N° 337

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

TOME VII

 

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

 

 

PAR M. Nicolas Metzdorf

Député

——

 

 

 

 Voir le numéro : 273


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. une hausse des crédits en faveur de l’intégration

A. Le programme immigration et asile

B. Le programme intégration et accès à la nationalité française

C. Les fonds de concours

II. les grandes tendances de l’asile et de l’immigration

A. l’état des flux migratoires

1. La reprise des demandes d’asile

2. Une situation toujours critique sur le littoral de la Manche

B. la lutte contre l’immigration irrégulière

C. Le pacte européen pour l’asile et la migration

III. l’accueil des déplacés ukrainiens en France

A. La crise ukrainienne et la réaction européenne

1. La mise en œuvre de la directive de 2001

2. La répartition géographique en Europe

B. l’accueil en france

1. Une concentration en Île-de-France et dans le Sud-Est

2. La réponse institutionnelle

3. Le fondement juridique : l’autorisation provisoire de séjour

C. Une prise en charge conforme à nos valeurs

1. L’insertion par l’hébergement et le travail

a. L’hébergement et le logement

b. L’intégration professionnelle

2. L’accès aux droits sociaux

a. La santé

b. L’allocation pour demandeurs d’asile

c. La scolarisation des enfants

d. Une attention portée aux plus fragiles

D. Les perspectives pour les mois à venir

1. Vers des solutions pérennes pour les déplacés ukrainiens

2. Une source d’inspiration pour gérer d’autres crises

CONCLUSION

Liste des propositions

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE AU NOM DU GROUPE LIBERTÉS, INDÉPENDANTS, OUTRE-MER ET TERRITOIRES

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : Liste des personnes auditionnées ou rencontrées par le rapporteur pour avis


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   introduction

La mission Immigration, asile et intégration porte les crédits (hors dépenses de personnel) de la direction générale des étrangers en France du ministère de l’intérieur. Cette mission est structurée autour de trois grands axes : la gestion des flux migratoires, l’accueil et l’examen de la situation des demandeurs d’asile et l’intégration des étrangers en situation régulière, en particulier des réfugiés. La prise en charge des demandeurs d’asile représente près des deux tiers des crédits de la mission. Un peu plus d’un quart des crédits est consacré à l’intégration. Un dixième environ est consacré à la maîtrise des flux migratoires (politique des visas, investissement et fonctionnement des lieux de rétention, procédures d’éloignement et dispositifs d’aide au retour) ([1]).

Deux opérateurs contribuent à la mise en œuvre de la politique relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), chargé de la reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride ou de protégé subsidiaire, et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), en charge de l’accueil et de l’intégration des ressortissants étrangers admis au séjour.

Les crédits de paiement (CP) de la mission Immigration, asile et intégration passent globalement de 1,9 milliard d’euros en 2022 à 2,01 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2023, en hausse de 6 %. Les autorisations d’engagement (AE), quant à elles, augmentent plus nettement, de plus de 34 %.

La mission comporte deux programmes : le programme 303 Immigration et asile (qui représente 73 % des crédits de la mission en 2023) et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française (qui représente 27 % de ces crédits). Les crédits de paiement du premier augmenteront l’année prochaine de 0,44 % et ceux du second de 24,3 %. Le choix a donc été fait de mettre l’accent sur l’intégration des étrangers qui séjournent légalement sur le territoire français.

Le rapporteur pour avis, après avoir résumé les principaux axes du budget de l’immigration, de l’asile et de l’intégration pour le prochain exercice, fera le point sur les grandes tendances actuelles en matière migratoire. Il portera ensuite son attention sur la question spécifique de l’accueil des déplacés ukrainiens. L’importance de ce sujet l’a amené à se rendre, d’une part, à Kiev et, d’autre part, dans les Alpes-Maritimes, département qui accueille un grand nombre de déplacés d’Ukraine. Après avoir dressé un bilan des initiatives prises par la France pour les accueillir de manière digne, il se penchera sur les perspectives pour les mois à venir et formulera six propositions afin de poursuivre cet accueil dans les meilleures conditions et de tirer parti de l’expérience engrangée.


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I.   une hausse des crédits en faveur de l’intégration

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, les crédits de paiement de la mission Immigration, asile et intégration progressent de 6 % (+ 113 millions d’euros) par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 ([2]), passant de 1,9 milliard d’euros à 2,01 milliards d’euros. Le Gouvernement prévoit qu’ils seront ensuite portés à 2,06 milliards d’euros en 2024, puis à 2,07 milliards d’euros en 2025, en vue notamment de poursuivre les efforts d’augmentation du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, ainsi que du parc de rétention.

La mission Immigration, asile et intégration se décompose en deux programmes : le programme 303 Immigration et asile et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française. Les crédits de paiement du premier resteront quasi stables (+0,44 %) en 2023, tandis que ceux du second augmenteront de 24 %.

A.   Le programme immigration et asile

Pour 2023, les dotations du programme 303 Immigration et asile s’élèvent à 2 131,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 1 465,9 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse respectivement de 36,9 % et de 0,44 % (+ 6 millions d’euros).

Une grande partie du programme 303 finance l’hébergement des demandeurs d’asile, pour un montant en 2023 de 840 millions d’euros en CP (action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile). Ces crédits couvrent l’hébergement accompagné en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) pour ceux qui en remplissent les conditions, l’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) et l’hébergement en centre d’accueil et d’examen des situations (CAES) ([3]).

Rappelons que près de 30 000 places d’hébergement ont été créées en faveur des demandeurs d’asile et des réfugiés depuis 2017, comme le montre le tableau ci‑après.

Évolution du nombre de places d’hébergement

Places autorisées en LFI

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évolution

(20172022)

CADA

40 406

42 452

43 602

43 602

46 632

49 132

+ 8 726

HUDA

39 749

41 154

51 826

51 826

52 160

53 060

+ 13 311

CAES

0

2 986

3 136

3 136

5 122

6 622

+ 6 622

CPH ([4])

2 207

5 207

8 710

8 710

9 118

9 918

+ 7 711

TOTAL

82 362

91 799

107 274

107 274

113 032

118 732

36 370

Source : ministère de l’intérieur

Les capacités d’hébergement du dispositif national d’accueil ont connu un doublement depuis la crise migratoire de 2015. Cet effort, conjugué à la mise en œuvre de l’orientation dite « directive » ([5]), a contribué à faire progresser la part des demandeurs d’asile hébergés à titre gratuit de 45 % en 2017 à 73 % aujourd’hui.

Des moyens importants sont à nouveau consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2023, à l’ouverture de places d’hébergement, au nombre de 4 900. Il s’agit plus précisément de 900 places dans l’hébergement d’urgence (HUDA) en outre‑mer, de 1 500 places en centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) et de 2 500 places en CADA.

L’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile finance aussi le versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), gérée par l’OFII. Les dépenses d’ADA pour 2023 s’élèvent à 314,7 millions d’euros (en AE et en CP) ([6]). Six millions d’euros (en AE et en CP) sont en outre prévus pour l’OFII au titre des frais de gestion de cette allocation.

L’action n° 2 porte par ailleurs la subvention pour charges de service public versée à l’OFPRA, d’un montant de 103,5 millions d’euros en AE et en CP (+ 11 %) en 2023. Le plafond d’emplois de l’OFPRA sera relevé en 2023 de 1 003 à 1 011 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Ce relèvement, qui s’inscrit dans le prolongement des recrutements déjà effectués au cours des dernières années (+ 200 ETPT en 2020), vise à augmenter la capacité de décision de l’établissement et, ainsi, à réduire les délais de traitement des demandes d’asile. Cette augmentation des effectifs a commencé à porter des fruits puisque l’OFPRA est passé de 115 000 décisions (mineurs inclus) rendues en 2017 à 150 000 décisions prévues en 2023. L’objectif est d’atteindre un délai moyen de traitement de deux mois en 2023 (contre 261 jours en 2021 et 140 jours actuellement ([7]). Rappelons que le délai de traitement des demandes a un impact direct sur le montant du financement de l’allocation pour demandeurs d’asile.

L’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière, quant à elle, finance notamment la mise en œuvre, qui se poursuit, du plan d’ouverture de places en centres de rétention administrative (CRA). Dans ce cadre, 10 millions d’euros sont consacrés à l’externalisation de certaines tâches, afin de libérer des postes actuellement occupés par des fonctionnaires de police pour les redéployer sur des missions régaliennes.

B.   Le programme intégration et accès à la nationalité française

Le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française voit sa dotation augmenter en 2023 pour atteindre 543 millions d’euros en AE (+ 24,3 %) et 543 millions d’euros en CP (+ 24,3 %), en hausse de 106 millions d’euros.

L’action n° 12 Intégration des étrangers primo-arrivants se voit attribuer 135 millions d’euros en AE et en CP, en hausse de 70,41 %. Une partie importante de ces financements sera dédiée au déploiement du programme AGIR (Accompagnement global et individualisé des réfugiés), destiné à accompagner les réfugiés dans leur insertion. Il repose notamment sur la mise en place d’un guichet unique départemental pour l’accompagnement des réfugiés qui présentent des difficultés spécifiques pour l’accès à l’emploi et au logement. Lancé à la fin de l’année 2022 dans vingt-sept départements, il sera déployé dans vingt-cinq départements supplémentaires en 2023.

L’action n° 12 finance aussi la poursuite du renforcement de la politique d’intégration, renforcement décidé par le comité interministériel à l’intégration (C2I) du 5 juin 2018. Diverses mesures ont été prises en ce sens, notamment pour donner plus d’importance aux formations civiques et linguistiques ([8]). Le suivi de ces formations constitue la première étape du parcours d’intégration inauguré par la signature, dès l’attribution du titre de séjour ou la reconnaissance de la protection internationale, du contrat d’intégration républicaine (CIR). Un CIR est signé chaque année par environ 100 000 personnes.

L’action n° 15 Accompagnement des réfugiés finance notamment, pour un montant de 10 millions d’euros, la création en 2023 de 1 000 nouvelles places en centres provisoires d’hébergement (CPH), destinés aux bénéficiaires de la protection internationale les plus vulnérables (portant le parc de CPH à près de 11 000 places au total).

L’action n° 11 Accueil des étrangers primoarrivants porte l’essentiel de la subvention pour charges de service public versée à l’OFII (252,3 millions d’euros, soit + 6,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 ([9]). Le plafond d’emplois de l’OFII est augmenté en 2023 de neuf postes pour atteindre 1 196 ETPT.

C.   Les fonds de concours

À la mission sont rattachés des fonds de concours, principalement des fonds européens : le fonds asile, migration et intégration (FAMI), le fonds pour la sécurité intérieure (FSI) et l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas (IGFV), notamment.

La prévision de rattachement des fonds européens FAMI, FSI et IGFV sur la mission Immigration, asile et intégration est de à 67,8 millions d’euros pour le programme 303 et de 133,8 millions d’euros pour le programme 104, au titre des deux programmations en cours, c’est-à-dire 2014-2020 et 2021-2027.

Dans le domaine de l’asile, le FAMI contribuera au financement de l’organisation des opérations de relocalisation volontaire grâce à des crédits forfaitaires. Des crédits seront également rattachés pour le financement de mesures destinées à l’accompagnement socioadministratif des demandeurs d’asile et à leur prise en charge sanitaire et psychologique. Le FAMI permettra de financer, en particulier, des projets portés par des associations et des collectivités territoriales (hébergement, accueil, accompagnement, protection des demandeurs d’asile) et des administrations d’État (système Eurodac ([10]), interprétariat à l’OFPRA).

 

Synthèse du budget de l’immigration, de l’asile et de l’intégration pour 2023

 

Mission Immigration, asile et intégration

Autorisations d’engagement : 2 674,9 millions d’euros (M€) (+ 34 %)

Crédits de paiement : 2 009,10 M€ (+ 6 %)

 

Programme 303 Immigration et asile

Autorisations d’engagement : 2 132 M€ (+ 37 %)

Crédits de paiement : 1 466 M€ (+ 0,44 %)

 

Points saillants concernant le programme 303 :

Exercice du droit d’asile : forte augmentation des autorisations d’engagement (du fait du renouvellement pour trois ans des conventions pluriannuelles de l’hébergement d’urgence) et légère diminution des crédits de paiement (en raison de l’amélioration du délai de traitement de la demande).

Augmentation des moyens consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière (+ 17,8 %), avec l’ouverture de nouvelles places de rétention.

 

Programme 104 Intégration et accès à la nationalité française

Autorisations d’engagement : 543 M€ (+ 24 %)

Crédits de paiement : 543 M€ (+ 24 %)

 

Points saillants concernant le programme 104 :

Augmentation des moyens dédiés à l’accueil (+ 7,14 %) et à l’intégration (+ 70,41 %) des primo-arrivants (avec un accent mis sur l’accompagnement renforcé des réfugiés et sur le renforcement des formations linguistiques).

Accroissement des crédits pour la rénovation des foyers de travailleurs migrants (+ 39,12 %).

 

 


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II.   les grandes tendances de l’asile et de l’immigration

Le rapporteur pour avis juge nécessaire de faire le point sur les tendances actuelles concernant les flux migratoires, avec un focus particulier sur les demandes d’asile et sur les traversées de la Manche. Il entend ensuite s’appesantir sur la lutte contre l’immigration irrégulière avant de dresser un bref état des lieux de l’avancée des projets de réforme européens.

A.   l’état des flux migratoires

1.   La reprise des demandes d’asile

Après une période de croissance continue des premières demandes d’asile enregistrées dans les guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) ([11]) (+ 9 090 demandes, soit + 39,3 % entre 2017 et 2019), la demande d’asile avait connu un net ralentissement avec la crise sanitaire. En 2020, la somme des premières demandes et des demandes de réexamen était ainsi tombée en deçà de 100 000, soit une diminution de plus de 58 000 en un an (‑ 38,3 %).

À l’issue de la crise sanitaire, la demande d’asile a connu un rebond important : elle a atteint 450 000 demandes à l’échelle de l’Union européenne en 2021 (+ 85 %), un record depuis 2016. Le contexte géopolitique (dont l’évolution de la situation en Afghanistan), l’impact économique de la crise sanitaire dans les pays du Sud et l’effet de rattrapage des migrations stoppées lors de la crise sanitaire permettent de penser que la tendance observée historiquement va se poursuivre.

La France est aujourd’hui, après l’Allemagne, le deuxième pays de l’Union européenne en termes d’enregistrement de demandes d’asile. Avec déjà plus de 80 000 demandes sur les huit premiers mois de l’année (+ 40 % par rapport à 2021), dont 15 % émanant de demandeurs afghans, on pourrait avoisiner les 125 000 demandes en 2022. Les demandes enregistrées en septembre 2022 (près de 13 600 premières demandes, soit un des niveaux mensuels les plus hauts jamais constatés) conduisent à considérer que le pic historique de 2019 sera dépassé en 2023. Rappelons, à titre de comparaison, que le nombre de demandes d’asile ne s’élevait qu’à 40 000 en 2011 et seulement à 60 000 en 2015.

 

 

 

Évolution de la demande d’asile

 

2017

2018

2019

2020

2021

Premières demandes d’asile en GUDA

99 330

126 671

138 420

81 531

104 577

Total des demandes en GUDA

100 755

137 849

151 283

93 264

121 554

Protection accordée (OFPRA et CNDA)

31 964

33 330

36 275

33 201

54 094

Source : ministère de l’intérieur

2.   Une situation toujours critique sur le littoral de la Manche

Depuis avril 2021, les traversées en small boats sont devenues le principal moyen adopté par les migrants pour rejoindre le Royaume-Uni (de préférence aux intrusions dans les poids lourds). En 2022, la part du vecteur maritime représente 89 % des entrées irrégulières au Royaume-Uni depuis la France. En 2021, 51 948 personnes ont tenté de rejoindre illégalement le Royaume‑Uni par small boats (+ 240 % par rapport à 2020), représentant un total de 2 399 événements recensés. 27 970 personnes ont réussi leur traversée (+ 230 %) et 23 945 individus ont été interceptés par les forces de sécurité françaises (+ 252 %). Les principales nationalités impliquées dans des traversées en small boats sont les Irakiens (10 %), les Afghans (10 %), les Iraniens (8 %) et les Syriens (6 %). L’évolution majeure en 2022 concerne la présence de ressortissants albanais, qui représentent désormais 14 % de l’ensemble des migrants ayant réussi la traversée de la Manche.

Le rôle des filières de passeurs est particulièrement important dans l’organisation de ces passages vers le Royaume‑Uni. Leur nouvelle stratégie consiste à avoir recours à des moyens nautiques de plus grande capacité pouvant désormais accueillir jusqu’à 69 personnes, contre des embarcations de fortune transportant une quinzaine de personnes entre 2019 et 2020. Ceci est la principale explication de la hausse constatée du nombre de migrants débarqués au Royaume‑Uni (24 716 sur les huit premiers mois de l’année 2022, soit le double par rapport à la même période en 2021). Le nombre moyen de migrants par embarcation a été multiplié par trois en trois ans, passant d’une moyenne de treize par embarcation en 2020, à vingt-sept en 2021, puis à trente-neuf personnes en 2022. Ces groupes sont parfois composés de publics particulièrement fragiles (nourrissons, jeunes enfants et personnes âgées, voire handicapées). La lutte contre les réseaux de passeurs constitue un enjeu majeur ; elle s’est soldée en 2021 par le démantèlement de cinquante-deux filières opérant entre le continent et le Royaume‑Uni, dont vingt-sept dans le cadre des small boats. Depuis le début de l’année 2022, vingt-huit filières ont été démantelées, dont dix-huit liées aux small boats.

Deux campements importants demeurent aujourd’hui sur le littoral français de la Manche. Le premier, à Calais, accueille majoritairement des ressortissants soudanais. Il abrite environ 550 personnes attirées par la proximité du port (le nombre moyen de personnes présentes a oscillé en 2021 et 2022 entre 500 et 1 000). La complexité du territoire calaisien, constitué essentiellement de dunes et de friches pouvant constituer des lieux temporaires d’installation de campements, rend malaisée l’action de l’État tendant à mettre à l’abri ces personnes. Le second campement, de taille plus importante (environ 900 personnes en septembre), situé à Grande-Synthe, regroupe essentiellement des Kurdes irakiens et iraniens, ainsi que des Albanais et plus marginalement des Vietnamiens. La direction générale des étrangers en France recense actuellement plus de personnes sur le littoral dunkerquois qu’à Calais, ce qui n’est pas habituel (la configuration du territoire de Grande-Synthe étant moins propice aux campements, du fait de sa forte densité d’habitations).

Depuis le début de l’année 2022, des opérations quasi quotidiennes ont permis de mettre à l’abri un grand nombre de personnes sur les deux sites, soit sur la base du volontariat, soit lors d’opérations d’évacuation, sans préjudice des efforts accomplis en termes de renforcement des dispositifs sanitaires et d’accès aux besoins essentiels. En 2020, les mises à l’abri ont concerné plus de 13 000 personnes, toutes structures d’accueil confondues. En 2021, sur les huit premiers mois de l’année, plus de 23 000 personnes ont été mises à l’abri depuis Calais et près de 3 000 depuis Grande-Synthe.

B.   la lutte contre l’immigration irrégulière

Les difficultés récurrentes rencontrées pour faire exécuter les décisions d’éloignement des étrangers séjournant illégalement sur le territoire français ont persisté en 2021 et 2022, comme le montre le tableau ci-après (qui porte sur les huit premiers mois des années 2021 et 2022).

mesures d’éloignement prononcées en 2021 et 2022 (huit premiers mois)

8M

2021

2022

OQTF prononcées

81 768

85 868

OQTF exécutées

4 696

5 897

ITF prononcées

1 160

1 210

ITF exécutées

901

1 117

Expulsions prononcées

287

220

Expulsions exécutées

99

121

Réadmissions prononcées

11 961

10 910

Réadmissions exécutées

2 793

3 037

Source : ministère de l’intérieur

Sur les huit premiers mois de l’année 2022, les nationalités pour lesquelles ont été prononcées et exécutées le plus grand nombre de mesures d’éloignement sont l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et l’Albanie.

Dans ce contexte, le Gouvernement a choisi, tout d’abord, de poursuivre le plan d’augmentation des capacités de rétention, défini à la fin de l’année 2017 et dont la prolongation a été décidée lors du comité interministériel sur l’immigration et l’intégration (C3I) du 6 novembre 2019. La capacité de rétention, qui était de 1 490 places à la fin de l’année 2017, a été portée à 1 719 places à la fin 2021. Elle sera de 2 099 en 2023 et de 2 203 places en 2025, soit une augmentation de près de 50 % par rapport à 2017.

Évolution des capacités de rétention en métropole

 

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution 2017-2021

Nombre de places en métropole

au 31 décembre

1 490

1 566

1 636

1 689

1 719

+ 229

Source : ministère de l’intérieur

Le choix a été fait, ensuite, comme le rapporteur pour avis a pu s’en rendre compte lors de son déplacement au CRA du Mesnil-Amelot, de concentrer l’effort d’éloignement sur les étrangers en situation irrégulière dont la présence sur le territoire constitue une menace pour l’ordre public. C’est aux préfets de département qu’il appartient d’identifier ces individus. Les risques de troubles à l’ordre public peuvent notamment résulter de la circonstance que l’individu a été impliqué dans des situations se rapportant aux infractions suivantes : violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique, atteintes aux personnes (violences, vols avec violences, extorsions, etc.), violences intrafamiliales, proxénétisme, infractions sexuelles (exhibition, agression, viol, viol en réunion ou sur mineur, etc.), infractions en lien avec les stupéfiants, atteintes aux biens réitérées ou avec violences (vols, destructions, escroquerie, recel). Au 5 octobre 2022, 83 % des places disponibles en CRA étaient occupées par des individus correspondant à ce profil.

Le projet de loi relatif au droit des étrangers, annoncé par le Gouvernement pour le début de l’année 2023, devrait fournir l’occasion, entre autres choses, de renforcer l’effectivité des décisions d’éloignement, par le biais notamment d’une simplification du contentieux ([12]).

C.   Le pacte européen pour l’asile et la migration

Depuis le « paquet asile » de 2016, complété par le pacte sur la migration et l’asile du 23 septembre 2020, seul le règlement relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA) a été adopté, le 15 décembre 2021. Au 1er janvier 2022, sept règlements et deux directives étaient toujours en discussion. Afin de créer une nouvelle dynamique de négociation, la présidence française de l’Union européenne a proposé une approche « graduelle » visant à obtenir des avancées par étapes, en assurant à chaque stade un équilibre entre les enjeux de sécurisation des frontières extérieures de l’Union, de coopération avec les pays d’origine et de transit (en matière de retour notamment) et enfin de solidarité intra-européenne.

Après la validation de cette nouvelle méthode par le Conseil en février 2022, des résultats concrets ont pu être obtenus avec l’adoption de mandats de négociation sur les règlements Eurodac III et Filtrage, qui contribueront à un renforcement des contrôles aux frontières extérieures et, au sein de l’espace Schengen, à rendre interopérables les différents systèmes d’information européens et à effectuer un suivi plus précis du parcours des demandeurs d’asile au sein de l’Union. Par ailleurs, un mécanisme de solidarité volontaire a été instauré et prévoit la mise en œuvre de plus de 8 000 relocalisations sur une année, ainsi que des contributions financières et matérielles en faveur de l’Espagne, de l’Italie, de Malte, de la Grèce et de Chypre.

La présidence tchèque du Conseil s’est engagée à poursuivre les travaux sur l’approche graduelle. Afin d’obtenir l’ouverture des trilogues avec le Parlement européen sur les règlements Eurodac III et Filtrage, elle a proposé de rouvrir les discussions sur les règlements Qualification et Réinstallation, qui n’ont pas repris depuis 2019. Le règlement Qualification permettra d’harmoniser davantage les conditions d’octroi et de retrait de la protection internationale. Quant au règlement Réinstallation, il vise à créer un cadre européen de discussions sur les engagements de l’Union en matière de réinstallation et à uniformiser les critères et les procédures en la matière.

La mise en place du mécanisme de solidarité volontaire a permis de relancer les discussions politiques sur le règlement Gestion de l’asile et de la migration. La présidence tchèque a ainsi proposé plusieurs pistes en vue d’atteindre un compromis sur le volet solidarité de ce règlement. Ce texte, clef de voûte du pacte et élément essentiel de la lutte contre les mouvements secondaires, renforce les critères et les mécanismes de détermination de l’État responsable de la demande d’asile. Il crée aussi des mécanismes de solidarité pérennes et obligatoires, ainsi qu’un cadre européen commun pour la gestion de l’asile et de la migration. La directive Accueil, en limitant l’octroi des conditions matérielles d’accueil dans le seul État membre responsable de la demande d’asile, permettra également de lutter contre les mouvements secondaires.

Enfin, le règlement Procédure demeure un texte essentiel pour la France, en ce qu’il vise à harmoniser les délais et les procédures de traitement des demandes de protection internationale et à instaurer des procédures d’asile et de retour à la frontière obligatoires pour certaines catégories de demandeurs.


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III.   l’accueil des déplacés ukrainiens en France

Le rapporteur pour avis a souhaité faire porter plus spécifiquement le volet thématique de son avis sur la question de l’accueil des déplacés ukrainiens en France. Notre pays, conformément à la directive du 20 juillet 2001, s’est efforcé de mettre en place un dispositif d’accueil adapté à la situation exceptionnelle que constituait l’arrivée soudaine de dizaines de milliers de personnes en besoin manifeste de protection. Le Conseil de défense et de sécurité nationale du 9 mars 2022 a adopté une « stratégie nationale d’accueil des déplacés d’Ukraine », reposant sur quatre piliers : l’hébergement et le logement, la scolarisation, l’accès aux soins et aux droits sociaux et l’accès au marché du travail. Cet accueil s’est effectué dans des conditions d’efficacité et de rapidité remarquables, grâce à la mobilisation de nombreux acteurs. Le rapporteur pour avis illustrera son propos par le cas des Alpes‑Maritimes, département dans lequel il est allé à la rencontre des familles ukrainiennes et des acteurs engagés dans leur accueil. Il faudra désormais tirer les leçons de ce succès pour anticiper la suite ([13]).

A.   La crise ukrainienne et la réaction européenne

1.   La mise en œuvre de la directive de 2001

Selon le Haut-commissariat de l’organisation des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 7,7 millions d’Ukrainiens ou de personnes résidant en Ukraine ont fui ce pays depuis le déclenchement du conflit, le 24 février 2022. Cette situation inédite depuis la Seconde guerre mondiale a conduit les États membres de l’Union européenne à décider, le 4 mars 2022, de mettre en œuvre le mécanisme de la protection temporaire prévu par la directive du 20 juillet 2001 ([14]). Ce dispositif avait été adopté à la fin des années 1990, à l’issue de la guerre de Yougoslavie, en vue de faire face à d’éventuelles arrivées massives de réfugiés. Il n’avait toutefois encore jamais été mis en œuvre. En 2015, face à l’afflux de plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées, en provenance notamment de Syrie, l’Union et ses États membres avaient écarté la protection temporaire, lui préférant un accord conclu avec la Turquie, chargée, en contrepartie d’une aide financière, de prendre en charge les migrants avant leur arrivée en Europe ([15]).

Le dispositif prévu par la directive de 2001 confère une protection d’une durée de trois ans maximum mais pouvant prendre fin plus tôt, sur décision du Conseil de l’Union européenne, si la crise qui l’a motivée cesse. Sur les plus de 7,7 millions d’Ukrainiens ayant fui leur pays, 4 384 302 ont déjà bénéficié de la protection temporaire ou d’une protection analogue dans les États membres ou dans les États associés ([16]).

2.   La répartition géographique en Europe

À ce jour, les principaux pays d’accueil des déplacés ukrainiens sont la Pologne (1 388 281, soit 32 %), l’Allemagne (1 001 867, soit 21 %), la République Tchèque (430 592, soit 10 %), l’Italie (161 201, soit 3,7 %) et l’Espagne (144 227, soit 3,4 %), la France n’arrivant qu’en sixième position (3,3 %). Cette dispersion s’explique notamment par des facteurs géographiques (les déplacés ukrainiens espérant pour une bonne part revenir dans leur pays et privilégiant donc des lieux proches de celui‑ci), des raisons linguistiques, un attrait général pour l’Allemagne, mais aussi l’existence en Espagne et en Italie de diasporas ukrainiennes (travaillant notamment dans le secteur touristique). Cette répartition spontanée a été rendue possible par la latitude de mouvement laissée aux déplacés ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire (couplée à la gratuité des transports).

S’agissant de la France, plus de 105 000 personnes déplacées d’Ukraine y sont arrivées depuis février 2022 ([17]). On a constaté, à la fin du mois d’août, une légère reprise des arrivées (notamment à la frontière italienne) et des délivrances d’autorisations provisoires de séjour. On a observé aussi des mouvements secondaires vers la France de déplacés ukrainiens en provenance d’autres pays de l’Union européenne (Espagne, Allemagne), mouvements qui semblent motivés par la qualité des conditions d’accueil offertes par notre pays.

Des retours de France vers l’Ukraine ont aussi été notés au cours de l’été. Il est difficile d’évaluer leur nombre car il n’existe pas d’obligation pour les intéressés d’informer les préfectures, ni de restituer leur titre de séjour. Il est au demeurant malaisé, dans le climat actuel d’incertitude, de connaître les intentions des déplacés ukrainiens en la matière même s’ils déclarent majoritairement vouloir rentrer chez eux dès que la situation le permettra.

B.   l’accueil en france

1.   Une concentration en Île-de-France et dans le Sud-Est

La répartition des déplacés d’Ukraine sur le territoire français s’est révélée très inégale. L’Île-de-France et la région Provence‑Alpes‑Côte d’Azur concentrent aujourd’hui encore 40 % de ces déplacés, en dépit des actions dites de « desserrement » conduites dès le printemps par la DGEF en vue de soulager ces régions. Ces actions de desserrement ont permis de relocaliser plus de 5 000 déplacés d’Île‑de‑France et environ 10 000 de Provence‑Alpes‑Côte d’Azur vers des régions « jumelées ». L’Île-de-France s’est ainsi appuyée sur la Bretagne, la Normandie, les Pays de la Loire, le Centre-Val de Loire et la région Grand Est. La région Provence‑Alpes‑Côte d’Azur, de son côté, est jumelée depuis l’été avec la Nouvelle Aquitaine, l’Occitanie, la région Auvergne-Rhône-Alpes et la Bourgogne-Franche-Comté.

2.   La réponse institutionnelle

Une cellule interministérielle de crise sur l’accueil des réfugiés ukrainiens, dirigée par le préfet Joseph Zimet, a été mise en place dès le début du mois de mars. Trois missions principales lui sont confiées. En premier lieu, elle exerce une fonction d’animation et de coordination interministérielle des acteurs de la gestion de crise (services centraux et déconcentrés de l’État, opérateurs publics, collectivités territoriales, associations de solidarité), afin de garantir la cohérence de leur action. En second lieu, elle synthétise les informations disponibles qui sont ensuite diffusées à l’ensemble des parties prenantes. Enfin, elle mène une action de veille et de prospective en vue d’alerter le Gouvernement sur les évolutions en cours (arrivées massives, départs, ruptures de capacités en matière d’hébergement, etc.).

La coordination ainsi assurée, dès le déclenchement de la crise, a produit des résultats remarquables. Des structures spécifiques d’accueil ont été mises en place dans les principales métropoles. De grandes plates‑formes, très sollicitées, ont vu le jour dans certains « hubs » régionaux (Strasbourg, Nice, Lyon) et à Paris, où un dispositif exceptionnel (le guichet unique « Escale Versailles ») a été mis en œuvre par la préfecture d’Île-de-France, en lien avec la préfecture de Police et avec l’OFII. Des collaborations étroites ont vu le jour avec certaines municipalités (Nice, Paris) et avec les opérateurs associatifs qui se sont engagés dans le premier accueil des déplacés. L’État a également noué un partenariat avec la Croix‑Rouge française, qui a permis de remettre plusieurs dizaines de milliers de chèques-services aux déplacés ukrainiens, en attendant l’activation de leurs droits à l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA). La Croix‑Rouge française a contribué à hauteur de six millions d’euros à l’opération sur ses fonds propres, l’État apportant un complément d’un million d’euros sur le budget du ministère des solidarités.

Des interfaces numériques ont par ailleurs été déployées afin de permettre, d’une part, aux déplacés de trouver une information générale en ukrainien sur l’installation en France et, d’autre part, aux citoyens français de se mobiliser (plateforme d’orientation et d’information « Pour l’Ukraine » conçue et animée par la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés). À ce sujet, il a été indiqué au rapporteur pour avis lors de ses auditions que les déplacés ukrainiens constituaient une population particulièrement « connectée ». Un livret d’accueil en France pour les déplacés d’Ukraine, régulièrement actualisé, a en outre été réalisé par le ministère de l’intérieur ; il a fait l’objet d’une large communication tant dans les services de l’État qu’au sein des collectivités territoriales.

3.   Le fondement juridique : l’autorisation provisoire de séjour

Les déplacés en provenance d’Ukraine se voient délivrer par les préfectures une autorisation provisoire de séjour (APS), d’une durée de six mois renouvelable. Le nombre d’autorisations provisoires de séjour ainsi délivrées par les préfectures depuis le mois de mars dernier atteint à ce jour 84 322. La France a fait le choix d’imposer un renouvellement du titre tous les six mois, ce que n’imposait pas la directive de 2001. Ce choix a parfois été critiqué en raison des lourdeurs qu’il entraîne, tant pour les déplacés ukrainiens que pour les services préfectoraux. Il permet toutefois d’actualiser la connaissance de la situation des bénéficiaires dans un contexte où leurs déplacements, tant au sein de l’Union européenne que parfois vers l’Ukraine, sont nombreux.

Les procédures de renouvellement de ces APS ont débuté au mois d’août. La cellule interministérielle de crise anticipe un taux élevé de renouvellement. Plus de 85 % des personnes qui se sont vu délivrer une autorisation provisoire de séjour entre le 1er mars et le 12 avril ont renouvelé leur titre (34 164 renouvellements pour 39 952 autorisations échues, soit un nombre de 5 788 titulaires seulement n’ayant pas renouvelé leur titre).

La délivrance de plus de 109 000 titres de séjour a fortement sollicité l’activité des préfectures. Cette charge supplémentaire d’activité a donné lieu à l’allocation de moyens humains complémentaires, dès le printemps 2022 (136 ETPT) pour absorber la charge d’activité liée aux primo-délivrances de titres, puis à l’été 2022 (32 ETPT) pour tenir compte des opérations de renouvellement de titres. La direction de la modernisation et de l'administration territoriale et la direction générale des étrangers en France ont travaillé conjointement pour répartir territorialement ces renforts en fonction des flux de publics accueillis dans les préfectures.

C.   Une prise en charge conforme à nos valeurs

1.   L’insertion par l’hébergement et le travail

a.   L’hébergement et le logement

Le choix a été fait de ne pas accueillir les déplacés ukrainiens au sein du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA), afin d’éviter tout effet d’éviction au détriment de ceux-ci, et eu égard au fait que, en tout état de cause, ce parc n’était pas assez vaste ([18]).

L’instruction interministérielle du 22 mars 2022 a donc identifié des dispositifs d’hébergement et de logement ad hoc ([19]). L’État a ainsi mis en place un dispositif d’accueil et d’accompagnement spécifiquement dédié aux déplacés ukrainiens. Ce parc d’hébergement collectif (centres de vacances, hôtels, etc.), financé en 2022 sur le programme budgétaire 303 Immigration et asile, dispose aujourd’hui d’approximativement 20 000 places ([20]). S’y ajoutent environ 13 000 places au sein de l’hébergement dit « citoyen ». Ces capacités d’accueil sont confiées à la gestion d’associations conventionnées par l’État sur la base d’un cahier des charges définissant les obligations à respecter.

En ce qui concerne l’hébergement collectif, les services de l’État se sont efforcés, comme cela a été dit plus haut, de mener des actions de « desserrement » afin de corriger en partie l’inégalité de répartition des déplacés ukrainiens sur le territoire. Les préfets ont reçu pour instruction, au mois de juillet, de notifier une fin de prise en charge de l’hébergement au-delà de deux refus de réorientation de leur part. Il n’existe pas, à ce stade, de chiffre consolidé des refus d’orientation. Le problème est cependant réel et se pose avec une certaine acuité dans certaines régions ou départements. Dans les faits, peu d’arrêtés de fin de prise en charge ont été signés par les membres du corps préfectoral ; qui privilégient généralement des solutions locales. Au demeurant, la priorité a été donnée à la prévention des refus via un travail de conviction des ménages ukrainiens sur l’intérêt d’un relogement dans les villes moyennes en présentant l’offre en matière d’emploi et de services, ainsi que les opportunités de scolarisation. Les autorités ukrainiennes en France (ambassade, réseau consulaire, consuls honoraires), ainsi que les associations ukrainiennes portant assistance aux Ukrainiens déplacés en France y ont été sensibilisées.

La répartition des déplacés par type d’hébergement ou de logement est suivie quotidiennement par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL). On estime aujourd’hui à 18 000 (18 %) le nombre de déplacés ayant accédé à un logement autonome, 16 000 (16 %) le nombre de déplacés hébergés dans des structures d’hébergement collectif à la charge du budget de l’État et 13 000 (13 %) le nombre de déplacés hébergés dans le cadre de l’hébergement citoyen conventionné. Près de 55 % des déplacés ukrainiens sont hébergés ou logés en dehors des dispositifs mis en œuvre ou suivis par l’État (en location, chez des amis, dans un hébergement citoyen non répertorié, etc.).

Un mécanisme de soutien aux familles accueillant des ménages ukrainiens, supervisé par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, est en cours de mise en œuvre. Il consiste dans le versement d’une aide de 150 euros par mois, avec un effet rétroactif au 1er avril 2022, aux familles accueillant des ménages ukrainiens dans le cadre de l’hébergement citoyen conventionné. Les ménages n’ayant pas conventionné avec l’État et une association pourront aussi solliciter ce soutien sous réserve d’obtenir une certification de la collectivité de rattachement de leur logement. Le ministère du logement anticipe un nombre total de familles bénéficiaires compris entre 5 000 et 12 000. Les crédits budgétaires correspondants pourraient être mis à disposition par le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, porté par la DIHAL, qui a bénéficié d’une couverture de crédits à hauteur de 100 millions d’euros, au titre de l’accueil des déplacés ukrainiens en France, par décret d’avance du 7 avril 2022.

Ajoutons que les dispositifs de droit commun en matière d’accès au logement (intermédiation locative ([21]), garantie VISAL ([22])) sont accessibles aux déplacés d’Ukraine. Ils sont mis en œuvre ou supervisés par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement. Les déplacés d’Ukraine, enfin, peuvent bénéficier de l'aide personnalisée au logement (APL).

b.   L’intégration professionnelle

Le statut de la protection temporaire autorise les déplacés ukrainiens à exercer une activité professionnelle, dès l’obtention de leur autorisation provisoire de séjour. Ils peuvent à ce titre bénéficier d’un accompagnement par le service public de l’emploi. Comme le montre le tableau ci-après, les secteurs qui ont le plus recruté de déplacés ukrainiens sont le tourisme, l’hôtellerie et la restauration ainsi que les services à la personne.

Les taux d’accès à l’emploi restent toutefois modestes à ce stade, en dépit du souhait généralement affiché par les déplacés ukrainiens de travailler. Au 14 septembre 2022, 10 900 bénéficiaires de la protection temporaire étaient inscrits à Pôle emploi, soit 12 % des Ukrainiens adultes disposant d’une autorisation provisoire de séjour (dont 2 033 inscrits en formation), et 10 000 bénéficiaires de la protection temporaire avaient accédé directement à l’emploi ([23]).

 

Répartition par secteur d’activité des déplacés ukrainiens travaillant en France

Hébergement et restauration

35 %

Activités de services administratifs et de soutien

11 %

Commerce, réparation d’automobiles et de motocycles

9 %

Construction

7 %

Agriculture, sylviculture et pêche

6 %

Hébergement médico-social et social, action sociale sans hébergement

4 %

Autres activités de services

3 %

Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac

3 %

Activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture, d’ingénierie, de contrôle et d’analyses techniques

3 %

Arts, spectacles et activités récréatives

3 %

Administration publique

2 %

Travail du bois, industries du papier et imprimerie

1 %

Transports et entreposage

1 %

Enseignement

1 %

Fabrication de textiles, industries de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure

1 %

Autres

8 %

Source : ministère de l’intérieur

2.   L’accès aux droits sociaux

a.   La santé

Plus de 100 000 déplacés ukrainiens ont aujourd’hui accès à une couverture maladie (protection universelle maladie, PUMA), grâce à l’effort majeur d’affiliation réalisé par la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). En outre, le Gouvernement a souhaité ouvrir les prestations dites « d’entretien » aux déplacés bénéficiant d’une autorisation provisoire de séjour ([24]). Ces prestations, qui atteignent près de 400 euros mensuels en moyenne, sont versées par les caisses d’allocations familiales (CAF).

Certains services médicaux de l’OFII ont mis en place des rendez-vous de santé pour les déplacés ukrainiens, destinés en priorité au dépistage des maladies infectieuses (le risque de tuberculose n’est pas négligeable en Ukraine) et des troubles de la santé mentale. Tel a été le cas notamment à Nice et à Montrouge. Signalons aussi que les établissements hospitaliers français accueillent aujourd’hui, en particulier, un certain nombre d’enfants et d’adolescents ukrainiens.

b.   L’allocation pour demandeurs d’asile

Les déplacés d’Ukraine bénéficient, dès la délivrance de leur autorisation provisoire de séjour, de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) versée par l’OFII. Son montant est de 14,20 euros par adulte à taux plein, avec une majoration de 7,40 euros pour l’hébergement, soit 426 euros par mois, auxquels s’ajoutent 3,40 euros par personne supplémentaire rattachée au foyer. Près de 162 millions d’euros ont été versés par l’OFII entre le mois de mars et le 30 août 2022 aux 102 000 déplacés ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire.

c.   La scolarisation des enfants

Les autorités françaises ont tenu le pari d’une intégration rapide des enfants ukrainiens dans le système éducatif français, avec un accès aux classes maternelles dès trois ans, la gratuité de la scolarisation, un soutien linguistique et la possibilité de suivre parallèlement le cursus ukrainien. 17 700 enfants étaient inscrits dans des établissements du premier et du second degré au 6 septembre 2022.

d.   Une attention portée aux plus fragiles

Une attention particulière a été apportée aux publics les plus fragiles ou vulnérables parmi les déplacés, parmi lesquels on compte 77 % des femmes (la grande majorité des hommes ayant été retenue par la conscription en Ukraine). Par ailleurs, le cadre juridique pour l’accueil des mineurs non accompagnés, dont le nombre est au demeurant resté faible (moins d’une centaine de cas), a été précisé dès les premiers jours de la crise, en lien avec les départements et l’autorité judiciaire.

Les services de l’État ont également été en alerte dès les premières semaines sur les risques liés aux réseaux criminels (réseaux de passeurs, traite des êtres humains, prostitution, etc.), conformément à la nouvelle stratégie 2021-2025 de l’Union européenne visant à lutter contre la traite des êtres humains ([25]). Les différents risques d’exploitation des personnes déplacées ne sont pas illusoires en l’espèce, comme en témoigne l’ouverture d’enquêtes dans plusieurs États membres pour des faits de traite des êtres humains ([26]). On sait malheureusement que le fléau de la traite touche particulièrement l’Ukraine, à la fois comme pays de source, de transit et de destination ([27]), et que la demande européenne de prostitution vise particulièrement sur internet les femmes ukrainiennes ([28]). Afin de prévenir ces risques, un webinaire destiné aux professionnels associatifs qui œuvrent pour le logement des déplacés ukrainiens a été organisé le 1er juillet 2022. Organisé conjointement par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, la direction générale des étrangers en France et la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), ce webinaire a réuni près de 150 participants. Il a été coanimé avec la représentation en France du HCR et trois associations spécialisées sur les questions de traite : l’Amicale du Nid (qui lutte contre l’exploitation sexuelle), le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM, qui combat toutes les formes de traite à des fins d’exploitation par le travail) et ECPAT France ([29]) (qui combat l’exploitation sexuelle des enfants) ([30]).

 

Le cas des Alpes-Maritimes

Les afflux massifs de déplacés ukrainiens ont été ressentis dans les Alpes-Maritimes dès le 3 mars 2022. Les arrivées se sont faites essentiellement par voie terrestre, avec des voitures et des bus ayant transité par l’Italie. Face au flux grandissant et à la demande du préfet, la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) a mis en place, le 16 mars, à Nice un lieu dénommé le « hub » permettant aux déplacés ukrainiens d’avoir accès à de premiers soins médicaux (dont du soutien psychologique), à de la nourriture, à un lit ainsi qu’à des sanitaires.

Un deuxième « hub » a été créé à Antibes pour héberger les Ukrainiens voyageant en autocar à destination de l’Espagne, pendant la pause réglementaire (d’une dizaine d’heures) de leurs conducteurs. Entre mars et début juillet 2022, les passagers de plus de trente autocars ont ainsi été accueillis à Antibes.

Dans un second temps, ce sont les communes qui ont effectué une répartition des déplacés ukrainiens, en s’appuyant sur un réseau d’hébergeurs citoyens.

Au mois de juin, un dispositif d’hébergement plus pérenne, supervisé par l’État, a été créé. Il comporte notamment un accueil sur le site d’un village de vacances Belambra (« Les Jasmins »), d’une capacité de 409 lits, dans la commune de Grasse, pour les familles ukrainiennes nécessitant un accompagnement à l’insertion.

Du côté des acteurs associatifs, l’association AFUCA (Amitié France Ukraine Côte d’Azur) s’est fixée pour objectif d’informer la communauté ukrainienne sur les dispositifs proposés par l’État, de valoriser les retours positifs d’expériences de familles ayant accepté d’être réorientées vers d’autres régions et de mettre en garde contre les fausses informations circulant sur internet. La Fondation de Nice, pour sa part, a permis le recrutement d’une quinzaine de déplacés ukrainiens par une enseigne de la grande distribution.

La direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités travaille actuellement sur le repérage des métiers en tension n’exigeant pas une maîtrise particulière de la langue française (par exemple le nettoyage dans les grands hôtels).

1 303 élèves ukrainiens sont également accueillis dans les établissements scolaires des Alpes-Maritimes. Les collégiens ukrainiens ont bénéficié de la cantine gratuite sur l’année scolaire 2021‑2022 et, pour l’année en cours, du ticket à un euro. Certains élèves bénéficient du dispositif UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones nouvellement arrivés) visant à faciliter l’apprentissage du français par des élèves primo-arrivants en France.

Au 26 septembre 2022, 8 190 déplacés ukrainiens étaient officiellement recensés dans les Alpes‑Maritimes (2 386 familles et 1 171 personnes seules).

 

D.   Les perspectives pour les mois à venir

1.   Vers des solutions pérennes pour les déplacés ukrainiens

Compte tenu de la persistance et même de l’aggravation du conflit à l’approche de l’hiver ([31]), il appartient aux responsables publics tout d’abord de préparer notre pays aux nouvelles arrivées que l’actualité laisse augurer. Outre les conséquences des opérations militaires, il convient de tenir compte du possible développement de flux secondaires significatifs, notamment depuis l’Allemagne et la Pologne, qui seraient encouragés par la constitution de ce qui est désormais devenu une véritable diaspora ukrainienne en France. Pour les prochains mois, c’est un accroissement de la population des déplacés qui est attendu, avec des arrivées sur notre sol estimées entre 2 500 à 4 000 par mois au minimum, ce qui conduirait à une population de déplacés ukrainiens de plus de 130 000 personnes vers le milieu de l’année 2023.

Il importe en outre de réfléchir aux conséquences d’une présence désormais durable de cette population. Plus la présence d’un déplacé se prolonge, et moins son retour dans son pays d’origine est probable. L’insertion des enfants dans la société française, en particulier, constitue un facteur d’établissement de long terme sur notre territoire. Les autorités ukrainiennes rencontrées par le rapporteur pour avis à Kiev, si elles sont favorables sur le principe à un retour des déplacés en Ukraine, ne le souhaitent pas dans l’immédiat, en raison de la pénurie de logements sur place, du chômage de masse, ainsi que des tensions sur les réseaux de fourniture d’eau et d’électricité et, par conséquent, des risques humanitaires pour la population. Elles ont insisté sur la nécessité de rassurer les Ukrainiens sur la possibilité pour eux de rester plus longtemps en France, possibilité dont ceux‑ci semblent parfois douter ; le travail d’information sur ce point doit, semble-t-il, être amplifié. Rappelons que, aux termes de l’article 4 de la directive du 20 juillet 2001, la durée maximale de la protection temporaire est de trois ans (un an, renouvelable deux fois par périodes de six mois, puis, une dernière fois, sous certaines conditions, pour un an). Si nécessaire, d’autres types de protection internationale pourraient ensuite prendre le relais. Ce sera, là aussi, un sujet à anticiper.

Proposition n° 1 : Rassurer les Ukrainiens sur la possibilité pour eux de demeurer en France.

Si la France a su gérer les premiers mois de la crise, marqués par l’urgence, elle doit désormais adapter son dispositif à de nouveaux enjeux qui portent sur le logement de moyenne ou de longue durée, l’insertion sur le marché du travail, la maîtrise de la langue française, etc. À cet égard, la poursuite du travail interministériel (cellule interministérielle de crise), d’une part, et de la concertation avec l’ensemble des parties prenantes (collectivités territoriales, entreprises et associations de solidarité), d’autre part, s’avère indispensable.

Proposition  2 : Adapter les dispositifs d’accueil et d’accompagnement des déplacés ukrainiens à la prolongation et au durcissement du conflit en Ukraine.

L’hébergement citoyen, en particulier, commence à s’essouffler. Un certain nombre de familles françaises ayant accueilli des déplacés ukrainiens commencent à ressentir le poids non seulement matériel (malgré l’aide financière mise en place), mais aussi psychologique, de cet accueil. L’État doit se donner les moyens de prendre, lorsque c’est nécessaire, le relais de l’hébergement citoyen.

Proposition n° 3 : Assurer le relais par l’État de l’hébergement citoyen.

Par ailleurs, il ressort tant des auditions menées par le rapporteur pour avis que de ses rencontres dans les Alpes‑Maritimes avec des déplacés ukrainiens que la barrière de la langue est encore pour eux un obstacle quotidien. Il semble que les formations linguistiques proposées n’aient été que faiblement suivies pour l’instant, peut-être parce que les déplacés, ayant espéré un retour rapide en Ukraine, n’ont pas souhaité s’investir dans un apprentissage ardu.

Proposition n° 4 : Relever le défi d’un meilleur apprentissage du français par les déplacés ukrainiens.

Notons cependant que l’observation précédente ne vaut que pour les adultes, les enfants ukrainiens apprenant pour leur part rapidement le français, comme le rapporteur pour avis a pu s’en rendre compte en s’entretenant avec un certain nombre d’entre eux.

Pour les déplacés ukrainiens qui souhaitent, malgré la dégradation de la situation, revenir en Ukraine, notamment pour des raisons familiales, il est important de définir, en lien avec les autorités ukrainiennes, des stratégies et des modalités afin d’assurer ce retour dans les meilleures conditions possibles, à la fois matérielles et de sécurité. Mieux, il importe, là encore, d’anticiper, afin que la fin espérée du conflit, même si elle paraît aujourd’hui lointaine, ne nous prenne pas au dépourvu, et que le départ des déplacés ne se fasse pas alors dans des conditions chaotiques.

Proposition n° 5 : Contribuer, en lien avec les autorités ukrainiennes, à assurer le retour dans les meilleures conditions possibles des déplacés qui le souhaitent, et anticiper, pour ne pas être pris au dépourvu, leur retour plus massif à l’issue du conflit.

2.   Une source d’inspiration pour gérer d’autres crises

La crise de l’accueil des déplacés d’Ukraine est riche d’enseignements qui pourraient faire l’objet d’un travail de capitalisation et d’évaluation dans la perspective de crises futures. Ce retour d’expérience permettra de tirer les leçons des mois passés et d’élaborer, sur le modèle des planifications de sécurité civile, un plan susceptible d’être mis en œuvre rapidement en cas de nouvel événement de ce type.

L’un des enseignements à tirer, en particulier, tient à la réussite de l’hébergement citoyen. Selon le préfet Joseph Zimet, celui‑ci représente, pour la partie conventionnée suivie par les pouvoirs publics, près de 15 % du dispositif d’hébergement et, si l’on ajoute l’hébergement « spontané » (non répertorié officiellement), probablement environ 30 % des solutions d’hébergement. Rappelons que, dans le cadre des couloirs humanitaires ouverts en 2017 par la France au Liban au profit de Syriens et d’Irakiens en besoin de protection ([32]), une forme d’hébergement citoyen avait déjà été expérimentée. Elle avait eu un résultat jugé positif, grâce à la longue expérience des associations impliquées et à leurs moyens financiers, mais était restée marginale.

Ce type d’hébergement citoyen ne peut sans doute pas être pérennisé pour accueillir de manière habituelle d’autres réfugiés ou demandeurs d’asile. C’est en effet à l’État qu’il revient d’assumer d’abord cette responsabilité. En outre, le recours systématique à l’hébergement citoyen nous exposerait au risque de voir naître des phénomènes de « concurrence » entre publics, voire de discriminations. L’on pourrait toutefois y recourir, ponctuellement et si nécessaire, pour répondre à une crise, en profitant de l’expérience acquise au cours des derniers mois. Le rapporteur pour avis recommande donc de se ménager cette possibilité en élaborant d’ores et déjà un plan normé couvrant tous les aspects administratifs, sociaux et d’hébergement. Un soin particulier devra être apporté aux moyens de traduction, à la création de centres regroupant des places d’hébergement temporaire et des services publics (OFII, caisse d’assurance maladie, etc.), ainsi qu’à la nécessité de mettre en œuvre le plus tôt possible des orientations en dehors des métropoles.

Proposition n° 6 : Prévoir un cadre permettant de recourir ponctuellement à l’hébergement citoyen pour faire face à d’autres crises entraînant un afflux massif de réfugiés ou de déplacés.

 


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   CONCLUSION

La France s’est montrée à la hauteur de son histoire dans l’accueil qu’elle a réservé aux déplacés ukrainiens contraints de fuir leur pays. Dans le prolongement de la décision prise par les États européens de leur accorder le bénéfice de la protection temporaire, les autorités ont très vite organisé pour eux une prise en charge efficace sur le plan de l’hébergement, de la santé, de l’emploi ou encore de l’éducation. Le rapporteur pour avis tient à saluer toutes les personnes dans l’administration, les collectivités territoriales et les associations qui n’ont ménagé ni leur temps, ni leurs efforts pour assurer ce succès. De précieuses expériences ont été ici engrangées, qui pourront, le cas échéant, être réutilisées.

Il convient aussi de se féliciter que le déploiement d’un dispositif spécifique pour les Ukrainiens ait permis de préserver le fonctionnement du système d’asile de droit commun, dont les délais de procédure, en dépit d’une demande d’asile croissante, ont continué de diminuer en 2022, et dont le parc d’hébergement d’urgence généraliste n’a pas été sursaturé.

Si les crédits de la mission Asile, immigration et intégration pour 2023 ne portent pas directement sur l’accueil des déplacés ukrainiens, compte tenu des très fortes incertitudes qui entourent leur nombre et la durée de leur présence en France, ils financent néanmoins une architecture globale, dédiée à l’entrée et au séjour des ressortissants étrangers, qui a été et qui restera mise à contribution pour eux comme pour les autres.

Le budget présenté pour l’asile, l’immigration et l’intégration est un budget équilibré. Si, en masse, il finance essentiellement le dispositif d’asile, tant pour l’hébergement des demandeurs de protection que pour leur allocation, il est aussi orienté, de façon dynamique, vers le renforcement de l’intégration des étrangers en situation régulière. Il assure en même temps la poursuite du financement des projets engagés depuis plusieurs années et qui tendent à augmenter les capacités tant du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés que du parc de rétention. Pour ces raisons, le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères recommande d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission budgétaire Immigration, asile et intégration.


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   Liste des propositions

 

Proposition n° 1 : Rassurer les Ukrainiens sur la possibilité pour eux de demeurer en France.

Proposition n° 2 : Adapter les dispositifs d’accueil et d’accompagnement des déplacés ukrainiens à la prolongation et au durcissement du conflit en Ukraine.

Proposition n° 3 : Assurer le relais par l’État de l’hébergement citoyen.

Proposition n° 4 : Relever le défi d’un meilleur apprentissage du français par les déplacés ukrainiens.

Proposition n° 5 : Contribuer, en lien avec les autorités ukrainiennes, à assurer le retour dans les meilleures conditions possibles des déplacés qui le souhaitent, et anticiper, pour ne pas être pris au dépourvu, leur retour plus massif à l’issue du conflit.

Proposition n° 6 : Prévoir un cadre permettant de recourir ponctuellement à l’hébergement citoyen pour faire face à d’autres crises entraînant un afflux massif de réfugiés ou de déplacés.


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  CONTRIBUTION PRÉSENTÉE AU NOM DU GROUPE
LIBERTÉS, INDÉPENDANTS, OUTRE-MER ET TERRITOIRES

 

Le groupe LIOT, dont est membre Madame la députée Estelle Youssouffa, salue le travail du rapporteur mais souhaite apporter un complément précisant la situation de Mayotte, qui, avec la Guyane, est le territoire le plus affecté par la situation migratoire dans notre pays.

Madame la députée prend bonne note de l’extraordinaire effort fourni par l’Hexagone avec succès pour recevoir l’immigration ukrainienne.

Il est d’autant plus admirable que ce même pays, qui s’organise en un temps record pour faire face à un tel afflux, se révèle sur le territoire de Mayotte totalement incapable et impuissant de déployer des efforts semblables pour une situation à peu près comparable.

En effet, les valeurs de solidarité et de générosité dont l’Hexagone a fait preuve envers les Ukrainiens apparaissent à géographie variable pour les Mahorais.

Mayotte attend toujours que l’Hexagone l’aide à faire face au tsunami migratoire (le mot n’est pas trop fort) qui déstabilise profondément notre île depuis plusieurs années.

Notre même administration française, qui déploie des trésors d’ingénierie et de savoir-faire pour répartir les migrants ukrainiens, les accueillir dignement et veiller à l’équilibre de chaque territoire, se dit absolument incapable de faire face à une situation comparable sur cette île, pourtant petite de 374 km2, incapable de mobiliser le reste du pays pour soulager Mayotte, département le plus pauvre de France.

Pour rappel, en 2017, la population officielle de Mayotte était de 256 500 habitants, dont 48 % sont d’origine étrangère et pour 95 % d’entre eux d’origine comorienne. La proportion de population en situation irrégulière est telle qu’on estime à plus de 450 000 les personnes qui vivraient en réalité sur notre île. Les premières personnes impactées par cet afflux migratoire sont les Français de Mayotte, qui ne peuvent plus accéder aux maigres services de l’État présents dans notre département et saturés par les nouveaux arrivants.

Ainsi, Mayotte est un désert médical avec un seul et unique centre hospitalier. Cet hôpital de Mamoudzou est aujourd’hui la plus grande maternité européenne : plus de 10 000 naissances en 2021, dont 80 % de mères comoriennes. La quasi-intégralité des services de l’hôpital sont consacrés aux naissances et les autres spécialités médicales sont embryonnaires sinon absentes. Pour se soigner, un Français malade à Mayotte est évacué à La Réunion ou en France hexagonale, à des milliers de kilomètres des siens. La souffrance s’ajoute à la maladie mais aussi l’injustice puisque les étrangers sont prioritaires : seules 12 % des évacuations sanitaires effectuées concernent des ressortissants français. Les Mahorais sont exclus des maigres services publics présents sur leur territoire et pour lesquels ils contribuent. Les contribuables et assurés mahorais sont priés d’organiser à leurs frais leurs soins et leurs déplacements médicaux.

Impossible de ne pas faire le lien entre délinquance, criminalité et immigration clandestine quand le ministre de la justice Dupond-Moretti annonce que 80 % des détenus à Mayotte sont des étrangers. Les services de police et de gendarmerie font état de proportions d’étrangers en situation irrégulière plus importantes encore quand il s’agit des interpellations sur notre territoire, qui connaît une violence ahurissante. Mayotte est devenue une prison à ciel ouvert pour les ressortissants français qui s’enferment chez eux, subissent barrages et caillassages sur la route, cambriolages sanglants et répétés, agressions gratuites en pleine rue ou à la plage. Cette violence gangrène l’économie locale, dissuade enseignants, soignants et autres fonctionnaires qui pourraient venir en mission à Mayotte ; elle pousse des milliers de Mahorais à quitter leur île natale, transforme les écoles et collèges en champs de bataille, où 80 % des inscrits sont des ressortissants comoriens. Violence sur les personnes avec arme blanche, incendies volontaires de constructions sauvages, agression des forces de l’ordre et des secours : des bandes de jeunes ultra-violentes s’affrontent à coup de machette, lancent des expéditions punitives entre Comoriens et organisent des barrages routiers pour agresser.

Cette population étrangère s’installe illégalement en bidonvilles qui continuent de croître : ces terrains publics et privés occupés constituent d’immenses zones de non-droit dans lesquelles les forces de l’ordre ne rentrent plus. Ces bidonvilles sont des catastrophes sanitaires et écologiques, le paradis de tous les trafics et l’angle mort de la République.

Autant dire, en un mot comme en un seul, et ce sont ceux du Gouvernement : l’immigration clandestine est le premier problème de Mayotte. Le choix de la majorité de ne pas faire mention de notre département dans ce rapport pourrait apparaître comme le souhait d’invisibiliser le département de Mayotte et de cacher l’échec colossal des gouvernements successifs quant à la protection des frontières nationales et la gestion du flux migratoire à Mayotte.

Madame la députée attend avec impatience les résultats des travaux du ministre de l’intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin, qui prend la situation au sérieux, et espère que celles et ceux qui défendent avec ardeur les migrants ukrainiens et l’accueil à la française sauront faire preuve de la même générosité pour aider Mayotte à faire face à la crise migratoire qui la submerge. Mayotte sera à leurs côtés pour aider la République à avancer.

Par cette contribution, madame la députée souhaite également alerter la représentation nationale : Mayotte n’est pas un cas isolé sans conséquence mais bien un territoire malheureusement à l’avant-garde d’une situation qui pourrait s’étendre. Le changement climatique à l’œuvre provoque déjà des déplacements de populations massifs et les migrations à venir seront amplifiées par les conflits liés à la rareté de l’accès à l’eau, à la montée des eaux, à la faim, à la disparition des écosystèmes et aux instabilités politiques. Ce que vit Mayotte, la bascule qui nous déstabilise, doit être prise comme un signal d’alarme pour tout notre pays.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 26 octobre 2022, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les moyens de la mission Immigration, asile et intégration sont portés par le PLF pour 2023 à un peu plus de 2 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 5,3 %.

Cette enveloppe finance, entre autres, les actions de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour gérer les flux migratoires, intégrer les étrangers en situation régulière, notamment les réfugiés, mais aussi accueillir et examiner les demandes d’asile.

Notre rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à l’accueil des déplacés ukrainiens en France depuis le 24 février.

M. Nicolas Metzdorf, rapporteur pour avis. La mission Immigration, asile et intégration est composée de deux programmes : le programme 303 Immigration et asile et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française. Les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes augmentent de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 et atteindront un peu plus de 2 milliards d’euros. Les autorisations d’engagement augmentent, quant à elles, plus fortement, de plus de 34 %.

Le programme 303 regroupe l’essentiel des crédits de la mission. Il porte en particulier sur les moyens relatifs à l’entrée, au séjour et au travail des étrangers, à l’exercice du droit d’asile et à l’éloignement des personnes en situation irrégulière. C’est ce programme qui finance notamment l’hébergement et le versement d’une allocation aux demandeurs d’asile. Dans le projet de loi de finances pour 2023, les crédits de paiement du programme 303 sont quasiment stables, à l’exception de ceux qui concernent la lutte contre l’immigration irrégulière. Ces derniers augmentent de plus de 17 %, en vue de financer, notamment, la poursuite du plan d’ouverture de places en centres de rétention administrative (CRA). En 2023, la capacité de ces centres sera ainsi portée à 1 961 places en métropole, avec la livraison du CRA d’Olivet et l’extension du CRA de Perpignan. Les capacités n’étaient que de 1 490 places en 2017.

Je rappelle que le Gouvernement a décidé de destiner prioritairement la rétention administrative aux étrangers en situation irrégulière qui causent des troubles à l’ordre public. Pour les autres, l’assignation à résidence doit être privilégiée, dans un premier temps, avant de recourir à la rétention administrative si nécessaire. Ces principes ont été clairement posés dans une circulaire du 3 août 2022 et j’ai pu en observer la mise en œuvre lors de ma visite, il y a quelques semaines, du centre de rétention du Mesnil-Amelot. L’accent a donc été mis sur la fermeté à l’égard des étrangers délinquants.

Les autorisations d’engagement du programme 303 augmentent très nettement, de près de 37 %, pour atteindre un peu plus de 2,1 milliards d’euros. Cela s’explique par le renouvellement, pour trois ans, des conventions pluriannuelles de l’hébergement d’urgence.

On ne peut que saluer l’effort fourni depuis 2017 pour créer des places d’hébergement, tant pour les demandeurs d’asile que pour les réfugiés en situation de vulnérabilité. On est ainsi passé d’environ 80 000 places en 2017 à près de 120 000 en 2022. En 2023, 4 900 places supplémentaires seront créées pour les demandeurs d’asile, dont 900 places en hébergement d’urgence.

Le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, qui finance la politique d’accueil et d’intégration des étrangers primo-arrivants, a un poids moindre au sein de la mission : il ne représente qu’un quart de ses crédits. Il est, cette année, orienté très dynamiquement puisque son budget augmente de 24 %, aussi bien en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, pour atteindre 543 millions d’euros. Le choix a donc été clairement fait, dans le projet de loi de finances pour 2023, de mettre l’accent sur l’intégration des étrangers qui séjournent de façon légale sur notre territoire.

Les crédits du programme 104 financeront en particulier la poursuite du déploiement du projet dénommé Agir, qui est destiné à accompagner dans leur insertion les personnes ayant obtenu le statut de réfugié. Ce dispositif prévoit la mise en place, dans chaque département, d’un guichet unique pour aider les réfugiés rencontrant des difficultés particulières à accéder à l’emploi ou au logement.

Je dirai à présent quelques mots des grandes tendances que l’on peut observer en matière migratoire. On assiste tout d’abord à une reprise des demandes d’asile après le ralentissement consécutif à la crise sanitaire. On s’achemine ainsi vers les 125 000 demandes d’asile en France en 2022, tandis que le pic historique de 2019, avec 132 000 demandes d’asile, devrait être dépassé en 2023. Il faudra être particulièrement attentifs aux différentes tensions géopolitiques en cours au Sahel, en Tunisie, au Liban ou encore en Europe de l’Est, qui pourraient renforcer les flux attendus.

Concernant les traversées de la Manche, la situation demeure préoccupante. Sur les huit premiers mois de 2022, 44 240 migrants ont été impliqués dans une traversée ou une tentative de traversée, soit une augmentation de 93 % par rapport à la même période de 2021. L’action des autorités françaises a permis de mettre en échec 57 % des tentatives en 2021, contre seulement 28 % en 2018. Depuis le début de l’année 2022, des opérations quasi-quotidiennes ont permis de mettre à l’abri un grand nombre de personnes campant sur les sites de Calais et de Grande-Synthe.

Le pacte européen sur la migration et l’asile, présenté par la Commission européenne le 23 septembre 2020, devrait aboutir à un nouveau règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, qui vise à refondre le règlement Dublin III de 2013. Il s’agit de trouver un équilibre entre la responsabilité de l’État de première entrée – souvent la Grèce ou l’Italie – et la solidarité que doivent lui manifester, par des mesures de relocalisation ou de soutien, les autres États membres. De vraies avancées ont été obtenues pendant la présidence française de l’Union européenne, les États membres s’étant mis d’accord sur une mise en œuvre graduelle du pacte, ainsi que sur un mécanisme volontaire et temporaire de relocalisation des demandeurs d’asile.

J’en viens à présent à la question de l’accueil des réfugiés ukrainiens. Plus de 7,7 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays depuis le déclenchement du conflit, le 24 février 2022. Cette situation inédite depuis la seconde guerre mondiale a conduit les États membres de l’Union européenne à décider, le 4 mars 2022, l’activation du mécanisme de la protection temporaire, prévu par la directive du 20 juillet 2001. Ce dispositif avait été adopté à la fin des années 1990, à l’issue de la guerre de Yougoslavie, et visait à faire face à d’éventuelles arrivées massives de réfugiés. La protection temporaire permet d’accorder un statut protecteur similaire à celui des réfugiés pour une durée maximum de trois ans, sans avoir à examiner les situations individuelles.

Il ressort des auditions que j’ai menées et de mes déplacements que la France a mis en place, dans des délais très brefs, un accueil particulièrement efficace et digne, dont nous pouvons légitimement être très fiers. Nous accueillons à ce jour plus de 105 000 déplacés ukrainiens titulaires d’une autorisation provisoire de séjour. Ils perçoivent l’allocation pour demandeur d’asile, ont accès à une couverture maladie et ont le droit d’exercer une activité professionnelle, ce qui est le cas de 12 % des adultes. Près de 20 000 enfants ukrainiens sont scolarisés. S’agissant de l’hébergement, les solutions sont diverses : une moitié des déplacés ukrainiens ont trouvé des solutions par eux-mêmes, l’autre moitié se répartissant entre des structures d’hébergement collectif proposées par l’État et un hébergement citoyen conventionné. Il faut saluer l’engagement d’un grand nombre de nos compatriotes, qui se sont mobilisés avec générosité pour offrir un accueil. Enfin, une attention particulière a été portée aux femmes, qui représentent 77 % des déplacés, et aux enfants pour éviter tout risque de traite et d’exploitation. La France s’est donc montrée à la hauteur de son histoire dans l’accueil remarquable qu’elle a réservé aux Ukrainiens contraints de fuir leur pays.

Les enjeux qui se profilent sont de trois ordres. Tout d’abord, il faut anticiper de nouvelles arrivées, qui pourraient être plus substantielles que prévu avec la dégradation de la situation en Ukraine. Il convient ensuite de tirer les conséquences de la poursuite à moyen terme de la présence des déplacés ukrainiens sur notre sol, ce qui implique que l’État prenne le relais de l’hébergement citoyen, que les déplacés ukrainiens soient davantage accompagnés vers l’emploi et qu’ils s’investissent plus dans l’apprentissage du français. Enfin, l’expérience engrangée au cours de ces derniers mois ne doit pas rester inemployée. Des leçons doivent être tirées pour le cas où une autre crise et un autre afflux de déplacés se produiraient.

Je conclurai cette présentation en vous invitant à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Il s’agit d’un budget équilibré, reposant sur une augmentation non négligeable des crédits de paiement et une augmentation notable des autorisations d’engagement et axé sur le financement de priorités claires : l’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, la mise à niveau du parc de rétention et le renforcement de l’intégration des ressortissants étrangers qui séjournent de manière régulière dans notre pays.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Avant d’en venir aux représentants des groupes, nous allons entendre la contribution écrite du groupe LIOT sur cette mission budgétaire. Je rappelle en effet que les groupes politiques qui n’ont pas pu désigner cette année de rapporteur pour avis se sont vu reconnaître par le bureau de la commission la possibilité de présenter une contribution annexée au rapport pour avis de leur choix et, s’ils le souhaitent, d’exprimer cette contribution oralement.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous saluons le travail du rapporteur mais avons souhaité apporter un complément à ce travail qui omet de mentionner Mayotte, alors que c’est, avec la Guyane, le territoire le plus affecté par la question migratoire dans notre pays.

Nous prenons bonne note de l’extraordinaire effort fourni par l’hexagone pour recevoir l’immigration ukrainienne. Nous sommes d’autant plus admiratifs que ce même pays, qui s’organise en un temps record pour faire face à un tel afflux, se révèle totalement incapable de déployer des efforts semblables à Mayotte pour une situation à peu près comparable. La solidarité et la générosité dont l’hexagone a fait preuve envers les Ukrainiens nous apparaissent à nous, Mahorais, à géographie variable, alors qu’un tsunami migratoire déstabilise profondément notre île depuis plusieurs années. La même administration qui déploie des trésors d’ingénierie et de savoir-faire pour répartir les migrants, les accueillir dignement et veiller à l’équilibre de chaque territoire se dit absolument incapable de faire face à une situation identique sur notre île, pourtant petite de seulement 374 kilomètres carrés.

Mayotte compte plus de 48 % d’étrangers, dont 95 % sont issus des Comores. Disposant de la plus grande maternité d’Europe, elle a enregistré plus de 10 000 naissances en 2021, 7 400 bébés étant nés d’une mère comorienne. Seulement 12 % des évacuations sanitaires partant de Mayotte concernent des ressortissants français et 80 % des inscrits dans les écoles et les collèges de l’île sont des ressortissants comoriens. L’immigration clandestine est le premier problème de Mayotte.

Le choix de la majorité de ne pas en faire mention dans ce rapport pourrait apparaître comme le souhait d’invisibiliser notre département et de cacher l’échec colossal des gouvernements successifs dans la protection de nos frontières et la gestion du flux migratoire à Mayotte. Nous attendons avec impatience les résultats des travaux du ministre de l’intérieur, qui prend la situation au sérieux, et nous espérons que celles et ceux qui défendent ici avec ardeur les migrants ukrainiens et l’accueil à la française sauront faire preuve de la même générosité pour aider Mayotte à faire face à la crise migratoire qui la submerge. Nous serons à leurs côtés pour aider la République à avancer. Pour ces raisons, je m’abstiendrai de voter ces crédits.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons maintenant aux orateurs des groupes.

M. Vincent Ledoux (RE). L’action du ministère de l’intérieur s’inscrit dans un monde en mouvement, marqué par des crises dont les enjeux migratoires sont rarement absents. D’où l’importance de cette mission budgétaire qui se décline en trois objectifs : la maîtrise des flux migratoires, la garantie de l’exercice du droit d’asile et le renforcement de l’intégration des étrangers en situation régulière.

La situation internationale, complexe et dangereuse, affecte l’exécution de cette mission. Ce budget, sincère, tient compte de l’amélioration des délais de l’OFPRA et de son impact sur l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). On peut saluer les principales évolutions des crédits concernant l’accueil, l’examen des situations des demandeurs d’asile, l’amélioration de l’hébergement, l’intégration des primo-arrivants, l’accompagnement renforcé des réfugiés, la poursuite du plan d’augmentation des capacités de rétention ou encore le déploiement de l’administration numérique des étrangers en France.

D’autres leviers, non budgétaires, sont également actionnés. Ainsi, dans le domaine international, la discussion dans le cadre du pacte graduel se poursuit. Je salue également les efforts du ministre de l’intérieur pour éloigner les étrangers en situation irrégulière qui constituent une menace pour l’ordre public, pour améliorer les conditions d’accueil dans les préfectures et enfin pour appliquer le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (SNADAR).

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance se prononce en faveur des crédits de cette mission budgétaire.

M. Sébastien Chenu (RN). L’intégralité de la mission Immigration, asile et intégration s’attache à accompagner les conséquences de l’immigration sans jamais en rechercher les causes. On lit avec intérêt, comme autant de vœux pieux, l’amélioration des contrôles, la lutte contre la fraude documentaire, la lutte contre le détournement des procédures, le renforcement des contrôles aux frontières, la dynamisation de la politique d’éloignement – bref, tout ce que ce Gouvernement n’a pas fait en cinq ans.

Rien sur nos capacités à dissuader les comportements frauduleux, la transparence avec le coût réel de l’immigration, la nécessaire remise en cause de l’agence Frontex, les accords de 1968 avec l’Algérie. Cette légèreté est terrifiante. Que d’effets d’affichage, d’annonces, dont nous pouvons déjà dire qu’ils ne seront pas suivis d’effet ! La vérité est que nous avons beau gonfler les crédits de cette mission, nous n’obtiendrons rien sans nous assurer que les procédures mises en œuvre sont efficaces.

Ainsi, alors que le nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) a explosé, passant de 89 134 à 122 839 entre 2013 et 2019, les crédits affectés aux reconduites à la frontière n’ont que très légèrement augmenté, passant d’environ 25 millions d’euros en 2013 à 35 millions d’euros en 2020. Le taux d’exécution des OQTF, quant à lui, s’est fortement dégradé sur la même période, passant de 17 % à 4,8 % – le préfet Didier Lallement nous avait indiqué qu’un délit sur deux, à Paris, était commis par un étranger souvent en situation irrégulière. Bref, tout le monde entre et personne ne sort ! La remontée du taux d’exécution des OQTF est en effet primordiale pour la conduite d’une politique sérieuse de réduction de la criminalité. Le lien entre immigration et insécurité, en métropole comme en outre-mer, est clair.

L’actualité nous ébranle mais alors que le garde des sceaux nous invitait à nous taire, nous lui montrons qu’il est temps de parler. Le Rassemblement national a déposé un amendement pour réaffirmer la puissance de la rétention administrative, malgré le faible nombre de places, et de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Face à une justice qui est ressentie comme lente, laxiste, sans équité, nous devons répondre par une volonté sans faille de protéger les Français. Nous ne garantirons aucun droit d’asile sans mesure ferme contre ceux qui le discréditent par la fraude et parfois le crime.

Enfin, mettre un terme au laxisme migratoire, c’est aussi s’indigner contre l’exploitation des migrants sur notre territoire, par l’ubérisation de notre économie, cette espèce de bobo-attitude qui plaide pour défendre les intérêts de peuples du bout du monde et qui se montre complice, ici, de ceux qui profitent de ce nouveau lumpenprolétariat. Notre devoir, c’est l’efficience : il faut s’assurer que nos services appliquent les lois, en leur en donnant les moyens, afin de protéger les intérêts de notre peuple. Nous voterons donc contre ces crédits.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, vous affirmez que la France s’est montrée à la hauteur de son histoire et de ses valeurs dans l’accueil qu’elle a réservé aux déplacés ukrainiens. Un constat en découle : quand la volonté politique est là, nous pouvons être à la hauteur des défis. Mais sommes-nous réellement à la hauteur quand nous tendons une main aux déplacés ukrainiens tout en brandissant la matraque contre les autres réfugiés ? Sommes-nous réellement à la hauteur quand des familles avec enfants en bas âge doivent dormir dans la rue faute de places d’hébergement, dans l’irrespect le plus total des obligations de la France en matière de droits humains ? C’est le cas dans ma circonscription, au Mans, où la préfecture met en avant la non-vulnérabilité des enfants de plus de trois ans dormant à la rue.

Le projet de budget joue sur les effets d’annonce inhumains, masquant bien mal ses fondements sécuritaires. Certes, les bleus budgétaires annoncent fièrement la création de 5 900 places d’hébergement mais on peut s’interroger sur l’application réelle de cette mesure quand on sait que seules 900 nouvelles places avaient vu le jour sur les 4 900 prévues dans le projet de loi de finances pour 2022. Ces annonces cachent difficilement l’absence d’une politique d’accueil digne et humaniste. Ainsi, votre rapport se garde bien de noter la diminution de 176,3 millions d’euros de la dotation pour l’allocation pour demandeur d’asile. Il omet également de mentionner la diminution de 3 % des crédits de l’action Garantir l’exercice du droit d’asile.

Au contraire, c’est une approche sécuritaire que le Gouvernement poursuit, au mépris de ses engagements en matière de droits humains. La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France à neuf reprises pour avoir enfermé des mineurs dans des centres de rétention administrative. Les associations dénoncent l’allongement de la durée de la rétention administrative, l’insalubrité, la promiscuité, la surpopulation et les mauvais traitements subis par les personnes enfermées dans ces centres. Qu’importe : le Gouvernement s’entête et annonce un plan d’ouverture de places en CRA et investit 52,2 millions d’euros dans des lieux de privation de liberté.

Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration reflètent la compromission de ce Gouvernement face aux idées du Rassemblement national. Non, nous ne pouvons pas dire que la France est à la hauteur de ses valeurs quand le Gouvernement entretient les fantasmes de l’extrême droite sur une immigration massive, alors que la plupart des flux de migration ont lieu au sein des pays du Sud. Non, le Gouvernement n’est pas à la hauteur quand il opère un tri au sein des personnes que nous accueillons. Non, il n’est pas à la hauteur quand il annonce un projet de loi sur le droit d’asile pour début 2023 et ouvre la porte à une débauche de xénophobie, comme ce fut le cas lors des débats sur la loi « asile et immigration » de 2018.

Nous rejetons cette approche fondée sur les coups de com’ et la course folle au sécuritaire. Nous réclamons une approche humaniste, solidaire et réaliste. Sans surprise, le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale votera contre les crédits alloués à la mission Immigration, asile et intégration.

M. Vincent Seitlinger (LR). En 2023, 2,1 milliards d’euros seront consacrés à la mission Immigration, asile et intégration, en hausse de 6 % par rapport à 2021. Le plus éloquent est qu’une somme de 1,9 milliard d’euros est allouée à l’action Garantir l’exercice du droit d’asile, ce qui représente 89 % du programme avec une augmentation du parc d’hébergement pour les demandeurs d’asile.

Ce qui nous préoccupe le plus, c’est l’OFPRA. Le délai moyen de traitement d’un dossier ne cesse d’augmenter : 261 jours en 2021, soit neuf mois pour une première demande, alors que la loi « asile et immigration » de 2018 prévoyait 90 jours. Nous sommes loin du compte ! Quant au taux de transfert des demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin, il est de seulement 16 % en 2021, ce qui démontre la dérive du système d’asile européen.

Avec 169,5 millions d’euros, la lutte contre l’immigration irrégulière représente seulement 9,6 % du programme, bien loin des discours de fermeté du ministre de l’intérieur. De plus, l’augmentation des crédits pour l’éloignement des migrants en situation irrégulière sera en grande partie effacée par l’inflation sur les prix du carburant.

Concernant l’accueil des Ukrainiens, une grande partie du dispositif d’accueil est centralisée dans les préfectures. Dans les territoires éloignés des villes préfectures, cela oblige les Ukrainiens et les familles qui les accueillent à se rendre à plusieurs reprises à une centaine de kilomètres de leur domicile : cela décourage les bonnes volontés. Il faudrait que des personnes référentes soient présentes en sous-préfecture pour apporter les renseignements nécessaires et éviter de longs déplacements. En outre, si, durant les premiers mois d’accueil des Ukrainiens, les familles accueillantes et les communes qui ont joué le jeu ont eu le sentiment d’être soutenues en raison de la vague populaire de soutien de l’ensemble des Français, c’est un peu moins le cas aujourd’hui et certaines familles accueillantes se sentent un peu délaissées.

Le groupe Les Républicains votera contre les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

Mme Maud Gatel (DEM). Le budget dédié à la mission Immigration, asile et intégration est en hausse de 6 %, avec deux objectifs clairement affichés : l’accueil des demandeurs d’asile et la réduction du délai moyen de traitement de la demande d’asile.

La création de près de 4 900 places d’hébergement en 2023 démontre la volonté de la France d’améliorer les conditions d’accueil. Depuis 2017, le nombre de places d’hébergement a doublé. Le Gouvernement a également souhaité améliorer la situation des travailleurs associatifs engagés dans l’accueil de ces personnes fragiles avec une revalorisation salariale et une augmentation des coûts journaliers des dispositifs d’hébergement.

Des efforts importants ont été faits pour réduire les délais d’examen des procédures de demande d’asile. S’ils sont encore trop longs, 200 recrutements supplémentaires ont été effectués depuis 2020 pour faire face à l’augmentation très forte du nombre de demandes d’asile et 8 équivalents temps plein supplémentaires seront embauchés en 2023. L’amélioration du délai de traitement des demandes d’asile ne doit pas se faire aux dépens des étrangers en France, qui se retrouvent parfois en situation d’illégalité faute d’avoir pu accéder en temps et en heure aux services préfectoraux. Pensez-vous, monsieur le rapporteur, que les moyens prévus dans ce budget nous permettront d’atteindre les deux mois d’examen des demandes d’asile en 2023 ?

Le volet intégration représente plus d’un quart du budget. Je voudrais saluer la montée en puissance du programme Agir, vecteur important d’intégration des réfugiés, ainsi que l’extraordinaire mobilisation de nos concitoyens et de nos institutions dans l’accueil des réfugiés ukrainiens. Nous partageons vos recommandations et insistons particulièrement sur la nécessité d’assurer la transition entre les dispositifs d’urgence et ceux plus pérennes pour donner des perspectives aux réfugiés ukrainiens.

Bien évidemment, le groupe Démocrate votera ces crédits.

M. Alain David (SOC). Le projet de loi de finances pour 2023 donne le ton dès les premières lignes de la présentation du budget : la dimension sécuritaire prédomine largement avec la mise en valeur de la lutte contre l’immigration clandestine, à travers l’introduction de la biométrie dans les visas, le renforcement des contrôles aux frontières et la dynamisation de la politique d’éloignement. Le ton anxiogène est également de mise lorsque sont constatés les flux migratoires importants et la nécessité de les contrôler. À cet égard est annoncé un effort particulier pour lutter contre les filières clandestines qui exploitent la précarité des personnes souhaitant s’établir en France.

Du côté de l’intégration, le budget 2023 est un copié-collé des précédents. L’accent est mis principalement sur une mesure issue de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France : le contrat d’intégration républicaine, signé chaque année par près de 100 000 personnes, dont les réfugiés font partie. Les actions territoriales sont encore une fois évoquées avec la volonté affichée d’approfondir l’apprentissage de la langue française, l’insertion sociale et professionnelle.

Cette année, l’intégration des femmes est présentée comme une priorité. Depuis 2018, les forfaits de formation linguistique ont doublé, 600 heures de formation sont prévues pour les primo-arrivants qui ne savent ni lire, ni écrire et la formation pédagogique est passée de deux à quatre jours. Les collectivités territoriales sont mises à contribution depuis 2020 avec la mise en place des contrats territoriaux d’accueil et d’intégration.

Concernant l’asile, enfin, il est toujours nécessaire de rappeler les principes constitutionnels qui encadrent le droit positif : il doit être garanti à toute personne un examen impartial de sa demande par un établissement public. Dans ce cadre, tout demandeur d’asile dispose d’un droit de séjour, ainsi que du droit à l’hébergement et à une prise en charge sociale. Alors que le nombre de demandes d’asile augmente depuis 2008, l’objectif présidentiel d’un délai global de six mois est loin d’être atteint. On est en droit de regretter que la réflexion ne soit jamais menée sur la dimension qualitative de la procédure du droit d’asile. Nos procédures permettent-elles d’assurer son effectivité ?

Le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits de la mission.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Votre rapport pointe avec justesse les engagements pris par la France pour l’accueil des réfugiés ukrainiens. Traiter les enjeux migratoires, c’est toucher du doigt un certain nombre de problèmes majeurs de notre siècle. L’immigration est en effet directement corrélée aux crises qui s’accumulent aux frontières de l’Europe, aux dynamiques démographiques et au dérèglement climatique.

Pour 2023, les moyens de la mission s’élèvent à 2,674 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et à 2 milliards d’euros de crédits de paiement, soit des augmentations respectives d’un peu plus de 34 % et de presque 6 %. L’État est fort d’une longue tradition d’accueil des demandeurs d’asile et nous nous devons d’être à la hauteur en la matière. Le groupe Horizons et apparentés approuve donc la forte concentration des crédits de la mission consacrés à cette action. En outre, nous accueillons positivement l’objectif de réduction des délais de traitement des demandes d’asile à 60 jours contre 75 jours en 2022.

L’intégration est également un aspect déterminant de la politique migratoire de la France. Ainsi, le renforcement des crédits en faveur de cette action est bienvenu. Le groupe se réjouit par ailleurs que plus de la moitié de ces crédits soient mis à disposition des préfets de région, compte tenu de la nécessaire territorialisation des politiques d’intégration. Enfin, cela doit aller de pair avec la lutte contre l’immigration irrégulière, qui voit ses moyens renforcés.

Le groupe Horizon et apparentés votera donc en faveur de cette mission budgétaire.

M. Aurélien Taché (ÉCOLO-NUPES). Étant l’auteur du rapport 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France, que j’avais remis à Édouard Philippe, alors Premier ministre, je suis particulièrement attaché à ce que la France joue pleinement son rôle dans l’accompagnement des personnes fuyant leur pays.

Je salue tout d’abord l’augmentation des crédits alloués au programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, qui passe de 283 millions d’euros en 2018 à 543 millions en 2023. Je suis heureux de voir que cette trajectoire de renforcement des crédits ne se dément plus depuis 2019. Les propositions que j’avais formulées en 2018 ont permis le doublement du nombre d’heures d’apprentissage du français destinées aux primo-arrivants et la mise en place du programme Agir.

Je veux également répondre à l’un des principaux arguments des partis politiques qui surfent sur la xénophobie : celui selon lequel les étrangers ne travailleraient pas. Alors qu’en 2015, le taux d’emploi des primo-arrivants n’atteignait que 35 %, il était de 60 % en 2020. Cela démontre que lorsque l’on propose un parcours adapté, porteur de sens, qui favorise l’orientation professionnelle dès l’arrivée en France, les résultats sont au rendez-vous. Je me réjouis donc, même si beaucoup reste à faire, que le Gouvernement persévère sur cette voie en matière de politique d’intégration.

Toutefois, je ne pourrai me prononcer pour l’adoption de ces crédits car la situation de l’hébergement des demandeurs d’asile reste totalement inacceptable, surtout dans les grandes métropoles où nombre d’entre eux survivent dans des conditions absolument indignes. Les chasser au-delà du périphérique parisien ne masquera pas ce qui est une honte absolue pour notre pays.

Des millions de personnes devront se déplacer à cause des changements climatiques d’ici à 2050. Les émissions des pays occidentaux ont des répercussions dramatiques à l’autre bout du monde sur des populations qui, bien souvent, sont les moins responsables du problème. La France doit se préparer à recevoir des réfugiés climatiques en nombre. Nous devrons, dans les années à venir, leur fournir un accueil digne, à la hauteur de ce que nous sommes. Il est donc crucial d’augmenter de manière très significative les crédits dédiés à l’hébergement des demandeurs d’asile dans le programme 303 Immigration et asile. Cela pourrait être fait en réorientant une partie des crédits dédiés à l’ouverture des places supplémentaires en centre de rétention administrative. Interdisons une fois pour toutes d’enfermer des enfants ! Ils étaient encore plus de 3 000 en 2021 ; nous pourrons ainsi héberger ceux, tout aussi nombreux, qui dorment dans la rue alors qu’ils ont le droit à une protection.

À l’image de ce qui a été fait pour les réfugiés ukrainiens, faisons feu de tout bois pour l’ensemble des exilés et développons l’hébergement citoyen. Le Gouvernement octroie une aide financière aux Français qui reçoivent des Ukrainiens à leur domicile. J’avais proposé la mise en place d’un crédit d’impôt citoyen, dispositif d’entraide vertueux qui pourrait s’élever jusqu’à 1 800 euros par an : il avait été adopté par les parlementaires de la majorité contre l’avis du Gouvernement. Je renouvelle donc cette proposition, chers collègues !

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Loin des déclarations d’intention d’Emmanuel Macron, la politique migratoire menée depuis 2017 a été marquée par une dégradation des conditions d’accueil et d’accompagnement, des atteintes aux droits fondamentaux et des traitements dégradants, en particulier à l’égard de l’accueil des mineurs isolés étrangers. De nombreuses associations, la Défenseure des droits, la Cour européenne des droits de l’Homme et des organisations internationales ont pointé du doigt la France pour tous ses manquements. La loi « asile et immigration » de 2018 a marqué un grave recul des libertés et des droits des étrangers. Les dispositifs créés par cette réforme, tels que le raccourcissement des délais de recours ou le doublement de la durée de rétention, n’ont pas eu l’effet dissuasif escompté par le Gouvernement. Même selon vos propres critères, que nous réfutons par ailleurs, cette réforme est un total échec. En revanche, depuis 2017, la rétention des enfants a continué de croître, les centres de rétention administrative sont saturés et l’externalisation de la politique de contrôle migratoire est renforcée.

Le droit d’asile est un droit fondamental, profondément ancré dans notre tradition républicaine et inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. C’est aussi une obligation internationale au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés. Le droit d’asile ne peut être une variable d’ajustement de la politique de l’immigration.

Dans ce cadre très dégradé de l’accueil en France, on ne peut que saluer l’immense élan de générosité envers les Ukrainiens, que les États de l’Union européenne appellent des « réfugiés » et non des « migrants ». Le Gouvernement a même annoncé qu’il verserait 150 euros par mois aux familles françaises hébergeant des réfugiés ukrainiens pendant au moins 90 jours. Il s’agit d’une mesure réclamée de longue date par les associations venant en aide aux personnes déplacées, notamment depuis la crise migratoire syrienne de 2015. Cette attitude exemplaire, que nous saluons, est conforme à nos valeurs et respectueuse des droits fondamentaux des réfugiés. Cet exemple doit créer un précédent. Toutefois, nous constatons que ce budget ne reflète pas le nécessaire nivellement par le haut des conditions d’accueil des personnes déplacées. Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera donc contre les crédits de cette mission budgétaire.

Mme Véronique Besse (NI). Dressant un état des lieux très complet de l’accueil des réfugiés ukrainiens en France – auquel je suis très favorable –, le rapport de notre collègue aurait dû répondre de manière plus précise au souhait des Français, lesquels veulent une réduction drastique des entrées sur le territoire français. À le lire, on a l’impression qu’il n’y a aucun problème. Si l’avis qui nous a été présenté affirme qu’il faut lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière, il n’évoque pas la réduction de l’immigration légale. Il ne prend pas la mesure de la situation – à cet égard, envoyer des immigrés dans nos campagnes, comme le suggère le président de la République, est une très mauvaise idée. Rien n’est donc fait pour lutter contre l’immigration, au contraire. Le rapport évoque l’amélioration de l’efficacité du traitement des dossiers de naturalisation, laquelle reste ouverte aux ascendants et aux frères et sœurs de personnes de nationalité française. Je voterai contre l’adoption des crédits qui nous sont soumis, qui ne vont pas assez loin et qui sont inadaptés à la situation.

M. Nicolas Metzdorf, rapporteur pour avis. Madame Youssouffa, il est vrai que mon rapport ne mentionne pas Mayotte mais vous savez combien nous avons à cœur d’aider ce département à lutter contre l’immigration massive venue des Comores, qui met en péril son équilibre démographique. Gérald Darmanin et Jean-François Carenco sont très impliqués sur cette question.

Monsieur Chenu, je ne crois pas que l’on puisse parler d’affichage, quand les crédits d’une mission budgétaire augmentent d’une manière aussi importante. Vous dites que les OQTF ont un faible taux d’exécution mais le nombre d’éloignements contraints, qui avait chuté au moment de la crise liée au Covid, a augmenté de 20 % entre 2021 et 2022 : c’est une évolution significative, une dynamique très positive qu’il faut souligner.

Madame Leboucher, vous nous reprochez de traiter les demandeurs d’asile d’une façon inhumaine. Je vous rappelle toutefois que nous avons doublé nos capacités d’hébergement depuis 2015, afin de les accueillir de la manière la plus humaine possible. En 2017, 45 % des demandeurs d’asile étaient hébergés ; 73 % d’entre eux le sont aujourd’hui. C’est une augmentation notable, que vous auriez dû souligner. La baisse de la dotation prévue pour l’allocation pour demandeur d’asile est liée à la diminution du nombre de demandes d’asile par rapport à ce qui avait été anticipé pour 2022 mais aussi au fait que les délais d’examen des demandes d’asile se raccourcissent.

Je ne comprends pas pourquoi monsieur Aurélien Taché a annoncé que le groupe Écologiste-NUPES voterait contre les crédits de cette mission, alors qu’il a juste auparavant salué la qualité du rapport et l’évolution de ce budget. Il a, lui aussi, estimé que nous ne faisions pas preuve d’assez d’humanité dans l’accueil des demandeurs d’asile ; je me contenterai de rappeler l’augmentation de nos capacités d’accueil depuis 2015.

Monsieur Lecoq, l’augmentation du nombre d’enfants en rétention est tout simplement liée à l’augmentation du nombre de parents en rétention. La France fait de son mieux pour aider les familles, qui ne veulent pas être séparées. Par ailleurs, vous avez dit que l’hébergement de familles ukrainiennes dans des foyers français pouvait constituer un précédent. Le Gouvernement est effectivement en train de réfléchir à la manière d’encadrer l’hébergement citoyen, qui a constitué une vraie soupape. Les demandeurs d’asile sont entre 120 000 et 130 000 chaque année en France et, en six mois, nous avons accueilli plus de 100 000 Ukrainiens. Nous n’avions pas connu une telle vague de réfugiés depuis la seconde guerre mondiale. Or ce sont nos concitoyens qui nous ont permis d’accueillir l’essentiel de ces personnes. Nous réfléchissons à la manière de pérenniser ce système en aidant les familles d’accueil.

Monsieur Seitlinger, vous regrettez la longueur du délai de traitement des dossiers par l’OFPRA. Ce délai a certes augmenté jusqu’en 2020, mais il diminue depuis. Il est tombé à 261 jours en 2021 ; il est de 140 jours actuellement, l’objectif étant d’atteindre 60 jours en 2023. Vous dites que les familles qui ont accueilli des réfugiés ukrainiens ont été oubliées. Je ne crois pas que ce soit le cas, puisque le Gouvernement s’est engagé à leur verser 150 euros par mois.

Madame Gatel, nous devons effectivement continuer de réduire le délai de traitement des demandes d’asile : c’est un vrai défi. Le directeur de l’OFPRA est assez optimiste et pense qu’il pourrait être réduit à 60 jours en 2023.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Amélia Lakrafi. Le 28 novembre 2017, lorsqu’il s’est exprimé à l’université de Ouagadougou, le président de la République a souligné que la « révolution de la mobilité » devait permettre de repenser les liens entre l’Afrique et l’Europe. La mobilité entre les deux continents est un élément essentiel du renouvellement des relations entre l’Afrique et la France voulu par le président Macron. À ce titre, la question de l’octroi de visas est devenue un enjeu majeur de nos relations bilatérales avec les pays de ce continent.

Or je constate qu’il existe une tension entre la politique de rayonnement, et surtout d’attractivité de la France, et la manière dont s’opère le contrôle des flux migratoires, en particulier lorsqu’ils proviennent du continent africain. Il y a un décalage entre la volonté affichée de faire venir en France des talents et de faciliter la circulation et les échanges, d’une part, et le taux élevé des rejets de demande de visa, d’autre part. Les dossiers sont très longs à monter, voire coûteux, et les délais de traitement sont de plus en plus importants. Chaque année, dans les pays de ma circonscription, des étudiants qui devraient partir en France se voient refuser leur visa. Je suis également sollicitée par nombre d’entrepreneurs et d’artistes, dont les dossiers sont rejetés.

Même lorsqu’une demande a été approuvée par l’OFII, les délais d’instruction compromettent parfois le départ du candidat dans les temps. Plus grave, j’ai pu constater, lors de mes déplacements en circonscription, le désarroi de certains de nos concitoyens français n’ayant pas obtenu de visa pour leur conjoint, voire pour leur enfant. Ce phénomène suscite une forme de colère qui nuit à notre rayonnement et alimente le sentiment anti-français. Comment articuler l’attractivité de la France et le contrôle des flux migratoires ? La situation que j’ai décrite suscite frustration et mécontentement en Afrique, sans pour autant enrayer les flux d’immigration irrégulière.

M. Thibaut François. L’immigration illégale connaît une progression inédite dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, dont la France. En 2020, on a constaté 124 930 franchissements irréguliers aux frontières de l’Europe et leur nombre a atteint 200 000 en 2021, soit une augmentation de près de 60 % en une seule année. De janvier à septembre 2022, le nombre d’entrées illégales a encore augmenté de 70 %, selon l’agence Frontex. Ce sont donc près de 228 000 personnes qui ont pénétré illégalement sur les territoires européens depuis le début de cette année : c’est l’équivalent de la population de Lille.

En parallèle, le groupe Renew Europe, auquel la majorité appartient au Parlement européen, a voté, le 18 octobre, contre la validation des comptes de Frontex, marquant ainsi son opposition à la lutte contre l’immigration aux frontières extérieures de l’Union. Je rappelle par ailleurs que l’ancien directeur général de Frontex, M. Fabrice Leggeri, a été lâché par l’administration française au moment de la présidence française de l’Union, alors que c’était l’un des seuls directeurs généraux de l’Union européenne de nationalité française. Comment pouvez-vous prétendre vouloir lutter contre l’immigration illégale – c’est-à-dire appliquer la loi –, tout en prenant des décisions qui vont systématiquement à l’encontre de cette politique ?

Mme Ersilia Soudais. Permettez-moi d’insister sur les CRA en abordant la situation de celui du Mesnil-Amelot, évoqué dans le rapport pour avis. Ce centre est situé dans ma circonscription et j’ai eu l’occasion de le visiter à plusieurs reprises, à la suite de divers signalements de la Cimade à propos de grèves de la faim, de tentatives d’évasion, de détournements punitifs des salles d’isolement et de la suroccupation des cellules.

Le rapporteur pour avis fait état de sa propre visite dans ce CRA pour défendre l’idée qu’il faut « renforcer l’effectivité des décisions d’éloignement par le biais notamment d’une simplification du contentieux ». Il indique que 83 % des places en CRA sont occupées par des individus qui correspondent à un profil spécifique, c’est-à-dire qui ont par exemple exercé des violences sur personne dépositaire de l’autorité publique ou commis des violences intrafamiliales, des infractions sexuelles ou des infractions en lien avec les stupéfiants. Pour ma part, j’ai surtout remarqué le nombre incalculable de ceux qui étaient retenus pour avoir refusé un test PCR avant d’embarquer dans un avion et qui, pour cette raison, sont considérés de manière disproportionnée comme des criminels.

Le rapporteur pour avis n’a-t-il pas été frappé par l’état désastreux des sanitaires ou des fontaines à eau prétendument potable, qui provoquent le dégoût car elles sont envahies de moisissures ? N’a-t-il pas remarqué la présence de retenus souffrant de troubles psychiatriques ? A-t-il imaginé pouvoir dormir près de ces personnes ? Les personnels eux‑mêmes ont déploré des dysfonctionnements dans la prise en charge des retenus.

Le rapporteur pour avis a-t-il réellement visité le CRA du Mesnil-Amelot ou bien s’est-il contenté de rencontrer la direction ? Et pourquoi n’a-t-il pas auditionné la Cimade ?

Plusieurs retenus m’ont confié regretter la prison, où ils se sentaient davantage traités comme des êtres humains. Cela doit nous interroger sur notre propre humanité. La seule position humaniste, c’est de fermer les CRA.

Mme Mireille Clapot. Bravo au rapporteur pour avis pour la qualité de son travail, qui témoigne d’une réelle finesse d’analyse, ce qui n’est pas le cas dans tous les partis représentés à l’Assemblée nationale.

Même si je suis prudente sur certains points – comme l’hébergement d’urgence ou la liste des métiers en tension –, je constate que la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, ainsi que les budgets successifs ont permis d’améliorer les délais de traitement des demandes et l’intégration des étrangers. La gestion remarquable de l’afflux de déplacés ukrainiens montre que la France sait être un territoire d’accueil et faire fi des pseudo-réticences par rapport à la présence d’étrangers.

Outre les réfugiés syriens accueillis sur notre sol à travers le mécanisme de Dublin, la France s’est engagée à plusieurs reprises auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à accueillir des réfugiés syriens réinstallés en provenance pour l’essentiel du Liban, de la Jordanie et de la Turquie. Dans ce dernier pays, ils sont 2 millions – et on sait l’instrumentalisation qui en a été faite par le président Erdoğan vis-à-vis de l’Union européenne. Les ONG signalent des cas de renvoi forcé en Syrie. On trouve aussi 1,1 million de réfugiés syriens au Liban, ce qui représente une proportion importante de la population, alors même que la situation économique peut pousser les Libanais à demander leur départ. Il en est de même en Jordanie, qui compte 760 000 réfugiés.

La France devait accueillir 10 000 réfugiés syriens réinstallés. Or cet objectif a été ramené à 5 000 personnes. Qu’en est-il désormais de cette politique, qui permet à des milliers de familles d’être prises en charge et d’intégrer la communauté française ?

Il ne faut pas opposer les misères entre elles. Le général Sergueï Sourovikine, qui s’est illustré par sa politique de frappes massives en Syrie, vient d’être nommé à la tête de l’opération militaire spéciale en Ukraine. Même cause, mêmes effets. Il faudrait s’occuper aussi des Syriens et pas seulement des réfugiés les plus récents. Les familles syriennes sont très bien accueillies dans la majorité des cas – comme je le constate dans ma circonscription – et elles souhaitent rester en France pour construire et réussir leur vie.

M. Michel Guiniot. Les chiffres qui figurent dans le rapport pour avis donnent le vertige, en ces temps de disette pour le peuple français. Le programme Intégration et accès à la nationalité française sera augmenté de 106 millions d’euros, soit une hausse de 24 %, pour atteindre 543 millions d’euros en 2023. L’action 12 Intégration des étrangers primo-arrivants va bénéficier de 135 millions d’euros, ce qui représente 70 % de plus qu’en 2022.

Pourriez-vous m’expliquer pourquoi l’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière ne fait l’objet a contrario que de cinq lignes dans le rapport pour avis ? Il est prévu de consacrer 10 millions d’euros à l’externalisation de certaines tâches et pour ouvrir des places en CRA. Cette somme ne servira donc pas du tout au retour des clandestins chez eux, alors que la France est cernée par l’immigration illégale.

Les réfugiés ukrainiens sont déjà 105 000 sur notre territoire, soit l’équivalent de la ville de Nancy. Compte tenu de la situation, les choses ne vont malheureusement pas s’améliorer. Lorsque la paix sera revenue, ne devra-t-on pas donner plus d’importance à la proposition n° 5 concernant le retour des déplacés, qui figure dans le rapport pour avis ? L’Ukraine aura besoin des Ukrainiens pour se reconstruire.

M. Jérôme Buisson. Je souhaite remettre en question la nomenclature de ce projet de budget, et plus particulièrement le périmètre de la mission Immigration, asile et intégration.

Le projet annuel de performances ne fournit qu’une vision partielle des dépenses liées à l’immigration. Le document de politique transversale sur la politique française d’immigration et d’intégration constitue un progrès vers l’établissement d’un bilan global. Toutefois, ces deux documents demeurent incomplets car ils ne prennent en compte que les dépenses de l’État. Or les collectivités territoriales et la sécurité sociale supportent une partie des coûts. Plusieurs rapports sur la mission Immigration, asile et intégration lors des précédents projets de lois de finances ont rappelé le besoin d’évaluer les dépenses faites en la matière par les différentes administrations publiques.

À l’heure de la transparence, les parlementaires et nos compatriotes veulent savoir quel est le coût réel de l’immigration pour la France.

M. Christopher Weissberg. Le rapport pour avis s’appuie sur des éléments précis et documentés, alors que certains parlementaires nous livrent souvent leurs fantasmes et leurs obsessions, qui auraient davantage leur place sur le divan d’un psychanalyste.

Je ne vous livre pas le témoignage d’un bobo dégénéré mais celui d’un ancien primo‑arrivant, comme des centaines de milliers de Français qui se sont installés à l’étranger. Au Canada, l’intégration est fondée sur le travail et nous devrions nous inspirer de ce véritable modèle. À titre d’exemple, 95 % des femmes migrantes y occupent un emploi, contre seulement une sur deux en France.

La France et les Français ont parfaitement démontré leur capacité à intégrer correctement lors de l’accueil des déplacés ukrainiens, notamment grâce au statut de protection temporaire qui permet d’exercer une activité professionnelle dès l’obtention d’un titre provisoire de séjour.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette expérience afin d’améliorer notre système d’accueil en matière d’intégration professionnelle ?

M. Alexis Jolly. Les principaux objectifs affichés par le projet de loi de finances en matière d’immigration et de droit d’asile sont l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile et celle des performances des services et des procédures.

Au milieu de ce satisfecit migratoire général et des félicitations mutuelles entre humanistes de salon, vous nous obligez à jeter encore une fois un pavé dans la mare : la priorité consiste à limiter l’immigration et à ne pas en favoriser les conditions.

Parmi les derniers objectifs de ce budget, très loin dans l’ordre des priorités, figure la lutte contre l’immigration irrégulière. Nous espérons – et doutons à la fois – que la priorité sera donnée au renvoi des personnes qui n’ont rien à faire chez nous. Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, au premier semestre 2021, 3 501 obligations de quitter le territoire français ont été exécutées sur un total de 62 207 prononcées, soit un taux de 5,7 %.

La loi est dure. Elle s’applique aux Français mais visiblement pas aux délinquants étrangers. Bien entendu, la majorité sera scandalisée qu’on demande tout simplement l’application de la loi. Les Français doivent se taire, obéir, payer et subir ce scandale au nom de l’humanisme. Pour nous, c’est non !

Quel est l’avis du rapporteur sur cette question ?

Mme Emmanuelle Ménard. La politique d’immigration de la France est un échec. Je ne parle évidemment pas de l’accueil des réfugiés ukrainiens, qui s’est plutôt bien déroulé, même si les communes ont largement pris leur part dans cette organisation d’urgence.

Les chiffres concernant les expulsions des ressortissants algériens, marocains et tunisiens n’ont jamais été aussi mauvais. Dans le cas de l’Algérie, entre janvier et juillet 2021, 7 731 OQTF ont été prononcées et seulement 22 ont été exécutées, soit à peine plus de 0,2 %. Cela s’explique notamment par le fait que l’Algérie refuse de délivrer les nécessaires laissez‑passer consulaires. Ce constat a amené Emmanuel Macron à diviser par deux le nombre de visas délivrés à des ressortissants algériens et marocains et à le diminuer de 30 % pour les Tunisiens. Mais, un an plus tard, marche arrière toute : au détour d’une visite en Algérie, le président français annonce plus de souplesse dans la délivrance des visas et en promet même 8 000 pour les étudiants algériens – rien que ça !

En 2019, les laissez-passer consulaires délivrés par l’Algérie avaient permis 1 652 éloignement forcés. Mais les autorités algériennes se sont contentées d’accorder 389 laissez-passer en 2020, 34 en 2021 et 5 sur les deux premiers mois de 2022, alors que les Algériens sont les plus concernés par des OQTF.

Dans un entretien publié par l’hebdomadaire Le Point, l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt explique que les migrations sont une véritable variable d’ajustement démographique pour un pays où les jeunes représentent plus de 70 % de la population. Mais il indique également qu’une des raisons pour lesquelles les autorités algériennes ne souhaitent pas reprendre leurs ressortissants est qu’ils sont « contaminés par nos mœurs » et qu’il est donc hors de question de reprendre ces mauvais sujets.

On ne réglera pas le problème sans réelle volonté de prendre le taureau par les cornes. En l’absence d’une telle volonté, je ne voterai pas les crédits de cette mission budgétaire.

Mme Nathalie Oziol. À force de congratulations, on dirait que vous avez oublié que votre groupe était minoritaire ! C’est pourtant bien ce que manifeste votre recours répété à l’article 49-3 de la Constitution. Après Élise Leboucher, j’enfonce donc le clou : vous poussez des cris d’orfraie quand on évoque une compétition, dans les mots et dans les actes, avec l’extrême droite, mais vous oubliez un peu vite que c’est bien le préfet de l’Hérault – nommé par le Gouvernement, si je ne me trompe – qui a tweeté à propos de la délinquance des sans domicile fixe étrangers, avant de supprimer ce tweet qui visait une catégorie d’immigrés en fonction de leur nationalité. Je vous rappelle aussi que c’est bien Gérald Darmanin qui trouvait Marine Le Pen trop molle à son goût. La surenchère dans votre vocabulaire et dans vos actes montre que vous faites des différences entre les migrations – monsieur Lecoq relevait que vous parliez tantôt de « migrants » et tantôt de « réfugiés » –, ce qui dessine une cartographie à géométrie variable selon les pays d’origine des personnes dont nous parlons ici.

Or, avec le dérèglement climatique, les migrations vont s’accroître mais ni le Gouvernement, ni même madame Ménard, qui vient d’employer le même vocabulaire, ne semblent voir qu’aujourd’hui, les migrations vont surtout des pays du Sud vers les pays du Sud. Tous les mouvements seront bientôt chamboulés parce que nous ne changeons rien à nos modes de production et en restons, par exemple, à un modèle de marché européen.

Mme Eléonore Caroit. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous félicite pour votre excellent rapport et pour le travail réalisé sur le terrain. Vous vous êtes en effet rendu à Kiev et avez procédé à des auditions approfondies, notamment pour ce qui concerne l’immigration ukrainienne. Comme plusieurs de mes collègues, je salue aussi l’action menée par le Gouvernement ces derniers mois pour soutenir et accueillir les Ukrainiens, et permettre leur immigration en France. C’est, comme vous l’avez dit, à la hauteur de nos valeurs et nous pouvons en être fiers.

En tant que députée des Français qui résident en Amérique latine et dans les Caraïbes, je tiens à rappeler que c’est en Guyane que la France possède sa plus longue frontière : plus de 1 000 kilomètres de contact avec le Suriname et le Brésil, et environ 3 000 demandes d’asile par an, dans des conditions et avec des infrastructures qui ne sont pas toujours à la hauteur de nos ambitions politiques. Cette immigration est très diverse : haïtienne, syrienne, palestinienne ou vénézuélienne. À la lumière de ce qui a déjà été dit et des progrès réalisés dans ce budget – qui, je l’espère, sera voté pour nous permettre d’augmenter nos moyens et les crédits destinés à l’intégration –, quelles sont les dispositions envisagées pour améliorer la situation des demandeurs d’asile sur le territoire de la Guyane et pour accompagner d’une manière durable ces régions en crise ?

M. Carlos Martens Bilongo. Je remercie madame Lakrafi pour les propos objectifs et très intéressants qu’elle a tenus en tant que députée des Français de l’étranger.

Que faisons-nous pour les demandeurs d’asile primo-arrivants, qui travaillent sans être régularisés, sans possibilité d’hébergement et avec de grandes difficultés pour obtenir des rendez-vous en préfecture, faute d’investissements en la matière ? Les délais de traitement des dossiers de demande d’asile sont très longs et alimentent les réseaux mafieux de tous types. Le système néolibéral et le recours massif à la sous-traitance dans les marchés publics et dans le secteur du bâtiment et des travaux publics sont aussi un appel du pied aux travailleurs sans papiers. L’État laisse faire et accompagne les sociétés ubérisées. De fait, la majorité des livreurs d’Uber Eats sont en situation irrégulière. À Bagnolet, par exemple, on a récemment fait appel à des travailleurs sans papiers, payés au lance-pierre, pour travailler dans un centre d’hébergement d’urgence.

Le salariat déguisé, sans protection sociale, a pour effet pervers d’alimenter les réseaux illégaux, comme le montrent les travaux pénibles du Grand Paris. Au péril de leur vie, des personnes traversent la Méditerranée ou la Manche – où, voilà quelques mois, un bébé irakien de trois jours a été retrouvé mort sur la plage – pour venir occuper des postes sans aucune protection sociale. Cette société ubérisée nous met aujourd’hui devant un constat accablant : aucune personne née en France et munie de papiers ne travaillerait dans de telles conditions, pour un ou deux euros la course.

Mme Nadège Abomangoli. À la suite de ceux de mes collègues qui ont évoqué les titres de séjour, je soulignerai pour ma part les difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens – notamment en Seine-Saint-Denis – pour obtenir des rendez-vous en préfecture. Quelques récentes décisions de justice ont été rendues en ce sens. Ainsi, le 3 juin 2022, le Conseil d’État a annulé l’imposition du téléservice pour les titres de séjour en Seine‑Saint‑Denis. En juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a indiqué que la préfecture devait réviser son système de prise de rendez-vous en préfecture. Toutefois, on ne constate pas encore d’application de ces recommandations. Quelles propositions pouvez-vous formuler en la matière ? Des milliers de personnes se trouvent en difficulté dans des démarches administratives très simples, leurs déplacements, leur emploi ou leurs études et les recours à la justice se multiplient.

Je tiens, pour conclure, à réagir à l’interpellation où il a été question de divan et de psychiatrie. La psychiatrisation des opposants politiques est une aberration. Ce sont là des méthodes de régime autoritaire et, qui plus est, une attitude validiste.

M. Louis Boyard. Il est intéressant d’entendre dire qu’un rapport pourrait mettre d’accord La France insoumise et le Rassemblement national : le « en même temps » de la communication a ses limites ! La politique de la minorité sur l’immigration est incohérente : comment expliquer que la politique menée envers les Ukrainiens – que nous approuvons – ne puisse pas s’appliquer aux Algériens, aux Somaliens, aux Afghans ? Pourquoi employez‑vous, à certains moments, le mot « migrant » et à d’autres, celui de « réfugié » ? Je ne sais sur quels critères vous vous fondez, si ce n’est, peut-être, la couleur de la peau…

J’ai entendu des intervenants bourgeois, certainement pas bohèmes mais assurément dégénérés (Exclamations) expliquer à la députée de la circonscription concernée comment fonctionnait son CRA. J’aimerais vous ramener à la réalité : venez à la préfecture du Val‑de‑Marne et vous verrez s’il est facile de prendre un rendez-vous. Vous parlez des CRA comme si c’étaient des colonies de vacances alors que, là-dedans, il y a des gens qui avalent des rasoirs et tentent de se suicider.

Le Rassemblement national affirme vouloir employer tous les moyens possibles pour empêcher l’immigration illégale. En ce cas, il faut commencer par lutter contre le réchauffement climatique parce que des millions de personnes vont être obligées de migrer. Or, rien n’est planifié en la matière.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le mot « dégénéré » a été employé à deux reprises dans cette assemblée, une fois par la majorité, une fois par l’opposition, et c’est deux fois de trop ! C’est intolérable !

M. Nicolas Metzdorf, rapporteur pour avis. Monsieur Boyard, vous radicalisez les deux positions que s’efforce de suivre simultanément l’État.

Notre politique d’immigration avance sur deux jambes. La première, c’est celle de l’humanisme français. L’immigration a toujours fait partie de notre histoire. Nous sommes, pour beaucoup, issus de l’immigration, laquelle a contribué à développer la France et sa culture. Elle est une richesse lorsqu’on vient pour travailler, créer, fonder une famille et adhérer aux valeurs de la République. L’immigration, en ce sens, est une chance et ne doit pas être perçue comme un danger pour notre pays. La deuxième jambe, c’est l’autorité et la fermeté. Nous ne voulons pas d’une immigration qui ne serait pas respectueuse de la République, de ses valeurs, qui remettrait en cause la Constitution française et ce qui fait de nous un pays démocratique ouvert sur le monde et respectueux de toutes les cultures.

Le budget de l’État avance sur ces deux jambes. Les crédits augmentent de manière assez considérable pour permettre à ceux qui veulent s’intégrer d’être accueillis convenablement. Ils sont également en hausse pour augmenter les places de CRA et permettre à la France de ne pas avoir sur son sol des étrangers qui ne veulent pas faire partie de la République.

La majorité défend la nuance sur cette question éminemment délicate. On ne peut pas résumer la France, comme le fait LFI, à un pays qui exclut, qui ne veut pas de l’immigration : nous sommes le deuxième pays en Europe pour l’accueil des étrangers et nous en sommes fiers. On ne peut pas non plus réduire la France, comme le fait le RN, à un pays qui accueille toute la misère du monde et qui laisse sur son sol des étrangers qui veulent nuire à la République.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE14 de M. Jérôme Buisson.

M. Jérôme Buisson (RN). Le pourcentage d’obligations de quitter le territoire français exécutées est passé de 17,1 % à 4,8 % entre 2013 et 2019. Les demandes d’asile sont en hausse, il n’y a pas de contrôles aux frontières, très peu de places en CRA ; on se trouve face à un chaos migratoire. LFI fait état de la mort d’un bébé immigré, ce qui est très regrettable, mais je rappellerai, de mon côté, la mort de Lola et d’une petite fille à Rouen.

La politique du Gouvernement en termes de lutte contre l’immigration irrégulière est un échec. Certes, nous saluons la hausse de 17,8 % des moyens alloués à cette action mais, au vu des chiffres catastrophiques concernant l’exécution des OQTF, ce n’est pas d’un petit ajustement budgétaire que nous avons besoin, mais d’un big bang. Même le projet annuel de performances le révèle, quoique très pudiquement : « L’appel à Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes) pour participer à des vols assurés directement par l’Agence permet de mesurer la hausse des besoins de financement ».

Je vous propose d’augmenter de 100 millions d’euros, soit de 50 %, le budget du programme de lutte contre l’immigration irrégulière. Il est en effet grand temps de relever les taux d’exécution des OQTF et, pour ce faire, de consacrer de vrais moyens à la rétention comme à la reconduite à la frontière.

M. Nicolas Metzdorf, rapporteur pour avis. Vous avez dit vous-même que cet enjeu n’était pas un problème budgétaire. Dès lors, je donnerai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE11 de Mme Laurence Robert-Dehault.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Chaque année, nous payons plusieurs dizaines de milliers d’euros au titre de l’allocation pour demandeur d’asile en faveur d’étrangers dont la situation n’a rien à voir avec la réelle détresse des demandeurs d’asile. Même déboutés en première instance du statut de réfugié, les requérants continuent de percevoir l’ADA pendant toute la durée de la procédure d’appel devant la Cour nationale du droit d’asile, alors que plus des deux-tiers d’entre eux se verront à nouveau déboutés.

L’amendement vise à désinciter les futurs migrants à venir en France réclamer à tort le statut de réfugié ; à cette fin, il prévoit que les demandes d’asile seront déposées dans l’ambassade du pays d’origine.

Par ailleurs, il propose de rediriger les crédits vers l’action Intégration des étrangers primo-arrivants. Plutôt que d’accueillir toujours plus d’étrangers qui, dans bien des cas, sont condamnés à vivre dans des conditions indignes, ne vaut-il pas mieux, en effet, favoriser l’intégration de ceux qui se trouvent déjà sur place ? Malgré les efforts du Gouvernement, la majorité des primo-arrivants n’ont pas une maîtrise suffisante de la langue française pour s’intégrer au mieux à la société française et au monde du travail. Ce budget pourrait donc être fléché vers l’apprentissage de notre langue.

M. Nicolas Metzdorf, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Vos calculs reposent sur un versement mensuel de l’ADA de 426 euros, alors que cette somme n’est versée qu’aux demandeurs d’asile qui ne se sont pas vu proposer de places d’hébergement. Pour 73 % d’entre eux, qui sont hébergés, l’allocation s’élève à 204 euros. Par ailleurs, l’amendement est contraire au droit européen, en particulier à la directive « accueil » du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

La commission rejette l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration non modifiés.

 


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   annexe : Liste des personnes auditionnées ou rencontrées par le rapporteur pour avis

 

 

Déplacement dans les Alpes-Maritimes (28 septembre 2022)

 

Déplacement au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (30 septembre 2022)

 

Déplacement en Ukraine (7 et 8 octobre 2022)


([1]) Hors dépenses de police (police aux frontières et gendarmerie nationale).

([2]) Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration ont été complétés en 2022 par d’autres crédits portés par la mission Plan de relance (programme 363 Compétitivité), relatifs au financement de projets d’investissement et de modernisation en matière d’hébergement, d’intégration et d’externalisation des centres de rétention administrative.

([3]) Les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) constituent un sas d’entrée dans l’hébergement et assurent une mission d’orientation vers d’autres dispositifs d’hébergement plus adaptés aux profils des demandeurs d’asile. Ils limitent la reconstitution de campements dans les territoires les plus en tension.

([4]) Les centres provisoires d’hébergement (CPH) accueillent des personnes ayant obtenu une protection internationale et qui, particulièrement vulnérables, ont besoin d’un accompagnement renforcé (sanitaire, social, linguistique, etc.).

([5]) L’orientation régionale directive permet d’attribuer un hébergement en province à une part croissante des personnes qui demandent l’asile en Île-de-France, où se concentrent environ 50 % des demandes. Prévue par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, elle est mise en œuvre dans le cadre du schéma d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés pour 2021-2023.

([6]) Ce montant ne comprend pas les dépenses d’ADA liées à l’accueil des personnes déplacées d’Ukraine.

([7]) S’agissant de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), les délais constatés sont de 222 jours en 2021 et de 190 jours aujourd’hui.

([8]) Le niveau linguistique de référence a été relevé au niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL).

([9]) Six millions d’euros étant par ailleurs apportés par le programme 303.

([10]) Partagé entre les États membres de l’Union européenne, le fichier Eurodac contient notamment les empreintes digitales des demandeurs d'asile et ressortissants de pays tiers franchissant irrégulièrement une frontière d’un pays de l'Union.

([11]) Créés en 2016, les guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) effectuent le premier accueil et l’enregistrement de ceux‑ci.

([12]) Le projet annuel de performance 2023 de la mission Immigration, asile et intégration indique (p. 11) que le « projet de loi, qui sera présenté ce début d’année 2023, permettra de poursuivre et d’amplifier les efforts engagés pour mieux maîtriser les flux migratoires, éloigner plus efficacement les étrangers qui menacent l’ordre public, consolider le droit d’asile et renforcer les exigences d’intégration ».

([13]) Compte tenu des incertitudes qui entourent le conflit et l’évolution des flux, le projet annuel de performances (« bleu budgétaire ») « Immigration, asile et intégration », annexé au projet de loi de finances pour 2023, ne présente pas de dépenses prévisionnelles concernant l’allocation pour demandeurs d’asile et les places d’hébergement collectif dont bénéficieront les déplacés ukrainiens.

([14]) Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.

([15]) Cf. Dalloz, 11 juillet 2022, La « protection temporaire » des personnes déplacées d’Ukraine.

([16]) Chiffre du HCR au 18 octobre 2022 (le nombre de personnes ayant fui l’Ukraine est à cette même date de 7 708 224).

([17]) Cette estimation est calculée à partir du nombre d’autorisations provisoires de séjour (APS) délivrées par les préfectures aux bénéficiaires de la protection temporaire (BPT), du nombre de cartes ADA délivrées par l’OFII et au calcul du nombre de bénéficiaires de l’ADA au sein des ménages ukrainiens accueillis sur le territoire national et, enfin, grâce aux remontées des préfectures qui permettent de compléter et d’affiner le cas échéant les statistiques collectées par le ministère de l’intérieur.

([18]) Au 31 décembre 2021, le DNA était composé de 110 000 places d’hébergement.

([19]) Instruction NOR LOGI2209326C du 22 mars 2022 : Accès à l’hébergement et au logement des personnes déplacées d’Ukraine bénéficiaires de la protection temporaire.

([20]) Saisi en référé par des associations, le tribunal administratif de Paris a, dans sa décision confirmée en appel par le Conseil d’État, rejeté en juillet 2022 une requête relative à l’ouverture des centres dédiés aux bénéficiaires ukrainiens de la protection temporaire à l’ensemble des personnes sans abri. Le tribunal se fonde sur le caractère exceptionnel du dispositif d’hébergement mis en place pour les déplacés d’Ukraine, faisant suite à l’application de la décision du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022 d’activer la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire. Eu égard à leur statut spécifique, ces personnes n’ont pas vocation à bénéficier des dispositifs de droit commun destinés à assurer la mise en œuvre du droit d’asile ou du droit à l’hébergement d’urgence.

([21]) Le dispositif d’intermédiation locative (IML) permet le logement de ménages dans le parc privé avec la médiation d’associations, dans un cadre de sous-location, de mandat de gestion ou de bail glissant.

([22]) La garantie VISALE (Visa pour le Logement et l’Emploi) est une caution locative accordée par le groupe Action Logement. Gratuite, elle garantit le paiement du loyer et des charges locatives au propriétaire en cas de défaillance de paiement du locataire.

([23]) Source : Pôle emploi.

([24]) Par opposition à la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), les prestations « d’entretien » visent l’entretien des enfants, quel que soit leur âge. Elles regroupent diverses prestations, dont les allocations familiales (AF), l’allocation de soutien familial (ASF), l’allocation de rentrée scolaire (ARS) et le complément familial (CF).

([25]) Cf. Commission européenne, communication du 14 avril 2021, « Lutte contre la traite des êtres humains : une nouvelle stratégie visant à prévenir la traite des êtres humains, à briser les modèles économiques criminels, à protéger les victimes et à leur donner des moyens d’agir » (voir aussi la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes).

([26]) Source : Europol.

([27]) Cf. U.S. Department of State, Trafficking in persons Report, juin 2021.

([28]) Source : Thomson Reuters Foundation.

([29]) ECPAT est l’acronyme de « End Child Prostitution in Asian Tourism ».

([30]) Le webinaire est disponible en replay à l’adresse suivante : https://www.gouvernement.fr/la-dihal-et-ses-partenaires-se-mobilisent-pour-prevenir-les-risques-de-traite-a-l-egard-des#:~:text=Affaires%20sociales-,La%20Dihal%20et%20ses%20partenaires%20se%20mobilisent%20pour%20pr%C3%A9venir%20les,des%20personnes%20d%C3%A9plac%C3%A9es%20d%27Ukraine&text=Un%20webinaire%20de%20sensibilisation%20aux,juillet%20dernier%20%C3%A0%20la%20DIHAL.

([31]) Avec notamment des frappes russes ciblant les infrastructures énergétiques de plusieurs régions ukrainiennes.

([32]) Sur la base d’un protocole d’accord signé à l'initiative de la Communauté de Sant’Egidio, entre les cinq promoteurs du projet et les ministères de l’intérieur et des affaires étrangères.