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N° 364

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2022.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023,

 

 

TOME II

 

 

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

 

 

 

PAR Mme Christine LE NABOUR,

 

Députée.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  273, 292 (annexe n° 44).


 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

PremiÈre partie Des crÉdits en hausse pour la mission solidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

I. les crÉdits du programme 304 inclusion sociale et protection des personnes sont en nette augmentation par rapport À la loi de finances pour 2022

A. PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2023

B. L’action 11 finance la prime d’activitÉ et d’autres dispositifs de soutien aux personnes À faibles revenus

C. L’action 14 relative À l’aide alimentaire connaÎt une Évolution sans prÉcÉdent

D. Les crÉdits allouÉs au travail social sont globalement stables

E. Les crÉdits de l’action 16 relative À la protection juridique des majeurs sont Également en hausse

F. Les crÉdits allouÉs À la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnÉrables font l’objet d’une augmentation significative

G. La stratÉgie interministÉrielle de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ : une annÉe de transition

H. Une lÉgÈre augmentation des crÉdits allouÉs À l’aide sociale

II. Les crÉdits du programme 157 Handicap et dÉpendance connaissent une hausse significative

A. PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2023

B. Le Gouvernement poursuit son soutien À l’autonomie et À l’activitÉ des personnes handicapÉes

C. La politique de bientraitance envers les personnes ÂgÉes et les personnes handicapÉes

D. Le financement d’un portail national de l’Édition accessible

III. LeS CRÉdits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes sont en trÈs forte hausse

A. PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2023

B. L’accÈs aux droits et l’ÉgalitÉ professionnelle

C. La PrÉvention et la lutte contre les violences faites aux femmes

IV. une pÉrENnisation des moyens DU programme 124 conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

SECONDE partie ANALYSE THÉMATIQUE : La modernisation des prestations sociales et la solidaritÉ À la source

I. La complexitÉ du systÈme des prestations de solidaritÉ alimente le nonrecours et favorise les erreurs de gestion

A. Le systÈme des prestations de solidaritÉ est le fruit d’une sÉdimentation de dispositifs hÉtÉrogÈnes

1. Le système de prestations de solidarité est le fruit d’une sédimentation de dispositifs visant à lutter contre la pauvreté

2. Il en résulte un système d’une complexité considérable, souvent qualifié d’illisible

B. Cette ComplexitÉ, source de nonrecours et de fraudes, mine l’efficacitÉ du systÈme

1. Enjeu de politique publique, le nonrecours est un phénomène multidimensionnel

2. L’hétérogénéité des règles d’éligibilité et la complexité du système déclaratif alimentent le nonrecours et favorisent les erreurs de gestion

3. Le manque de lisibilité diminue l’efficacité des dispositifs d’incitation à l’activité

II. la mise en place de la solidaritÉ À la source et la rÉforme de l’accompagnement des bÉnÉficiaires sont les deux piliers d’une modernisation du systÈme de solidaritÉ français

A. Mieux connaÎtre la cause pour lutter plus efficacement contre ses effets : vers une mesure réguliÈre du nonrecours

1. La mesure du nonrecours est un exercice méthodologique complexe

2. Le recours à des enquêtes ponctuelles spécifiques menées sur un échantillon représentatif de la population ciblée par la prestation

3. L’utilisation de modèles de microsimulation à partir d’enquêtes en population générale et de données administratives régulièrement mises à jour

B. la solidaritÉ À la source repose sur la simplification et l’automatisation du systÈme des prestations de solidaritÉ

1. La réforme du revenu universel d’activité a été avortée en raison de la crise sanitaire

2. L’automatisation de la chaîne de délivrance des prestations

3. Les règles d’éligibilité et de prise en compte des ressources doivent être simplifiées et harmonisées

C. Renforcer l’accompagnement des bÉnÉficiaires de prestations : l’indispensable réforme de « l’aller vers »

1. L’automatisation de la délivrance des prestations ne pourra jamais se substituer totalement à l’accompagnement des bénéficiaires

2. Les prestations sociales doivent être une étape dans le parcours d’insertion sociale des allocataires et leur accompagnement vers l’emploi

Travaux de la commission

I. Audition des ministres

II. Examen des crédits

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE


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   AVANT-PROPOS

 « Nous voulons que chacun perçoive les aides auxquelles il a droit. Avec la solidarité à la source, nous mettrons fin à l’injustice sociale du nonrecours et nous lutterons plus efficacement contre la fraude. » Élisabeth Borne, discours de politique générale prononcé devant l’Assemblée nationale le 6 juillet 2022.

*

Depuis cinq ans, la majorité œuvre avec ambition à la lutte contre la pauvreté. Les crédits alloués à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ont augmenté de 12,1 milliards d’euros par rapport à 2017, essentiellement portés par la forte hausse du montant de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ([1]).

Le projet de loi de finances pour 2023 ne déroge pas à cet objectif, avec une augmentation considérable du budget, liée principalement aux mesures de soutien au pouvoir d’achat telles que la revalorisation anticipée de 4 % des prestations sociales et la déconjugalisation de l’AAH. La mission Solidarité, insertion et égalité des chances porte également d’autres mesures structurantes pour 2023 telles que le doublement des crédits alloués à l’aide alimentaire via la création d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires et l’augmentation de 15 % du budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Pour essentielle qu’elle soit, l’augmentation des crédits consacrés aux solidarités et à l’insertion ne peut être la seule réponse aux défis de notre temps. Un nombre trop important de nos concitoyens continuent d’être exclus du système de solidarité en raison du phénomène de non‑recours. La complexité de l’architecture actuelle des aides sociales et la lourdeur des obligations déclaratives alimentent les ruptures de droits et favorisent les erreurs de gestion, sources d’indus et de fraude. Ces éléments constituent autant d’obstacles à la mise en place de ce que votre rapporteure avait qualifié en 2018 de « juste prestation », c’est-à-dire une prestation qui garantit la justice sociale et la justesse des prestations en servant « tous les droits, rien que les droits » ([2]).

La promesse présidentielle d’instaurer une solidarité à la source participe de cette ambition. Cette notion recouvre en réalité deux éléments indissociables : l’automatisation des prestations sociales et la simplification des règles de droit. Elle a pour objectif de simplifier l’accès aux prestations en allégeant considérablement le processus déclaratif, lié notamment aux conditions de ressources.

Cette réforme est un chantier de longue haleine qui pourra s’appuyer sur les évolutions techniques récentes en matière de recueil, d’utilisation et d’échange des données sociales, et sur les réflexions menées depuis 2019 sur la mise en place d’un revenu universel d’activité.

Elle ne peut toutefois faire l’économie d’une révolution de l’accompagnement, seul à même d’assurer une insertion durable pour nos concitoyens les plus précaires. C’est la raison pour laquelle des expérimentations « 100 % accès aux droits » et un renforcement des parcours d’orientation socioprofessionnelle des bénéficiaires du revenu de solidarité active seront mis en place, en lien avec les territoires, dès 2023.

Solidarité à la source et réforme de l’accompagnement des bénéficiaires de prestations sociales sont des éléments structurants de la modernisation de notre système de solidarité. C’est la raison pour laquelle votre rapporteure a décidé d’y consacrer la seconde partie du présent avis budgétaire.

 


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   PremiÈre partie
Des crÉdits en hausse pour la mission solidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

● Les crédits alloués à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances s’élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 à 29,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 29,9 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Cette mission est composée de quatre programmes, rattachés au ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées et à la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ([3]) :

– le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes ;

– le programme 157 Handicap et dépendance ;

– le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes ;

– le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales.

● Les crédits demandés pour la mission connaissent une forte hausse par rapport à la loi de finances pour 2022. Les AE augmentent de 6,6 %, tandis que les CP évoluent de 8,3 %. Les deux dispositifs qui concentrent l’essentiel des dépenses de la mission sont l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et les autres aides en faveur des personnes handicapées d’une part, avec 14 milliards d’euros prévus en AE et en CP (+ 6,3 % par rapport à 2022) et la prime d’activité d’autre part, avec 12,9 milliards d’euros prévus en AE et en CP (+ 10,3 % par rapport à 2022). Ils représentent à eux seuls 90,4 % des crédits de la mission.

Avec un budget de 117,2 millions d’euros, l’action consacrée à l’aide alimentaire connaît la plus forte augmentation, puisqu’elle serait doublée par rapport à la loi de finances pour 2022 (+ 106,7 %).

I.   les crÉdits du programme 304 inclusion sociale et protection des personnes sont en nette augmentation par rapport À la loi de finances pour 2022

A.   PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2023

Les crÉdits du programme 304

(en euros)

Programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes

Ouverts en LFI 2022

CP

Demandés pour 2023

CP

Variation 2022/2021
(en %)

Action 11 Prime d’activité et autres dispositifs

11 727 479 825

12 932 096 398

+ 10,27

Action 13 Ingénierie, outils de la gouvernance et expérimentations

7 788 973

8 539 213

+ 9,63

Action 14 Aide alimentaire

56 687 142

117 189 716

+ 106,73

Action 15 Qualification en travail social

5 659 277

5 448 347

- 3,73

Action 16 Protection juridique des majeurs

733 818 921

801 865 494

+ 2,27

Action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables

249 181 725

315 657 700

+ 26,68

Action 18 Aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS)

2 111 988

948 834

- 55,07

Action 19 Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes

327 600 000

252 000 000

- 23,08

Action 21 Allocations et dépenses d’aide sociale

34 000 000

36 000 000

+ 5,88

Total des crédits du programme 304

13 144 327 851

14 469 745 702

+ 10,08

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2023.

● Le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes connaît une augmentation conséquente, de 10,1 % en CP par rapport à 2022. Cette augmentation représente une hausse de 4 points de plus que celle constatée entre 2021 et 2022.

Le programme finance la prime d’activité, les dispositifs d’aide alimentaire, de protection juridique des majeurs ainsi que les actions de protection et d’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Par ailleurs, le programme porte l’essentiel des moyens alloués à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et ceux destinés au financement de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2019-2022.

● Ce programme a pleinement joué son rôle d’amortisseur de la crise sanitaire et sociale, avec des ouvertures de crédits exceptionnelles en 2020 pour un total de 1,1 milliard d’euros, ayant permis de financer des aides exceptionnelles aux plus démunis – aides exceptionnelles de solidarité, chèques alimentaires, maintien des jeunes majeurs dans le dispositif d’aide sociale à l’enfance, etc.

Il a également porté l’essentiel des crédits ouverts par la loi n° 2022‑1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 pour financer la prime exceptionnelle de rentrée (1,1 million d’euros) et la revalorisation anticipée des minima sociaux (387,3 millions d’euros) de 4 % prévue par la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

B.   L’action 11 finance la prime d’activitÉ et d’autres dispositifs de soutien aux personnes À faibles revenus

● Entrée en vigueur le 1er janvier 2016 en remplacement de la prime pour l’emploi et du volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA), la prime d’activité est un complément de revenu mensuel versé, sous conditions de ressources, aux travailleurs aux revenus modestes, salariés ou non-salariés dès 18 ans. Par dérogation, elle est également ouverte aux élèves, étudiants et apprentis qui perçoivent des revenus supérieurs à 0,78 Smic.

L’amélioration de la situation du marché de l’emploi au second semestre 2021 a entraîné une hausse du nombre de foyers bénéficiaires de la prime d’activité en 2021, en augmentation de 0,9 % entre fin 2020 et fin 2021 pour s’établir à 4,62 millions de foyers selon les données définitives de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques des ministères sociaux (Drees).

Selon les dernières données anticipées de la Drees, les effectifs de foyers bénéficiaires de la prime d’activité seraient de 4,61 millions de foyers à fin juin 2022, en léger recul par rapport à décembre 2021, en raison notamment d’une stabilisation du chômage d’un côté et de la sortie de la prime d’activité pour dépassement de ressources de l’autre. Compte tenu de ces anticipations, la dépense de prime d’activité est estimée à 10,9 milliards d’euros pour 2023.

La prime d’activité fait partie des prestations incluses dans le périmètre de la réforme de la solidarité à la source qui fait l’objet de développement dans la seconde partie du présent avis budgétaire.

● L’action 11 finance également :

– les aides exceptionnelles de fin d’année dites « prime de Noël » ;

– le RSA jeunes, ouvert depuis 2010 aux jeunes de moins de 25 ans justifiant de deux ans d’activité en équivalent temps plein au cours des trois années précédant la demande (2,7 millions d’euros pour 2023) ;

– le RSA recentralisé pour les départements de Guyane, de Mayotte, de La Réunion, de la Seine‑Saint‑Denis et des Pyrénées‑Orientales.

● Après la revalorisation annuelle du 1er avril 2022 liée à l’inflation de l’année précédente (+ 1,8 %), une revalorisation anticipée de 4 % des prestations sociales est intervenue au 1er juillet 2022 en application de l’article 9 de la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ([4]).

La budgétisation pour 2023 intègre ces revalorisations.

C.   L’action 14 relative À l’aide alimentaire connaÎt une Évolution sans prÉcÉdent

Le montant consacré à l’aide alimentaire en 2023 est de 117,2 millions d’euros en AE et en CP, soit un effort exceptionnel de + 106,7 % en un an.

● L’aide alimentaire s’inscrit dans la politique de lutte contre la précarité alimentaire menée par l’État. Elle consiste à mettre à disposition des personnes les plus démunies des produits alimentaires de qualité via le financement des épiceries sociales, de l’aide alimentaire déconcentrée.

Outre ces crédits, le financement de l’aide alimentaire bénéficie de l’apport des crédits du Fonds social européen + (FSE+), lequel cofinance les marchés d’achat de denrées alimentaires passés par l’opérateur FranceAgrimer. Ces crédits représentent 647 millions d’euros sur la période 2022-2027, soit une moyenne annuelle du même ordre de grandeur que l’effort de l’État prévu pour 2023.

● En complément, des moyens nouveaux seront mobilisés en 2023 à hauteur de 60 millions d’euros pour contribuer à la mise en place d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires. Ils s’inscrivent dans le prolongement des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi « Égalim » ([5]) et poursuivent les objectifs suivants :

– améliorer la qualité nutritionnelle de l’aide alimentaire pour les plus précaires ;

– enclencher une évolution structurelle de l’aide alimentaire à travers les principes suivants : l’ancrage territorial en circuit de proximité, l’émancipation et l’autonomisation des personnes, la dignité et l’insertion sociale ;

– favoriser une alimentation plus saine écologiquement.

D.   Les crÉdits allouÉs au travail social sont globalement stables

Les travailleurs sociaux interviennent auprès des personnes en situation de fragilité. Ils sont un rouage essentiel de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Chaque année, plus de 25 000 diplômes sont délivrés pour les étudiants suivant un cursus en formation initiale, tandis que plus de 3 700 salariés obtiennent leur diplôme au titre de la validation des acquis de l’expérience.

Afin de soutenir cette politique, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit d’allouer 1,4 million d’euros à l’amélioration de la qualité des formations en travail social et 4 millions d’euros à la certification professionnelle.

E.   Les crÉdits de l’action 16 relative À la protection juridique des majeurs sont Également en hausse

L’action 16 est dotée de 801,9 millions d’euros en AE et en CP pour l’année 2023. Cela représente une augmentation de 9,3 % par rapport à la loi de finances pour 2022.

Les crédits de l’action 16 concourent principalement au financement des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des mandataires exerçant à titre individuel. Les mesures de protection juridique des majeurs, prononcées par le juge des contentieux de la protection, concernent les personnes qui ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs intérêts en raison d’une altération de leurs facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté.

Les crédits traduisent aussi les mesures de revalorisations en faveur des personnels de la protection juridique des majeurs décidées lors de la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico‑social du 18 février 2022 dans le cadre de l’extension des mesures du Ségur aux travailleurs sociaux. Ces revalorisations, qui bénéficient à près de 8 000 professionnels du secteur, représentent une dépense supplémentaire de 41,9 millions d’euros en 2023. Le budget pour l’année 2023 prévoit en outre 7,3 millions d’euros pour le recrutement de 200 mandataires supplémentaires. Ces recrutements permettront d’améliorer la prise en charge des personnes protégées et de renforcer l’attractivité du métier de mandataire.

F.   Les crÉdits allouÉs À la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnÉrables font l’objet d’une augmentation significative

Les crédits de l’action 17 sont fixés à 315,7 millions d’euros en AE et en CP pour 2023, soit une hausse de 26,68 % par rapport à 2022.

● Ces crédits financent diverses actions, notamment :

– l’appui au dispositif d’accueil et d’évaluation des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA) ;

– la subvention de fonctionnement du futur groupement d’intérêt public France enfance protégée (GIP FEP) ([6]) ;

– les mesures liées aux 1 000 premiers jours de vie des enfants et au soutien de leurs parents, issues du rapport de la commission présidée par M. Boris Cyrulnik ;

– l’appui aux conseils départementaux suite à l’obligation de prise en charge jusqu’à 21 ans des jeunes majeurs de l’aide sociale à l’enfance non autonomes, prévue par la loi n° 2022‑140 précitée ;

– la participation de l’État à la compensation partielle aux conseils départementaux de l’effet des revalorisations salariales dans les services de protection maternelle et infantile (PMI).

G.   La stratÉgie interministÉrielle de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ : une annÉe de transition

L’action 19 est dotée de 252 millions d’euros en AE et en CP pour 2023.

Après une forte mobilisation entre 2019 et 2022, l’année 2023 constitue une année de transition dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, laquelle fera l’objet d’une évaluation avec l’ensemble des acteurs concernés, en particulier les collectivités territoriales et les associations.

Dans l’attente des résultats de cette évaluation, le budget pour 2023 permet de poursuivre la majorité des actions menées en faveur de l’investissement social, de l’insertion et de l’accès aux droits, notamment :

– l’accès à l’alimentation de qualité pour tous, avec une montée en puissance des crédits consacrés à la mesure « cantines à 1 euro » (+ 7 millions d’euros), en parallèle de la mise en place du fonds aux nouvelles solidarités alimentaires ;

– la lutte contre le non-recours et l’accès aux droits avec le lancement d’une expérimentation « territoires 100 % accès aux droits », issu d’un amendement déposé par votre rapporteure lors de l’examen de la loi dite « 3DS » ([7]). L’expérimentation, dotée de 2 millions d’euros, s’inscrit le chantier de la solidarité à la source qui fait l’objet de développements dans la seconde partie du présent avis.

H.   Une lÉgÈre augmentation des crÉdits allouÉs À l’aide sociale

Depuis 2022, le programme 304 compte une neuvième action Allocations et dépenses d’aide sociale. Cette action résulte du transfert des crédits du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables. Elle est dotée de 36 millions d’euros en AE et en CP pour 2023.

Elle finance des prestations d’aide sociale qui relèvent de la compétence résiduelle de l’État, en particulier les aides à destination des personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap dont la compétence ne relève d’aucun département en particulier.

II.   Les crÉdits du programme 157 Handicap et dÉpendance connaissent une hausse significative

A.   PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2023

Les crÉdits du programme 157

(en euros)

Programme 157 Handicap et dépendance

Ouverts en LFI 2022

CP

Demandés pour 2023

CP

Variation PLF 2023 / LFI 2022
(en %)

Action 12 Allocations et aides en faveur des personnes handicapées

13 203 172 716

14 039 750 347

+ 6,34

Action 13 Pilotage du programme et animation des politiques inclusives

35 311 754

43 711 754

+ 23,79

Total des crédits du programme 157

13 238 484 470

14 083 462 101

+ 6,38

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2023.

Le programme 157 Handicap et dépendance vise à permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d’autonomie de choisir librement leur mode de vie en leur facilitant l’accès au droit commun et en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins. Le programme finance essentiellement l’allocation aux adultes handicapés ainsi que les mécanismes d’accompagnement vers l’activité professionnelle. Des crédits sont également dédiés à la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Le sixième comité interministériel du handicap (CIH), tenu le 3 février 2022, a rappelé la mobilisation de l’ensemble du Gouvernement pour réaliser des avancées concrètes au profit des personnes en situation de handicap et de leurs aidants.

De nombreuses mesures issues des engagements de la cinquième conférence nationale du handicap ([8]) et du CIH ont été mises en œuvre en 2022. C’est le cas notamment de la poursuite du développement de l’université inclusive, du plan de transformation des établissements et services d’aide par le travail (Esat), de la revalorisation du montant de l’allocation journalière du congé « proche aidant » et des avancées importantes pour l’accessibilité de la communication gouvernementale.

B.   Le Gouvernement poursuit son soutien À l’autonomie et À l’activitÉ des personnes handicapÉes

● Le principal poste de dépenses du programme 157 Handicap et dépendance concerne le financement de l’AAH qui permet d’assurer un revenu de subsistance aux personnes en situation de handicap.

En application de l’article 10 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat l’AAH sera déconjugalisée au plus tard le 1er octobre 2023. À compter de l’entrée en vigueur de cette réforme, les ressources du conjoint seront exclues de la base ressources utilisée pour le calcul de son montant. 160 000 allocataires bénéficieront de cette réforme, dont 80 000 nouveaux entrants dans la prestation pour un gain moyen de 300 euros par mois. La déconjugalisation de l’AAH entraînera un surcoût de 560 millions d’euros par an dont 160 millions d’euros pour accompagner les perdants de la réforme à travers le maintien du mode de calcul actuel.

Le présent projet prévoit pour 2023 la budgétisation de cette réforme et prend également en compte la mesure de revalorisation anticipée de l’AAH de 4 % prévue par la loi n° 2022‑1158 précitée.

Entre 2017 et 2023, l’enveloppe dédiée à l’AAH progresserait donc de 38 %, pour un total de 3,5 milliards d’euros supplémentaires par an pour les personnes en situation de handicap, ce qui représente une évolution inédite par son ampleur.

● La majorité est en outre pleinement engagée en faveur du soutien à l’emploi des personnes en situation de handicap à travers le financement de l’aide au poste et de l’emploi accompagné.

Le programme 157 finance l’aide au poste versé par l’État aux Esat pour assurer la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH) prévue à l’article L. 243‑4 du code de l’action sociale et des familles. Ce poste de dépenses représente 1,5 milliard d’euros, qui bénéficient à 120 000 travailleurs handicapés.

La loi de finances pour 2022 a permis d’accompagner l’évolution des Esat autour de trois axes :

– le renforcement des droits des usagers d’Esat ;

– l’amélioration de l’accompagnement via l’ouverture d’un parcours renforcé en emploi permettant aux travailleurs handicapés de cumuler une activité en Esat et un contrat de travail à temps partiel en milieu ordinaire ([9]) ;

– le soutien à l’investissement pour la transformation des Esat.

Le projet de loi de finances pour 2023 poursuit ce soutien via l’extension des effets de l’annualisation de l’aide au poste et la poursuite des travaux liés à la refonte du système d’information des Esat, en particulier leur intégration progressive au dispositif de déclaration sociale nominative (DSN), dans l’objectif de simplifier leurs obligations déclaratives.

Le développement de l’emploi accompagné constitue un autre enjeu majeur pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Créé par la loi n° 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, le dispositif permet aux personnes handicapées d’accéder à un emploi en milieu ordinaire et à le conserver via des mesures d’appui à destination des travailleurs et des employeurs.

En 2023, l’enveloppe dédiée à l’emploi accompagné représente 22,4 millions d’euros, ce qui traduit l’effort budgétaire consenti par le Gouvernement pour pérenniser les hausses de crédits initialement prises dans le cadre du plan de relance. Ces crédits permettront de poursuivre le déploiement des plateformes départementales de l’emploi accompagné, en partenariat avec l’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) et le collectif France emploi accompagné (CFEA).

C.   La politique de bientraitance envers les personnes ÂgÉes et les personnes handicapÉes

La politique de prévention et de lutte contre la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, du fait de leur âge ou de leur handicap, est un élément constitutif du soutien à l’autonomie et de la protection des personnes dont l’État est garant.

Les crédits alloués à cette politique, soit 660 000 euros en AE et 2,1 millions d’euros en CP, financent le dispositif « 3977 », numéro national dédié aux victimes et témoins de maltraitances envers les personnes âgées et en situation de handicap. Ces financements permettront la montée en charge du dispositif, conformément à la convention pluriannuelle d’objectifs 2021‑2023. Ils subventionneront également les centres de proximité du réseau « 3977 » au niveau déconcentré.

D.   Le financement d’un portail national de l’Édition accessible

Enfin, en 2023, le programme 157 comprend le financement à hauteur de 0,9 million d’euros de la création d’un portail national de l’édition accessible, annoncée lors du conseil interministériel du handicap tenu le 3 février 2022. Ce portail sera cofinancé à hauteur de 3,56 millions d’euros en AE et 1,25 million d’euros en CP par les crédits du programme 334 Livre et industries culturelles.

Le portail national de l’édition accessible poursuit un double objectif :

– simplifier les démarches des personnes en situation de handicap pour se procurer des livres et revues accessibles ;

– augmenter l’offre de contenus à destination des publics empêchés de lire.

Les crédits seront destinés à couvrir les charges exposées par les établissements publics gestionnaires du projet par le versement d’une subvention ou dotation.

III.   LeS CRÉdits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes sont en trÈs forte hausse

A.   PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2023

Les crÉdits du programme 137

(en euros)

Programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes

Ouverts en LFI pour 2022

Demandés pour 2023

Variation PLF 2023 / LFI 2022 (en %)

Action 23 Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes

1 560 107

1 534 357

-1,65 %

Action 24 Accès aux droits et égalité professionnelle

20 966 894

23 716 894

+13,12 %

Action 25 Prévention et lutte contre les violences et la prostitution

24 861 580

29 221 580

+17,54 %

Total des crédits du programme 137

47 388 581

54 472 831

+14,95 %

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2023.

● Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes vise, par effet de levier budgétaire, à impulser et à coordonner les actions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale, à la promotion des droits et à la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes.

Le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances met en œuvre sa politique autour de trois axes d’intervention prioritaires : la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ; l’égalité professionnelle et l’autonomie des femmes ; l’accès aux droits et la diffusion de la culture de l’égalité.

● Un nouvel effort budgétaire significatif est réalisé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause nationale reconduite pour ce quinquennat. Ainsi, 7,3 millions d’euros supplémentaires – soit 15 % de crédits supplémentaires par rapport à 2022 – seront mis en œuvre pour accentuer la lutte contre les violences faites aux femmes, favoriser l’autonomie économique des femmes et améliorer l’accès aux droits et la diffusion de la culture de l’égalité.

Les deux principales actions sont l’action 24 Accès aux droits et égalité professionnelle et l’action 25 Prévention et lutte contre les violences et la prostitution. Elles sont en forte hausse par rapport à 2022.

B.   L’accÈs aux droits et l’ÉgalitÉ professionnelle

Les crédits affectés à l’action 24 s’élèvent à 23,7 millions d’euros en AE et CP pour l’année 2023 (+ 13 % par rapport à 2022). Cette action repose sur deux piliers que sont l’accès aux droits d’une part, et la mixité professionnelle entre les femmes et les hommes et l’entrepreneuriat des femmes d’autre part.

● Les financements inscrits au titre de l’action 24 visent prioritairement à soutenir les associations et projets favorisant l’innovation, le renouvellement des pratiques et l’émergence des initiatives pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

En 2023, cette action porte une forte ambition visant à consolider et développer l’accès aux droits des femmes. Un effort budgétaire de 1,6 million d’euros est dévolu aux centres d’information sur les droits de femmes et des familles (CIDFF). L’enveloppe dédiée aux espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) est stable en 2023, ce qui démontre un véritable effort du Gouvernement pour pérenniser les crédits exceptionnels ouverts en 2022 pour ces structures qui contribuent à informer les femmes en matière de santé sexuelle et conduisent des entretiens préalables à la mise en œuvre des interruptions volontaires de grossesse.

L’accès aux droits concerne également la participation des femmes à la vie sociale, sportive et culturelle. Une partie des crédits alloués aux subventions nationales, permet d’accompagner des actions ponctuelles et partenariales dans ces domaines. 2,1 millions d’euros seront consacrés à des projets innovants en matière de culture de l’égalité dans les domaines de la culture, des médias et du sport études. Des plans d’actions seront mis en œuvre dans les zones rurales, les quartiers prioritaires et les départements d’outre-mer pour l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes pour un montant total de 1,4 million d’euros.

● L’égalité professionnelle représente un enjeu social et économique majeur. La loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis la mise en place d’un index de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises. Lors de son audition, la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances a indiqué que ce dispositif donnait satisfaction. Depuis sa mise en place, 32 pénalités financières ont ainsi été prononcées contre des entreprises ne respectant pas l’objectif d’une note de 75/100. Il s’agira sur la période 2023‑2025 de continuer à mieux faire connaître l’index auprès des chefs d’entreprise, des responsables des ressources humaines et des salariés.

Comme en 2022, 2,5 millions d’euros seront consacrés aux initiatives favorisant l’insertion professionnelle des femmes. L’action contribuera ainsi à la pérennisation de dispositifs mis en place en 2022 tels que la poursuite du renforcement des mesures d’insertion et d’égalité économique et professionnelle via les bureaux d’accompagnement vers l’emploi et le lancement d’un nouvel appel à projets pour l’autonomie et l’insertion professionnelle des femmes. Un effort particulier sera fait en direction des femmes éloignées de l’emploi, en particulier les femmes assumant seules la charge d’une famille.

C.   La PrÉvention et la lutte contre les violences faites aux femmes

● La lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité du Président de la République et du Gouvernement. L’action 25 est la traduction budgétaire de ces engagements et contribue à la prévention des violences ainsi qu’à la prise en charge des femmes qui en sont victimes. Elle participe aussi à la prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains en finançant principalement le dispositif du parcours de sortie de la prostitution prévu par la loi n° 2016‑444 du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l’accompagnement des personnes prostituées.

● Les crédits demandés pour l’action 25 s’élèvent à 29,2 millions d’euros en AE et 32,4 millions d’euros en CP pour 2023 (+ 17,5 % par rapport à 2022).

4,2 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2022 seront consacrés à la montée en charge des mesures de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes :

– le soutien aux dispositifs d’accueil et d’aide à la mobilité pour mettre en sécurité les victimes ;

– le renforcement et l’évolution structurelle et organisationnelle du réseau des lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO) et des accueils de jour ;

– le lancement d’un « pack nouveau départ » sur cinq sites expérimentaux à destination d’un public cible de femmes victimes de violences ;

– la consolidation de la plateforme téléphonique 3919 d’écoute, d’information et d’orientation à destination des victimes de violences ;

– la poursuite d’actions ciblées complémentaires sur les violences sexistes et sexuelles au travail.

● En matière de lutte contre la prostitution et de soutien aux parcours de sortie, 1,6 million d’euros seront consacrés au financement de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle (AFIS) ([10]) dont 0,2 million d’euros supplémentaires par rapport à 2022, afin de répondre à l’augmentation du nombre de personnes accompagnées.

IV.   une pÉrENnisation des moyens DU programme 124 conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

Le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales retrace, comme son intitulé l’indique, les moyens d’appui et de soutien aux services mettant en œuvre ces politiques publiques. Il porte également la subvention pour charges de service public versée aux 18 agences régionales de santé.

Il centralise l’ensemble des emplois du ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ainsi que du ministère de la santé et de la prévention, que ce soit au niveau central ou au niveau déconcentré au sein du réseau des directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS). Il regroupe également les moyens de fonctionnement et de soutien aux politiques publiques des administrations centrales et des cabinets des ministres chargés des affaires sociales et de la santé

En 2023, le programme 124 est doté de 1,3 milliard d’euros, en augmentation de 9,8 % par rapport à 2022.

Pour la troisième année consécutive, le schéma d’emplois de la mission sera positif avec une augmentation de 58 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Le plafond d’emploi intègre en outre la pérennisation de 50 ETPT auparavant dédiés à la lutte contre la crise de covid‑19 au bénéfice des services centraux.

Les orientations pour 2023 consolident également les moyens des agences régionales de santé avec une hausse de 45 ETP afin de leur permettre de renforcer leurs missions de contrôle des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), de mettre en œuvre les mesures du Ségur de la santé et préparer les Jeux olympiques de 2024.


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   SECONDE partie
ANALYSE THÉMATIQUE : La modernisation des prestations sociales et la solidaritÉ À la source

I.   La complexitÉ du systÈme des prestations de solidaritÉ alimente le non‑recours et favorise les erreurs de gestion

A.   Le systÈme des prestations de solidaritÉ est le fruit d’une sÉdimentation de dispositifs hÉtÉrogÈnes

1.   Le système de prestations de solidarité est le fruit d’une sédimentation de dispositifs visant à lutter contre la pauvreté

● Le système français de prestations de solidarité regroupe les prestations versées sous conditions de ressources, sans contrepartie de cotisations, ce qui les distingue des allocations contributives telles que les allocations chômage ou les retraites. Parmi ces prestations, on compte en France les minima sociaux auxquels s’ajoutent d’autres dispositifs telles que les aides au logement ou la prime d’activité.

L’architecture actuelle du système de solidarité résulte d’une sédimentation historique de dispositifs s’adressant à divers publics. Certaines prestations comme le revenu de solidarité active (RSA) sont des prestations « universelles » dont le bénéfice n’est soumis qu’au respect de conditions de résidence, d’âge et de revenu. D’autres dispositifs s’adressent quant à eux à des publics spécifiques tels que les personnes en situation de handicap. Dans une étude publiée en juillet 2021, le Conseil d’État dénombre près d’une trentaine de prestations sociales sous conditions de ressources qui représentent un montant de près de 120 milliards d’euros ([11]).

● La logique commune à l’ensemble de ces prestations est de lutter contre la pauvreté de leurs bénéficiaires en leur assurant un niveau de ressources minimal et de favoriser leur inclusion sociale.

Le RSA est une allocation différentielle, dont le montant est calculé de manière à permettre à son bénéficiaire d’atteindre un seuil minimal de ressources, fixé à 598,54 euros pour une personne seule sans enfant. Ce seuil minimal correspond au montant forfaitaire du RSA ([12]). En application de l’article R. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, il varie en fonction de la composition du foyer dans les conditions présentées dans le tableau ci‑après.

MONTANTS DU RSA AU 1er JUILLET 2022

 

 

(en euros)

 

Allocataire seul

Allocataire seul avec majoration

Allocataire en couple

Sans enfant

598,54

768,59

897,81

Un enfant

897,81

1 024,78

1 077,37

Deux enfants

1 077,37

1 280,98

1 256,93

Par enfant supplémentaire

239,42

256,20

239,42

Source : commission des affaires sociales sur la base de la législation en vigueur à la date de publication du présent avis.

S’agissant des prestations de soutien au revenu des ménages modestes, un autre objectif fondamental du système est d’inciter les bénéficiaires à reprendre une activité lorsque cela est possible. La traduction de cet objectif réside dans la mise en place de mécanismes d’intéressement, permettant d’assurer que le travail « paie » davantage que l’inactivité. En France, c’est la prime d’activité qui joue ce rôle à titre principal via deux mécanismes liés à son mode de calcul.

Le montant de la prime d’activité est calculé de telle sorte que chaque euro de revenu professionnel en plus se traduise par une diminution de 0,39 euro de prime ([13]). En outre, bien qu’il s’agisse d’une prestation conjugalisée, une bonification individuelle est attribuée à chaque membre du foyer ayant des revenus d’activité. Cette bonification s’applique si les revenus d’activité mensuels nets d’un membre du foyer sont au moins équivalents à 59 fois le Smic horaire brut. Son montant maximal est atteint lorsque les revenus d’activité sont équivalents à 120 fois le Smic horaire brut. Le caractère incitatif de la prime d’activité a été particulièrement renforcé par la majorité depuis 2019 via la majoration exceptionnelle de 90 euros du montant maximal de la bonification individuelle ([14]).

2.   Il en résulte un système d’une complexité considérable, souvent qualifié d’illisible

a.   Les ressources prises en compte pour déterminer l’éligibilité ou calculer le montant de la prestation diffèrent d’une prestation à l’autre

● Dans une étude consacrée aux conditions de ressources dans les politiques sociales, le Conseil d’État dressait le constat d’un système d’une « complexité considérable » ([15]).

L’appréciation des ressources peut n’être qu’une simple condition d’éligibilité, ouvrant le droit à la prestation mais n’ayant aucune incidence sur son montant ou sur l’étendue de la couverture qu’elle offre. C’est le cas par exemple de la complémentaire santé solidaire (C2S). Une telle situation est cependant assez rare.

L’appréciation des ressources pour le bénéfice de la complémentaire santé solidaire (C2S)

Créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, la complémentaire santé solidaire se substitue à l’ancienne part complémentaire de la couverture maladie universelle (CMU‑C) et à l’aide à la complémentaire santé (ACS). Ce dispositif vise à donner l’accès aux personnes modestes à une couverture de complémentaire santé de qualité, couvrant notamment les dépenses liées au panier « 100 % Santé » en optique, dentaire et audiologie.

Les conditions d’éligibilité à la C2S sont prévues par l’article L. 861‑1 du code de la sécurité sociale. L’appréciation des ressources permet de déterminer si les personnes éligibles à la C2S doivent ou non s’acquitter d’une participation financière.

Toutes les personnes éligibles à la complémentaire santé sous réserve d’une participation financière et appartenant à la même tranche d’âge paient un montant identique de participation indépendamment de leurs ressources.

Le plus souvent, l’appréciation des ressources exerce une influence à la fois sur la détermination de l’éligibilité à la prestation et sur le calcul de son montant. C’est le cas, par construction, pour les allocations différentielles comme le RSA ou l’AAH. D’autres prestations non différentielles font également intervenir le niveau de ressources du bénéficiaire dans le calcul de leur montant. Il en est ainsi des aides personnelles au logement.

Prise en compte des revenus dans le calcul des aides personnelles au logement

En application de l’article L. 822‑5 du code de la construction et de l’habitation, les aides personnelles au logement sont versées sous condition de ressources. Le montant de l’aide varie en fonction du loyer et des charges du bénéficiaire desquels on soustrait une « participation personnelle » ([16]) proportionnelle aux revenus du ménage.

Les ressources du ménage exercent donc une influence à la baisse sur le montant total de l’aide en augmentant la participation personnelle.

● De plus, les assiettes des ressources prises en compte pour déterminer l’éligibilité ou calculer le montant des prestations sociales – ce qu’on appelle la « base ressources » de la prestation – ne sont pas harmonisées entre elles, y compris pour des aides dont la logique est très proche. Dans son rapport d’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2022, la Cour des comptes distingue trois grands types de bases ressources ([17]) :

– les bases ressources fondées sur les règles applicables à l’établissement de l’assiette des cotisations sociales. C’est la base ressources de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) sur laquelle sont alignées un ensemble d’autres prestations vieillesse et invalidité ;

– les bases ressources fondées sur des notions fiscales, qu’il s’agisse de la somme des revenus nets catégoriels pour les APL ([18]) et l’AAH ([19]) ou du revenu fiscal de référence pour les bourses de l’enseignement secondaire ([20]) ;

– les bases ressources fondées sur une logique d’aide sociale, beaucoup plus larges, qui impliquent un recensement exhaustif des ressources et du patrimoine du demandeur. Cette famille de base ressources concerne l’essentiel des minima sociaux et la prime d’activité, ainsi que la C2S. Le RSA dispose de la base ressources la plus exhaustive puisqu’elle intègre les revenus mais également les avantages en nature et la majeure partie des prestations sociales perçues par le foyer ([21]).

Au sein d’une famille de bases ressources données, des disparités persistent sur le détail des ressources prises en compte. Ainsi les bases ressources du RSA et de la prime d’activité, pourtant très proches, ne sont-elles pas parfaitement identiques : alors que les revenus du patrimoine sont pris en compte pour le calcul du RSA quelle que soit leur nature, ils sont exclus de la base ressources de la prime d’activité dès lors qu’ils ne sont pas imposables ([22]).

Enfin, le caractère cumulable de certains dispositifs accroît la complexité du système, l’octroi d’une prestation pouvant avoir des effets difficiles à anticiper sur le montant d’une autre prestation. C’est particulièrement le cas pour les aides au logement dont la prise en compte diffère d’un dispositif à l’autre.

b.   Ni les périodes de référence, ni les délais de réexamen des droits ne sont harmonisés entre les prestations

● En outre, les ressources sont souvent observées sur des périodes différentes d’une prestation à l’autre. Alors que le calcul des APL se base sur les revenus des douze derniers mois connus ([23]), celui du RSA et de la prime d’activité porte sur la moyenne mensuelle des revenus perçus au cours des trois derniers mois ([24]).

Cette hétérogénéité se retrouve parfois au sein même d’une unique prestation. À titre d’exemple, la période de référence des revenus pris en compte au titre du calcul de l’AAH varie selon que le bénéficiaire exerce une activité professionnelle en milieu ordinaire ou non – soit qu’il est sans emploi ou qu’il est admis en établissement et service d’aide par le travail (Esat).

Dans le premier cas, la période de référence correspond aux trois mois civils précédant le début de la période de droit ([25]). Dans le second, les revenus pris en compte sont ceux perçus au cours de l’année N-2 par rapport à l’année de paiement de la prestation ([26]).

● Par ailleurs, le délai à l’issue duquel il est procédé à un réexamen des ressources prises en compte varie grandement en fonction des prestations. La plupart des prestations sociales sont en effet servies pour une durée déterminée à l’issue de laquelle il est procédé à un réexamen d’éligibilité.

Ainsi, le droit au RSA et à la prime d’activité est réévalué tous les trois mois. S’agissant de l’AAH, lorsque l’allocataire travaille en milieu ordinaire, la condition de ressources est réévaluée tous les trois mois tandis qu’elle est réexaminée annuellement dans tous les autres cas ([27]).

Le tableau ci‑après résume de façon schématique cette diversité.

PÉRIODE DE RÉFÉRENCE ET DURÉE DE DROIT DE PLUSIEURS PRESTATIONS SOCIALES

Prestation

Période de référence

Durée de droit/réexamen des ressources

Prestations familiales et AAH pour les personnes sans emploi ou travaillant en Esat

Année n-2

Annuelle

Allocation de solidarité spécifique

12 derniers mois

6 mois

APL

12 derniers mois

Trimestrielle

Aspa

3 derniers mois précédant la demande

Indéterminée. L’allocataire signale toute modification de ses ressources

RSA, prime d’activité et AAH pour les personnes travaillant en milieu ordinaire

3 derniers mois

Trimestrielle

Source : commission des affaires sociales. Version actualisée du tableau produit à l’occasion de la concertation menée sur le revenu universel d’activité ([28]).

B.   Cette ComplexitÉ, source de non‑recours et de fraudes, mine l’efficacitÉ du systÈme

1.   Enjeu de politique publique, le non‑recours est un phénomène multidimensionnel

● Selon la définition de l’Observatoire des non‑recours aux droits et services (ODENORE), le phénomène de non‑recours correspond à la situation de « toute personne qui – en tout état de cause – ne bénéficie pas d’une offre publique, de droits et de services, à laquelle elle pourrait prétendre » ([29]). Cette définition englobe non seulement le non‑recours aux prestations monétaires mais également le non‑recours aux services proposés par les pouvoirs publics dans le cadre de leurs politiques sociales, en particulier en matière d’accompagnement.

Pour prendre un exemple simple, le débat sur le non‑recours au RSA ne peut donc se limiter au seul non‑recours à la prestation monétaire en tant que telle. Il doit également porter sur la faiblesse de l’accompagnement des bénéficiaires et l’aide à leur insertion sociale et professionnelle (cfinfra).

Le présent avis ne prétend pas épuiser les problématiques liées au non‑recours, lesquelles ont déjà fait l’objet de travaux parlementaires beaucoup plus exhaustifs ([30]). Il se contentera d’en exposer les principales dimensions afin d’identifier les mesures permettant de lutter contre le non‑recours aux prestations sociales, en particulier dans le cadre de la réforme ambitieuse de la solidarité à la source.

● Le non‑recours est un phénomène particulièrement complexe. L’ODENORE a développé une typologie de référence permettant de l’appréhender et d’en rechercher les facteurs explicatifs. On distingue ainsi quatre principales formes de non‑recours ([31]) :

– la non‑connaissance, qui correspond aux situations où la prestation n’est pas connue ;

– la non-demande, lorsque la prestation est connue mais que son bénéfice n’est pas demandé ;

– la non-réception, lorsque le bénéfice de la prestation est demandé mais qu’elle n’est pas octroyée ;

– la non-proposition, qui correspond aux situations où les agents gestionnaires de la prestation ne proposent pas d’en faire bénéficier une personne pourtant éligible, que cette dernière connaisse ou non la prestation.

● Cette typologie présente un intérêt très concret pour le législateur et les pouvoirs publics car elle permet de définir des solutions adaptées à chaque situation. Elle peut être croisée avec d’autres grilles d’analyse relatives à l’intensité du non‑recours ainsi qu’à sa durée ([32]). Le temps exerce une influence importante sur le non‑recours, lequel est frictionnel lorsqu’il est lié aux délais de traitement nécessaires à la prise en compte d’une demande ou d’un changement de situation, ou durable lorsqu’une personne éligible à une aide ne la perçoit pas, faute de la demander.

Analyser la dimension temporelle du non‑recours permet notamment la prise en compte des ruptures de droits, c’est-à-dire des situations dans lesquelles une personne cesse de bénéficier d’une prestation soit parce qu’elle n’en remplit plus les conditions d’éligibilité, soit parce qu’elle n’a pas fourni les informations nécessaires au réexamen de son éligibilité. Ces ruptures de droits sont source d’insécurité pour les allocataires et de charges de gestion pour les gestionnaires puisqu’elles contribuent à multiplier les allers-retours au sein de la prestation. Le schéma ci-après, issu des travaux de l’ODENORE, résume les dimensions du non‑recours.

TYPOLOGIE EXPLICATIVE DU NON‑RECOURS

Source : ODENORE.

● Les situations de non‑recours sont problématiques à trois égards.

Premièrement, le non‑recours révèle les dysfonctionnements d’une politique puisque le dispositif ne parvient pas à toucher sa cible, que ce soit en raison de règles d’éligibilité trop peu lisibles, de procédures de demandes trop complexes ou parce qu’il ne répond qu’imparfaitement aux besoins des personnes qu’il vise.

Or, les prestations sociales sont mises en place pour répondre à des objectifs de politique publique précisément identifiés : le RSA et la prime d’activité ont été créés pour lutter contre la pauvreté et accompagner l’insertion sociale de leurs bénéficiaires. Le non‑recours à ces différentes prestations limite l’efficacité de ces politiques et accroît le coût pour la société à long terme. Le non‑recours à la C2S, estimé à 40 % par la Cour des comptes ([33]), accroît ainsi le reste à charge et alimente le renoncement aux soins, ce qui entraîne une dégradation de la santé des personnes qui se traduit, à terme, par des dépenses supplémentaires pour l’assurance maladie.

Deuxièmement, en limitant l’impact qu’exerce une conjoncture économique défavorable sur le revenu des ménages, les prestations sociales assurent un rôle de stabilisateur automatique et soutiennent la consommation en période de ralentissement économique. C’est particulièrement vrai pour les minima sociaux qui assurent un filet de sécurité pour leurs bénéficiaires en maintenant leur pouvoir d’achat. Les prestations sociales ont ainsi exercé une protection importante de nos concitoyens les plus précaires durant la crise sanitaire ([34]). Le non‑recours réduit l’efficacité de ce phénomène

Troisièmement, le non‑recours est un problème de justice sociale. Il est source d’inégalités et il alimente la défiance envers le système de protection sociale et les institutions de manière générale, au même titre que la fraude.

● Plusieurs études comparatives menées depuis deux décennies montrent que le non‑recours est un phénomène d’ampleur dans les pays européens. Dans un dossier récent consacré à la mesure du non‑recours aux revenus minimaux en Allemagne, en Belgique, en Finlande, en France, aux Pays‑Bas et au Royaume-Uni, la Drees rapporte que le taux de non‑recours excède fréquemment les 30 % ([35]). Ce résultat rejoint les conclusions d’un rapport publié par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (EUROFOUND) en 2015, indiquant que le non‑recours aux prestations sociales dépassait souvent 40 % en Europe ([36]).

Si ces données doivent être maniées avec précaution compte tenu des difficultés inhérentes à la mesure du non‑recours (cfinfra), elles suggèrent néanmoins que le phénomène est répandu dans de très nombreux pays. Ce constat alarmant a d’ailleurs conduit le rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à faire du non‑recours une priorité et à inviter les États membres à lutter activement contre ([37]).

2.   L’hétérogénéité des règles d’éligibilité et la complexité du système déclaratif alimentent le non‑recours et favorisent les erreurs de gestion

● Les études menées sur les raisons du non‑recours à une prestation mettent bien souvent en lumière la faible connaissance des allocataires. Pour reprendre une formulation du directeur général de la Cnaf, le système actuel exige des allocataires qu’ils soient « experts de leurs prestations ».

Dans une enquête menée en 2020 auprès d’allocataires de la prime d’activité, la Cnaf identifiait le manque d’information des personnes interrogées au sujet de la prime d’activité comme l’un des principaux facteurs de non‑recours ([38]). Ce manque d’information va de l’ignorance même de l’existence de la prime d’activité à une méconnaissance des publics éligibles. Cela se traduit concrètement par le fait que de nombreuses personnes interrogées s’estiment en effet inéligibles à la prestation, à tort, car elles pensent ne pas pouvoir en bénéficier, en particulier chez les jeunes de 18 à 24 ans qui ne sont pas éligibles au RSA.

Transition du RSA activité vers la prime d’activité et ruptures de droits

L’étude de la Cnaf met en évidence le fait que la transition entre le RSA activité et la prime d’activité a occasionné une rupture de droits pour certains bénéficiaires. Lors de la création de la prime d’activité, les bénéficiaires du RSA activité ont en effet automatiquement basculé dans le nouveau régime, sans nécessairement être au courant de ce changement.

Après avoir bénéficié de la prime d’activité au cours du premier trimestre de l’année 2016, ils n’ont pas procédé à leur déclaration trimestrielle de ressources pour le deuxième trimestre. Ne touchant plus l’aide, ils en ont conclu, à tort, qu’ils n’étaient plus éligibles.

Cette expérience montre l’enjeu que représente une bonne information des publics concernés par la modification de dispositifs existants ou par la création de nouvelles prestations.

Ces résultats relativement récents rejoignent les constats plus anciens formulés par le comité national d’évaluation du RSA lors de son évaluation du dispositif en 2011.

Ce constat n’est en outre pas une spécificité française. Toutes les études recensées dans le rapport Eurofound publié en 2015 ([39]) mettaient en lumière l’importance du manque d’information dans le non‑recours. Une étude récente menée au Royaume‑Uni estimait qu’entre juin et août 2020, au cœur de la pandémie de covid‑19, 280 000 à 390 000 personnes pensaient à tort ne pas pouvoir bénéficier du crédit universel, principal minimum social ([40]).

● Au manque de connaissance, s’ajoute la lourdeur des processus déclaratifs qui alimente le non‑recours par « non‑demande » ou « non‑réception ». En effet, même lorsque les personnes connaissent l’existence d’une prestation, ils ne disposent pas toujours d’informations suffisamment précises concernant les règles de déclaration des ressources et les subtilités applicables à chaque prestation, qu’il s’agisse de la nature exacte des ressources à déclarer ou de la période de référence.

La notion de « revenu net perçu » retenue pour l’attribution du RSA et de la prime d’activité est particulièrement mal comprise par les personnes formulant une demande auprès des caisses d’allocations familiales. Elle n’apparaît nulle part sur la fiche de paie et les allocataires doivent donc eux‑mêmes la calculer en prenant pour base le « net à payer » et en le corrigeant des réintégrations et déductions nécessaires. Par ailleurs, alors que les revenus liés à la détention d’un livret A doivent être déclarés pour le bénéfice du RSA, les allocataires doivent retirer ces ressources lorsqu’ils procèdent à une demande de prime d’activité.

Selon une étude de la Cnaf datant de 2019, le taux d’erreur dans les déclarations de prime d’activité pour au moins un des mois du trimestre de référence atteignait 61,5 % ([41]).

● La complexité des obligations déclaratives se traduit en outre par des charges de gestion importantes pour les organismes sociaux. Les erreurs conduisent en effet à de nombreux indus mais aussi à de multiples rappels. En 2021, les caisses d’allocations familiales ont procédé à 1,2 milliard d’euros de régularisations de prestations dont 75 % d’indus et 25 % de rappels. Outre les difficultés de gestion qui en découlent, cette situation est problématique pour les finances publiques lorsque ces indus, non détectés, sont atteints par la prescription ([42]). En 2020, la somme des indus et des rappels frappés de prescription était de 5,3 milliards d’euros pour les caisses d’allocations familiales (CAF) ([43]).

Cette situation est également susceptible de favoriser les fraudes. La Cnaf rapportait ainsi que 69 % des cas de fraudes détectées en 2019 résultaient d’omissions déclaratives ou de fausses déclarations. Plus le système est illisible, plus il est compliqué d’assurer un contrôle efficace des déclarations. En 2019, la Cnaf estimait que la fraude représentait entre 1,9 milliard d’euros et 2,6 milliards d’euros sur un total de 90 milliards d’euros de prestations ([44]).

Selon la Cour des comptes, les principales prestations concernées par l’inexactitude des déclarations – qu’elles soient non intentionnelles ou frauduleuses – sont les aides au logement, le RSA et la prime d’activité : ainsi, un euro sur six de RSA et un euro sur cinq de prime d’activité versés le sont à tort et à titre définitif ([45]).

● La périodicité régulière du réexamen des droits présente des avantages mais également des inconvénients. Le réexamen fréquent des ressources permet de rendre la prestation plus réactive aux changements de situation des bénéficiaires. Lorsque les ressources diminuent, l’aide augmente ainsi de telle manière que le bénéficiaire est davantage protégé en cas de fluctuations de revenus.

Toutefois, plus la fréquence des réexamens est élevée, plus le risque d’erreur est grand du fait de la multiplication du nombre de déclarations. Elle peut en outre favoriser les ruptures de droits lorsque les bénéficiaires omettent de mettre à jour leur déclaration de revenu. Ce risque, particulièrement prégnant pour les allocations qui exigent des formalités déclaratives trimestrielles telles que le RSA ou la prime d’activité, est accru pour les personnes dont les revenus fluctuent beaucoup.

3.   Le manque de lisibilité diminue l’efficacité des dispositifs d’incitation à l’activité

● Les travaux menés à l’occasion de la concertation sur le revenu universel d’activité ont permis de montrer que les mécanismes d’intéressement adossés aux prestations sociales permettaient d’assurer une incitation financière à l’emploi dans la quasi-totalité des situations. Ce constat a été rappelé par le rapporteur général à la réforme du revenu universel d’activité, M. Fabrice Lenglart, lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat en janvier 2022 ([46]).

Toutefois, compte tenu de la complexité du calcul des prestations, il est très difficile pour les bénéficiaires et les organismes sociaux d’apprécier l’impact d’une reprise d’activité sur le montant des prestations versées. Les mécanismes de simulation des droits à disposition des allocataires, pour utile qu’ils soient, ne permettent que le calcul du montant pour une prestation donnée sans intégrer les conséquences liées à l’intrication des différentes prestations entre elles.

L’illisibilité du système réduit donc l’efficacité des mécanismes monétaires d’incitation à l’activité. Outre le fait qu’il s’agit là d’un des objectifs principaux du système, cette conséquence a un impact à plus long terme dans la mesure où le moyen le plus efficace pour sortir durablement de la pauvreté est de retrouver un emploi durable.

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Fruit d’une sédimentation historique de dispositifs mal articulés entre eux, l’architecture actuelle des prestations sociales se caractérise par son illisibilité. Celle‑ci alimente le non‑recours et entraîne des coûts de gestion considérables pour les organismes sociaux, sources d’indus et de fraude.

Votre rapporteure estime donc urgent de moderniser les prestations sociales à travers deux idées forces : simplifier le cadre juridique des conditions d’éligibilité et des bases ressources ; utiliser les outils numériques à la disposition des pouvoirs publics pour automatiser le calcul des droits. Ces deux idées, qui étaient au cœur des réflexions menées par votre rapporteure en 2018 sur le concept de « juste prestation » ([47]), constituent les piliers de la promesse présidentielle de la « solidarité à la source ».

Si la simplification et l’automatisation sont des conditions nécessaires à la réforme de la solidarité, elles ne sont toutefois pas des conditions suffisantes pour réussir le pari de l’insertion. C’est pourquoi votre rapporteure insiste sur l’indispensable réforme de l’accompagnement des bénéficiaires des prestations, en particulier du RSA. La réussite de ce chantier ambitieux repose également sur une mesure fiable et régulière du non‑recours, dans toutes ses composantes. Celle‑ci constituera une boussole de l’action publique en faveur de l’accès aux droits de nos concitoyens.

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II.   la mise en place de la solidaritÉ À la source et la rÉforme de l’accompagnement des bÉnÉficiaires sont les deux piliers d’une modernisation du systÈme de solidaritÉ français

A.   Mieux connaÎtre la cause pour lutter plus efficacement contre ses effets : vers une mesure réguliÈre du non‑recours

1.   La mesure du non‑recours est un exercice méthodologique complexe

● Pour évaluer précisément l’ampleur du non‑recours, il faut pouvoir comparer le nombre de personnes recourant à une prestation au nombre de personnes éligibles à ladite prestation. Sous cette apparente simplicité, la mesure du non‑recours se heurte néanmoins à des difficultés méthodologiques considérables ([48]).

La principale difficulté de la mesure du non‑recours réside dans la détection de la population éligible. Par définition, les organismes gestionnaires ne connaissent en effet pas les personnes à qui ils ne versent pas de prestations. Les données administratives ne permettent donc pas à elles seules de définir le nombre de personnes éligibles à une prestation.

● Pour estimer le nombre de personnes éligibles à une prestation sur une population donnée, il est nécessaire de recueillir de nombreuses informations – ressources, âge, situation conjugale, situation professionnelle, présence ou non d’un handicap etc. – et de s’en servir pour simuler l’éligibilité de chaque individu compte tenu des critères d’ouverture du droit à la prestation. Une telle simulation est d’autant plus malaisée à réaliser que les règles d’éligibilité à la prestation sont complexes.

Deux types de méthodes sont généralement mobilisés pour quantifier la population éligible et calculer le taux de non‑recours.

2.   Le recours à des enquêtes ponctuelles spécifiques menées sur un échantillon représentatif de la population ciblée par la prestation

● Ces enquêtes permettent d’interroger une population cible pour recueillir les informations nécessaires à la reconstitution des critères d’éligibilité d’une prestation. L’intérêt de ces enquêtes ponctuelles réside dans la richesse des données qu’elles permettent de recueillir et les questionnaires sont définis précisément pour mesurer le non‑recours. Le volet quantitatif s’accompagne par ailleurs souvent d’une étude qualitative permettant d’affiner l’analyse des causes du non‑recours.

Menée entre 2010 et 2011 dans le cadre des travaux du comité national d’évaluation du RSA, une enquête pilotée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère chargé du travail (Dares) auprès de 15 000 ménages à bas revenus a permis d’estimer le taux de non‑recours du RSA socle à 36 % et du RSA activité à 68 % ([49]).

Suite au remplacement de la composante « activité » du RSA et de la prime pour l’emploi par la prime d’activité, créée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ([50]), un rapport d’évaluation mené conjointement par la Drees, la Cnaf et la direction générale de la cohésion sociale en 2017 estimait le non‑recours à la prime d’activité à moins de 30 %.

● Ces enquêtes ont un retentissement important dans le débat public et servent d’aiguillon aux décideurs pour proposer des réformes. Elles ne sont cependant pas exemptes d’incertitudes méthodologiques : la mesure dépend de la qualité du ciblage de l’échantillon mais également de la précision des déclarations recueillies auprès des enquêtés ([51]). Il en résulte des marges d’erreur parfois significatives. Pour reprendre l’exemple des travaux du comité d’évaluation du RSA, 11 % des personnes interrogées déclarant bénéficier du RSA étaient considérées comme inéligibles selon les critères retenus pour la simulation ([52]).

Ces enquêtes sont par ailleurs difficilement reproductibles du fait de leur coût important. Selon la Drees, l’enquête menée par le comité national d’évaluation du RSA a coûté 800 000 euros et a mobilisé l’équivalent de trois personnes à temps plein sur deux ans ([53]).

Faute de suivi dans le temps, ces chiffres continuent donc de faire autorité plusieurs années après leur production sans qu’il soit toujours certain qu’ils gardent leur pertinence.

La lutte contre le non‑recours justifie pourtant que des mesures régulières de son ampleur soient effectuées, ce qui implique d’utiliser une autre méthodologie.

3.   L’utilisation de modèles de microsimulation à partir d’enquêtes en population générale et de données administratives régulièrement mises à jour

● Dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté mise en place en 2018, la Drees a engagé d’importants investissements méthodologiques pour développer des indicateurs annuels de mesure du non‑recours en lien avec la Cnaf, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’université Paris-Est Créteil. Votre rapporteure salue d’autant plus ce travail, effectué à l’aide des financements de la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, qu’elle avait proposé dès 2018 la mise en place d’une méthodologie de mesure du non‑recours ([54]).

Ces travaux se fondent sur des modèles de microsimulation adossés à des enquêtes en population générale portant sur les conditions de vie et les revenus tels que l’enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de l’Insee.

L’enquête sur les revenus fiscaux et sociaux et le modèle de microsimulation sociofiscale Ines

L’ERFS est une enquête réalisée par l’Insee sur plus de 50 000 ménages représentatifs de France hexagonale. Elle rapproche les données de l’enquête « emploi en continu » de l’Insee de fichiers fiscaux et sociaux détenus par la direction générale des finances publiques, la Cnaf, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Elle permet de déterminer, pour chaque ménage, ses ressources selon leur nature – salaires, pensions, prestations sociales, revenus du patrimoine etc. – et de les analyser en fonction de critères sociodémographiques – catégorie socioprofessionnelle, âge et activité de chaque individu composant le ménage, etc.

Ines est un modèle de microsimulation de la législation sociale et fiscale française. Adossé à l’ERFS, ce modèle permet de simuler les prélèvements fiscaux et sociaux et le droit aux prestations sociales selon la législation en vigueur. Il permet d’évaluer les effets du système sociofiscal et de ses évolutions ex ante – dans le cadre de réformes à venir – ou ex post – permettant d’évaluer l’efficacité des dispositifs après leur mise en place.

● Ils ont abouti à la publication d’études permettant notamment d’estimer le taux de non‑recours au RSA ([55]). En 2018, pour un trimestre donné, 34 % des foyers éligibles au RSA n’y avaient pas recours.

En outre, cette méthode a permis d’affiner l’analyse en allant au‑delà de la simple mesure d’un taux global de non‑recours. S’agissant du RSA, la microsimulation a ainsi permis de distinguer selon que le non‑recours était durable ou temporaire : en 2018, 34 % des foyers éligibles au RSA n’y recouraient pas chaque trimestre tandis que 20 % des foyers éligibles étaient non recourant au moins trois trimestres consécutifs.

● En raison des limites qui affectent encore les données disponibles via l’ERFS, notamment en matière de variations infra-annuelles des revenus, la Drees n’a pas été en mesure de fournir une mesure fiable du non‑recours à la prime d’activité. Toutefois, des expérimentations sont en cours qui visent à recueillir les ressources mensuelles des individus de l’ERFS à travers le dispositif de ressources mensuelles (DRM) pour mieux connaître les trajectoires infra-annuelles des revenus ([56]).

Ces travaux sont prometteurs car ils montrent qu’une mesure régulière du non‑recours à certaines prestations est envisageable à moyen terme.

Recommandation : améliorer la mesure de l’ampleur du nonrecours et de ses facteurs

– Poursuivre les travaux méthodologiques engagés pour mesurer le non‑recours à la prime d’activité et les étendre aux autres prestations sociales ;

– Produire des enquêtes qualitatives approfondies sur les principales prestations de solidarité à échéances régulières pour mieux connaître le non‑recours et les fraudes ;

– Accompagner systématiquement la mise en place d’une nouvelle prestation d’une enquête spécifique ex post mesurant le non‑recours.

B.   la solidaritÉ À la source repose sur la simplification et l’automatisation du systÈme des prestations de solidaritÉ

La solidarité à la source repose sur deux éléments indissociables : la simplification juridique – notamment des conditions d’éligibilité et des bases ressources – et l’intégration d’une forme d’automatisation dans le versement des prestations.

Selon les annonces faites par le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ([57]) et confirmée par le directeur général de la cohésion sociale lors de son audition, la réforme devrait porter principalement sur le RSA, la prime d’activité et les allocations logement, du fait de leur proximité et de leur avancement dans l’usage du dispositif de ressources mensuelles à des fins d’automatisation des droits.

Cette question rejoint les réflexions menées par M. Fabrice Lenglart sur le revenu universel d’activité, mais dont les conclusions ne sont malheureusement pas disponibles à la date de publication du présent avis.

1.   La réforme du revenu universel d’activité a été avortée en raison de la crise sanitaire

● À l’occasion de la présentation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté le 13 septembre 2018, le Président de la République a annoncé la création d’un « revenu universel d’activité ». La logique de cette réforme était de simplifier le système par la fusion du plus grand nombre d’aides possibles – a minima le RSA, la prime d’activité et les aides personnelles au logement. Fruit d’une vaste concertation nationale menée entre 2019 et 2020, un rapport de préfiguration a été remis à l’automne 2021 au Premier ministre par M. Fabrice Lenglart, rapporteur général de la réforme.

Outre le sujet d’une fusion des prestations, la concertation interrogeait également les contours d’une réforme globale du système des prestations de solidarité : le modèle doit-il être familialisé ou individualisé ? doit-on mettre en place une base ressources unique pour les prestations sociales à travers la mise en place d’un revenu social de référence sur le modèle du revenu fiscal de référence ? doit-on intégrer les jeunes au futur revenu universel d’activité ?

La question de l’intégration au revenu universel d’activité de l’allocation aux adultes handicapés était également à l’ordre du jour de la concertation, compte tenu du caractère global de la réforme envisagée. À l’occasion de la concertation, le Gouvernement avait pris deux engagements majeurs, le premier étant que le budget aujourd’hui alloué au handicap au titre de la solidarité serait toujours fléché en direction des personnes en situation de handicap, le second, qu’aucune obligation de reprise d’emploi ne s’appliquerait à ces dernières. Malgré ces engagements, quatre associations de défense des personnes en situation de handicap ont pris la décision de quitter la concertation le 4 février 2020, quelques jours avant la troisième Conférence nationale du handicap.

● À la date de rédaction du présent avis, ce rapport n’a pas été publié. Lors de leurs auditions, les associations ont regretté cette situation, en particulier compte tenu du fait qu’elles avaient participé à la concertation. Votre rapporteure ne peut que partager ce point de vue, un tel rapport pouvant alimenter utilement le débat public au sujet de la modernisation de la délivrance des prestations sociales.

Cette situation est d’autant plus regrettable que la réforme de la solidarité à la source s’inspire des travaux menés dans le cadre de cette concertation, ne serait-ce qu’à raison du périmètre des prestations retenues pour la mise en œuvre du versement automatique, qui comporte le RSA, la prime d’activité et les allocations logement. Votre rapporteure estime donc que ce rapport doit être versé au débat public.

Recommandation :

– Publier le rapport issu de la concertation sur le revenu universel d’activité.

2.   L’automatisation de la chaîne de délivrance des prestations

● La mise en place de prestations automatiques doit permettre d’alléger les obligations déclaratives pour les allocataires et limiter les indus et la fraude en réduisant les risques d’erreurs. Il est possible de distinguer trois degrés de l’automatisation, lesquels ne présentent pas les mêmes enjeux ([58]).

– l’automaticité des échanges d’information entre administrations : c’est le principe du « dites-le-nous une fois » dont l’objectif est d’éviter toute redondance dans les demandes d’informations formulées par l’administration aux bénéficiaires de prestations ;

– l’automaticité du calcul des droits : les organismes sociaux préremplissent les éléments permettant l’ouverture et le calcul des droits de manière à simplifier les démarches administratives des bénéficiaires. Lorsqu’il est possible de fiabiliser les données, une telle automaticité permet de prévenir les risques d’erreurs et de réduire efficacement les indus et les rappels ;

– l’automaticité du versement : aujourd’hui le système de solidarité fonctionne sur un principe de quérabilité qui implique une démarche active de la part des personnes qui souhaitent en bénéficier. Le versement automatique inverse cette logique en confiant aux services publics la mission de vérifier, de leur propre initiative, les personnes éligibles à un droit et de leur en octroyer le bénéfice automatiquement.

a.   Améliorer la gouvernance des données sociales pour un meilleur échange d’informations entre organismes sociaux

● Les échanges de données entre administration ont déjà fait l’objet d’évolutions législatives récentes. Adopté à l’initiative de votre rapporteure, l’article 82 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ([59]) charge les organismes de sécurité sociale d’une mission de lutte contre le non‑recours. Il autorise en outre ces organismes à traiter et échanger des données à caractère personnel, pour une durée de trois ans.

L’article 162 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale étend cette possibilité à l’ensemble des administrations publiques. Le II de l’article L. 114‑8 du code des relations entre le public et l’administration qui en résulte prévoit dorénavant la possibilité pour les administrations publiques d’échanger des données entre elles aux fins d’informer un usager de ces droits.

Lors de son audition, le directeur général de la Cnaf a indiqué que ces nouveaux dispositifs s’étaient déjà avérés utiles, en particulier en permettant d’éviter les doublons dans le versement de l’aide exceptionnelle de solidarité aux bénéficiaires de minima sociaux et de prestations sociales ([60]).

● Outre le simple sujet des échanges de données entre administration, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, c’est l’ensemble de la gouvernance des données sociales qui doit être repensée ([61]). Aujourd’hui, cette gouvernance est éclatée entre plusieurs organismes. À titre d’exemple, l’État et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) sont responsables de la mise en œuvre du dispositif de ressources mensuelles (DRM) ([62]) tandis que la gouvernance de la gestion de la base de données de la déclaration sociale nominative (DSN) est confiée au groupement d’intérêt public Modernisation des déclarations sociales (GIP‑MDS).

La Banque carrefour de la sécurité sociale belge (BCSS)

La Banque carrefour de la sécurité sociale est un organisme public belge créé par la loi du 15 janvier 1990. La BCSS est chargée par la loi de conduire, d’organiser et d’autoriser les échanges de données entre organismes de sécurité sociale. Elle a un rôle de pilotage global du système de données sociales.

En pratique, la BCSS ne conserve pas d’informations sur les assurés sociaux ou les entreprises. Elle propose un répertoire des références qui permet de savoir quels types de données peuvent être obtenues de quel régime ou institution de sécurité sociale et par qui elles peuvent être demandées.

De ce fait, la BCSS effectue un contrôle d’accès préventif permettant de limiter l’accès d’un organisme aux seules informations dont il a besoin pour traiter les dossiers dont il a la compétence.

Si ce système n’a pas modifié en lui‑même les conditions d’accès aux prestations sociales, il a permis la mise en œuvre d’un schéma cohérent permettant la réutilisation des données collectées par une institution par d’autres organismes sociaux. Ce système simplifie grandement les démarches administratives des allocataires.

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale propose de confier la gouvernance des données sociales à une instance stratégique chargée de mettre en cohérence les évolutions juridiques et les évolutions techniques en s’appuyant sur la méthode partenariale mise en œuvre pour la DSN par le GIP‑MDS ([63]). Cette instance devrait également être en capacité d’arbitrer entre les objectifs de qualité de la donnée sociale et de simplification des obligations déclaratives. À ce titre, le modèle belge de Banque carrefour de la sécurité sociale devrait être une source d’inspiration pour la France, puisqu’elle permet de faciliter drastiquement les échanges de données entre organismes.

Recommandation : renforcer la gouvernance et la qualité des données sociales

– Confier le pilotage des données sociales à une instance stratégique sur le modèle de la Banque carrefour de la sécurité sociale belge, compétente pour rendre des arbitrages sur les objectifs de qualité et les conséquences opérationnelles évolutions législatives et réglementaires.

b.   Prioriser l’automatisation du calcul des droits via le dispositif de ressources mensuelles (DRM)

● Le principal enjeu à court terme concerne l’automatisation du calcul des droits. En juin 2017, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances préconisait déjà un allégement des démarches administratives des allocataires grâce au pré-remplissage des déclarations de ressources pour les allocataires du RSA et de la prime d’activité ([64]) en se fondant sur la déclaration sociale nominative et sur le dispositif « Pasrau ».

Depuis 2019, la mise en place du dispositif de ressources mensuelles, qui découle de la réforme du prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source, permet d’envisager sérieusement cette réforme.

En agrégeant les revenus salariaux et les prestations sociales, le DRM permet une récupération automatique d’une partie des ressources nécessaires au versement des droits à prestation, lesquelles n’ont plus à être renseignées par l’allocataire.

Le dispositif de ressources mensuelles (DRM)

Le DRM est un dispositif de traitement de données à caractère personnel créé par le décret n° 2019‑969 du 18 septembre 2019 et autorisé par l’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui agrège les données recueillies par le biais des flux de la déclaration sociale nominative (DSN) et du « prélèvement à la source revenus autres » (Pasrau). La base de données de la DSN est régie par l’article L. 133‑5‑3 du code de la sécurité sociale et est alimentée par les déclarations mensuelles de salaires effectuées par les employeurs de salariés du secteur privé et, depuis 2019, du secteur public ([65]).

Avant la LFSS 2019, les informations recueillies par la DSN ne comportaient pas celles relatives aux revenus de remplacement et aux prestations sociales, lesquelles étaient transmises, à des fins de prélèvement de l’impôt, via Pasrau. L’article 78 de la LFSS 2019 a créé une DSN complémentaire, remplie mensuellement par les organismes de protection sociale et adossée techniquement au flux Pasrau.

Le II bis de l’article L. 133‑5‑3 précité dans sa rédaction issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit que les données du DRM servent « à l’ouverture et au calcul des droits des assurés en matière de prestations sociales ». Les opérateurs y ayant accès peuvent ainsi récupérer les informations sur les revenus des personnes à travers leur numéro d’inscription au répertoire des personnes physiques.

● L’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a autorisé l’utilisation du DRM pour la mise en œuvre de la réforme des aides au logement, entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Cette réforme consistait en la modification de la période de référence des ressources prises en compte pour le calcul des aides au logement afin de la rendre plus contemporaine ([66]).

Via le DRM, les caisses d’allocations familiales ont ainsi pu récupérer automatiquement les informations concernant les salaires et les prestations des allocataires sur la nouvelle période de référence sans déclaration de leur part.

Les premiers bilans effectués sur cette réforme confirment tout l’intérêt que peut représenter le DRM dans la modernisation de la gestion des prestations sociales mais également les difficultés afférentes à la mise en place d’un tel projet, en particulier lorsque l’automaticité concerne à la fois le calcul des droits et le versement ([67]).

c.   L’automatisation du versement est un horizon de long terme qui paraît encore trop complexe à mettre en œuvre

● L’automaticité du versement est la forme la plus aboutie d’automatisation. C’est aussi la plus difficile à mettre en œuvre sur le plan opérationnel. Sa mise en œuvre suppose en effet de pouvoir prendre en compte de manière exhaustive l’ensemble des caractéristiques des bénéficiaires, non seulement s’agissant de leurs ressources mais également de toutes les autres conditions d’éligibilité – âge, résidence, situation familiale et conjugale, etc.

Or, en l’état, le DRM ne permet pas de récupérer automatiquement certains types de revenus tels que ceux des travailleurs indépendants ou les pensions alimentaires. Ceux‑ci devront donc toujours faire l’objet de déclarations par les allocataires concernés.

En outre, un autre obstacle est lié à la non-connaissance par les caisses en charge de verser la prime d’activité et le RSA de la composition des foyers. La notion de foyer fiscal ne recoupe pas strictement la notion de foyer social. Les personnes non connues des organismes verseurs et en couple, hors mariage et Pacs, ne sont pas encore identifiables par les systèmes d’information.

L’automaticité du versement est également susceptible de créer de la distance entre les organismes sociaux et les bénéficiaires des prestations, lesquels se verraient octroyer automatiquement des droits sans les avoir sollicités, voire sans même s’en rendre compte.

Elle suscite enfin des interrogations éthiques redoutables : comment prendre en compte le non‑recours volontaire ? Afin d’assurer le droit à chacun de pouvoir refuser le bénéfice d’une prestation, il convient a minima de prévoir un mécanisme d’« opt out » sur le modèle de ce qui existe actuellement pour l’ouverture automatique du droit à la C2S pour les allocataires du RSA ([68]).

Attribution automatique de la C2S aux bénéficiaires du RSA

Depuis le 1er janvier 2022, la complémentaire santé solidaire sans participation forfaitaire est automatiquement attribuée aux bénéficiaires du RSA. Lorsqu’une personne demande le bénéfice du RSA, elle remplit un formulaire auprès des services de la caisse d’allocations familiales ou du département. Sauf opposition expresse de sa part, les informations nécessaires à l’ouverture du droit à la C2S sont automatiquement transmises à la caisse d’assurance maladie dont relève le bénéficiaire.

La caisse d’assurance maladie instruit la demande et octroie le bénéfice de la C2S sans que le bénéficiaire ait besoin de remplir de déclaration de ressources. Le renouvellement est automatique.

Lors de son audition, le directeur général de la Cnaf a indiqué que des tests d’utilisation du DRM pour le calcul des droits au RSA et à la prime d’activité étaient en cours dans cinq CAF depuis janvier 2022. Les résultats, qui seront connus d’ici la fin de l’année 2022, permettront d’arbitrer les modalités exactes de la réforme de l’automaticité du RSA et de la prime d’activité, notamment afin de savoir s’il serait possible, à terme, de supprimer les déclarations trimestrielles.

Votre rapporteure estime que si le versement automatisé des prestations sociales est un horizon à viser sur le long terme, l’expérience des aides au logement plaide plutôt, à court terme, pour la mise en place de déclarations pré-remplies sur le modèle de la déclaration d’impôt, lesquelles seraient validées par l’allocataire. Cette évolution aurait l’avantage de s’adapter aux déclarations au format papier, le guichet pouvant fournir une déclaration pré-remplie à l’allocataire qui en fait la demande. En fonction des évolutions techniques, une étape intermédiaire consisterait en la suppression des déclarations trimestrielles une fois la première demande effectuée. Une telle évolution réduirait significativement les ruptures de droits et les erreurs de gestion.

Recommandation : automatiser le versement des prestations sociales par étapes successives

– Mettre en place l’automaticité du calcul des droits par le pré-remplissage des déclarations de ressources pour le RSA et la prime d’activité ;

– Mener des expérimentations sur la mise en place d’un versement automatique du RSA et de la prime d’activité avec possibilité pour l’allocataire de refuser le bénéfice de la prestation (système d’« opt out »).

Quoi qu’il en soit, la récupération automatique des données ne résout pas la question de la lisibilité pour les allocataires et n’exerce a priori pas d’influence sur les freins à l’incitation à l’activité. C’est la raison pour laquelle les travaux visant à automatiser le versement des prestations doivent s’accompagner d’une réflexion sur la simplification des règles d’éligibilité et des bases ressources.

3.   Les règles d’éligibilité et de prise en compte des ressources doivent être simplifiées et harmonisées

● La simplification des bases ressources répond avant tout à un enjeu de lisibilité, pour les allocataires comme pour les gestionnaires.

À court terme, la convergence de l’ensemble des bases ressources des prestations sociales est susceptible d’induire d’importants transferts financiers. C’est la raison pour laquelle, dans son étude de juillet 2021 sur les conditions de ressources dans les politiques sociales, le Conseil d’État propose plutôt de faire converger les bases ressources des prestations dont le calcul repose sur des assiettes non fiscales, telles que le RSA ou la prime d’activité, et d’harmoniser les modalités de prise en compte de chaque élément au sein de cette base ([69]).

À cette occasion, il semble souhaitable de clarifier les modalités de prise en compte du salaire afin de retenir une notion facilement accessible pour nos concitoyens. Quelle que soit la notion retenue, il paraît indispensable à votre rapporteure de rendre cet agrégat directement lisible en créant une ligne dédiée sur le bulletin de salaire et de s’assurer qu’elle puisse être simple à mettre en œuvre à travers le DRM.

Dans une perspective plus lointaine, il serait possible d’envisager d’utiliser cette base ressources pour certaines prestations lorsqu’elles sont servies par les mêmes organismes ou qu’elles relèvent de la même finalité – par exemple, les minima sociaux. Ainsi, la base ressources des aides au logement, servies par les CAF, pourrait être harmonisée avec celles du RSA et de la prime d’activité, de même que celle de l’Aspa et des prestations assimilées.

HYPOTHÈSES DE CONVERGENCE DES BASES RESSOURCES DE DIFFÉRENTES PRESTATIONS SOCIALES, À COURT ET MOYEN TERME

Source : Conseil d’État.

Cette réflexion rejoint celle plus générale concernant la mise en place d’un « revenu social de référence », prévu par la loi, qui serait applicable à la majeure partie des prestations soumises à condition de ressources. Il reviendrait au législateur de définir les dérogations à l’application de ce revenu social là où c’est nécessaire,

La mise en œuvre d’un tel revenu de référence est une préconisation portée par M. Fabrice Lenglart mais aussi par le Haut Conseil du financement de la protection sociale ([70]). Votre rapporteure y souscrit également. En tout état de cause, et afin d’assurer une cohérence d’ensemble, il serait souhaitable de confier à une administration « cheffe de file » la responsabilité de piloter ce chantier.

● S’agissant des périodes de référence, votre rapporteure estime nécessaire de mettre en place un principe simple visant à systématiquement prendre en compte la période la plus contemporaine pour chaque type de revenu, c’est-à-dire celles où les données connues sont les plus récentes. Cette proposition rejoint celle déjà formulée en 2018 ([71]). Concrètement, pour toutes les prestations relevant d’une même base ressources, les revenus salariaux seraient appréciés sur la même période, de même que les revenus du patrimoine ou que les ressources résultant du bénéfice des prestations sociales.

Ce principe simple pourrait s’appliquer à la prise en compte des revenus non salariaux retenus pour le calcul des trois prestations incluses dans le périmètre de la solidarité à la source. Aujourd’hui, les revenus des travailleurs indépendants sont pris en compte sur une période correspondant à l’année N-2 pour les aides au logement ([72]). Or, pour le RSA et la prime d’activité, ce sont les revenus de l’année N‑1 qui sont pris en compte dès lors qu’ils sont connus ([73]). Il conviendrait d’harmoniser ces règles.

La prise en compte des aides des proches dans la base ressources du RSA

En application du 14° de l’article R. 262‑11 du code de l’action sociale et des familles, les « aides et secours financiers dont le montant et la périodicité n’ont pas de caractère régulier » sont exclues de la base ressources du RSA.

L’interprétation retenue par le juge administratif de cette disposition complexifie la prise en compte des ressources, dans un sens défavorable aux allocataires. En application d’une jurisprudence fixée en 2001 ([74]), le Conseil d’État estime qu’elle ne concerne que les prestations sociales et ne s’appliquent pas aux aides des proches ([75]).

Cette interprétation fragilise la situation des personnes concernées et ajoute de la complexité à la prise en compte des ressources des bénéficiaires du RSA.

 

● Enfin, la réflexion sur le revenu social de référence devrait également porter sur la simplification de certaines subtilités. L’exemple des aides ponctuelles fournies par des proches d’un bénéficiaire du RSA, détaillé dans l’encadré précédent, illustre ce point.

Recommandation : poursuivre l’harmonisation des règles d’éligibilité et des bases ressources des prestations

– Confier à un organisme « chef de file » le pilotage des réflexions sur la mise en place d’un revenu social de référence ;

– Clarifier la notion de revenu d’activité retenue pour le calcul des prestations sociales et rendre cet agrégat directement visible sur le bulletin de salaire ;

– Supprimer les subtilités inutiles des bases ressources et non véhiculées par le DRM ;

– Harmoniser les périodes de référence pour chaque type de revenu selon une règle simple consistant à prendre en compte les revenus connus les plus récents.


C.   Renforcer l’accompagnement des bÉnÉficiaires de prestations : l’indispensable réforme de « l’aller vers »

La solidarité à la source est susceptible de diminuer efficacement le non‑recours. Toutefois, on ne peut atteindre 100 % d’accès aux droits par le seul biais de l’automatisation et de la simplification des prestations sociales. Ce point de vigilance a été particulièrement souligné par les associations et les caisses lors de leurs auditions. Aussi, les démarches consistant à « aller‑vers » les personnes en situation de grande précarité, invisibles des données administratives, sont particulièrement indispensables. En outre, sortir durablement de la pauvreté impose de suivre un parcours d’insertion professionnelle personnalisé.

Aussi, comme votre rapporteure l’avait déjà affirmé : « la personnalisation ne passe pas uniquement par des prestations adaptées, mais aussi par l’extension de la logique des parcours personnalisés. En ce sens, la juste prestation ne saurait seulement s’ajuster dans son montant. Elle devra le faire aussi dans son accompagnement. » ([76])

1.   L’automatisation de la délivrance des prestations ne pourra jamais se substituer totalement à l’accompagnement des bénéficiaires

● Le repérage du non-recours grâce à l’exploration de données, ou data mining, est l’une des innovations déployées par l’État et la Cnaf en vue de renforcer la lutte contre le non-recours ([77]). La Cnaf a ainsi mis en œuvre deux campagnes de datamining ciblées sur l’accès aux droits sur la prime d’activité : la première, expérimentale, et au choix des CAF qui souhaitaient la déployer, s’est déroulée de juillet à décembre 2019, et la seconde, déployée sur l’ensemble du réseau des CAF en 2020.

Entre 2019 et 2020, selon les données fournies par le directeur général de la Cnaf lors de son audition, plus de 100 000 allocataires ont été contactés résultant à une ouverture de droits pour 8,5 % d’entre eux.

● En 2014, la Cnaf a mis en place un dispositif de « rendez­‑vous des droits », inspiré de ce que la MSA appelle depuis 2007 les « rendez‑vous des prestations ». Les caisses d’allocations familiales proposent à leurs allocataires les plus vulnérables un entretien permettant de faire le point sur l’ensemble de leurs droits sociaux, qu’ils soient ou non gérés par les CAF. Ces rendez-vous ont été élargis en 2017 aux demandeurs d’emploi à faibles ressources et aux demandeurs d’emploi en fin de droits – rendez-vous des droits élargis –, publics qui n’étaient pas nécessairement allocataires d’une CAF au préalable.

Selon la Drees ([78]), ce dispositif augmente significativement la part de personnes ouvrant de nouveaux droits. Cet effet positif très net est principalement lié à l’ouverture de droits au RSA, à la prime d’activité et, dans une moindre mesure, aux allocations logement : le rendez-vous des droits augmente de moitié la proportion de demandeurs d’emploi ouvrant un nouveau droit au RSA ou à la prime d’activité par rapport à ceux qui n’en ont pas bénéficié.

Les rendez-vous des droits permettent également de lutter efficacement contre les ruptures des droits puisqu’ils augmentent de 25 % la part de personnes bénéficiant toujours du RSA ou de la prime d’activité six mois après.

L’importance de l’accompagnement pendant le rendez-vous des droits est soulignée par la Drees : 35 % des personnes accompagnées ont ouvert un nouveau droit au RSA ou à la prime d’activité dans les six mois, contre 25 % de celles qui ont seulement été informées. En outre, le rendez-vous des droits est également l’occasion d’aider les allocataires à remplir leurs déclarations trimestrielles de ressources nécessaires dans le cadre des demandes de RSA et de prime d’activité.

● Ces expérimentations nous enseignent deux choses : d’une part que l’accompagnement des bénéficiaires est une condition indispensable du bon recours aux droits ; d’autre part que la coopération entre organismes sociaux est absolument essentielle.

Or, la mise en place de l’automaticité du calcul des droits des prestations sociales, voire de leur versement, laisse augurer des gains de productivité significatifs qui permettront de libérer du temps aux agents pour améliorer la qualité de l’accompagnement des bénéficiaires des prestations, en particulier pour ceux qui ont des difficultés à manier l’outil numérique et pour lesquels dématérialisation rime souvent avec complexification. Le maillage territorial et la qualité de l’accompagnement des maisons France services, dont l’efficacité est reconnue, pourraient être renforcés à cette fin.

De telles perspectives permettent à votre rapporteure de réitérer plusieurs des recommandations qu’elle avait formulées dès septembre 2018 à l’occasion de ses travaux sur la « juste prestation ».

Recommandation : réallouer les gains de productivité acquis grâce à la modernisation de la délivrance des prestations vers l’accompagnement

– Mettre en place un accompagnement coordonné pour chaque citoyen avec un référent unique ;

– Réorienter la formation des agents des organismes sociaux vers une fonction d’accompagnement et d’aide à la décision en matière sociale.

S’agissant de la nécessaire coopération entre les organismes sociaux, votre rapporteure souscrit à la proposition faite lors de son audition par M. Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, de prévoir une convention d’objectifs et de gestion interbranches sur l’accès aux droits et la lutte contre le non‑recours.

Déclinés dans les territoires au sein des contrats pluriannuels de gestion des caisses, de tels objectifs permettraient d’inciter lesdites caisses à agir de concert pour lutter contre le non‑recours.

Recommandation : créer les conditions et les incitations à la coopération entre acteurs dans la lutte pour l’accès aux droits

– Créer une convention d’objectifs et de gestion interbranches sur l’accès aux droits et la lutte contre le non‑recours ;

– Décliner cette convention dans les contrats pluriannuels de gestion en définissant notamment des objectifs communs de lutte contre le non‑recours pour l’ensemble des caisses d’un territoire donné.

● La réforme de l’accompagnement des bénéficiaires de prestations sociales pourra également s’appuyer sur l’expérimentation de « territoires 100 % accès aux droits » qui résulte de l’article 133 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (« 3DS »).

Cette expérimentation, issue d’un amendement adopté à l’initiative de votre rapporteure, s’inscrit dans l’engagement n° 4 de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, lequel vise à rendre les droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l’activité.

L’expérimentation portera sur trois axes principaux :

– un travail transversal et partenarial entre les acteurs locaux impliqués dans l’accès aux droits sociaux ;

– un accompagnement et une consolidation des pratiques professionnelles des travailleurs sociaux afin d’intégrer « l’allervers » dans les pratiques habituelles ;

– la mise en place ou l’amélioration des échanges et croisements de données.

Cette expérimentation débutera en 2023 dans dix territoires pilotes et se voit doter de 2 millions d’euros sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Les projets sélectionnés bénéficieront d’un co-financement de l’État, le reste du projet devant être financé par les collectivités ou établissements publics de coopération intercommunale porteurs de projet.

2.   Les prestations sociales doivent être une étape dans le parcours d’insertion sociale des allocataires et leur accompagnement vers l’emploi

● Selon la Cour des comptes, l’accès à l’emploi des bénéficiaires du RSA reste difficile. 16,7 % des bénéficiaires du RSA ont un emploi fin 2019 ([79]) et les emplois qu’ils occupent sont souvent précaires. Cette situation ne s’améliore pas avec le temps puisque, sept ans après leur entrée au RSA, seulement un tiers des personnes en sortent avec un emploi ([80]).

Cette situation s’explique essentiellement par la faiblesse de l’accompagnement. Alors que 98 % des bénéficiaires du RSA sont soumis aux « droits et devoirs », seuls 41 % sont inscrits à Pôle emploi ([81]). En outre l’orientation professionnelle intervient souvent trop tardivement : 48 % seulement des personnes au RSA sont orientées dans les six premiers mois suivant leur demande, en méconnaissance du code de l’action sociale et des familles qui fixe le délai d’orientation à deux mois ([82]). Enfin, la Cour des comptes note que la qualité de l’orientation est très disparate entre les départements et que l’accompagnement socioprofessionnel souffre de graves lacunes : seuls 50 % des bénéficiaires disposent d’un contrat d’engagement réciproque (CER) et lorsqu’ils existent, ces contrats sont trop peu ambitieux pour permettre une véritable insertion.

● Il est donc urgent d’agir afin d’améliorer les conditions d’accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux. C’est le sens de la réforme du volet « accompagnement » du RSA proposée par le Gouvernement dans le cadre de la mise en place de France Travail.

Cette expérimentation, qui concernera une dizaine de territoires s’inspire de ce qui existe actuellement à travers les contrats d’engagement jeune (CEJ) – et qui porte ses fruits – en prévoyant un référentiel de 15 à 20 heures hebdomadaires consacrées au projet d’insertion des personnes au RSA.

L’objectif est d’améliorer les modalités de diagnostic et d’orientation des bénéficiaires du RSA et de renforcer l’offre d’accompagnement qui leur est proposée. Quelques 20 millions d’euros de transferts aux collectivités sont programmés dans les crédits de la mission Travail et emploi pour mettre en place cette expérimentation.

Le contrat d’engagement jeune

Depuis le 1er mars 2022, le contrat d’engagement jeune remplace la garantie jeunes. Le CEJ permet aux jeunes âgés de 16 à 25 ans, sans emploi, ni études, ni formation et à ceux qui connaissent des difficultés d’accès à l’emploi durable de bénéficier d’un parcours d’accompagnement personnalisé vers l’emploi qui comprend un programme de 15 à 20 heures.

L’entrée dans un CEJ ouvre droit à une allocation dont le montant dépend de l’âge du bénéficiaire ainsi que de ses ressources. Le bénéfice de cette allocation est subordonné au respect de l’assiduité et de l’engagement du jeune dans son parcours personnalisé.

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Quatre ans après la publication du rapport sur la juste prestation en septembre 2018, le présent avis budgétaire ne prétend pas apporter toutes les réponses aux défis qui se dressent face à notre système de solidarité. Il poursuit l’ambition beaucoup plus modeste de retracer certaines des évolutions récentes de notre système de prestations sociales et de proposer quelques principes directeurs pour l’avenir.

En la matière, votre rapporteure constate que les avancées sont réelles, tant en ce qui concerne la maturité des réflexions sur l’avenir des prestations sociales que les progrès techniques préalables à la modernisation de leur délivrance. Les chantiers méthodologiques ouvrent des perspectives pour une mesure régulière de l’ampleur du non‑recours. La montée en charge des systèmes d’information permet d’envisager un allégement significatif des obligations déclaratives par la mise en place d’une forme d’automatisation du versement des prestations. Cette évolution devra nécessairement s’accompagner d’une harmonisation et d’une simplification du cadre juridique applicable aux prestations sociales, en particulier en matière de prise en compte des ressources des bénéficiaires.

Si automatisation et simplification sont les conditions nécessaires à la mise en place d’un système plus réactif, plus juste et plus lisible, elles sont indissociables d’un renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires de prestations sociales, seul à même d’assurer une insertion sociale durable des personnes en situation de précarité.

La modernisation des prestations sociales par l’instauration de la solidarité à la source est un défi qui relève davantage du marathon ou du saut d’obstacles que du sprint. Il n’en demeure pas moins que ce défi nous oblige collectivement et que seuls le volontarisme et la persévérance nous permettront de le relever afin d’adapter l’État‑providence aux enjeux de nos sociétés contemporaines.


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   Travaux de la commission

I.   Audition des ministres

Au cours de sa première réunion du mardi 18 octobre 2022 ([83]), la commission auditionne M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées, et Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous engageons nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 en commençant par l’examen des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, inscrits à l’ordre du jour de la séance du jeudi 3 novembre. La réunion se déroulera selon les modalités définies par le bureau le 5 octobre dernier.

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Je suis heureux de vous retrouver pour ce premier examen pour avis des crédits d’une mission d’une importance singulière puisqu’elle englobe la lutte contre la pauvreté, la réduction des inégalités et la protection des personnes vulnérables, toutes politiques à l’impact direct sur la vie quotidienne de millions de Français et sur lesquelles les parlementaires exercent une attention particulière. Si les lois de finances sont sans doute la meilleure incarnation de l’action et de l’initiative gouvernementales, elles rappellent aussi l’importance de la mission parlementaire de vote et de contrôle. Le budget de l’État est un tout ; il demande à chacun cohérence et responsabilité. Il est donc nécessaire de rappeler le contexte dans lequel le projet de budget que nous vous présentons a été élaboré : une forte inflation et des mesures puissantes prises par le Gouvernement pour protéger les Français les plus vulnérables de ses effets. C’est aussi un contexte de transition, avec une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui doit trouver un nouvel élan. C’est encore un contexte de transformation profonde liée au vieillissement de la population, qui nous oblige plus que jamais à anticiper et à nous adapter.

Étant donné cet arrière-plan, on saluera la hausse prévue pour 2023 des crédits de cette mission. Ils augmentent de 7,8 %, si bien que plus de 2 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés aux politiques que j’évoquais il y a un instant. C’est le cas, en particulier, pour le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, dont les crédits augmentent de près de 1,2 milliard d’euros à périmètre constant, avec certaines évolutions saillantes. C’est d’abord la montée en puissance de la prime d’activité et d’autres prestations, avec la revalorisation de 4 % anticipée au 1er août dernier pour tenir compte du contexte inflationniste. C’est aussi le lancement du fonds des nouvelles solidarités alimentaires, doté de 60 millions d’euros. Nous voulons ainsi améliorer la qualité de l’offre d’aide alimentaire et réduire l’impact environnemental du dispositif actuel, conformément à la démarche globale du Gouvernement, qui vise à faire de l’aide alimentaire un outil central de l’accès des plus fragiles à une alimentation durable et de qualité et en faveur de la lutte résolue contre la précarité alimentaire dont souffrent encore 7 à 8 millions de personnes dans notre pays.

J’insiste à ce sujet sur l’abondement de 7 millions d’euros de crédits supplémentaires pour permettre aux communes de poursuivre la tarification à 1 euro dans les cantines. Alors que les élèves issus de familles modestes déjeunant à la cantine sont deux fois moins nombreux que les élèves issus des familles favorisées et que cette inégalité sociale se double d’une inégalité territoriale, ce dispositif garantit l’accès à un repas équilibré à tous les enfants et protège le pouvoir d’achat des familles. Plus de 100 000 enfants ont bénéficié de repas à 1 euro maximum pendant l’année scolaire 2021-2022, soit quatre fois plus que l’année scolaire précédente. Nous devons bien sûr poursuivre cet effort et les parlementaires ont un rôle à jouer à ce sujet, en allant à la rencontre des maires des communes éligibles à cette mesure – celles qui comptent moins de 10 000 habitants – pour les encourager à adhérer à ce dispositif central de notre lutte contre les inégalités de destin.

Dans le prolongement des actions conduites en 2022, des crédits seront mobilisés en 2023 pour soutenir l’accompagnement global de l’enfant dans les 1 000 premiers jours de sa vie. Les mesures issues du rapport Cyrulnik, pour une grande part mises en œuvre par mon prédécesseur, Adrien Taquet, continueront ainsi d’être financées.

Les crédits de ce budget servent à protéger des enfants mais aussi des adultes. Ainsi, le dispositif de protection juridique des majeurs vise à garantir aux adultes vulnérables la protection de leurs droits. Quelque 900 000 personnes en bénéficient aujourd’hui et, étant donné le vieillissement de la population, ce dispositif pourrait concerner jusqu’à 2 millions de personnes en 2040. Aussi le Gouvernement a-t-il fait de cette protection une de ses priorités, ce que traduit le projet de budget pour 2023 avec une hausse de 9 % des crédits. Ils serviront à des mesures salariales destinées à restaurer l’attractivité du métier de mandataire à la protection juridique des majeurs ; à permettre des recrutements supplémentaires au sein des services mandataires, indispensables pour améliorer la qualité de l’accompagnement ; à financer l’information et le soutien des tuteurs familiaux.

Enfin, ces politiques publiques demandent des équipes spécifiquement formées et en nombre suffisant. C’est pourquoi, pour la troisième année consécutive, le schéma d’emploi du ministère est positif, avec une augmentation nette de 58 équivalents temps plein travaillé (ETPT) prévue en 2023. Ils contribueront en majeure partie au renforcement pérenne des services, certains recrutements étant aussi prévus pour l’organisation des Jeux olympiques. En outre, le plafond d’emplois intègre de manière pérenne 50 ETPT auparavant employés en renfort temporaire pendant la crise sanitaire. Le ministère capitalisera ainsi les compétences alors acquises en matière de pilotage et de gestion de crise.

Au-delà du seul ministère, le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales finance également les subventions pour charges de service public versées aux dix-huit agences régionales de santé (ARS). Sont ainsi pérennisés les 120 ETPT annoncés, destinés à renforcer les missions d’inspection et de contrôle des Ehpad.

Telles sont les grandes lignes des crédits prévus pour la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. La prise en charge du handicap est une politique prioritaire du Gouvernement. La Première ministre l’a affirmé avec force dès son discours de politique générale du 6 juillet et l’a redit lors du comité interministériel du handicap qui s’est tenu il y a deux semaines. Lors de cette réunion, Mme Borne a fixé un cap, une méthode et des priorités à notre action. Notre conviction s’exprime simplement : les personnes en situation de handicap doivent être systématiquement prises en compte dans toutes les politiques publiques dès le moment de leur définition. Cela figure dans la feuille de route de chacun des ministères. Le caractère prioritaire de cette politique se traduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) avec une hausse inédite de 230 millions d’euros des dépenses affectées au volet « personnes en situation de handicap », et dans le PLF 2023 avec une augmentation de 6,4 %, soit 845 millions d’euros supplémentaires, pour le programme 157 Handicap et dépendance. Nous poursuivons ainsi les engagements pris lors de la Conférence nationale du handicap de 2020, et préparons activement la prochaine conférence, qui aura lieu l’année prochaine.

Au nombre des dépenses financées sur le programme 157, il y a évidemment l’allocation aux adultes handicapés (AAH) pour 12,5 milliards d’euros, soit une hausse de 750 millions d’euros qui tient compte de l’évolution tendancielle de cette allocation mais aussi des deux mesures que vous avez votées dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat : la revalorisation de 4 % pour tenir compte de l’inflation et la déconjugalisation de l’allocation.

Le deuxième axe de ce budget est la garantie de rémunération des travailleurs handicapés en établissement et service d’aide par le travail (Esat). 1,5 milliard d’euros sont consacrés à cette action, et nous menons une réforme structurelle visant à fluidifier les parcours professionnels des personnes concernées en ouvrant la possibilité aux travailleurs handicapés d’avoir une double activité en Esat et en milieu de travail ordinaire et en créant un droit de retour en Esat lorsqu’ils sortent du milieu ordinaire. C’est une dépense de 5 millions d’euros supplémentaires en 2023 au titre de la garantie de ressources des travailleurs handicapés et de 9 millions au titre de l’AAH.

Le programme 157 finance également l’emploi accompagné, à hauteur de 22,4 millions d’euros ; ce dispositif permet d’insérer et de maintenir en emploi des personnes en situation de handicap. Enfin, il permettra de cofinancer avec le ministère de la culture la création d’un portail national de l’édition accessible visant à simplifier l’accès aux livres et revues adaptées et à augmenter significativement l’offre de contenus ; ce service sera accessible aux usagers en 2025.

Ce budget résolument ambitieux pour les personnes en situation de handicap s’inscrit dans le cycle long de la concertation qui préside depuis longtemps à la construction de notre politique. Il prépare le terrain pour faire de la prochaine conférence nationale du handicap un tremplin pour la suite de notre action.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Je prends la parole devant vous dans un contexte particulier. La diffusion d’un reportage télévisé dont il a été question cet après‑midi en séance publique dit l’urgence à intervenir. Les situations révélées ne décrivent évidemment pas l’action de toute la protection de l’enfance, mais elles suscitent l’effroi et exigent que nous agissions tous ensemble. Les agissements décrits imposent des réponses fermes par le Gouvernement et des réponses dans le cadre du PLF, et j’ai sollicité le renforcement des équipes pour intensifier les contrôles dans les établissements et les services.

Mais je tiens également à saluer l’action des départements, des associations et des professionnels qui travaillent tous les jours à la protection de l’enfance et qui font un travail extraordinaire au bénéfice des plus fragiles. Au-delà de ce reportage, les chiffres sont particulièrement inquiétants : il y a toujours un enfant qui meurt tous les cinq jours des conséquences de violences commises dans le cadre familial, et à cela s’ajoute le constat effrayant de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions, selon laquelle 160 000 enfants au moins sont victimes de violences sexuelles. De plus, de très nombreuses personnes sans domicile fixe sont d’anciens enfants placés. Cette réalité inacceptable explique la feuille de route qui m’a été confiée par la Première ministre et qui définit trois priorités : mettre en œuvre les avancées du précédent quinquennat, notamment la loi relative à la protection des enfants du 7 février dernier ; agir pour l’égalité des chances et la protection des enfants sur tout le territoire, en lien avec mes collègues du Gouvernement – il y a beaucoup d’acteurs, beaucoup de moyens sont mobilisés et beaucoup de bonne volonté, mais une meilleure coordination est indispensable ; enfin, accompagner les professionnels de la protection de l’enfance. Ce secteur connaît une crise ; nous sommes mobilisés pour apporter des solutions et renforcer l’attractivité de ce métier.

Le PLF 2023 maintient les crédits de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance du précédent Gouvernement ; ils incluent le renforcement de la prise en charge des jeunes majeurs, pour 190 millions d’euros. L’objectif est de poursuivre les actions engagées mais aussi d’évaluer ce qui a été fait et, probablement, de renforcer la contractualisation en associant aux départements et aux ARS la justice et l’éducation nationale. Est prévue l’augmentation des emplois sur le terrain pour les contrôles et le pilotage de cette action aux côtés des départements. Ceux-ci sont bien sûr les chefs de file de la protection de l’enfance mais l’État doit procéder aux contrôles nécessaires, que les établissements soient habilités judiciairement ou autorisés par les départements. 51 ETPT ont été sollicités : 31 pour les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités, 20 pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse et les contrôles au titre de l’habilitation judiciaire. En outre, le Gouvernement portera un amendement visant à la création d’un « jaune » budgétaire sur l’enfance, indispensable pour disposer d’une vision complète des financements servant à accompagner et protéger les enfants les plus vulnérables. Les départements consacrent plus de 8 milliards d’euros à la protection de l’enfance, mais l’État se mobilise aussi fortement par le biais de crédits alloués à différentes missions, des moyens affectés à la justice des mineurs, à l’éducation nationale, à la santé et à la prise en charge du handicap. Il importe que ces financements soient plus visibles.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure. Je suis heureuse de vous présenter, au nom de la commission des affaires sociales et pour la deuxième année consécutive, mon avis sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Depuis cinq ans, la majorité œuvre avec ambition à lutter contre la pauvreté et à la prévenir. La mission comprend les crédits du budget de l’État destinés à la mise en œuvre des politiques de lutte contre la pauvreté́, de réduction des inégalités, de protection des personnes vulnérables et de promotion de l’égalité́ entre les femmes et les hommes. Le PLF 2023 traduit une nouvelle fois cette priorité gouvernementale : les crédits de la mission s’élèvent à 29,8 milliards d’euros, en augmentation de 6,6 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2022.

Outre une partie de la revalorisation anticipée de 4 % des prestations sociales, notamment de la prime d’activité qui avait déjà connu une augmentation significative en 2019, le PLF 2023 prévoit la budgétisation de la déconjugalisation de l’AAH. Cette mesure bénéficiera à 160 000 de nos concitoyens en situation de handicap pour un gain moyen de 300 euros mensuels. Un dispositif transitoire permettra d’accompagner les perdants de cette réforme en maintenant le mode de calcul actuel lorsqu’il leur est plus favorable. Un effort considérable est accompli en faveur de pouvoir d’achat et de l’autonomie des personnes en situation de handicap : depuis 2017, les crédits consacrés à l’AAH ont progressé de 38 %, soit 3,5 milliards d’euros supplémentaires par an.

Fidèle à ses principes, la majorité favorise leur accès à l’emploi en pérennisant, à hauteur de 22,4 millions d’euros, l’effort budgétaire consacré à l’emploi accompagné dans le plan de relance. Vous savez mon combat pour l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ; je souhaite que vous confirmiez les mesures que le Gouvernement entend prendre pour assurer le gain monétaire au travail et l’incitation à l’activité de nos concitoyens en situation de handicap.

La mission comporte aussi des mesures structurantes : le doublement des crédits alloués à l’aide alimentaire par la création d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires ; l’augmentation de 15 % du budget consacré à la culture de l’égalité entre les femmes et les hommes ; le soutien aux centres d’information sur le droit des femmes et des familles, à la mixité professionnelle, à l’entrepreneuriat des femmes et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Les crédits consacrés à la protection des enfants et des familles vulnérables augmentent de près de 27 %. 50 millions d’euros seront notamment alloués à l’accompagnement des départements pour prévenir la sortie « sèche » des jeunes majeurs de l’aide sociale à l’enfance (ASE), en application de la loi « Taquet » relative à la protection des enfants.

Après une forte mobilisation entre 2019 et 2022, l’année 2023 sera également une année de transition dans la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté, avec le bilan de sa mise en œuvre. J’appelle l’attention des ministres sur l’importance de cette évaluation, pour ce qui concerne en particulier le déploiement territorial de cette stratégie. Je fais miennes les conclusions du comité d’évaluation présidé par Louis Schweitzer invitant à renforcer nos capacités d’évaluation des politiques de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Dans l’attente de ce bilan et dans la perspective de l’intégration du volet « insertion » de la stratégie au sein de France Travail, je me réjouis de constater que le PLF 2023 permet de poursuivre les actions en faveur de l’insertion et de l’accès aux droits. Je pense notamment à la montée en charge de la tarification sociale des cantines, avec 7 millions d’euros supplémentaires, et à l’expérimentation de territoires « 100 % accès aux droits », dotée de 2 millions d’euros.

Parce que l’accès aux droits me tient particulièrement à cœur, j’ai choisi de consacrer la seconde partie de mon avis budgétaire à la modernisation de notre système de protection sociale dans la perspective de la mise en place de la solidarité à la source.

En août 2018, pour donner suite à la mission que nous avait confiée le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, j’ai remis un rapport co‑écrit avec Julien Damon sur « la juste prestation » – une prestation efficiente, instruite, contrôlée et liquidée plus efficacement. La juste prestation ne réduit pas les droits mais les erreurs autour des droits et s’ajuste au mieux à la situation réelle des bénéficiaires. La juste prestation est donc d’abord une prestation ajustée : il faut payer la bonne prestation, au bon moment, à la bonne personne.

Ces réflexions ont guidé les discussions menées pour construire la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté lancée par le Président de la République en septembre 2018. Elles ont irrigué la concertation préalable à la création du revenu universel d’activité, dont le rapport de préfiguration, bien que remis à l’ancien Premier ministre Jean Castex l’année dernière, n’est toujours pas rendu public ; pouvez-vous vous engager à le publier dans les meilleurs délais ?

Le constat est connu : la complexité de notre système alimente le non-recours aux droits, favorise les erreurs de gestion et diminue l’efficacité du dispositif. Une enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques parue en février 2022 montre ainsi que « un tiers des foyers éligibles ne recourent pas au RSA en moyenne chaque trimestre, et un cinquième de façon durable ». Ce sont autant d’obstacles à une juste prestation. Il nous faut donc rebâtir les fondations du système de solidarité sur deux piliers : la solidarité à la source et la réforme de l’accompagnement des bénéficiaires.

Engagement présidentiel, la solidarité à la source dépend des deux éléments indissociables que sont la simplification du cadre juridique et l’automatisation des prestations. Pour l’automatisation, des avancées notables ont eu lieu grâce à l’évolution des systèmes d’information et des données sociales ; je pense en particulier à l’octroi automatique d’une couverture complémentaire santé aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et à la « contemporanéisation » des aides au logement, qui permet d’ajuster en temps réel le montant des aides personnalisées au logement. Ces innovations ont notamment pu s’appuyer sur un amendement que j’avais proposé lors de l’examen du PLFSS 2021 et qui visait à améliorer les échanges de données entre organismes sociaux. L’interopérabilité des systèmes d’information doit d’ailleurs être renforcée, comme doit l’être encore l’automatisation, sans précipitation mais avec détermination. Un consensus ressort des auditions que nous avons menées : notre système de solidarité doit préserver le choix des personnes. Il ne convient pas de supprimer le principe de quérabilité des aides mais de proposer aux personnes éligibles d’ouvrir leurs droits tout en conservant la possibilité de les refuser. C’est un chantier de longue haleine et semé d’embûches et je salue l’engagement du Gouvernement à ce sujet : l’automatisation du calcul des droits au RSA, à la prime d’activité et aux aides au logement permettra, à moyen terme, d’alléger considérablement les obligations déclaratives.

Pour faciliter l’automatisation, il nous faut en parallèle simplifier le cadre juridique de notre système de solidarité en harmonisant les modalités de prise en compte des ressources des bénéficiaires de prestations sociales. Je suis favorable à l’instauration d’un revenu social de référence, pendant du revenu fiscal de référence pour les prestations sociales.

Mais la modernisation des prestations sociales doit s’assortir d’une révolution de l’accompagnement, seule à même d’assurer l’insertion durable pour nos concitoyens dont la situation est la plus précaire. Il est essentiel d’aller vers les personnes pour les informer sur leur éligibilité aux prestations. Toute personne se trouvant soudainement dans une situation précaire en raison d’une rupture professionnelle ou personnelle doit savoir à quelle porte frapper et qui peut l’orienter et l’accompagner si nécessaire.

Pour le repérage et l’ouverture des droits, des expérimentations récentes montrent la voie à suivre. Je pense notamment au data mining, c’est-à-dire l’exploitation des données sociales dans un but d’accès aux droits. Les « Rendez-vous des droits » organisés par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), inspirés des « Rendez-vous des prestations » organisés par la Mutualité sociale agricole depuis 2007, ont permis à un tiers des personnes accompagnées d’ouvrir de nouveaux droits.

Je me réjouis de l’expérimentation, dès 2023, de « territoires 100 % accès aux droits », issue d’un amendement que j’avais porté lors de l’examen du projet de loi « 3DS ». Elle permettra d’enrichir notre arsenal de lutte contre le nonrecours et de déterminer de bonnes pratiques à généraliser. Mais pour tirer l’entier bénéfice de ces expérimentations, j’appelle l’attention des ministres sur l’impérieuse nécessité de consolider la formation des travailleurs sociaux ; quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre à cette fin ?

Enfin et surtout, il nous faut procéder à un « Grenelle de l’accompagnement ». Les prestations sociales sont un filet de sécurité, mais seul un accompagnement socio-professionnel soutenu et personnalisé peut permettre de sortir durablement de la pauvreté. C’est tout l’enjeu de la mise en place de France Travail, qui aura la lourde tâche de décloisonner emploi et insertion, notamment par le renforcement des parcours d’orientation socio-professionnelle des bénéficiaires du RSA, en lien avec les territoires.

La modernisation des prestations sociales, défi qui relève davantage du marathon ou du saut d’obstacles que du sprint, nous oblige collectivement. Seuls le volontarisme et la persévérance nous permettront de le relever pour adapter l’État‑providence aux enjeux de la société contemporaine.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Michèle Peyron (RE). Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances s’élèvent à 29,8 milliards d’euros. Peu importe ce que certains en disent : cette augmentation de 6,56 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2022 participe de la revalorisation continue de ces crédits depuis 2017, pour un montant de 12,1 milliards d’euros. Conformément à ses engagements, la majorité œuvre depuis cinq ans avec détermination et conviction à la lutte contre la pauvreté, à la réduction des inégalités et à la protection des personnes les plus vulnérables de notre société.

Pour 2023, la hausse des crédits de la mission est principalement allouée à des mesures en faveur de la protection du pouvoir d’achat, avec la revalorisation de 4 % des prestations sociales et la déconjugalisation de l’AAH. D’autres mesures primordiales doivent être soulignées : l’augmentation de 15 % du budget consacré à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et la revalorisation de 106 % par rapport à la loi de finances initiale pour l’année 2022 des crédits affectés à l’aide alimentaire, soit 117 millions d’euros.

La stratégie de prévention et de protection de l’enfance bénéficiera de 190 millions d’euros ; on note en particulier la hausse significative des crédits alloués à la protection et à l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Comme nous l’a rappelé le reportage diffusé par M6, certains enfants confiés à l’ASE connaissent des situations inacceptables, d’une extrême gravité, et nous ne pouvons détourner le regard. Nous avons agi par le biais de la loi « Taquet » mais nous devons faire plus pour les enfants placés. L’année 2023 doit être véritablement une année de transition et de renouvellement de la stratégie de protection de l’enfance, notamment par la création du futur groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée et par l’obligation de prise en charge par les conseils départementaux des jeunes majeurs de l’ASE non autonomes jusqu’à l’âge de 21 ans. Le PLF 2023 permet‑il d’assurer la contractualisation de prévention et de protection de l’enfance mise en œuvre depuis 2020 entre les départements et l’État ? De manière générale, permettra-t-il d’accompagner le secteur de l’enfance vers les changements qu’il connaîtra l’année prochaine ?

Mme Laure Lavalette (RN). Face à la hausse des prix, le recours aux banques alimentaires est en constante augmentation. Si les étudiants sont parmi les plus concernés par la précarité alimentaire, plus de 11 % des adultes connaissent une situation d’insécurité alimentaire. Selon une enquête réalisée sous l’égide de la Fédération française des banques alimentaires en 2020, l’alimentation est, après le loyer et les factures d’eau et d’énergie, le troisième poste de dépenses pour les personnes accueillies dans le réseau des banques alimentaires. Ce poste de dépenses est aussi, bien souvent, celui de l’ajustement des dépenses et, face à l’augmentation des dépenses contraintes, les Français en viennent massivement à une alimentation de mauvaise qualité.

Le montant de 117 millions d’euros consacré à l’aide alimentaire est en forte augmentation et nous nous en réjouissons, mais nous nous interrogeons sur l’usage qui en sera fait. L’aide alimentaire ne doit pas s’instituer, elle doit rester une réponse aux situations d’urgence. Pourtant, à défaut de répondre plus globalement aux enjeux de l’alimentation, vous semblez vouloir la pérenniser. La souveraineté alimentaire, la politique de lutte contre l’augmentation des prix ou l’égal accès à une alimentation variée de bonne qualité sur tout le territoire, voilà qui constitue une politique forte. Nous connaissons votre opinion sur notre proposition visant à supprimer la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité, proposition qui nous paraissait pourtant pertinente car nous estimons que la précarité alimentaire pour être limitée grâce à un effort sur les prix. L’argent finançant votre politique d’aide alimentaire sera-t-il une béquille comme l’est le chèque alimentaire, sera-t-il dépensé au bénéfice de quelques-uns ou au bénéfice de tous ?

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). L’examen de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances intervient dans un contexte social extrêmement préoccupant, avec un taux de chômage en forte hausse, plus de 10 millions de personnes pauvres et un taux d’inflation de plus de 6 %. Les prix flambent et les pertes en pouvoir d’achat sont considérables pour une large majorité de la population. Pourtant, votre Gouvernement refuse de regarder cette réalité en face, refuse d’augmenter le Smic, de rétablir l’impôt sur la fortune, de taxer les superprofits. Vos mesures sont insuffisantes et vous ne lâchez que des miettes, au milieu d’une avalanche d’attaques comme celle contre les chômeurs ou la réforme des retraites qui s’annonce pour l’hiver prochain. Vous annoncez un budget en augmentation de 8,3 %, mais étant donné l’inflation, la hausse réelle n’est que de 4 %. Quant au budget de la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, il diminue de 23 %. Les attentes sont pourtant nombreuses et tout reste à faire pour réduire la pauvreté, répondre aux besoins de la population et définir un programme ambitieux à la hauteur des enjeux.

La rentrée scolaire, cette année, a été catastrophique pour un grand nombre d’enfants en situation de handicap, leurs familles et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Votre Gouvernement déclare devant les caméras accorder toute son attention aux besoins des enfants handicapés et souligne une hausse des moyens mais, dans l’ombre, la souffrance demeure partout, et l’école que vous dites inclusive crée des exclusions multiples. C’est d’abord l’exclusion de l’école de plus de 330 000 enfants en situation de handicap dont les besoins sont souvent insuffisamment ou très mal pris en compte, ce qui peut entraîner un parcours scolaire décousu et très difficile. Ensuite, l’exclusion de nombreux parents contraints de renoncer à leur emploi pour scolariser leurs enfants à la maison, ce qui n’est pas sans conséquences sur les finances d’un foyer, notamment dans le contexte d’austérité d’inflation qui nous est imposé.

Les AESH sont aussi réduits à la précarité : ce métier très féminisé, non considéré, où l’on recourt souvent au temps partiel imposé, est mal payé en dépit de son importance essentielle. Quand les besoins des enfants en situation de handicap, de leurs familles et des AESH seront-ils placés au centre de la réflexion de votre Gouvernement ? Quand les besoins définiront-ils les moyens alloués et non l’inverse ? Quand inscrirez-vous ces besoins multiples dans les budgets annuels pour rendre leur dignité à toutes ces personnes et œuvrer en faveur d’une école réellement inclusive ? Quand entendrez-vous les revendications légitimes des AESH, qui demandent simplement les moyens de faire leur travail normalement ? Il faut créer un fonds de formation, supprimer les pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial), en finir avec le temps partiel imposé injustifié. L’école de la République est une exigence sérieuse. Tous les enfants ont un droit fondamental à un enseignement de qualité et il revient à l’État de le mettre en œuvre. Nos enfants sont notre avenir ; en les méprisant, vous méprisez notre avenir à toutes et à tous.

M. Yannick Neuder (LR). Il est prévu dans le projet de budget pour 2023 d’augmenter le budget alloué à l’AAH. À ce sujet, je me dois de rappeler à Mme la ministre Darrieussecq que ce n’était pas une priorité du Gouvernement puisque la majorité a refusé la déconjugalisation de l’allocation plusieurs fois lors de la législature précédente ; c’est grâce au groupe Les Républicains que cette mesure a été adoptée. Rien n’est dit de la dépendance, et l’on ne trouve rien dans le PLFSS au sujet de la cinquième branche ; que prévoit le Gouvernement de plus ambitieux à ce sujet ?

Le budget de l’égalité femmes-hommes augmente certes de 14 % mais cette proportion ne représente que 57 millions d’euros du budget de l’État, alors que le Gouvernement affirme faire de cette question une cause nationale. Quel est donc le bilan de la majorité en la matière ? Les données chiffrées montrent que les inégalités ne se sont pas réduites, les associations en témoignent, et aucun programme ambitieux n’est présenté pour lutter contre la prostitution, les réseaux de clandestins, et mettre à l’abri des femmes violentées. Que pense faire le Gouvernement pour aller plus loin, alors même que le PLF 2023 prévoit une baisse des objectifs de traitement des appels au 3919, le numéro de téléphone gratuit de signalement des violences faites aux femmes ? L’objectif de 85 % de traitement en 2022 est de 75 % pour 2023 ; cela signifie que l’an prochain, une femme sur cinq en détresse appellera en vain. Quels moyens sont pris pour garantir le traitement de l’ensemble des appels ?

Le PLF 2023 affiche une augmentation notable du budget de la lutte contre la pauvreté, mais cette hausse est principalement due à la revalorisation de la prime d’activité qui touche seulement 200 000 des 4,5 millions de foyers bénéficiaires. L’augmentation de l’aide alimentaire consentie par le Gouvernement avait déjà été suggérée par le groupe Les Républicains ; elle arrive malheureusement un peu tardivement étant donné l’inflation et son cortège de hausse du coût des matières premières, de l’alimentation, de l’énergie, des carburants. Qu’a prévu le Gouvernement pour l’hiver rude qui s’annonce ? Après des années difficiles sur le plan économique, il est à craindre que la pauvreté augmente en 2023 ; le dernier congrès des centres communaux d’action sociale (CCAS) tire la sonnette d’alarme : l’augmentation du coût de la vie va rendre encore plus précaire la situation d’une population déjà fortement affaiblie. En résumé, que prévoit le Gouvernement pour lutter contre la pauvreté face à la hausse de l’inflation ?

Mme Maud Petit (Dem). L’examen des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances a une importance particulière dans un contexte de contraction du pouvoir d’achat lié à l’inflation. En 2023, ces crédits augmenteront de 8,3 %. Cela dénote la volonté du Gouvernement de poursuivre les actions décidées ces cinq dernières années pour les personnes vulnérables. La protection du pouvoir d’achat est au cœur du budget de la mission pour 2023, qui traduit la revalorisation anticipée de 4 % de l’AAH et de la prime d’activité votée l’été dernier. Ces deux postes de dépense représentent 90 % des crédits de la mission.

La déconjugalisation de l’AAH été votée dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. La représentation nationale s’est accordée sur la date limite du 1er octobre 2023 pour l’entrée en vigueur de cette réforme ; quel est l’état d’avancement des travaux à ce sujet ? Dans un autre domaine, la réforme des Esat entreprise lors de la précédente législature vise à renforcer les droits des usagers des Esat, à ouvrir des parcours mixtes permettant le cumul d’une activité en Esat et un contrat de travail en milieu ordinaire, et à investir dans la transformation de ces établissements. Comment progresse ce plan de transformation ? Qu’en est-il des travaux visant à faire évoluer le statut des travailleurs en Esat pour le rapprocher du statut de salarié et ainsi renforcer leurs droits ?

Alors qu’une délégation aux droits de l’enfant vient d’être créée à l’Assemblée nationale, je m’intéresse aussi, dans le programme 304, à l’action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Les crédits consacrés à cette action seront en hausse de 27 % en 2023 ; quels sont les contours de cette augmentation, notamment pour l’appui aux départements, qui ont la charge de l’ASE ? Quels moyens sont fléchés vers les conseils départementaux, qui ont l’obligation de prendre en charge les jeunes majeurs à l’ASE ? Qu’en est‑il du plan de lutte contre les violences faites aux enfants et du déploiement des unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger dans chaque département ? Envisage-t-on de telles structures sur l’ensemble du territoire, dont les outre-mer, l’année prochaine ? Des moyens supplémentaires sont-ils prévus pour que leur fonctionnement soit efficient ? Enfin, nous saluons l’augmentation des crédits consacrés à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes, en hausse de 17,5 %, ce qui représente 4,2 millions d’euros supplémentaires pour cette politique publique qui doit être soutenue sans relâche. Le soutien au dispositif d’accueil et d’aide à la mobilité pour mettre les victimes en sécurité est une des composantes majeures de ce programme ; quel est le maillage territorial de ces lieux ?

La mission porte des moyens budgétaires de politiques publiques essentielles pour de nombreux Français vulnérables. Le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) soutient la politique du Gouvernement en la matière et votera donc ces crédits.

M. Elie Califer (SOC). De prime abord, la mission Solidarité, insertion et égalité des chances présente une évolution encourageante : par rapport à l’année 2022, autorisations d’engagement et crédits de paiement augmentent. Mais quand on creuse viennent les déceptions. Dans le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, la progression des crédits destinés à l’aide alimentaire est notamment liée à l’application des dispositions de la loi « Egalim ». Mais on déplore la baisse de 23 % des crédits alloués à l’action Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, quand l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) indique que dans notre pays près de 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté – pire : en France, selon l’Unicef, 8 000 enfants vivent dans des bidonvilles ! La hausse de l’action Prime d’activité est spécieuse, car elle résulte majoritairement de l’évolution des barèmes du fait de l’inflation. Dans le programme 157 Handicap et dépendance, on observe à nouveau des hausses de crédits en trompe‑l’œil. Ainsi, pour l’action 12 qui porte sur les allocations et les aides en faveur des personnes handicapées, cette croissance, multifactorielle, s’explique par l’augmentation du nombre d’allocataires, la revalorisation de l’AAH du fait de l’inflation et surtout par la déconjugalisation enfin arrachée.

La mission ne répond que partiellement aux besoins majeurs qu’elle est censée couvrir, comme la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Alors que ces violences sont en hausse, le taux d’appels traités par le 3919 en 2021 n’était que de 21 % et, en 2023, une femme sur cinq restera abandonnée à son triste sort. On comprend mal que le Gouvernement sous‑finance dans de telles proportions sa « grande cause du quinquennat » ; comment pense‑t‑il faire mieux en 2023 en créant seulement 58 ETP supplémentaires ? Pour faire mieux, il faut aussi des personnes capables d’écouter, de guider et d’accompagner – là est le cœur de la solidarité. Or, depuis 2017, votre ministère a perdu plus de la moitié de ses effectifs.

On se satisfait de l’existence d’un ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, surtout s’il est dirigé par vous, monsieur le ministre, mais on ne peut se satisfaire de lire que 25 % des personnes sans domicile fixe sont issues de l’ASE, que 9,3 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et qu’à compétences égales, l’écart de salaires constaté entre les femmes et les hommes soit de 23 %. Pensez-vous avoir les moyens d’agir sur ces tristes réalités, les moyens d’améliorer la situation des jeunes sortant de l’ASE, surtout outre-mer, et les moyens d’offrir aux AESH un véritable parcours professionnel ?

M. Paul Christophe (HOR). Le groupe Horizons et apparentés salue la hausse des moyens consacrés à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Ce projet de budget s’inscrit dans la digne trajectoire des investissements réalisés depuis 2017 en faveur de l’insertion, du handicap, de l’égalité des chances, de l’égalité femmes-hommes, de l’inclusion, de la dépendance, ainsi que de l’ensemble des politiques publique de solidarité. C’est une trajectoire de progrès et de justice social. Les crédits de la mission s’élèveront à 29,8 milliards d’euros en 2023, en augmentation de 6,56 %. Pour le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmenteront de 10 % en 2023 pour s’établir à 14,5 milliards d’euros, et il est prévu qu’ils se maintiennent à cette hauteur en 2024 et en 2025. L’augmentation des crédits de ce programme est à lier aux mesures exceptionnelles en faveur de la protection du pouvoir d’achat des Français. Ils renforceront le financement des engagements pris au sujet des revalorisations de prestations sociales – ainsi, le budget relatif à la prime d’activité augmente de 10 % par rapport à 2022 – mais aussi le soutien à la politique d’aide alimentaire, dont les crédits seront en hausse de 106 %, en raison, notamment, de la création d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires qui vise à permettre l’accès à une alimentation de qualité dans le contexte d’inflation du prix des produits alimentaires qui touche les ménages, notamment les plus fragiles.

L’application des revalorisations décidées lors de la conférence des métiers en faveur des personnels de la protection juridique des majeurs et de la protection maternelle et infantile figure également dans ce programme. Elle se traduit par l’apport de plus de 62 millions d’euros et s’inscrit dans la continuité des mesures de revalorisation déjà portées par le Gouvernement dans le champ sanitaire, médico-social et social, d’abord dans le cadre des accords du Ségur de la santé de juillet 2020, puis avec l’extension des revalorisations au bénéfice du personnel soignant des établissements et services sociaux et médico-sociaux négociés dans les accords signés en mai 2021. Les métiers du social sont indispensables à l’accompagnement de nombre de nos concitoyens, et nous soutenons pleinement les revalorisations voulues par le Gouvernement que nous encourageons à poursuivre en direction des quelques oubliés de ces accords dans le secteur du médico-social.

L’année 2023 sera importante pour le programme 157 Handicap et dépendance, car elle marquera le début du financement de la déconjugalisation de l’AAH, le 1er octobre au plus tard. Un abondement de plus de 93 millions d’euros aura lieu en 2023 et la mesure représentera à terme un surcoût de 560 millions d’euros. Cette mesure de progrès que nous soutenons pleinement permettra aux personnes en situation de handicap d’être indépendantes financièrement. Elle s’inscrit dans la poursuite des réformes menées depuis plus de cinq ans par la majorité en faveur d’une société plus inclusive. En effet, la précédente législature a permis l’augmentation de l’AAH pour 1 200 000 personnes, l’instauration d’un droit à vie aux bénéficiaires de l’AAH dont le handicap n’est pas susceptible d’évolution et le renforcement de l’abattement sur les ressources du conjoint afin que les bénéficiaires de l’AAH dont le conjoint est rémunéré au Smic puissent conserver cette allocation à taux plein. Face aux postures et aux injonctions trop souvent entendues, nous préférons répondre par des faits. En cohérence avec les conclusions du dernier comité interministériel du handicap, l’activité en milieu ordinaire des usagers des Esat sera renforcée en 2023. L’emploi accompagné bénéficiera du maintien des crédits issus du plan de relance. Il était crucial de maintenir cette démarche innovante qui vise à garantir la sécurisation et l’individualisation des parcours.

Pour le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes, 7,3 millions d’euros de crédits supplémentaires seront mobilisés en 2023. Nous saluons cette progression de plus de 95 %.

La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté lancée en 2018 visait à enrayer la reproduction de la pauvreté sur plusieurs générations, à simplifier l’accès aux dispositifs de solidarité et à garantir un meilleur accompagnement des bénéficiaires du RSA. Vous avez annoncé vouloir évaluer cette stratégie, ce que le PLF 2023 financera à hauteur de 252 millions d’euros ; comment procéderez-vous et quelles suites seront potentiellement données à cette évaluation ?

Enfin, très attaché à la protection de l’enfance, j’aimerais connaître votre feuille de route relative à l’application de la loi « Taquet » et vos initiatives visant à renforcer la pédopsychiatrie, malheureusement en déshérence comme l’a montré un récent reportage.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je me dois, en commençant cette intervention faite au nom du groupe Écologiste - NUPES, de rappeler le contexte pour le moins désagréable dans lesquels ont lieu nos débats. M. Véran, porte-parole du Gouvernement, a regrettablement annoncé ce matin que le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution serait probablement décidé demain. L’examen du PLF 2023 et du PLFSS a pourtant été un modèle de débat démocratique : les discussions ont été argumentées et disciplinées et plusieurs amendements ont été adoptés. Cette épée de Damoclès perturbe évidemment la sérénité et la sincérité des débats.

La dernière enquête sur l’ASE, diffusée dimanche 16 octobre dans l’émission télévisée « Zone interdite » faisait froid dans le dos. Le reportage présente une succession de situations dramatiques vécues par des jeunes gens et des adultes tous concernés par des services de la protection de l’enfance qui porte bien mal son nom. Prostitution dans les foyers, maltraitance en familles d’accueil, indifférence des services départementaux, tous les maux d’une politique publique qui concerne plus de 300 000 mineurs et 32 000 jeunes majeurs sont exposés à grands traits. C’est déjà à la suite de plusieurs enquêtes journalistiques que le secrétariat d’État chargé de la protection de l’enfance avait été créé en 2019 ; rien n’aurait donc changé depuis lors ? Madame la secrétaire d’État, vous qui avez travaillé à la protection judiciaire de la jeunesse, vous savez de quoi nous parlons. Un enfant meurt tous les cinq jours dans le cadre familial, et 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles tous les ans. Ce constat est alarmant mais nous ne voyons pas dans ce budget de modifications ou d’investissements massifs permettant une évolution positive. Vous évoquez des contrôles renforcés et davantage de formation, mais comment les finance-t-on et combien de postes supplémentaires vont être créés pour mener ces missions à bien ? Vous nous annoncez que le casier judiciaire des familles d’accueil sera bientôt systématiquement contrôlé – et l’on apprend ainsi avec surprise que ce n’était pas le cas jusqu’alors...

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles sur les enfants (Ciivise), installée par votre majorité, a remis en mars 2022 un rapport contenant plusieurs dizaines de recommandations. Pourquoi ne se traduisent-elles pas dans ce PLF ? Qu’en est-il par exemple de la formation au repérage systématique des violences sexuelles des professionnels en contact avec les enfants, les policiers et les gendarmes en particulier ? Qu’en est‑il de l’accès à des soins spécialisés en psycho-trauma pour ces enfants ? Nous déposerons des amendements en ce sens.

L’examen des crédits en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes montre que ce PLF revoit à la baisse les objectifs de qualité de service du 3919, la ligne d’écoute des femmes victimes de violences. Pourtant, 150 000 appels au secours ont été dénombrés en 2021 contre 97 000 en 2019 ; c’est dire que si le budget alloué au 3919 n’a pas formellement baissé, il sera insuffisant pour répondre à des appels en hausse constante parce que le curseur de l’acceptable s’est déplacé. La plateforme 3919 est un outil puissant pour accueillir la parole des femmes ; il est nécessaire de financer des embauches supplémentaires dans ce service, puisqu’en 2023, il faudra augmenter le nombre d’écoutantes et améliorer la qualité de service, notamment les week-ends et en soirée : on constate désormais 250 appels par jour le week‑end contre 150 en 2019. Il faudra aussi répondre à la question de ma collègue Karine Lebon portant sur les femmes des territoires d’outre-mer qui ne trouvent pas d’écoutants parlant les langues régionales lorsqu’elles appellent un service localisé, ce que l’on comprend, en métropole. Je rappelle qu’en 2021, 113 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint ; déjà, plus de cent femmes ont été assassinées depuis le 1er janvier 2022. La NUPES a fait campagne sur une proposition claire qui reprend la demande des associations en première ligne : 1 milliard d’euros pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence. Nous avons aussi déposé des amendements en ce sens.

Enfin, le sujet du handicap me tient particulièrement à cœur. Nous avons déjà eu l’occasion d’interroger M. le ministre sur l’accompagnement des enfants en situation de handicap, le parcours du combattant que cela représente pour les parents, la précarisation des AESH. Sur l’aspect budgétaire de la question, je rappelle que le montant de l’AAH est aujourd’hui de 956 euros. En dépit des revalorisations récentes, cette allocation reste donc inférieure au seuil de pauvreté. Pourquoi ne pas, enfin, corréler le montant des minima sociaux à l’inflation ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous allons effectivement profiter de cet échange en commission car il n’est pas certain que nous en aurons le loisir en séance publique comme il serait légitime, puisque c’est au Parlement qu’il revient de décider ce que doit être le budget du pays. Les crédits que vous nous présentez sont un peu en hausse, mais cette augmentation est très faible face à l’océan des inégalités auxquelles il est question de s’attaquer. Un système produit des inégalités massives et quelques petits programmes tentent d’y faire face, modestement et avec beaucoup de difficultés ; il faudrait s’attaquer aux causes de ces inégalités galopantes, qui se trouvent évidemment dans le système économique capitaliste dans lequel nous vivons.

Le programme 304, notamment pour ce qui concerne la prime d’activité, paraît insuffisant et inadapté au regard d’une inflation record qui met à mal la vie quotidienne de nombreuses familles ; on se demande comment elles pourront faire face avec les mesures que vous prévoyez. Au passage, le fait que nous soyons obligés de maintenir ce niveau de prime d’activité en dit long sur la qualité de l’emploi, ce qui renvoie à un débat qui a eu lieu il y a quelques jours dans l’hémicycle. Je regrette aussi la baisse du budget relatif à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Est-ce vraiment le moment ? Cela semble étonnant.

Je m’inquiète également pour le dispositif d’aide alimentaire qui, à mes yeux, appelle une grande réforme ; son organisation actuelle pose de nombreux problèmes. Il ne s’agit aucunement d’en réduire la portée, compte tenu de la gravité de la situation dans laquelle se trouvent de nombreuses familles, mais ses modalités doivent être revues. Des propositions ont été faites par les associations, qui visent à éviter que l’aide alimentaire ne se transforme en un marché de seconde zone pour les plus pauvres d’entre nous.

Je me fais l’écho des inquiétudes exprimées au sujet de la protection de l’enfance. Le reportage télévisé mentionné n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein : ce n’est pas la première fois que nous nous interrogeons sur la capacité d’action de la puissance publique en matière de protection de l’enfance et nous mesurons l’ampleur de l’effort nécessaire.

Je m’étonne que les crédits du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales permettant la création de places de formation aux métiers de la santé et du soin soient en baisse ; les besoins sont pourtant patents. J’approuve les propos de ma collègue Marie-Charlotte Garin au sujet du milliard d’euros nécessaire pour la lutte contre les violences faites aux femmes. Enfin, la précarité menstruelle concerne près de deux millions de femmes pour qui l’achat de protections hygiéniques est difficile ou impossible. De nombreuses associations exigent la gratuité de ces produits de première nécessité ; quelle est votre opinion à ce sujet ?

Je souligne à mon tour que le montant de l’AAH est encore loin du seuil de pauvreté et j’insiste sur la nécessité d’agir pour que les enfants handicapés aient un meilleur accompagnement à l’école ; ces sujets sont évoqués de manière récurrente et la puissance publique n’est pas au rendez-vous.

Pour finir, pouvez-vous faire le point sur le recours aux cabinets de conseil par vos différents ministères ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des députés.

M. Didier Le Gac (RE). Je salue l’augmentation des crédits de vos ministères et les nouvelles mesures prises au bénéfice des Français. On ne soulignera jamais assez la revalorisation salariale dont ont bénéficié les soignants grâce aux accords du Ségur de la santé qui se sont traduits par une augmentation mensuelle de 183 euros. Mais certaines catégories de personnel du secteur médico-social, pourtant mobilisées pendant la crise sanitaire, ont été oubliées. Je souhaite que cette omission soit réparée dans le PLF 2023.

M. Joël Aviragnet (SOC). Après des années de combat parlementaire, nous avons fini par obtenir cet été la déconjugalisation de l’AAH, ce dont je me réjouis à nouveau. Cette mesure et l’augmentation de la prime d’activité expliquent l’apparente hausse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt et nous avons compris qu’après le « quoi qu’il en coûte » viendrait le « où est-ce qu’on coupe ? ». Qu’en est-il de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ? Qu’en est-il des conditions de travail de ceux qui font vivre la solidarité chaque jour ? Il leur reste des miettes. Alors que vous auriez pu profiter de ce PLF pour augmenter le salaire des AESH afin d’améliorer l’attractivité de cette profession essentielle, ils devront continuer de se contenter d’un salaire de misère et de temps partiel subi. Mais, sans eux, il n’y a pas d’inclusion possible des enfants en situation de handicap ; sans eux, des milliers d’enfants ne pourront pas suivre une scolarité ordinaire. Allez‑vous prendre des mesures propres à renforcer l’attractivité de ce métier ?

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Selon l’Insee, l’outre-mer est dans une situation hors norme qui justifierait amplement une attention particulière. Lorsque nous vous avons auditionné, le 20 septembre dernier, monsieur le ministre, j’avais avancé l’idée, étant donné le vieillissement accéléré de la population à La Réunion, de créer un grand service public d’aide à la personne traitant des questions de statut, d’organisation, de revenus et des conditions de travail ; me direz-vous aujourd’hui ce que vous en pensez ? D’autre part, ne sont pas abordés le problème des enfants porteurs de handicap, le manque de familles d’accueil, le coût du transport, le manque d’AESH et les lacunes de la formation de ces personnes qui vivent dans une grande précarité sans guère d’espoir d’évolution. On touche là à la maltraitance institutionnelle des élèves et des équipes pédagogiques. Pour en finir avec l’illusion de l’inclusion, ne conviendrait-il pas de réaliser au plus vite l’état des lieux des Pial afin d’évaluer leur pertinence et leur efficacité ?

M. Arthur Delaporte (SOC). Je pourrais évoquer la nécessaire extension du bénéfice de la « prime Ségur » à l’ensemble de celles et ceux qui travaillent dans le secteur médico-social, question sur laquelle nous sommes en permanence sollicités, mais nous avons tous été heurtés par les failles de la protection de l’enfance. Comme de nombreux autres, ce secteur connaît de grandes difficultés, mais c’est particulièrement choquant quand cela touche l’enfance, qui devrait être sanctuarisée. Habitant le Calvados, je croise quotidiennement des travailleurs sociaux de la protection de l’enfance qui me font part de leur isolement, voire de leur abandon, et de leur impuissance devant l’ampleur des besoins – entre 200 et 300 mesures de placement ne sont pas exécutées faute de moyens. Telle est la réalité de la protection de l’enfance dans notre pays, où des mineurs isolés se retrouvent seuls à l’hôtel. Cette situation tragique conduit aussi à la privatisation de ce secteur ; étant donné la faiblesse des moyens dont elles disposent, les collectivités locales sont contraintes de réduire les coûts et vont toujours au mieux disant et donc au moins offrant, le secteur privé.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur le ministre, avez-vous pu prendre attache avec les départements pour déterminer quels moyens supplémentaires seront alloués au contrôle des Ehpad ? Ce travail a été amorcé mais il faut aller plus loin. Dans un autre domaine, des efforts considérables et inédits sont faits dans le domaine du handicap, mais certaines catégories de personnels, notamment des personnels techniques et administratifs et des moniteurs n’ont pour l’instant pas obtenu la reconnaissance que d’autres ont eue aux termes des accords du Ségur de la santé. J’entends que l’on ne pouvait tout faire en même temps, mais est-ce programmé pour les prochaines années ?

Mme Servane Hugues (RE). Je salue l’augmentation du financement du programme 157, en hausse de 6,38 % par rapport à l’an dernier, au bénéfice des personnes en situation de handicap et des personnes âgées en perte d’autonomie. Ces crédits doivent permettre l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le milieu de travail ordinaire, mais la clef de la réussite, c’est le parcours coordonné, avec l’aide d’une équipe plurielle. Comment envisagez-vous l’articulation entre les professionnels du secteur médico-social et les employeurs des personnes en situation de handicap ?

Mme Annie Vidal (RE). L’action 13 du programme 157 traite des crédits alloués au pilotage du programme et à l’animation des politiques inclusives. Des 42,5 millions d’euros prévus, 2,8 millions sont alloués à la prévention et à la lutte contre la maltraitance. Une commission ad hoc dont je fais partie s’est attelée depuis 2019 à lutter contre ce fléau mais les besoins sont encore très prégnants, tant pour les majeurs vulnérables que pour les mineurs, au point que certains éducateurs spécialisés nous disent être conscients de participer à un système de maltraitance institutionnelle. Aussi, quels moyens consacrerez-vous à l’élargissement des publics et au renforcement du traitement des signalements faits au 3977 ?

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). « Pour manger, je me suis inscrite à l’association d’aide alimentaire de mon village ; j’étais bénévole, je suis devenue bénéficiaire » dit Sarah. « On se serre vraiment la ceinture ; nous faisons 250 euros de courses alimentaires par mois et pour y arriver, on mange moins de viande, on ne sort jamais, sauf pour faire les courses » enchaînent Jean-Pierre et Anne-Marie, retraités. L’inflation alimentaire frappe durement nos concitoyens dont beaucoup ne parvenaient déjà pas à boucler les fins de mois. Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, vous conviendrez avec moi que cette situation est alarmante. Pourtant, vous refusez de bloquer les prix des produits de première nécessité, vous refusez d’augmenter le Smic, vous vous en prenez aux salariés qui font grève pour demander des augmentations de salaires dignes, vous vous placez toujours du côté des puissants et des profiteurs de crise. Après cinq années de refus, après cinq années où vous vous en êtes pris aux plus pauvres, comment comptez-vous enfin agir contre la précarité alimentaire qui touche nos concitoyens chaque jour un peu plus ?

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Contrairement à leurs collègues employés à l’hôpital, 3 000 travailleurs de la fonction publique hospitalière n’ont pas droit à la « prime Ségur » parce qu’ils travaillent dans des centres sociaux ou médico-sociaux. C’est le cas, par exemple, de Philippe qui, salarié depuis dix‑sept ans d’un centre départemental enfants et familles, touche à peine 1 600 euros par mois. Mis à contribution pendant la crise sanitaire, il a contracté le covid, a passé deux semaines en soins intensifs et des semaines sous oxygène et, un an et demi plus tard, souffre toujours des séquelles d’un covid long. Mais, pour lui, pas de prime, alors que 183 euros représenteraient pour lui une hausse de salaire considérable. Il y a là une véritable injustice qui crée des tensions dans les services. Sachant que l’on parle de 3 000 personnes en tout, quand songerez-vous à leur accorder la « prime Ségur » comme à leurs homologues de même statut ?

Mme Fanta Berete (RE). Selon l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité, plus de 42 000 enfants vivraient en France dans des hébergements d’urgence, des abris de fortune ou dans la rue, dans des conditions de vie dégradées, exposés à une cohabitation dans des espaces étroits et parfois insalubres, à l’instabilité matérielle, sociale, financière et administrative. À cela s’ajoutent l’isolement, la stigmatisation et les discriminations, qui ne sont pas sans conséquences sur leur santé mentale. À l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre dernier, Unicef France, le Samu social de Paris et Santé publique France ont publié un rapport intitulé Grandir sans chez-soi : quand l’exclusion liée au logement met en péril la santé mentale des enfants. Ce document détaille les multiples conséquences de la précarité. Quelles actions comptez‑vous entreprendre en faveur des enfants en situation d’extrême fragilité, alors même que les places en hébergement d’urgence viennent à manquer, à Paris en particulier ?

M. Nicolas Turquois (Dem). J’ai récemment rendu visite à l’Institut départemental pour la protection de l’enfance et l’accompagnement des familles dans mon département, la Vienne. Des maîtresses de maison et des veilleurs de nuit y sont au contact quotidien des enfants et ce qu’ils font ressemble d’assez près à ce que font des personnes qui ont bénéficié de la revalorisation salariale, mais ils ne l’ont pas obtenue. Cela crée des tensions, comme partout en France. D’autre part, le département de la Vienne s’inquiète des 11,8 millions d’euros de dépenses supplémentaires décidées par l’État dans le champ social car ni la revalorisation du RSA ni le nouveau dispositif de prestation de compensation du handicap ni les mesures issues des accords du Ségur de la santé ne sont compensés. Une réponse est nécessaire.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). Je suis éducatrice spécialisée en protection de l’enfance et je tiens à vous dire qu’il serait bon de ne pas attendre les reportages sensationnels des chaînes de télévision pour se soucier de questions aussi graves. Ce que vivent les professionnels et les enfants dans les institutions date d’il y a bien longtemps et, malheureusement, nous n’avons vu aucune amélioration au cours des cinq dernières années. Les placements non exécutés, la perte de sens de notre travail et de nos métiers, le manque de perspectives pour les enfants, la mise en concurrence des structures, c’est la réalité quotidienne, de longue date. À cela s’ajoute que les enfants placés n’ont pas les mêmes chances de réussite selon les départements où ils sont nés ; c’est inacceptable. Des moyens sont effectivement nécessaires, mais il faut aussi recentraliser la protection de l’enfance pour redonner à tous les enfants concernés les mêmes chances de s’en sortir partout sur le territoire.

M. le ministre. J’observe en préambule que nous ne partageons pas la même vision de la situation. Les chiffres relatifs à la pauvreté dans notre pays en 2020 publiés vendredi dernier par l’Insee montrent d’abord que la pauvreté n’a pas augmenté en France, ce dont il faut se réjouir après deux ans d’une crise sanitaire d’une ampleur exceptionnelle. Ils montrent aussi que les inégalités se sont réduites parce que les mesures prises pendant cette crise ont été centrées sur les ménages les plus modestes. On ne peut évidemment se satisfaire de la situation actuelle ; toutefois, grâce aux mesures exceptionnelles prises pour soutenir et les ménages et l’activité économique, la France est l’un des seuls pays d’Europe et de l’Organisation de coopération et de développement économiques où la pauvreté n’a pas explosé.

Certes, des situations dramatiques demeurent et environ 9,3 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en France, mais il n’y a pas d’évolution massive à ce jour. Je suis en contact permanent avec les associations de solidarité, les départements et les CCAS. Ce que l’on observe, c’est la dégradation de la situation de certaines familles, notamment les plus modestes, en raison de l’impact de l’inflation sur les dépenses contraintes – alimentation, logement, énergie. S’il n’y a pas d’explosion de la pauvreté dans notre pays, c’est aussi parce que le Gouvernement a pris très tôt des mesures pour anticiper cette situation. Elles figurent dans le projet de loi de finances rectificative ; l’augmentation des minima sociaux, la poursuite du plafonnement des prix de l’énergie, les remises à la pompe sur les carburants, l’allocation exceptionnelle de solidarité versée à 12 millions de familles le 15 septembre dernier et qui sera complétée par d’autres mesures visant à protéger les foyers de l’augmentation du prix du gaz et du fioul cet hiver. Nous devons rester vigilants et nous le serons et nous adapterions notre politique au cours des mois à venir si la situation devait fortement empirer. Voilà pour les mesures d’urgence.

Pour le long terme, nous relançons la stratégie de lutte contre la pauvreté, sur la base de rapports de France Stratégie, de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de la délégation interministérielle à la lutte contre la pauvreté. La concertation reprend pour définir une nouvelle ambition volontariste, visant à faire reculer la pauvreté dans notre pays. En premier lieu, nous continuerons d’investir contre la reproduction sociale de la pauvreté, ce qui signifie que l’axe de l’enfance sera encore extrêmement fort au cours de cette législature. Aussi, dans le cadre de cette future stratégie, je souhaite conclure un pacte des solidarités dans l’investissement social entre l’État, les collectivités et les acteurs de la solidarité sur les territoires. Ma deuxième priorité est la lutte contre la grande pauvreté, sans laquelle on ne pourra pas faire reculer la pauvreté durablement et massivement ; c’est d’ailleurs, a souligné France Stratégie, une des faiblesses du plan en vigueur. Le troisième axe de notre action sera l’accompagnement de la transition écologique pour en faire une transition solidaire en faveur des ménages les plus précaires afin de réduire l’impact des dépenses contraintes. Notre ambition est donc de faire reculer la pauvreté dans les années qui viennent, malgré la conjoncture.

Des mesures d’urgence ont également été prises pour l’aide alimentaire. Le débat parlementaire, cet été, a permis de doubler les crédits alloués à cette aide, passés de 56 à 107 millions d’euros, dont 55 millions à dépenser d’ici à la fin de l’année et 15 millions pour les territoires ultramarins. Je précise que toutes ces stratégies seront adaptées aux spécificités des territoires d’outre-mer. Ainsi, les petits déjeuners à l’école ayant rencontré des succès divers selon les lieux, nous avons décidé de concentrer les crédits sur les territoires ultramarins, puisque c’est là où le besoin est le plus fort. J’aurai donc à cœur de faire que cette stratégie soit plus adaptée, et sans doute renforcée outre-mer.

Vous avez lié la hausse des crédits de l’aide alimentaire à l’inflation. J’observe que les mesures prises par le Gouvernement depuis la fin de l’année 2021 font que notre pays est celui des pays européens où l’inflation, qui s’établit à 6,2 %, est la moins forte ; elle est supérieure à 24 % dans d’autres pays. Il n’en reste pas moins qu’un tel taux d’inflation peut entraîner des conséquences graves pour les familles qui sont dans les situations les plus précaires. Pour cette raison, nous maintenons les crédits habituels de l’aide alimentaire pour soutenir les grands réseaux associatifs et dans le cadre des crédits délégués aux services de l’État dans les territoires. De plus, nous avons créé un fonds afin d’amorcer la transformation du dispositif d’aide alimentaire, avec un volet national. Cela répond à une demande des grands réseaux d’aide alimentaire, que je rencontre régulièrement. Ils souhaitent continuer de se moderniser et ils ont d’ailleurs bénéficié de crédits importants à cet effet dans le cadre du plan de relance.

Nous allons donc nous appuyer sur ces réseaux largement modernisés et faire en sorte qu’ils aient accès à des produits de meilleure qualité, qu’ils ne distribuent pas uniquement des produits de base mais aussi des produits frais, et proposent des repas équilibrés. Ces questions comportent aussi un volet territorial et nous souhaitons, avec le ministre de l’agriculture, créer des alliances rassemblant producteurs locaux, CCAS, associations de solidarité et services de l’État pour faire bénéficier les familles de produits locaux de qualité, bio là où ce sera possible. Nous répondrons ainsi à certaines des propositions de la convention citoyenne sur le climat. Il avait aussi été question des chèques alimentaires ; l’objectif existe toujours, et ces chèques pourraient répondre à certaines situations, mais ce n’est pas dans une telle mesure que nous investirons massivement si nous voulons réussir à favoriser l’accès à une alimentation saine et équilibrée, issue de nos territoires.

Les questions relatives aux budgets qui sont de la responsabilité de ma collègue Isabelle Rome, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, lui seront transmises. Cette question est une priorité pour le Gouvernement et ma collègue vous dira sa stratégie.

Nous avons lourdement investi dans la réduction de la précarité menstruelle ; les crédits ad hoc, qui s’élèvent à 4,7 millions d’euros depuis 2020, sont maintenus pour 2023. Nous examinerons cette question avec attention lors du renouvellement de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

J’ai indiqué dans mon propos liminaire que la création des 120 postes annoncés par ma prédécesseure à la suite de la crise Orpea est sanctuarisée ; nous tiendrons notre engagement, qui est de contrôler les 7 500 Ehpad dans les deux ans qui viennent. D’autres mesures, visant à doter les inspecteurs de plus grands pouvoirs, seront inscrites dans le PLFSS ; je sais que certains amendements de votre commission tendent à les renforcer encore.

J’en viens aux inégalités qui ont pu découler des accords du Ségur. Nous pourrons rapidement en corriger certaines, en particulier au sein de la fonction publique hospitalière. En revanche, j’ai renvoyé aux opérateurs et aux départements le soin de gérer le problème des personnels administratifs et techniques qui perçoivent de très bas salaires. On ne peut pas se tourner vers l’État à chaque fois qu’il y a une difficulté dans un établissement. Les négociations sont ouvertes pour augmenter les salaires des personnels du secteur de la petite enfance. Nous voulons accélérer la signature d’une convention collective unique dans le secteur privé non lucratif. Verser 183 euros supplémentaires à tout le monde n’aurait pas de sens. Plutôt que de reporter le problème au risque de créer de nouvelles inégalités, nous devons engager des négociations salariales beaucoup plus larges entre les organisations syndicales, les employeurs et les financeurs.

Pour ce qui est des départements, je réunirai le comité des financeurs le 27 octobre. Nous ferons les comptes et nous verrons si chacun a respecté ses engagements. Nous devrons également harmoniser ces politiques, conduites dans un cadre très décentralisé. La Première ministre a renouvelé, devant l’Assemblée des départements de France, vendredi dernier, la volonté du Gouvernement de mener une nouvelle étape pour une vraie décentralisation.

Mme la ministre déléguée. L’inclusion des personnes en situation de handicap est au cœur de nos préoccupations. Le comité des droits des personnes handicapées de l’ONU défend le principe de la désinstitutionalisation. Nous n’y parviendrons pas totalement mais nous pouvons améliorer encore davantage l’inclusion en milieu scolaire, dans la formation professionnelle et dans l’emploi.

La loi de finances de 2022 a consacré 3,5 milliards d’euros à l’école inclusive pour scolariser 430 000 enfants et financer les postes de 130 000 AESH. Ces chiffres impressionnants témoignent de l’accélération de l’inclusion en milieu scolaire : nous comptons un AESH pour huit professeurs au sein de l’éducation nationale.

Tout n’est pas réglé pour autant. Nous avons ainsi rencontré des difficultés pour recruter des AESH à la rentrée car ces métiers ne sont pas les plus attractifs. Nous améliorons cependant leur formation pour créer les conditions de la meilleure inclusion possible. Ce travail demande du temps, nous ne pouvons pas transformer le système en une année, d’un simple claquement de doigts. Des conférences relatives à l’école inclusive se tiennent régulièrement pour évaluer les dispositifs et celle qui se réunira prochainement dressera le bilan de la rentrée.

Le regard que nous portons sur l’inclusion scolaire doit évoluer. Un enfant porteur d’un handicap peut avoir davantage besoin d’une pédagogie particulière ou d’un outil pédagogique particulier que d’un AESH. Il faudra former les enseignants à cet égard. Nous poursuivrons nos efforts pour offrir à chaque enfant l’instruction la plus adaptée possible. Ces enfants auront également leur place dans les lycées professionnels, dont nous avons engagé la transformation, et à l’université.

Les AESH ont un contrat de 24 heures par semaine, qui correspond au temps pédagogique en maternelle ou en élémentaire. Le Président de la République s’est engagé à déprécariser ces métiers pour proposer des contrats de 35 heures, comme des AESH peuvent en signer au lycée. Le ministre de l’éducation nationale y travaille avec les collectivités territoriales.

Les personnes en situation de handicap doivent accéder aux formations professionnelles et à l’emploi, quel qu’il soit, qu’il s’agisse d’emplois protégés, de postes dans des entreprises adaptées ou dans le milieu ordinaire. Je m’en occupe avec M. Olivier Dussopt.

Nous devons encourager la reprise d’une activité salariée en milieu ordinaire. Les bénéficiaires de l’AAH peuvent percevoir un revenu d’activité en cas de reprise d’emploi en milieu ordinaire. L’AAH est alors maintenue intégralement pendant six mois puis partiellement, en fonction de l’emploi, sans limite de temps.

Les travailleurs des Esat perçoivent l’AAH mais peuvent, depuis 2022, exercer une autre activité en milieu ordinaire. Cette mesure de double activité implique de prévoir un calcul spécifique de l’AAH pour que les ressources du bénéficiaire augmentent globalement. La personne en situation de handicap qui travaille davantage doit voir ses revenus augmenter.

Les mesures incitatives peuvent aussi prendre la forme d’une simplification des démarches et d’un accompagnement humain particulier. Celui-ci permet à plus de 6 500 personnes d’accéder à un emploi et de s’y maintenir. Les résultats sont très satisfaisants depuis trois ans et nous comptons évaluer le dispositif pour le pérenniser car il est particulièrement adapté aux personnes souffrant d’un handicap psychique ou d’un trouble du neurodéveloppement. Il pourrait même être utile aux personnes éloignées de l’emploi. L’emploi des personnes en situation de handicap sera à l’ordre du jour de la Conférence nationale du handicap qui se tiendra au début de l’année prochaine. Le statut du travailleur en Esat n’est pas satisfaisant et doit évoluer pour qu’il obtienne les mêmes droits que les autres. Nous nous y emploierons.

Le montant de l’AAH est inférieur au seuil de pauvreté. Il a été porté de 800 euros en 2017 à 956,50 euros aujourd’hui suite à la revalorisation de 4 % que vous avez votée cet été. Le bénéfice de l’AAH ouvre des droits, par exemple l’aide personnalisée au logement, dont la perception permet de relever les revenus au-dessus du seuil de pauvreté. Le projet de loi de finances prévoit 533 millions d’euros pour financer l’évolution tendancielle de l’AAH, 186 millions pour prendre en charge la revalorisation de 4 % et 93 millions pour tirer les conséquences de la déconjugalisation. À ce propos, un travail a été engagé avec l’ensemble des services pour que la mesure ne pénalise pas 45 000 couples. Le décret sera présenté pour avis au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) en novembre avant d’être publié mi-décembre. De son côté, la Cnaf est chargée de refonder son système informatique. Nous prendrons le temps nécessaire pour réaliser ce travail complexe et technique afin de ne pas commettre d’erreur.

Enfin, la charge des prestations de compensation du handicap (PCH) versées cette année par les départements leur a été compensée par la loi de financement de la sécurité sociale. C’est le cas, en particulier, de la PCH « parentalité ». Le montant des nouvelles PCH qui seront versées à partir du 1er janvier 2023 pour prendre en compte les besoins des personnes sourdes et aveugles ou atteintes de handicap cognitif, mental ou psychique n’a pas été correctement évalué mais les mesures nécessaires seront prises dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

M. le ministre. S’agissant de la formation, les crédits de l’État baissent mais pas le niveau d’investissement puisque les régions prennent le relais : 16 000 places seront créées dont 6 600 au sein des instituts de formation en soins infirmiers. La formation reste notre priorité.

Mme la rapporteure a salué le grand chantier de la solidarité à la source qui tend à restaurer la confiance dans notre système de prestations sociales en le rendant plus lisible, en réduisant les non-recours, en renforçant l’accès au droit, en luttant contre la fraude et les indus. L’expérimentation « territoires zéro non-recours » sera lancée dans une dizaine de départements pour aller à la rencontre du public le plus éloigné du système. En 2024, les caisses d’allocations familiales enverront les premiers formulaires préremplis aux bénéficiaires. Enfin, en 2027, les bases ressources seront harmonisées.

Mme la secrétaire d’État. Je suis placée auprès de la Première ministre et, à ce titre, je prête une attention particulière à l’ensemble des dossiers relatifs à l’enfance. Un comité interministériel de l’enfance se tiendra en novembre. L’inclusion des enfants en situation de handicap est au cœur de nos préoccupations.

Le nombre de dossiers traités par les maisons départementales des personnes handicapées ne cesse d’augmenter. Les demandes d’AESH ou d’accueil dans un institut médico-éducatif ou un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique ont fortement augmenté. Face à cette recrudescence des troubles du neurodéveloppement et du handicap, nous devrons réfléchir à l’accueil de ces enfants mais aussi à l’organisation du temps périscolaire et à l’accompagnement des parents. Les conséquences de la crise sanitaire sont indéniables. Les violences au sein de la famille se sont accrues, ce qui a pu altérer l’équilibre mental des enfants.

Le nombre de places proposées en hébergement d’urgence a augmenté durant le précédent quinquennat. Malgré les efforts, les établissements sont saturés, parce que les flux migratoires ont repris et que nombre d’hôtels ne veulent plus assurer l’hébergement d’urgence. Nous devrons trouver des solutions car il n’est pas acceptable que des enfants dorment dans la rue.

J’en viens au reportage réalisé par « Zone interdite » sur l’ASE, qui a choqué les téléspectateurs. Les élus et les membres du Gouvernement doivent savoir garder de la distance par rapport à des méthodes journalistiques comme l’infiltration ou la mise en parallèle de situations sans rapport les unes avec les autres. Le reportage a été tourné il y a plus de dix‑huit mois. Depuis, le Parlement a adopté, le 7 février 2022, la loi relative à la protection des enfants, qui interdit d’ici 2024 le placement à l’hôtel des mineurs et des jeunes majeurs confiés à l’ASE. Ma priorité est de faire appliquer ce texte et le PLF 2023 m’en fournit les moyens. L’État n’est pas seul puisque les départements sont en première ligne.

La loi de 2022 a renforcé la gouvernance de cette politique publique afin de mieux coordonner les acteurs. Je ne suis pas favorable à une recentralisation qui nous prendrait dix ou quinze ans. Pour avoir été directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) au ministère de la justice, je sais très bien quelle administration aurait en charge cette responsabilité mais je ne crois pas que l’État soit le mieux placé pour l’assumer. En revanche, l’État doit renforcer sa présence dans les territoires pour remplir ses propres missions, en garantissant à nos concitoyens l’accès à la santé, à l’éducation et à la justice, en coordonnant l’action publique et en les contrôlant. De toute évidence, les dispositifs de la protection de l’enfance ne l’ont pas été suffisamment.

Il convient également d’améliorer l’attractivité des métiers dans les territoires. C’est vrai, nous avons besoin de dispositifs nationaux et je vous confirme, à cet égard, que les maîtresses de maison, les surveillants de nuit ainsi que les moniteurs-éducateurs bénéficieront des mesures de revalorisation salariale. Cela étant, rien n’empêche un employeur d’augmenter les rémunérations des personnels qui ne seraient pas visés par les accords du Ségur mais qui auraient participé aux efforts de lutte contre la pandémie ! Je l’ai fait lorsque j’étais à la tête de la PJJ. Quant à savoir qui paie, finalement, de l’État ou du département, c’est une autre question. Cette politique est décentralisée et relève donc de la responsabilité des départements.

La loi de 2022 a créé le GIP France Enfance protégée, qui regroupe l’État, les associations et les départements, ces derniers étant les chefs de file de cette politique publique décentralisée. Des dépenses de transition sont prévues mais le PLF 2023 permet de financer les missions assurées par les opérateurs qui rejoignent le GIP. Cette structure est appelée à jouer un rôle de plus en plus important car elle permettra de faire remonter les bonnes pratiques et les difficultés, d’améliorer la transmission des données relatives à la protection de l’enfance ou de faire émerger des idées peut‑être plus intelligentes que celles que le Gouvernement pourrait avoir ! Des décrets sont en cours de rédaction. La loi de finances avait alloué aux départements un montant de 50 millions d’euros pour accompagner les jeunes majeurs de moins de 21 ans. Le même montant est prévu dans le PLF 2023. D’autres mesures sont prises pour améliorer l’insertion professionnelle. Nous ne devons pas laisser les jeunes majeurs trois ans de plus, entre 18 et 21 ans, à l’ASE. Les dispositifs d’insertion et d’accompagnement doivent prendre le relais. Je m’y emploie avec Carole Grandjean et Olivier Dussopt.

Cette loi impose de contrôler systématiquement les antécédents judiciaires de tous les professionnels et bénévoles qui interviennent auprès des enfants dans des établissements pour mineurs. La consultation du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes révèle les condamnations mais aussi les mises en examen. Un outil numérique sera mis à la disposition des employeurs pour faciliter le contrôle lors de l’embauche puis à intervalles réguliers.

Je suis saisie des conclusions de la Ciivise. Le garde des sceaux engagera une réflexion autour de l’autorité parentale. De mon côté, je m’occuperai des plateformes d’accompagnement des professionnels lors des signalements. Nous souhaitons lancer une campagne en mars 2023 pour prévenir les violences, en particulier sexuelles, au sein des familles.

Mme Peyron m’a interrogée sur la contractualisation de la prévention et de la protection de l’enfance entre les départements et l’État. À la fin du précédent quinquennat, elle était en cours. Lors de ma prise de fonctions, au début de l’été, les négociations avec la direction du budget étaient bien engagées. J’ai demandé le maintien de ce qui a été fait et l’ajout de ce qui était en cours. Seules douze collectivités locales ont refusé d’entamer une démarche de contractualisation, qui n’en est pas moins en cours d’élaboration, car l’objectif est d’aller au bout de cette démarche. Certains contrats conclus ont fait l’objet d’avenants.

La contractualisation entre l’État et les départements vit. Elle a une forme d’efficacité. Concentrée sur la protection maternelle et infantile, elle traite aussi du circuit du signalement et du renforcement des directions de la protection de l’enfance. Les départements y ont inclus de nombreux objectifs. Je souhaite qu’elle soit élargie à l’éducation nationale et à l’autorité judiciaire, sans lesquelles la politique de protection de l’enfance est bancale. Par ailleurs, j’ai promis au ministre chargé des comptes publics que nous l’évaluerons pour déterminer comment la faire évoluer en 2023, qui est une année de transition.

Chère Maud Petit, nous nous sommes engagés à ouvrir une unité d’accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED) par département. Comme d’autres politiques, celle‑ci bénéficie non seulement de crédits de l’action 304, mais aussi des fonds d’intervention régionaux et des crédits mobilisés sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. L’augmentation du budget dédié aux UAPED vise à les déployer dans tous les départements et à renforcer les équipes en place. Par ailleurs, le ministère de la justice contribuera à l’équipement vidéo des salles d’audition. Comme l’a annoncé le ministre de la santé et de la prévention à Marseille, nous continuerons à développer les UAPED, avec l’objectif d’atteindre le niveau de la juridiction, dans le cadre d’un travail avec le ministère de l’intérieur, qui met en œuvre le dispositif complémentaire des salles Mélanie.

Dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, des fonds sont alloués à la lutte contre la prostitution des mineurs. Nous avons lancé des appels à projets pour renforcer le numéro d’écoute ainsi que les maraudes visant à repérer les jeunes filles, et plus rarement les jeunes garçons, qui se prostituent.

Sur l’attractivité des métiers, la Première ministre a rappelé la nécessité d’une coordination des champs des métiers du social et de l’enfance, ainsi que des démarches entreprises par Sarah El Haïry sur les métiers de l’animation et de celles entreprises par le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées sur les autres. L’idée est d’avancer tous ensemble et de continuer sur la trajectoire du Ségur, tout en sortant de sa dynamique pour aller vers une augmentation des salaires et un accompagnement du recrutement.

Susciter des vocations s’impose d’autant plus que nos jeunes ne veulent plus s’occuper de nos enfants, alors même qu’il s’agit de l’un des plus beaux métiers du monde. Il faut renforcer les filières, dans les lycées professionnels et au niveau post-bac, et accompagner la formation continue. La contractualisation inclut des fonds dédiés à la formation. Je souhaite que toutes les écoles du champ de l’accompagnement des enfants élaborent ensemble un véritable plan de formation. Comme je l’ai dit dans l’hémicycle, nous renforçons la formation des contrôleurs. Nous pouvons aller plus loin pour partager une culture commune de l’accompagnement des enfants fragiles.

Sur la maltraitance que nous qualifierions d’institutionnelle, ce qui présente l’inconvénient d’en attribuer la responsabilité aux professionnels, je suis de près les deux missions confiées par Jean-Christophe Combe à l’IGAS, au Haut Conseil de la santé publique et à la Conférence nationale de santé sur les maltraitances, couvrant tout le champ des établissements médico-sociaux. Dans l’attente de leurs préconisations, je rappelle qu’il existe un dispositif d’écoute, le 119, qui est aussi destiné aux professionnels constatant des maltraitances dans leur service.

Par ailleurs, il faut aborder ce sujet de façon très particulière. Tous les publics protégés font l’objet d’une approche transversale, mais entendre un enfant suppose aussi une approche spécifique, dans le cadre des contrôles et des dispositions prévues par la loi du 7 février 2022.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je remercie M. le ministre, Mme la ministre déléguée et Mme la secrétaire d’État pour leur disponibilité et leurs réponses.

II.   Examen des crédits

La commission examine ensuite les crédits de la mission.

Article 27 et état B

Amendement IIAS6 de M. Elie Califer.

M. Elie Califer (SOC). Depuis le 1er septembre 2010, les jeunes âgés de 18 à 24 ans peuvent bénéficier du RSA jeune actif. Toutefois, il est plus difficile d’accès que le RSA classique. Il faut notamment avoir exercé une activité professionnelle pendant au moins deux ans à temps plein, sauf si l’on est parent isolé. Nous souhaitons améliorer l’accès au RSA jeune actif des jeunes majeurs, qui, comme tout un chacun, subissent les difficultés de l’époque que sont l’inflation et l’augmentation du coût de l’énergie. Il faut donner aux jeunes les moyens de vivre ailleurs que dans la rue.

Mme la rapporteure. L’amendement vise à mobiliser 13,2 milliards d’euros pour l’extension du RSA aux jeunes âgés de 18 à 24 ans. Il importe de préciser que le RSA jeune actif bénéficie aussi aux jeunes parents et à ceux qui sont en passe de l’être.

Chers collègues socialistes, vous et nous n’avons pas la même ambition pour notre jeunesse, ce qui n’est pas nouveau. Nous avons eu ce débat maintes fois au cours du dernier quinquennat. Nous avons adopté plusieurs dispositions visant à accompagner mieux et plus vite nos jeunes, à les qualifier et à les inciter à se former. Le plan « 1 jeune, 1 solution » a permis à 4 millions de jeunes de trouver une solution. La garantie jeunes, devenue le contrat d’engagement jeune au 1er mars dernier, a fait l’objet d’un premier bilan d’étape plutôt satisfaisant. Affaire à suivre !

Nous ne délaisserons pas notre jeunesse, dont vous et nous n’avons pas tout à fait la même vision. Avis défavorable.

M. Elie Califer (SOC). La succession des mesures prouve qu’elles ne fonctionnent pas. Nous devons stabiliser notre vision des jeunes en difficulté pour les faire entrer en formation, ce qui réduirait le nombre de jeunes bénéficiaires du RSA.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IIAS67 de M. Damien Maudet.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Nous devons donner à la jeunesse les moyens de son autonomie. En matière d’ambition pour la jeunesse, je me souviens qu’Emmanuel Macron a déclaré : « Nous n’avons pas de politique à avoir pour la jeunesse ». En effet !

Nous avons construit, pour nos aînés, un système fondé sur la solidarité nationale. Nous devons faire pareil avec les jeunes. Cessez de faire en sorte que les familles les prennent en charge, même quand ils sont adultes ! Ce système est inégalitaire. Afin de les confier à la solidarité nationale, notre amendement d’appel vise à créer une garantie autonomie pour les jeunes.

Mme la rapporteure. Monsieur Maudet, vous ne pouvez pas dire que nous nous désintéressons de notre jeunesse, notamment des étudiants en situation de précarité, pour lesquels le Gouvernement a multiplié les dispositifs de soutien, au premier rang desquels l’indexation des loyers des résidences universitaires, qui étaient gelés depuis 2019.

Les étudiants vivant en logement ordinaire bénéficient de la mesure générale d’encadrement de l’évolution des loyers adoptée l’été dernier. La prolongation du bouclier tarifaire a permis de limiter la hausse de la facture de chauffage des étudiants. S’agissant de l’alimentation, le repas à 1 euro a été reconduit pour l’année universitaire 2022-2023. Dès la rentrée 2022, les bourses sur critères sociaux ont été revalorisées de 4 %, soit une augmentation pouvant atteindre 228 euros par an pour les 59 000 boursiers échelon 7.

Au total, 2,5 milliards d’euros d’aides directes et 400 millions d’euros d’aides indirectes sont alloués aux étudiants, principalement dans le cadre de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Madame la rapporteure pour avis, nous n’avons, s’agissant de la jeunesse, ni la même vision, ni la même ambition. Nous dressons le constat du réel, à l’unisson des organisations syndicales étudiantes : l’augmentation du coût de la vie des étudiants de 5 %, voire de 7 %.

Les aides n’ont pas suivi, la revalorisation de certaines prestations sociales de 3,5 % étant inférieure à l’inflation. La revalorisation des aides personnelles au logement (APL) de 3,5 % est égale à l’augmentation des loyers. Dans le cas d’un loyer de 600 euros, cela correspond à une hausse de loyer de 21 euros, contre 7 euros pour les APL, soit une limitation de la hausse du loyer à 14 euros. Je ne peux pas vous laisser dire que vous agissez pour les étudiants. Il suffit d’aller à leur rencontre pour constater que la précarité s’étend, et avec elle le recours à l’aide alimentaire.

Cet amendement d’appel mérite mieux qu’un autosatisfecit au sujet des mesures prises par le Gouvernement. La situation n’est pas satisfaisante au regard des besoins. Nous proposons une solution clef en main. Vous pouvez la refuser par idéologie ou par manque de moyens, mais pas par autosatisfaction.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Chacun a conscience des difficultés que connaissent les étudiants, mais je vous trouve un peu pingres : vous proposez 10 millions d’euros, nous avons investi 7 milliards.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement IIAS86 de Mme Marianne Maximi.

Amendement IIAS79 de Mme Marianne Maximi.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement d’appel prévoit le versement automatique du RSA pour éviter les situations de non-recours. Le taux de non‑recours aux aides sociales et aux minima sociaux est estimé à environ un tiers des bénéficiaires potentiels, soit autant de personnes en situation de précarité qui ne peuvent disposer de leurs droits, et connaissent donc une dégradation de leurs conditions de vie.

D’après Héléna Revil, chercheuse à l’université de Grenoble, ces non-recours s’expliquent notamment par la complexité du chemin à suivre pour demander les aides : « C’est un parcours du combattant : il faut d’abord s’adresser à la caisse d’assurance maladie, constituer un dossier, puis se tourner vers des organismes complémentaires... À chaque étape, il y a des incompréhensions qui font que le dossier ne va pas au bout. » Nous avons réalisé le prélèvement à la source pour les impôts ; il est nécessaire d’engager une automatisation du versement du RSA.

Mme la rapporteure. Monsieur Ratenon, je suis complètement d’accord avec vous, à tel point que j’évoque dans mon rapport cette promesse du Président de la République.

Certains bénéficiaires sont connus des services. Nous travaillons à l’harmonisation des bases ressources, dont les différences – versement mensuel, trimestriel ou annuel – provoquent des complications techniques. La promesse présidentielle est d’aller vers la solidarité à la source, sur le modèle du prélèvement de l’impôt à la source, grâce à une fusion du RSA, de la prime d’activité et des APL.

Par ailleurs, beaucoup reste à faire sur le repérage de ceux qui ne sont pas connus des organismes, et que nous devons aller chercher dans le cadre d’une politique de l’aller vers. Dès le mois de janvier, nous expérimenterons, dans dix territoires pilotes, des « territoires 100 % accès aux droits », selon une appellation plus positive que « territoires zéro non‑recours ». La question est de savoir comme faire confiance aux acteurs des territoires pour aller chercher ceux qui passent sous les radars et n’ont pas accès aux droits auxquels ils sont éligibles.

J’émets un avis défavorable à cet amendement, qui sera bientôt satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements IIAS19 de M. Elie Califer, IIAS105 de Mme Marie Pochon et IIAS41 de M. Elie Califer (discussion commune).

M. Elie Califer (SOC). Dans la crise que nous connaissons, certains sont exclus de l’égalité des chances figurant dans l’intitulé de la mission budgétaire que nous examinons. L’amendement II‑AS19 vise à créer un soutien financier mensuel pour les achats alimentaires à destination des ménages en situation de précarité. Je n’ai pas besoin de rappeler l’évolution récente des prix des aliments de base. Il s’agit de doter chaque bénéficiaire des minima sociaux d’un montant mensuel de 50 euros pour s’alimenter correctement, dans le cadre d’une démarche de prévention pour une bonne santé.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement II‑AS105 vise à inscrire dans le PLF 2023 une ligne de crédit pour le chèque alimentaire, en vue de le pérenniser. Procéder par décret risque de créer une incertitude. Dès lors que 32 % des Français n’ont pas les moyens de s’acheter quotidiennement des fruits et légumes, qu’un Français sur cinq saute certains repas pour des raisons financières, et que cette proportion monte à 34 % parmi les moins de 35 ans, il est essentiel d’inscrire cette mesure dans la durée.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne résiste pas à l’envie de participer à ce débat un peu lunaire. Nous débattons d’amendements dont nous savons pertinemment qu’ils ne seront pas débattus dans l’hémicycle. J’aurais préféré une discussion plus approfondie avec les membres du Gouvernement, d’autant que, hormis M. Combe, nous ne les avons pas encore auditionnés.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous les auditionnerons. Je m’y engage.

M. Jérôme Guedj (SOC). En attendant, posons les jalons des sujets qui nous intéressent.

La création de chèques alimentaires a été proposée à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat. L’amendement II‑AS41 prévoit une allocation financière, dont le coût est évalué à 400 000 euros pour deux cents familles, soit un total de 8 millions d’euros, intégrant les frais d’animation, de suivi et d’évaluation. Cette aide s’inscrit dans les dynamiques des plans alimentaires territoriaux. Nous proposons de mener cette expérimentation dans une vingtaine de territoires.

Mme la rapporteure. Tout en souscrivant aux objectifs visés par les amendements, j’émets un avis défavorable.

Le Gouvernement travaille sur le chèque alimentaire. De nombreux points techniques doivent faire l’objet d’une vigilance particulière, pour s’assurer que le dispositif bénéficie en priorité aux produits agricoles locaux et durables. Ce travail est mené en concertation avec le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Sans attendre de parvenir à une solution, le Gouvernement a adopté des mesures de soutien au pouvoir d’achat, notamment une aide exceptionnelle de solidarité, versée le 15 septembre dernier aux bénéficiaires de minima sociaux et des APL ainsi qu’aux étudiants boursiers, sous la forme d’une prime de 100 euros, augmentée de 50 euros par enfant à charge.

Par ailleurs, la revalorisation anticipée des prestations sociales de 4 %, applicable depuis le 1er juillet 2022, ainsi que le bouclier tarifaire et l’encadrement des loyers, permettent de réduire la part des dépenses contraintes dans le budget des ménages les plus modestes.

S’agissant de l’aide alimentaire, le PLF 2023 prévoit une augmentation exceptionnelle de l’aide alimentaire grâce au doublement des crédits qui lui sont consacrés, en vue de la mise en place d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires. Ainsi, 60 millions d’euros supplémentaires seront alloués au renforcement de la qualité nutritionnelle de l’aide alimentaire, à l’émancipation et à l’autonomisation des bénéficiaires de l’aide alimentaire et à la poursuite d’une alimentation plus saine écologiquement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques IIAS20 de M. Elie Califer et IIAS107 de Mme Marie Pochon, amendements IIAS89 et IIAS90 de Mme Karen Erodi (discussion commune).

M. Elie Califer (SOC). Pour soulager les familles les plus touchées par l’inflation, nous proposons de créer un fonds de soutien aux initiatives de solidarité alimentaire territorialisée. Il s’agit de réduire les situations de précarité sous-jacente à l’insécurité alimentaire, sur le modèle du dispositif partenarial « Territoires à vivreS », pour assurer aux familles dignité et santé.

Mme Marie Pochon (Ecolo - NUPES). Mon amendement vise à créer un fonds de soutien aux initiatives de solidarité et de citoyenneté alimentaire territorialisée, pour rendre l’alimentation durable et de qualité accessible et dépourvue de stigmatisation, en assurant aux personnes les moyens de rester actrices de leur alimentation.

L’inflation de cette année aggrave une situation déjà préoccupante. Selon les données publiées par l’Insee en août 2022, l’augmentation des prix alimentaires est de 7,9 % sur un an. La hausse est plus forte, de 8 % à 10 %, s’agissant des fruits frais et des produits d’origine animale que sont le lait, le fromage et les œufs. Les effets sur la santé d’un manque d’accès à une alimentation en quantité ou en qualité suffisante sont bien connus. Pour les ménages en situation de précarité, c’est la double peine.

Comme le démontre une étude récente de l’Insee, la décision de recourir à l’aide alimentaire est souvent difficile : 64 % des personnes interrogées déclarent en ressentir de la honte. L’enjeu est de rendre l’aide alimentaire plus acceptable socialement et de modifier nos modalités de réaction. Le fonds proposé vise à soutenir des dynamiques multi-partenariales.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). De 8 à 10 millions : c’est le nombre de nos concitoyens ayant eu recours à l’aide alimentaire en 2021. 11 % à 12 % : c’est la part des ménages en situation de précarité alimentaire. 7,9 % : c’est l’augmentation moyenne du prix des produits alimentaires sur un an.

La situation est alarmante. C’est une triste réalité : les Français ont faim. Le système d’aide alimentaire classique est d’un grand secours, mais n’est qu’une béquille trop courte. Fondé sur l’écoulement des invendus de l’agro-industrie et de la grande distribution, il n’est pas durable et ne permet pas un accès digne à l’alimentation. L’évaluation de la loi « Garot » a démontré que les denrées distribuées sont de mauvaise qualité et leur diversité bien trop faible, ce qui ne permet pas de satisfaire les besoins nutritionnels des bénéficiaires.

Une solution existe. Expérimentée dans la métropole de Montpellier depuis mai 2021, elle repose sur des caisses alimentaires communes. Nous proposons de l’expérimenter dans dix territoires, dont deux d’outre-mer. Il s’agit de créer dix comités citoyens de l’alimentation, chargés de définir une liste des lieux de distribution conventionnés, en portant une attention particulière au monde agricole et paysan ainsi qu’aux enjeux de durabilité et de santé, en vue de l’ouverture, dans chaque territoire, d’une caisse qui distribuera pendant un an 100 euros par mois à cinq cents participants pour y faire des achats alimentaires.

Participation des personnes en situation de précarité alimentaire, donc disparition de tout sentiment de culpabilité ou de honte ; montée en compétences et en connaissances sur les questions agricoles, paysannes et sanitaires ; soutien aux acteurs locaux : il y a fort à parier que cette expérimentation nous amènera à réévaluer notre politique de lutte contre la précarité alimentaire.

Mme la rapporteure. Nous partageons complètement ces constats, comme l’a rappelé M. Combe. Je suggère le retrait des amendements et émets à défaut un avis défavorable.

Ceux qui visent à la création d’un fonds de soutien aux initiatives de solidarité alimentaire territorialisée sont satisfaits. Le PLF 2023 inclut un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, doté de 60 millions d’euros, soit trois fois plus que ce que prévoient les amendements.

S’agissant de l’expérimentation de caisses alimentaires communes menée à Montpellier, elle est intéressante et le Gouvernement la suit. Nous l’évaluerons pour déterminer si elle mérite d’être poursuivie et élargie.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements IIAS8 de Mme Isabelle Santiago et IIAS7 de M. Elie Califer (discussion commune).

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement II‑AS8 vise à doter dignement la politique de protection de l’enfance pour lui donner les moyens de ses ambitions, en doublant le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de l’action 19. Le projet de budget du Gouvernement les réduit de 23 %, soit une diminution de 75 millions d’euros, alors même que le reportage diffusé sur M6 cette semaine démontre que les moyens manquent, et que chacun peut constater que les besoins augmentent. Quant à l’accompagnement des jeunes majeurs, il est laissé à la discrétion de la volonté politique des départements. En 2021 et en 2022, les budgets ont quasiment stagné, n’augmentant que de 1,2 %. Sur le terrain, les acteurs, des familles d’accueil aux maisons d’enfants à caractère social, demandent des moyens immobiliers et surtout humains.

Deux chiffres issus du dernier rapport de l’Igas mettent en lumière la nécessité d’améliorer la politique de protection de l’enfance : un quart des personnes sans abri nées en France sont d’anciens enfants placés auprès de la protection de l’enfance ; 7 400 jeunes relevant de l’ASE sont hébergés à l’hôtel.

Nous avons la conviction que 250 millions d’euros de dépenses supplémentaires sont nécessaires pour financer, dans toutes ses dimensions, la protection des jeunes relevant de l’ASE : protection des mineurs non accompagnés ; fonctionnement du nouveau groupement d’intérêt public enfance en danger (GIPED) ; plan national de lutte contre les violences faites aux enfants et aux jeunes.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je défends l’amendement II‑AS7.

J’aimerais que Mme la rapporteure pour avis nous aide à décrypter la baisse de 23 %, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, des investissements dans le plan de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Même si ces crédits ne financent pas les dépenses de l’ASE, notamment leur volet immobilier, certaines structures relèvent de ce plan, mis en œuvre à l’échelon interministériel. En réduire les crédits tout en déplorant les difficultés de l’ASE, de la prévention auprès de la jeunesse et de la lutte contre la pauvreté en général, relève du paradoxe. Nous devons être rassurés sur ce point.

Mme la rapporteure. Les crédits consacrés à la protection de l’enfance ne diminuent pas. Le plan de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes comporte cinq axes : l’égalité des chances dès les premiers pas, la garantie des droits fondamentaux des enfants, la formation des jeunes, leur accompagnement vers l’emploi et l’accès aux droits. Ce plan touche à son terme. Il fera l’objet d’une évaluation et sera remplacé, en 2023, par une nouvelle stratégie, dépourvue des axes relatifs à l’emploi et à l’insertion professionnelle, qui relèveront de la mission Travail et emploi.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements IIAS9 de Mme Isabelle Santiago, IIAS78 de Mme Marianne Maximi, IIAS42 et IIAS43 de Mme Isabelle Santiago et IIAS91 de M. William Martinet (discussion commune).

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement II‑AS9 vise à doter la nation des moyens suffisants pour prendre en charge les psycho-traumatismes subis par les enfants victimes de violences sexuelles ou de violences intrafamiliales, grâce à la création d’un fonds spécifique de prise en charge des psycho-traumatisme causés aux enfants.

Chaque année en France, au moins 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. Face à ce phénomène qui brise des vies, la Ciivise a identifié quatre axes d’action : le repérage, le traitement judiciaire, la réparation par le soin et l’indemnisation, la prévention. Le fonds proposé par Mme Santiago pourrait financer des actions dans le cadre de ces quatre axes, notamment des premier et troisième, en organisant le repérage systématique des violences, en soutenant les professionnels de l’enfance, en dotant les services de police de moyens humains spécialisés dans la pédocriminalité et en garantissant des soins spécifiques pour les enfants victimes ainsi qu’un accompagnement psychiatrique à long terme.

Dans le projet de budget que nous examinons, nous ne voyons nulle ambition en matière d’amélioration de la prise en charge des enfants victimes de violences. Les chiffres sont pourtant alarmants. L’accès au service national téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) est saturé ; seuls quinze appels sur cent acceptés par le pré-accueil sont traités par un écoutant. En outre, certaines préconisations du rapport d’étape du plan de lutte contre les violences faites aux enfants et aux jeunes n’ont toujours pas été suivies d’effet. Je salue l’excellent travail de la Ciivise, qui met en avant et traite la parole des victimes.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). L’amendement II‑AS78 vise à augmenter les moyens dédiés à la protection de l’enfance.

Madame la rapporteure pour avis, vous dites que les moyens ne diminuent pas ; permettez-moi de vous parler des besoins qui augmentent et des moyens qui, souvent, ne suivent pas. Nous n’avons pas les moyens d’accueillir correctement les enfants victimes de violences. J’ai travaillé dans un centre enfance et famille, qui est une structure d’accueil d’urgence. Je peux témoigner que nous n’avons pas les moyens d’accueillir les enfants correctement. Il est urgent d’augmenter les budgets alloués à la protection de l’enfance.

Dans de nombreux départements, certaines décisions de placement prononcées par les magistrats ne sont pas exécutées, ce qui est particulièrement alarmant. Que des enfants soient laissés dans un environnement familial dangereux faute de place pour les accueillir est un scandale absolu. Dans le budget que nous examinons, je ne vois pas l’ébauche d’une solution. Il faut prendre ce problème au sérieux. Dans le Puy-de-Dôme, quatre-vingts placements sont en attente d’exécution, ce qui n’est jamais arrivé auparavant.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement II‑AS42 vise à organiser le repérage systématique, par des professionnels, des violences sexuelles auprès de tous les enfants. Le nombre de plaintes démontre que les violences faites aux enfants font l’objet d’une sous‑révélation massive. Il faut, de toute urgence, aller chercher ces enfants pour les mettre en sécurité, les protéger, leur prodiguer des soins spécialisés et leur éviter d’endurer des souffrances somatiques et psycho-traumatiques leur vie durant,

Une attitude volontariste de chaque adulte et de l’institution s’impose pour permettre un repérage systématique des violences. Face à la stratégie de l’agresseur, la société doit avoir une stratégie de protection. Tandis que ce dernier impose le silence à l’enfant et lui interdit de parler, chaque professionnel doit, à la place qu’il occupe dans la chaîne de la protection et sans confusion des rôles, permettre la révélation des violences et amorcer la mise en sécurité de l’enfant. Cette stratégie de protection ambitieuse suppose le renforcement des moyens humains dans tous les espaces de vie fréquentés par les enfants : médecins et infirmiers scolaires pour les entretiens de dépistage, assistants sociaux, éducateurs.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement II‑AS43 vise à dégager des moyens pour combler un manque en créant une cellule nationale de conseil et de soutien pour les professionnels destinataires de révélations de violences sexuelles de la part d’enfants. Si la mise en sécurité de l’enfant s’impose en urgence, les professionnels indiquent souvent qu’ils se sentent isolés et ne savent pas où trouver les conseils et les outils partagés, notamment s’ils sont confrontés à des situations d’inceste.

Il s’agit de compléter le SNATED par un dispositif permettant d’accompagner spécifiquement les professionnels, en sus des proches ou des enfants eux-mêmes. Il s’agit en somme de muscler le SNATED et de le faire savoir. Seuls 6 % des appels au SNATED émanent de professionnels.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). L’amendement II‑AS91 vise à créer une cellule de soutien à destination des professionnels accueillant la parole des enfants victimes de violences sexuelles. Cette mesure, préconisée par un récent rapport de la Ciivise, coûterait, d’après son président, le juge Edouard Durand, environ 1 million d’euros. Il est urgent et nécessaire de la prendre.

Les parcours de formation des travailleurs sociaux négligent l’écoute et l’accueil d’une parole sur les violences intra-familiales, notamment d’ordre sexuel, et notamment s’il s’agit d’inceste. En pratique, les professionnels sont très peu formés à écouter et à accompagner correctement les victimes. Les familles d’accueil, qui accompagnent les enfants pendant longtemps et sont en première ligne pour recueillir leur parole, ne le sont pas davantage. Il faut allouer à ces personnes, exposées à la violence que leur livrent les enfants, des outils et des moyens.

Mme la rapporteure. On ne peut que partager les objectifs louables visés par les amendements. Mme la secrétaire d’État en charge de l’enfance a longuement répondu aux questions qui lui ont été adressées.

La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance bénéficie d’une augmentation de crédits de 27 %, ce qui n’est pas rien. Le Gouvernement prévoit d’allouer 315 millions d’euros à la protection et à l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables dans le cadre du seul programme 304. Il faut y ajouter, s’agissant d’une politique transversale, les crédits alloués par les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale.

Dès le 1er janvier 2023, le GIPED, compétent en matière de protection de l’enfance, améliorera la coordination des services dédiés à la lutte contre les violences faites aux enfants. Il sera notamment chargé de la gestion du SNATED et de l’Observatoire national pour la protection de l’enfance. Cette évolution organisationnelle sera complétée par l’amélioration du maillage territorial des UAPED, qui sont des lieux uniques de prise en charge globale des enfants victimes par des professionnels, dans un lieu adapté et sécurisant, pour favoriser le recueil de leur parole et assurer leur protection judiciaire et médico-psychologique. 7,5 millions d’euros seront consacrés à la création de vingt-et-une unités, l’objectif étant d’en créer soixante‑trois d’ici 2025.

Le GIPED et les UAPED joueront un rôle clef dans le repérage des violences. Par ailleurs, 140 millions d’euros sont consacrés à la protection de l’enfance dans le cadre des contrats signés par le préfet, les ARS et les départements.

S’agissant du traitement judiciaire des violences commises dans le cadre familial, la Première ministre a confié à notre collègue Émilie Chandler et à la sénatrice Dominique Vérien une mission d’information dont les conclusions permettront d’alimenter la réflexion et d’améliorer les choses.

S’agissant de l’indispensable accompagnement des professionnels, il faut leur donner les informations utiles et pertinentes pour mettre l’enfant en sécurité le plus vite possible. Le 119 est ouvert non seulement aux victimes et à leurs proches, mais aussi à tout tiers témoin de violences. Des travaux sont en cours pour en améliorer l’organisation. Des efforts doivent être consentis pour mieux faire connaître ce numéro partout où des professionnels sont susceptibles de côtoyer des enfants. Ils seront réalisés dans le cadre du GIPED. Ajouter des structures à celles qui existent me semble moins pertinent que renforcer ces dernières.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Au cours de sa première réunion du mercredi 19 octobre 2022 ([84]), la commission poursuit l’examen des crédits de la mission et les amendements portant articles rattachés additionnels.

Mme Michèle Peyron, présidente. Chers collègues, à la suite de nos travaux d’hier, il reste à examiner les derniers amendements portant sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Article 27 et état B : Crédits du budget général (suite)

Amendements IIAS4 de Mme Isabelle Santiago et IIAS84 de Mme Marianne Maximi (discussion commune).

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement II‑AS4 vise à créer un fonds de mobilisation départementale pour les jeunes majeurs de la protection de l’enfance à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Isabelle Santiago a été vice‑présidente du département du Val‑de‑Marne en charge notamment des politiques de protection de l’enfance et, comme tous les acteurs que nous rencontrons quotidiennement sur le terrain, elle ne peut que faire le constat de l’échec de la politique publique de protection de l’enfance, en particulier pour ce qui est de l’insertion des jeunes majeurs.

Deux statistiques suffisent à illustrer ce constat commun : un quart des personnes sans-abri nées en France sont d’anciens enfants placés, cette proportion s’élevant à 40 % pour les jeunes de moins de 25 ans. C’est insupportable et c’est pour cela que nous devons aujourd’hui agir, les politiques de sortie de l’aide sociale à l’enfance (ASE) étant rudimentaires. À 18 ans, on peut être accompagné par l’ASE mais on peut passer de tout à rien : on peut parfois se retrouver exclu de son foyer du jour au lendemain, sans garantie d’avoir un toit sous lequel se loger. Il y a certes des progrès avec la loi « Taquet », mais ce n’est pas suffisant.

Comment une politique publique mobilisant 10 milliards d’euros peut‑elle se satisfaire d’un tel résultat, qui met à mal tout le travail, tout l’investissement, tout l’engagement des acteurs, des travailleurs sociaux au quotidien, et qui fait que les jeunes partent trop tôt et peuvent se trouver dans des situations d’extrême précarité ?

Le coût de cette vulnérabilité, c’est 700 millions d’euros, à comparer aux 10 milliards d’euros dépensés chaque année pour la protection de l’enfance en danger. Il faut donc investir cette somme représentant ce coût pour la société pour mieux insérer les jeunes sortant de la protection de l’enfance.

Cet amendement est important, il est fléché et financé, et il faut le répartir sur le territoire pour mieux avancer.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). Cet amendement d’appel va dans le même sens. Pour rejoindre ce que vient de dire mon collègue, aujourd’hui dans notre pays, quel enfant vivant avec ses parents peut, à 18 ans, partir de chez lui et se débrouiller tout seul ? C’est pourtant ce qu’on demande à des enfants placés à l’ASE. Or ce sont des enfants qui grandissent dans des conditions bien plus difficiles, sans figures d’attachement, et auxquels on dit, à 18 ans, que c’est fini et qu’ils doivent se débrouiller pour leurs études, pour se nourrir, pour se vêtir et pour se loger.

Le contrat jeune majeur n’est pas un petit plus mais un accompagnement indispensable pour ces jeunes qui ont besoin d’être accompagnés jusqu’à 21 ans – et 21 ans, même, cela pourrait se discuter, car nous savons qu’aujourd’hui dans notre société, l’autonomie et l’émancipation des jeunes se font souvent bien plus tard.

La question de la généralisation des contrats jeune majeur est un vieux débat qu’il faudrait trancher très rapidement. Mais je voulais aborder également une autre question par le biais de cet amendement, celle des moyens alloués ensuite aux accompagnants pour les contrats jeune majeur. Parfois, dans certains départements, des jeunes bénéficient de ces contrats mais les moyens disponibles pour les éducateurs ne sont absolument pas suffisants. Ce sont souvent ces jeunes qu’on retrouve en hôtel, seuls, avec très peu de visites et d’accompagnement. Il faut donc aussi revoir comment sont faits les contrats jeune majeur.

Pour faire le lien avec ce que j’ai proposé, lors de notre précédente réunion, sur la centralisation de la protection de l’enfance, 36 % des anciens de l’ASE bénéficient aujourd’hui d’un contrat jeune majeur mais avec d’énormes disparités entre départements, qui mènent des politiques tout à fait différentes en fonction de leur couleur politique, des budgets alloués et des choix qui sont opérés. Ce taux varie ainsi entre 20 % et 60 % d’un département à l’autre.

Les contrats jeune majeur sont donc un enjeu très important. Nos amendements visent à susciter ce débat et à proposer des solutions.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure pour avis. Je partage votre préoccupation : l’an dernier, la seconde partie de mon avis budgétaire était consacrée aux jeunes majeurs. On ne peut pas dire que rien n’a été fait. Durant le précédent quinquennat, nous avons fait le même constat que vous et nous ne pouvons donc rester insensibles à cette situation. Mais entre‑temps, la loi « Taquet » a rendu obligatoire de proposer soit un contrat jeune majeur, soit la garantie jeune, donc aujourd’hui le contrat d’engagement jeune.

Je comprends tout à fait qu’il faut sécuriser les parcours, mais l’enjeu est qu’à un moment donné, les acteurs doivent se parler. L’an dernier, par exemple, j’ai auditionné des structures et des départements dans lesquels les travailleurs sociaux n’avaient même pas connaissance de ce que faisaient les missions locales. Chacun accomplit sa mission sans nécessairement connaître ce qui se fait ailleurs. L’enjeu de France Travail, dès 2023, est de mettre tous les acteurs autour de la table et de leur faire confiance, afin de faire en sorte que plus un seul jeune ne reste sans solution, avec l’attribution d’un référent unique et la sécurisation du parcours jusqu’à l’insertion professionnelle et sociale.

Avis défavorable, par conséquent, même si je vous rejoins sur les constats et sur la nécessité d’accélérer le mouvement. On sait que les départements ne font pas les mêmes choix politiques et ne prennent donc pas toujours les bonnes décisions : il va falloir homogénéiser afin que les jeunes ne se retrouvent plus jamais à la rue.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). Pour ce qui des départements, un des amendements suivants propose une solution qui figurait dans notre programme.

Sur la question du maillage, je suis gênée quand la responsabilité est renvoyée aux acteurs de terrain, notamment aux travailleurs sociaux et aux éducateurs spécialisés, qui font avec les moyens qui sont les leurs. La responsabilité ne tient pas au manque de coordination entre les missions locales mais est bien plus profonde : il s’agit de la cohérence et de la sécurisation des parcours de ces jeunes ainsi que des moyens alloués.

Je veux bien des référents uniques, mais je pense que l’état actuel de la protection de l’enfance ne permettra pas de tels référents : on a un problème pour trouver des travailleurs sociaux formés et diplômés, les structures manquent aujourd’hui de professionnels pour accompagner ces jeunes et la situation risque donc de se dégrader davantage. Ce qu’on peut nous dire sur le papier n’est absolument pas applicable face au manque de moyens dont nous souffrons depuis bien trop longtemps.

Mme la rapporteure. Jamais les missions locales n’ont disposé d’autant de moyens pour pouvoir accompagner les jeunes qui n’étaient pas repérés au titre de la garantie jeunes. Il va falloir aller chercher ces jeunes : certains sont connus au titre de l’ASE, d’autres sont déjà dans la nature soit parce qu’ils ont décroché du système scolaire, soit parce qu’ils n’ont pas de contrat jeune majeur et ne sont donc plus accompagnés. Les moyens sont donc renouvelés dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences pour les appels à projet en matière de repérage des invisibles. Il y a également des moyens pour l’accompagnement : si les travailleurs n’ont pas forcément les moyens pour continuer l’accompagnement, ils peuvent orienter vers les missions locales, qui n’ont jamais autant embauché, afin justement de pouvoir mieux accompagner les jeunes jusqu’à l’emploi durable.

M. Arthur Delaporte (SOC). J’entends ce que vous dites mais force est de constater que même s’il faut saluer le travail remarquable des missions locales, qui regardent également avec beaucoup d’inquiétude le projet de France Travail, parce qu’elles craignent que tout ce travail soit parfois réduit ou inclus dans un tout qui ne serait pas forcément pertinent, il y a une réelle demande de moyens de la part des éducateurs spécialisés et des missions locales. Ce que nous vous demandons ici : il s’agit simplement d’investir mais vous considérez apparemment que les moyens actuels sont satisfaisants.

Mme la rapporteure. Étant vice‑présidente de l’Union nationale des missions locales, j’ai participé à leurs rencontres nationales jeudi et vendredi derniers à Tours. Je peux donc vous dire qu’il n’y a pas tant d’inquiétude que cela : au contraire, elles sont prêtes à aller chercher ceux qui ne pousseront pas la porte de la mission locale. Pôle emploi est également prescripteur du contrat d’engagement jeune. Nous essayons donc aujourd’hui de mettre les moyens afin qu’on puisse accompagner davantage de jeunes d’année en année.

Mme Claire Guichard (RE). Il y a le travail de la mission locale mais il y a également celui des collectivités ; il faut travailler dans la transversalité : les moyens et les synergies existent mais parfois, les acteurs ne se parlent pas. À Issy‑les‑Moulineaux, nous faisons des réunions et nous travaillons dans la transversalité. Ainsi, quand on commence à voir qu’un jeune exclu de l’école pour trois jours a un problème dans sa vie et que cela ne va pas s’arranger s’il n’est pas pris en main, il va à l’espace jeunes, suit ses cours avec des animateurs et, au lieu d’aller trois jours à l’école, bénéficie d’un suivi et est remis à l’école. Si le jeune n’est pas suivi, on va le perdre, mais tous les acteurs doivent s’y mettre en travaillant en partenariat : il y a l’argent, mais il y a aussi l’énergie. Beaucoup de choses sont faites pour la jeunesse mais il faut aussi malheureusement des politiques des villes et bien souvent, si elles ne font pas le travail, cela ne marche pas.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Quand vous dites qu’il faut que toutes les collectivités et tous les acteurs se mettent à travailler ensemble, je pense que c’est ce qui est fait aujourd’hui sur tout le territoire. En revanche, c’est l’argent qui manque, ce que je vois, par exemple, dans ma circonscription quand un enfant est déscolarisé ou exclu pendant trois jours – même si je ne comprends pas comment on peut exclure un enfant pendant trois jours et le laisser en marge alors qu’il devrait être à l’école plutôt qu’à l’extérieur, pour peu qu’il ait une place pour être scolarisé, ce qui est de moins en moins certain.

Je ne sais pas quelles personnes vous avez rencontrées et quelles missions locales vous avez vues, mais celles que j’ai rencontrées et vues sont opposées à ce projet car elles ne pourront pas y arriver en raison d’un manque de moyens humains et financiers. Soit on donne aux collectivités cette mission, et on leur donne alors l’argent qui va avec si l’on veut vraiment changer les choses, soit on va droit dans le mur.

Mme la rapporteure. J’ai donné un avis défavorable et je sais de quoi je parle.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IIAS83 de Mme Marianne Maximi.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). On se trompe de débat : les amendements que nous proposions étaient relatifs au contrat jeune majeur pour des jeunes confiés à l’ASE mais pas pour des jeunes exclus trois jours de leur établissement et qui auraient besoin d’un accompagnement éducatif. Nous parlons d’enfants qui ont besoin d’accompagnement non seulement au titre de l’insertion professionnelle mais aussi de la sécurité psychique et de beaucoup d’autres éléments pour se construire en tant que futurs adultes. Ramener cela à la mission locale est très réducteur des problématiques que traversent tous ces jeunes.

Notre amendement propose une solution qui nous semble être la meilleure, en particulier pour moi qui travaille pour l’ASE : recentraliser les services de l’ASE. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le fait que cette politique se fasse à l’échelon départemental dans notre pays constitue un vrai problème, ce qui se traduit par d’énormes différences entre les accompagnements dont peuvent bénéficier les enfants confiés à l’ASE, avec des différences d’application des décisions des magistrats, voire leur non‑application. Dans certains départements, le placement de centaines de jeunes normalement confiés à l’ASE n’est pas exécuté. Les politiques sont complètement différentes, par exemple en matière de propositions alternatives, de lieux de vie ou de nombre de familles d’accueil. Ces jeunes subissent les choix politiques différents, changeant tous les six ans : d’un département à l’autre, ils n’auront pas la même chance, le même parcours, la même sécurité, les mêmes figures d’attachement. C’est donc un véritable problème dans notre pays alors que si l’on considère simplement l’éducation nationale, on n’accepterait pas cela pour l’école.

Mme la rapporteure. C’est méconnaître l’action des missions locales depuis quarante ans : elles proposent aux jeunes un accompagnement global, non seulement en matière d’insertion professionnelle mais également pour réduire les freins à l’accès à la formation et à l’emploi en matière de santé, de logement, etc. Je vous rappelle que cela fait un moment que presque toutes les missions locales comprennent une équipe incluant de plus en plus des psychologues.

Votre amendement propose de créer un nouveau programme pour financer la recentralisation de l’ASE. Le rapport de nos collègues Perrine Goulet et Alain Ramadier que vous citez dressait en effet en 2019 le constat, partagé tout à l’heure, selon lequel la politique d’ASE était appliquée de façon très disparate selon les départements. Nos collègues proposaient notamment de faire évoluer la gouvernance de la protection de l’enfance, en réunissant l’ensemble des organismes impliqués dans une structure unique, afin d’assurer une application homogène de cette politique sur le territoire. C’est chose faite par la loi « Taquet » de 2022, qui acte la création d’un groupement d’intérêt public, France Enfance protégée – la secrétaire d’État en a parlé hier. Cette structure regroupera, entre autres, l’Agence française de l’adoption, le Conseil national de la protection de l’enfance, l’Observatoire national de la protection de l’enfance et le groupement d’intérêt public (GIP) pour l’enfance en danger. Le GIP France Enfance protégée sera opérationnel à compter du 1er janvier 2023. Cette nouvelle structure est un premier pas vers la mise en œuvre d’une politique de l’ASE plus juste sur l’ensemble du territoire.

Je crois toutefois que la question de la recentralisation de l’ASE ne peut être résolue par un simple amendement de crédits au projet loi de finances, mais suivons ce qui va être fait en 2023 avec la mutualisation de ces structures.

Avis défavorable.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Ce GIP va‑t‑il permettre de faire en sorte que l’investissement soit le même dans chaque département pour l’ASE ?

Mme la rapporteure. C’est le but.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Si c’est le but, c’est vraiment une bonne nouvelle car le rapport Ramadier-Goulet que vous citiez va tout à fait dans le sens d’une centralisation de l’ASE. En effet, d’un territoire à l’autre, le budget consacré à l’ASE peut varier du simple au triple. Tout cela se mêle avec les élections, qui font de l’ASE une variable pour des politiques très franchement à droite qui vont s’en servir en promettant de réduire les budgets : c’est souvent l’ASE qui morfle quand il y a des restrictions budgétaires. Le rapport donnait un autre exemple : si le prix moyen d’une journée en famille d’accueil est de 100 euros, il n’est que de 48 euros dans les Alpes‑Maritimes.

Il faut donc aller dans cette direction. Cela ne doit pas être uniquement fait par un amendement, mais c’est l’un des seuls leviers que nous avons. Si la loi « Taquet » a mis des choses en place, tant mieux, mais cette loi n’a pas totalement satisfait les associations, de telle sorte que j’ai un peu de mal à croire qu’elle règle tous les problèmes. Mais j’espère que ce que vous dites est vrai et qu’une vraie politique centralisée d’ASE va être mise en place, gérée par l’État presque de bout en bout afin de ne pas la laisser aux départements et de ne pas faire en sorte que selon le département où l’on vit, on ait plus de chances de s’en sortir.

Mme la rapporteure. La loi n’a que huit mois : le GIP sera mis en place en janvier prochain et nous évaluerons la réalité de son impact.

La secrétaire d’État a indiqué hier que la recentralisation prendrait trop de temps. Il vaut donc mieux recourir à des solutions à court terme, en l’occurrence la création de ce GIP.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens cet amendement, qui permet de poser la véritable problématique : la disparité entre les départements. Ce constat aurait pu également s’appliquer au précédent amendement, qui évoquait la sortie de l’ASE : le groupe Socialistes avait proposé que la loi « Taquet » contraigne le président du département à accompagner les jeunes mais vous l’avez refusé. Cela dépend donc toujours des départements, mais vous reconnaissez aujourd’hui la nécessité d’une harmonisation, a minima, voire d’une renationalisation, dans l’idéal, de la politique publique d’ASE.

M. JeanCarles Grelier (RE). Je voudrais attirer l’attention sur les risques qu’il y a à remettre en cause les lois de décentralisation. À vous entendre, le département serait coupable d’à peu près tout mais le département est une instance démocratique, issue de l’élection, ce que ne sera jamais un GIP, qui sera simplement une structure administrative, ne rendra de comptes à personne et ne sera contrôlée par personne alors que sur les départements, outre les contrôles de la chambre régionale des comptes, il y a le contrôle démocratique selon un calendrier régulier. Soyons donc extrêmement vigilants.

J’avoue en outre que cela m’amuse un peu d’entendre nos collègues socialistes, alors que les lois de décentralisation, je le rappelle, datent de 1982, avec Gaston Defferre et François Mitterrand. D’un département à l’autre, par exemple sur une délibération d’un conseil municipal, il arrive que l’autorité préfectorale ait une lecture pas exactement identique de la loi. Faut‑il pour autant supprimer le préfet et le contrôle de légalité ? Faut‑il tout recentraliser à l’échelon du ministère de l’intérieur ? Attention ! Au moment de la crise sanitaire, nous avons été très contents de trouver les régions, les départements, les intercommunalités et les communes : ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !

Mme Michèle Peyron, présidente. Je vous indique que nous devons avoir terminé nos travaux à 16 heures 30 pour enchaîner sur la mission suivante, car le ministre auditionné durant cette réunion devra partir à 18 heures 30. De belles et bonnes choses sont dites : tenons‑nous en là !

M. Didier Le Gac (RE). Je suis membre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui auditionnait à 13 heures 30 M. Sauvadet, président de l’Assemblée des départements de France : il demande plutôt davantage de décentralisation. Vous avez certes raison : il demande également des moyens.

Mais ce que vous dites de l’ASE vaut pour les autres politiques et c’est bien pour cela qu’il y a des expérimentations pour recentraliser le revenu de solidarité active (RSA). Et il en va de même pour le RSA : tous les allocataires ne bénéficient pas du même accompagnement. Et c’est également vrai pour les collèges : certains collégiens ont des ordinateurs gratuits, d’autres n’en ont pas, ou bien ont un meilleur accompagnement sportif et éducatif. C’est ce qu’on appelle la décentralisation. On peut tout recentraliser mais je ne suis pas sûr qu’en fin de compte on y gagnera.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IIAS87 de Mme Marianne Maximi

Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement IIAS88 de Mme Marianne Maximi.

Amendement IIAS80 de Mme Marianne Maximi.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Le Président de la République avait promis l’éradication du sans‑abrisme. Cette promesse n’a pas été tenue. Notre pays, sixième puissance mondiale sur le plan de la richesse, compte sur son sol 300 000 personnes sans domicile fixe. Ces dix dernières années, leur nombre a doublé. Cette situation n’est pas tolérable dans un pays riche comme le nôtre, où la fortune des cinq cents personnes les plus riches a dépassé 1 000 milliards d’euros cette année.

Notre plan zéro sans‑abri comporte plusieurs étapes. La première consistera à mettre tout le monde à l’abri afin de stopper urgemment la crise humanitaire de dizaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants vivant à la rue. La deuxième impliquera de mobiliser des logements pour les personnes sans domicile par tous les moyens possibles. Enfin, notre politique de long terme ira dans le sens d’une démarchandisation du logement afin de tarir la source du sans‑abrisme.

Mme la rapporteure. Votre amendement d’appel propose la création d’un programme spécifique pour éradiquer le sans‑abrisme. Je partage votre objectif et je pense qu’il est partagé par les membres de cette commission.

Sur la forme, toutefois, ce sujet relève plutôt du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires. Je vous propose donc de retirer l’amendement et de le redéposer en séance sur la bonne mission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IIAS5 de M. Elie Califer.

M. Elie Califer (SOC). Il s’agit ici de bien travailler avec l’État. Nous ne remettons pas en cause la décentralisation mais la responsabilité de l’État car cet amendement vise à ce que le montant moyen servi aux allocataires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) atteigne le seuil de pauvreté. En dépit des revalorisations récentes qui portent le montant maximal à 956 euros, le montant moyen demeure de 759 euros. L’AAH reste bien inférieure au seuil de pauvreté, qui est actuellement de 1 102 euros. Cela signifie donc qu’une grande majorité des allocataires vit en dessous du seuil de pauvreté, alors même que cette allocation est censée leur permettre de vivre dignement. Par cet amendement, nous souhaitons revaloriser l’AAH à 1 060 euros, c’est‑à‑dire à hauteur du seuil de pauvreté. Ce souhait est également formulé par les associations traitant du handicap. Nous demandons bien sûr aussi qu’il soit tenu compte du contexte inflationniste, et nous savons que l’inflation va durer. Soyons donc aux côtés des personnes en situation de handicap pour marquer notre solidarité nationale.

Mme la rapporteure. Vous indiquez que selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le montant moyen servi aux allocataires de l’AAH atteint 759 euros. Or, vous omettez de dire que l’AAH est une prestation différentielle, c’est‑à‑dire que son montant est calculé pour que vos ressources totales permettent d’atteindre un seuil minimal de ressources, fixé à 956 euros par mois depuis le 1er juillet 2022 grâce à la revalorisation des minima sociaux. Votre proposition d’augmenter le montant de l’AAH de 38 % repose donc sur un calcul erroné.

Nous avons déjà fait beaucoup pour les bénéficiaires de l’AAH. Je vous rappelle que son montant est passé de 810,89 euros en 2017, à 956,65 euros par mois au 1er juillet 2022. C’est une augmentation de près de 150 euros par mois. En outre, la déconjugalisation de l’AAH, qui entrera en vigueur dans le courant de l’année prochaine, entraînera des gains moyens de 300 euros par mois pour près de 160 000 allocataires. Entre 2017 et 2023, l’enveloppe dédiée à l’AAH progresse donc de 38 %, pour un total de 3,5 milliards d’euros supplémentaires par an pour les personnes en situation de handicap, ce qui représente une évolution inédite par son ampleur.

Je partage votre objectif de lutter pour l’amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap. C’est la raison pour laquelle des crédits sont prévus pour accompagner l’emploi de ces personnes, dans les établissements et services d’aide par le travail, via le financement de l’aide au poste, mais également en milieu ordinaire, via l’emploi accompagné, dont les crédits mobilisés en urgence en 2022 seront bien pérennisés.

Avis défavorable.

M. Elie Califer (SOC). J’ai bien indiqué qu’il y avait un montant maximal de 956 euros. Il n’empêche, madame la rapporteure, que nous sommes bien en deçà du seuil de pauvreté. Et si nous parlons de seuil de pauvreté, notre mission, ici et maintenant, est de venir bien accompagner les personnes et à chercher à les faire sortir du seuil de pauvreté, surtout lorsqu’elles sont atteintes par un handicap. Une société comme la nôtre n’a pas à maintenir ces personnes en deçà du seuil de pauvreté. Je ne nie pas ce qui peut être fait et le bénéfice que les derniers textes que nous avons votés cet été apporterait dans le champ du handicap mais il n’en reste pas moins que nous sommes maintenant en dessous du seuil de pauvreté. Nous demandons donc qu’il y ait une augmentation.

Mme la rapporteure. On oublie toujours la prestation de compensation du handicap, mentionnée hier par la ministre déléguée. Il faut continuer à améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap, en particulier leur autonomie, l’accès à l’école, à la formation, à l’emploi et au logement. Je pense que nous sommes tous mobilisés sur ce sujet.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je vous remercie de me rappeler la réponse de la ministre qui m’a été faite hier, mais en fait, cette réponse m’a choquée. Je trouve assez choquant de dire que l’AAH ouvre d’autres droits qui permettent d’arriver au niveau du seuil de pauvreté. Il y a un aspect de dépendance extrême. C’est ce que j’ai entendu dans les propos de la ministre hier et je vous dis très calmement que cela m’a choqué, car on parle d’autonomie et de situations de dépendance très difficiles à vivre.

M. Elie Califer (SOC). J’ai un fils handicapé, donc je connais ce dont il s’agit. Toutes les personnes souffrant de handicap ne sont pas en capacité d’être dans des centres ou dans des emplois. Il faut tenir compte de cela. Nous sommes sur des moyennes et assez souvent, nous ne sommes pas sur l’individu, sur la personne. Avec les moyennes, on s’en sort toujours, mais les moyennes n’effacent pas la douleur et les difficultés. Il faut voir comment on peut faire en sorte qu’il n’y ait quand même pas cette file active de personnes souffrant de handicap et se trouvant en difficulté sociale.

Mme la rapporteure. Nous en sommes conscients : nous ne mettrons pas toutes les personnes en situation de handicap au travail, comme nous ne mettrons pas tous les enfants en situation de handicap à l’école ordinaire. Les chantiers sont ouverts mais nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin. La Conférence nationale du handicap (CNH) se réunira en 2023 ; il y aura des concertations avec les associations représentant les personnes en situation de handicap mais aussi avec les personnes en situation de handicap elles‑mêmes. Je pense donc qu’on aura à traiter de ces sujets, y compris au Parlement, et qu’on essayera d’avancer ensemble pour améliorer la vie des personnes en situation de handicap.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IIAS68 de M. JeanHugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Les départements d’outre‑mer connaissent un vieillissement accéléré de leur population et la perte d’autonomie précoce touche davantage de personnes chez nous en raison d’un état de santé moins favorable et sous l’effet d’un vieillissement plus marqué. Ils sont touchés par la perte d’autonomie plus tôt qu’en métropole. En 2050, selon une analyse de l’Institut national de la statistique et des études économiques de La Réunion, 289 000 Réunionnais seront âgés de 60 ans et plus, soit un quart de la population réunionnaise. Le nombre des plus de 75 ans serait multiplié par quatre.

À La Réunion comme dans l’ensemble des outre‑mer, les personnes âgées vivent le plus souvent à domicile. En effet, la prise en charge en institution est très difficile : d’une part, les capacités d’accueil y sont plus réduites ; d’autre part, le coût du placement est un frein dans un territoire où la pauvreté est trois fois plus fréquente que dans l’Hexagone. Aussi, beaucoup de personnes âgées souhaitent vieillir à domicile, dans ce cadre de vie où elles se sentent en sécurité et se font aider dans les tâches quotidiennes par une proche ou un membre de la famille. De ce fait, certains de ces proches aidants quittent leurs emplois.

C’est pourquoi nous demandons par cet amendement une revalorisation de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA).

Mme la rapporteure. Votre amendement vise à augmenter l’AJPA. Je comprends votre objectif. Néanmoins, l’AJPA étant financée par la branche autonomie de la sécurité sociale, ce financement ne trouve pas sa place en loi de finances mais en loi de financement de la sécurité sociale.

Avis défavorable, par conséquent, sur la forme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IIAS82 de Mme Marianne Maximi.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour la même raison que l’amendement précédent : le sujet relève de la loi de financement de la sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IIAS85 de Mme Marianne Maximi.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Cet amendement d’appel vise à permettre l’embauche d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) au niveau du Smic. Hier, Mme Darrieussecq nous expliquait que beaucoup avait été fait sur les AESH et qu’il y avait des recrutements. En réalité, il n’y aura pas de recrutements tant qu’ils ne seront pas au Smic mensuel. On me dira que leur temps de travail n’est que de vingt‑quatre heures parce que c’est pour correspondre aux temps de cours, mais il faut compter en fait tout le temps de préparation et le temps d’autoformation : si l’on comptait déjà cela, leur temps de travail et leur salaire augmenteraient de 30 %. On ne recrutera personne aujourd’hui avec des salaires moyens de 780 ou 800 euros. Il ne sert à rien d’ouvrir des postes d’AESH si on ne les paye pas dignement.

Je vous invite à rechercher « AESH privé » sur les groupes Facebook : vous allez voir le nombre conséquent d’AESH qui cherchent à se faire embaucher en libéral par des parents simplement pour percevoir le Smic mensuel. Elles le font parfois comme elles peuvent, simplement pour avoir 1 200 euros plutôt que 800 euros. À mon sens, on ne traitera pas la question du handicap à l’école correctement si l’on ne paye pas dignement les aidants et les personnes qui s’occupent de ces enfants.

Mme la rapporteure. Nous aurons le débat sur le statut d’AESH, soit autour de la polyactivité, soit avec d’autres propositions : la CNH va se réunir en 2023, et cela en sera l’occasion. Je n’ai pas envie d’entrer dans le débat aujourd’hui parce qu’en fait, le financement des AESH se fait dans le cadre de la mission Enseignement scolaire et non dans celui de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Je vous propose donc de retirer l’amendement et de le présenter à nouveau en séance. Le débat est intéressant, et nous l’avons eu déjà un peu hier ; il reviendra encore dans les prochaines semaines et les prochains mois mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). J’entends ce que vous dites, mais le problème est qu’à ce stade, nous ne savons pas si nous pourrons débattre des AESH dans l’hémicycle. Il est donc bon que nous évoquions ce sujet ici et maintenant, puisque nous ne savons pas à quelle sauce nous serons mangés demain.

L’année dernière, une proposition de loi de Mme Victory avait été examinée dans le cadre de la « niche » du groupe Socialistes. On a pu voir à cette occasion la mobilisation de l’ensemble des AESH, qui étaient sensibles au fait que le Parlement s’intéresse à leurs conditions de travail et à leur précarisation. Certes, des progrès sont en cours, mais nous demandons un contrat à durée indéterminée immédiat, et c’est ce que demandent aussi les AESH. Cela fait partie de ce vers quoi il faut tendre et il est important qu’on en parle. On ne peut pas dire que cela a sa place dans une autre mission budgétaire qui ne sera jamais examinée.

M. Paul Christophe (HOR). C’est un sujet qui a toute son importance, comme tous ceux que nous venons d’aborder. Mais nous sommes des législateurs et nous travaillons sur le budget : vous savez aussi bien que moi, cher collègue, que si cela relève de la mission Enseignement scolaire et non de celle que nous examinons aujourd’hui, cela ne veut pas dire pour autant que la proposition n’a pas de sens. Au contraire, je vous rejoins pleinement sur le fait que c’est bien dans ce sens qu’il faut aller. Je suis également d’accord avec la rapporteure sur les travaux qui vont être menés. Je suis heureux de voir que nous serons certainement unis pour travailler dans cette direction. Mais je dis simplement qu’en l’espèce, on ne situe pas dans la bonne imputation budgétaire et il ne faudrait donc pas nous faire dire qu’on repousse simplement pour repousser.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Nous sommes législateurs et nous devons donc opter pour les bonnes discussions budgétaires. Cela étant, nous prenons en compte l’état de fait qui est le nôtre aujourd’hui : si je proposais de redéposer l’amendement en séance, il y a 90 % de chances qu’avec l’article 49, alinéa 3, on n’en parle jamais. Je ne peux pas déposer cet amendement sur la mission Enseignement scolaire puisque c’est trop tard pour la commission. Je propose donc de le maintenir et je pense que si notre commission l’adopte, ce sera aussi un message au Gouvernement lorsque le sujet sera étudié.

Mme la rapporteure. Je regrette, cher collègue, mais nous n’en avons pas le droit : nous n’allons pas adopter un amendement qui ne relève pas de cette mission. Je ne peux rien pour vous, sinon vous conseiller de demander à vos collègues membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation d’ouvrir le débat.

Vous savez comme moi que la question sera abordée dans les prochains mois parce que c’est très important pour l’accompagnement de nos enfants en situation de handicap mais ce n’est pas aujourd’hui le sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendements IIAS3 de Mme Valérie Rabault et IIAS85 de Mme Marianne Maximi (discussion commune).

M. Arthur Delaporte (SOC). On pourrait appeler l’amendement II‑AS3 l’amendement espagnol, parce que l’Espagne l’a fait : allouer 1 milliard d’euros supplémentaires pour la lutte contre les violences faites aux femmes. Cet amendement reprend également l’une des grandes propositions du programme de la Nouvelle Union Populaire, écologique et sociale. Ce chiffre correspond aux besoins identifiés par de nombreuses organisations – Fondation des femmes, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes... – dans un rapport de 2018 en écho à ce symbole salué en Espagne, qui a véritablement été pionnière dans la lutte contre les violences conjugales, à la fois par les moyens consacrés à la prévention et à l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales ainsi qu’à la formation des policiers.

Ce milliard d’euros pourrait être utilisé pour mettre en place des plans d’éducation, d’hébergement et de formation, spécifiquement pour les budgets des parcours de sortie des femmes victimes de violences conjugales et pour le soutien aux associations qui œuvrent au quotidien pour les droits des femmes. Permettez‑moi ici de saluer notamment le Planning familial, ce qu’on n’a pas eu beaucoup l’occasion de faire : cette association qui œuvre pour les droits reproductifs a subi l’été dernier des attaques contre son action alors qu’elle est indispensable au quotidien pour accompagner les personnes dans leurs droits procréatifs.

Le Gouvernement s’est engagé à avoir une grande politique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est temps d’y mettre les moyens.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Par l’amendement II‑AS81, nous demandons qu’un effort réel d’investissement soit mis en œuvre pour lutter activement contre les violences faites envers les femmes. Nous exhortons le Gouvernement à agir pour les femmes. Nous demandons que des moyens humains et financiers soient débloqués en urgence pour lutter réellement contre les violences faites aux femmes qui sont systémiques et se retrouvent dans tous les milieux sociaux. Il est urgent de les combattre avec fermeté et de permettre aux victimes de faire valoir leurs droits dans les meilleures conditions. Nous demandons donc 1 milliard d’euros, qui sont nécessaires pour lutter efficacement contre ce fléau, à la fois en crédits de la mission Solidarité et dans les domaines de la justice et de la police.

Mme la rapporteure. Vos amendements souhaitent consacrer 1 milliard d’euros supplémentaires à la lutte contre les violences faites aux femmes. Je partage évidemment votre objectif mais je tiens à vous rappeler que la politique de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles est transversale à de nombreuses politiques publiques qui dépassent largement le champ de la mission Solidarité. Les ministères mobilisés sont non seulement les ministères chargés de l’égalité et des solidarités, mais également le ministère de l’intérieur, le ministère de la justice et les ministères chargés de l’hébergement, des transports et de la cohésion des territoires. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a entendu confier directement le pilotage de ces sujets à la Première ministre.

Depuis la publication en 2018 du rapport du Conseil économique, social et environnemental et des organisations de lutte contre les violences faites aux femmes, qui estimait à 1 milliard d’euros par an les besoins financiers nécessaires, les crédits alloués à cette priorité gouvernementale ont très fortement augmenté. À ce titre, sur l’ensemble du champ d’intervention des politiques liées à l’égalité entre les femmes et les hommes, les autorisations d’engagement augmentent de 1,3 milliard d’euros entre 2022 et 2023 et les crédits de paiement d’environ 1 milliard d’euros, pour atteindre respectivement 3,2 milliards d’euros et 2,4 milliards d’euros.

Cette augmentation concerne notamment l’évolution des crédits du ministère de l’intérieur et du ministère chargé de l’égalité. Ces moyens ambitieux permettront, entre autres, de poursuivre le financement des places d’hébergement pour les femmes victimes de violence, avec un objectif de 11 000 places d’ici fin 2023, la création de postes supplémentaires d’intervenants sociaux dans les services de police et de gendarmerie et l’amélioration de la structuration des lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation.

En outre, le « pack nouveau départ », reposant sur la mobilisation des aides sociales, l’accès à la formation, l’aide au retour à l’emploi, l’hébergement d’urgence et le soutien psychologique, traduit concrètement cette approche exhaustive de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Avis défavorable.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je crois qu’il ne s’agit pour personne de nier que des efforts considérables ont été faits durant le dernier mandat. Mais nous faisons aujourd’hui le constat qu’en termes de fléchage, ce sont 16 euros par an et par habitant en Espagne. En se fondant sur les mêmes critères et en ramenant à un montant investi par an et par habitant pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, la France se situe à un niveau quatre fois inférieur. Quand on constate que les moyens fonctionnent quelque part, cela ouvre pour nous une autoroute pour se dire qu’il faut investir de la même manière dans un ordre de grandeur rapporté à la population. Les moyens ont été mis, les mesures ont été prises, encore sous‑utilisées car il faut prendre en compte le temps de l’usage et de l’acculturation. Mais quand, à l’heure où je vous parle, on se situe à plus de cent féminicides par conjoint ou ex‑conjoint, on ne peut qu’entendre l’appel des associations à mettre plus de moyens car pour beaucoup de femmes aujourd’hui, c’est une question de vie ou de mort.

Mme Sébastien Delogu (LFI - NUPES). Dimanche, je suis revenu de la marche contre la vie chère et l’inaction climatique, j’ai pris le train et je suis arrivé à Marseille : il y avait le corps d’une femme complètement déchiqueté sur 120 mètres parce que son mari lui avait foncé dessus. J’entends que des investissements ont été faits et nous avons bien compris que le Gouvernement essaye d’avancer le plus possible dans l’investissement pour la lutte contre les violences faites aux femmes. Mais il faut vraiment que vous nous écoutiez sur notre amendement, qui apportera 1 milliard d’euros supplémentaires, ce qui n’est peut‑être pas assez. Il faut vraiment se pencher sur la question. J’ai eu à faire au cent troisième féminicide dans ce pays depuis le début de l’année : jusqu’à 3 heures du matin, je suis resté choqué, en train de regarder le corps de cette femme. Je vous prie de croire qu’il est vraiment très important de prendre au sérieux cette question.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le cas tragique évoqué par mon collègue, qui, je pense, nous émeut tous, nous rappelle la réalité des féminicides dans ce pays et la nécessité d’investir dans la formation des policiers et, surtout, dans la hausse des effectifs des brigades spécialisées consacrées au traitement des violences intrafamiliales et des violences conjugales.

Je vais citer un exemple de ce qui se passe dans mon département, avec la maison de confiance et de protection des familles qui a été mise en place par la gendarmerie du Calvados. C’est vraiment une belle expérience, qui permet d’assurer le traitement des plaintes et l’accompagnement des victimes mais elle se fait sur ressources propres et non dans le cadre d’un financement national uniforme sur l’ensemble du territoire. Cela se passe à la gendarmerie, parce qu’il y a plus de latitude dans l’utilisation des moyens mais il faudrait qu’il en soit de même dans les services de police et qu’on puisse avoir vraiment la capacité de disposer d’enquêteurs mobilisés, formés et recrutés pour traiter ces dossiers, parce qu’il y a des enjeux de prévention et également des enjeux d’élucidation.

Pour revenir sur la hausse des budgets qu’évoquait la rapporteure, il est vrai que les crédits, qui sont passés de 1 milliard d’euros en 2020 à 1,9 milliard d’euros en 2022, ont augmenté, mais il faut également reconnaître que cette hausse est essentiellement liée à l’abondement de deux programmes, le programme 110 Aide économique et financière au développement et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement. Nous demandons des moyens pour le traitement et l’accompagnement des victimes de violences conjugales et ce n’est pas là‑dessus que vous avez mis le milliard d’euros.

Mme la rapporteure. Nous sommes tous sensibles à ces cas de féminicides et à ce que cela engendre quelquefois aussi pour les enfants qui en souffrent et qui auront certainement des vies compliquées. Le Gouvernement en a conscience et y consacre des moyens. La ministre en charge de cette question n’était pas présente hier mais je pense que nous pourrons demander à la présidente de la commission de l’inviter pour une audition afin que nous puissions avoir un échange sur ce qui va se faire dans ce domaine si important.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements IIAS2 de Mme Valérie Rabault et IIAS99 de Mme MarieCharlotte Garin (discussion commune).

M. Arthur Delaporte (SOC). Mme Rabault avait alerté sur la baisse des moyens du 3919, désormais heureusement sécurisés mais dont la pérennité était vraiment incertaine il y a un an. Cette plateforme d’écoute, d’information et d’orientation à destination des femmes victimes de violences et de leur entourage est essentielle. Des efforts importants ont été faits pour améliorer l’accueil téléphonique des personnes en situation de détresse et sur l’évolution de la plateforme vers le vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre.

Le problème est que tous les appels qui arrivent au 3919 ne sont pas traités. Il faut donc améliorer cette situation : comme on le voit bien dans le « bleu » budgétaire, le taux d’appels sans réponse a augmenté, puisque seulement 62 % des appels étaient traités ce qui veut dire que 40 % des appels n’ont pas de réponse. Malgré le taux ciblé à 85 % d’appels traités en 2022, l’objectif n’est plus aujourd’hui que de 75 %. On ne peut pas considérer qu’une révision à la baisse des objectifs de traitement soit satisfaisante et c’est pourquoi nous proposons cette augmentation du budget pour mieux aider la Fédération nationale Solidarité Femmes à recruter du personnel supplémentaire afin de traiter effectivement tous les appels.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je salue à nouveau ce qui a été fait en soutien au 3919, notamment ces deux dernières années. Mais nous nous interrogeons également sur la baisse annoncée des objectifs de qualité de service. On sait qu’une amélioration est prévue jusqu’en 2025 mais à un moment crucial, où l’on passe entre 2019 et 2021 de 97 000 à 150 000 appels au secours, on se dit qu’on a tout intérêt à renforcer ce service et à l’accompagner.

Je suis donc preneuse d’explications sur cette baisse des objectifs de qualité : même si l’on peut comprendre que comme il y a davantage d’appels, le nombre d’appels traités augmente mécaniquement, on ne peut pas transiger sur la qualité de ce service. Par ailleurs, je sais que la Fédération nationale Solidarité Femmes a annoncé qu’elle souhaitait embaucher davantage et revaloriser les salaires parce que ces postes doivent être extrêmement difficiles et que le rôle d’écoutante est très lourd à porter – il suffit de voir comment un témoignage en commission peut nous toucher. Enfin, j’ai déjà soulevé hier la question des territoires d’outre‑mer, puisqu’aujourd’hui, les écoutantes ne parlent pas les langues régionales. On a donc un angle mort qui va nécessiter plus de moyens.

Je rappelle le chiffre, car il est important : cent femmes tuées par conjoint ou ex‑conjoint depuis le début du quinquennat. Je suis ravie que la bataille de la gestion du service ait été gagnée en 2020 mais je pense qu’il faut l’accompagner : on a libéré l’écoute, cela va augmenter mécaniquement mais à terme, il faut investir au maximum sur le 3919, qui est un outil crucial pour accompagner la parole des femmes aujourd’hui.

Mme la rapporteure. Comme vous l’avez dit, des efforts ont été faits. Le 3919 a été déployé vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre et sept jours sur sept, avec une meilleure accessibilité aux femmes des territoires ultramarins et aux femmes en situation de handicap, même si nous avons tous entendu l’amélioration souhaitée quant au problème de la langue – le ministre a certainement entendu hier cette préoccupation.

La Fédération nationale Solidarité Femmes gère cette plateforme. L’objectif d’appels traités a été rectifié à 75 % au regard de la réalité car l’extension des horaires a conduit, comme vous l’avez dit, à une augmentation des appels. Cela dit, d’autres moyens sont mis en œuvre : la montée en charge des signalements SMS à la police et à la gendarmerie via le 114, la plateforme en ligne « Arrêtons les violences » et la mise en place de lieux refuges près des centres commerciaux et les pharmacies. Nous allons suivre ces dispositifs avant de pouvoir faire évoluer les choses, y compris en termes de moyens.

Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement IIAS2.

En conséquence, l’amendement IIAS99 tombe.

Amendement IIAS27 de Mme MarieNoëlle Battistel.

M. Elie Califer (SOC). Il s’agit de rétablir les crédits supprimés en soutien à l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2023. L’action 23 Soutien du programme à l’égalité entre les femmes et les hommes est essentielle en ce qu’elle est destinée à soutenir le développement des initiatives d’information et de sensibilisation portées par l’État ou les associations partenaires sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Il n’est pas acceptable que son budget baisse en 2023. C’est la raison pour laquelle par cet amendement, nous proposons de rétablir ces crédits qui sont bien nécessaires car c’est une cause que nous défendons tous tout au long de l’année.

Mme la rapporteure. Votre amendement vise à rétablir les crédits de l’action 23 du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes. Je tiens à vous rassurer : le projet de loi de finances pour 2023 ne prévoit aucune baisse de crédits en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, bien au contraire. La diminution de 25 000 euros de l’action 23 à laquelle vous faites référence correspond à une mesure de périmètre. Alors que le financement du fonctionnement courant des directions régionales aux droits des femmes et à l’égalité des départements et territoires d’outre‑mer était assuré via les crédits de la mission Solidarité, ces crédits sont transférés cette année au programme Administration territoriale de l’État du ministère de l’intérieur, comme les autres services déconcentrés de l’État.

Il n’y a donc pas de baisse : c’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, ce sera un avis défavorable.

M. Elie Califer (SOC). Si nous pouvons vous faire confiance, nous retirons l’amendement.

Mme Michèle Peyron, présidente. Vous pouvez faire confiance à la rapporteure !

L’amendement est retiré.

Amendement IIAS70 de M. William Martinet.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). Ce sujet nous semble extrêmement important. Par cet amendement d’appel, nous proposons une nouvelle fois d’élargir le bénéfice du Ségur social à tous les personnels des établissements de la filière socio‑éducative. Je vais prendre un exemple qui me semble tout à fait symbolique et symptomatique de la politique qui a été menée jusqu’à maintenant sur le Ségur : les opérateurs du 115, qui ne sont pas bénéficiaires de ce Ségur du social et qui ne sont pas considérés comme des travailleurs sociaux mais comme des personnels administratifs. Ces opérateurs sont les personnes qui écoutent, orientent et accompagnent par téléphone les personnes qui n’ont pas d’hébergement pour la nuit ; ils ont donc un rôle très important de travailleur social.

Dans les structures, il y a énormément d’exemples d’inégalités quant à celles et ceux qui peuvent bénéficier du Ségur et donc d’une petite augmentation de salaire tout à fait nécessaire dans la période actuelle. Par conséquent, avec cet amendement d’appel, nous comptons sur vous pour avancer sur cette question, notamment sur cet exemple du 115, qui est vraiment incroyable en termes d’exclusion. Vous dites « oubli » mais nous disons « exclusion ».

Mme la rapporteure. Vos amendements proposent d’étendre les revalorisations salariales du Ségur aux professionnels techniques et administratifs des établissements de la filière socio‑éducative. Nous en avons parlé quand vous avez posé hier la question au ministre.

L’attractivité des métiers du secteur sanitaire, social et médico‑social est au premier rang de la feuille de route du Gouvernement, qui entend agir sur l’ensemble des leviers d’attractivité, non seulement la rémunération, mais également l’accès à la formation continue et l’amélioration des conditions de travail. Aussi, les mesures du Ségur, outre la revalorisation salariale de 183 euros par mois, ont représenté une dépense de 12 milliards d’euros en 2022. Je vous rappelle que ces mesures ont fait l’objet de travaux préparatoires qui ont largement associé l’Association des départements de France, les partenaires sociaux et les associations.

Le Gouvernement entend mener une action en profondeur pour garantir l’égalité de traitement de tous les professionnels du secteur et améliorer son attractivité. Aussi, la revalorisation du point d’indice de la fonction publique constitue une première réponse pour garantir le maintien du pouvoir d’achat de ces personnes. Le Gouvernement souhaite également que les partenaires sociaux puissent négocier un nouveau cadre conventionnel dans la branche du secteur sanitaire et social avec l’objectif de parvenir à une nouvelle convention collective unique. Pour soutenir ce projet, une enveloppe de 500 millions d’euros a été annoncée pour moderniser ce cadre conventionnel. Ce travail mené avec les partenaires sociaux permettra de résoudre les difficultés qui freinent l’engagement de l’ensemble des professionnels dans ce secteur.

Avis défavorable, mais je pense que le ministre a bien entendu votre interpellation et la nôtre.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je pense que vous ne mesurez pas le niveau d’injustice que ressentent les professionnels du médico‑social. Ce qui est très curieux dans votre réponse, c’est que vous annoncez de belles choses qui ne se traduisent absolument pas chez les professionnels. Et il y a aujourd’hui un sentiment d’inégalité profonde. La chose serait pourtant simple : il n’est pas compliqué d’adopter cet amendement et il permettrait de régler un problème d’injustice très profonde dans ce secteur. Mais je pense que vous ne mesurez pas le niveau de contestation qu’il peut y avoir dans ces métiers. Je le regrette vraiment.

Mme Justine Gruet (LR). Nous rencontrons régulièrement dans nos permanences ces oubliés du Ségur. Je crois que c’est avant tout un manque de considération de la place forte qui est la leur au sein de nos établissements médico‑sociaux. S’ils ne sont pas forcément en lien avec les usagers, ils ont un rôle majeur. Les décisions qui ont été prises m’inquiètent un peu car elles ne vont pas dans le sens d’une négociation sur cette question. La revalorisation bénéficie à tous les salariés : on gardera toujours ce décalage avec ceux qui ont bénéficié de la prime.

Mme la rapporteure. Des négociations vont être menées. Dans ce cadre, comme le ministre l’a dit hier, la porte n’est pas fermée : il renvoie aux négociations avec les partenaires sociaux sur la convention collective unique. Il faudra peut‑être accompagner différemment ceux qui ne seront pas inclus dans cette convention collective.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). Nous ne parlons pas de la même chose : nous parlons du Ségur social ; les revalorisations et discussions, c’est autre chose. Elles sont évidemment nécessaires et indispensables, malgré le chantage consistant à faire disparaître les conventions collectives dans une convention unique va susciter une résistance dans nos métiers. Le Ségur se situe à côté : vous avez exclu une partie des travailleuses et travailleurs sociaux de ce pays. Comment définir des travailleurs qui sont au contact du public dans une institution ? C’est méconnaître ce qu’est le travail dans ces institutions. Tout le monde est au contact du public : dans une maison d’enfants à caractère social, un jardinier a un rôle très important auprès des enfants, comme une secrétaire et un cuisinier. Ils ont été en première ligne pendant la crise du covid ; pourtant, on a choisi des métiers qui ont le droit d’avoir le Ségur et d’autres qui n’ont pas le droit.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, modifiés.

Après l’article 46

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement IIAS69 de Mme Karen Erodi.

Amendement IIAS53 de M. Laurent EsquenetGoxes.

M. Laurent EsquenetGoxes. Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement sur l’aide de l’État au financement des programmes de cantines à 1 euro. Lancée en 2019, cette politique contribue à réduire la pauvreté à la racine et permet de soutenir les politiques des collectivités en faveur d’une meilleure alimentation à l’école, essentielle à la réussite éducative. En mai 2021, 5 % des communes éligibles utilisaient l’aide et 40 % n’en avaient jamais entendu parler, comme je l’ai vu récemment dans ma circonscription très rurale. Depuis, l’État a augmenté sa participation à 3 euros et triplé le nombre de communes éligibles.

Un rapport sur ce sujet permettrait d’avoir des pistes pour que les collectivités puissent mieux mettre en œuvre le dispositif. C’est essentiel pour qu’elles puissent aider les familles qui le nécessitent.

Mme la rapporteure. Vous demandez un rapport au Gouvernement sur les cantines à 1 euro. Dans la mesure où votre amendement s’adresse plutôt au Gouvernement, je vous propose de retirer votre amendement afin de le redéposer en séance et d’interroger le ministre sur ce sujet.

Vous avez toutefois raison : il y a souvent une méconnaissance. Il va donc falloir qu’on arrive à trouver un moyen de faire connaître ce dispositif et il est aussi dans notre rôle, en tant que députés, d’aller voir les communes afin de vérifier si elles en ont bien connaissance et si elles sont en capacité de le mettre en œuvre.

L’amendement est retiré.

 

 


—  1  —

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

(par ordre chronologique)

 

            Cabinet du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées – M. Giuliano de Franchis, conseiller chargé des prestations de solidarité et de la solidarité à la source, Mme Charlotte Galland, conseillère chargée du budget et des comptes sociaux, et M. Guillaume Zucman, conseiller parlementaire

       Audition conjointe :

– Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)M. Fabrice Lenglart, directeur

– Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE) de l’Université de Grenoble – M. Antoine Rode, chargé de recherche

            Table ronde des associations :

– ATD Quart Monde *  Mme Marie-Aleth Grard, présidente

– Secours populaire français – M. Sébastien Thollot, secrétaire national en charge des solidarités en France et en Europe

– APF France Handicap * – Mme Carole Salères, conseillère nationale travail, emploi, formation et ressources

            Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. JeanBenoît Dujol, directeur général

            Cabinet du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertionMme Kathleen Agbo, conseillère chargée de l’accompagnement vers l’emploi, Mme Christelle Akkaoui, conseillère chargée du droit du travail, Mme Caroline Dekerle, conseillère chargée de l’insertion, et Mme Joséphine Fossaert, conseillère parlementaire

            Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) – M. Dominique Libault, président

 

 

            Audition conjointe :

– Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) – M. Nicolas Grivel, directeur général, et M. Damien RangerMartinez, directeur des relations avec le Parlement et les élus

– Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) – Mme Pascale Goeury-Dehodencq, directrice digitalisation-famille-relation de service, Mme Anne Souffez-Despré, responsable du département famille et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

            Mme Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, et M. Benoît Boussinesq, chargé de missions pour les affaires budgétaires

 

Par ailleurs, la rapporteure a reçu des contributions écrites du centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP), de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et du laboratoire d’innovation sociale Le Centsept.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Le montant de l’allocation aux adultes handicapés est passé de 810,89 euros par mois en 2017 à 956,65 euros par mois au 1er juillet 2022.

([2]) Christine Cloarec‑Le Nabour et Julien Damon, « La juste prestation : pour des prestations et un accompagnement ajusté », septembre 2018, p. 7.

([3]) Le directeur général de la cohésion sociale (DGCS) a la responsabilité des programmes 304, 157 et 137, tandis que la direction des finances des achats et des services (DFAS) du secrétariat général des ministères sociaux pilote le programme 124.

([4]) Cette revalorisation pour le montant de la prime d’activité à 586,23 euros et celui du RSA à 598,54 euros pour une personne seule.

([5]) Loi n° 2018938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([6]) La création du GIP FEP est prévue par l’article 36 de la loi n° 2022‑140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants et résulte du regroupement de l’Agence française de l’adoption (AFA), du groupement d’intérêt public pour l’enfance en danger (GIPED) composé du service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED) et de l’Observatoire national pour la protection de l’enfance (ONPE), du Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) et du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Ce regroupement prendra effet le 1er janvier 2023.

([7]) Article 133 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([8]) La cinquième conférence nationale du handicap s’est tenue le 11 février 2020. La loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit la tenue d’une conférence nationale du handicap tous les trois ans.

([9]) Dispositions prévues à l’article 136 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([10]) Cette allocation est versée aux personnes s’engageant dans le parcours de sortie de la prostitution et ne pouvant prétendre au bénéfice des minimas sociaux.

([11]) Conseil d’État, Les conditions de ressources dans les politiques sociales : plus de simplicité pour plus de cohérence, juillet 2021, p. 5.

([12]) Article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles.

([13]) Article L. 842‑3 du code de la sécurité sociale.

([14]) Décret n° 2018‑1197 du 21 décembre 2018 relatif à la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité.

([15]) Conseil d’État, op. cit., p. 5.

([16]) Article D. 823‑16 du code de la construction et de l’habitation.

([17]) Cour des comptes, rapport d’application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2022, p. 295.

([18]) Article R. 822‑4 du code de la construction et de l’habitation.

([19]) Article R. 821‑4 et R. 821‑4‑1 du code de la sécurité sociale.

([20]) Article D. 531‑4 du code de l’éducation pour la bourse nationale de collège et D. 531‑21 du même code pour la bourse nationale d’étude du second degré de lycée.

([21]) Article R. 262‑6 du code de l’action sociale et des familles. L’article R. 262‑11 du même code précise les prestations et indemnités exclues de la base ressources du RSA.

([22]) Article L. 842‑4 du code de la sécurité sociale.

([23]) Article R. 822‑3 du code de la construction et de l’habitation.

([24]) Articles R. 262‑7 du code de l’action sociale et des familles pour le RSA et R. 843‑1 du code de la sécurité sociale pour la prime d’activité.

([25]) Article R. 821‑4‑1 du code de la sécurité sociale.

([26]) Article R. 821‑4 du code de la sécurité sociale.

([27]) Articles R. 821‑4 et R. 821‑4‑1 précités.

([28]) Concertation sur le revenu universel d’activité, fiche « constats n° 1 » fournie aux participants de la concertation, p. 11.

([29]) Philippe Warin, Le nonrecours : définition et typologies, Observatoire des non‑recours aux droits et services, 2016, p. 4.

([30]) Voir notamment Gisèle Biémouret et Jean‑Louis Costes, rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de l’accès aux droits sociaux, 26 octobre 2016.

([31]) Philippe Warin, ibid. p. 4.

([32]) Wim Van Oorschot et Antoine Math, « La question du non‑recours aux prestations sociales », Revue des politiques sociales et familiales, n° 43, 1996, pp. 5‑17.

([33]) Cour des comptes, Les complémentaires santé : un système très protecteur mais peu efficient, communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, juin 2021, p. 12.

([34]) Nathalie Sarles et Sylvie Tolmont, rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de l’adaptation des politiques de lutte contre la pauvreté au contexte de la crise sanitaire, 17 février 2022, p. 54.

([35]) Drees, « Quantifier le non‑recours aux minima sociaux en Europe, Les dossiers de la DREES, n° 94, mars 2022.

([36]) Eurofound, « Access to social benefits : Reducing non‑take‑up », septembre 2015.

([37]) Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, « Le non‑recours aux droits dans le cadre de la protection sociale », avril 2022.

([38]) Cnaf, « étude qualitative sur le non‑recours à la prime d’activité : comprendre les situations de non‑recours grâce aux entrées et sorties de la prestation », Dossier d’étude, n° 213, 2020, p. 39.

([39]) Eurofound, op. cit.

([40]) Ben Baumberg et al., « Non-take-up of benefits at the start of the COVID-19 pandemic », avril 2021, p. 13.

([41]) Données recueillies dans les questionnaires budgétaires.

([42]) L’article L. 553‑1 du code de la sécurité sociale fixe les délais de prescription à deux ans ou cinq ans en cas de fraude ou de fausse déclaration.

([43]) Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2022, p. 302.

([44]) Données fournies par le directeur général de la cohésion sociale lors de son audition par la rapporteure.

([45]) Cour des comptes, op. cit., p. 302.

([46]) Audition de M. Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du revenu universel d’activité, commission des affaires sociales du Sénat, réunion du mercredi 5 janvier 2022.

([47]) Christine Cloarec‑Le Nabour et Julien Damon., op. cit., septembre 2018.

([48]) Drees, « Mesurer régulièrement le non‑recours au RSA et à la prime d’activité : méthodes et résultats », Les dossiers de la DREES, n° 92, février 2022.

([49]) Pauline Domingo et Muriel Pucci, Le nonrecours au RSA et ses motifs, comité national d’évaluation du RSA, décembre 2011.

([50]) Article 61 de la loi n° 2015‑994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([51]) Lucie Gonzalez et Élisabeth Nauze-Fichet, « Le non‑recours aux prestations sociales », Les dossiers de la DREES, n° 57, juin 2020, p. 17.

([52]) Rapport du comité national d’évaluation du RSA, décembre 2011, p. 48.

([53]) Drees, « Mesurer régulièrement le non‑recours au RSA et à la prime d’activité : méthodes et résultats », Les dossiers de la DREES, n° 92, février 2022, p. 3.

([54]) Proposition n° 2 du rapport de Christine Cloarec-Le Nabour et Julien Damon, « La juste prestation pour des prestations et un accompagnement ajusté », rapport au Premier ministre, septembre 2018.

([55]) Drees, « Mesurer régulièrement le non‑recours au RSA et à la prime d’activité : méthodes et résultats », Les dossiers de la DREES, n° 92, février 2022.

([56]) Ces projets d’expérimentations ont reçu un avis favorable du Conseil national de l’information statistique. Voir Conseil national de l’information statistique, commission « services publics et services aux publics », réunion du 30 septembre 2021, p. 5.

([57]) Annonces faites dans un entretien au Parisien le 1er septembre 2022.

([58]) Cette typologie est issue de l’audition de l’ODENORE. Elle se fonde sur des travaux menés en Belgique sur le sujet. Voir notamment Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion social de Belgique, Automatisation de droits qui relèvent de la compétence de l’État fédéral, mars 2013, p. 5.

([59]) Article 82 de la loi n° 202‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([60]) L’aide exceptionnelle de solidarité a été versée à partir du 15 septembre 2022 aux ménages modestes. Son montant est de 100 euros auxquels s’ajoutent 50 euros pour chaque enfant à charge. Les échanges de données entre organismes ont permis de s’assurer de l’absence de doublon dans le versement des aides.

([61]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, L’avenir du recouvrement social, juillet 2022.

([62]) Article 1er du décret n° 2019‑969 du 18 septembre 2019 relatif à des traitements de données à caractère personnel portant sur les ressources des assurés sociaux.

([63]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, L’avenir du recouvrement social, juillet 2022, p. 147.

([64]) IGAS-IGF, La modernisation de la délivrance des prestations sociales, juin 2017, proposition n° 16, p. 45.

([65]) Le déploiement de la DSN dans la fonction publique doit s’achever en 2023. Certains employeurs publics n’y ont donc pas encore recours.

([66]) Initialement basé sur les ressources de l’année N-2, le calcul des aides au logement est dorénavant fondé sur les ressources des mois M-13 à M-2, M étant le premier mois au titre duquel le droit à la prestation est ouvert ou son montant recalculé. La réforme de la contemporanéaisation des aides au logement vise à faciliter la délivrance de ces aides et à les rendre plus réactives aux évolutions contemporaines de revenus de leurs bénéficiaires.

([67]) Voir notamment Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2022, pp. 303‑315, et Conseil d’État, op. cit., p. 66.

([68]) Article R. 861-16 du code de la sécurité sociale.

([69]) Conseil d’État, op. cit. p. 79 et 80.

([70]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, L’avenir du recouvrement social, juillet 2022, p. 128.

([71]) Christine Cloarec‑Le Nabour et Julien Damon, op. cit. p. 37.

([72]) Article R. 822‑5 du code de la construction et de l’habitation.

([73]) À défaut, ce sont les ressources de l’année N-2 qui sont prises en compte.

([74]) Conseil d’État, 23 mai 2001, Lafitte.

([75]) Conseil d’État, 18 mai 2018, Département du Tarn.

([76]) Christine Cloarec‑Le Nabour et Julien Damon, op. cit., p. 4.

([77]) Il consiste en l’utilisation des algorithmes de lutte contre la fraude pour détecter les situations de non-recours et contacter les personnes afin qu’elles ouvrent leurs droits.

([78]) Drees, « Les rendez-vous des droits des Caf : quels effets sur le non‑recours ? », Les dossiers de la DREES, n° 47, janvier 2020.

([79]) Drees, Minima sociaux et prestations sociales – Ménages aux revenus modestes et redistribution, septembre 2022, p. 162.

([80]) Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, janvier 2022, p. 106.

([81]) Drees, ibid., p. 155.

([82]) Article R. 262‑65‑2 du code de l’action sociale et des familles.

([83])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12308344_634ec11dd5e0a.commission-des-affaires-sociales--plf-2023-seconde-partie--m-jean-christophe-combe-ministre-de-18-octobre-2022

([84]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12324136_634ff2fba23ed.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2023-seconde-partie--mission-so-19-octobre-2022