Compte rendu
Commission d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69
– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Fraisse, président de Sud Tarn Développement, de M. Michel Bossi, président de la chambre de commerce et d’industrie du Tarn et de M. Ludovic Gatti, président de LG Holding 2
– Présences en réunion................................24
Jeudi 16 mai 2024
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 23
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
M. Jean Terlier,
Président de la commission
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La séance est ouverte à dix heures.
M. Jean Terlier, président. Chers collègues, nous poursuivons nos travaux consacrés au volet financier de la convention de concession de l’autoroute A69. Je suis ravi d’accueillir M. Jean-Pierre Fraisse, président de Tarn Sud Développement (TSD), M. Michel Bossi, président de la chambre de commerce et d’industrie du Tarn (CCI) et M. Ludovic Gatti, président de LG Holding.
La chambre de commerce et d’industrie du Tarn joue un rôle crucial pour les entreprises de notre département, que je tiens à souligner. Notre commission d’enquête examine le montage juridique et financier de l’autoroute A69. Nous avons, dans cette optique, déjà entendu NGE Concessions, Quaero, TIIC et Ascendi. TSD, bien que détenant une part minime du capital d’Atosca, illustre l’engagement économique et financier des entreprises locales en faveur de l’autoroute A69. Conçue pour desservir le Sud du Tarn, celle-ci est perçue par le tissu économique comme un outil de dynamisation du territoire.
La commission d’enquête souhaiterait donc connaître les raisons qui ont conduit TSD à entrer au capital de la société concessionnaire et discuter de certains points du contrat de concession.
Je vous rappelle que notre audition est publique et retransmise sur le portail de l’Assemblée nationale.
Messieurs, en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais préalablement vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et de dire « je le jure ».
(Messieurs Jean-Pierre Fraisse, Michel Bossi et Ludovic Gatti prêtent successivement serment)
Mme Christine Arrighi, rapporteure de la commission d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69. Je tiens d’abord à exprimer ma gratitude envers MM. Fraisse, Bossi et Gatti pour leur présence à notre commission d’enquête.
Nous poursuivons notre cycle d’audition axé sur l’aspect financier de la convention de concession. Cette question est essentielle pour nous, en tant que législateurs, citoyens et contribuables, puisque le bon équilibre financier de la convention évitera aux contribuables de renflouer les caisses du secteur privé.
Selon l’annexe 16 de la convention de concession, Opale Invest a participé à la signature de cette convention. Nous avons découvert que cette société est devenue Tarn Sud Développement, qui détient une part minoritaire de l’actionnariat d’Atosca. Cette participation soulève quelques questions. L’opacité entourant la convention de concession empêche nos concitoyens de comprendre le mécanisme financier autour de l’A69. Cette opacité alimente de surcroît des rumeurs nuisibles à la démocratie et au débat public.
L’A69 est une infrastructure publique et financée en partie par les contribuables via les concours publics de l’État et les collectivités territoriales. Elle sera une infrastructure payante, financée par les péages. De plus, la RN126, précédemment gratuite, sera déclassée en route départementale, passant ainsi à la charge du contribuable tarnais. Il est donc essentiel de savoir qui finance cette autoroute et qui en tire un profit financier.
Nous savons, depuis la première audition de cette commission d’enquête, que M. Pierre Fabre soutenait ce projet d’autoroute. Ce dernier confirmait en 2010, dans le journal interne de son groupe, avoir appuyé ce projet auprès des ministres des transports successifs depuis les années 1990. En théorie, la position de ce groupe de cosmétique n’était pas censée aller au-delà d’un simple soutien, ainsi que cela nous a été confirmé par des élus locaux, nationaux et par un ministre.
Cependant, nous avons appris par la presse l’existence d’un actionnariat local au capital d’Atosca. Cette information a été confirmée par notre commission d’enquête et par M. Ducournau, directeur général du groupe Pierre Fabre, auprès d’un journal local. Cette réalité ne serait pas choquante si elle avait été rendue publique dès le début du projet.
C’est cette opacité qui choque, car si rien n’est illégal dans cette affaire, nous parlons d’un équipement public concédé au secteur privé, qui en tire profit.
La suite est plus étrange encore. Opale Invest a été créée avec un capital de 10 000 euros, soit une part infime du capital d’Atosca. Ce capital a ensuite été augmenté à plus de 8 millions d’euros. C’est là une autre échelle, qui démontre une capacité appréciable de mobilisation des capitaux. Si je peux comprendre que des acteurs locaux veuillent soutenir l’A69, pourquoi le faire de manière dissimulée ?
J’ai donc adressé un questionnaire à tous les membres de la commission pour bien comprendre les origines d’Opale Invest et de TSD. Je vous demande de nous fournir dès aujourd’hui la liste complète des actionnaires de cette société, dont j’ai déjà établi une première liste.
M. Jean Terlier, président. Merci, madame la rapporteure. Avant de donner la parole à nos invités, j’aimerais poser quelques questions à M. Michel Bossi.
Monsieur, en tant que président de CCI, vous avez une mission d’animation, notamment auprès des entreprises du Sud du Tarn, et vous avez une connaissance approfondie des besoins des entreprises de cette région. Il me semble important que la commission d’enquête entende la perception de la CCI, mais aussi des autres chambres consulaires, quant à l’avis des entreprises du Tarn sur l’arrivée de cette autoroute. La CCI a fortement soutenu ce projet autoroutier, ce qui n’est un secret pour personne.
Ma deuxième question découle des auditions que nous avons menées. L’Autorité de régulation des transports (ART) nous a clairement indiqué qu’elle avait analysé les risques sur la rentabilité de la concession, en faisant notamment mention de risques tels que ceux d’une surestimation du trafic et d’une sous-estimation des travaux. Il est important de préciser que, quel que soit le niveau de trafic et le coût des travaux, le prix du péage restera le même et ne sera pas modifié. Comment vous positionnez-vous face à ces assertions de l’ART ?
J’aimerais avoir un regard plus précis sur le trafic prévisionnel, assorti peut-être d’éléments qui n’auraient pas été pris en compte, par exemple sur des trafics susceptibles de se déporter sur l’autoroute A69 par des Tarnais qui utilisent actuellement l’autoroute entre Albi et Toulouse.
M. Jean-Pierre Fraisse, président de Sud Tarn Développement. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je souhaiterais me présenter avant toutes choses. Je suis originaire de Montauban où j’ai vécu 20 ans, avant de passer 20 ans à Toulouse dans le cadre de mes études et le début de ma carrière professionnelle. J’ai fondé ma société, Data Phone Interactive (DPI), à Toulouse, avant de m’installer à Castres dans les années 2000. J’ai dirigé DPI, entreprise spécialisée dans les études de marché et le développement de nouveaux produits et services, pendant 30 ans. En 1999, nous avons choisi de nous implanter à Castres, attirés par la fibre optique développée par la communauté d’agglomération de Castres-Mazamet. Cependant, deux ans après, les évidentes difficultés de déplacement entre Castres et Toulouse nous ont poussé à concentrer notre activité de production à Castres, mais en localisant à Toulouse nos bureaux administratifs et commerciaux. En raison de ces difficultés de circulation et des problèmes de sécurité routière, en particulier pour mes salariés, j’ai alors rejoint l’association Via81, composée de chefs d’entreprises, et de représentants syndicaux de salariés, dont l’objectif est d’améliorer les liaisons entre Castres et Toulouse.
En 2018, j’ai cédé mon entreprise à une société lyonnaise spécialisée dans la gestion de la relation client. Aujourd’hui, cette entreprise emploie environ 180 personnes à Castres. J’ai également été élu à la CCI du Tarn, au sein de laquelle je suis actuellement membre associé.
Libéré de mes responsabilités, j’ai investi dans l’économie locale à travers ma société DPI Développement. J’ai déjà participé ou investi dans une dizaine de projets de développement local, de la filature à l’intelligence artificielle appliquée au e‑commerce. Je participe aussi à des projets de financement participatif d’exploitations agricoles. Plus récemment, j’ai également investi dans deux start-up, la première spécialisée dans la protection des cultures par diffusion de phéromones, la seconde dans la prévention du risque d’accident cardiovasculaire par la conception d’un patch connecté.
Lorsque la CCI du Tarn m’a sollicité pour participer – en tant qu’associé – au projet de la future autoroute A69, j’ai accepté avec enthousiasme, car j’y ai vu la continuité de mes engagements et l’opportunité de participer à la réalisation d’une infrastructure indispensable pour notre région.
M. Michel Bossi, président de la chambre de commerce et d’industrie du Tarn. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, en 1996, j’ai fondé et développé la société Fintech Industrie avec un associé. Basée à Albi, Fintech Industrie est une entreprise spécialisée dans les traitements de surface et la peinture industrielle. De 2015 à 2021, j’ai également occupé le poste de directeur général du Groupe FMH lors de l’intégration de Fintech Industrie à ce groupe familial. En 2015, Fintech Industrie employait 80 personnes, contre 120 personnes aujourd’hui. Dès 1997, j’ai décidé de rendre à la région ce qu’elle m’avait apporté en m’investissant au service de l’économie tarnaise, en devenant membre associé de la CCI Albi‑Carmaux‑Gaillac. Depuis janvier 2012, je suis président de la CCI du Tarn et vice-président de la CCI de la région Occitanie. Intéressé par les questions de transition énergétique et de mobilité, je dirige les groupes de travail sur l’hydrogène pour le réseau consulaire régional et national.
Je vais maintenant revenir sur le contexte économique et le soutien que la CCI du Tarn a toujours apporté à ce projet autoroutier. Je ne reviendrai pas sur la genèse de l’A69, qui a été largement discutée par de nombreux acteurs du territoire dans le cadre de cette commission d’enquête. Dès les années 1980, les CCI tarnaises, qui étaient au nombre de trois – Albi, Castres et Mazamet – se sont fortement engagées en faveur de la réalisation d’une infrastructure routière d’envergure pour le bassin économique Castres-Mazamet. La CCI du Tarn, créée en 2011 par le regroupement des anciennes CCI, a poursuivi son soutien sans faille à ce projet. Le 21 novembre 2016, les 36 membres élus de l’assemblée générale de la CCI du Tarn, tous chefs d’entreprises tarnaises réunis en séance publique, ont affirmé à l’unanimité leur engagement en faveur de la réalisation de l’autoroute en concession. Le 14 novembre 2022, par une motion votée à l’unanimité, la CCI a réaffirmé son soutien à l’A69, qui est la seule solution réaliste et réalisable dans un délai raisonnable.
Les raisons de ce soutien, bien connues et qui n’ont pas varié, sont les suivantes. Il s’agit, tout d’abord, de rétablir l’équité dans l’aménagement du territoire, en reliant Castres-Mazamet avec la métropole régionale en moins d’une heure, pour lui permettre ainsi de jouer un rôle de pôle d’équilibre de la région Occitanie. Les objectifs sont également de combler le retard d’infrastructures d’un des derniers territoires de France à se situer à plus d’une heure de toute infrastructure autoroutière, d’améliorer la visibilité du territoire et de proposer une nouvelle alternative de tourisme vert et de proximité, de fluidifier le trafic des poids lourds et d’améliorer les flux d’automobiles dans des conditions plus sûres et plus rapides. La CCI du Tarn insiste énormément sur ce point. Ce soutien est aussi motivé par la volonté de rendre le bassin sud-tarnais plus attractif pour les entreprises et de stopper le transfert d’entreprises vers des territoires mieux desservis, ce qui est l’urgence aujourd’hui ; de maintenir les emplois et les services existants et de faciliter les recrutements, de convaincre également les étudiants, et les enseignants-chercheurs de venir dans le Sud du Tarn, voire de s’y installer et de conserver les jeunes diplômés des écoles tarnaises ; de permettre aux salariés de s’installer à proximité de leur emploi, de diminuer les temps de trajet entre le domicile et le travail et de sécuriser ainsi les déplacements ; enfin de jouer un rôle sur la dynamique démographique, qui sera bénéfique aux centres-bourgs et centres-villes.
Je tiens à partager avec vous quelques données chiffrées. Nous attendons un désenclavement significatif depuis 40 ans. Nous disposons donc d’un recul historique suffisant pour être à même de comparer l’agglomération de Castres-Mazamet, unique pôle urbain sans voie express, avec Toulouse, et l’évolution indéniable des pôles urbains irrigués par une autoroute ou des voies express les reliant à la métropole toulousaine. La création d’une infrastructure routière sécurisée et rapide reste un vecteur de développement, comme le prouve l’essor démographique à proximité de l’A61, l’A62, l’A64, l’A66, l’A68 et de la RN124. Il suffit de comparer les données chiffrées fournies par l’Insee qui, vous en conviendrez, reste une référence incontestée.
À périmètre constant, l’agglomération de Castres-Mazamet est la seule dont la population est à ce jour inférieure à celle de 1975. Je vous adresserai le tableau comparatif de ces données pour neuf agglomérations situées en Occitanie et bénéficiant des voies express précitées. Celles-ci ont toutes vu progresser leur population, voire doubler leur nombre d’habitants. Seule l’agglomération de Castres-Mazamet a perdu plus de 6 500 habitants, soit 85 085 habitants en 1975 contre 78 503 habitants en 2020.
Sur la même période de référence, Carcassonne-Agglomération progresse de 28 095 habitants (+ 25 %). Le Grand Montauban progresse de 23 478 habitants (+ 50 %). La communauté d’agglomération de l’Albigeois, autrement appelée la « C2A », a vu sa population évoluer de 28 171 habitants (+ 52 %). J’adresserai à la commission ce tableau des plus significatifs.
D’autres indicateurs, non des moindres, sont actuellement dans le rouge. Selon les données de la direction générale des impôts, les ménages de l’agglomération de Castres-Mazamet sont parmi les plus faiblement imposés en Occitanie, ce qui est le signe d’un faible pouvoir d’achat. Cet indicateur se cumule avec un taux de chômage de 15,4 %, l’un des plus élevés d’Occitanie. En tant que chambre consulaire départementale, la CCI du Tarn est également en capacité de comparer les données relatives au nombre de salariés et d’entreprises. L’agglomération de Castres-Mazamet hérite d’un fort passé industriel, ce qui lui avait autrefois permis de bénéficier d’un nombre de salariés conséquents. Sur les 11 dernières années, l’intercommunalité de Castres-Mazamet a perdu 1 400 emplois, soit une baisse de 4 %. Cette baisse s’additionne aux plus de 10 000 salariés perdus 15 ans auparavant, en raison de l’effondrement de la filière textile. À titre de comparaison, sur les 11 dernières années, le Grand Montauban gagnait 3 500 salariés (+ 9,2 %), la communauté d’agglomération de l’Albigeois progressait de 1 650 salariés (+ 4,5 %) et Carcassonne-Agglomération gagnait 1 765 salariés (+ 4 %).
À la tête de la CCI du Tarn depuis 2012, j’ai pu voir évoluer deux territoires, celui desservi par l’axe autoroutier A68 au Nord du Tarn et celui se situant au Sud du Tarn, jusqu’alors oublié par les politiques d’aménagement du territoire.
Pour la communauté d’agglomération de l’Albigeois, mais aussi pour les intercommunalités de Gaillac-Graulhet Agglomération ou de Tarn-Agout, le nombre d’établissements qui se sont installés a quasiment doublé en 20 ans. Parallèlement, Castres-Mazamet, qui a été longtemps un territoire industriel, a vu disparaître une partie de ses entreprises, essentiellement des entreprises industrielles. Ces emplois ont été à moitié compensés par des autoentrepreneurs ou des entreprises de services qui recrutent peu de salariés, ce qui explique la chute des effectifs.
On observe un réel développement économique de l’agglomération albigeoise, mais également des secteurs situés le long de cette infrastructure autoroutière. Des villes telles que Saint-Sulpice-la-Pointe, Lavaur, Rabastens ou Gaillac connaissent aujourd’hui un important développement économique, qui ne se constate pas sur l’axe situé entre Toulouse et Castres, dans des villes telles que Cuq-Toulza, Maurens-Scopont ou Puylaurens. Cette autoroute représente donc un atout décisif pour l’attractivité du territoire. Elle permettra de faire naître d’intéressantes et fructueuses coopérations entre Castres et Toulouse, mais pas seulement.
Pour que l’A69 soit un catalyseur efficace de désenclavement et de développement du Sud du Tarn, nous avons conscience qu’il convient de préparer l’arrivée de cette infrastructure. Sous l’égide du préfet et du président du conseil départemental, un comité de développement territorial, instance collaborative baptisée « Codev A69 », a été créée pour inscrire l’A69 dans un véritable projet de territoire global. Ce Codev se compose de cinq ateliers : mobilité, cadre de vie, développement économique, perspectives agricoles et urbanisme. La CCI du Tarn et la chambre des métiers et de l’artisanat pilotent conjointement l’atelier sur le développement économique. Grâce à une soixantaine de participants, de nombreuses entreprises, des collectivités, des acteurs économiques et divers partenaires, nous nous sommes engagés dans la construction d’une vision de développement économique se voulant à la fois viable, équitable, ambitieuse et novatrice.
Notre volonté est de développer durablement le territoire du bassin Sud-Tarn, pris dans sa globalité. Nous cherchons effectivement à lui donner une colonne vertébrale solide en identifiant quatre principales ambitions. La première est de conforter notre territoire comme terre d’entrepreneuriat et de développer une offre de formation adaptée aux besoins et aux attentes des jeunes. La deuxième est de reconquérir la place de premier bassin industriel en Occitanie, en hors les métropoles. La troisième est de développer un tourisme axé sur le tourisme vert et de renforcer les activités de proximité. La dernière est de poursuivre le développement de l’attractivité et l’accessibilité du territoire.
Autour de ces quatre ambitions, nous avons décliné sept objectifs et défini les premières actions concrètes. Tout ceci est consigné dans un document intitulé « A69, l’autoroute de toutes vos ambitions », dont je pense qu’il est déjà à disposition de la commission d’enquête.
Beaucoup se sont interrogés sur les raisons de l’entrée de la CCI au capital de TSD et, apparemment, beaucoup s’interrogent encore et je voudrais répondre à cette interrogation. Tout au long de l’histoire, les CCI du Tarn ont été des acteurs majeurs dans la création et le soutien d’infrastructures de communication. Croyant en la réussite de cette infrastructure, nous avons voulu conforter notre soutien à l’A69.
Après nos échanges avec Atosca, nous avons participé dans un premier temps à l’identification d’entreprises susceptibles d’investir dans TSD. Dans un second temps, nous avons naturellement pris la décision d’entrer à son capital, via notre filiale STIV. Les CCI ont toujours été des partenaires essentiels pour le développement économique ; investir, créer et gérer des infrastructures fait partie de leur ADN. À l’heure actuelle, 97 CCI sont impliquées dans la gestion de 577 équipements et infrastructures répartis sur tout le territoire. Dans la lignée du réseau des CCI et avec le recul du temps, on peut mesurer la quantité et la qualité des efforts accomplis par les CCI tarnaises, non seulement pour leurs entreprises ressortissantes, mais aussi pour la population tout entière.
Parmi les principaux exemples d’infrastructures financées par la CCI du Tarn, essentiellement des infrastructures de communication et de mobilité, nous pouvons citer les gares routières d’Albi et de Castres-Mazamet, l’aérodrome d’Albi, l’aérodrome de Castres-Mazamet, la société IT Media, devenue IMS Network, en charge de déployer la fibre optique dans le Tarn Sud, ainsi que la SEM Every’pôle spécialisée dans la transition énergétique et les mobilités décarbonées, les zones d’activité d’Albi et de Mélou-Chartreuse à Castres.
Dans le cadre de sa mission visant à favoriser le développement économique local et régional, la CCI du Tarn s’est toujours impliquée dans la création, la gestion et le développement d’infrastructures diverses. Elle a souvent collaboré avec d’autres partenaires publics et privés dans ces projets.
La création et le développement d’autoroutes en France résultent généralement de collaborations entre différents acteurs au rang desquels figurent les collectivités locales, l’État, des entreprises privées et, dans certains cas, les CCI. Dans la logique de son histoire et comme elle l’a toujours fait, la CCI du Tarn participe au financement de l’A69 pour démontrer le soutien indéfectible des acteurs économiques du territoire Castres-Mazamet. On ne pourra reprocher en conséquence à la CCI du Tarn et aux trois CCI tarnaises qui l’ont précédée de n’avoir pas défendu de leur territoire.
M. Ludovic Gatti, président de LG Holding. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, j’ai souhaité me joindre aujourd’hui à Jean-Pierre Fraisse et Michel Bossi pour évoquer mon implication dans TSD.
Je suis né il y a 63 ans dans le Tarn, au sein d’une famille d’agriculteurs. J’ai trois filles et huit petits-enfants et j’habite toujours la ferme où j’ai grandi. Après des études universitaires en informatique à Toulouse, j’ai occupé divers postes dans le secteur informatique avant de fonder la société Sigma en 1998. Sigma, entreprise de services informatiques, développe des logiciels de gestion pour des métiers spécifiques. Nos clients sont répartis dans presque tous les départements français et à l’étranger.
Par attachement à mon département du Tarn, j’ai choisi d’implanter Sigma à Couffouleux, commune proche de l’autoroute d’Albi et de la gare de Rabastens-Couffouleux. Ce choix géographique avait été opéré pour faciliter nos déplacements et offrir à nos employés un cadre de vie agréable et abordable. En 2021, j’ai vendu Sigma à un groupe canadien qui, compte tenu des avantages de son emplacement, a fait le choix de maintenir et de renforcer Sigma à Couffouleux. Actuellement, Everwin Sigma compte près de 200 employés.
Depuis la vente de Sigma, je préside Serac group, entreprise internationale de 700 employés, spécialisée dans le packaging et dont le siège social est situé à La Ferté-Bernard, dans la Sarthe.
Résolument attaché à mon département du Tarn, j’ai investi en 2023 une grande partie du produit de la vente de Sigma dans des structures tarnaises via la LG Holding créée à cet effet, dans l’objectif de créer de l’emploi et de contribuer au développement de notre territoire.
Pour ce faire, j’ai notamment soutenu financièrement des start-up tarnaises comme Aligerma, qui transforme des légumineuses sèches bio en superaliments pour la restauration collective. Aligerma contractualise avec des agriculteurs engagés dans l’agriculture biologique afin d’assurer un approvisionnement 100 % occitan. Son siège se situe à Albi. De la même manière, je soutiens TV Tarn, une chaîne territoriale diffusée sur la TNT et qui met en valeur les atouts de notre territoire. J’ai également investi, toujours à travers la LG Holding, dans des structures existantes susceptibles de créer de l’emploi à court terme.
C’est dans ce contexte que j’ai investi dans TSD, une structure qui correspondait à mes objectifs. Atosca, l’entreprise à l’origine de TSD, avait pour objectif de créer 1 000 emplois dès le début des travaux. Cet objectif a été atteint dès la première année, avec 500 emplois directs et 500 emplois indirects. Des conventions de formation et d’emploi ont été signées entre Atosca, l’État, le département du Tarn, France Travail et les missions locales, offrant ainsi une opportunité à des personnes éloignées de l’emploi de renouer avec des opportunités pour aujourd’hui et demain.
Tels sont, monsieur le président, madame la rapporteure, honorables députés, les raisons qui ont guidé mes investissements, dont celui dans TSD.
M. Jean Terlier, président. Merci, messieurs pour vos propos liminaires. Je vous propose maintenant de répondre aux questions de Mme la rapporteure et aux miennes.
M. Jean-Pierre Fraisse. Je me prose donc de commencer par le sujet de TSD.
Cette société est née de la volonté des acteurs économiques locaux de soutenir fermement le seul projet réaliste de désenclavement du bassin de Castres-Mazamet. Ce projet se concrétise par la construction d’une autoroute, décidée par l’État après un long processus de concertation avec tous les acteurs du territoire. Dès le début, la société NGE, retenue par l’État pour construire cet ouvrage, a souhaité associer les investisseurs locaux au capital d’Atosca, la société concessionnaire. Lors de la préparation de son dossier de candidature, NGE a également approché les laboratoires Pierre Fabre, dont le soutien lui paraissait incontournable et essentiel en tant que premier employeur privé du bassin de Castres-Mazamet. La CCI du Tarn a également été sollicitée pour s’assurer de la sensibilisation des acteurs du territoire à cette démarche.
En septembre 2021, par la voix de M. Jean Castex, Premier ministre, l’État a désigné Atosca comme concessionnaire pressenti unique de l’A69. Avec l’aide des laboratoires Pierre Fabre et de la CCI du Tarn, Atosca a établi une liste d’entreprises locales susceptibles de devenir actionnaires. Début 2022, plusieurs réunions d’information ont été organisées avec les entreprises pressenties. Atosca, par l’intermédiaire de son directeur général, M. Martial Gerlinger, y a présenté son projet d’investissement et la forme juridique qu’il pourrait prendre. À l’issue de ces réunions, 13 entreprises locales ont confirmé à Atosca leur intention d’investir. En mars 2023, Atosca a obtenu l’accord du ministre des transports pour la réalisation du projet. En avril 2023, les parts d’Opale Invest, une société d’investissement sous statut de société par actions simplifiée (SAS) créée par NGE en prévision d’une possible opération d’élargissement de son capital, ont été rachetées par les 13 entreprises candidates. Opale Invest a alors été rebaptisée « Tarn Sud Développement » afin de mieux refléter la motivation de ses futurs associés et de leur implantation.
Pour sa part, la CCI du Tarn a intégré TSD en mai 2023 via sa filiale STIV, après avoir obtenu l’aval de ses autorités de tutelle.
En août 2023, l’opération a été finalisée par une augmentation de capital réalisée par les associés de TSD, la part de cette dernière dans le capital d’Atosca passant à 5,3 %. Au même moment, j’ai été nommé président de TSD à l’unanimité des associés.
Aujourd’hui, l’autoroute A69 n’est plus un projet, mais un chantier en cours, dont la mise en service se prépare activement à travers le comité de développement coordonné par la préfecture et le conseil départemental du Tarn. En créant TSD, la CCI et les entreprises associées entendent incarner le soutien indéfectible de la majorité des acteurs économiques locaux au désenclavement du bassin de Castres-Mazamet. Notre participation minoritaire au projet nous permet également d’occuper un poste d’observation privilégié pour veiller au respect des engagements pris par Atosca. Les actionnaires de TSD comprennent que le projet de réalisation de l’autoroute Toulouse-Castres-Mazamet ne fasse pas l’unanimité. Cependant, ils n’accepteront jamais que l’opposition à un tel projet, issu d’un processus démocratique de plus de 20 ans et ayant obtenu toutes les autorisations légales, puisse se traduire par des dégradations, des menaces et des violences répétées.
Après cette introduction, je vais répondre précisément aux questions que vous nous avez envoyées.
« Pourquoi avoir changé le nom d’Opale Invest en Tarn Sud Développement ? »
Nous avons demandé à Atosca de rebaptiser Opale Invest en Tarn Sud Développement afin de mieux refléter les motivations de la prise de participation des sociétés actionnaires. Le changement de nom est intervenu en avril 2023.
« Qui est à l’origine de la création de la société et quel est son objet ? Plus précisément, le cahier des charges désigne cette société comme un véhicule de portage. Quel est l’objet assigné à ce type d’entreprises ? »
Il est d’usage qu’une entreprise ayant la maîtrise d’un projet décide du nom de celle-ci, de sa forme juridique et du montant du capital. La société Tarn Sud Développement est une SAS créée par la société NGE sous la dénomination Opale Invest lors de la constitution d’Atosca. À l’origine, NGE détenait 100 % des parts d’Opale Invest, laquelle représentait 1 % d’Atosca. Je précise enfin qu’il ne s’agit pas d’un véhicule de portage, mais d’un véhicule d’investissement dont la constitution est classique pour ce type de projets d’infrastructures. En l’espèce, la société a été créée par NGE pour permettre une éventuelle participation d’investisseurs complémentaires. Ceci ne s’est pas concrétisé, mais a permis d’utiliser ce support pour permettre la participation d’entreprises locales au sein de la société concessionnaire Atosca.
« Quel était, à la création d’Opale Invest, le montant du capital de la société, la composition de son actionnariat et la répartition des parts entre les actionnaires ? »
Le montant du capital d’Opale Invest était de 10 000 euros au moment de la création. Ce capital était divisé en 1 000 actions d’une valeur nominale de 10 euros. Son actionnariat était unique, puisqu’étant détenu à 100 % par NGE au moment de sa création.
« Pourquoi le capital initial de Tarn Sud Développement était-il de 10 000 euros au départ et pourquoi celui-ci a-t-il été porté à 8 650 000 euros ? »
Au moment du montage financier et juridique du projet, on réalise les formalités de création d’une société avec un petit capital. Cette pratique courante vise à obtenir un numéro Siren/Kbis au moment du montage du projet. Lorsque l’opération a lieu et que les partenaires y participent, on y injecte des fonds pour réaliser l’augmentation de capital.
Le choix de doter Opale Invest d’un capital de 10 000 euros est celui de NGE. L’augmentation du capital de la société TSD s’est effectuée en deux étapes. La première étape a été le rachat du capital, car il nous fallait être propriétaires de cette société pour être en mesure d’en augmenter le capital. Nous avons maintenu 10 000 euros, moins les quatre actions détenues par les actionnaires d’Atosca, à savoir NGE, Ascendi, Quaero et TIIC.
Par la suite, le 4 août 2023, chaque entreprise actionnaire a souscrit à l’augmentation du capital pour doter le capital de TSD d’environ 8 650 000 euros, ce qui a permis d’apporter ces fonds à Atosca.
« Pourquoi la valeur des actions de ces sociétés a-t-elle été ramenée à 1 euro ? »
Dans le cadre d’un actionnariat multiple, il est d’usage d’ajuster la valeur des actions à 1 euro, ce qui est totalement neutre vis-à-vis du montant financier de départ.
« Quels sont actuellement l’ensemble des actionnaires de Tarn Sud Développement et quelles sont leurs parts respectives dans le capital ? »
TSD compte 14 actionnaires, à raison de 13 entreprises, ainsi que la CCI du Tarn via sa filiale d’investissement pour le développement économique. 11 de ces sociétés sont de notoriété publique. Néanmoins, pour des raisons de confidentialité et de précaution, je ne souhaite pas donner la liste complète des associés dans le cadre d’une audition publique, mais je vous la transmettrai par courriel, en y ajoutant le tableau de capitalisation.
J’insiste sur le fait que nous dressons fréquemment le constat de violences et de dégradations à l’encontre d’entreprises et d’autres infrastructures du territoire. C’est pour nous prémunir d’éventuels actes de malveillance que nous avons souhaité rester discrets sur la liste, pour la protection et la sécurité des salariés et des biens de nos entreprises, et non pour des questions relatives au secret des affaires.
« À l’origine, Tarn Sud développement détenait une part du capital d’Atosca. Le montant de cette participation a-t-il évolué ? Le cas échéant, est-il envisagé d’accroître la participation de Tarn Sud Développement ? »
Avant l’augmentation de capital, Opale Invest détenait une seule action dans la société Atosca, d’une valeur de 10 000 euros. L’augmentation de capital réalisée le 4 août 2023 a permis d’accroître la part du capital détenu par TSD à 5,34 %. Il n’est pas envisagé d’augmenter à nouveau ce capital.
« Pourquoi M. Thierry Bodard a-t-il été le premier dirigeant de cette société ? Pourquoi a-t-il été remplacé par M. Jean-Pierre Fraisse ? Précisez plus particulièrement les justifications en matière de qualification, d’expérience, qui ont motivé la nomination de M. Fraisse à la présidence de cette société de gestion de fonds ? »
Le choix de M. Thierry Bodard en tant que dirigeant de la société Opale Invest appartient à l’ancien actionnaire unique, la société NGE, à laquelle il convient donc de poser la question.
Ma désignation comme président de cette société fait suite à la demande des autres entreprises actionnaires et traduit une forte appétence personnelle autant qu’une expérience dans la gestion d’entreprises et des investissements au sein de jeunes entreprises tarnaises. Je tiens à préciser que je n’assure pas la présidence d’une société de gestion de fonds, qui correspond à une forme légale bien précise et nécessite un agrément de l’Autorité des marchés financiers, mais simplement d’une SAS dont l’objet est la prise de participation directe dans la société Atosca. Finalement, je suis peut-être celui qui s’est le plus investi dans le dossier et me trouvant être un peu plus disponible que les autres chefs d’entreprises, j’ai accepté cette charge.
« Existe-t-il parmi les membres du conseil d’administration de Tarn Sud Développement, ou parmi les sociétés travaillant avec ou pour Tarn Sud Développement, des personnes ayant des liens professionnels avec le groupe Pierre Fabre ? »
Il n’existe ni conseil d’administration ni salarié dans TSD. Je ne suis pas habilité à commenter les relations commerciales entre les actionnaires de TSD et leurs clients. Je vous invite donc à poser la question directement aux laboratoires Pierre Fabre. Si vous entendez par des liens professionnels un contrat de travail impliquant un lien de subordination, ou une simple relation commerciale, TSD ne mobilise aucun salarié des laboratoires Pierre Fabre, pas plus que dans les sociétés associées. Dans un bassin économique comme le nôtre, on pourra forcément observer des relations entre associés, mais à ma connaissance, ce ne sont que de simples relations clients-fournisseurs. De la même manière, j’ai pu travailler pour des associés et faire travailler des associés de TSD.
« Quel est votre rôle et quelles sont vos prérogatives en tant que président de la société Tarn Sud Développement ? »
Je rappelle que TSD a pour simple vocation de regrouper les entreprises locales pour prendre une participation dans la société Atosca. Une fois l’investissement réalisé, Atosca n’a pas d’activité particulière hormis celle d’organiser l’assemblée générale annuelle, d’assurer la gestion, les déclarations éventuelles de TVA et les obligations légales courantes. Le rôle du président est d’être le représentant légal de la société. En revanche, le président n’a pas de pouvoir. Les décisions engageant la société doivent être prises à la majorité qualifiée des actionnaires, c’est-à-dire à plus de 75 % des parts, ou à la majorité renforcée, c’est-à-dire à plus de 80 % des parts. La modification des statuts et les transferts de titre se prend à la majorité renforcée. Le président participe aux assemblées générales d’Atosca. En dehors de ces assemblées, notre participation nous permet d’avoir un contact direct avec Atosca et d’obtenir de sa part des informations précises sur l’avancée du chantier.
En revanche, TSD ne dispose pas de mandat dans la gouvernance de la société Atosca et ne participe pas à la gestion opérationnelle.
M. Jean Terlier, président. Merci M. Fraisse. Avant que Mme la rapporteure puisse vous poser quelques questions complémentaires, je me permets de vous rappeler la mienne qui concernait les problématiques de la rentabilité soulevées par l’ART. Des points concernant le trafic et les coûts des travaux ont été mentionnés. J’aimerais entendre votre position sur le sujet.
M. Michel Bossi. Monsieur le président, avant d’en venir aux points que vous évoquez, je me propose de poursuivre nos réponses aux questions de Mme la rapporteure.
S’agissant de la question des risques et des trafics potentiels, ainsi que de l’éventuelle augmentation du coût des travaux, TSD ne dispose pas d’informations spécifiques et suffisamment précises. Il serait donc préférable de prendre l’attache de la société Atosca, qui dispose d’éléments plus détaillés.
Je tiens à souligner que tout investissement dans une entreprise privée, quel que soit son objet, comporte des risques. C’est l’essence même de l’entrepreneuriat. Il est évident qu’il peut exister un risque que le trafic ne soit pas au niveau attendu initialement ou que les coûts des travaux dépassent légèrement les prévisions, ce qui pourrait temporairement réduire la rentabilité de l’infrastructure. Cependant et pour avoir bien observé le développement du Nord du Tarn par rapport au Sud, j’ai constaté que le trafic a progressivement augmenté après l’ouverture de l’A68. Le développement économique le long de cet axe a justement contribué à cette augmentation du trafic. Il s’agit donc d’une opération presque gagnant-gagnant au fur et à mesure du développement de la structure.
Des exemples similaires peuvent être observés sur la route en deux fois deux voies entre Albi et Rodez. Depuis son ouverture, le trafic a visiblement augmenté, non pas en raison d’une forte activité économique, mais simplement grâce à la facilité d’utilisation de cet axe. Certes, cet axe est gratuit alors que l’A69 sera payante, mais nous aurions privilégié un axe gratuit s’il avait été possible. Malheureusement, aucune autre option n’a été identifiée lors des études.
Je ne sais pas, monsieur le président, si j’ai bien répondu à votre question.
M. Jean Terlier, président. Vous y avez parfaitement répondu. Il me paraissait essentiel de dissiper les idées reçues concernant l’absence de risques pour le concessionnaire. En réalité, il assume les risques liés aux mauvaises évaluations des coûts des travaux ou des trafics. L’ajustement ne se fait pas au détriment des usagers, ce que l’ART a clairement souligné lors de son audition. Je tenais à souligner l’importance de votre position, ainsi que celle des autres actionnaires d’Atosca.
Vous expliquiez en outre les raisons pour lesquelles certains actionnaires de TSD souhaitaient rester discrets, voire anonymes et cette commission d’enquête le comprend parfaitement. Nous sommes conscients des attaques dont certaines entreprises sont victimes, avec des manifestations parfois très violentes. Nous avons constaté que le concessionnaire a subi de nombreux actes de vandalisme, avec des engins de chantier incendiés. Des altercations ont également eu lieu avec des élus locaux et des employés de ces entreprises. Nous comprenons que votre principale préoccupation est de protéger vos employés contre les invectives et toutes formes de pressions.
Madame la rapporteure, je vous laisse la parole pour d’éventuelles questions supplémentaires.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je vous remercie, monsieur le président. Je souhaiterais effectivement approfondir certains sujets, à la suite des réponses au questionnaire par les personnes auditionnées.
En premier lieu, j’aimerais revenir avec M. Michel Bossi sur les différents effets d’une autoroute, qu’ils soient positifs ou négatifs. Je vous invite à écouter l’audition très instructive que nous avons eue avec un urbaniste renommé, M. Jean-Marc Offner.
Il nous a expliqué qu’une autoroute peut effectivement dynamiser un bassin de vie, mais que tel n’était pas toujours le cas. Selon lui et sur la base d’études approfondies, l’hypermétropolisation conduit à une augmentation du coût du foncier dans les métropoles. Cette réalité pousse les personnes en recherche de foncier moins onéreux à s’éloigner, car les revenus élevés qui font leur apparition viennent perturber le marché local, empêchant parfois les résidents locaux d’acquérir des biens en raison de l’envolée des prix. C’est le cas à Montauban où l’on constate ce phénomène, notamment avec les salariés d’Airbus qui viennent s’installer dans le Sud du Tarn-et-Garonne. Nous observons également ce phénomène sur la route vers Albi. Les élus sont confrontés à des demandes de services de la part de personnes à plus fort pouvoir d’achat, services qu’ils ne peuvent pas fournir, surtout dans le contexte actuel des finances des collectivités locales.
Ce phénomène concerne également les services offerts et l’augmentation des mobilités carbonées, avec l’utilisation de voitures, contrairement à ce que plaide le Gouvernement et ce que les écologistes ont voté. Nous réfléchissons activement sur les déplacements décarbonés et sur les services express régionaux métropolitains (SERM), pour éviter des mobilités coûteuses et polluantes. Lorsqu’un déplacement sur une infrastructure gratuite se reporte sur une infrastructure payante, cela représente une double, voire une triple peine, pour des personnes qui ont souvent des revenus plus faibles. Je ne vais pas entrer dans les détails de ces échanges, mais ils mériteraient d’être approfondis.
Nous pourrions également discuter des villes reliées par des autoroutes, à l’instar de Tarbes ou de Carcassonne, où le PIB par habitant et les revenus fiscaux par habitant sont très faibles, y compris au niveau des entreprises qui n’ont pas pu se développer ou qui se sont tout simplement effondrées. C’est pourquoi une déclaration d’utilité publique (DUP) doit être précédée et non suivie d’un projet de territoire. Je sais que vous y travaillez, mais ce projet de territoire n’avait aucunement été élaboré en amont de la DUP.
La décision de construire une autoroute a été prise par M. Dominique Perben, en 2009, sans qu’il se soit basé sur aucune étude préalable pour ce faire, comme nous l’a confirmé le ministère. Aucune étude alternative n’a été réalisée, que ce soit pour l’aménagement de la RN126 ou de la ligne ferroviaire, qui aurait pu être une alternative plus économique pour les usagers, les collectivités et l’environnement. Je suis certaine que vous êtes sensible à la question, compte tenu de la beauté de votre département, qui est également valorisé pour sa nature préservée. Vous n’êtes certainement pas insensible non plus à la question agricole, tant pour la souveraineté alimentaire que la préservation des terres agricoles très riches dans ce bassin alluvionnaire.
C’est un sujet dont nous pourrions néanmoins discuter dans un autre cadre et je serais ravie d’en parler et de vous fournir les études sur ce sujet, notamment sur le tracé de l’A69 et plus généralement sur les effets pervers de l’étalement urbain qui pèse sur nos élus et les élus des communes rurales, lesquelles sont littéralement transformées en villes dortoirs. Je vais maintenant fermer cette parenthèse de l’aménagement du territoire et du renoncement de l’État à cet égard. Au fil du temps, l’État a développé une vision de l’aménagement du territoire qui nous a conduits à la situation actuelle, se caractérisant par des déserts médicaux et autres déserts de mobilités, qui ne sont transformés que par le biais d’un choix qui ne coûte rien à l’État, mais qui coûte aux habitants, à savoir les péages.
Je souhaite maintenant revenir de manière détaillée sur l’aspect financier de ce dossier.
Monsieur Fraisse, vous avez mentionné que certains actionnaires préfèrent rester anonymes ou du moins discrets. Cependant, je tiens à vous rappeler que l’opacité engendre souvent des inquiétudes et des interrogations. Qu’on soit pour ou contre un projet, l’opacité suscite des questions et peut donner lieu à des théories sur les raisons pour lesquelles certaines informations sont dissimulées. Dans le cas de Tarn Sud Développement, vous exprimez le souhait que la CCI ou d’autres entités participent au développement du territoire, ce qui est compréhensible. Cependant, je me demande pourquoi tant de mystère subsiste autour d’une opération sur laquelle vous auriez clairement pu indiquer votre intention d’investir, même si ce n’était pas au moment de la signature de la convention de concession. Je pose cette question spécifiquement en rapport avec l’aspect financier, car votre participation – qui est de 5,3 % et pourrait atteindre jusqu’à 10 % selon la convention – aurait pu être annoncée. Peut-être que d’autres entreprises auraient été intéressées. Je pense que ce manque de transparence a suscité des interrogations, des doutes et des suspicions inutiles dans ce dossier, qui rencontre déjà des oppositions, ce qui est normal et témoigne de la vitalité de notre démocratie.
Monsieur Fraisse, vous m’avez assuré que vous me fourniriez la liste complète des actionnaires. Dont acte. J’attends ces informations par écrit. Cependant, vous avez mentionné quelque chose qui m’a intriguée, à savoir que quatre actions ont été conservées par Quaero, TIIC et Ascendi. Cela signifie-t-il que Quaero, TIIC et Ascendi sont impliqués dans le développement du projet ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Je vous confirme que ces entreprises font partie de TSD, respectivement à hauteur d’une action à 1 euro.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. En plus de celles dont vous ne m’avez pas parlé ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Oui.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vous me l’apprenez, puisque j’ai auditionné hier Quaero, TIIC et Ascendi et que leurs représentants se sont bien gardés de m’en parler.
M. Jean-Pierre Fraisse. L’un d’entre eux vous a dit qu’il avait gardé une action dans TSD précisément pour assister aux assemblées générales, ce que nous avons accepté.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Une entreprise me l’a effectivement dit, mais pas les autres.
M. Jean-Pierre Fraisse. Je m’excuse de ne pas avoir écouté les auditions dans leur intégralité, sachant toutefois que nous parlons d’une valeur totale de 4 euros.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. J’ai dû omettre ce détail et vous remercie de me le rappeler. En effet, nous parlons d’une somme de 4 euros. Cependant, il ne s’agit pas tant de valeur monétaire que des droits que cette somme confère en termes de vote ou de possibilités d’actions. Tel est le véritable enjeu.
M. Jean-Pierre Fraisse. Bien entendu. Mais je trouve aussi normal que les actionnaires principaux soient présents chez l’actionnaire minoritaire.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. En réalité, ils sont présents un peu partout, ce qui leur confère des droits qui vont au-delà de la simple valorisation de leur participation.
À ce propos, j’ai soulevé hier une question qui n’a pas rencontré de réponse orale. Je vais donc la reposer. Quelle est la valorisation financière des 5,3 % de participation que vous détenez ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Je vais laisser les spécialistes répondre. Nous avons apporté 8 650 000 euros à TSD, qui a pris les participations correspondantes à Atosca.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. À hauteur de 8 650 000 euros ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Oui. Après, il peut y avoir des ajustements dans les fonds propres d’Atosca, mais je ne suis ni financier ni juriste. Je préfère qu’Atosca vous les précise.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Dont acte. Je demanderai donc à Atosca une réponse à cette question récurrente à laquelle personne ne répond.
M. Jean Terlier, président. Il me semble que cette somme correspond aux 5,3 % du capital que vous avez dans Atosca.
M. Michel Bossi. En effet. Cette somme constitue les fonds propres de TSD ; le capital social étant à différencier des fonds propres. Donc les 8 650 000 euros de fonds propres de TSD ont ensuite été transférés sur Atosca.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Ces fonds propres bénéficient-ils du dispositif des dettes subordonnées et de la rentabilité à 6 % ?
M. Michel Bossi. Oui.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Il importe donc que nous connaissions la qualification de ces 8 650 000 euros au regard de l’investissement que vous avez réalisé.
M. Michel Bossi. Tout à fait.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. J’en conclus que c’est une bonne affaire.
M. Jean-Pierre Fraisse. Je vous ai entendu dire ça hier, mais j’aurais tout à fait pu effectuer des placements autres sur dix ans, pour en tirer des rémunérations trimestrielles de n’importe quelle banque.
M. Jean Terlier, président. Je tiens à souligner, une fois de plus, que ce qui semble être une bonne affaire ne l’est pas nécessairement. Ma question initiale concernait justement la rentabilité de l’A69, sur laquelle l’État et plus spécifiquement l’ART ont exprimé des réserves, estimant que l’opération pourrait ne pas être aussi avantageuse qu’elle y paraît, compte tenu du risque significatif encouru par les actionnaires.
M. Michel Bossi. Si nous nous limitons à une perspective strictement financière, comme vous venez de le faire, madame la rapporteure, il convient de prendre en compte les taux d’inflation actuels. Pour les chefs d’entreprise et les investisseurs, il est nécessaire de couvrir également l’inflation. Si vous investissez 100 euros, vous récupérez 100 euros, mais entre-temps, l’inflation a réduit la valeur de ces 100 euros. En d’autres termes, nous ne réalisons pas nécessairement un bénéfice ni ne gagnons mécaniquement de l’argent sur le capital investi.
M. Jean-Pierre Fraisse. D’autant que les capitaux sont bloqués pendant 55 ans.
M. Michel Bossi. Nous évoquons aujourd’hui un taux de 6 %, qui est l’objectif attendu. Cependant et comme l’a souligné M. le président, il faut prendre en compte la notion de risque, qui est bien réelle et ne peut être ignorée. Par conséquent, le retour à ce taux de 6 % ne se fera pas instantanément, mais s’étalera sur une période plus longue.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Ce dont nous sommes immédiatement certains, d’autant que nous avons reçu confirmation hier, est que les actionnaires seront rémunérés à hauteur de 4,6 millions d’euros dès l’ouverture de l’autoroute. Il est important de noter que cette rémunération se fera indépendamment du trafic et des revenus de péage.
M. Jean-Pierre Fraisse. Cette négociation menée par Atosca avec la banque est à dissocier de la rentabilité et ne concerne aucunement les 6 %.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je l’avais bien compris.
M. Ludovic Gatti. Il est essentiel de ne pas négliger une autre forme de richesse. En effet, la création d’emplois sur ce bassin faisant suite à la construction de l’autoroute est un facteur-clé. J’ai évoqué la création de 1 000 emplois, car c’est un aspect qui me tient à cœur en tant qu’investisseur. Aujourd’hui, il se trouve que nous avons déjà dépassé ce chiffre, ce qui représente un excellent retour sur investissement.
Permettez-moi de revenir sur l’un des points que vous avez soulevés, Mme la rapporteure. Vous avez exprimé votre surprise face à certaines personnes qui ont pu avancer de manière discrète. Je tiens à préciser que tel n’est pas mon cas et que c’est la raison principale de ma présence devant cette commission. Comme vous l’avez peut-être constaté dans la presse, je n’ai jamais caché mon investissement dans TSD. Mon intention n’était pas d’agir en secret, mais bien d’investir dans une société capable de générer de l’emploi et de la richesse sur le territoire. Je puis vous assurer qu’il n’a jamais été question pour moi d’investir dans une société opaque ou dissimulée. Je suis particulièrement transparent dans mes actions et, depuis le départ, je n’ai jamais caché mon investissement dans cette société.
M. Michel Bossi. Je souhaite apporter des précisions sur la question soulevée par Ludovic Gatti. Pourquoi n’avons-nous pas immédiatement rendu public le partenariat de la CCI dans le cadre du projet Every’pôle à Albi ? Lors de la mise en place de telles opérations, il n’est pas systématique de rendre public ce type de partenariat.
Cependant, je reconnais que la sensibilité du sujet aurait pu justifier une communication plus transparente. La principale raison de notre discrétion était le climat tendu qui régnait autour du projet, marqué par des violences et des dégradations lors des manifestations, illustrant le conflit entre les opposants et les partisans de l’autoroute. Nous avons préféré ne pas envenimer la situation en ajoutant un élément supplémentaire au débat et lorsque des journalistes ont commencé à s’intéresser à l’affaire, nous avons finalement décidé de rendre public notre partenariat. Afin d’éviter toute interprétation erronée, nous avons ainsi choisi de prendre les devants. Je tiens à préciser que nous avons agi en accord avec les laboratoires Pierre Fabre et les actionnaires TSD. Cependant, certaines entreprises – que M. Fraisse a choisi de ne pas nommer publiquement aujourd’hui – ont préféré rester discrètes. Ces entreprises pourraient être exposées à des actes de violence si leur participation était rendue publique.
Vous aurez néanmoins accès à la liste complète des participants et à la répartition des parts.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. À mon tour, je tiens à préciser que je n’ai aucun problème tant que les actions sont légales. J’ai soulevé ces interrogations, car je comprends la sensibilité du sujet. Je crois fermement – et c’est l’objectif de cette commission – que la transparence est toujours la meilleure option en ce qu’elle permet d’éviter les problèmes futurs et les mensonges, qu’ils soient par omission ou non. En l’espèce, lorsqu’on m’a assuré sous serment que le groupe Pierre Fabre n’avait aucun intérêt financier dans cette opération, je me suis posé quelques questions. J’ai de sérieux doutes sur le fait que ceux qui ont avancé ces assertions n’étaient pas informés de la situation, ce qui est très préoccupant.
Je vais maintenant aborder la question des actionnaires et des 4 actions. Quaero détient une action, tout comme NGE, TIIC et Ascendi. Par ailleurs, il existe deux entités NGE : « NGE Concessions » et « NGE Concessions A69 ».
M. Jean-Pierre Fraisse. Il doit s’agir de NGE Concessions, mais je vous le confirmerai.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. J’ai en ma possession un document concernant « NGE Concessions A69 » et dont l’actionnaire unique est M. Bodard. Lorsque j’ai interrogé ce dernier, il ne se souvenait pas être l’actionnaire unique d’une NGE Concessions A69.
M. Jean-Pierre Fraisse. Il doit donc s’agir de « NGE Concessions A69 ».
M. Jean Terlier, président. En réalité, vous pourriez avoir une explication, mais nous l’avons déjà obtenue lors de l’audition des autres concessionnaires. Les actionnaires auraient consenti à réduire leur participation afin de permettre à TSD d’intégrer le capital d’Atosca. C’est pour cette raison qu’ils vous ont demandé, en contrepartie, d’avoir une participation pour être présents aux assemblées générales d’Atosca et recevoir des informations sur l’avancement des travaux. Il n’y a donc aucune opacité sur ce sujet, ni aucun élément sortant du cadre habituel de ce type de montage.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je ne partage aucunement l’analyse que vous entreprenez de formuler, M. Terlier. Si vous écoutiez davantage Mme Dominique Sénéquier, vous seriez sans doute bien mieux informé du montage en question.
Cela étant dit, quand TSD a acquis une participation de 5,3 % dans ce projet, j’imagine que vous avez examiné le plan de financement, en particulier la partie relative à l’emprunt, étant donné que vous avez investi des fonds propres. La nature de ces fonds propres vous confère certains droits que ne vous aurait pas accordés un simple capital social.
Cela concerne également les recettes attendues. Selon la convention, toutes les recettes générées par l’autoroute seront cumulées et pourraient éventuellement influencer les tarifs à terme. Cette question des tarifs fait également partie des recettes attendues. Quels renseignements le plan de financement vous a-t-il apportés sur les tarifs des véhicules de classe 1 à 4 ? Quels revenus ces tarifs sont-ils censés générer ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Je tiens à rappeler qu’en tant qu’actionnaire minoritaire, TSD n’intervient pas dans la fixation des tarifs de péage, car cette responsabilité incombe à Atosca et à l’État. Je dois aussi admettre n’être pas familier des modalités de calcul des péages. Je me souviens seulement qu’un tarif est à annoncer, avec la possibilité de bénéficier de réductions en fonction de la fréquence d’utilisation quotidienne ou hebdomadaire, ainsi que du type de véhicule utilisé. Il est évident que ces données sont susceptibles d’évoluer dans le temps. Je suis dans l’incapacité de prédire le tarif du péage tel qu’il sera calculé pour 2025 ou 2026, tout comme je ne pourrais pas prédire le tarif du péage entre Marseille et Lyon pour ces mêmes années.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vous vous exprimez néanmoins en tant qu’actionnaire d’une entité qui, bien sûr, a des dépenses, mais qui génère également des recettes. Lorsqu’un entrepreneur investit dans une structure, quelle qu’elle soit, il s’intéresse non seulement aux charges, mais aussi aux revenus. Vous me confirmez donc n’avoir eu connaissance ni de la volumétrie ni du financement espéré en termes de recettes, ce qui interpelle.
M. Jean-Pierre Fraisse. Pardonnez-moi, car il se trouve que j’en ai eu connaissance, mais je ne suis pas en mesure de vous expliquer comment cela a été calculé.
Je tiens à rappeler qu’un chef d’entreprise investit, prend des risques, mais pour ce faire, un élément crucial reste la confiance que nous avons dans le monde des affaires. Il est nécessaire de travailler en confiance avec nos partenaires. Donc, je n’ai pas remis en doute toutes les informations, principalement pour deux raisons. Premièrement, je n’ai pas l’expertise requise et deuxièmement, je manquais peut-être de temps. Cependant, j’ai transmis à mon service juridique les informations qu’Atosca m’a fournies, lequel service m’a confirmé leur cohérence et leur exactitude.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Dois-je en déduire qu’Atosca vous a communiqué un plan de financement détaillant précisément les recettes et dépenses ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Précisément, je ne pense pas.
M. Ludovic Gatti. Si je peux me permettre, la seule chose que l’on puisse affirmer est que, selon le contrat de concession rédigé par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités, le prix du péage restera dans la moyenne basse des autoroutes récemment construites. En tant qu’actionnaires de TSD, nous sommes les sentinelles du cahier des charges d’Atosca et le prix du péage sera un élément-clé de notre observation. À ce jour, il serait prématuré de m’avancer sur quoi que ce soit, faute d’éléments concrets.
Comme l’a précisé Jean-Pierre Fraisse, les premières informations seront communiquées lors des assemblées générales auxquelles il participera. Nous aurons donc ce retour et avons déjà défini les jalons que nous souhaitons apporter et affirmer. Le prix de l’autoroute sera un élément crucial auquel nous accorderons une grande attention.
Je tiens enfin à vous assurer que je comprends parfaitement votre point de vue, étant moi-même un utilisateur régulier des autoroutes. Je suis d’accord avec vous sur le fait que certains axes s’avèrent excessivement chers.
M. Michel Bossi. En tant que CCI, nous assumons également ce rôle de sentinelle, l’une de nos principales raisons d’être. Nous avons à l’esprit les entreprises, notamment la circulation des véhicules d’entreprise et des poids lourds qui emprunteront cet axe. Nous pensons également aux déplacements des salariés, qui sont d’une importance cruciale. Notre priorité est la sécurité sur cet axe. Il est évident que le coût du péage sera un facteur déterminant et nous y prêterons une attention particulière. Il est probable que ce sujet fasse l’objet de discussions ultérieures, car nous ne sommes pas encore au bout de nos réflexions. En premier lieu, ce que nous recherchons en priorité n’est pas vraiment un retour sur investissement, bien qu’il puisse être important du point de vue actionnarial, mais la résolution des problèmes d’enclavement.
M. Jean Terlier, président. Pour vous rassurer, M. Bossi, je souhaite partager deux informations issues des auditions de l’ART. Premièrement, le prix du péage pas encore déterminé, du fait de l’absence de la donnée essentielle qu’est le niveau d’inflation en 2024. Cette donnée doit être prise en compte pour fixer la valeur du péage.
Deuxièmement et toujours pour vous rassurer, Messieurs Gatti et Fraisse, vous avez tout à fait raison sur le fait que le prix du péage sera inférieur à la moyenne des concessions récentes, ainsi que cela nous a été confirmé par l’ART. Pour les usagers quotidiens, la différence serait de 7,4 % par rapport à ladite moyenne, avec un tarif légèrement plus élevé pour les camions. Ces informations fournies par l’ART doivent encore être affinées en fonction de l’inflation, qui influe sur le prix du péage.
M. Michel Bossi. Avant que le coût du péage ne soit ultérieurement déterminé de manière plus fine, je tiens à préciser que les transporteurs que nous représentons soutiennent fermement le projet. Nous n’affirmons aucunement qu’il n’y aura pas de coût associé au péage. La sécurité reste primordiale pour tous les usagers de cet axe, qui reste extrêmement dangereux dans son état actuel.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je tiens à préciser que mes propos ne sont pas destinés à être désobligeants. Nous sommes ici dans le cadre d’une commission d’enquête et vous avez prêté serment. Pouvez-vous me confirmer que, lorsque vous avez pris des participations dans le projet TSD, postérieurement à la signature du contrat, vous n’aviez pas connaissance du plan de financement, des recettes attendues et donc du tarif du péage valorisé en fonction de la fréquentation prévue de cette autoroute ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Pour plus de précision, je préfère vous répondre par écrit. Entre le calcul du montant du péage et le taux de retour sur investissement, je crains de ne pas utiliser les termes appropriés ou de ne pas faire référence aux documents adéquats. De plus, je n’ai pas tous les détails en mémoire. Je m’engage donc à vous fournir une réponse écrite détaillée sur ce sujet.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Dont acte. De la même façon, est-ce que vous avez eu connaissance du tableau d’amortissement de cette infrastructure ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Pour les mêmes raisons, je vous répondrai par écrit.
M. Michel Bossi. L’unique information officielle que nous avons reçue concerne le taux de retour sur investissement (TRI), plutôt que d’autres investissements. Pour le reste et afin d’éviter toute erreur, je préfère prendre du recul et examiner les éléments que nous avons reçus, surtout sous serment. En outre, nous aurons des détails précis à vous apporter à l’issue de la première assemblée générale de TSD.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Quoi qu’il en soit, j’interrogerai Atosca pour obtenir les dates auxquelles ils vous ont transmis ces informations. Je vous rappelle que nous avons déjà demandé à Atosca et à l’État quels seraient les tarifs si l’autoroute devait ouvrir aujourd’hui, en tenant compte d’un taux d’inflation de 1,5 %. Ces informations sont généralement connues d’un simple clic sur un tableau Excel. Je n’ai pourtant pas encore reçu de réponse à cette question.
Il reste pour le moins étonnant qu’à ce stade, ceux qui participent à ce contrat, y compris les usagers potentiels, ne sachent pas sous quelles conditions l’État a consenti une concession au secteur privé. Par ailleurs et toujours sur la valorisation des recettes attendues, il se trouve que certaines parties du contrat étaient occultées. Je dois dire que je n’en comprends pas la raison, car je ne vois pas où se situe le secret des affaires dans ce dossier. Il semble que le concessionnaire décide ce qui constitue un secret des affaires et inversement. C’est pourtant un sujet important en termes de transparence démocratique.
En outre, l’annexe 12, pages 6 et 21, fait mention de fermes solaires et plus précisément d’une production prévisionnelle de 40 mégawatts dès la mise en service de l’autoroute. Cependant, NGE et Ascendi, lors de leurs auditions, nous ont expliqué qu’ils allaient prendre le temps de la réflexion et que les fermes solaires ne seraient finalement pas opérationnelles dès cette mise en service. Cela ne correspond pas à ce qui a été signé dans le contrat et aux engagements pris, avec des conséquences sur la production d’énergie et le plan de financement.
Ma première question est assez simple. Depuis quand étiez-vous au courant de cette opération ? Cette opération comporte des implications financières et des mesures compensatoires, car le contrat indique que cela pourrait concerner une partie des délaissés. Selon l’arrêté interdépartemental, les délaissés doivent revenir à la nature, ou du moins aux mesures compensatoires. Étiez-vous au courant de cela au moment de votre participation et quelles en sont les conséquences pour vous ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Cette autoroute se veut exemplaire en matière d’écologie. Lors de la présentation du projet autoroutier et des réunions organisées par M. Martial Gerlinger, j’ai bien en mémoire qu’avait été mentionnée la possibilité d’installer des panneaux photovoltaïques et des fermes solaires sur les zones délaissées ou situées à proximité des stations et des aires de repos. Je me souviens notamment d’une aire de repos située à Puylaurens. Cependant, je ne me souviens pas précisément des détails concernant les zones délaissées.
Quant à la date de mise en service de l’A69, je ne dispose pas non plus d’informations précises. Il me semble que c’était davantage une intention et un projet en cours de discussion et, personnellement, j’ai trouvé le projet intéressant. D’ailleurs, j’ai récemment reçu des articles mentionnant l’exemple de la Corée du Sud, qui a recouvert une piste cyclable avec des panneaux solaires installés au cœur d’une autoroute. Les photos que j’ai vues étaient assez originales et ce pays semble très satisfait de cette initiative. Par ailleurs, je suis informé de l’existence de projets visant à couvrir les routes de panneaux solaires.
M. Michel Bossi. La CCI confirme entièrement ces propos du président. Nous sommes informés du projet photovoltaïque, mais pour nous, il s’agit uniquement d’une intention. Dans l’immédiat, cette intention n’est pas très précise.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. La production minimale de 40 mégawatts est un sujet sur lequel je tiens à insister. Pour mettre cela en perspective, cela équivaut à une superficie minimale de 40 hectares. Ces chiffres sont ceux avancés par M. Thierry Bodard, bien que je ne sois pas en accord avec lui. En effet, la norme générale pour produire un mégawatt nécessite entre 2 et 3 hectares. Ainsi, je maintiens une estimation entre 40 et 120 hectares. Il est important de souligner que ce n’est pas une petite entreprise. Il est donc évident que l’engagement dépasse la simple intention. Cela a un impact significatif sur l’équilibre financier, comme vous le savez.
M. Jean-Pierre Fraisse. Je poserai la question lors de la prochaine assemblée générale.
M. Jean Terlier, président. Pour dissiper toute impression d’opacité, il est important de préciser que le cahier des charges de la concession prévoit explicitement la possibilité pour le concessionnaire de mettre en place des projets photovoltaïques dans le domaine public autoroutier concédé ou sur les délaissés. Rien n’a été occulté, ces informations étant clairement stipulées dans le cahier des charges. Si ces projets se concrétisent, ils feront l’objet d’une autorisation environnementale délivrée par l’État. Enfin, le contrat de concession encadre également les revenus générés par ce type de réalisation.
Je vous encourage néanmoins à examiner en détail ce contrat avec le concessionnaire, mais je tiens à vous rassurer qu’il n’y a aucune opacité ni surprise dans ce processus. Tout est prévu et envisagé dans le cadre du contrat de concession. J’espère que ces précisions vous rassurent, dissipent toute crainte suscitée et vous évitent de vous trouver terrorisés par les propos de la rapporteure concernant la possibilité de réalisation de ces projets photovoltaïques.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je tiens à préciser que je ne cherche aucunement à terroriser quiconque et cela dépasse largement mes intentions. En tant que parlementaire, je m’efforce simplement de remplir mes fonctions. Tous les parlementaires devraient comprendre que nous accomplissons notre travail en menant des commissions d’enquête, soit une tâche résultant de notre rôle constitutionnel.
Quant à votre affirmation sur la transparence, monsieur Terlier, je ne peux pas y adhérer. Les annotations sur les pages 6 et 21 étaient en effet grisées. Personne n’en était informé, à l’exception peut-être de vous-même, monsieur Terlier, qui aviez accès au contrat de concession non grisé. Cela a néanmoins de l’importance au regard du sujet financier qui nous occupe, ainsi que pour l’autorisation environnementale, donc des points cruciaux de notre discussion.
Je souhaite donc préciser que ma question, qui ne vous est pas directement adressée, monsieur Terlier, concerne la prise en compte de ces emprises lors de l’enquête publique et de la DUP. Mon rôle en tant que parlementaire est de vérifier le respect des conditions juridiques et financières.
En outre, il est tout à fait vrai, monsieur Fraisse, de dire qu’en Corée du Sud comme dans certaines villes françaises, cette idée est envisagée pour la couverture de parkings avec des panneaux photovoltaïques. En l’occurrence, il est question de zones artificialisées et il est évident que l’utilisation de ces zones pour produire de l’énergie est une idée que nous, écologistes, soutenons depuis longtemps. En revanche, l’agrivoltaïsme, soit le choix de produire de l’énergie sur des terres agricoles, est une pratique à laquelle nous ne sommes pas favorables, car elle se fait au détriment de l’agriculture et des agriculteurs. En revanche, nous sommes favorables à l’installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments agricoles.
Aussi, j’attends de votre part des réponses sur ces questions relatives aux énergies renouvelables qui, en tant qu’écologistes, nous intéressent particulièrement.
Au-delà de vos réponses à ces questions, je souhaitais clarifier la question des actions de Quaero, NGE, TIIC et Ascendi. Je maintiens mon interrogation concernant NGE, puisque M. Bodard n’a pas encore réagi sur « NGE Concessions A69 ». Une question écrite lui sera adressée à ce sujet.
M. Jean Terlier, président. Mme Corinne Vignon, avec vous des questions ?
Mme Corinne Vignon (RE). Je n’ai pas de questions supplémentaires à poser, mais je souhaite partager mon point de vue. Selon moi, il n’est pas honteux de faire des affaires dans le secteur privé et de réaliser des bénéfices. En l’occurrence, je n’ai pas l’impression d’être en face de grands « loups de Wall Street ». Par conséquent, j’ai une grande confiance dans votre action.
M. Michel Bossi. Madame Vignon, je vous remercie pour votre intervention.
Je souhaite souligner que notre engagement au sein de TSD et que notre participation pour ce territoire sont pour nous une source de fierté et d’honneur. Il est important de noter que le concessionnaire a pensé à nous et au monde économique pour l’accompagner dans la mise en œuvre de cette infrastructure essentielle.
Je souhaitais enfin rendre hommage à un homme ayant voué toute sa vie au service du département de manière exemplaire, M. Pierre Fabre, que nous respectons tous.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je vous remercie à mon tour pour toutes les informations que vous nous avez fournies et j’aimerais poser une dernière question avant de clore. Pensez-vous que votre contribution de 5,3 % au financement de cette entreprise a eu pour effet de réduire la participation de l’État et des collectivités locales, de 220 à 23 millions d’euros ?
M. Jean-Pierre Fraisse. Je ne suis pas convaincu que les mécanismes financiers présentés impliquent que ce que vous nommez subvention d’équilibre soit lié à notre participation. En effet, notre contribution était déjà intégrée dans le plan financier établi par Atosca. Nous sommes intervenus en remplacement des actionnaires précédents, qui nous ont cédé leurs parts.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. J’en déduis que les 8 650 000 euros étaient déjà prévus au moment de la signature du contrat en avril 2022.
M. Jean-Pierre Fraisse. Non. Lorsqu’on nous a exposé le projet, le financement d’Atosca était déjà bouclé. Atosca nous a clairement stipulé que son financement ne dépendait pas de notre participation. Soit nous participions, ce qui aurait été très apprécié, soit nous ne participions pas et son financement restait bouclé.
Mme Christine Arrighi, rapporteure. Dont acte. C’est intéressant, car je cherche encore à comprendre par quel artifice miraculeux nous sommes passés de 220 millions d’euros, comme stipulé dans les documents, à 110 millions d’euros selon le CGI pour finalement en arriver à 23 millions d’euros. Il me semble que nous assistons à une diminution progressive des fonds.
Nous aurons l’occasion de discuter ultérieurement des impacts, positifs ou non, d’une infrastructure sur la vitalité d’une région.
M. Jean Terlier, président. Pour clore ces débats, je tiens à saluer et à remercier les trois intervenants pour la qualité de cette audition.
Vous n’étiez pas tenus de rendre cette audition publique et auriez pu opter pour un huis clos. Il était néanmoins crucial pour cette commission d’enquête de constater que les actionnaires, notamment ceux de TSD, répondent en toute transparence et avec précision.
Il est apparu clairement, à travers les explications données, que l’entrée de TSD dans le capital d’Atosca a été conforme à ce qui était prévu dans la convention de concession. Il a été réalisé sous le contrôle de l’État, qui a donné son aval.
Je tiens également à exprimer ma gratitude à M. le président Michel Bossi pour le travail qu’il mène en faveur des entreprises du Tarn. Je remercie aussi l’ensemble des membres de la CCI du Tarn pour leur dévouement.
Il est nécessaire que vous nous fournissiez les données que vous avez mentionnées concernant les comparaisons entre l’agglomération de Castres-Mazamet et les autres pôles desservis (A61, A66, A62 et A64). Nous avons besoin de ces informations pour évaluer les questions démographiques, fiscales et de chômage. D’autres experts, dont M. Ivaldi, ont affirmé que le désenclavement de ce territoire par une autoroute était une nécessité. Cela va sans doute augmenter son attractivité et rétablir un équilibre territorial aujourd’hui indispensable.
Je vous remercie tous les trois pour la clarté de vos propos.
La séance s’achève à onze heures cinquante-cinq.
Présents. – Mme Christine Arrighi, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean Terlier, Mme Corinne Vignon