sein du groupe Renaissance. Je ne me promène pas avec une écharpe croyant qu’elle va me protéger : je ne vais pas à ces manifestations et je respecte la loi.

Ce rapport me semble équilibré. Les réponses proposées, en ce qui concerne tant le droit pénal que le statut dobservateur et la liberté de la presse, sont fortes.

M. Ludovic Mendes (RE). À mon tour de remercier le président et le rapporteur pour la façon dont ils ont mené les travaux de cette commission denquête. Elle a été difficile à mettre en place. Ce que dit notre collègue écologiste nest pas faux : la politique est bien présente. Mais ce nest pas nous qui avons fait ce choix. Ce sont les personnes auditionnées qui ont choisi de nous parler des partis politiques, qui ont donné des noms de responsables politiques qui ont participé à certaines manifestations et qui ont agi de façon violente. Nous navons fait que dresser un état des lieux.

Je souligne lintérêt de l’étude comparative européenne présente en fin de rapport.

Je me réjouis aussi du fait que le rapport évoque lensemble des difficultés rencontrées : il ne cherche pas à défendre seulement la police ou la gendarmerie, mais aussi les manifestants et les syndicats. Il démontre que nous avons besoin dobservateurs et de permettre aux journalistes de mieux exercer leur métier – une partie que vous avez peut-être ratée, madame Laernoes. Certaines recommandations du rapport vont à lencontre de propos tenus par des membres du Gouvernement que nous soutenons.

Ce rapport est factuel, consciencieux, responsable. Il ne dit qu’une seule chose : la réalité de ce qui sest passé, reconstituée grâce à un grand nombre dauditions. Oui, il y a parfois une dérive ; oui, il faut respecter la Ve République et la Constitution, dont le droit de manifester. Les violences dans les manifestations sont dues à des gens qui veulent tout détruire : nous formulons des recommandations pour protéger les manifestants, les biens et les membres des forces de lordre qui sont sur le terrain et qui en prennent plein la figure parfois tous les week-ends – ce que vous oubliez de dire.

Ce rapport est juste, neutre et répond à toutes les attentes. La seule cabale politique que nous avons vécue est venue de certains de nos collègues députés.

Mme Marina Ferrari (Dem). Je voterai pour la publication du rapport, que je trouve équilibré. Trois recommandations ont retenu mon attention : la recommandation n° 9, car une meilleure préparation des forces de lordre aux nouvelles formes de violence permettrait de limiter les blessures de part et dautre, la n° 10 et la n° 11.

Contrairement à ce que disait notre collègue du groupe Écologiste au sujet des syndicats, le rapport fait état de leur bonne communication entre les forces de lordre. À Sainte-Soline, en revanche, les organisateurs nont pas voulu entrer en relation avec les autorités administratives ; nous devons nous interroger sur la manière de sortir de cette ornière dans lhypothèse dautres manifestations de ce genre, afin dassurer la sécurité et des manifestants et des forces de lordre.

Mme Edwige Diaz (RN). Au nom de mon groupe, je salue lattitude du président comme du rapporteur de la commission d’enquête. Ils ont permis des débats dénués de sectarisme, ce que nous avons beaucoup apprécié.

Comme je lai indiqué dans la contribution que je vous ai envoyée, cette commission denquête nous laisse un sentiment dinachevé, notamment en raison de la non-réponse à notre convocation des Soulèvements de la Terre, objet clef du champ d’étude de la commission.

Il est exact que celle-ci a été très politique. Nous ne sommes pas dupes de la manière dont la majorité a tenté de minimiser son rôle dans lincendie social qui a enflammé notre pays. En revanche, le rapport souligne bien les liens évidents entre lextrême gauche et la recrudescence des violences, qui alimente une atmosphère très dégradée. Nous pointons cette double responsabilité dans notre contribution.

Nous vous remercions également de nous avoir permis de nous exprimer et de dire notre gratitude aux forces de lordre pour leur travail.

Nous voterons en faveur de la publication du rapport, même sil natteint pas son objectif pour les raisons que je viens dexposer, et même si nous doutons de sa portée en labsence dune remise en question globale de notre politique judiciaire. Il nen est pas moins riche ; de nombreuses personnes ont fait leffort de se déplacer et nous avons appris beaucoup de choses qui nous seront très utiles pour anticiper la suite.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Lintervention que nous venons dentendre confirme ce que je vais rappeler. Sur lextrême droite, il ny a qu’une page et demie dans le rapport. Le reste est consacré à la radicalisation des mouvements pour le climat et des écologistes. Ce nest pas proportionnel à ce qui se passe. Notre préoccupation majeure est de lutter contre toutes les formes de violence. De ce point de vue, cest raté. En revanche, vous avez bien réussi votre communication politique, mais cela ne change rien au fait que mon groupe votera résolument contre cette action politicienne.

Mme Patricia Lemoine (RE). Madame, en ce qui vous concerne, vous avez manifestement raté plusieurs auditions. Toutes ont montré que, pendant la période considérée, ce sont des mouvements dultragauche qui étaient à la manœuvre. Cest un fait.

M. le président Patrick Hetzel. Pour ma part, jai beaucoup apprécié la manière dont le rapporteur a tenu à signaler ce qui relève de ses prises de position personnelles – tous ne le font pas. Il y a dans le rapport une volonté dobjectiver ce qui est ressorti des auditions. Il faut aussi garder à l’esprit le périmètre déterminé de la commission denquête, du 16 mars au 3 mai 2023.

Par ailleurs, jai plusieurs fois insisté sur la possibilité offerte à nos groupes parlementaires respectifs dapporter leur propre contribution pour donner un éclairage différent. En ce qui me concerne, japprouve en grande partie le diagnostic et les recommandations, mais je peux avoir, sur lune ou lautre, un avis qui s’écarte de celui du rapporteur. Cest aussi le rôle dun rapport denquête de montrer, par les contributions de ses membres, que tous les points abordés ne font pas lunanimité. Notre travail est une œuvre collective, le fruit de six mois d’échanges, et le rapport reflète bien ces débats. Il est riche de nuances – au point qu’il contient parfois peut-être un peu trop de « en même temps » à mon goût !

M. Florent Boudié, rapporteur. Madame Laernoes, je comprends qu’il ne soit pas simple de prendre connaissance dun rapport qui na été consultable que mardi, mercredi matin et jeudi. Mais, manifestement, il va falloir pousser la lecture un peu plus loin.

Concernant lultradroite, aux pages 45 à 47, je ne fais que reprendre les seuls éléments qui nous ont été communiqués. Ce nest pas faute davoir investigué, non seulement lors des auditions mais aussi par nos questions écrites, qui ont suscité des centaines de pages de réponses. Il sagit bien des seuls actes commis par lultradroite en France durant les manifestations de la séquence considérée. Il ny en a ni plus, ni moins. Des procédures judiciaires ont été engagées lorsque cela était possible. Je n’édulcore pas, je ne gomme pas ; je suis simplement objectif.

Concernant l’« écoterrorisme », je lai dit au ministre : ce nest absolument pas une réalité matérialisée ; cela nexiste pas. Il en a parlé ; je dis le contraire. Cest écrit dans le rapport. En revanche, la définition du périmètre de la non-violence est un enjeu. Peut-on ne qualifier de violences que celles qui visent les personnes ? Peut-on accepter lexplication des violences matérielles, parfois leur légitimation – qui nest pas le propre dun mouvement politique en particulier – ou leur minimisation ? Cest un problème que cette acceptation, parfois, dune forme de glissement. C’est en tout cas mon point de vue, présenté comme tel dans le rapport. Les causes de ce phénomène sont multiples et je nincrimine personne en particulier ; il marrive dans le rapport de pointer quelques responsabilités, toujours en précisant qu’il sagit de mon point de vue.

En revanche, l’« écoterrorisme » est un risque pour lavenir aux yeux de la direction générale de la sécurité intérieure et du service central du renseignement territorial, à limage de ce que nous avons connu avec des mouvements dultragauche ou autonomistes des années 1970 et 1980. Vous lirez lintroduction : jy cite Monica Sabolo, qui rappelle comment ces groupes venus de laprèsMai 68, et appartenant à des organisations tout à fait structurées, se sont petit à petit détachés de ce cadre pour entrer dans la vie clandestine et assumer un glissement vers des actes violents envers les individus. Cela a abouti en 1986 à lassassinat de Georges Besse, PDG de Renault.

Je ne dis pas que cest ce qui va se passer demain. Je nen sais rien. Mais il existe des analyses en ce sens qui ne sont pas les miennes, mais celles de spécialistes appartenant au service public et dont nous avons bien besoin. Et puis il y a des responsables politiques de votre sensibilité, madame Laernoes, qui, quand ils en discutent avec moi, considèrent aussi qu’il y a là un risque ; cest pourquoi ils ne sont pas allés à Sainte-Soline.

Je prends dailleurs la responsabilité de dire qu’un élu local ou national peut participer à une manifestation interdite. Je ne suis pas sûr qu’Edwige Diaz sera daccord, ni même certains membres de mon groupe comme Sandra Marsaud. Je partage à ce sujet le point de vue que lancien ministre de lintérieur Christophe Castaner a exprimé devant la commission denquête : mon problème nest pas qu’un élu aille à une manifestation interdite, mais qu’il y aille en connaissant les risques. À Sainte-Soline, les risques étaient là, tout le monde le savait. Cela, cest un problème.

Jessaie de faire des constats et d’émettre des propositions. Jespère que certaines dentre elles seront entendues. Nous aurons très rapidement loccasion den parler avec le ministre de lintérieur.

M. le président Patrick Hetzel. Puisque plus personne ne souhaite s’exprimer, je soumets le rapport au vote des membres de la commission d’enquête.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Comme je l’ai indiqué, mon vote est défavorable.

M. le président Patrick Hetzel. J’en prends acte. Je ne note par ailleurs aucune abstention, et je constate donc le vote favorable des autres commissaires présents.

La commission adopte le rapport.

La réunion se termine à quatorze heures vingtcinq.

 

 


Présences en réunion

 

 

Présents.  M. Mounir Belhamiti, M. Florent Boudié, M. Aymeric Caron, Mme Clara Chassaniol, Mme Edwige Diaz, Mme Marina Ferrari, Mme Félicie Gérard, M. Philippe Guillemard, M. Patrick Hetzel, Mme Julie Laernoes, Mme Patricia Lemoine, Mme Sandra Marsaud, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Julien Odoul, M. Éric Poulliat, M. Michaël Taverne

Excusés.  M. Romain Daubié, M. Pierre Morel-À-L'Huissier