Compte rendu
Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’accompagnement
des malades et de la fin de vie
– Table ronde réunissant M. Denis Fischer, responsable Communication, et Mme Arlette Schuhler, secrétaire adjointe du Conseil national professionnel des aides‑soignants, le Dr Francis Abramovici et le Dr Antoine de Beco, membres du Collège de la médecine générale, le Dr Valérie Mesnage et le Dr Christine Raynaud-Donzel, membres du collectif « Pour un accompagnement soignant solidaire », le Pr Pierre-François Perrigault, membre de la Société française d’anesthésie et de réanimation, et le Dr Sophie Moulias, administratrice de la Société française de gériatrie et gérontologie 2
– Présences en réunion.................................13
Mercredi
24 avril 2024
Séance de 18 heures 30
Compte rendu n° 14
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
Mme Agnès Firmin Le Bodo,
présidente,
puis de Mme Chantal Bouloux, secrétaire
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La réunion commence à dix-huit heures cinquante.
La commission spéciale auditionne, lors d’une table ronde avec des professionnels de santé, M. Denis Fischer, responsable Communication, et Mme Arlette Schuhler, secrétaire adjointe du Conseil national professionnel des aides‑soignants, le Dr Francis Abramovici et le Dr Antoine de Beco, membres du Collège de la médecine générale, le Dr Valérie Mesnage et le Dr Christine Raynaud-Donzel, membres du collectif « Pour un accompagnement soignant solidaire », le Pr Pierre-François Perrigault, membre de la Société française d’anesthésie et de réanimation, et le Dr Sophie Moulias, membre de la Société française de gériatrie et gérontologie.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous reprenons nos travaux.
Dr Valérie Mesnage, membre du collectif « Pour un accompagnement soignant solidaire ». Le collectif a été créé en septembre 2023 pour faire entendre une voix soignante différente de celles qui s’opposaient à toute évolution vers une aide active à mourir. Nous sommes aujourd’hui cent dix‑sept soignants de spécialités et provenances diverses, confrontés aux situations de fin de vie de personnes atteintes de pathologies ou maladies graves et incurables. Au nom de situations de souffrances inapaisables, qui ne trouvent pas de réponse dans le cadre législatif actuel, nous souhaitons exprimer notre engagement à accompagner les demandes d’aide à mourir dès lors qu’elles seraient l’expression d’une volonté libre, éclairée, réitérée, et à soutenir et accompagner les proches. Nous considérons ce projet de loi comme une avancée sociétale et médicale qui nous permettra de répondre aux demandes des patients et de les accompagner tout au long du processus. Nous saluons également l’intégration, dans le périmètre des douleurs réfractaires, des souffrances psychiques ou existentielles, la place centrale accordée à l’équipe référente dans l’évaluation de la demande et l’importance d’une décision partagée.
Pour autant, certains critères d’accès peuvent être discriminants. La notion de court et moyen terme exclut des pathologies fatales à plus long terme, telles que les pathologies neurologiques ou le handicap lourd, source de souffrances inapaisables. Aucun pays limitrophe n’a introduit cette notion de terme, se focalisant sur la souffrance réfractaire. Le recours à un tiers pour les seules personnes dans l’incapacité physique de s’auto‑administrer le produit létal nous interroge également. Considérer l’euthanasie par défaut entretient une hiérarchie de jugement moral envers la personne malade comme envers le soignant qui accomplit l’acte. Dès lors qu’une aide à mourir est envisagée, ne serait-il pas plus juste de laisser le choix de sa modalité à la personne malade ? L’implication d’un proche nous semble potentiellement préjudiciable. La possibilité de recourir à une aide active à mourir sur directive anticipée nous semble devoir être débattue dans les situations de troubles de conscience irréversibles et de démences neurodégénératives. Les directives anticipées nécessiteraient donc d’être extrêmement explicites sur la limite que ces personnes ne souhaitent pas franchir.
Il est enfin indispensable qu’une formation spécifique précède la mise en application de la loi. Ce temps d’acculturation à l’accompagnement de la fin de vie devrait permettre d’apaiser les tensions fortes qui émanent aujourd’hui du monde soignant.
Pr Pierre-François Perrigault, membre de la Société française d’anesthésie et de réanimation. Plus de 50 % des décès en France ont lieu à l’hôpital, dont 22 % en soins critiques. Plus d’un Français sur dix décédera dans nos services. 70 à 80 % des décès font suite à une limitation des traitements. Nous sommes davantage confrontés, au quotidien, à des demandes d’obstination déraisonnable de la part des proches qu’à des demandes prématurées d’arrêts de traitement. Nous ne sommes pas opposés à une évolution de la loi vers une modalité d’aide à mourir de type suicide assisté pour quelques situations complexes, bien que nous ne puissions pas encore mesurer toutes les conséquences de cette évolution.
La fin de vie ne peut pas être l’apanage des seuls services de soins palliatifs, et tous les professionnels de santé doivent être formés et capables de l’accompagner. Si les précédentes lois ont été une véritable révolution positive, elles sont encore trop mal connues. La France a choisi la voie des lois Claeys-Leonetti plutôt que celle du suicide assisté et de l’euthanasie, empruntant ainsi un chemin différent de celui d’autres pays. Si cette loi répond aujourd’hui aux principales problématiques, des situations éthiquement difficiles subsistent, car chaque cas est unique. Nous avions d’ailleurs sollicité la création d’une instance de médiation nationale pour la gestion des conflits entre proches et équipes soignantes. Il existe encore quelques rares situations complexes auxquelles la loi répond mal.
Avec ce projet de loi, qui va dans le sens d’une ouverture à une aide à mourir assortie de critères stricts, certains Français continueront à s’orienter vers des pays aux critères plus larges. Nous nous interrogeons également sur la disparition des mots « suicide assisté » et « euthanasie d’exception ». La possibilité, pour un infirmier ou un proche, de pratiquer le geste fatal va par ailleurs au-delà de toutes les législations du monde, avec un risque de stress post-traumatique. Évaluer l’autonomie décisionnelle est un enjeu majeur, et nous étions ainsi favorables à la préconisation d’une évaluation psychiatrique afin de dépister l’existence d’un trouble mental réversible. L’absence de collégialité dans le dispositif est perturbante. Nous sommes également interpellés par la réversibilité de la décision. Un délai trop court de décision comporte le risque d’accéder à une demande de mourir chez des patients susceptibles de changer d’avis. Enfin, comment empêcher les dérives des autres pays qui ont inéluctablement élargi leurs critères au titre du principe de non-discrimination ? Cette loi doit répondre à des situations d’exception, mais l’aide à mourir risque de devenir une forme banale de décès. Les chiffres de décès à la suite d’euthanasies dans d’autres pays sont sur des pentes exponentielles.
Dr Sophie Moulias, administratrice de la Société française de gériatrie et gérontologie. La médecine du grand âge, qui concerne les personnes de plus de 80 ans, compte seulement 2 500 professionnels sur le territoire, ce qui est insuffisant. Notre approche est centrée autour de la personne et de ses projets de fin de vie lorsqu’ils sont exprimés. Les publics, les situations et les formes d’accompagnement sont diversifiés. La spécificité de la gériatrie est tout d’abord psychosociale, avec l’âgisme, une discrimination répandue en France qui véhicule l’idée que le grand âge est synonyme de troubles neurodégénératifs, d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et de vulnérabilité, alors que la majorité des personnes de plus de 80 ans vivent chez elles sans aide médicale. Une autre spécificité est l’isolement, qui peut conduire à des dépressions rarement traitées ou à des tentatives de suicide, et notre accompagnement implique de savoir écouter la lassitude de vivre.
L’acharnement thérapeutique est, dans le grand âge, beaucoup plus rare que la limitation abusive de soins. La loi de 2005, avec la collégialité, a permis de limiter des soins à la condition d’une réflexion collective autour du patient. Notre approche est systémique, elle prend en compte les aidants, qui peuvent être des proches ou des professionnels et sont aujourd’hui insuffisamment considérés. Le grand âge implique également des risques de santé supérieurs, et cette population sait parler de la mort. Cette loi doit permettre d’amener d’importantes évolutions. Il faut maintenir la possibilité du soin autant que possible. En l’absence de loi grand âge, les patients que nous accompagnons sont inquiets. Ils sont inquiets d’être tués au sein d’un hôpital qui ne peut plus les soigner, des soins palliatifs qui ne sont pas présents partout, ou de la douleur. Nous manquons d’endroits où le soin palliatif est bien appliqué et les professionnels, insuffisamment formés, réclament des formations.
Il est indispensable de maintenir la collégialité, qui a permis de soigner équitablement les plus âgés. Nous ne souhaitons pas l’euthanasie, car l’exemple de la Belgique démontre que 50 % des « euthanasies sauvages » concernent des personnes âgées. L’idée d’engager les proches nous paraît dangereuse, à la fois pour l’aidant et pour le patient. Enfin, nous estimons que cela ne doit pas être effectué dans les Ehpad, car appliquer la mort est compliqué lorsque l’on peine déjà à appliquer l’accompagnement de la vie en raison du manque de professionnels.
Dr Francis Abramovici, membre du Collège de la médecine générale. Nous avons été conviés au travail préparatoire du projet de loi. Élargir le cadre de la loi Claeys-Leonetti permet de renforcer les soins palliatifs pour s’assurer qu’aucun patient ne choisira le geste ultime par défaut, notamment de prise en charge en unité spécialisée de soins palliatifs. L’inscription de la clause de conscience est également indispensable.
Si nous saluons les avancées amenées par ce projet de loi, nous constatons qu’il divise la profession des médecins généralistes. La loi va définir un cadre, mais nous serons au premier rang de sa mise en pratique, au plus près de patients parfois oubliés par les textes. Nous sommes donc préoccupés par ses impacts quotidiens. Notre métier s’inscrit dans un indispensable travail en commun avec l’ensemble des professionnels de la ville et de l’hôpital, depuis la naissance jusqu’au décès des patients. Le travail s’organise actuellement de façon horizontale à l’échelon des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et le Collège de la médecine générale souhaiterait bénéficier d’une place dans le futur dispositif afin de faciliter l’organisation du travail en commun des professionnels autour de la fin de vie.
Plus d’un million de consultations de médecine générale se déroulent chaque jour en France, et la profession demande donc une plus grande visibilité. Notre groupe de travail plaide pour la mise en place d’une culture portant sur les questions de la fin de vie, souvent exclues de la relation avec les patients. Nous souhaitons un temps avec le patient pour faire le point sur ses directives anticipées et leurs évolutions dans le temps. Une consultation dédiée pourrait par exemple être créée et renouvelée à différentes périodes de la vie. Nous demandons l’affirmation d’un temps d’ouverture, réservé pour parler de la fin de vie et pour en échanger avec la personne. Il est important d’anticiper la question d’une fin de vie à domicile avec le patient. Nous souhaitons également des campagnes d’information du public sur les directives anticipées ou la personne de confiance.
Nous insistons également sur la prise de décision tracée et collégiale, en réunion de concertation pluriprofessionnelle, en particulier pour les cas délicats. Ces échanges représenteraient, pour les professionnels, une formation-action à partir de cas réels. Nous proposons des comités d’éthique pluriprofessionnels, composés de médecins, mais également de philosophes, juristes, sociologues et associations spécialisées, qui pourraient être saisis pour des cas complexes. Une réflexion collégiale préalable à la prise de décision doit permettre d’éviter les futures dérives que certains redoutent. Le Collège souhaite également participer à l’évaluation future des pratiques.
M. Denis Fischer, responsable Communication du Conseil national professionnel des aides-soignants. Les aides-soignants sont auprès de la personne malade et en fin de vie à domicile, à l’hôpital et en Ehpad. Nous soulignons surtout le manque de formation des aides-soignants dans l’accompagnement de fin de vie et les soins palliatifs. Mais, dans la mesure où la mort peut survenir dans toute structure, nous plaidons pour que le ratio soignants/soignés augmente, afin de pouvoir accompagner le patient et sa famille, car le soin ne consiste pas uniquement à donner des médicaments, mais également à accompagner et soutenir. Lorsqu’on arrive à réaliser les projets de vie des patients, l’angoisse diminue, la demande de mort diminue.
Nous sommes en accord avec le rapport. Si respecter le souhait de ceux qui demandent une aide active à mourir est important, cette demande diminue lorsque les personnes sont correctement accompagnées. Alors, jusqu’où aller dans le soin et à quel moment l’arrêter, sur la base d’un accord pluridisciplinaire ? Comment et avec qui accompagner les personnes au sein des maisons d’accueil de fin de vie, et avec quels moyens ?
Il convient de distinguer soins palliatifs et aide à mourir, car les personnes que nous accompagnons en soins palliatifs ne comprendraient plus le rôle du soignant. Nous pourrions imaginer des structures d’accueil pour les personnes dont les directives anticipées sont claires et qui ont choisi l’aide à mourir, ou des structures dont le personnel accepterait d’accompagner ces personnes.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ma question concerne le titre II du projet de loi, c’est-à-dire l’aide à mourir. Êtes-vous en accord avec l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), selon lequel il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir selon certaines conditions strictes ? Le cas échéant, quelles seraient, selon vous, les conditions strictes à mettre en œuvre dans ce projet de loi ?
Docteur Moulias, l’expression « euthanasie clandestine » me semble devoir être préférée à celle d’« euthanasie sauvage ». Disposez-vous d’éléments documentés et étayés vous permettant d’affirmer que la moitié des euthanasies pratiquées en Belgique sont clandestines ? De nombreux Français souhaitent finir leur vie à domicile, et peuvent considérer que l’Ehpad en est un. Le fait d’inclure une clause de conscience d’établissement vous semble-t-il éthique ?
M. Didier Martin, rapporteur. Il est nécessaire de donner aux soignants les moyens de continuer à se rendre au domicile des patients, dans un contexte de pénurie médicale. Ma question concerne le titre Ier, le plan personnel d’accompagnement, les directives anticipées, le temps nécessaire pour élaborer ces documents, la formation nécessaire pour conduire ces entretiens singuliers et l’ouverture des maisons d’accompagnement qui seraient des structures intermédiaires entre l’hôpital et le domicile. Quel sera le rôle des intervenants dans ces maisons ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Docteur Abramovici, quelle est votre interprétation, dans l’article 5, de la mention d’une personne volontaire que le patient pourrait solliciter lorsqu’il n’est pas en mesure de s’auto-administrer la substance létale ? Quelles personnes faudrait-il d’emblée exclure de ces volontaires potentiels ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Docteur Moulias, bien que le nombre de personnels spécialisés soit insuffisant, le sujet des soins gériatriques concerne au quotidien de nombreux professionnels. La récente loi « bien‑vieillir » démontre que nous anticipons l’importante transition démographique à venir et que nous luttons contre la maltraitance. Nous souhaitons tous que les personnes âgées disposent de droits et d’une place dans la société, et cette loi ne s’adresse pas à elles en priorité, mais à toute personne souffrant d’une maladie incurable avec des souffrances intolérables, ce qui peut également être le cas d’une personne âgée dans un Ehpad ou à domicile.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Monsieur Fischer, quel est votre avis sur le rôle propre dont dispose l’aide-soignant, au sein de ce projet de loi, dans la collégialité ?
Docteur Mesnage, vous trouvez critiquable la possibilité, pour un proche, d’administrer la substance létale. Mais si ce principe n’est pas inscrit dans la loi, que fait-on, demain, face à un proche qui en fait la demande ?
Professeur Perrigault, le nombre élevé de demandes d’obstination déraisonnable rencontré en réanimation ne vous semble-t-il pas relever d’un problème sociétal lié à la vision française de la mort ? Pensez-vous qu’accroître le ratio soignants/soignés et prendre le temps de discuter avec les familles permettrait de faire diminuer cette tendance ?
Docteur Moulias, une décision prise par deux médecins et un aide-soignant ne vous semblerait-elle pas collégiale ? Le sujet de la maltraitance dans les Ehpad est largement traité par notre assemblée, et il ne semble pas opportun de les retirer du dispositif alors même qu’ils peuvent représenter un domicile. Il est faux de penser qu’être âgé signifie mourir dans d’atroces souffrances, et un pronostic vital engagé peut entraîner des soins de confort.
M. Denis Fischer. Nous demandons la reconnaissance du rôle propre et des compétences de l’aide‑soignant depuis de nombreuses années, non seulement pour disposer d’un statut, mais surtout pour pouvoir accompagner des personnes en collaboration avec l’infirmier, et non plus sous sa responsabilité. Nous le souhaitons aussi bien à domicile que dans les structures, par des formations sur les soins palliatifs. Certains disposent d’un diplôme universitaire en soins palliatifs et souhaitent pouvoir accompagner sereinement les patients, les familles, mais également leurs projets de vie. Et lorsque le souhait des personnes est de mettre fin à cette vie qui devient insupportable, il doit également être respecté.
Dr Francis Abramovici. La loi ne doit pas encadrer les conditions éthiques limitant la mise en pratique ou donner une définition a priori, mais chaque cas posant une question d’éthique doit être discuté de façon pluriprofessionnelle. Chacune des réflexions éthiques devra être conduite au cas par cas, à l’aide d’une ressource qui permettra à l’ensemble des professionnels de prendre des décisions éclairées lors d’un travail commun de réflexion.
Du fait du manque de financements dédiés et de leur charge de travail, les médecins ne souhaitent plus effectuer les visites à domicile, mais des incitations pourraient leur permettre d’y revenir. Des professionnels, dont nous manquons actuellement, seront également nécessaires pour accompagner les personnes au sein des maisons d’accompagnement.
Dr Antoine de Beco, membre du Collège de la médecine générale. La visite à domicile, qui est au cœur du métier de médecin généraliste, reste pratiquée par de nombreux médecins. Pour lui permettre de conserver sa valeur, la modélisation par la maîtrise de stage et la découverte par les jeunes internes sont essentielles. Les médecins souhaitent continuer à effectuer ces visites, qui permettent de connaître l’environnement du patient et de rencontrer les personnes qui l’aident. De cela découlent les questions de l’incitation et du financement, afin de ne pas abandonner le care et le cure. Les visites à domicile comme les interventions en maisons de retraite témoignent de cette dimension essentielle de notre profession, qui est d’accompagner loin, longtemps et tout le temps, dans la mesure de la disponibilité en temps. Les problèmes de démographie ne peuvent pas justifier un abandon de ces pratiques.
Dr Francis Abramovici. Sur le sujet de la personne volontaire, la réponse ne peut pas davantage être unique et unanime. L’importance du travail en amont et du comité d’éthique sera également essentielle, afin d’auditionner la famille et de l’accompagner.
Dr Valérie Mesnage. Je suis en accord avec les conclusions du CCNE, mais pas avec les conditions extrêmement strictes. La réflexion éthique a été guidée par la reconnaissance de ces situations de souffrance, avec une responsabilité et un engagement de ne pas abandonner les patients. Si nous souhaitons reconnaître l’aide à mourir comme cette situation de souffrance en lien avec ces pathologies, il est de notre responsabilité d’accompagner jusqu’au bout la personne et de ne pas la laisser face à elle-même dans un geste qui peut être extrêmement difficile à réaliser d’un point de vue psychique. Les préconisations me semblaient donc traduire une volonté de ménager les soignants rétifs.
Je suis dubitative, car, dans le cas où le proche doit effectuer le geste, il n’a pas, de la même façon que nous, qui faisons face à ce reproche, la certitude de répondre à la demande de la personne. J’entends néanmoins que des proches puissent le souhaiter. Mais les demandes d’aide à mourir que j’ai accompagnées par des sédations profondes et continues m’ont toutes démontré que les patients et les proches sont extrêmement reconnaissants pour notre présence jusqu’au bout. J’estime que l’aide active à mourir ne peut être effectuée qu’en présence de ce triptyque : la demande, le professionnel qui s’y engage et le proche intégré à ce cheminement. Je m’interroge en revanche sur les répercussions qu’aurait, sur le proche, l’acte effectué seul.
Dr Christine Raynaud-Donzel, membre du collectif « Pour un accompagnement soignant solidaire ». La plupart des patients que je rencontre souffrent d’une maladie incurable et mon travail consiste à cheminer avec eux, les écouter, les informer et comprendre leurs souhaits. Si je suis en accord avec l’avis du CCNE, j’estime qu’il ne va pas assez loin. J’aurais l’impression, face à un patient que j’accompagne depuis longtemps et qui demande une aide à mourir, de l’abandonner en lui prescrivant seulement le médicament. Au regard des véritables relations de confiance établies, l’accompagnement doit impliquer les soignants, malgré la difficulté de la tâche. J’estime donc également qu’il ne faut pas hiérarchiser, et que le poids est extrêmement lourd pour les patients qui, après de longues souffrances, n’ont pas envie de mourir, mais nous demandent de les libérer. Alléger leur fardeau en prenant notre part me paraît donc être un acte constitutif de nos missions, qui devrait pouvoir être effectué en tout lieu. Je précise que les demandes sont rares, et je ne crains pas leur multiplication, car les patients ont envie de vivre.
Pr Pierre-François Perrigault. Nous sommes en accord avec l’avis du CCNE ainsi que sur la modalité du suicide assisté, qui respecte l’autonomie et qui limite l’implication d’autrui.
Sur le sujet de l’obstination déraisonnable, nous avons constaté, au terme de notre analyse, que les raisons sont complexes. Elles touchent au refus de la disparition, à la peur de la mort, à la perte de confiance dans le discours médical, ou à des questions religieuses voire militantes. Dans 99 % des cas, ce sont les familles qui s’opposent à l’arrêt des traitements, et jamais l’inverse.
La proposition relative à l’exception d’euthanasie, qui pourrait impliquer un proche voire une infirmière, est un cas unique, et c’est le médecin qui effectue l’acte dans les autres pays. En raison du choix de l’administration orale, la question est celle de la capacité du patient à déglutir. S’il n’en est pas capable, la loi Claeys-Leonetti permet d’arrêter les traitements et de mettre en place une sédation profonde et continue. La question de l’exception d’euthanasie est donc purement théorique. Si la loi Claeys-Leonetti a remplacé le mot « avis » par le mot « témoignage » des proches, c’est pour qu’ils n’aient pas à porter le poids de cette culpabilité. Lorsque le corps médical prend la décision, les proches se trouvent soulagés et ne portent pas le stress post-traumatique. Nous mesurons encore mal le retentissement que toutes ces décisions peuvent avoir sur les proches.
Dr Sylvie Moulias. Les Ehpad sont certes des domiciles, mais ils sont également des lieux de soins, au sein desquels les soignants sont trop peu nombreux. Les médecins traitants ne se déplacent plus en Ehpad, qui manquent également de médecins coordonnateurs. Ils sont donc des lieux de vulnérabilité majeure. Davantage que celle de la maltraitance en Ehpad, j’évoquais la question de la maltraitance entre un aidant épuisé ou malveillant et son proche, que l’on constate fréquemment. Les réalités de la vie peuvent conduire certaines personnes à la résignation ou à la malveillance. Les situations doivent être envisagées au cas par cas, d’où la nécessité d’une collégialité et d’une multidisciplinarité, afin que le patient et ses proches soient écoutés et entendus. Le discours du patient pouvant varier en fonction de l’interlocuteur, il est essentiel de pouvoir croiser les différentes paroles.
En tant que gériatre, je peux évoquer uniquement les personnes âgées, qui savent qu’elles vont mourir et qui ne bénéficient pas des soins auxquels elles devraient avoir droit, notamment l’accès aux soins palliatifs. La réalité est telle qu’en raison du manque de personnels ou de lits, une unité de soins palliatifs, à stade de fin de vie égal et douleurs insupportables égales, accueillera plus facilement un patient qui ne souffre pas de troubles cognitifs. Pour autant, les professionnels des Ehpad ne sont pas mieux formés que les autres, et les équipes mobiles ne suffisent pas à compenser. Si les personnes âgées demandent rarement à mourir, les proches peuvent parfois, pour différentes raisons, souhaiter que le déroulement soit accéléré. Le plan personnel d’accompagnement doit commencer le plus tôt possible et il est nécessaire, en cas de maladie chronique, de disposer de référents, mais également de médecins traitants et de structures, avec également un temps dédié. Je plaide depuis longtemps pour une consultation dédiée visant à expliquer ou encore à remettre des documents spécifiques. Cela pose toutefois la question du partage des informations et des dossiers médicaux entre les différents acteurs.
Je vous transmettrai, monsieur le rapporteur, les chiffres de l’euthanasie clandestine que j’ai cités, qui sont issus d’une publication.
Il nous semble impossible et indigne, dans le cadre de la République française, que tout le monde n’ait pas accès aux soins de façon égalitaire, en particulier dans le grand âge. Tant qu’un soin de qualité ne sera pas développé partout et pour tout le monde, il n’y a rien d’éthique à discuter de l’accélération de la mort.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Docteur Abramovici, moins du quart des médecins généralistes pratiquent des visites longues à domicile et seules 5 à 12 % d’entre elles concerneraient des patients soins palliatifs. En quoi ce projet de loi, qui n’est accompagné d’aucune étude d’impact budgétaire, pourrait-il remédier à cette situation ?
Notre système de santé connaît une crise profonde. Considérez-vous la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie ouverte à tous comme la priorité du moment ? Ne risque‑t‑elle pas de favoriser une division du corps médical ?
25 % des Ehpad n’ont pas signé de convention avec des équipements mobiles de soins palliatifs. En quoi le projet de loi peut‑il remédier à cette déficience ?
M. Nicolas Turquois (Dem). Professeur Perrigault, docteur Abramovici, je suis favorable à une évolution du droit en matière d’aide active à mourir, limitée à des cas rares. Quels sont les cas complexes qui ne seraient pas couverts par les dispositions actuelles ? La collégialité renforcée que représenterait le comité d’éthique pluriprofessionnel pourrait-elle être une solution dans des situations complexes et rares ?
Mme Anne Bergantz (Dem). Docteur Abramovici, quelle serait une collégialité idéale, effective dans la pratique dans votre qualité de médecin généraliste et organisable dans un temps raisonnable, dans le cas d’une demande d’aide à mourir de l’un de vos patients ?
Ma seconde question s’adresse à tous les intervenants. L’article 11 évoque la possibilité que le produit létal puisse être administré par un soignant en cas d’impossibilité pour le patient, sans que la loi ne précise qui doit être ce soignant. Celui qui prescrit et celui qui administre doivent-ils être la même personne ?
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Docteur Moulias, je souhaite qu’aucun lieu ne soit a priori exclu de la pratique de l’aide active à mourir. Permettre que ce geste puisse être effectué là où la personne réside peut éviter d’ajouter du malheur.
Professeur Perrigault, vous avez exprimé votre satisfaction concernant la loi Claeys-Leonetti. Une mission d’évaluation récente a démontré que le recours à la sédation profonde et continue reste rare et inégalitaire. Quelles en sont, selon vous, les raisons ?
Docteur Mesnage, ne pensez-vous pas qu’il serait préférable de demander à celles et ceux qui souhaitent faire jouer la clause de conscience de se désinscrire du fichier de recensement des personnes acceptant de pratiquer l’aide à mourir ?
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Docteur Moulias, personne ici n’imagine donner à des enfants le pouvoir d’abréger la vie de leurs parents. La loi précise que cela revient uniquement à la personne elle-même, lorsqu’elle a exprimé le souhait de mourir de façon répétée.
Monsieur Fischer, quelles seraient, selon vous, les conditions qui permettraient une aide active à mourir pour les personnes en Ehpad ? Estimez-vous que cela puisse être effectué au sein des Ehpad ou à condition que les personnes en sortent et, dans ce cas, où cela pourrait‑il être effectué et dans quelles conditions ? Face au risque de propagation, qui pourrait donner des idées à certains autres patients, quelles seraient les conditions optimales de respect de la demande de ces personnes ?
M. Thierry Frappé (RN). Le projet de loi prévoit de mettre en place l’aide active à mourir. Quelle est, selon vous, la représentation de cette euthanasie dans le soin et par rapport aux soins palliatifs, trop mal connus en France, et alors que notre retard est évident ? Quelle est, en cas de souffrance insupportable à court ou moyen terme, la durée raisonnable du moyen terme évoqué par le projet de loi ? Estimez-vous suffisants les moyens humains destinés à la mise en place des maisons de fin de vie, dans un contexte de pénurie de soignants ? Quelle place chacun d’entre vous accorde-t-il à la clause de conscience ?
M. Denis Fischer. Selon moi, la mort ne peut pas être provoquée en soins palliatifs puisque l’accompagnement naturel jusqu’au bout de la vie est préconisé. Je suis en revanche favorable à ce que la décision de la personne âgée soit respectée au sein de son lieu de vie, afin d’éviter un transport à l’hôpital ou dans une institution, avec un accompagnement jusqu’au bout. Si je souhaite que les gens puissent mourir là où ils le souhaitent, la question fondamentale est celle du ratio soignants/soignés en Ehpad, qui ne permet pas d’accorder à la personne le temps nécessaire au soin, et des moyens à mettre en place pour bien accompagner ces personnes jusqu’au bout.
Dr Francis Abramovici. La personne qui prescrit doit, à mon sens, être celle qui administre, car déléguer cette responsabilité présenterait le risque d’une incompréhension de la prescription.
Il n’existe pas, selon moi, de possibilité d’organisation idéale effective dans un temps raisonnable. Nous devons trouver les moyens de la mise en pratique grâce au cadre fixé par la loi et en donnant ensuite aux professionnels des possibilités de s’en saisir au mieux. La culture des directives anticipées, de la réflexion sur la mort et du bon moment doit être pensée en commun, car il s’agit d’un problème sociétal.
Les cas complexes sont ceux où les soignants sont partagés entre vouloir soulager pour ne pas céder à la demande de fin de vie et ceux qui pensent que la situation justifie d’accéder à la demande.
Dr Antoine de Beco. Sur la nécessaire collégialité pour les cas complexes, il me semble nécessaire de faire également appel à des professionnels des sciences humaines et sociales pour éclairer les réflexions d’un groupe. Les médecins sont en effet, malgré le retour de ces sujets dans leur formation, encore insuffisamment sensibilisés.
Dr Francis Abramovici. Bien que les comités soient difficiles à mettre en place, il est important d’en avoir l’intention et d’en donner la direction. Des personnes de diverses origines professionnelles peuvent être intégrées pour, au côté de soignants de toute catégorie, prendre le temps d’une réflexion collective, aussi bien sur des sujets généraux que sur des cas précis. Il est donc important de développer des expérimentations.
La visite à domicile ne sera pas améliorée dans le projet de loi, mais le raisonnement diffère de celui de l’éthique.
Dr Valérie Mesnage. Sur la question de la liste de volontaires, l’idéal serait que chacun d’entre nous accompagne en conscience les personnes dans ces parcours de soins. Il existe toutefois un principe de réalité et une forte opposition qui doit être entendue. Si la loi est adoptée, les personnes devront disposer d’un droit effectif et la liste de volontaires pourrait représenter une solution.
À mon sens, la sédation profonde et continue jusqu’au décès est peu appliquée, car c’est une aide à mourir qui ne dit pas son nom. La majorité est effectuée sur décision médicale, pour des patients qui sont dans l’incapacité de s’exprimer. Il me semble donc paradoxal de refuser des demandes à mourir lorsque, dans la réalité, les limitations thérapeutiques sont majoritairement le fruit de décisions médicales pour des personnes qui ne se sont pas exprimées. La sédation profonde et continue, qui devait être un nouveau droit et une nouvelle manière d’accompagner les patients est, dans les faits, pratiquée sans les en informer. Alors, si l’aide à mourir devient possible, va-t-on observer les mêmes tendances ? Qui va informer le patient de ses nouveaux droits ? Cela confirme également l’utilité des consultations fin de vie. Les personnes atteintes de maladies neurodégénératives ne parviennent pas à évoquer la mort prochaine et attendent donc cela de notre part.
Le défaut de soins palliatifs n’est pas l’élément qui justifie les demandes d’aide active à mourir. Les soins palliatifs ne sont pas le monopole des professionnels ou des structures dédiées, mais sont également effectués par les acteurs de soins primaires, sans être comptabilisés. Bien qu’il soit nécessaire de les renforcer, la France n’est pas le pays le plus pauvre en soins palliatifs. La demande, qui n’est pas uniquement sociétale, est le fruit de ces souffrances non-apaisées qui existent depuis toujours et ne trouvent pas de réponse malgré le développement des soins palliatifs.
Dr Christine Raynaud-Donzel. La réponse sur la durée du court, du moyen ou du long terme ne relève pas des mathématiques, mais de l’humain, de la vie et de l’incertitude. Cette question, qui ne peut connaître de résolution absolue, est éminemment personnelle. Elle doit faire l’objet d’échanges dans le cadre d’une pluridisciplinarité, pour partager et décider ensemble si la demande du patient est raisonnable, sans évoquer de limite de chiffre.
Pr Pierre-François Perrigault. À mon sens, la personne qui prescrit doit être présente, mais pas nécessairement administrer, puisque l’administration par un tiers est rarement nécessaire.
La loi Claeys-Leonetti, si elle est une bonne loi, est mal connue. Dans la mesure où elle date de 2016, de nombreux soignants n’y ont pas été spécifiquement formés et nous en constatons une méconnaissance totale chez certains professionnels, quel que soit le métier. J’effectue ainsi, chaque semaine, des formations sur cette loi, dont l’appropriation n’est pas suffisante.
Concernant les situations complexes, il arrive que nous soyons confrontés à des demandes d’aide à mourir qui n’entrent pas dans le cadre de la loi Claeys-Leonetti. Pour ces situations spécifiques, une évolution de la loi sera utile. Il n’en reste pas moins nécessaire d’accroître la connaissance de la loi Claeys-Leonetti, notamment pour éviter que certains patients ne partent chercher à l’étranger la sédation profonde et continue qu’ils ne pourraient trouver en France. La différence entre l’euthanasie et la sédation profonde et continue se trouve dans l’intentionnalité : dans un cas, nous soulageons le patient, dans l’autre nous le tuons.
Concernant les risques de dérive, on dénombre, en 2023 aux Pays-Bas, 20 % d’euthanasies supplémentaires chez les patients psychiatriques.
Dr Sylvie Moulias. Si les patients d’Ehpad peuvent y être soignés et accompagnés, il serait humainement logique que l’aide active à mourir puisse y être mise en place. Se pose dès lors la question des responsabilités de chacun, c’est pourquoi je dispense régulièrement des formations aux personnels, y compris aux médecins, qui sont peu formés et peu volontaires. Dans la situation actuelle, il est impensable de confier cette mission aux Ehpad. Nous pourrions imaginer un modèle similaire à celui de la Suisse, où des personnes volontaires en seraient chargées, à condition que celles-ci sachent parler et communiquer avec le personnel. L’accompagnement n’est pas qu’un rapport de prescription, mais avant tout un rapport humain.
Concernant les cas complexes, nous avons mis en place, notamment au sein de l’hôpital Ambroise Paré, une cellule de discussion et d’orientation à la décision ouverte aux hôpitaux et Ehpad voisins, destinée à échanger sur le cas spécifique de certains patients. J’ai également proposé à la CPTS la création d’un comité d’éthique semblable à celui précédemment évoqué. Les professionnels comme les familles saluent ce dispositif.
La réunion s’achève à vingt heures quarante.
Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Hadrien Clouet, Mme Laurence Cristol, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Marine Hamelet, M. Philippe Juvin, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Didier Martin, M. Julien Odoul, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Philippe Vigier
Excusée. – Mme Lise Magnier
Assistaient également à la réunion. – Mme Claire Colomb-Pitollat, Mme Maud Gatel, Mme Sandrine Rousseau