N° 374
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2022.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023,
TOME III
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
Par MM. Philippe FAIT et Christophe MARION,
Députés.
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 273, 292 (annexe n° 24).
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SOMMAIRE
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Pages
première partie – analyse des crÉdits
I. un budget de l’enseignement scolaire qui poursuit sa hausse
II. programme 140 : enseignement scolaire public du premier degrÉ
III. programme 141 : enseignement scolaire public du second degrÉ
IV. programme 230 : vie de l’ÉlÈve
V. Programme 139 : enseignement privÉ du premier et du second degrÉs
VI. Programme 214 : soutien de la politique de l’Éducation nationale
VII. programme 143 : enseignement technique agricole
A. Des avancées récentes permettant une entrée plus facile dans le métier
3. Une formation initiale ajustée au parcours du lauréat
1. Une multiplicité des parcours potentiels qui entraine une certaine complexité
2. Un démarrage poussif de l’alternance
3. Une charge de travail très importante en deuxième année de master
4. Un contenu de formation initiale en décalage avec les évolutions du métier ?
II. La formation continue a pris un nouvel élan qui reste à prolonger
A. Des mesures engagées depuis la fin des années 2010 récemment accentuées
1. Le schéma directeur de la formation continue
2. Le déploiement de formations spécifiques nationales
3. La diversification des modalités de formation
4. Le développement des écoles académiques de la formation continue
5. Des moyens importants, mais sous-consommés
B. Des ajustements à opérer pour mieux accompagner la carrière des enseignants
1. Une valorisation des formations à renforcer
2. Un véritable droit à la formation à instaurer
3. Une offre en décalage avec les besoins à affiner par la GRH de proximité
4. Un système complexe à rationaliser
5. Une formation à arrimer à la recherche et à développer aux niveaux individuels et collectifs
6. Une évaluation de l’efficacité des formations à améliorer
1. Réunion du jeudi 20 octobre 2022 à 9 heures 30
2. Réunion du jeudi 20 octobre à 14 heures 30
Liste des personnes entendues par les rapporteurs pour avis
— 1 —
Le budget de la mission Enseignement scolaire pour 2023, le premier budget de cette législature, témoigne de l’ambition forte du ministère de l’Éducation nationale : faire de l’école le lieu de l’instruction et de la réussite de tous les élèves.
Après deux années marquées par la crise sanitaire, la dernière rentrée scolaire a suscité, au cours de l’été qui l’a précédée, des inquiétudes renouvelées en raison du manque annoncé d’enseignants. Le constat peut cependant être dressé que la rentrée, de manière générale, s’est bien passée, et ce en grande partie grâce au travail remarquable des services académiques. Malgré le plus faible nombre de candidats aux concours d’enseignant, le taux d’encadrement des élèves reste élevé, et augmente même dans le premier degré pour cette rentrée scolaire, tandis que le pourcentage du personnel contractuel demeure très faible dans la très grande majorité des académies.
Il n’en demeure pas moins que le métier d’enseignant, dans le premier comme dans le second degré, connait une crise d’attractivité structurelle. Pour y faire face, le Gouvernement a annoncé des mesures inédites de revalorisations salariales, qui connaissent une traduction effective dans le projet de loi de finances pour 2023. Au-delà des seules rémunérations, qui ne pourraient suffire à résoudre à elles seules les difficultés rencontrées, le projet de budget avance également d’autres éléments de réponse, tels que, notamment, le développement des contrats de préprofessionnalisation, la hausse des crédits d’action sociale à destination des personnels ou encore l’initiative plus grande laissée aux équipes pédagogiques pour construire des projets, au travers du fonds d’innovation pédagogique.
Bien au-delà, il permet également de mettre en œuvre plusieurs priorités du Gouvernement, que les rapporteurs pour avis estiment essentielles : l’école inclusive, par le recrutement de personnels d’accompagnement et le développement d’unités localisées pour l’inclusion scolaire ; l’égalité des chances, par la poursuite du dédoublement des classes en éducation prioritaire ou la revalorisation des bourses ; l’acquisition des fondamentaux, en prolongeant l’amélioration du taux d’encadrement dans le premier degré et les plans mathématiques et français ; le bien-être des élèves, qui sont avant tout des enfants, comme en témoignent l’augmentation des crédits consacrés à la santé scolaire, le renforcement de la lutte contre le harcèlement scolaire ou le développement d’expérimentations liées à la pratique sportive.
En complément de leur analyse des crédits de la mission Enseignement scolaire, les rapporteurs pour avis ont souhaité approfondir un levier d’attractivité et de valorisation du métier d’enseignant trop souvent sous-estimé : celui de leur formation initiale et continue. En effet, si des réformes importantes ont été engagées ces dernières années, les auditions qu’ils ont menées ont fait apparaître un certain nombre de difficultés persistantes, qui rendent des évolutions nécessaires pour que la formation des enseignants atteigne de manière effective ses deux objectifs : permettre aux enseignants de s’adapter aux besoins de l’institution scolaire, mais également de s’épanouir professionnellement et personnellement.
Au terme de leur analyse, les rapporteurs pour avis émettent un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2023.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues.
première partie – analyse des crÉdits
I. un budget de l’enseignement scolaire qui poursuit sa hausse
Les lois de finances pour 2021 et 2022 avaient été marquées par des augmentations significatives des crédits de la mission Enseignement scolaire (+ 2,55 % en 2021 et + 2,26 % en 2022, en autorisations d’engagement).
Le PLF pour 2023 devrait poursuivre cette trajectoire. À périmètre très proche (les rares transferts de crédits n’ayant pas d’incidence autre qu’à la marge), les six programmes de cette mission connaîtraient ensemble une hausse de 6,06 % en autorisations d’engagement (AE) et de 5,82 % en crédits de paiement (CP). Les AE passeraient ainsi de 77,76 milliards d’euros à 82,47 milliards d’euros (contributions aux pensions de l’État incluses) et les CP de 77,79 milliards d’euros à 82,32 milliards d’euros (contributions aux pensions de l’État incluses).
Sur le seul périmètre couvert par le ministère de l’Éducation nationale (c’est-à-dire en dehors du programme 143, Enseignement technique agricole, qui relève du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire), les crédits consacrés à l’enseignement scolaire atteindraient 58,8 milliards d’euros hors contributions aux pensions de l’État et 80,88 milliards d’euros en incluant celles-ci.
À ces montants s’ajouteraient les crédits ouverts au titre de la mission Investir pour la France de 2030, parmi lesquels les 150 millions d’euros qui devraient être consacrés au fonds d’innovation pédagogique et permettre de financer des projets innovants, élaborés par les établissements scolaires eux-mêmes après concertation locale.
Les rapporteurs pour avis se réjouissent de cette augmentation particulièrement importante qui, si elle tient pour une partie à la prise en compte obligatoire de la hausse du point d’indice de la fonction publique, traduit également les priorités fortes du ministère : revaloriser la profession d’enseignant, garantir l’égalité des chances, rendre l’école encore plus inclusive, ou innover pour assurer la réussite de tous les élèves.
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS de la mission enseignement scolaire PAR PROGRAMME
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
LFI 2022 |
PLF 2023 |
LFI 2022 |
PLF 2023 |
|
140 - Enseignement scolaire public du premier degré |
24 204,47 |
25 667,16 |
24 204,47 |
25 667,16 |
141 - Enseignement scolaire public du second degré |
34 609,18 |
36 455,92 |
34 609,18 |
36 455,92 |
230 - Vie de l’élève |
6 859,35 |
7 373,78 |
6 859,35 |
7 373,78 |
139 - Enseignement privé du premier et du second degrés |
7 996,97 |
8 468,11 |
7 996,97 |
8 468,11 |
214 - Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 559,84 |
2 910,86 |
2 594,21 |
2 757,18 |
143- Enseignement technique agricole |
1 527,06 |
1 594,85 |
1 527,14 |
1 594,93 |
TOTAL Enseignement scolaire |
77 756,86 |
82 470,69 |
77 791,32 |
82 317,08 |
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
Plusieurs lignes fortes de ce budget peuvent être retenues, qui font l’objet des développements ci-après.
● Des évolutions salariales importantes pour les personnels
La hausse du budget de la mission Enseignement scolaire, telle qu’elle est prévue par le présent projet de loi de finances, serait principalement due aux revalorisations salariales de différentes natures : celles-ci représentent, au total, 3,5 milliards d’euros sur les 4,7 milliards d’euros d’augmentation des crédits de la mission (les dépenses de personnel représentant 92,37 % de ces crédits). Ces revalorisations couvriraient notamment :
– pour 1,7 milliard d’euros, l’application en 2023 de la hausse du point d’indice décidée en juillet 2022, qui concerne 1,2 million d’agents du ministère ;
– pour 635 millions d’euros, la revalorisation catégorielle des enseignants, devant permettre qu’aucun enseignant ne débute sa carrière avec une rémunération mensuelle inférieure à 2 000 euros nets. Au-delà de la seule entrée dans la carrière, cette revalorisation vise la redynamisation globale des parcours sur les vingt premières années de carrière, selon des modalités qui seront précisées à l’issue d’une concertation avec les organisations syndicales. Cette mesure s’appliquerait à compter de la rentrée scolaire 2023 (elle représenterait ainsi un coût de 1,9 milliard d’euros en année pleine à partir de 2024) ;
– pour 300 millions d’euros : la rémunération de missions complémentaires exercées par les enseignants, dans le cadre d’un « pacte ». Ce pacte, annoncé avant l’été par le Président de la République et le ministre de l’Éducation nationale, permettrait une augmentation additionnelle des revenus des enseignants qui prendraient en charge des tâches telles que le remplacement des enseignants absents, l’investissement dans le temps périscolaire ou le suivi individualisé des élèves. Le contenu précis de ces missions nouvelles et les modalités de mise en œuvre du pacte (bénéficiaires, durée d’engagement, réversibilité, etc.) feront l’objet d’une concertation qui débutera au premier semestre de l’année 2023. Le montant retenu est, à ce stade, indicatif et ne présage pas du nombre d’enseignants qui adhèreraient effectivement à la démarche ;
– pour 770 millions d’euros, les effets du glissement vieillesse-technicité ([1]) (GVT) ;
– pour 66 millions d’euros, la revalorisation d’autres professionnels de l’éducation et de la jeunesse, avec un effort particulier pour les personnels sociaux et de santé, les personnels administratifs et techniques et les personnels d’encadrement ;
– pour 73,5 millions d’euros, la revalorisation des personnels exerçant en réseau d’éducation prioritaire. Le PLF 2023 prévoit une mesure d’extension du périmètre des bénéficiaires de l’indemnité de sujétions en éducation prioritaire aux assistants d’éducation (AED), aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ou encore aux personnels médico-sociaux exerçant en établissement de l’éducation prioritaire ;
– pour 17 millions d’euros, la montée en charge du taux de promotion à la classe exceptionnelle des corps enseignants, dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).
Au total, en excluant les effets de la hausse du point d’indice et du GVT, les revalorisations décidées par le ministère de l’Éducation nationale pour ses personnels atteindraient un montant de 1 135,4 millions d’euros, contre 526 millions d’euros en 2022.
Revalorisations salariales des personnels de l’Éducation nationale en 2023
P. |
Revalori-sations 2022 |
Enveloppe 2023, en millions d’euros |
||||||
Suite des mesures engagées en 2022 |
Pacte avec les enseignants |
Autres revalorisations |
PPCR |
Total |
||||
Revalorisation globale des parcours |
Adhésion à de nouvelles missions |
Revalorisation des autres personnels de l’éducation nationale |
Extension de l’indemnité de sujétions en éducation prioritaire |
|
||||
139 |
84 |
6,5 |
127,5 |
55,8 |
1,3 |
- |
2,8 |
194,0 |
140 |
173 |
14,7 |
229,5 |
109,5 |
9,7 |
2,5 |
7,9 |
373,8 |
141 |
202 |
19,5 |
269,9 |
130,2 |
25,1 |
1,6 |
6,1 |
452,5 |
214 |
10 |
2,1 |
0,1 |
0,1 |
14,2 |
0,0 |
- |
16,5 |
230 |
57 |
1,1 |
8,0 |
4,3 |
15,7 |
69,3 |
0,2 |
98,6 |
Total |
526 |
43,9 |
635,0 |
300,0 |
66,0 |
73,5 |
17,0 |
1 135,4 |
Source : réponse au questionnaire parlementaire.
● Un schéma d’emplois qui ne remet pas en cause l’amélioration du taux d’encadrement
Si le schéma d’emplois pourrait diminuer d’environ 2 100 postes d’enseignants (1 117 dans le premier degré et 481 dans le second degré publics ; 502 dans l’enseignement privé sous contrat), soit 0,19 % de l’ensemble des postes du ministère, cette diminution s’opèrerait dans un contexte de très forte baisse démographique. Ainsi, selon les prévisions de la direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale, l’année scolaire 2023-2024 serait marquée par une forte baisse du nombre d’élèves : près de 90 000 élèves dans le premier degré et 10 000 élèves dans le second degré. Aussi, la réduction du nombre d’enseignants serait sans commune mesure avec la baisse démographique, ce qui permettrait une poursuite de l’amélioration du taux d’encadrement dans le premier degré et une stabilisation de ce taux dans le second degré.
Les rapporteurs pour avis notent, d’ailleurs que le nombre moyen d’élèves par classe, qui est passé de 23,2 à la rentrée 2017 à 21,8 à la rentrée 2021, diminue encore à la rentrée 2022, ce qui traduit une amélioration du taux d’encadrement des élèves à l’école primaire ([2]).
Nombre d’élèves par classe dans le premier degré public (2016-2023)
Source : dossier de presse du ministère.
Nombre d’élèves et taux d’encadrement dans le second degré (2016-2023)
Source : réponse au questionnaire parlementaire
● La prolongation des dispositifs d’égalité des chances
Le projet de loi de finances permettrait, également, de prolonger les dispositifs destinés à renforcer l’égalité des chances. Ainsi, le programme 140, Enseignement scolaire public du premier degré, prévoit de consacrer 1 670 emplois à la poursuite du dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire à la rentrée 2023, dédoublement qui devrait être achevé à la rentrée 2024. Pour mémoire, celui-ci est pleinement effectif pour les classes de CP et de CE1 depuis la rentrée 2020.
Les dispositifs des Contrats locaux d’accompagnement et des Territoires éducatifs ruraux sont également prolongés, pour un montant global d’environ 9 millions d’euros.
En outre, les rapporteurs pour avis se réjouissent de la revalorisation de 4 % des bourses de collège et de lycée ou encore de l’extension de la part collective du pass culture aux classes de 6ème et de 5ème, qui devraient contribuer à atteindre l’objectif d’égalité des chances et des possibilités.
● Vers une école toujours plus inclusive
L’ambition d’une école réellement inclusive se matérialiserait par une augmentation très importante, de 11,38 %, des crédits consacrés à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, au sein du programme 230, Vie scolaire. Ces crédits permettraient le recrutement, à la rentrée scolaire 2023, de 4 000 équivalents temps plein (ETP) d’AESH supplémentaires (recrutés sur le titre 2). Les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) poursuivent également leur développement : plus de 300 Ulis supplémentaires ont été ouvertes à la rentrée 2022 pour atteindre plus de 10 200 unités et la mobilisation de plus de 300 équivalents temps plein (ETP) est prévue au PLF 2023 (280 ETP dans l’enseignement public et 56 ETP dans l’enseignement privé) pour poursuivre ce mouvement et permettre l’ouverture de 300 unités supplémentaires à la rentrée 2023.
En 2021-2022, 409 409 élèves en situation de handicap bénéficiant d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS) étaient scolarisés dans l’enseignement public et privé sous contrat, contre 225 563 élèves en 2012-2013. 212 441 élèves étaient scolarisés dans le premier degré et un nombre très proche – 196 968 élèves – dans le second degré, témoignant de la possibilité d’un véritable parcours de scolarisation. La scolarisation en milieu ordinaire concernait 86 % des élèves en situation de handicap, tous degrés d’enseignement confondus.
Au total, plus de 3,8 milliards d’euros seraient consacrés à l’école inclusive au sein du PLF 2023 au titre de la mission Enseignement scolaire.
CrÉdits de la mission Enseignement scolaire consacrÉs à l’École inclusive dans le PLF pour 2023
Ecole inclusive |
|
|
PLF 2023 |
|
|
|
Montant (en millions d’euros) |
AESH T2 |
|
|
1 354,25 |
AESH HT2 |
|
|
1 089,16 |
TOTAL Accompagnement élèves handicapés |
2 443,41 |
||
ULIS école |
|
|
346,02 |
ULIS lycée / collège |
|
346,22 |
|
Enseignants référents |
|
124,78 |
|
Autres postes MEN |
|
|
105,30 |
Etablissements et services médico-sociaux (ESMSS) |
400,45 |
||
Etablissements de santé |
|
56,21 |
|
Unités d’enseignement externalisées |
|
8,41 |
|
TOTAL Enseignants spécialisés |
|
1 387,39 |
|
Matériels adaptés et accompagnement spécialisé |
23,30 |
||
Formation des AESH |
|
5,43 |
|
Déplacement des AESH |
|
1,49 |
|
TOTAL Autres dispositifs |
|
30,22 |
|
TOTAL |
|
|
3 861,01 |
Source : réponse au questionnaire parlementaire
● L’engagement pour l’innovation et l’école du futur
La large place faite à l’innovation, pour avancer vers une école du futur qui permette la réussite de tous, doit être saluée. Celle-ci se traduirait, au collège, par des expérimentations autour de la classe de 6ème, classe charnière s’il en est, mais aussi de la pratique sportive, ou encore de la découverte professionnelle.
En parallèle, 150 millions d’euros seraient consacrés au fonds d’innovation pédagogique et auraient vocation à financer les projets novateurs proposés directement par les établissements scolaires du premier comme du second degré, dès lors qu’ils présenteraient un contenu pédagogique fort. Ces crédits ne sont pas inscrits sur la mission Enseignement scolaire, mais sur la mission Investir pour la France de 2030. Ils seraient débloqués et alloués en fonction de l’émergence des projets.
II. programme 140 : enseignement scolaire public du premier degrÉ
Le programme 140, Enseignement scolaire public du premier degré, est sous la responsabilité du directeur général de l’enseignement scolaire, bien que sa mise en œuvre soit fortement déconcentrée. Il poursuit deux objectifs : conduire tous les élèves à la maitrise des connaissances et compétences du socle commun exigibles au terme de la scolarité primaire, et promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif en optimisant les moyens alloués. L’enseignement public du premier degré concernait, en 2021-2022, 5,6 millions d’élèves, 347 117 enseignants et 43 904 écoles ([3]).
Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022, les crédits du programme 140 passeraient, dans le PLF pour 2023, de 24 204,47 millions d’euros à 25 667,16 millions d’euros en AE et en CP – soit une hausse, en valeur absolue, de 1 462,69 millions d’euros, et, en pourcentage, de 6,04 %.
Les crédits de ce programme sont, à plus de 99 %, constitués de dépenses de personnel, qui s’élèveraient à 25 612,0 millions d’euros, soit une hausse de 1 449,97 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2022 (+ 6,00 %). Cette hausse s’expliquerait principalement par l’effet en 2023 de la hausse du point d’indice de la fonction publique décidée en 2022 (+ 400,2 millions d’euros), le glissement vieillesse-technicité (+ 318,6 millions d’euros) et les revalorisations catégorielles (+ 386,9 millions d’euros, dont 234,6 millions d’euros au titre de la revalorisation du métier d’enseignant, à la fois inconditionnelle et liée aux missions complémentaires).
S’agissant des crédits hors titre 2, la hausse prévue au PLF 2023 par rapport à 2022 (+ 13 millions d’euros en AE et en CP) traduit la priorité renouvelée donnée à l’enseignement primaire, et, en particulier, à la maîtrise des savoirs fondamentaux, au travers, notamment de la poursuite du dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire et de l’achèvement du plafonnement des effectifs des classes de grande section, CP et CE1 hors éducation prioritaire.
PROGRAMME 140 (MISSION enseignement scolaire)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2023 / 2022
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2022 (en millions d’euros) |
PLF 2023 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2023 et 2022 |
01 – Enseignement préélémentaire |
5 852,30 |
6 203,47 |
+ 6,00 % |
02 – Enseignement élémentaire |
11 892,27 |
12 608,47 |
+ 6,02 % |
03 – Besoins éducatifs particuliers |
2 035,16 |
2 157,35 |
+ 6,00 % |
04 – Formation des personnels enseignants |
891,56 |
952,48 |
+ 6,83 % |
05 – Remplacement |
1 996,11 |
2 115,90 |
+ 6,00 % |
06 – Pilotage et encadrement pédagogique |
1 433,15 |
1 519,35 |
+ 6,01 % |
07 – Personnels en situations diverses |
103,91 |
110,15 |
+ 6,00 % |
Total |
24 204,47 |
25 667,16 |
+ 6,04 % |
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
● La poursuite du dédoublement et du plafonnement des classes
Afin de favoriser l’égalité des chances et de garantir la meilleure appropriation des savoirs fondamentaux aux âges essentiels de l’apprentissage de la lecture et de la numération, le présent projet de loi de finances prévoit des moyens pour poursuivre le dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire et le plafonnement des effectifs des classes de grande section, CP et CE1 à 24 élèves hors éducation prioritaire.
L’action 1 Enseignement préélémentaire finance l’enseignement dans les écoles maternelles publiques. Elle serait dotée de 6 203,47 millions d’euros contre 5 852,30 millions d’euros en AE et CP ouverts en LFI pour 2022, soit une augmentation de 6 % (après une précédente augmentation de 2,32 % entre 2021 et 2022).
L’action 2 Enseignement élémentaire assure le financement de l’enseignement élémentaire dans les écoles publiques, qui correspond aux cinq années allant du CP au CM2. Ses crédits passeraient, en AE et en CP, de 11 892,27 millions d’euros ouverts en LFI pour 2022 à 12 608 millions d’euros soit une hausse de 6,02 %.
Parmi ces crédits, la quasi-totalité sont consacrés aux dépenses de personnel, et permettent, notamment, le financement du dédoublement et du plafonnement des classes. Amorcé à la rentrée 2020, le dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire se poursuit à la rentrée scolaire 2023 et sera achevé à la rentrée 2024 (le dédoublement des classes de CP et CE1 étant terminé depuis la rentrée 2020 et ayant mobilisé 10 800 postes). 1 670 emplois y seraient consacrés. La DEPP a mené une première étude des effets de ces dédoublements, qui a montré des résultats encourageants et significatifs en termes de réduction des difficultés scolaires.
En parallèle, hors réseau d’éducation prioritaire, les effectifs des classes de grande section, de CP et de CE1 ont été progressivement limités à un plafond de 24 élèves depuis 2020 afin de créer de meilleures conditions de scolarisation en faveur des apprentissages fondamentaux. 2 660 emplois sont consacrés à cette mesure pour l’enseignement public, dont 736 emplois à la rentrée 2022. Ainsi, la part des classes à 24 élèves pour ces niveaux atteint 95 % à la rentrée 2022 (contre 86 % à la rentrée 2021) ([4]).
● L’augmentation des décharges des directeurs d’école
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit le financement de l’augmentation des décharges des directeurs d’école.
L’action 6 Pilotage et encadrement pédagogique finance les inspecteurs de l’Éducation nationale du premier degré et les décharges des directeurs d’école. Ses crédits augmenteraient significativement dans le PLF pour 2023, passant de 1 433,15 à 1 519,35 millions d’euros, soit une hausse de 6,01 %. Les dépenses de fonctionnement de l’action, de 8,42 millions d’euros, regroupent les frais de déplacement des personnels d’inspection, des conseillers pédagogiques ainsi que des personnels de direction des établissements d’enseignement spécialisé.
Les dépenses de personnel, qui représentent 1 510,93 millions d’euros sur l’action, devraient contribuer à consolider le rôle et les conditions d’exercice des directeurs et directrices d’école : 1 250 ETP seraient ainsi consacrés à l’augmentation de leurs décharges, afin de leur donner davantage de temps pour exercer leurs missions en matière de pilotage pédagogique, de fonctionnement de l’école et de relations avec les parents et les partenaires de l’école, mais aussi pour rapprocher les conditions d’exercice des directeurs d’écoles maternelles et élémentaires. En pratique, ces moyens supplémentaires permettent, depuis la rentrée 2022, à tous les directeurs d’écoles de six à sept classes de bénéficier d’une décharge d’un tiers temps au lieu d’une décharge d’un quart temps, et aux directeurs des écoles de 12 et 13 classes d’être déchargés totalement de leurs heures de cours hebdomadaires (contre une décharge à mi-temps ou trois-quarts temps auparavant). Les évolutions à la rentrée 2022 concernent plus de 8 650 écoles, soit 20 % des écoles publiques.
L’amélioration apportée en 2021 et 2022 représente donc une progression des décharges de 15 %. Cependant, selon les réponses au questionnaire parlementaire, « l’estimation du coût de ces décharges en crédits est délicate car elle supposerait de connaître précisément la rémunération des enseignants qui assurent le temps d’enseignement devant les élèves en remplacement des directeurs déchargés (le coût d’emplois varie selon l’ancienneté de l’enseignant mais aussi la zone d’exercice, hors éducation prioritaire ou REP/REP+) ».
Évolution des décharges accordées aux directeurs d’école
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
III. programme 141 : enseignement scolaire public du second degrÉ
Le programme 141 Enseignement scolaire public du second degré est placé sous la responsabilité du directeur général de l’enseignement scolaire. Il finance l’enseignement scolaire public du second degré et poursuit trois objectifs : conduire le maximum de jeunes aux niveaux de compétences attendues en fin de formation initiale et à l’obtention des diplômes correspondants, favoriser la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur scolarité secondaire, et promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif en optimisant les moyens alloués. En 2021-2022, on dénombrait 7 799 établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), scolarisant 4 463 400 élèves et employant 364 000 enseignants titulaires et 35 915 enseignants non titulaires (soit 400 515 enseignants au total).
Les moyens inscrits sur le programme 141 pour 2023 s’élèveraient à 36 456 millions d’euros en AE et CP, soit une progression de 1 847 millions d’euros et 5,34 % par rapport à la LFI pour 2022 (34 609,19 millions d’euros).
Au sein de ce programme, les dépenses de personnel représenteraient 36 331 millions d’euros, soit une hausse de 1 836,2 millions d’euros et une progression de 5,32 % par rapport à la LFI pour 2022. Cette augmentation s’expliquerait principalement par l’effet en 2023 de la hausse du point d’indice décidée en juillet 2022 (+ 576,2 millions d’euros), le glissement vieillesse‑technicité (+ 275,7 millions d’euros) et les mesures catégorielles (+ 452,5 millions d’euros, dont 413 millions d’euros au titre de la revalorisation du métier d’enseignant).
Il peut toutefois être noté qu’alors que les dépenses de fonctionnement augmenteraient de plus de 13 millions d’euros, soit 25,47 %, les dépenses d’intervention diminueraient de 2,56 millions d’euros, soit 4,11 %. Ces dernières financent, pour 33,99 millions d’euros, des subventions versées aux EPLE, ainsi que, pour 9,8 millions d’euros, des dispositifs destinés à favoriser l’égalité des chances (7,4 millions d’euros pour les cordées de la réussite, 1,48 million d’euros pour les contrats locaux d’accompagnement et 0,94 million d’euros pour les territoires éducatifs ruraux).
Deux dépenses fiscales sont associées au programme 141, pour un total de 694 millions d’euros : l’exonération d’impôt sur le revenu du salaire des apprentis et des gratifications versées aux stagiaires, dont le montant est estimé à 367 millions d’euros pour 2023 (contre 353 millions d’euros en 2022) ; l’exonération d’impôt sur le revenu (sur option) des salaires perçus par les jeunes au titre d’une activité exercée pendant les études secondaires ou supérieures ou leurs congés scolaires ou universitaires, dont le montant est estimé à 327 millions d’euros (contre 322 millions d’euros en 2022).
PROGRAMME 141 (MISSION enseignement scolaire)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2023 / 2022
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2022 (en millions d’euros) |
PLF 2023 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2023 et 2022 |
01 – Enseignement en collège |
12 219,98 |
12 874,54 |
+ 5,36 % |
02 – Enseignement général et technologique en lycée |
7 664,90 |
8 072,70 |
+ 5,32 % |
03 – Enseignement professionnel sous statut scolaire |
4 634,25 |
4 879,24 |
+ 5,29 % |
04 – Apprentissage |
7,32 |
7,67 |
+ 4,87 % |
05 – Enseignement post-baccalauréat en lycée |
2 234,03 |
2 349,76 |
+ 5,18 % |
06 – Besoins éducatifs particuliers |
1 344,14 |
1 415,38 |
+ 5,30 % |
07 – Aide à l’insertion professionnelle |
58,82 |
59,87 |
+ 1,79 % |
08 – Information et orientation |
339,58 |
357,72 |
+ 5,34 % |
09 – Formation continue des adultes et validation des acquis de l’expérience |
130,95 |
138,98 |
+ 6,14 % |
10 – Formation des personnels enseignants et d’orientation |
696,71 |
740,32 |
+ 6,26 % |
11 – Remplacement |
1 523,52 |
1 604,62 |
+ 5,32 % |
12 – Pilotage, administration et encadrement pédagogique |
3 656,52 |
3 851,41 |
+ 5,33 % |
13 – Personnels en situations diverses |
98,48 |
103,72 |
+ 5,32 % |
Total |
34 609,18 |
36 455,92 |
+ 5,34 % |
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
● La transformation à venir du collège
Le Gouvernement consacre des moyens importants au collège, échelon de scolarité souvent décrié et le seul à n’avoir pas été réformé dans les années récentes. Des expérimentations seront conduites, qui pourraient préfigurer une éventuelle réforme de ces établissements et des enseignements qui y sont dispensés.
L’action 1 Enseignement en collège concentre les crédits affectés à l’enseignement dans les collèges publics. Ses crédits passeraient de 12 219,98 millions d’euros en LFI pour 2022 à 12 874,54 millions d’euros dans le PLF 2023, soit une hausse de 5,36 %. Parmi ces crédits, les dépenses de personnel représenteraient 12 838,46 millions d’euros, celles de fonctionnement 9,96 millions d’euros et celles d’intervention 26,12 millions d’euros (contre 21,86 millions d’euros en 2022, soit une hausse très importante, de 19,48 %) dont 22,10 millions d’euros de transfert aux collectivités territoriales. Les dépenses d’intervention recouvrent notamment les subventions versées aux collèges, aux établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) et aux sections d’enseignement général et professionnel (SEGPA), pour 18,86 millions d’euros en AE et CP, l’État ayant la charge des dépenses de fonctionnement à caractère directement pédagogique dans les collèges, les lycées et les établissements d’éducation spéciale, ainsi que de la fourniture des manuels scolaires dans les collèges et les établissements d’éducation spéciale.
Au titre de cette action, des moyens seront consacrés à la transformation du collège et à la réduction des inégalités, notamment grâce à la montée en puissance des sections internationales implantées dans des collèges comptant les élèves parmi les plus défavorisés de manière à renforcer la mixité sociale (43 sections internationales sont, depuis 2022, ouvertes dans les collèges parmi les plus défavorisés, soit désormais le tiers des sections internationales existantes).
Trois expérimentations importantes seront conduites, qui ont vocation à préfigurer une éventuelle transformation du collège :
– une expérimentation visant à favoriser la pratique sportive et l’activité physique des collégiens, déployée sur l’ensemble du territoire, à raison d’un département par académie pour l’année scolaire 2022-2023. Les collèges volontaires (trois à sept par académie) sont invités à faciliter l’accès des élèves volontaires aux clubs sportifs de leur territoire, sur le temps périscolaire, grâce à une organisation spécifique élaborée en relation avec le projet d’éducation physique et sportive de l’établissement et le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE) ;
– une expérimentation portant sur la classe de 6ème, classe charnière, pour laquelle des évolutions peuvent être envisagées afin de faciliter pour les élèves la transition entre l’école primaire et l’enseignement du second degré ;
– une expérimentation relative à la mise en œuvre de temps réguliers de découverte professionnelle dès la classe de 5ème de manière à améliorer la connaissance des métiers par les jeunes collégiens et à renforcer leur ambition.
● L’amélioration de l’information et de l’accompagnement à l’orientation
Le présent projet de loi de finances traduit la volonté d’améliorer l’information et l’orientation des collégiens et lycéens quant à leur parcours d’études supérieures puis professionnel.
Les crédits de l’action 2 Enseignement général et technologique en lycée augmenteraient de 5,32 %, en AE comme en CP pour atteindre un montant de 8 072,70 millions d’euros dans le PLF 2023 (contre 7 664,90 dans la LFI pour 2022). Parmi ces crédits, 8 055,24 millions d’euros représenteraient des dépenses de personnel, 4,82 millions d’euros des dépenses de fonctionnement et 12,63 millions d’euros des dépenses d’intervention. Au sein des dépenses de personnel, il peut être noté que le budget consacré à la mise en place d’un second professeur principal en terminale serait de 25 millions d’euros pour l’enseignement public (programme 141) et de 8,9 millions d’euros pour l’enseignement privé (programme 139).
Les crédits de l’action 8 Information et orientation augmenteraient de 5,34 %, pour atteindre 357,71 millions d’euros dans PLF 2023 (contre 339,58 millions d’euros dans la LFI pour 2022). Il s’agirait exclusivement de dépenses de personnel, à l’exception de 2,25 millions d’euros de dépenses de fonctionnement liées au remboursement des frais de déplacement des personnels d’orientation. Ces crédits financeront, notamment, l’horaire consacré à l’accompagnement au choix de l’orientation au collège comme au lycée et pour toutes les voies de formation (12 heures en classe de 4ème, 36 heures en classe de 3ème, 54 heures au lycée général et technologique à titre indicatif, respectivement 192,5 heures et de 265 heures de « consolidation » en CAP et en baccalauréat professionnel, sur l’ensemble du cycle de formation), ainsi que la mise en œuvre du professeur référent de groupe d’élèves.
● La lutte contre le décrochage scolaire : une priorité du ministère
La lutte contre le décrochage scolaire demeure une priorité du ministère, particulièrement après la crise sanitaire qui a éloigné un certain nombre de jeunes de l’école. 95 000 jeunes sortent aujourd’hui chaque année du système scolaire sans diplôme ou qualification.
Les crédits de l’action 7 Aide à l’insertion professionnelle augmenteraient de 1,79 % pour passer de 58,83 à 59,87 millions d’euros, afin de financer notamment les dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire, qu’ils soient préventifs ou qu’ils interviennent après l’abandon de la scolarité.
Ainsi, l’action 7 finance les équipes des missions de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS), soit 820,25 ETP en 2022, qui ont pour fonction d’accompagner et de suivre les jeunes en situation de décrochage. Elle finance également leurs actions, organisées par les académies, sous forme de crédits d’intervention qui s’élèvent à 1,9 million d’euros sur le PLF 2023. Il convient de souligner que, outre les emplois des MLDS, les académies peuvent consacrer une partie de leurs moyens d’enseignement sous forme d’heures supplémentaires ou d’indemnités pour mission particulière aux dispositifs de remédiation.
Enfin, l’action 7 finance l’évolution du système interministériel d’information consacré au décrochage scolaire (Système interministériel d’échange d’informations entre le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, le ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire et le ministère du Travail, du plein emploi et de l’insertion) qui permet de repérer mensuellement dans un premier temps puis « au fil de l’eau » les jeunes sans solution et d’améliorer le suivi des jeunes, de manière partenariale au sein des plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD).
IV. programme 230 : vie de l’ÉlÈve
Le programme 230 Vie de l’élève est aussi sous la responsabilité du directeur général de l’enseignement scolaire. Il matérialise l’ambition de l’État de faire de l’école le lieu de la réussite et de l’épanouissement de tous les élèves et comprend notamment les crédits relatifs au développement de l’école inclusive, à la lutte contre les discriminations ou à l’amélioration du climat scolaire. Il poursuit deux objectifs : faire respecter l’école, améliorer le climat scolaire et favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de la citoyenneté ; promouvoir la santé des élèves et contribuer à améliorer leur qualité de vie.
Par rapport à la LFI pour 2022, les crédits du programme 230 augmenteraient très significativement, de 7,5 %, pour passer de 6 859,35 millions d’euros à 7 373,78 millions d’euros demandés dans le PLF 2023, en AE et en CP.
Le montant des dépenses de personnel de ce programme s’élèverait à 3 623,9 millions d’euros, soit une hausse de 688 millions d’euros et 23,45 % par rapport à la LFI pour 2022, pour la masse salariale des personnels titulaires, stagiaires, contractuels ou vacataires hors enseignants et administratifs, notamment les AESH, les assistants d’éducation (AED), les conseillers principaux d’éducation (CPE), les personnels de la médecine scolaire ou encore les assistants sociaux. La variation s’expliquerait principalement par l’effet en 2023 de la revalorisation du point d’indice décidée en 2022 (+ 69,2 millions d’euros), le glissement vieillesse‑technicité (+ 20,2 millions d’euros), les mesures catégorielles (+ 57,2 millions d’euros dont 27,5 millions d’euros au titre de l’extension de l’indemnité de sujétions REP-REP+ et 12 millions au titre des revalorisations catégorielles) ainsi que les mesures de CDIsation des AED et le passage des AESH sur des contrats de titre 2 (+ 410,02 millions d’euros).
Par ailleurs, le schéma d’emplois positif du programme 230 (+ 4 100 ETP) prévoit une augmentation de 100 emplois de conseillers principaux d’éducation pour renforcer les moyens de vie scolaire et de 4 000 AESH pour améliorer l’accompagnement des élèves en situation de handicap.
S’agissant des crédits hors titre 2, qui financent notamment l’action sociale à destination des élèves (bourses et fonds sociaux), l’enveloppe prévue au PLF 2023 diminue de 174 millions d’euros (+ 1,66 % pour les dépenses de fonctionnement ; – 4,52 % pour les dépenses d’intervention) par rapport à 2022. Cette variation s’explique pour l’essentiel par la bascule progressive sur les crédits du titre 2 de la gestion des AESH, pour un effectif évalué à 8 565 ETPT dans le cadre du PLF 2023, et de celle des AED recrutés en CDI à partir de septembre 2022 pour un effectif évalué à 5 500 ETPT en PLF 2023.
À ce programme sont également associées deux dépenses fiscales :
– la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement secondaire, pour un montant estimé à 220 millions d’euros en 2023, stable par rapport à 2022 ;
– le taux réduit de TVA de 10 % pour les recettes provenant de la fourniture des repas par les cantines d’entreprises ou d’administration, pour un montant estimé à 382 millions en 2023, en hausse par rapport à 2022 (364 millions d’euros) et 2021 (330 millions d’euros).
PROGRAMME 230 (MISSION enseignement scolaire)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2023 / 2022
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2022 (en millions d’euros) |
PLF 2023 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2023 et 2022 |
01 – Vie scolaire et éducation à la responsabilité |
2 722,99 |
3 002,35 |
+ 10,26 % |
02 – Santé scolaire |
544,58 |
588,69 |
+ 8,10 % |
03 – Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap |
2 222,38 |
2 475,33 |
+ 11,38 % |
04 – Action sociale |
998,28 |
1 003,96 |
+ 0,57 % |
05 – Politique de l’internat et établissements à la charge de l’État |
82,22 |
86,41 |
+ 5,10 % |
06 – Actions éducatives complémentaires aux enseignements |
188,90 |
188,00 |
- 0,48 % |
07 – Scolarisation à 3 ans |
100,00 |
29,04 |
- 70,96 % |
Total |
6 859,35 |
7 373,78 |
+ 7,50 % |
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
● L’augmentation du nombre de conseillers principaux d’éducation et l’évolution du recrutement des assistants d’éducation
Le projet de loi de finances pour 2023 traduit la volonté de recruter 100 CPE et de faire évoluer les contrats des AED, personnels dont le rôle est déterminant au sein de la vie scolaire des établissements.
L’action 1 Vie scolaire et éducation à la responsabilité finance principalement les postes des CPE et d’AED. Ses crédits augmenteraient de 10,26 %, passant de 2 722,99 à 3 002,35 millions d’euros, dont 1 422,09 millions d’euros de dépenses de personnel. Les crédits de fonctionnement, qui atteindraient 19,92 millions d’euros, financent essentiellement la couverture des accidents de travail des élèves fréquentant les établissements d’enseignement technique et spécialisé, ainsi qu’une gratification des stages des étudiants en deuxième année de master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) se préparant à devenir CPE, pour leurs semaines de stage d’observation et de pratique accompagnée.
Les crédits d’intervention, dont le montant serait de 1 560,34 millions d’euros, concernent essentiellement les subventions versées au titre des rémunérations des personnels d’assistance éducative (pour 1 498,42 millions d’euros), aujourd’hui recrutés par les EPLE mais dont l’Éducation nationale prend en charge la rémunération au travers de subventions à ces EPLE.
Compte tenu de la diminution attendue de la démographie scolaire, le contingent d’AED serait ajusté à 49 154 ETPT en 2023 (contre 49 927 ETPT en 2022). Par ailleurs, afin de reconnaître les missions exercées par les AED, et conformément aux termes de la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, les AED ayant atteint six ans d’ancienneté en contrat à durée déterminée peuvent, depuis 2022, prétendre à un contrat à durée indéterminée. En ce cas, ils ne sont plus employés par l’EPLE mais par le rectorat d’académie, et leur contrat est pris en charge sur le titre 2. Au regard du nombre d’AED éligibles à une CDIsation dès 2022, un transfert de 5 500 ETPT vers le titre 2 serait effectué en 2023. La dotation hors titre 2 prévue en 2023 permettrait ainsi de rémunérer 43 654 ETPT d’AED (hors contrats de préprofessionnalisation), au coût moyen annuel par contrat de 30 088 euros.
● Un renforcement des moyens de la médecine scolaire à accentuer
Le PLF prévoit une augmentation des crédits alloués à la médecine scolaire, qui devront, cependant, continuer à être renforcés dans les années à venir pour préserver cet élément indispensable au fonctionnement du système scolaire.
L’action 2, Santé scolaire, assure le financement des postes de médecins et d’infirmiers de l’Éducation nationale et la politique éducative de santé. Ses crédits progresseraient de manière significative, de 8,10 %, passant de 544,58 à 588,69 millions d’euros en AE et en CP. Les dépenses de personnel constituent l’essentiel des crédits de l’action, dont 2,59 millions d’euros de dépenses de fonctionnement permettent l’indemnisation des frais de déplacement et 3,79 millions d’euros de frais d’intervention assurent les subventions aux collectivités territoriales dites « à régime autonome » ou « semi-autonome », qui prennent elles‑mêmes en charge des prestations de santé scolaire, notamment des visites de dépistage ([5]) .
Depuis 2015, et face à la diminution du nombre de médecins scolaires, un grand nombre de mesures ont été prises afin de renforcer l’attractivité du corps des médecins de l’Éducation nationale : revalorisation du régime indemnitaire de ces médecins, relèvement de la rémunération minimale des médecins contractuels, indemnisation des médecins « tuteurs », revalorisation de l’indemnité REP+ à compter de la rentrée 2018, etc. Au plan national, la diffusion d’informations relatives au métier de médecin de l’Éducation nationale auprès des étudiants et des internes en médecine a été accentuée afin de susciter des vocations parmi ces publics. En 2022 et 2023, le ministère poursuivra l’effort de revalorisation indemnitaire des médecins de l’Éducation nationale, dont la première tranche en 2021 a porté sur 1 700 euros bruts annuels en moyenne.
Par ailleurs, les infirmiers scolaires sont également concernés par deux modalités de revalorisations : ils bénéficieront d’une part, de l’enveloppe de 66 millions d’euros allouée aux professionnels de l’éducation et de la jeunesse, et visant particulièrement les personnels sociaux et de santé, les personnels administratifs et techniques et les personnels d’encadrement ; ils bénéficieront également de l’extension de l’indemnité de sujétions en éducation prioritaire, pour ceux d’entre eux qui exercent dans les établissements concernés.
Les rapporteurs pour avis notent cette évolution des crédits et se félicitent de ces démarches de revalorisation mais ne peuvent que s’inquiéter de l’évolution à la baisse du nombre de médecins et d’infirmiers scolaires. Ils estiment, toutefois, que les difficultés de recrutement de médecins ne sont pas spécifiques à la médecine scolaire et appellent une réponse globale, en matière de structuration de la médecine scolaire notamment.
Effectifs des personnels de santé de l’Éducation nationale
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
● La poursuite de l’inclusion et de l’accompagnement des élèves en situation de handicap
L’inclusion des élèves en situation de handicap demeure, comme depuis de nombreuses années, une priorité du ministère de l’Éducation nationale. En témoigne la très forte augmentation des crédits associés prévue par le PLF 2023.
Ainsi, l’action 3, Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, finance l’accompagnement de ces élèves et l’adaptation de l’offre scolaire à leurs besoins. Conformément à la priorité donnée à l’amélioration de l’accueil des élèves en situation de handicap à l’école, inscrite notamment dans la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, les crédits de cette action présenteraient cette année encore une forte hausse. Celle-ci serait de 11,38 % en AE et en CP, passant de 2 222,38 à 2 475,33 millions d’euros, après une hausse de 9,9 % entre 2021 et 2022.
Les crédits de l’action 3 ont, pour l’essentiel, vocation à financer les dépenses de rémunération des AESH, à la fois en titre 2 et hors titre 2, selon la nature des contrats. Ainsi, cette action serait dotée de :
– 1 354,25 millions d’euros de dépenses de personnel pour financer 47 127 ETPT d’AESH, rémunérés directement par l’État ;
– 1 089,16 millions d’euros de dépenses d’intervention pour financer 35 708 ETPT d’AESH rémunérés par les EPLE qui les emploient, ces derniers étant remboursés par une subvention de l’État.
Évolution des effectifs d’AESH
|
LFI 2022 |
PLF 2023 |
AESH titre 2 |
37 229 ETPT |
47 127 ETPT |
AESH hors titre 2 |
41 606 ETPT |
35 708 ETPT |
Ensemble |
78 835 ETPT |
82 835 ETPT |
Source : réponse au questionnaire parlementaire
Source : réponse au questionnaire parlementaire
Au total, 82 835 ETPT d’AESH sont prévus à la rentrée scolaire 2023 afin de prendre en charge les élèves scolarisés en milieu ordinaire.
En 2022, leur nombre était de 78 835 ETPT ce qui représentait 123 874 personnes physiques, dont 56 965 rémunérées sur le titre 2 de l’État et 66 909 rémunérées hors titre 2 de l’État.
Afin d’améliorer l’inclusion à l’école des élèves en situation de handicap, 4 000 ETP d’AESH seront créés à la rentrée 2023 (intégralement financés sur des crédits de titre 2, qui s’élèveraient à 1 354,25 millions d’euros, en hausse de 33,90 %), en sus des 4 000 ETP déjà créés en 2021 et 2022 et des 8 000 ETP créés en 2020.
De plus, entre 2023 et 2025, la totalité des contrats d’AESH jusqu’alors assumés par les EPLE hors titre 2 passeront progressivement sur le titre 2 : ainsi 25 695 ETP, soit 8 565 ETPT basculeront sur le titre 2 en 2023. Les effectifs restants seront transférés en 2024 et 2025, sans impact budgétaire pour le programme 230. Les nouveaux AESH recrutés à partir de 2023 le seront systématiquement sur le titre 2.
Par ailleurs, à compter de janvier 2023, les AESH concernés percevront l’indemnité versée aux personnels exerçant en éducation prioritaire.
De plus, 31,92 millions d’euros de dépenses de fonctionnement sont prévus pour financer du matériel pédagogique adapté (pour 23,3 millions d’euros, dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat du premier et du second degrés), l’accompagnement spécialisé des élèves en situation de handicap (pour 1,7 million d’euros, notamment pour l’interprétariat en langue des signes française), la formation des AESH (pour 5,43 millions d’euros, finançant la formation de 60 heures les préparant à l’exercice de leurs fonctions) et les frais de déplacement des AESH, notamment lorsqu’ils exercent dans plusieurs établissements scolaires dans le cadre du PIAL (pour 1,49 million d’euros).
Le Gouvernement a engagé une réflexion ambitieuse pour poursuivre l’amélioration des conditions d’exercice des AESH, avec, en particulier, l’objectif de réduire les temps incomplets (temps partiels non choisis) à partir de 2023. Des questions restent cependant en suspens quant à la prise en charge du temps périscolaire par les collectivités territoriales, telle que requise par la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020.
Prise en charge du temps périscolaire par les collectivités territoriales : la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020
Par une décision de section (C.E., 20 novembre 2020 Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 422248, au Recueil Lebon), le Conseil d’État a précisé le champ de compétences respectif ainsi que le régime de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales, s’agissant de la prise en charge de la rémunération et des contrats de travail des AESH.
Le Conseil d’État a jugé que, lorsqu’une collectivité territoriale organise un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d’enseignement et de formation pendant les heures d’ouverture des établissements scolaires, ou encore des activités périscolaires, il lui appartient de garantir l’accès des enfants en situation de handicap à ces services ou activités. La prise en charge financière éventuelle des AESH sur ces temps incombe ainsi à la collectivité territoriale.
Il ne revient donc pas à l’État d’organiser ni de prendre en charge financièrement cet accompagnement. En revanche « il [lui] appartient de déterminer avec la collectivité territoriale qui organise ce service et ces activités si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l’enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l’intérêt de l’enfant, la continuité de l’aide qui lui est apportée ».
Trois options différentes sont envisagées par le Conseil d’État pour l’organisation de la prise en charge des élèves en situation de handicap sur le temps périscolaire : la mise à disposition des AESH auprès des collectivités territoriales, le recrutement direct par la collectivité territoriale et le recrutement conjoint par l’État et par la collectivité territoriale.
● La réduction du fonds de soutien au développement des activités périscolaires
Le projet de loi de finances pour 2023 a également pour ambition de financer des actions éducatives complémentaires aux enseignements, qui participent à la réussite et à l’épanouissement des élèves.
Ainsi, l’action 6 Actions éducatives complémentaires aux enseignements finance des opérations ou actions menées à l’échelle locale, académique ou nationale, à l’initiative des enseignants et des équipes éducatives dans le cadre du projet d’école ou d’établissement. Les crédits de cette action, essentiellement des crédits d’intervention, diminueraient de 0,48 % soit un peu moins d’un million d’euros, passant de 188,90 millions d’euros à 188,00 millions d’euros.
Cette relative stabilité fait cependant suite à une hausse exceptionnelle de plus de 35 % entre 2021 et 2022 et serait principalement imputable à la diminution des crédits du fonds de soutien au développement des activités périscolaires. Un grand nombre d’autres dispositifs, en revanche, seraient prolongés voire renforcés, notamment le dispositif « devoirs faits » (pour 6,5 millions d’euros), les dispositifs « école ouverte » et « vacances apprenantes » (pour 19,9 millions d’euros), les subventions versées aux associations assurant la mise en œuvre de politiques éducatives (pour 61,33 millions d’euros), le parcours d’éducation artistique et culturelle (pour 2,43 millions d’euros) ou encore le pass culture (pour 51 millions d’euros, permettant notamment d’étendre la part collective de ce pass aux classes de 6ème et 5ème en 2023).
En revanche, le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FDSAP) dans le premier degré serait doté, en 2023, de 41,6 millions d’euros, contre 62,7 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2022. Il connaîtrait ainsi une baisse très substantielle, de près de 35 %. En effet, à compter de l’année scolaire 2023-2024, les moyens consacrés au FSDAP, qui ne bénéficient qu’aux communes ayant conservé une organisation du temps scolaire sur 9 demi‑journées ou 8 demi-journées comprenant 5 matinées([6]), seraient progressivement réaffectés afin de consolider certains dispositifs engagés au bénéfice des élèves. En conséquence, les crédits du FSDAP seraient diminués de moitié à la rentrée scolaire 2023 puis mis en extinction à la rentrée scolaire 2024.
Si les rapporteurs pour avis appellent à une certaine vigilance quant à la réduction importante des crédits de ce fonds, ils constatent cependant que ce montant est ajusté à la consommation effective des collectivités territoriales : en 2022, à l’occasion de la campagne 2021-2022, 1 366 communes ont bénéficié des aides du fonds de soutien pour un montant total de 40,1 millions d’euros, représentant un total de 657 420 élèves. Parmi les écoles privées sous contrat éligibles, 96 écoles ont bénéficié de 0,9 million d’euros représentant un total de 15 678 élèves. Le coût global de la campagne était estimé à 41,1 millions d’euros.
montants versés au titre du FDSAP depuis 2018
(en euros)
FSDAP par année civile |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022* |
2023* |
Montant versé |
183 376 064 |
41 093 627 |
54 980 384 |
55 791 769 |
42 226 745 |
41 597 633 |
Source : réponses au questionnaire parlementaire.
* Pour les 2 dernières années, les données du tableau sont celles figurant au PAP ou au RAP, et non pas les données de gestion dont les résultats demeurent provisoires à ce stade
En revanche, ils expriment davantage d’inquiétudes quant à l’extinction de ce fonds pour les communes qui choisissent de garder les nouvelles activités périscolaires et souhaitent que ce sujet fasse l’objet d’un véritable débat.
V. Programme 139 : enseignement privÉ du premier et du second degrÉs
Le programme 139 Enseignement privé du premier et du second degrés finance les dépenses relatives à l’enseignement privé sous contrat, sous la responsabilité de la direction des affaires financières du ministère de l’Éducation nationale. À la rentrée 2021, environ 17 % des élèves étaient scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat, soit un peu plus de 2,1 millions d’élèves (13 % des élèves du premier degré et 21 % des élèves du second degré), au sein de 4 673 écoles et 2 905 établissements du second degré sous contrat, y compris post‑bac. Le programme poursuit quatre objectifs, qui recoupent ceux de l’enseignement public : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun au terme de la scolarité primaire ; conduire le maximum de jeunes aux niveaux de compétences attendues en fin de formation initiale et à l’obtention des diplômes correspondants ; favoriser la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur scolarité secondaire ; répondre aux besoins éducatifs de tous les élèves sur l’ensemble du territoire.
Les moyens inscrits pour 2023 sur le programme 139 s’élèveraient à 8 468,11 millions d’euros en AE et en CP, soit une progression de 5,89 % par rapport à la LFI pour 2022. Par application du principe de parité, le budget consacré à l’enseignement privé reprend pour l’essentiel les priorités retenues en faveur de l’enseignement public.
Le montant des dépenses de personnel de ce programme atteindrait 7 636,6 millions d’euros, soit une hausse de 460,9 millions et 6,42 %, par rapport à la LFI pour 2022, permettant de rémunérer 143 668 personnes physiques (essentiellement des enseignants et personnels de direction, les inspecteurs de l’Éducation nationale travaillant dans les établissements privés étant rémunérés par les programmes 140 et 141 et les AESH par le programme 230). Cette variation s’expliquerait principalement par la hausse de la valeur du point d’indice de la fonction publique (+ 118,9 millions d’euros), le glissement vieillesse-technicité (+ 46,3 millions d’euros), et les mesures catégorielles (+ 194 millions d’euros, dont 183,3 au titre de la revalorisation du métier d’enseignant).
Le schéma d’emplois fait état de la suppression de 502 postes d’enseignants, dont 405,71 dans le premier degré et 96,31 dans le second degré. Comme pour l’enseignement public, ces suppressions de poste accompagnent la chute démographique, mais dans une proportion bien moindre que celle-ci. Elles sont également calculées par proportion avec les réductions prévues pour l’enseignement public, de manière à conserver une stabilité dans la place de l’enseignement privé par rapport à l’enseignement public, en lien avec le principe de parité.
Le montant des crédits hors titre 2 s’élèverait à 832 millions d’euros, soit une hausse de 10 millions par rapport à la LFI pour 2022. Les principales variations porteraient sur le forfait d’externat (+ 6,7 millions d’euros), la formation (+ 2,3 millions d’euros) et les crédits pédagogiques (+ 1 million d’euros).
PROGRAMME 139 (MISSION enseignement scolaire)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2023 / 2022
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2022 (en millions d’euros) |
PLF 2023 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2023 et 2022 |
01 – Enseignement pré-élémentaire |
542,24 |
577,08 |
+ 6,42 % |
02 – Enseignement élémentaire |
1 440,99 |
1 533,56 |
+ 6,42 % |
03 – Enseignement en collège |
2 031,72 |
2 162,23 |
+ 6,42 % |
04 – Enseignement général et technologique en lycée |
1 354,11 |
1 441,09 |
+ 6,42 % |
05 – Enseignement professionnel sous statut scolaire |
819,44 |
872,08 |
+ 6,42 % |
06 – Enseignement post-baccalauréat en lycée |
275,44 |
293,13 |
+ 6,42 % |
07 – Dispositifs spécifiques de scolarisation |
177,69 |
189,11 |
+ 6,42 % |
08 – Actions sociales en faveur des élèves |
86,57 |
86,15 |
– 0,48% |
09 – Fonctionnement des établissements |
693,05 |
701,20 |
+ 1,18 % |
10 – Formation initiale et continue des enseignants |
152,98 |
162,68 |
+ 6,34 % |
11 – Remplacement |
202,21 |
215,20 |
+ 6,42 % |
12 – Soutien |
220,53 |
234,60 |
+ 6,38 % |
Total |
7 996,98 |
8 468,11 |
+ 5,89 % |
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
● Des évolutions comparables avec celles de l’enseignement public
En application du principe de parité, les principales actions du programme Enseignement privé du premier et du second degrés sont très comparables à celles de l’enseignement public du premier et du second degré, quoi qu’elles enregistreraient des hausses de crédit légèrement supérieures.
Ainsi, l’action 1 Enseignement préélémentaire finance les salaires des enseignants des écoles maternelles privées sous contrat d’association avec l’État. Elle affiche une progression de 6,42 % de ses crédits, qui passeraient de 542,24 à 577,08 millions d’euros en AE et en CP, pour 285 741 élèves scolarisés dans un établissement préélémentaire privé sous contrat en 2021-2022 et 10 294 maîtres agréés ou contractuels (soit une augmentation proche de celle qui est prévue pour l’action équivalente dans l’enseignement public, l’action 1 du programme 140, qui augmente pour sa part de 6 %). Ces dépenses sont exclusivement des dépenses de personnel.
L’action 2 Enseignement élémentaire assure le financement des salaires des enseignants des écoles élémentaires privées sous contrat d’association avec l’État. Elle finance également les décharges dont bénéficient les directeurs d’école et leur nouveau régime plus favorable. Ses crédits progresseraient de 6,42 % puisqu’ils passeraient 1 440,99 à 1 533,56 millions d’euros en AE et en CP (soit, là encore, une augmentation légèrement supérieure à celle de l’action équivalente pour l’enseignement privé, dont les crédits augmenteraient de 6,02 %).
L’action 3 Enseignement en collège finance les salaires des enseignants des collèges privés sous contrat d’association avec l’État. Ses crédits progresseraient de 6,42 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, passant de 2 031,72 à 2 162,34 millions d’euros (contre une hausse de 5,36 % des crédits équivalents dans l’enseignement public), exclusivement en dépenses de personnel, pour 725 500 élèves et 45 451 enseignants à la rentrée 2021.
L’action 4 Enseignement général et technologique en lycée finance les salaires des enseignants des lycées privés sous contrat d’association avec l’État. Ses crédits augmenteraient de 6,42 %, passant de 1 354,11 millions d’euros à 1 441,09 millions d’euros en AE et en CP (avec une hausse concomitante de 5,32 % des crédits de l’action équivalente pour l’enseignement public), pour 346 500 élèves et 31 513 enseignants. Comme dans l’enseignement public, dès la rentrée 2022, un enseignement de mathématiques sera intégré dans le tronc commun en classe de première générale. Pour cette année scolaire 2022-2023, cet enseignement pourra être suivi à titre facultatif. Des dispositions définitives seront mises en place à la rentrée 2023.
● L’actualisation du forfait d’externat
Le PLF pour 2023 prévoit une actualisation du forfait d’externat. Ainsi, l’abondement de l’action 9 Fonctionnement des établissements augmenterait légèrement de 1,18 %, en passant de 693,05 millions d’euros à 701,20 millions d’euros en AE et CP. Cette action finance le forfait d’externat pour 692,03 millions d’euros, ainsi que les dépenses de fonctionnement à caractère directement pédagogique des établissements d’enseignement privés du second degré, pour 4,41 millions d’euros.
Le forfait d’externat versé par l’État aux établissements d’enseignement privé sous contrat pour chacun de leurs élèves en fonction des formations suivies représente près de 99 % des crédits de cette action, soit 692,03 millions d’euros (contre 685,35 millions d’euros en 2022). Il consiste essentiellement en une participation de l’État, sous forme de subventions, aux dépenses de rémunération des personnels non enseignants liés à l’externat des collèges et lycées : personnels de direction, d’éducation et de surveillance, personnels administratifs, sociaux et de santé, personnels de laboratoire. Représentant 83 % des crédits hors titre 2 du programme, le forfait d’externat est actualisé en 2023, pour tenir compte de l’accroissement prévisionnel des effectifs d’élèves à la rentrée scolaire 2022-2023 (+ 0,34 %), de l’évolution de leur répartition entre les différentes formations, et de la revalorisation des taux ([7]).
VI. Programme 214 : soutien de la politique de l’Éducation nationale
Le programme 214 Soutien de la politique de l’Éducation nationale regroupe les crédits nécessaires aux ressources et fonctions support du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Il poursuit trois objectifs : réussir la programmation et la gestion des grands rendez-vous de l’année scolaire ; améliorer la qualité et la gestion des ressources humaines ; optimiser les moyens des fonctions support.
Par rapport à la LFI pour 2022, les crédits du programme 214 passeraient, dans le PLF pour 2023, de 2 559,83 millions d’euros à 2 910,86 millions d’euros en AE, soit une hausse particulièrement importante de 13,71 %. En CP, ces crédits passeraient de 2 954,21 millions d’euros à 2 757,17 millions d’euros, soit une hausse de 6,28 %.
Le montant des dépenses de personnel de ce programme s’élèverait à 1 909,21 millions d’euros, soit une hausse de 90,1 millions d’euros (+ 4,95 %) par rapport à la LFI pour 2022. Cette hausse s’expliquerait par la hausse du point d’indice de la fonction publique (+ 23,2 millions d’euros), le glissement vieillesse‑technicité (+ 13,1 millions d’euros) et les mesures catégorielles (+ 16,5 millions d’euros). Cette dernière enveloppe couvrira l’extension en année pleine du plan de requalification de la filière administrative du ministère engagé en 2021 et du relèvement du taux de promotion des agents de la filière technique. Elle permettra également le déploiement de mesures de revalorisation des personnels, notamment en faveur des personnels administratifs, techniques, sociaux et de santé. En revanche, l’impact des mesures de revalorisation des enseignants sur le programme 214 restera limité.
S’agissant des crédits hors titre 2, les moyens seraient en hausse de 73 millions d’euros (+ 23 % pour les dépenses de fonctionnement, + 88 % pour les dépenses d’investissement). Cette variation s’expliquerait notamment par les opérations immobilières de grande ampleur (+ 207 millions d’euros en AE et + 19 millions d’euros en CP), l’augmentation des crédits d’action sociale (+ 5 millions d’euros pour les seules mesures destinées au logement) et l’amélioration des systèmes d’information (+ 17 millions d’euros).
PROGRAMME 214 (MISSION enseignement scolaire)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en CP) 2023/2022
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2022 (en millions d’euros) |
PLF 2023 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2023 et 2022 |
01 – Pilotage et mise en œuvre des politiques éducatives |
441,65 |
463,53 |
+ 4,95 % |
02 – Évaluation et contrôle |
83,93 |
87,97 |
+ 4,81 % |
03 – Communication |
14,55 |
15,03 |
+ 3,31 % |
04 – Expertise juridique |
17,12 |
17,67 |
+ 3,22 % |
05 – Action internationale |
11,65 |
12,33 |
+ 5,78 % |
06 – Politique des ressources humaines |
716,96 |
785,24 |
+ 9,52 % |
07 – Établissements d’appui de la politique éducative |
149,65 |
154,07 |
+ 2,95 % |
08 – Logistique, système d’information, immobilier |
753,55 (719,18 en AE) |
797,68 (942,68 en AE) |
+ 5,86 % (+ 31,08 % en AE) |
09 – Certification |
204,76 |
213,50 |
+ 4,27 % |
10 – Transports scolaires |
3,32 |
3,32 |
+ 0,0 % |
11 – Pilotage et mise en œuvre des politiques du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative |
197,05 |
206,82 |
+ 4,95 % |
Total |
2 594,21 (2 559,84 en AE) |
2 757,47 (2 910,86 en AE) |
+ 6,28 % (+ 17,71 % en AE) |
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
● Le développement des évaluations des élèves
Le ministère de l’Éducation nationale met en œuvre un projet ambitieux d’évaluation du système éducatif dans toutes ses dimensions, qui passe notamment par l’extension aux classes de CM1 et de 4ème des évaluations jusqu’ici réalisées pour l’ensemble des élèves des classes de CP et de 6ème.
Ainsi, l’action 2 Évaluation et contrôle rassemble les crédits de rémunération de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), ainsi que les crédits de rémunération et de fonctionnement du conseil d’évaluation de l’école, de la DEPP et des services statistiques académiques. Cette action connaîtrait une hausse de 4,81 %, qui amènerait ses crédits en AE et CP à 87,97 millions d’euros (contre 84,18 millions d’euros en 2022).
Les dépenses de fonctionnement de cette action (5,99 millions d’euros) financent notamment les évaluations PISA (Programme for international student) ou TIMSS (Trends in mathematics and science study), le dispositif CEDRE (cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon) qui établit des bilans nationaux des acquis des élèves en fin d’école et en fin de collège, l’évaluation exhaustive des élèves à l’entrée du CP et du CE1 et en milieu de CP (depuis la rentrée 2018) et des élèves de 6ème, ainsi que l’effet de certaines politiques publiques, comme le dédoublement des classes en éducation prioritaire. Les évaluations d’élèves, exhaustives ou sur échantillons, ont concerné au cours de l’année scolaire 2021-2022 plus de 2,6 millions d’élèves dans le premier degré et 1,9 million d’élèves dans le second degré.
En 2023, des évaluations complémentaires seront réalisées pour tous les élèves des classes de CM1 et de 4ème. Le choix du niveau CM1, à l’entrée du cycle 3 (CM1-CM2-6ème) permet une évaluation à mi-distance entre les évaluations de CE1 et celles de 6ème, de même que le niveau de 4ème, à mi‑distance entre les évaluations de début de 6ème et la fin de la scolarité au collège (diplôme national du brevet en fin de 3ème et tests de positionnement en début de seconde). Pour mettre en œuvre ces évaluations selon les meilleurs standards internationaux, la DEPP teste au préalable un certain nombre d’items afin de garantir la validité des exercices retenus lors de l’évaluation. Cette phase d’expérimentation se déroule à la rentrée 2022 auprès d’échantillons d’élèves, au moment de la passation des autres vagues d’évaluations, pour un coût avoisinant 120 000 euros. Les évaluations proprement dites de tous les élèves de CM1 et de 4ème, soit 1 750 000 élèves, auront lieu à la rentrée 2023. Les crédits supplémentaires demandés en PLF pour 2023 au titre de cette nouvelle étape s’élèvent à 1,6 million d’euros. Rapportés au nombre d’élèves concernés par ces nouvelles évaluations, ces montants représentent 0,91 euro par élève.
● La hausse des crédits d’action sociale pour contribuer à l’attractivité de la profession
Pour contribuer à renforcer l’attractivité du métier d’enseignant et au-delà des seules revalorisations salariales, le ministère met en œuvre un certain nombre de mesures annexes, dont l’augmentation des crédits d’action sociale.
Ainsi, l’action 6 Politique des ressources humaines couvre les crédits de rémunération des personnels de l’administration centrale et des services académiques chargés de la gestion des ressources humaines, les crédits d’organisation des concours de recrutement de l’ensemble des personnels, les crédits de formation, les remboursements de frais de changement de résidence, congés bonifiés et administratifs ainsi que les crédits d’action sociale et ceux relatifs aux subventions d’équipement éducatif et social. Elle comporte notamment la participation du ministère à la protection sociale complémentaire des personnels relevant de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ses crédits augmenteraient de manière importante, de 10,74 % en AE et en CP, pour atteindre 793,94 millions d’euros (contre 716,96 millions d’euros en 2022). Au sein des dépenses de fonctionnement de cette action, de 142,01 millions d’euros, l’action sociale représente 72,73 millions d’euros en AE et 64,03 en CP, en hausse de plus de 100 % (ces crédits s’élevant à 30,02 millions d’euros en AE et CP en 2022).
Si l’augmentation s’explique principalement par la provision de 28 millions d’euros constituée afin que le ministère améliore son quota d’emploi d’agents en situation de handicap, elle traduit également une montée en puissance des dispositifs d’action sociale, qui comprennent notamment :
– les aides en faveur des agents au travers, notamment, de subventions versées à des associations ou mutuelles qui interviennent dans le domaine de l’action sociale (27,63 millions d’euros en AE et 18,73 millions d’euros en CP, contre 17,72 millions d’euros en 2022, pour financer des aides à la restauration, aux vacances, aux loisirs, etc.) ;
– la réservation de logements sociaux (13,1 millions d’euros en AE et en CP contre 8,3 millions d’euros en 2022), en hausse de 4,8 millions d’euros en 2023, après une première hausse de 5 millions d’euros en 2022. Il s’agit de faciliter l’accès à des logements à prix modérés aux primo-fonctionnaires habitant dans des zones dont le marché immobilier est restreint ou particulièrement tendu. Selon le projet annuel de performances, « cette mesure a permis aux académies qui accueillent chaque année le plus grand nombre d’enseignants (néo‑titulaires du second degré, et titulaires et stagiaires du premier degré) et dans lesquelles le logement est en tension (Créteil et Versailles en 2017 et depuis 2018, Créteil, Versailles, Lille et Amiens) de réaliser des conventions de réservations de logements auprès des bailleurs sociaux locaux ». En effet, proposer un logement social pérenne aux personnels titulaires ou mettre à disposition des personnels stagiaires un logement temporaire afin de faciliter leur installation dans leur académie d’affectation peut contribuer au renforcement de l’attractivité des postes d’enseignant dans ces zones ;
– l’accompagnement des personnels en situation de handicap (2 millions d’euros en AE et en CP, comme en 2022, pour compléter les ressources du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique). Les crédits ont principalement vocation à financer les aménagements de poste, les transports domicile-travail, les prothèses auditives et la traduction en langue des signes française ;
– la prise en charge des honoraires médicaux, pour 2 millions d’euros en AE et CP, comme en 2022.
● Des opérations immobilières ambitieuses mais nécessaires
Le ministère est, par ailleurs, engagé dans de grandes opérations immobilières, financées sur le programme 214.
Ainsi, les crédits de l’action 8 Logistique, système d’information, immobilier augmenteraient de 31,08 %, en AE, passant de 719,18 millions d’euros à 942,68 millions d’euros. Ils progresseraient plus faiblement en CP, de 5,86 %, passant de 753,53 millions d’euros à 797,68 millions d’euros. Ces crédits couvrent la définition, la mise en œuvre et le pilotage des politiques transversales relatives aux dépenses de fonctionnement général, aux systèmes d’information, aux équipements informatiques et à l’immobilier du ministère de l’Éducation nationale. La forte différence entre AE et CP s’explique par les programmations pluriannuelles dont font l’objet les dépenses d’immobilier ou les grands projets informatiques.
Les dépenses de fonctionnement, qui atteindraient 384,20 millions d’euros en AE et 338,15 millions d’euros en CP financent notamment les dépenses informatiques, pour 186,63 millions d’euros en AE et 169,96 millions d’euros en CP. Les crédits prévus en 2023 doivent notamment permettre d’améliorer le taux d’équipement des personnels, de poursuivre les grands projets pluriannuels de refonte des systèmes d’information, d’assurer le maintien en condition opérationnelle des systèmes d’information et le fonctionnement des infrastructures et d’accompagner le développement du numérique éducatif auprès des enseignants, des élèves et des familles.
Les dépenses d’investissement augmenteraient massivement, de 88 % en AE, pour atteindre 263,58 millions d’euros, et de 2,05 % en CP, pour atteindre 158,74 millions d’euros. Elles ont notamment vocation à financer d’importantes opérations immobilières, dont le projet de construction d’un bâtiment domanial permettant le regroupement du rectorat de l’académie de Créteil, de la direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN) du Val-de-Marne, du groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle et du centre régional des œuvres universitaires (CROUS) de Créteil, pour lequel les travaux débutent en 2022. Peut également être cité le démarrage du projet de regroupement des services du rectorat de l’académie de Versailles et de la DSDEN des Yvelines, du CROUS et de la Cour administrative d’appel de Versailles sur le site dit « Lesseps ». Ces projets ont pour ambition d’être exemplaires sur le plan de la sobriété énergétique et de repenser les locaux administratifs sur un plan fonctionnel, en tenant compte du télétravail notamment.
Par ailleurs, les constructions scolaires dans les outre-mer se poursuivront, pour un montant demandé de 82,7 millions d’euros en AE et 77,60 millions d’euros en CP. En effet, dans le cadre de la départementalisation de Mayotte en 2011 et par exception au régime de droit commun, l’État conserve l’exercice des compétences en matière d’investissement pour les établissements scolaires du second degré (construction, réhabilitation, extension). Comme l’indique le projet annuel de performances, « pour la période 2019-2022, l’enveloppe prévue dans le contrat de convergence pour les constructions scolaires du second degré à Mayotte s’élève à 334 millions d’euros, soit un montant moyen de l’ordre de 83,5 millions d’euros en AE par an. Un avenant est en cours de préparation pour prolonger le contrat actuel en 2023 ». Ceci doit permettre de faire face à une progression démographique rapide (doublement des effectifs au cours des quinze dernières années), qui requiert la construction ou l’extension tout aussi rapide de bâtiments scolaires. Les opérations prévoient, à terme, la construction de quatre lycées et de huit collèges, ainsi que l’accroissement des capacités d’accueil d’établissements existants et l’augmentation du nombre de structures de restauration.
VII. programme 143 : enseignement technique agricole
L’enseignement et la formation agricoles font partie intégrante du service public national d’éducation et de formation. Cet enseignement, piloté par la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, a accueilli près de 210 000 apprenants pour l’année scolaire 2021-2022, soit un peu plus de 156 000 élèves et 53 000 apprentis au sein de 175 établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles et 586 établissements privés. Le programme 143 Enseignement technique agricole qui assure le financement de ces établissements, poursuit deux objectifs : assurer un enseignement général, technologique et professionnel conduisant à la réussite scolaire et à une bonne insertion sociale et professionnelle ; optimiser la gestion de la formation initiale.
Par rapport à la LFI pour 2022, les crédits du programme 143 passeraient, dans le projet de loi de finances pour 2023, de 1 527,08 millions d’euros à 1 594,94 millions d’euros en AE et CP – soit une hausse de 4,44 %.
Les dépenses de personnel représenteraient 1 069,35 millions d’euros, en hausse de 7,34 %, une augmentation liée à la revalorisation du point d’indice et à l’intégration dans le PLF 2023 des mesures décidées et engagées en 2022 à la suite du Grenelle de l’Éducation, notamment la prime d’attractivité. Aucun crédit n’est prévu pour les revalorisations catégorielles liées aux rémunérations de début de carrière ou au pacte avec les enseignants, mais ces revalorisations – auxquelles les enseignants des filières techniques et agricoles sont bien éligibles – seront opérées par le biais de transferts de crédits en gestion en provenance des crédits de l’Éducation nationale en 2023, avant d’être réintégrées dans le périmètre du programme 143 l’année suivante.
Les dépenses de fonctionnement augmenteraient de 9,60 % tandis que les dépenses d’intervention diminueraient de 1,13 %.
Une dépense fiscale est également associée au programme : la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement secondaire, pour 220 millions d’euros estimés en 2023 (le même montant qu’en 2022).
PROGRAMME 143 (MISSION enseignement scolaire)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en CP) 2023 / 2022
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2022 (en millions d’euros) |
PLF 2023 (en millions d’euros) |
Variations constatées |
01 – Mise en œuvre de l’enseignement dans les établissements publics |
809,04 |
854,68 |
+ 5,64 % |
02 – Mise en œuvre des enseignements dans les établissements privés |
598,79 |
628,54 |
+ 4,97 % |
03 – Aide sociale aux élèves (enseignement public et privé) |
108,48 |
81,56 |
- 24,82 % |
04 – Évolution des compétences et dynamique territoriale |
4,63 |
8,03 |
+ 73,36 % |
05 – Moyens communs à l’enseignement technique agricole, public et privé |
6,21 |
22,13 |
+ 256,42 % |
Total |
1 527,14 |
1594,94 |
+ 4,44 % |
Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
● Une augmentation du schéma d’emplois
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un schéma d’emplois en hausse de 15 ETP, destinés à renforcer les équipes médico-sociales au service des apprenants de l’enseignement technique agricole. Ces personnels sont particulièrement importants pour des établissements qui comptent un pourcentage élevés d’internes (60 %) et des élèves qui effectuent des stages dans des métiers accidentogènes.
Cette augmentation, quoique modeste en apparence, constitue un signal très positif après plusieurs années d’érosion du schéma d’emplois. L’objectif de la DGER est de positionner ces 15 personnels au niveau régional, afin qu’ils aident à structurer un réseau médico-social autour des établissements, d’autant plus nécessaire que les lycées concernés peuvent être situés en milieu rural et connaître des difficultés liées à leur présence au sein de déserts médicaux.
● Un plan de communication pour promouvoir l’enseignement agricole
L’action 4 renommée Mise en œuvre de l’enseignement agricole dans les territoire regroupe les moyens humains et financiers affectés à la mise en œuvre des missions confiées spécifiquement à l’enseignement agricole, notamment la promotion de la formation professionnelle, en particulier par l’apprentissage et la formation professionnelle continue, la lutte contre le décrochage scolaire et les sorties sans qualification ; la mise en œuvre d’actions en faveur de l’éducation au développement durable ou encore la mise en œuvre d’actions d’animation et de développement du territoire. Ses crédits augmenteraient de 73,36 % passant de 4,63 millions d’euros à 8,03 millions d’euros en AE et CP.
Cette action permettra, notamment, de financer la mise en œuvre d’une campagne de communication destinée à promouvoir l’enseignement agricole, et intitulée « L’aventure du vivant », pour un budget de 1,8 million d’euros. Un bus partira ainsi en tournée pour accueillir des classes de l’Éducation nationale et leur permettre de rencontrer des professionnels et des jeunes en lycée agricole, afin que les formations et les métiers leur soient présentés. Des prestataires sont également rémunérés pour mener une action sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’attirer vers cette filière et ces métiers, de manière à lutter contre l’érosion des effectifs constatée ces dernières années, alors même que les secteurs agricole et agroalimentaire sont en forte demande de compétences et de personnel. Il importe, pour conserver l’expertise française, d’y consacrer de tels moyens, d’autant plus que la démographie agricole actuelle arrive à maturité.
deuxième partie – faire de la formation initiale et continue des enseignants un levier d’attractivité de la profession
Comme le montre la première partie relative aux crédits du PLF 2023, les mesures budgétaires – ou qui ont une traduction budgétaire – destinées à renforcer l’attractivité de la profession sont nombreuses : revalorisations salariales, crédits d’action sociale pour les personnels, engagement vers l’innovation et l’école du futur sont des exemples significatifs.
À ces mesures, dont on mettra un certain temps à mesurer les effets et qui devront être prolongées dans la durée, les rapporteurs pour avis ont souhaité relier un sujet moins fréquemment associé à l’enjeu d’attractivité, mais qui constitue pourtant un véritable levier de revalorisation de la profession : celui de la formation, tant initiale que continue, des enseignants.
C’est en effet de cette formation que dépend la constitution d’un vivier d’enseignants potentiels ainsi que leur fidélisation, la qualité de leur entrée dans le métier et de leurs premières années de carrière, des années charnières, ainsi que la perspective d’une évolution tout au long de leur vie professionnelle, d’un enrichissement personnel et d’une mobilité tant intellectuelle que fonctionnelle, autant d’éléments qui sont de nature à renforcer l’attractivité de ces professions.
Si de nombreuses réformes ont été menées ces dernières années, des difficultés sont encore fréquemment soulevées, et la France accuse un retard par rapport à d’autres États comparables, rendant des évolutions aujourd’hui nécessaires.
I. La formation initiale a connu des avancées récentes permettant une entrée plus facile dans le métier, qui doivent être prolongées
A. Des avancées récentes permettant une entrée plus facile dans le métier
1. L’élaboration d’un master spécialisé plus professionnalisant, faisant une place importante à la pratique professionnelle
La formation initiale des enseignants – entendue ici comme incluant leur formation professionnelle après l’obtention du concours mais également leur formation universitaire préalable à ce concours – a été largement réformée ces dernières années.
La dernière étape de cette réforme, effective depuis 2022, a conduit à organiser désormais les concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) et du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) en fin de seconde année de master et non plus entre la première et la deuxième année. Aussi, l’année de titularisation s’effectue après l’obtention du master, et non plus en parallèle, conduisant à intégrer dans le parcours une année complémentaire de formation, dont les coûts sont pris en charge par le projet de loi de finances pour 2023 (cf. infra).
Au-delà de ce seul déplacement du concours, qui permet à l’étudiant de deuxième année de ne plus cumuler son statut d’étudiant et celui de fonctionnaire‑stagiaire, des évolutions de fond ont été apportées, qui garantissent une formation initiale plus professionnalisante et mieux à même de préparer les futurs enseignants aux réalités de leur métier. Ainsi, le contenu du concours lui-même a été modifié, pour favoriser des épreuves appréciant mieux les compétences professionnelles, requérant moins de « bachotage » et valorisant davantage l’expérience pédagogique.
En outre, et même si la détention du master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation », dit « master MEEF » n’est pas obligatoire pour passer les concours d’enseignant (tout autre diplôme de master ouvrant également cette possibilité), la maquette de ce master a été revue afin de renforcer sa dimension professionnalisante et de préparer au mieux aux métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation. Délivré par les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé), il permet aujourd’hui une entrée progressive dans le métier en alternant des enseignements théoriques spécifiques (sur les disciplines d’enseignement, la pédagogie), des thèmes d’éducation transversaux (comme la citoyenneté, la sensibilisation à l’environnement et au développement durable), des gestes professionnels (tels que la conduite de classe, la prévention des violences scolaires) et des connaissances sur les parcours des élèves (processus d’apprentissage, orientation), pour une durée horaire équivalente à 800 heures d’enseignement et d’encadrement pédagogique sur les deux années. Le cursus fait également une large place à la pratique professionnelle et intègre des stages d’observation et de pratique accompagnée (SOPA) dès la première année de master, pour un total de 18 semaines dans la scolarité (6 semaines en première année de master et 12 semaines en deuxième année).
Enfin, depuis la rentrée 2021, la deuxième année du master peut être réalisée en alternance, donnant lieu à un contrat de travail rémunéré à hauteur de 865 euros bruts par mois. Au cours de cette alternance, les étudiants sont placés en responsabilités devant les élèves, avec un temps de service correspondant à un tiers de l’obligation réglementaire de service annuelle. Chaque étudiant est accompagné tout au long de l’année par deux tuteurs : un tuteur de terrain, au titre de la circonscription d’affectation si possible choisi au sein de l’établissement d’accueil, et un tuteur membre de l’équipe enseignante de l’Inspé. Si l’alternance n’est pas obligatoire, elle a vocation à devenir la modalité normale de réalisation du master MEEF, le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse devenant a priori le principal employeur des alternants.
Le projet de loi de finances pour 2023 tient compte de ces évolutions :
– 14,8 millions d’euros prévus pour la gratification des étudiants en master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) lors de leurs semaines de stage d’observation et de pratique accompagnée en milieu scolaire : 7,20 millions d’euros dans le premier degré public, 6,05 millions d’euros dans le second degré public et 1,55 millions d’euros dans l’enseignement privé sous contrat (en dépenses d’intervention de l’action 4 Formation des personnels du programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré, de l’action 10 Formation des personnels du programme 141 Enseignement scolaire public du second degré et de l’action 10 Formation des personnels enseignants du programme 139 Enseignement privé du premier et du second degré). Les alternants, pour leur part, sont rémunérés sur les titres 2 de ces différents programmes ;
– 9,3 millions d’euros sont prévus pour financer l’année supplémentaire de formation par les Inspé, l’année préalable à la titularisation s’effectuant désormais après la deuxième année de master (4 millions d’euros pour la prise en charge de l’année supplémentaire de formation des stagiaires du premier degré public, 4 millions d’euros au titre des stagiaires du second degré public et 1,34 millions d’euros au titre de l’année supplémentaire de formation des stagiaires de l’enseignement privé sous contrat).
2. Le développement de parcours permettant de fidéliser les étudiants dès l’obtention du baccalauréat
En parallèle de cette réforme du master MEEF et des concours de recrutement des enseignants, deux parcours préalables à ce cursus ont été créés, qui permettent d’identifier et de fidéliser des étudiants de manière précoce, dès le baccalauréat ou en fin de première année de licence, pour leur offrir un parcours sécurisé et accompagné, et leur faire découvrir les métiers de l’enseignement en leur donnant toutes les chances d’y accéder effectivement.
Le parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) s’adresse aux étudiants, dès la première année de licence. Il permet, en s’appuyant sur des licences existantes (mathématiques, lettres, sciences de l’éducation), de prévoir une formation comportant :
– des enseignements de culture générale et pluridisciplinaires dispensés en lycée ;
– des enseignements de spécialisation et d’approfondissement adossés à la recherche dispensés à l’université en fonction de la licence suivie ;
– des stages d’observation et de pratique accompagnée dans un établissement du premier degré, dès la première année de licence.
Les étudiants bénéficient ainsi d’un enseignement spécifique leur permettant de se préparer au mieux à la poursuite d’études en master MEEF puis à la préparation du CRPE, tout en obtenant en parallèle une licence « classique ». 24 PPPE, couvrant 22 académies, ont été expérimentés depuis la rentrée 2021, pour des promotions de 30 à 40 étudiants par parcours et un total d’environ 700 étudiants. À la rentrée 2022, le nombre était de 48 PPPE, dans 29 académies, proposés au sein de 14 mentions de licence. Ces parcours, à qui un portage politique important a permis de donner une grande visibilité, notamment sur Parcoursup, ont connu un fort succès, enregistrant souvent plusieurs centaines de candidatures pour quelques dizaines de postes offerts. Il est encore trop tôt pour déterminer si les étudiants de ces voies poursuivront effectivement leur scolarité en master MEEF, puis s’ils passeront les concours d’enseignant, mais le projet semble prometteur pour constituer et fidéliser un vivier d’enseignants potentiels, dont la « vocation » est présente dès la fin du lycée, et dont l’accompagnement tout au long des cinq années du parcours peut favoriser la réussite.
En outre, depuis la rentrée 2019, un parcours de préprofessionnalisation peut être choisi de la deuxième année de licence jusqu’à la première (puis la seconde) année de master MEEF, pour des étudiants qui se préparent aux concours du premier et du second degrés et qui souhaitent compléter leur formation universitaire par des missions d’assistant d’éducation, rémunérées, évoluant au long de leurs études. Les AED en préprofessionnalisation prennent ainsi d’abord en charge, pour huit heures par semaine, des dispositifs d’accompagnement à l’enseignement tels que le dispositif « devoirs faits », puis évoluent progressivement vers l’enseignement en pleine responsabilité devant des élèves, mission qu’ils exercent lorsqu’ils sont inscrits en master MEEF. Ces étudiants, au plan budgétaire, ne sont pas considérés comme des moyens d’enseignement inclus dans le plafond d’emplois, mais comme des personnels additionnels rémunérés hors titre 2, par un contrat de droit public de trois ans auquel peut s’ajouter un contrat d’un an, portant désormais la période de préprofessionnalisation jusqu’à la seconde année du master par cohérence avec le déplacement du concours. Ils bénéficient d’un accompagnement adapté grâce à la mise en place d’un double tutorat, avec un tuteur de terrain dans l’établissement scolaire d’exercice et un tuteur référent en université. La rémunération, qu’ils perçoivent dès la deuxième année de licence, varie entre 862 et 1 219 euros bruts selon l’année d’études. Elle est cumulable avec les bourses d’études sur critères sociaux. Comme l’indique le ministère de l’Éducation nationale, « l’objectif du dispositif étant d’attirer et de sécuriser les étudiants financièrement défavorisés, ce montant cumulé permet d’atteindre un niveau de rémunération similaire à celui d’un apprenti » et donne ainsi à des étudiants de catégories socio‑professionnelles moins favorisées la chance d’avoir accès à des études longues. À la rentrée 2019, 1 181 étudiants avaient été recrutés en deuxième année de licence, suivis de 1 884 nouveaux recrutement à la rentrée 2020 puis de 2 467 nouveaux recrutements à la rentrée 2021. 3 000 recrutements étaient prévus pour les rentrées 2022 et 2023, représentant un engagement financier de l’État de 178 millions d’euros dans le PLF 2023, soit une augmentation de 55 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2022.
3. Une formation initiale ajustée au parcours du lauréat
En complément des réformes récentes, la formation initiale consécutive à l’obtention des concours de recrutement est ajustée, de manière à être différenciée selon le parcours antérieur du lauréat. Ainsi, les lauréats de ces concours se trouvent dans deux situations distinctes depuis la rentrée 2022, selon qu’ils ont suivi un master MEEF ou non, et qu’ils ont effectué une année d’alternance ou non. De manière générale :
– les titulaires d’un master MEEF exercent à plein temps et bénéficient de journées libérées pour compléter leur formation ;
– les titulaires de masters autres que MEEF exercent à mi-temps et bénéficient d’une formation complémentaire en Inspé, de manière à répondre aux exigences du référentiel des compétences professionnelles.
L’adaptation de la formation initiale et la personnalisation du parcours selon le cursus préalablement s’approfondissent, ce que les rapporteurs pour avis estiment très positif et de nature à ajuster au mieux la formation professionnelle aux besoins de chaque lauréat des concours pour garantir une entrée en classe réussie.
B. des possibilités d’amélioration susceptibles de renforcer l’attractivité des concours et des métiers de l’enseignement
Malgré ces avancées récentes, la formation initiale des enseignants souffre encore de plusieurs écueils. Si une nouvelle réforme de grande ampleur n’est pas à envisager, tant l’écosystème de l’éducation nécessite de la stabilité, des ajustements doivent être apportés pour renforcer le succès des étudiants et des fonctionnaires‑stagiaires et limiter l’autocensure ou l’abandon, au cours de la scolarité comme dans les toute premières années de la carrière.
1. Une multiplicité des parcours potentiels qui entraine une certaine complexité
Si la multiplicité des voies d’accès au concours n’est pas une difficulté en elle-même – elle permet la diversité des profils et la réponse à des besoins variés – la lisibilité de l’écosystème doit être améliorée, comme l’ont indiqué un grand nombre de personnes auditionnées par les rapporteurs pour avis.
En effet, cette profusion de possibilités (AED en préprofesionnalisation, PPPE, licence en sciences de l’éducation ou licence disciplinaire, suivie d’un master MEEF ou d’un master disciplinaire, avec une alternance ou non) peut, paradoxalement, entrainer une confusion importante et brouiller l’orientation, dès lors que le panorama n’est pas suffisamment clair pour les lycéens et étudiants et que Parcoursup ne référence pas de manière précise l’ensemble des formations pouvant conduire au professorat des écoles ou à l’enseignement du second degré, ainsi que leurs caractéristiques respectives.
Cette multiplicité soulève également des difficultés d’organisation pour les universités et les Inspé, liées à des problématiques de taille critique trop faible des promotions des différents parcours pour mettre en place les ajustements (notamment d’emplois du temps) que ceux-ci requièrent. Il a, enfin, été signalé aux rapporteurs pour avis qu’il pouvait être difficile pour les Inspé de gérer toute la diversité de parcours lorsque des étudiants de formations préalables très diverses, et parfois inégales, arrivent en master MEEF.
Aussi, il apparait souhaitable qu’une évaluation des différents parcours, lorsque leurs premières promotions seront arrivées au stade du concours, soit effectuée (en termes de satisfaction des étudiants, mais aussi de réussite aux concours et de poursuite effective dans l’Éducation nationale), de manière objective. Il s’agit d’estimer leurs atouts respectifs et de garantir une diversité de voies d’accès adaptée à la diversité des profils et des besoins de l’Éducation nationale, sans pour autant saupoudrer les moyens ni entretenir une complexité excessive pour les étudiants, les universités et les Inspé.
2. Un démarrage poussif de l’alternance
Le dispositif de l’alternance en master MEEF n’a, à ce stade, pas encore rencontré le succès escompté. Selon le réseau des Inspé, pour l’année 2022-2023, seuls 35 % des étudiants de deuxième année de master sont concernés, alors même que l’objectif est de tendre vers la très grande majorité. Plusieurs raisons peuvent expliquer le faible nombre de contrats conclus :
– le manque de tuteurs pour accompagner ces alternants, ne permettant pas d’ouvrir les postes souhaités. La valorisation de ces missions de tutorat dans le cadre du pacte avec les enseignants pourrait être envisagée lors des concertations à venir avec les organisations syndicales ;
– la difficulté à trouver des « berceaux » d’alternance, qui soient suffisamment proches du lieu de vie et du lieu de formation (l’Inspé), cette triangulation étant parfois complexe ;
– la concurrence entre ces étudiants en alternance et les autres étudiants des Inspé (en stage d’observation) ou fonctionnaires-stagiaires (présents dans les établissements à 50 % ou à 100 % selon leur parcours antérieur), pour lesquels il est également nécessaire de trouver des « berceaux » de stage dans une même triangulation géographique (lieu du stage, lieu de vie, Inspé) ;
– la comptabilisation des alternants comme moyen d’enseignement, les soumettant ainsi au plafond d’emploi des académies et pouvant exercer une concurrence avec des postes de contractuels à temps plein.
Les rapporteurs pour avis notent, toutefois, qu’il y a aujourd’hui entre 8 000 et 9 000 alternants, contre 5 000 l’an dernier, soit une progression très nette qui devrait se poursuivre : en effet, les premiers résultats montrent que, de manière générale, les contractuels alternants ont connu de meilleurs taux de réussite aux concours 2022. Ce constat devrait renforcer l’attractivité du dispositif, d’autant plus que la rémunération qu’il permet (865 euros bruts par mois pour un tiers-temps) est un aspect essentiel pour de nombreux étudiants. L’amélioration de la communication autour du dispositif et la prise en compte des missions des tuteurs au sein du pacte avec les enseignants pourraient contribuer à renforcer son succès.
3. Une charge de travail très importante en deuxième année de master
Alors même que l’un des objectifs de la réforme était d’alléger la charge de travail des étudiants en deuxième année de master – qui étaient, jusqu’en 2022, à la fois étudiants et fonctionnaires-stagiaires – il semble que cet objectif n’a pas été atteint. Au contraire, la charge de travail semble s’être accrue.
En effet, les étudiants de deuxième année de master doivent, à la fois, rédiger un mémoire de recherche, valider leur année universitaire, préparer leur concours et réaliser des stages voire une alternance pour un tiers-temps en responsabilité devant une classe, impliquant également des heures de préparation en plus des heures d’enseignement.
Cette charge de travail conduit, selon certains syndicats, à des situations de stress et de souffrance, et contraint souvent les étudiants à donner la priorité au « terrain » et à négliger une partie de leur scolarité. En tout état de cause, il est possible qu’elle décourage des étudiants de s’engager dans cette voie, d’autant plus que la réussite au concours – particulièrement dans ces conditions – peut apparaître aléatoire et que la reconversion vers une autre filière d’études supérieures ou un autre métier peut être délicate après cette spécialisation en master MEEF.
Les rapporteurs pour avis souhaitent qu’une réflexion soit conduite à ce sujet pour, sans affaiblir la qualité de la formation, garantir aux étudiants des conditions qui leur permettent de réussir effectivement dans ce parcours exigeant.
4. Un contenu de formation initiale en décalage avec les évolutions du métier ?
Aux termes de l’article L. 721-2 du code de l’éducation, la formation initiale dispensée par les Inspé doit comporter un certain nombre de modules ou d’actions, dont la liste a été étoffée au fil des années et des textes de loi et permet aujourd’hui aux stagiaires d’appréhender un grand nombre de sujets en plus des compétences disciplinaires à proprement parler, notamment :
– la formation à la maîtrise des outils numériques et à leur usage pédagogique ;
– la préparation aux enjeux de l’éducation aux médias ;
– la sensibilisation à l’enseignement pluridisciplinaire des faits religieux et à la prévention de la radicalisation, à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations, à la lutte contre la diffusion de contenus haineux, au respect et à la protection de l’environnement et à la transition écologique, à la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers ;
– la formation à la promotion des activités physiques et sportives comme facteurs de santé publique.
Pour autant, alors même que le niveau universitaire des enseignants est élevé, la formation longue et la liste des modules importante, un grand nombre d’enseignants s’estiment encore insuffisamment formés.
Ainsi, selon une étude de la DEPP de 2021([8]), la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves, la gestion de la classe ainsi que l’utilisation du numérique en classe sont les aspects du métier pour lesquels les enseignants français du premier degré s’estiment les moins bien préparés : seul un professeur des écoles sur quatre ayant abordé ces domaines s’y estime bien ou très bien préparé. Les enseignants du second degré font part de leurs réserves s’agissant de la formation à la gestion de classe : seul un enseignant sur trois ayant abordé ce contenu s’estime bien ou très bien préparé. Sur ces sujets, il apparait que la formation initiale reçue par les enseignants français est inférieure à celle de leurs homologues européens.
Comparaison européenne des contenus abordés en formation initiale par les enseignants (en %)
Source : DEPP, l’État de l’école 2021
Lecture : chaque cercle représente un pays de l’Union européenne interrogé, une couleur plus foncée indique la superposition de plusieurs cercles. 91 % des enseignants français du premier degré déclarent avoir abordé le contenu propre aux disciplines enseignées lors de leur formation initiale, ce pourcentage est un peu plus élevé pour les autres pays européens excepté un.
Les syndicats entendus par les rapporteurs pour avis évoquent également la nécessité de repenser les contenus de la formation des enseignants, estimant que ceux-ci ne sont plus en prise avec les évolutions du métier, s’agissant notamment du bien-être des élèves, de la relation avec les familles ou du harcèlement scolaire.
Si des évolutions sur ces sujets sont en cours, il semble nécessaire d’aller plus loin et de cesser d’opposer la question des savoirs disciplinaires et des savoirs pédagogiques, pour mêler davantage les deux aspects dès la formation initiale. Des modules spécifiques selon les différentes classes du premier degré doivent également être envisagés.
II. La formation continue a pris un nouvel élan qui reste à prolonger
La formation continue des enseignants a, elle aussi, connu de nombreuses évolutions ces dernières années, mais les difficultés qu’elle rencontre encore appellent des ajustements complémentaires.
Une véritable impulsion sur ce sujet a été donnée depuis la fin des années 2010, avec le souci d’assurer à tous les enseignants un niveau minimal dans les domaines disciplinaires mais aussi d’harmoniser leurs compétences pédagogiques et de leur donner la possibilité de construire des parcours, d’évoluer dans leur profession pour ceux qui le souhaitent.
Comme l’indique la Médiatrice de l’Éducation nationale, il existe chez les enseignants une véritable appétence à compléter, enrichir ou approfondir leur formation pour être en capacité de répondre aux problématiques qu’ils rencontrent dans leur exercice quotidien, mais également dans la perspective d’évolutions ou de développement professionnel (mobilité interne et externe, préparation d’une thèse de doctorat, etc.). Ceci contribue indéniablement à l’attractivité du métier et à la motivation des enseignants.
La formation continue doit, ainsi, répondre à deux objectifs :
– permettre aux enseignants de s’adapter en continu aux changements et aux besoins de l’institution scolaire (réformes, contextes d’enseignement, etc.) et de répondre aux problématiques qu’ils rencontrent dans leur exercice quotidien ;
– permettre l’épanouissement professionnel et personnel des enseignants, dans une logique d’évolution de carrière, de droit à la formation tout au long de la vie et de parcours individuel.
En parallèle, la rentrée 2022 a été marquée par le recrutement d’un certain nombre de personnels contractuels, quoiqu’en réalité moins élevé que cela avait pu être anticipé (moins de 2 % des enseignants dans le premier degré ; moins de 9 % dans le second degré) et qui, pour la très grande majorité d’entre eux, étaient déjà en poste l’année précédente. Ceci n’en pose par moins avec une acuité renouvelée la question de la formation continue, pour des personnels placés devant les élèves après quelques jours d’une formation intensive, et qui devront continuer à acquérir des connaissances et compétences dans leurs premiers mois ou années d’exercice.
A. Des mesures engagées depuis la fin des années 2010 récemment accentuées
Un accent politique fort a été mis sur la formation continue dès la fin des années 2010, et a été renforcé ces dernières années, comme en témoignent plusieurs grands rendez-vous politiques : les Assises de la formation continue, d’une part, organisées en mars 2019, mais aussi le Grenelle de l’éducation débuté à l’automne 2020 et dont plusieurs engagements concernent la formation ([9]).
1. Le schéma directeur de la formation continue
À la suite des Assises de la formation continue de mars 2019, un schéma directeur de la formation continue a été mis en œuvre pour la première fois sur la période 2019-2022, avec pour ambition de construire une stratégie de formation cohérente, en lien avec les académies. Élaboré conjointement par la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) et la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’Éducation nationale, il donne une véritable impulsion et une unité à la politique de formation continue, tant dans une perspective d’amélioration des enseignements dispensés aux élèves que dans une perspective de développement personnel et d’évolution de carrière. Ce schéma permet de fixer certaines exigences et principes, tels que la nécessité :
– de faciliter l’accès à la formation continue ;
– de permettre à chaque personnel d’être acteur de son parcours ;
– de donner à chacun la possibilité de faire connaître ses compétences ;
– de permettre l’accès à des diplômes et des certifications ;
– de soutenir des projets collectifs et des dynamiques locales.
Le schéma directeur a été renouvelé pour la période 2022-2025, et concerne tous les personnels du ministère. Il permet un continuum de formation initiale, continuée et continue, à travers des actions conduites autant que possible à proximité des environnements professionnels, et en lien avec le déploiement de la gestion des ressources humaines de proximité (cf. infra). Il s’articule autour de six axes prioritaires de formation, qui sont traduits annuellement, au niveau national, dans le plan national de formation (PNF) et, au niveau territorial, dans les plans académiques de formation (PAF) :
– incarner, faire vivre et transmettre les valeurs de la République ;
– consolider les acquis et les parcours scolaires ;
– piloter la mise en œuvre, au niveau territorial, des politiques de jeunesse et de sport ;
– accompagner le développement professionnel par la transformation RH ;
– accompagner les encadrants dans leurs responsabilités managériales ;
– consolider les connaissances, les compétences et les usages du numérique.
Les rapporteurs pour avis soutiennent cette démarche, qui permet de donner de la lisibilité, de la visibilité et de la cohérence à la politique de formation continue. Ils regrettent toutefois que certains acteurs essentiels, comme l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (Inshea), n’aient pas été associés à l’élaboration de ce schéma directeur.
2. Le déploiement de formations spécifiques nationales
En parallèle du schéma directeur, de grands plans nationaux de formation, ayant pour ambition de toucher l’ensemble des enseignants d’un degré ou d’une discipline donnée, ont été engagés et témoignent de l’ambition du ministère à cet égard.
Ainsi, le déploiement du plan mathématiques à la rentrée scolaire 2018 et celui du plan français à la rentrée 2020 sont venus compléter les actions déjà engagées en direction des professeurs des écoles. Ces plans permettent de revenir sur le substrat académique nécessaire, tout en travaillant sur la façon de l’enseigner aux élèves. Ils articulent le besoin des enseignants de consolider leur niveau académique avec l’apprentissage des meilleurs moyens de transmettre le savoir. L’objectif est d’offrir à tous les professeurs des écoles, au terme d’une période de six ans, cinq jours de formation intensive en mathématiques et cinq jours en français. Selon les réponses reçues au questionnaire adressé par les rapporteurs pour avis, « les plans entrent dans un rythme de croisière consolidé pour 2022-2023 ».
Dans le cadre de ces plans, les professeurs des écoles sont accompagnés en « constellation », c’est-à-dire réunis dans un groupe de six à huit professeurs animé par un référent de circonscription afin d’échanger ou d’observer les meilleures pratiques de leurs collègues. La volonté de pragmatisme est importante, et les thèmes de travail sont arrêtés par les enseignants eux-mêmes. Depuis la rentrée 2020, près de 1 600 référents mathématiques de circonscription ont formé environ 40 000 professeurs des écoles.
Par ailleurs, à la rentrée 2021, un plan de formation à la laïcité et aux valeurs de la République a été lancé, avec pour objectif de toucher l’ensemble des enseignants, dans leur formation initiale comme continue. Un cahier des charges et un référentiel de compétences de cette formation ont été publiés le 12 septembre 2021. 1 300 formateurs sont mobilisés pour assurer la formation continue d’un quart des personnels de l’Éducation nationale chaque année, sur trois demi-journées, les formations étant organisées à l’échelle de l’école, du collège, du lycée ou du bassin d’éducation. À ce jour, 130 000 personnels ont été formés dans les 30 académies. Un objectif de 300 000 enseignants supplémentaires formés est fixé pour l’année 2022‑2023 et l’ensemble des enseignants devra avoir été formé avant 2025. Par ailleurs, depuis mars 2021, un parcours national d’autoformation « Faire vivre les valeurs de la République », accessible sur la plateforme de formation en ligne M@gistère, propose également une mise à niveau en deux heures à l’attention de tous les personnels. À ce jour, près de 10 000 personnels ont réalisé ce parcours.
Les rapporteurs pour avis se félicitent de ce travail considérable, mais indispensable, de formation de l’ensemble des enseignants sur un sujet ou un enjeu spécifique, qui témoigne de la capacité de l’institution scolaire dans son ensemble, et non des seuls individus qui la composent, à s’adapter aux évolutions des attentes ou de la société.
3. La diversification des modalités de formation
La période la plus récente a, également, vu une double expansion des modalités de la formation continue, dans ses formats d’une part, et dans ses opérateurs d’autre part.
Ainsi, avant même l’accélération liée à la crise sanitaire, l’administration a développé des formations numériques ou hybrides, sur des plateformes en ligne telles que M@gistère. Ceci permet une autoformation, souvent bienvenue pour s’adapter aux contraintes des enseignants.
En parallèle, des formations hors du ministère de l’Éducation nationale se diffusent, dispensées par des organisations syndicales, des communautés professionnelles, des associations ou des organismes privés. Selon le Centre national d’études des systèmes scolaires (Cnesco) qui a organisé une grande conférence de comparaisons internationales sur le sujet de la formation continue à l’automne 2020 ([10]), la moitié des enseignants se sont formés pendant leur carrière en dehors du ministère et, au fil des décennies, un écosystème de la formation continue informelle s’est constitué en parallèle de celui du ministère de l’Éducation nationale. Le ministère mobilise des crédits qui constituent un fonds de partenariat associatif pour cofinancer des actions proposées par des associations ([11]). Ces crédits, représentant 3,8 millions d’euros par an, sont alloués à des associations partenaires de l’école qui offrent des formations aux enseignants sur des thèmes très divers : école inclusive, éducation au développement durable, parcours citoyen, laïcité, lutte contre les préjugés et les discriminations, amélioration du climat scolaire, coopération pédagogique, ouverture artistique et culturelle, développement des sciences.
Pour les rapporteurs pour avis, une telle diversité de supports et d’acteurs, y compris privés, peut-être un élément positif, dès lors que l’écosystème reste lisible et que la qualité des prestataires et des formations est attestée d’une manière ou d’une autre (cf. infra).
4. Le développement des écoles académiques de la formation continue
Les efforts engagés pour rénover la formation continue de l’ensemble des personnels se concrétisent notamment au sein de la mise en œuvre, généralisée à la rentrée 2022, des écoles académiques de la formation continue (EAFC).
L’objectif, issu du Grenelle de l’éducation, est de proposer une offre moins diffuse, au sein d’un lieu unique, sous l’autorité d’un directeur unique, et concentrant la politique de formation continue en termes de moyens humains, budgétaires et matériels, tout en travaillant avec différents opérateurs (notamment les Inspé et le réseau Canopé, opérateur de formation du ministère). Les EAFC s’adressent à tous les personnels de l’Éducation nationale (enseignants, AESH, personnels de santé, personnels administratifs, etc.). Elles devront proposer des formations individuelles et collectives, construites autour de parcours plutôt que d’actions ponctuelles, à partir des besoins de formation exprimés par les personnels.
Plusieurs éléments peuvent, selon les rapporteurs, contribuer à la valeur ajoutée des EAFC :
– la proximité, grâce à des parcours conçus au plus près des besoins et dispensés sur les territoires ;
– la concertation en amont permettant davantage de cohérence dans l’offre ;
– la mobilisation coordonnée d’une diversité d’acteurs et opérateurs de la formation ;
– l’amélioration de l’ingénierie de formation qui lui est liée ;
– la création d’un véritable « centre de ressources » qui dépasse le cadre du seul centre de formation et permet de réunir des communautés d’apprentissage.
L’année 2022-2023, première année scolaire d’activité de ces écoles, devrait être attentivement étudiée pour qu’un premier bilan de ces dispositifs puisse être dressé à l’été. Il s’agira de veiller à leur homogénéité sur le territoire tout en encourageant leur adaptation aux réalités locales propres à chacune, mais aussi de garantir qu’elles apportent une réponse satisfaisante aux besoins et aux attentes des enseignants.
5. Des moyens importants, mais sous-consommés
Les crédits consacrés à la formation des enseignants du premier et du second degrés sont importants, de 952,48 millions d’euros pour le premier degré (soit une nette augmentation de 6,83 %), et de 740,32 millions d’euros pour le second degré (soit une augmentation de 6,26 %).
Outre les dépenses de personnel, consacrées à la rémunération des formateurs, ces actions financent, respectivement pour 26,51 et 35,65 millions d’euros les coûts d’organisation de la formation, incluant la mise en œuvre pratique des plans nationaux de formation, mais également les frais de déplacement, la formation règlementaire des directeurs d’école ainsi que les gratifications des étudiants en master MEEF et la prise en charge des stagiaires en Inspé.
Comme l’indique le ministère dans le projet annuel de performances, les crédits prévus pour 2023 devraient permettre de financer les formations liées aux priorités ministérielles : l’acquisition des savoirs fondamentaux, le renforcement des valeurs de la République dont la laïcité, l’éducation prioritaire, la scolarisation des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers, les dispositifs de lutte contre la difficulté scolaire ou encore le numérique.
En parallèle, toutefois, les rapporteurs pour avis notent une sous‑consommation chronique des crédits, qui n’apparait pas liée à la seule crise sanitaire. Ainsi, 49,2 % des crédits de formation hors titre 2 des programmes 140 et 141 ont été consommés en 2017, 58,11 % en 2018, 78,0 % en 2019, 67,8 % en 2020 et 42,3 % en 2021. Cette sous-consommation peut, notamment, être la traduction d’une difficulté à faire se rencontrer l’offre et la demande, les souhaits des enseignants et les habitudes des formateurs en académie, et appelle une réponse. Malgré ce constat, le ministère maintient dans le PLF pour 2023 l’enveloppe consacrée aux formations, estimant que les transformations à venir, notamment dans le cadre de l’école du futur, nécessiteront d’accélérer les démarches de formation des enseignants. Les rapporteurs pour avis s’en félicitent.
B. Des ajustements à opérer pour mieux accompagner la carrière des enseignants
Ces évolutions portent certains fruits : selon la DEPP, près de huit enseignants sur dix du premier degré public et près de six enseignants sur dix du second degré public ont eu accès à la formation continue en 2019-2020. Le temps annuel consacré à la formation est de 2,4 jours en moyenne pour les enseignants du premier degré et de 2,7 jours pour ceux du second degré ([12]). Un objectif d’au moins trois jours par an de formation continue est assigné au dispositif de formation ministériel.
Cela étant, la France reste fréquemment pointée du doigt comme étant en retard en matière de formation continue des enseignants. Ainsi, un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale ([13]) pointe « une situation paradoxale où, malgré la demande soutenue des enseignants et de l’institution, le faible volume de la formation continue de classer la France derrière des pays comparables », pouvant conduire le système éducatif français à souffrir, à terme, d’un véritable handicap comparatif. Ce rapport met également en évidence « un décrochage qui s’accentue entre des professeurs qui se forment beaucoup et d’autres qui se forment peu voire échappent à toute formation ». De même, selon le Cnesco ([14]), la formation continue ne touche toujours pas l’ensemble des personnels, elle est encore souvent perçue comme une prescription descendante peu liée aux besoins réels rencontrés au quotidien et les personnels sont peu acteurs de leur développement professionnel.
Les rapporteurs pour avis notent, ainsi, plusieurs difficultés requérant des évolutions.
1. Une valorisation des formations à renforcer
La plupart des organismes auditionnés par les rapporteurs pour avis ont fait part du manque d’incitation des enseignants à se former, lié notamment à une insuffisante valorisation des formations suivies dans la carrière. En effet, le fait de participer ou non à des formations occupe une place très marginale parmi les critères d’évaluation des enseignants par leur hiérarchie ou les inspections. En France, seuls 6 % des professeurs considèrent qu’une participation à une activité de formation continue peut avoir une incidence positive sur le déroulement de leur carrière, contre 18 % pour la moyenne européenne ([15]).
Selon le Cnesco, « les entretiens d’accompagnement de carrière entre inspecteurs et enseignants ne permettent pas systématiquement d’évoquer les efforts faits dans ce domaine ». Seuls 47 % des enseignants du premier degré et 56 % des enseignants du second degré ayant eu un rendez-vous de carrière ([16]) indiquent avoir abordé des questions de formation au cours de cet entretien ([17]). Si une rubrique des rendez‑vous de carrière porte, aujourd’hui, explicitement sur les besoins de formation, il apparait nécessaire d’aller plus loin.
En outre, ces formations trop courtes, le plus souvent organisées par l’Éducation nationale, donnent rarement lieu à l’attribution d’une reconnaissance officielle. Selon le Cnesco, 8 % des enseignants de collège ont suivi des formations qualifiantes contre 15 % dans l’OCDE.
Plusieurs démarches sont en cours, que les rapporteurs saluent : certaines académies ont lancé des politiques, encore embryonnaires, de certifications des formations suivies ; des diplômes universitaires voire interuniversitaires (DIU) ont été lancés, notamment sur le numérique ou les valeurs de la République qui, lorsqu’ils existent, rencontrent un certain succès.
La réflexion sur ces sujets doit être accélérée et accentuée, de manière à valoriser, en termes de progression de carrière voire de rémunération, l’engagement des enseignants dans leur formation continue.
2. Un véritable droit à la formation à instaurer
Pour inciter les enseignants à se former sur le temps de vacances scolaires et limiter les enjeux de remplacement, le décret n° 2019-935 du 6 septembre 2019 prévoit la création d’une allocation de formation aux personnels enseignants relevant de l’Éducation nationale dans le cadre de formations suivies pendant les périodes de vacance des classes, pour les formations suivies par les enseignants à l’initiative de l’autorité compétente. La réalisation de ces actions de formation dans le cadre de l’utilisation du compte personnel de formation ouvre également droit à l’attribution de cette allocation. Le montant de l’allocation est de 20 euros bruts par heure, dans la limite de 120 euros par jour et de cinq jours par année scolaire.
Pour l’année scolaire 2021-2022, 2 261 enseignants en ont bénéficié (1 609 dans le premier degré et 652 dans le second degré), pour un total de 27 045 heures indemnisées et un coût estimé à 700 000 euros par an ([18]). Ce chiffre parait très faible au regard du nombre d’enseignants. Il semble qu’un grand nombre d’enseignants ne soient pas informés de cette possibilité et que, pour d’autres, la formation sur congés scolaires soit impossible (pour des raisons de garde d’enfants notamment) ou n’appartienne pas à la « culture » professionnelle. Dans plusieurs académies dont les recteurs ont été entendus par les rapporteurs pour avis, l’organisation de telles formations a dû être annulée, faute de participants.
En conséquence, les demandes de formation sur temps scolaire, qui constituent la quasi-totalité des demandes, entrainent des difficultés en matière de remplacement, et sont parfois refusées faute de remplaçant disponible. Dans le premier degré, les syndicats indiquent qu’un grand nombre d’enseignants s’autocensurent, pour éviter que leurs élèves ne soient répartis dans les classes de leurs collègues. De même, alors même que les enseignants des réseaux d’éducation prioritaire ont droit à des formations spécifiques (9 journées par an), ces formations n’auraient plus lieu dans beaucoup de départements en raison d’un manque de remplaçants. La Médiatrice de l’Éducation nationale indique également recevoir quelques saisines de la part d’enseignants sur le motif de demandes de formations refusées faute de remplaçant, bien que cela reste marginal dans son activité.
Pour vos rapporteurs pour avis, une réflexion doit être engagée sur l’articulation des temps de formation, en période scolaire et hors temps scolaire, et sur la mise en œuvre effective d’un véritable droit à la formation.
Le droit individuel de formation
Tout enseignant titulaire (ou tout enseignant non titulaire comptabilisant au moins une année de services effectifs) peut demander à bénéficier du droit individuel à la formation, qui est éventuellement accordé dans la limite des crédits académiques disponibles. La demande, étayée par un projet professionnel structuré, doit passer par la voie hiérarchique pour avis. Si une suite favorable lui est apportée par l’autorité administrative, elle fait l’objet d’un accord écrit entre l’enseignant et l’administration.
Les obligations réglementaires de service (ORS) des enseignants du 1er degré comportent un service d’enseignement en présence des élèves, auxquelles s’ajoutent 18 heures annuelles à consacrer à de la formation continue et de l’animation pédagogique.
De plus, tout nouveau professeur du premier ou du second degré peut bénéficier d’une formation renforcée sur les trois premières années d’exercice professionnel en qualité de titulaire. Tout enseignant contractuel peut bénéficier d’une formation adaptée à la prise de poste, y compris en cours d’année.
Le compte personnel de formation (CPF) est aujourd’hui pleinement mis en place. Il permet aux enseignants de disposer de droits à formation, comptabilisés en heures, pour développer de nouvelles compétences. De 2017 à 2019, les enseignants ont acquis des droits de formation sur la base et dans la limite de 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis de 12 heures par an dans la limite du plafond global de 150 heures. Depuis 2020, l’acquisition des droits s’effectue sur la base et dans la limite de 25 heures par an.
3. Une offre en décalage avec les besoins à affiner par la GRH de proximité
Plusieurs rapports, de même que les syndicats, font état d’une formation continue qui ne répond pas, ou pas suffisamment, aux besoins des enseignants.
En effet, seuls 53 % des enseignants du premier degré et 36 % des enseignants du second degré déclarent discuter de leurs besoins en formation avec des personnels de direction ou d’encadrement ([19]). Les syndicats le confirment : les formations proposées ne sont pas construites à partir des besoins formulés par les personnels mais sont souvent imposées, principalement pour évoquer la mise en œuvre de réformes en cours, et majoritairement à un public désigné.
Ainsi, l’enseignement aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers apparaît comme un besoin prioritaire de formation. De même, les enseignants ayant moins de trois années d’ancienneté expriment principalement des besoins pour des formations touchant à la gestion de la classe et au comportement des élèves. Pourtant, selon la DEPP ([20]), « à l’inverse, les domaines ayant trait aux compétences pédagogiques, à la connaissance et à la maîtrise de la discipline enseignée ainsi qu’aux connaissances des programmes scolaires sont ceux pour lesquels les enseignants sont moins nombreux à exprimer des besoins élevés de formation. Toutefois, les formations relatives à ces trois domaines sont celles qui ont été les plus suivies ».
Besoins de formation exprimés et activités de formation suivies sur les douze mois précédent l’enquête Talis (Teaching and Learning International Survey) de 2018
Source : DEPP, L’état de l’école 2021
Le développement de la gestion des ressources humaines de proximité (GRH de proximité) devrait apporter une première réponse et avoir notamment pour effet de recenser les besoins en formation et les attentes des enseignants, de manière à proposer une offre qui réponde à leurs aspirations. Après une année d’expérimentation qui a concerné la moitié des académies en 2018-2019, la publication de la circulaire n° 2019-105 du 17 juillet 2019 a permis d’établir les objectifs et les modalités de mise en œuvre de ce dispositif, qui a été généralisé à l’ensemble des académies à la rentrée 2019-2020 et dont la densification s’est poursuivie au cours de l’année scolaire 2020-2021. Parmi l’une des quatre missions principales de ce dispositif figure l’accompagnement individuel des personnels, s’agissant notamment de leurs parcours de carrière, de leur évolution professionnelle, de leur projet de mobilité ou de leur projet de formation. Le recueil de besoins de formation par la RH de proximité est en train de se mettre en place. Il convient d’accentuer ce mécanisme, notamment en le formalisant et en définissant un outil et une procédure propre.
4. Un système complexe à rationaliser
Un grand nombre d’acteurs participent à la formation continue des personnels du ministère, dont :
– le réseau Canopé en tant qu’opérateur de la formation tout au long de la vie des enseignants dans un environnement numérique. À l’échelle nationale, l’opérateur a réalisé 7 894 actions de formation pour 126 311 agents en 2020-2021 ;
– l’institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF), en tant qu’opérateur national de la formation des personnels d’encadrement ;
– les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé), en tant qu’opérateurs de la formation initiale et de la formation continue ;
– l’institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (Inshea) ;
– le réseau des établissements relevant de la jeunesse et des sports, notamment le centre de ressources d’expertise et de performance sportive (Creps) pour la formation professionnelle statutaire des personnels de la jeunesse et des sports etl’institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep).
En parallèle, plusieurs plateformes de formation en ligne ou hybrides se sont également développées, notamment M@gistère, le site Eduscol, les ressources sur tous supports du réseau Canopé (notamment CanoTech), le portail de ressources Prim’ à bord pour les enseignants du premier degré, les portails disciplinaires pour les enseignants du second degré et les réseaux nationaux de ressources pour les enseignants du second degré des voies professionnelles et technologiques
Cependant, les rapporteurs pour avis estiment que si la profusion des ressources, des dispositifs et opérateurs est une richesse, leur dispersion sur de nombreuses plateformes, diversement organisées, ne permet pas aux enseignants de s’en emparer aisément et en brouille la lisibilité. Elle peut également conduire à une dilution des responsabilités, qui sont partagées par des organismes très différents. Une réflexion pourrait être conduite sur le rôle propre de chaque opérateur, de manière à dresser un panorama clair et accessible pour les enseignants.
5. Une formation à arrimer à la recherche et à développer aux niveaux individuels et collectifs
La recherche doit jouer un rôle essentiel dans la formation, initiale comme continue des enseignants. À cet égard, la mise en place du Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) témoigne d’une véritable prise en compte de cet enjeu par le ministère.
En effet, selon le CSEN, dont certains responsables ont été entendus par les rapporteurs pour avis, il existe une science de l’apprentissage très applicable à l’Éducation nationale, reposant sur un grand nombre d’éléments scientifiques qui pourraient apporter beaucoup aux enseignants, mais pour lesquels la transmission fait défaut. Alors que de nombreuses synthèses ont été publiées depuis cinq ans (notamment sur le rôle de la mémoire, l’apprentissage de la lecture, etc.) dans des formats accessibles et exploitables, celles-ci ne semblent pas parvenir à franchir les portes des classes. Les rapporteurs pour avis forment le vœu que les EAFC permettent de créer davantage de ponts entre le monde de la recherche, le monde universitaire de manière générale et l’Éducation nationale, afin de faire percoler le travail de la recherche vers les professeurs, comme cela se fait d’ailleurs dans un grand nombre de pays. À ce titre, il est regrettable que le CSEN n’ait pas été sollicité sur la mise en place des EAFC et le contenu des formations qui pourraient être dispensées.
La formation continue doit, également, s’inscrire à la fois au niveau individuel et aux niveaux collectifs de l’école, du bassin, de l’académie. Selon le Cnesco, ces formations collectives et collaboratives sont de nature à avoir des effets très positifs sur les enseignants en termes de confiance en soi, de sentiment d’efficacité sur les apprentissages des élèves et de plus grande ouverture sur le changement de pratique. Pourtant, selon la DEPP ([21]), les activités de formation continue les plus fréquemment suivies, dans le premier comme dans le second degré, sont des cours ou séminaires en présentiel et des conférences pédagogiques, alors même que les professeurs indiquent que les formations ayant eu l’effet le plus positif sur leur manière d’enseigner prévoyaient des mises en pratique dans la classe. Selon le CSEN ([22]), « seuls 15 % des professeurs français ont recours à des méthodes de formation collaboratives, contre plus de 50 % dans l’ensemble des pays européens ».
Pour les rapporteurs pour avis, il convient d’avancer vers des méthodes de formation plus collaboratives, laissant peut-être moins de place aux formations individuelles en ligne, mais permettant de développer les notions d’établissement apprenant ou de communauté apprenante et de s’enrichir des bonnes pratiques observées entre pairs.
6. Une évaluation de l’efficacité des formations à améliorer
Enfin, plusieurs organismes font état d’une insuffisante évaluation des formations qui, trop souvent, se limite à un questionnaire rempli par les enseignants formés, immédiatement après la fin de la session de formation. Ceci ne permet pas d’en mesurer les effets concrets, notamment sur les évolutions des pratiques professionnelles après le retour en classe des enseignants et les conséquences, par exemple, sur la réussite des élèves.
Selon le Cnesco ([23]), « l’institution peine à faire évoluer positivement son modèle historique, car les évaluations de la qualité des formations ne sont pas systématiques ». 45 % des enseignants du premier degré et 11 % des enseignants du second degré indiquent que les actions auxquelles ils ont participé entre 2018 et 2020 n’incluaient jamais de moyen d’évaluer leur satisfaction. Un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche de 2020 ([24]) identifie également l’évaluation des effets des formations comme présentant des marges de progrès significatives tant les méthodes et le périmètre des évaluations académiques sont souvent réducteurs. Si la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel crée une obligation de certification pour les dispensateurs de formation souhaitant bénéficier des fonds de la formation professionnelle issus des opérateurs de compétences, la certification Qualiopi qui en résulte ne permet pas d’attester de l’efficacité finale des actions de formation proposées, mais seulement de la qualité des prestataires.
Les EAFC devraient permettre de remédier partiellement à ces difficultés, en organisant une évaluation des formations et des formateurs. Les modalités de cette évaluation sont en cours de construction et devraient intégrer l’effet des formations sur le moyen et le long terme. Les rapporteurs pour avis fondent beaucoup d’espoir sur cette évolution et appellent, en tout état de cause, à organiser a minima une évaluation à six mois, par un simple questionnaire « à froid » auprès des enseignants ayant suivi des formations sur les bénéfices qu’ils en tirent.
— 1 —
Lors de sa réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 17 heures ([25]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273 ‑ seconde partie), M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Ce projet de loi de finances, le premier de la législature, est un marqueur de notre ambition en matière d’éducation. Traduisant les engagements du Président de la République, il représente un projet d’investissement massif et sans précédent dans l’enseignement scolaire, au service des élèves, pour préparer l’avenir de la nation.
Cette augmentation inédite s’inscrit dans une dynamique de croissance constante depuis 2017. En effet, lors du précédent quinquennat, le budget de l’Éducation nationale a progressé de 13 %, passant de 48,8 milliards d’euros en 2017 – hors contribution des pensions de l’État – à 55,2 milliards en 2021. Néanmoins, ce budget, par l’ampleur de l’augmentation proposée, constitue une rupture. Ainsi, le PLF pour 2023 prévoit un budget de 59,7 milliards, soit 3,7 milliards supplémentaires par rapport à 2022, ce qui représente une croissance de 6,5 %. La hausse est considérable et inédite.
Les priorités s’organisent autour de cinq axes. Le premier, la revalorisation de l’enseignement, est celui qui compte le plus dans le budget. La revalorisation est indispensable à toute action de refondation et de transformation de l’école. Il s’agit de reconnaître l’engagement des enseignants au service de leurs élèves et de leur pays, un engagement qui, reconnaissons-le, n’a pas toujours été récompensé à sa juste valeur. Il s’agit aussi d’une question de niveau de vie, et d’un marqueur indispensable de considération, de respect et de soutien pour ces agents publics qui apportent tant à la société. Je n’ai pas besoin d’insister sur les difficultés de recrutement que nous rencontrons.
Si cet effort a été amorcé en 2017 par mon prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, notamment dans le cadre du Grenelle de l’éducation, le PLF pour 2023 traduit une ambition nouvelle. Ainsi, la revalorisation des rémunérations représente une enveloppe totale de 1,135 milliard, ce qui est d’autant plus considérable qu’elle est budgétée pour seulement quatre mois – elle entrera en vigueur le 1er septembre prochain.
Cette revalorisation est composée de deux parties. La première est inconditionnelle ; la seconde sera perçue dans le cadre d’un pacte, à condition que les enseignants exercent certaines missions. Celles-ci seront définies dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales ouverte le 3 octobre.
La première partie dispose d’une enveloppe de 635 millions, ce qui représente 1,9 milliard en année pleine. En concentrant les moyens sur la première partie de carrière – les vingt premières années –, l’objectif est de casser le faux plat qui caractérise la progression de salaire sur cette période. Cette enveloppe permet de prolonger l’effort fourni dans le cadre du Grenelle de l’éducation et complète la hausse du point d’indice des fonctionnaires, pour aboutir à une hausse moyenne de 10 %. La promesse du Président de la République sera tenue : aucun nouvel enseignant ne sera payé moins de 2 000 euros net par mois.
Les personnels en fin de carrière ne sont pas oubliés. L’accès aux grades finaux – hors classe et classe exceptionnelle – sera amélioré dans le cadre de mesures interministérielles encore en discussion.
La revalorisation passera aussi par un pacte, proposé à tous les enseignants. Ils percevront, s’ils exercent certaines missions, une hausse supplémentaire de rémunération. Sans préjuger des conclusions des concertations en cours, la formation hors temps d’enseignement, la mise en œuvre de projets pédagogiques, le suivi individualisé des élèves, l’aide à l’orientation ou le remplacement de courte durée pourraient faire partie des missions considérées. D’ailleurs, elles sont souvent déjà effectuées, sans être pleinement valorisées.
En prenant en compte la part inconditionnelle, la revalorisation pourra être portée à 20 % pour les enseignants volontaires. Ce dispositif conditionné est doté d’une enveloppe de 300 millions ; l’équivalent en année pleine évoluera, à compter de 2024, en fonction du rythme des adhésions au pacte. L’ensemble des enseignants, y compris ceux des lycées professionnels, bénéficieront de ces revalorisations.
Les autres professionnels de l’Éducation nationale pourront bénéficier de mesures catégorielles, les enjeux d’attractivité et de reconnaissance pouvant aussi toucher ces catégories. Ainsi, la prime en réseau d’éducation prioritaire (REP) et réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +) sera étendue à des personnels qui ne la touchaient pas, tels que les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les assistants d’éducation (AED). Cela correspond à une enveloppe totale de 74 millions d’euros. Par ailleurs, les personnels de la filière médico-sociale, les personnels administratifs ou les conseillers pédagogiques bénéficieront de revalorisations spécifiques. Une enveloppe de près de 66 millions d’euros sera mobilisée pour l’ensemble de ces mesures catégorielles.
La réussite de tous les élèves constitue le deuxième axe et se traduit, d’un point de vue budgétaire, par deux actions. L’amélioration du taux d’encadrement sera poursuivie dans le premier degré et stabilisée dans le second degré. Les dispositifs tels que les dédoublements en REP, le plafonnement à 24 élèves des classes de primaire hors REP ou le développement des classes unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) seront étendus.
Cela peut paraître antinomique avec le schéma d’emploi négatif. En réalité, le mouvement démographique, qui entraîne la baisse du nombre d’élèves chaque année, s’accélère. En dix ans, le nombre annuel des naissances est passé de 830 000 à 738 000. La baisse du nombre d’élèves – de 300 000 – constatée lors du dernier quinquennat, va s’accentuer, à un rythme de 100 000 élèves par an. À la rentrée 2022, nous constatons une diminution de 58 000 élèves, légèrement moins importante que prévu car 19 000 élèves ukrainiens sont venus renforcer les effectifs. Nous devrions compter entre 95 000 et 100 000 élèves en moins pour l’année scolaire 2023-2024.
Si nous devions répercuter l’intégralité de cette baisse sur le nombre d’enseignants, nous supprimerions 5 000 postes. En limitant la réduction à 2 000 postes, nous poursuivons l’effort engagé pour améliorer le taux d’encadrement. Dans le premier degré, qui est notre priorité, nous sommes passés de 23,6 enfants à 21,6 enfants en moyenne par classe entre 2016 et 2022 ; nous prévoyons de faire encore baisser ce chiffre en 2023 pour atteindre 21,3 élèves en moyenne par classe.
Au-delà des dispositions budgétaires, la réussite des élèves passera par des réformes structurantes, comme celle du collège, à laquelle nous travaillons activement.
Le Président de la République a souhaité procéder, dans le cadre d’une large concertation menée par la ministre déléguée Carole Grandjean, à la réforme de l’enseignement professionnel. Certains amendements témoignent de la crainte d’une remise en cause de l’acquisition des fondamentaux. Une voie doit être trouvée pour préserver l’acquisition des connaissances générales tout en améliorant l’insertion des élèves de lycées professionnels dans le marché du travail. Le PLF pour 2023 ne traduit pas ces orientations, qui ne seront prises qu’à l’issue de la phase de concertation – dès vendredi, quatre groupes de travail seront lancés.
Le troisième axe, c’est la poursuite de l’école inclusive. Celle-ci demeure plus que jamais une priorité, pour mon ministère comme pour le Gouvernement. Ainsi, 4 000 postes d’AESH sont créés pour la rentrée 2023, après une hausse identique en 2022. Vos propositions d’amendements font apparaître une préoccupation légitime quant à la situation financière de ces personnels. Je partage les objectifs de revalorisation et de « déprécarisation ».
Je tiens néanmoins à souligner que l’avenir de cette profession doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion globale sur l’école inclusive ; il nous faut travailler sur la diversité des formes d’accompagnement, rénover les modalités de notification, privilégier l’évaluation des besoins des élèves en situation de handicap. Des concertations ont débuté après la tenue, le 8 octobre, du comité interministériel sur le handicap. Elles permettront d’engager des évolutions plus profondes.
Mais nous travaillons déjà à l’amélioration des conditions de rémunération des AESH. Ainsi, ils bénéficieront des primes d’exercice en REP et REP +, pour une enveloppe de 43 millions. La revalorisation de la rémunération passe également par une progression du temps de travail, l’objectif étant que ceux qui le souhaitent puissent effectuer 35 heures. Cela représente un gain substantiel de revenu pour ces personnels essentiels à la réussite des élèves.
La lutte contre les inégalités constitue le quatrième axe de notre action. Elle est au fondement de notre capacité à faire société, elle est la condition du bon fonctionnement de l’éducation nationale et de l’amélioration globale de nos résultats. Nous développons les dispositifs de soutien aux familles les plus fragiles grâce à une hausse des bourses de 4 % dès la rentrée 2022, ce qui représentera 835 millions en 2023. Par ailleurs, nous encourageons fortement les établissements à mieux utiliser leurs fonds sociaux, actuellement sous-consommés.
Le dispositif visant à offrir des petits-déjeuners gratuits à l’école sera amplifié, le nombre d’établissements demandeurs étant en augmentation : une enveloppe en forte hausse y est consacrée, pour un total de 21,3 millions d’euros.
Je suis très vigilant en matière d’inégalités territoriales. L’expérimentation des contrats locaux d’accompagnement et des territoires éducatifs ruraux sera étendue. Près de 9 millions d’euros sont inscrits au PLF 2023 pour ces deux dispositifs qui complètent la carte de l’éducation prioritaire.
La baisse des effectifs d’enseignants tiendra compte des enjeux liés à la ruralité. Conformément à l’engagement du Président de la République, aucune fermeture d’école n’interviendra sans l’accord des maires.
Enfin, l’enjeu de la mixité sociale est essentiel pour la réussite des élèves les plus défavorisés, tout comme l’ouverture vers des parcours plus diversifiés. Nous poursuivons la création de sections internationales en éducation prioritaire pour faire de ces établissements des centres attractifs.
Le cinquième et dernier axe consiste à donner aux équipes éducatives qui le souhaitent des moyens pour construire des projets pédagogiques innovants. Ces moyens sont inclus dans le fonds d’innovation pédagogique, dont la création a été annoncée par le Président de la République, dans une optique de généralisation de l’expérience « Marseille en grand ». Ce fonds a pour vocation de financer des projets qui s’inscrivent dans la continuité des projets d’établissement, et qui pourront être très divers dès lors qu’ils visent à améliorer la réussite des élèves. Ils devront se rapporter à l’une au moins des trois dimensions fondatrices de la politique éducative : l’élévation du niveau de tous les élèves, la réduction des inégalités, le bien-être des élèves. Je me réjouis de constater que, depuis deux semaines, plusieurs centaines d’établissements se sont déjà lancés dans des concertations.
Cette approche constitue une rupture fondamentale. Elle s’appuie sur une déconcentration totale du financement et une réponse rapide aux propositions issues du terrain. Le fonds d’innovation pédagogique permettra par exemple – comme le proposent certains de vos amendements – de financer du matériel adapté aux élèves en situation de handicap, des projets culturels, environnementaux ou centrés sur des méthodes innovantes d’apprentissage des savoirs fondamentaux. Ce fonds sera doté de 500 millions d’euros sur la durée du quinquennat, et de 150 millions dès l’année 2023. Il s’agit d’un montant considérable, qui permettra à toutes les équipes souhaitant s’engager dans cette démarche d’être soutenues financièrement.
Je suis certain qu’avec ce fonds, en faisant confiance aux communautés éducatives dans les écoles et établissements, en leur permettant de construire des projets qui répondent aux besoins qu’elles identifient, nous parviendrons à transformer l’école, au bénéfice de tous les élèves. Pour 2023, les crédits du fonds sont inscrits dans la mission Investir pour la France de 2030.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Ce budget témoigne d’une ambition forte : faire de l’école le lieu de l’instruction et de la réussite de tous les élèves. Après deux années marquées par la crise sanitaire, la dernière rentrée a suscité des inquiétudes en raison du manque annoncé d’enseignants. Nous avons constaté, et les auditions l’ont confirmé, que les services académiques ont mené un travail remarquable cet été et que, de manière générale, la rentrée s’est bien passée. Malgré un plus faible nombre de candidats aux concours de recrutement des enseignants, le taux d’encadrement reste élevé – il augmente même dans le premier degré.
Cependant, pour faire face à la crise structurelle que connaît le métier d’enseignant, le Gouvernement a annoncé des mesures de revalorisation salariale inédites. Au-delà du seul salaire, ce PLF tend à améliorer l’attractivité du métier en développant des contrats de préprofessionnalisation, en augmentant la hausse des crédits d’action sociale à destination des personnels, ou en laissant une plus grande initiative aux équipes pédagogiques pour construire des projets.
Nous saluons l’augmentation de plus de 6 % des crédits de la mission Enseignement scolaire, qui atteignent 82,47 milliards, contributions aux pensions de l’État incluses. Les six programmes sont concernés par cette augmentation.
La hausse du budget de cette mission, dont plus de 90 % des crédits concernent la masse salariale, correspond en grande partie aux revalorisations. À la hausse du point d’indice – 1,7 milliard d’euros – s’ajoute la revalorisation des rémunérations des enseignants en début de carrière – 635 millions d’euros – et les primes accordées dans le cadre du pacte avec les enseignants – 300 millions d’euros, une enveloppe qui évoluera en fonction de l’adhésion des professeurs.
Le contenu précis des missions nouvelles et les modalités de mise en œuvre du pacte font l’objet de concertations. Nous serons très attentifs aux résultats sur lesquels elles déboucheront.
En parallèle, le schéma d’emplois diminue d’environ 2 100 postes d’enseignants – 1 117 postes dans le premier degré, 481 postes dans le second degré et 502 postes dans l’enseignement privé –, ce qui représente 0,19 % de l’ensemble des postes du ministère. Cependant, cette diminution s’opère dans un contexte de très forte baisse démographique. Elle n’affectera pas le taux d’encadrement des élèves, lequel continue à s’améliorer pour le premier degré et se stabilise pour le second degré.
Ce budget permet de poursuivre et de prolonger la mise en œuvre des dispositifs relatifs à l’égalité des chances. Ainsi, le programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré prévoit que 1 670 emplois seront consacrés à la poursuite du dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire. Nous nous en réjouissons. Par ailleurs, les dispositifs cordées de la réussite, contrats locaux d’accompagnement et territoires éducatifs ruraux seront prolongés, pour un montant de 13 millions d’euros. Nous saluons également l’extension de la prime allouée aux personnels exerçant en éducation prioritaire, à hauteur de 74 millions d’euros.
L’ambition d’une école réellement inclusive se traduit par une augmentation très importante de 11,38 % des crédits consacrés à l’inclusion, au sein du programme 230 Vie de l’élève. Ces crédits permettront le recrutement sur le titre II, à la rentrée scolaire 2023, de 4 000 AESH supplémentaires ainsi que la création de 300 nouvelles classes Ulis.
Enfin, nous notons la grande place faite à l’innovation, pour avancer vers une école du futur qui profite à tous. Celle-ci se traduira au collège par des expérimentations autour de la classe de sixième, classe charnière s’il en est, mais aussi par de la pratique sportive, ou encore de la découverte professionnelle. En parallèle, 150 millions seront consacrés au fonds d’innovation pédagogique : ils auront vocation à financer les projets novateurs proposés directement par les établissements scolaires, dès lors qu’ils présenteront un contenu pédagogique fort. Ces crédits sont inscrits sur la mission Investir pour la France de 2030. Ils seront débloqués et alloués en fonction de l’émergence des projets.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Pour aller plus loin, nous avons souhaité étudier un levier d’attractivité du métier d’enseignant trop souvent sous-estimé, celui de la formation initiale et continue. Dans ces deux domaines, des réformes importantes ont été menées ces dernières années et ont porté leurs fruits. Toutefois des difficultés persistent, qui doivent être levées.
La formation initiale a été marquée par le déplacement en fin de deuxième année de master des concours de recrutement du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) et du concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE). Loin d’être une mesure isolée, cette évolution s’inscrit dans une série de modifications que nous saluons : l’évolution des maquettes des formations et des concours, davantage tournées vers les compétences professionnelles ; le développement de l’alternance en master 2 ; l’élaboration de parcours préparatoires ou de préprofessionnalisation dès la première année de licence.
Ces dispositifs permettent de constituer un vivier d’étudiants intéressés par les métiers de l’éducation dès la fin du lycée, de les fidéliser et de les accompagner en sécurisant leur parcours de formation pendant cinq ans. L’accent porté sur la pratique professionnelle, l’observation et la mise en responsabilité progressive, doivent permettre de confronter les étudiants de manière précoce aux réalités du terrain et de la profession qu’ils aspirent à exercer, de manière à prévenir les désillusions en fin de parcours ou dans les premières années de carrière.
Néanmoins, des difficultés persistent. Elles tiennent à la multiplicité des parcours, à une faible visibilité sur Parcoursup, au manque de places disponibles pour les étudiants en master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) qui souhaitent bénéficier d’une alternance ou encore à la charge de travail importante en master 2. Certaines organisations syndicales évoquent aussi un contenu de la formation initiale encore décalé par rapport aux réalités du terrain. Des ajustements peuvent être proposés sur ces points, sans engager une nouvelle réforme de grande ampleur, dont les acteurs ne souhaitent pas.
En matière de formation continue, les dernières années ont été marquées par de grandes évolutions. Le schéma directeur de la formation continue a été élaboré en 2019 ; des formations ont été mises en place, avec l’objectif de toucher l’ensemble des enseignants – plan mathématiques, plan français, formation sur les valeurs de la République et la laïcité – ; la gestion des ressources humaines de proximité a été développée pour recueillir au mieux les attentes des personnels ; des écoles académiques de la formation continue (EAFC) ouvrent depuis la rentrée. Ces avancées sont essentielles pour atteindre deux objectifs : l’adaptation des enseignants aux besoins de l’institution, l’épanouissement professionnel et personnel.
Plusieurs difficultés font que la France ne parvient pas à rattraper son retard sur les autres États de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). D’abord, les enseignants regrettent une trop faible valorisation des démarches de formation, peu ou pas prises en compte dans leur déroulement de carrière. Ensuite, ils soulignent que les formations ne répondent pas toujours aux besoins, malgré une multiplicité d’acteurs et d’offres. Enfin, nous notons une difficulté à évaluer l’efficacité réelle de ces formations, notamment en classe, et ce seulement quelques mois après leur suivi.
Nous relayons ici plusieurs pistes d’évolution qui nous ont été suggérées : les priorités de la formation continue doivent être clarifiées ; les formations doivent être mieux reconnues grâce aux certifications ; davantage d’évaluations à froid doivent être conduites, y compris par des questionnaires d’autoévaluation.
Monsieur le ministre, nous donnerons un avis favorable aux crédits de la mission mais nous avons quelques questions.
Une évaluation des différents parcours préparant aux concours de l’enseignement – parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE), AED préprofessionnalisation, etc. – est-elle envisagée ? Il s’agit de garantir la diversité des voies d’accès, adaptées aux différents profils, sans saupoudrer les moyens ou entretenir une complexité excessive pour les étudiants, les universités ou les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspe).
Les crédits de formation continue sont sous-consommés – 60 % en 2018, 75 % en 2019, 50 % en 2021 – mais les ambitions du ministère sont grandes. Une augmentation progressive de ces crédits est-elle envisagée, éventuellement dans le cadre d’une programmation pluriannuelle ?
Enfin, le dispositif d’indemnisation des personnels effectuant des formations pendant les périodes de vacances scolaires ne semble pas avoir trouvé son public. Dans le même temps, plusieurs organismes font état de refus de demandes de formations sur temps scolaire, faute de remplaçants disponibles. Compte tenu de la conjoncture, cette situation risque de s’aggraver ; quelles solutions sont-elles envisagées ?
L’audition est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-sept heures cinquante-cinq.
M. Robin Reda, rapporteur spécial. J’ai le plaisir de rapporter, au nom de la commission des finances, ce premier budget du quinquennat, premier budget aussi de l’État, avec 60,2 milliards de crédits. Ceux-ci sont en augmentation de 3,7 milliards. La rentrée, qu’on annonçait difficile, s’est passée de façon très honorable, sous le pilotage du ministre, dans un contexte sanitaire bien meilleur : elle marque ainsi un retour à la normale.
Les enjeux liés à l’école figurent parmi les grandes priorités du Président de la République pour ce quinquennat. Il l’a affirmé devant les recteurs d’académie : « Nous rêvons d’une école qui fasse réussir nos enfants et qui fasse réussir la France ».
Ce budget en hausse traduit l’hommage unanime que nous rendons à nos enseignants et notre souhait collectif que leur métier soit revalorisé. Cette revalorisation doit prendre une forme sonnante et trébuchante, et ce budget vise une augmentation de 10 % en moyenne. Nous renforçons aussi les moyens de soutien à la politique de l’éducation nationale pour des professeurs mieux formés, mieux accompagnés. Leur autorité doit être replacée au cœur des préoccupations, afin que les valeurs et les principes républicains soient respectés.
À cette étape de mon propos, permettez-moi d’avoir une pensée pour Samuel Paty et, en évoquant sa mémoire, pour tous ses collègues professeurs et professionnels du monde éducatif, qui œuvrent chaque jour afin de préserver l’école des pressions religieuses, et pour défendre cette belle protection universelle et humaniste qu’est la laïcité.
Dans la trajectoire des années antérieures, qui ont vu augmenter les moyens dédiés à l’enseignement scolaire, le budget de la mission 2023 est marqué par plusieurs objectifs. D’abord, il s’agit d’offrir le meilleur accompagnement possible : le taux d’encadrement progresse, alors même que nous vivons une forte baisse démographique. Le nombre de postes d’enseignants restera plus élevé que les besoins, ce qui permet une organisation plus souple et plus qualitative au sein des établissements scolaires. Nous pourrions citer aussi la poursuite des dédoublements de classes, le renforcement de l’apprentissage des savoirs fondamentaux ou les nouveaux temps dédiés à la meilleure orientation des élèves.
Ensuite, il faut provoquer un choc d’attractivité pour le métier d’enseignant, qui doit retrouver dignité et prestige. Au-delà des revalorisations générales liées à l’augmentation du point d’indice et à la pérennisation des mesures du Grenelle de l’éducation, une enveloppe supplémentaire de 935 millions est prévue pour tous les enseignants, dont une part correspond au pacte avec les enseignants, actuellement en concertation. La reconnaissance sociale de l’engagement et des efforts des enseignants en dehors du temps scolaire doit se traduire par un complément de rémunération.
Par ailleurs, le Président de la République a souhaité libérer l’école de ses carcans, préfigurant ce que pourrait être l’école du futur. Aux côtés des dispositifs pédagogiques existant et financés par la mission Enseignement scolaire, je veux mentionner la mise en place du fonds d’innovation pédagogique, destiné à faciliter la mise en œuvre de projets éducatifs. Il faudra bien sûr évaluer ces nouvelles méthodes pédagogiques, en s’appuyant notamment sur les travaux du conseil d’évaluation de l’école, qui ont vocation à prendre de l’importance et à accompagner les équipes éducatives dans cette vision nouvelle. Permettez-moi de souhaiter le succès de cette démarche.
L’école inclusive poursuit sa montée en puissance avec le recrutement de 4 000 AESH supplémentaires. Le budget pour l’accueil des enfants en situation de handicap ou à particularités est en augmentation de 220 millions, après avoir augmenté de 1,3 milliard en cinq ans. Cela va de pair avec la reconnaissance du métier des plus de 130 000 AESH, qu’il convient encore d’accompagner sur la voie d’emplois plus stables et mieux rémunérés.
Je tiens à mentionner l’irruption de la question écologique à l’école, dans les contenus d’enseignement mais aussi dans les projets éducatifs en lien avec la préservation de la nature, ou encore dans l’attention portée à la rénovation du bâti scolaire. Ces questions sont dévolues aux collectivités territoriales et sont d’une importance particulière en cette période de nécessaire sobriété énergétique.
Dans cette optique, l’enseignement agricole, avec plus de 200 000 élèves, propose des formations d’excellence dans la « grande aventure du vivant » ; il bénéficie pour cela de 67 millions d’euros supplémentaires. Au-delà de la formation de qualité qu’il offre, cet enseignement répond aux enjeux de souveraineté alimentaire en préparant à des emplois qui ont du sens, pour bâtir l’agriculture de demain et nourrir nos concitoyens.
Il n’y a pas de fatalité, ni au décrochage éducatif – que certains exagèrent à des fins politiciennes – ni au maintien de déterminismes encore trop ancrés. Ce budget d’avenir prend la mesure d’un véritable combat contre la montre pour que l’humanisme, l’universalisme et le progrès demeurent, grâce à l’éducation, le fondement de notre société démocratique.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Graziella Melchior (RE). La hausse inédite de 6,4 % des crédits, preuve de l’ambition du Gouvernement, concerne l’ensemble des six programmes de la mission.
Ce budget de sortie de crise sanitaire financera la scolarisation de plus de 12 millions d’élèves, répartis de la maternelle au lycée, dans l’enseignement public et privé, dans les filières générale et professionnelle. Il intervient dans un contexte de nette baisse démographique, si bien que la diminution du schéma d’emploi d’environ 2 100 postes d’enseignement est sans conséquence sur le taux d’encadrement des élèves. Celui-ci continue à s’améliorer dans le premier degré ; il se stabilise dans le second degré.
La majeure partie de l’augmentation permet de répondre au manque d’attractivité du métier d’enseignant. Sur les 4,7 milliards supplémentaires, 3,5 milliards sont alloués à la revalorisation des salaires des enseignants.
Ce budget forme la pierre angulaire de nombreuses ambitions. Il crée 4 000 postes d’AESH pour une école toujours plus inclusive. L’État parachève le dédoublement des classes de grande section en REP et soutient le déploiement des écoles du futur grâce à une enveloppe de 300 millions, qui sera consacrée au fonds d’innovation pédagogique.
L’école primaire est le socle de la réussite de tous les élèves. Le budget pour l’enseignement scolaire public du premier degré s’élève à 25,6 milliards, un chiffre en hausse de 6,4 %. Ces nouveaux moyens permettront de maintenir la priorité donnée à l’école primaire depuis 2017 – un engagement présidentiel –, en mettant l’accent sur l’apprentissage des savoirs fondamentaux.
Avec le même dynamisme et la même ambition, le budget de l’enseignement scolaire public du second degré est en hausse de 5,3 %. Les ressources sont essentiellement destinées à la réduction des inégalités, ferment de bien des difficultés pour les jeunes.
Pour un apprentissage efficace, le climat scolaire doit être apaisé et chacun doit trouver sa place. Le budget du programme Vie de l’élève augmente de 7,5 %, une hausse importante pour la lutte contre le harcèlement et toutes les formes de violence scolaire. La liberté de conscience sera mise en avant ainsi que l’égalité de toutes et tous. Les élèves seront aussi éduqués à la vie citoyenne et à la sexualité.
La qualité de vie des élèves sera aussi améliorée grâce au pass culture. Des petits-déjeuners gratuits sont servis dans certaines écoles, en particulier dans les territoires les plus fragilisés.
L’enseignement privé n’est pas oublié puisqu’il bénéficie d’une augmentation des crédits, destinée à améliorer la gestion des ressources humaines.
Enfin, la hausse de la rémunération des enseignants en début de carrière a été actée. Il était urgent de le faire. Néanmoins, elle risque d’entraîner un écrasement des grilles de salaires. Des enseignants m’ont interrogée à ce sujet : une refonte de la grille est-elle envisagée ? Dans quels délais ?
M. Roger Chudeau (RN). Tout le monde connaît les villages que le prince Potemkine fit ériger en 1787 lors du voyage en Crimée de la Grande Catherine : des façades en bois hâtivement peintes dissimulaient la misère. Vous êtes, monsieur le ministre, le Potemkine du macronisme déclinant. Ce budget n’est qu’une accumulation de faux-semblants, qui dissimulent mal l’état alarmant du système éducatif.
Vous annoncez fièrement une augmentation de 3,7 milliards d’euros mais à quoi cette somme est-elle employée ? En effet, 1,7 milliard d’euros est consacré à la revalorisation du point d’indice ; le glissement vieillesse technicité (GVT) coûte 770 millions d’euros – des dépenses qui sont sans rapport avec la politique éducative proprement dite. Reste 1,9 milliard d’euros en année pleine pour augmenter de 10 % le traitement des jeunes professeurs. Avec une inflation de 7 %, cela fait peu et ne ressemble pas à une avancée sociale remarquable !
Notons au passage de petites mesquineries. Vous dites donner la priorité au primaire, mais sur les 2 000 postes supprimés, 1 100 sont des postes de professeurs des écoles. L’augmentation du traitement des débutants n’entrera en vigueur qu’au mois de septembre.
Le mystère plane encore sur la seconde augmentation, qui sera réservée aux professeurs ayant conclu un « pacte ». Avec vous-même ? Avec M. Macron ? Les professeurs ne signent pas de pacte, ce sont des agents de l’État, recrutés à l’occasion de concours difficiles – nous sommes tous deux agrégés et savons de quoi il s’agit –, leur travail est défini par des textes réglementaires. Il n’y a ni pacte ni contrat, nous ne sommes pas aux États-Unis d’Amérique ! Voulez-vous diviser le corps enseignant entre ceux qui touchent le minimum syndical et les superprofs qui auront signé ?
Mais parlons de l’essentiel, les élèves et leurs résultats. Vous poursuivez le dédoublement des classes de l’éducation prioritaire, mais vous devriez savoir que, sans changement de pédagogie, la baisse du nombre d’élèves par classe ne produit pas mécaniquement de progrès. De plus, l’éducation prioritaire ne concerne que 20 % des écoliers de France.
Vous envisagez de réfléchir à l’avenir du collège dont vous découvrez, un peu tard, qu’il est depuis plus de trente ans l’enfant malade du système scolaire. Le baccalauréat Blanquer tourne à la farce et vous ne voulez pas y toucher.
Ce budget, qui est le premier de l’État par son ampleur, qui devrait être un investissement stratégique, aux enjeux vitaux pour l’avenir de la nation, n’est pas un budget de mission : c’est un budget de gestion.
Vous savez pourtant que les maux dont souffre le système éducatif sont de nature systémique. Le Président de la République lui-même a dit : « Quelque chose ne va pas dans notre organisation ». Hélas, vous semblez vous interdire toute action susceptible d’améliorer les apprentissages. Vous déclarez par exemple, urbi et orbi, que ce n’est pas en augmentant les horaires que l’on améliorera les performances scolaires ; où avez-vous donc acquis cette certitude ?
Savez-vous que les écoliers de 1945, ceux du Conseil national de la résistance (CNR) – le vrai –, ceux du plan Langevin-Wallon, avaient 30 heures de cours hebdomadaires, 188 jours de cours par an, soit 1 128 heures annuelles ? Aujourd’hui, les écoliers ont 24 heures de cours hebdomadaires, 144 jours de cours par an, soit 864 heures annuelles. Dans le même temps, nos enfants passent plus de 1 200 heures par an sur les écrans, véritables fabriques de crétins. Vous devriez réfléchir à tout cela, comme à la révision de la grille des enseignements, qui devrait se faire au profit quasi exclusif du français et des mathématiques, au moins jusqu’au CM1. Vous devriez aussi réviser les obligations réglementaires de service (ORS) des professeurs.
Nous en débattrons peut-être dans l’hémicycle. Pour l’heure, nous ne renoncerons pas et nous défendrons de nombreux amendements visant à restaurer l’efficacité et la dignité de l’école de la République.
M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Nous examinons les mesures concernant l’école alors que le Gouvernement vient d’actionner l’article 49.3, quintessence de la démocratie.
Permettez-moi de commencer par un exemple. Les parents du lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois se plaignent que leurs enfants, inscrits en voie professionnelle, soient privés de cours de mathématiques et d’anglais depuis la rentrée. Leur inquiétude grandit, comme le stress des élèves devant l’échéance des examens et des inscriptions sur Parcoursup. Comment assurer les remplacements et rattraper les centaines d’heures de cours perdues ?
Cette situation est tout sauf exceptionnelle, elle est désormais la règle. Selon une enquête du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN), principal syndicat de chefs d’établissements, un mois après la rentrée, 35 % des établissements comptent au moins un poste d’enseignant vacant ; 32 % font état d’au moins une absence longue non remplacée. Dans le premier degré et dans plusieurs départements, les équipes de remplaçants sont déjà à sec. Cette situation inacceptable revient, de fait, à nier le droit à l’instruction dû à tous les élèves du pays. Elle résulte directement des politiques destructrices de l’école conduites depuis des années, et considérablement aggravées par votre prédécesseur, M. Blanquer. L’urgence est donc de changer de cap.
Nous avons examiné avec la plus grande attention les mesures de ce PLF. Le schéma d’emploi révèle que 2 100 postes d’enseignants sont supprimés, dont 1 117 dans le premier degré, et 481 dans le second degré, de l’enseignement public. Cela s’ajoute aux 7 900 suppressions de postes du quinquennat précédent. Il en va de même pour toutes les catégories de personnels, tant de vie scolaire que de santé scolaire, alors même que les besoins sont urgents.
Par ailleurs, de très nombreux parlementaires, d’appartenances différentes, ne cessent de vous alerter sur le sort des élèves en situation de handicap. Vous annoncez 4 000 emplois d’AESH supplémentaires, mais combien de postes seront-ils réellement pourvus ? Il nous est impossible de contrôler la ligne budgétaire concernée. Sur le terrain, on manque partout d’AESH et on sait pourquoi : ces personnels touchent, et continueront de toucher un salaire de misère – 800 euros par mois en moyenne – pour un temps, imposé, de 24 heures hebdomadaires.
Plus de 4 000 postes d’enseignants n’ont pas été pourvus à l’issue des concours cette année. D’où vient ce manque inédit ? De la dégradation continue des conditions de travail et d’une rémunération totalement insuffisante. Vous annoncez une revalorisation de 10 % des salaires des enseignants, mais celle-ci inclut l’augmentation de 3,5 % de la valeur du point d’indice, bien en deçà du taux d’inflation. À partir de septembre 2023 – il faudra donc attendre un an –, les enseignants recevront en moyenne 172 euros brut par mois en plus. On est bien loin des 10 % !
Ajoutons que 300 millions d’euros seront attribués aux enseignants qui accepteront des tâches supplémentaires, sans rapport avec l’enseignement. Vous leur proposez donc de travailler plus pour perdre moins.
Pendant ce temps, des cadeaux continuent d’être fait à l’enseignement privé sous contrat, une fois de plus privilégié.
Cette privatisation rampante est d’ailleurs l’objet réel de la réforme de la voie professionnelle, contre laquelle les professeurs de lycées professionnels se sont massivement mis en grève hier. Vous décidez de réduire drastiquement le temps d’enseignement dans les lycées, alors que cet enseignement a été institué après la guerre pour soustraire la jeunesse à la tutelle des patrons. Vous savez que les jeunes en apprentissage réussissent moins bien que ceux qui sont sous statut scolaire, mais vous décider de favoriser l’apprentissage afin de fournir une main-d’œuvre gratuite aux entreprises et de remplacer des salariés par des apprentis sous-payés.
Il nous sera impossible de voter ces crédits. Nos amendements sont issus de deux propositions de loi. Ils visent à organiser des concours exceptionnels de recrutement, à créer un prérecrutement des personnels de l’Éducation nationale, à revaloriser réellement les salaires de 10 %, à créer un corps d’AESH dans la fonction publique. Entendrez-vous ces propositions ? Renoncerez-vous à la réforme de la voie professionnelle ?
M. Alexandre Portier (LR). Quand on aborde l’étude d’un budget de plus de 59 milliards d’euros, le risque est de se perdre et de confondre les moyens avec les fins. L’école est d’abord une mission d’intérêt général et un projet républicain ; elle résulte ensuite des moyens humains et matériels consacrés à leur mise en œuvre. Ainsi, en matière d’instruction publique et d’enseignement, c’est bien la fin qui justifie les moyens.
L’enveloppe dédiée à l’enseignement scolaire est en hausse de 6,5 %. Avec une trajectoire de 1,9 milliard d’euros en année pleine, ce budget prévoit une augmentation, juste et bienvenue, du salaire des enseignants. Il est inacceptable que les têtes les mieux faites de notre pays, avec un bac + 5, commencent leur carrière à 1 450 euros net. L’effort et le travail doivent payer, et ce principe devrait être assumé au cœur même de la méritocratie républicaine. Cependant, la promesse d’une revalorisation inconditionnelle n’est pas tout à fait tenue : les augmentations n’entreront en vigueur qu’en septembre. Quand parviendra-t-on aux 2 000 euros net annoncés ?
Il nous faut plus d’enseignants, mieux payés et mieux formés. Mais le malaise enseignant, monsieur le ministre, ne tient pas qu’à des chiffres, il est aussi dû au manque de reconnaissance. Quand ils rencontrent un problème, les enseignants s’entendent trop souvent répondre : « pas de vagues ». Peu d’entre eux croient encore au soutien de l’institution. Les anciens se sentent isolés au quotidien dans leur pratique. Lors de votre dernière audition, je vous ai interrogé sur l’autorité, Maxime Minot sur la médecine du travail. Aucun élément de réponse n’est contenu dans ce budget.
Qu’en est-il des infirmiers et des assistants de service social (ASS) de l’Éducation nationale, dont le malaise est profond ? Depuis 2017, les départs se multiplient, en partie à cause de la faiblesse des salaires.
Nous saluons la création de 4 000 postes d’AESH, mais quid des pratiques de terrain qui posent question ? J’ai cité les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), mais nous pourrions évoquer la généralisation des AESH mutualisés, qui masquent des réalités de terrain moins réjouissantes. Les chiffres annoncés font écran et cachent des prises en charge de qualité aléatoires.
Le projet de l’école nous semble illisible. Inclusion, égalité filles-garçons, harcèlement scolaire, sport, valeurs de la République, lutte contre le fondamentalisme : l’école fait un peu de tout. Le fait-elle bien ? Ce n’est pas sûr. Revient-il aux enseignants, professeurs des écoles et directeurs d’établissements de porter ces sujets ? C’est encore moins sûr. Qui trop embrasse mal étreint.
Comment transmettre les savoirs fondamentaux quand rien n’est fait pour remédier en profondeur à l’effondrement de la maîtrise du français, quand on assiste à des errements incompréhensibles qui entraînent la suppression puis le rétablissement des mathématiques en terminale ? Où en est l’autonomie des établissements – les retours sur l’expérimentation conduite à Marseille sont bien discrets ?
Les moyens financiers ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. Il faut d’abord un projet, une stratégie et un cap. Ce budget en manque, il peine donc à nous convaincre. Nous cherchons la cohérence de votre projet et ce n’est pas le fonds d’innovation pédagogique, énième saupoudrage, qui nous aidera à la trouver.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Pour ce premier budget, nous pouvons vous féliciter. Les moyens promis lors des campagnes sont au rendez-vous. La hausse est inédite et, à la rentrée 2023, les professeurs néo-titulaires seront rémunérés au-dessus de 2 000 euros net par mois. Grâce à cette avancée, la France continue son long chemin pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, mais elle corrige surtout un retard incompréhensible puisque les jeunes professeurs français sont bien moins payés que leurs homologues des autres pays de l’OCDE.
Cette avancée ne doit pas nous faire perdre de vue que l’attractivité de ce beau métier ne relève pas seulement des salaires. Les conditions et le cadre de travail sont importants, et je crains que le flou qui entoure la partie conditionnelle des revalorisations ne demeure une source d’inquiétude pour de nombreux enseignants. Vous avez évoqué le suivi individualisé ou le remplacement de courte durée comme de potentielles missions supplémentaires : cela sera peut-être de nature à rassurer les enseignants, puisque ce sont des tâches qu’ils effectuent déjà.
Nous nous réjouissons de voir le taux d’encadrement des élèves et leurs conditions d’apprentissage s’améliorer, malgré quelques suppressions de postes.
Les dispositifs tels que les trente minutes de sport quotidien ou l’objectif « 100 % EAC », pour l’éducation artistique et culturelle, contribuent à l’épanouissement des enfants en leur faisant découvrir de nouvelles activités. Dans la mesure du possible, celles-ci doivent être développées avec les acteurs des territoires ; tout doit être mis à profit pour enrichir le parcours des enfants. À ce titre, je salue la création du fonds d’innovation pédagogique, doté de 150 millions d’euros dès 2023. Il s’inscrit pleinement dans la volonté d’impliquer les acteurs du territoire.
Les revalorisations pour les personnels non-enseignants sont primordiales. Je salue l’extension de la prime REP et REP + aux AED et AESH, professions aux revenus encore trop faibles. Vous avez aussi évoqué une revalorisation pour la filière médico-sociale : il s’agit d’un pas important.
La création de 4 000 postes d’AESH à la rentrée prochaine, après un recrutement équivalent pour la rentrée 2022, permettra une école plus inclusive. D’énormes progrès ont été faits depuis 2017 mais il nous reste beaucoup de travail, tant sur la rémunération que sur l’organisation des tâches.
La question se pose de l’équilibre de l’encadrement et du nombre d’enfants par classe, afin de mieux accueillir les élèves, qu’ils soient ou non en situation de handicap, dans un contexte d’inflation des notifications. Où en est votre réflexion à ce sujet ?
Je profite de cette occasion pour saluer les crédits de l’enseignement agricole, bien qu’ils ne relèvent pas de la compétence du ministre.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’examen du PLF pour 2023 révèle les défaillances de la politique du Gouvernement en matière d’éducation scolaire. Loin des promesses réitérées de favoriser une nouvelle école inclusive et de garantir la présence d’un professeur devant chaque classe, c’est l’école de la pénurie qui perdure. Plus de 2 000 postes d’enseignants sont supprimés, dont 1 117 dans le premier degré et 481 en collèges et lycées. Nous demandons le rétablissement des équivalents temps plein (ETP) supprimés dans le public, pour préserver notre école républicaine.
Alors qu’à la rentrée prochaine, les lycées accueilleront 10 000 élèves supplémentaires et que 8 000 postes ont été supprimés lors du précédent quinquennat, le Gouvernement justifie ces réductions par la baisse du nombre des élèves. Pourtant, le compte n’y est pas.
De plus, le dédoublement des 16 000 classes en éducation prioritaire a été réalisé sans création de postes équivalents. Comment poursuivre la mise en œuvre de cette politique en grande section de maternelle en continuant de supprimer les postes ?
Par ailleurs, la revalorisation salariale ne concerne que 40 % des enseignants. Quant à la revalorisation conditionnelle, nous nous opposons à la doctrine du « travailler plus pour gagner plus », imposée à des enseignants dont le pouvoir d’achat est toujours plus bas. Notre position est claire : nous contestons ces mesures d’annonce et demandons de réelles mesures financées, qui permettraient une revalorisation salariale de 10 % pour l’ensemble des enseignants, sans critère d’ancienneté ni mission supplémentaire.
Le groupe Socialistes et apparentés se réjouit de l’amélioration des conditions de travail des AED, d’autant que le précédent quinquennat s’était traduit par une suppression de 2 000 postes. Toutefois, les projets de décrets concernant les primes REP et REP + pour les AED et les AESH ne prévoient pas les mêmes montants que pour les autres personnels. Ainsi, les primes annuelles prévues pour 2023 sont de 3 263 euros en REP + et de 1 106 euros en REP, contre respectivement 5 114 euros et 1 734 euros pour tous les autres personnels. Non, les AED et les AESH ne sont pas des demi-personnels de l’éducation nationale ; leurs primes doivent être alignées.
De la même manière, si la création de 100 postes supplémentaires de conseillers principaux d’éducation (CPE) va dans le bon sens, elle ne compense pas la perte de 395 postes au cours du dernier quinquennat.
Par ailleurs, la baisse de 30 % du nombre de médecins scolaires lors des cinq dernières années provoque une réelle inquiétude. Aucun poste supplémentaire n’étant prévu, la situation ne peut pas s’améliorer. Nous réclamons un plan de recrutement massif de personnels de santé.
Le Gouvernement fait l’effort de créer 4 000 postes d’AESH mais les conditions de travail et de rémunération font que ces postes ne seront pas pourvus. C’était le cas à la rentrée en Seine-Saint-Denis, où près de 1 000 postes n’avaient pas trouvé preneur.
Le budget pour 2023 contient quelques avancées mais surtout beaucoup de manques, que nous tâcherons de corriger grâce aux amendements que nous vous proposerons.
Mme Agnès Carel (HOR). Je ne peux que me réjouir de la hausse importante des crédits.
Ce beau métier que j’ai exercé pendant plusieurs décennies souffre depuis des années d’une baisse du nombre de vocations. Mal considéré, mal rémunéré, exercé dans des conditions trop souvent difficiles, il séduit de moins en moins de jeunes. Le Gouvernement a décidé de fournir un effort important en revalorisant le salaire des enseignants. Les concertations qui vont s’ouvrir fixeront le cadre de ces revalorisations.
L’effort porte surtout sur le début de carrière, puisque aucun nouvel enseignant ne commencera sa carrière à moins de 2 000 euros net. Les autres enseignants seront-ils concernés par les revalorisations conditionnelles ? Quelles sont les missions qu’un enseignant devra effectuer pour en bénéficier ? Ils sont nombreux à exercer des tâches supplémentaires en dehors des heures de cours – préparation, correction, évaluation ou participation à des réunions.
Vous proposez aussi un avancement plus rapide de carrière, grâce à l’accès facilité à la classe exceptionnelle et au hors classe. Mais cela conduira-t-il à une hausse des rémunérations ? Les enseignants en fin de carrière sont-ils concernés ? Ils ne peuvent être perdants par rapport à un enseignant qui débute. N’oublions pas que leur expérience représente une plus-value, une richesse, et qu’ils remplissent des missions supplémentaires, comme le tutorat, peu attrayantes rapportées au taux horaire. Quels sont les premiers retours des négociations ?
L’une des deux priorités fixées par le Président de la République est l’EAC, un vecteur d’intégration et d’ouverture, qui facilite les apprentissages. L’Éducation nationale et le ministère de la Culture ont développé un plan d’action « À l’école des arts et de la culture », qui permet à tous les élèves de bénéficier d’un parcours artistique et culturel de qualité. L’objectif « 100 % EAC » a vu en 2022 la généralisation d’actions artistiques et culturelles annuelles pour tous les élèves, en complément des enseignements artistiques.
D’autres mesures rencontrent un franc succès, telles que le plan Chorale, le dispositif Quart d’heure de lecture, ou encore le pass culture, qui sera étendu prochainement aux classes de sixième et de cinquième. Cette enveloppe permet aux professeurs de financer des activités artistiques et culturelles pour la classe entière. Ces 25 euros par année et par élève représentent un effort important mais, hélas, insuffisant.
Il faut davantage encore mettre l’accent sur les élèves éloignés des lieux culturels. Je pense aux enfants des zones rurales qui, dès qu’ils sortent de l’établissement, sont rattrapés par les contraintes budgétaires, le coût du transport s’ajoutant à celui de la sortie.
L’organisation de voyages culturels et linguistiques est de plus en plus coûteuse. Pourtant, nous connaissons le bénéfice que représentent ces séjours : apprendre autrement et hors les murs, conjuguer le savoir-être et le savoir-faire, fédérer le groupe autour d’un projet. Voilà, en tout cas, un exemple de tâche pour laquelle les enseignants consacrent une grande partie de leur temps, avant et pendant le voyage.
Quelles mesures supplémentaires peuvent-elles être prises pour ouvrir à la culture les jeunes qui en sont éloignés – et pas seulement géographiquement ?
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Ce budget n’est pas à la hauteur. Alors que nous traversons de multiples crises, sociale, écologique, sanitaire et diplomatique, l’école doit plus que jamais former des citoyennes et des citoyens éclairés. Pourtant, l’école de la République vacille sur son socle : l’écart de résultats entre élèves favorisés et défavorisés se creuse, les élèves doutent du sens à donner à leur apprentissage, les enseignants sont épuisés moralement, surtout dans l’éducation prioritaire, et les établissements peinent à suivre le rythme frénétique des réformes. Nous pouvons le dire sans exagération : le système éducatif est au bord du précipice.
Or vous ne proposez qu’une suite de mesures anecdotiques. Alors que le candidat Macron avait promis, pendant l’entre-deux-tours, une hausse de 10 % des salaires des enseignants, 635 millions seulement sont affectés à la hausse inconditionnelle, ce qui équivaut à une augmentation de 30 euros par mois pour un enseignant du primaire. Nous sommes loin du choc d’attractivité dont la profession a tant besoin !
Quant à la part variable des salaires, elle constitue un affront pour les enseignants. Une note de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), parue ce matin même, montre que la moitié des enseignants déclarent travailler au moins 43 heures par semaine. Comme cela a été rappelé au Sénat, les enseignants français passent davantage de temps à enseigner que leurs collègues européens. Les hausses de salaires ne sont pas une faveur, monsieur le ministre, elles sont de droit. Dès lors, il n’est pas question qu’elles soient conditionnées à d’autres activités.
Le fonds d’innovation pédagogique, dont la création a été annoncée dans la précipitation à Marseille, est censé permettre aux écoles de devenir des laboratoires innovants. Si l’idée est bonne, l’application laisse à désirer. Les fonds s’élèvent à 150 millions d’euros, ce qui représente 2 500 euros par établissement, alors même que certaines écoles marseillaises ont reçu des sommes allant de 10 000 à 20 000 euros. Comme dans la recherche, le Gouvernement s’apprête à introduire la compétition entre les établissements pour obtenir les fonds, ce qui instaurera un climat de défiance. Nous le réaffirmons avec force : l’école n’est pas un marché, les établissements ne sont pas des start-up innovantes, l’idéologie n’a pas sa place dans l’école de la République !
Ce budget s’inscrit dans la lignée des précédents, et comporte des mesures élitistes comme le renforcement des internats d’excellence, la conditionnalité des salaires, la création de classes européennes supplémentaires, la compétition entre établissements, et surtout la réforme à venir du lycée professionnel.
Notre vision de l’école est tout autre. Nous sommes pour une école ouverte qui n’enferme pas les élèves dans des filières cloisonnées mais qui accompagne toutes les ambitions. Nous sommes pour une école émancipatrice, qui forme des consciences libres et éclairées, et non uniquement des travailleurs. Nous sommes pour une école du bien commun, qui prépare les élèves à devenir des citoyens engagés en leur transmettant le respect de la valeur humaine et du vivant. Nous sommes pour une école bienveillante, qui reconnaît à leur juste valeur les enseignants, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), les AED, les AESH, les psychologues, les infirmiers et les médecins, loin de la maltraitance institutionnelle actuelle.
Il n’est pas trop tard, monsieur le ministre, pour donner enfin un sens concret aux valeurs républicaines d’égalité et de fraternité.
Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Nous faisons tous le même constat : le milieu scolaire est en souffrance. Depuis plusieurs années, les enseignants, les personnels administratifs et les AESH alertent le ministère de l’Éducation nationale sur le manque de reconnaissance de leur profession et leur rémunération, en vain.
Cette rentrée scolaire a été marquée par une crise importante du recrutement, qui n’a pas permis d’assurer la présence d’un professeur devant chaque classe. Pourtant, ce budget acte la suppression de 2 000 postes d’enseignants. Contrairement à la vision que vous défendez, nous pensons que la baisse démographique devrait être l’occasion de mieux répondre aux difficultés des élèves grâce à des classes moins nombreuses.
Ce budget présente un curieux paradoxe. D’un côté, il prévoit la revalorisation du salaire des enseignants à 2 000 euros net par mois en début de carrière, pour tenter de renforcer l’attractivité du métier, et de l’autre, la suppression de 2 000 postes. L’instruction de nos enfants ne peut se satisfaire de cet « en même temps ». De plus, la question se pose de la revalorisation des milieux de carrière dans le professorat. Nous espérons que le travail engagé avec les syndicats débouchera sur une augmentation de l’ensemble des grilles des traitements, afin de ne pas pénaliser celles et ceux qui ont le plus souffert du gel du point d’indice.
La situation de la médecine scolaire est très inquiétante. Alors que la crise sanitaire et les confinements ont profondément marqué certains enfants, la baisse du nombre de médecins, psychologues et infirmiers scolaires est massive. En 2021-2022, seuls 843 médecins scolaires étaient en exercice. Le ministère ne semble pas prendre la mesure du rôle primordial qu’ils jouent. Les primes ne pourront pas répondre à cette crise structurelle et si rien n’est fait, il n’y aura plus de médecins scolaires dans quelques années.
L’accueil et l’instruction des élèves en situation de handicap à l’école étaient présentés comme l’une des priorités de votre prédécesseur, mais le compte n’y est pas. Le manque d’AESH est le symptôme d’une profession essentiellement exercée par les femmes, précaire, déconsidérée, rémunérée en dessous du seuil de pauvreté et frappée par un fort pourcentage de démissions. Les enfants ne sont pas pris en charge et leurs parents payent pour cette situation. La création de postes est une bonne chose mais la mesure est insuffisante : en l’absence d’un plan de formation, de titularisation et de revalorisation salariale, elle perd tout son effet.
Nous sommes fortement opposés à la réforme des lycées professionnels. Nous voulons des ouvriers et des techniciens qualifiés, correctement formés, qui exercent des métiers valorisés par la société. Ne confiez pas leur enseignement aux entreprises ! Si l’on sacrifie les enseignements généraux, l’Éducation nationale ne pourra tenir son rôle de formation de citoyens et de citoyens travailleurs.
A contrario, nous sommes en faveur d’un enseignement professionnel qui forme aux métiers du futur, qui fasse des ouvriers et des techniciens les acteurs centraux des mutations sociales et écologiques. Les jeunes n’ont pas pour rôle de pallier le manque de main-d’œuvre dans des métiers en tension peu valorisés.
Cette réforme ignore les nombreuses difficultés des futurs bacheliers, ne serait-ce que pour trouver un stage, tant les discriminations sont nombreuses. C’est à l’État et non au secteur privé d’assurer l’instruction des élèves ! Il est encore temps de changer votre feuille de route.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). Les crédits de la mission Enseignement scolaire sont en hausse, et il faut nous en réjouir tant les défis sont nombreux.
La rentrée scolaire a été emblématique des difficultés qui se sont multipliées ces dernières années. Plus d’un mois après la rentrée, 35 % des établissements comptent encore au moins un poste d’enseignant vacant. Cette situation inquiète d’autant plus que les remplaçants sont déjà mobilisés pour tenir l’objectif d’un professeur devant chaque classe. Recourir à des dispositifs tels que les cours en ligne ou le travail en autonomie sous la surveillance d’un AED est une réponse ni adaptée ni suffisante.
Surtout, le budget prévoit la suppression de 1 985 postes d’enseignants. La diminution du nombre d’élèves ne doit pas servir de justification, ce serait aller à rebours de la stratégie de diminution des effectifs en classe, afin de favoriser un meilleur apprentissage.
La question du recrutement est indéniablement liée à celle de l’attractivité du métier. Au titre de la revalorisation des rémunérations, 935 millions sont prévus, dont 300 millions sont liés à l’acceptation de nouvelles missions. Nous craignons que le choc d’attractivité recherché soit insuffisant ; on est loin des 6 milliards d’euros de hausse par an promis par le candidat Macron !
Nous nous interrogeons aussi sur la stratégie qui consiste à cibler les enseignants en début de carrière, en délaissant ceux qui sont au milieu ou à la fin de leur carrière. Des concertations sont en cours, mais la méthode interroge. Les revalorisations devraient être inconditionnelles et concerner l’ensemble des enseignants. Je rappelle que, malgré la hausse du point d’indice, les salaires restent inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE.
Un mot, pour conclure, de la politique en faveur de l’école inclusive. Si des mesures ont été prises, indéniablement, pour limiter la précarité du métier d’AESH, nous devons continuer d’entendre leur détresse. Malgré la hausse continue du nombre de postes, les effectifs restent insuffisants pour répondre aux notifications. Les contrats, qui imposent souvent un temps partiel, sont trop précaires, et les rémunérations loin d’être acceptables. Comment améliorer concrètement leurs conditions de travail et leur formation ? Les élèves, confrontés parfois à un turn-over en raison des nombreuses démissions sont les premiers à pâtir de cette situation,
Notre groupe proposera des amendements sur ce sujet, mais aussi sur celui des médecins et infirmiers scolaires.
M. Pap Ndiaye, ministre. Je commencerai par la hausse des rémunérations, que vous avez tous évoquée. Les 635 millions d’euros concernent les quatre derniers mois de l’année 2023. En année pleine, la hausse avoisinera les 2 milliards d’euros. Cette revalorisation ne concerne pas que le début de carrière – cela aurait pour effet de perpétuer le faux plat que nous cherchons précisément à casser. Elle concerne bien les vingt premières années de carrière, et peut-être un peu plus. Ainsi, les 2 000 euros net en début de carrière augmenteront au fur et à mesure, si bien que la hausse de rémunération, à cinq ans d’ancienneté, tournerait autour de 13 à 14 %.
Se pose ensuite la question de la fin de carrière. Nous proposons un passage facilité en hors classe, qui concerne pour l’instant 25 % des enseignants, et en classe exceptionnelle, qui touche 7 % d’entre eux. Nous souhaitons augmenter ces chiffres, ce qui aura des effets sur les rémunérations, grâce au passage hors échelle ; cette progression salariale finale aura aussi des effets sur la retraite.
J’ai entendu que certains enseignants débutants seraient rémunérés plus que d’autres professeurs qui auraient plusieurs années d’expérience. Cela est bien sûr hors de question, et nous travaillons à une grille qui reflète des augmentations de rémunérations importantes pour les vingt premières années de carrière.
Par ailleurs, le problème d’attractivité du métier ne peut se résoudre grâce à la seule hausse des rémunérations. Il serait naïf de le penser et d’ailleurs, à l’échelle européenne, des pays où les enseignants sont beaucoup mieux rémunérés qu’en France – comme l’Allemagne – rencontrent aussi des difficultés. La question des salaires, bien que très importante, n’est donc pas la seule, et d’autres sujets comptent tels que les carrières ou le format du travail des enseignants, qui peuvent être seuls devant une classe ou travailler de manière plus collective. Nous souhaitons avancer sur ces éléments.
J’en viens aux nouvelles missions, dont les caractéristiques seront précisées lors des concertations avec les organisations syndicales. J’insiste sur un point : un certain nombre de ces nouvelles missions sont déjà assurées par les enseignants. Ainsi, il ne s’agit pas d’ajouter des missions de façon purement quantitative, mais aussi de rémunérer un travail déjà accompli par les professeurs.
Ces nouvelles missions et leur contenu feront donc l’objet d’échanges, qui se concentreront sur l’accompagnement et l’orientation des élèves – qui est sans doute un point faible du secondaire – ou sur les remplacements de courte durée. Nous n’avons pas d’idée préconçue quant à ces nouvelles missions. Leur contenu reste ouvert, mais elles doivent permettre d’améliorer concrètement le fonctionnement des écoles, collèges et lycées.
En ce qui concerne les AESH, les notificateurs ne sont pas les personnels de l’Éducation nationale mais les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les notifications sont nombreuses, y compris à la dernière minute, avec des variations selon les départements. Malgré les ouvertures de postes, nous rencontrons des difficultés de recrutement et il nous faut conduire une réflexion globale, en lien avec les départements et les MDPH en particulier, qui reconnaissent leurs propres difficultés face aux demandes des familles.
Il existe un problème plus général, lié à l’embolie du système de prise en charge des élèves à besoins particuliers. En effet, il manque beaucoup de places dans les instituts médico-éducatifs (IME) – 19 000 selon les derniers chiffres –, et certains élèves sont envoyés dans le milieu ordinaire, dans des classes Ulis elles-mêmes surchargées, ce qui entraîne le glissement d’autres élèves vers les classes ordinaires. Nous ne pourrons pas répondre à cette question en nous contentant de créer des postes d’AESH : il nous faut réfléchir plus globalement à notre objectif général, et à l’acte II de l’école inclusive.
Je vous suis sur la question des conditions de travail des AESH. Je note que nous avons progressé puisque environ 20 % d’entre eux sont « cédéisés », et ont ainsi la perspective d’une possible progression de carrière, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Néanmoins, nous devons faire mieux, notamment en matière de formation, même si une formation de 60 heures est déjà prévue.
Par ailleurs, nous devons réfléchir à leur temps de travail. Mais nous nous heurtons à une difficulté bien connue : nous ne pouvons pas rémunérer directement le temps périscolaire – l’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020 est clair. Nous travaillons donc à la mise en œuvre d’un mécanisme, qui doit encore être confirmé d’un point de vue juridique, qui permettrait de rémunérer à la fois le temps scolaire et les temps périscolaires, à travers une fiche de paie unique, les collectivités remboursant ensuite au ministère de l’Éducation nationale la partie correspondant au temps périscolaire. Ainsi, nous pourrions offrir aux AESH qui le souhaitent la possibilité de travailler 35 heures hebdomadaires. Cette tâche est complexe d’un point de vue administratif et juridique, mais nous savons que les 24 heures ou moins de travail hebdomadaire n’offrent pas de rémunérations suffisantes. Par ailleurs, les AESH travaillant en éducation prioritaire bénéficieront d’augmentations.
J’en viens à la question du dédoublement. Les classes de grande section de maternelle sont presque 75 % à être dédoublées ; toutes seront concernées à la rentrée 2023. Pour être pleinement efficace, le dédoublement nécessite des changements de pédagogie et une formation des enseignants. Nous serons très attentifs aux résultats des évaluations nationales des élèves de sixième, qui seront connus bientôt, puisqu’il s’agit des premières cohortes à avoir bénéficié, en éducation prioritaire, du dédoublement des CP et des CE1.
Le problème n’est pas de créer des postes de médecins scolaires, mais de faire en sorte qu’ils soient pourvus. En effet, 30 % des postes ne sont pas pourvus, et cette part est bien plus élevée dans certains départements, notamment ruraux, comme les Vosges. La médecine scolaire, comme d’ailleurs la médecine du travail, n’attire plus les internes.
Le métier d’infirmier scolaire a été fortement revalorisé ces dernières années, grâce à des augmentations de rémunérations en 2021 et en 2022. La prochaine interviendra fin 2022, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2022, pour une revalorisation de 700 euros en moyenne. Par ailleurs, neuf postes d’infirmiers sur dix sont pourvus : la situation est donc assez différente de celle de la médecine scolaire.
Quant au fonds d’innovation pédagogique, que plusieurs d’entre vous ont évoqué, les 150 millions correspondent à une « mise de départ ». L’enveloppe s’élèvera à 500 millions sur l’ensemble du quinquennat. Les établissements ne seront pas mis en concurrence : tous les projets pédagogiques, dès lors qu’ils sont bien construits, seront financés. Un grand nombre d’écoles et d’établissements ont déjà manifesté leur intérêt – 600 les deux premières semaines, 1 000 sans doute à la veille des vacances d’automne. C’est un très bon démarrage. J’ai d’ailleurs assisté à des concertations très intéressantes, dans un collège et dans une école, qui réunissaient l’ensemble de la communauté éducative pour réfléchir à ce qui pouvait être fait.
La généralisation du pass culture à tous les collégiens va s’opérer, pour la part collective, puisque les élèves de sixième seront concernés en 2023. Je rappelle que pour une classe, cela peut représenter jusqu’à 800 euros. Depuis la rentrée, nous observons une forte hausse des établissements ayant réservé une activité dans ce cadre et nous avons fait mieux, au cours du mois qui vient de s’écouler, qu’entre janvier et juin 2022. Il s’agit là d’un démarrage spectaculaire, dont nous nous réjouissons.
Une question très juste a été posée sur le transport scolaire, dont le coût est de nature à bloquer des projets de sortie culturelle. Nous souhaiterions que, dans la mesure du possible, les frais de transport puissent être couverts par le pass culture. Je conçois que cela ne soit pas simple et que le ministère de la Culture ait un avis différent, mais nous sommes disposés à avancer sur ce sujet.
Par ailleurs, je partage vos remarques à propos de l’EAC. De multiples initiatives existent ; j’observe que, dans les concertations qui s’ouvrent, de nombreux projets concernent la culture. Vous avez ainsi mentionné le dispositif Quart d’heure de lecture, un moment très intéressant et très suivi dans de nombreux établissements. Beaucoup d’autres choses sont faites et, si vous le souhaitez, je serai heureux de revenir en détail sur les activités culturelles lors d’une prochaine audition.
J’en viens à la question des lycées professionnels, placés sous l’égide de la ministre déléguée. D’abord, il n’est pas question d’écraser l’enseignement, comme je l’ai entendu d’une manière un peu caricaturale, qui suggérerait l’idée d’un moloch capitaliste venant broyer les jeunes âmes. Un historien de l’éducation me rappelait hier, avec finesse, qu’au moment de la création des lycées professionnels, à l’époque de Jean-Pierre Chevènement, la part des stages était très faible, voire nulle. Depuis, dès que cette part augmente – et cela depuis bientôt quarante ans –, les mêmes protestations reviennent : on livre les enfants au libéralisme le plus échevelé, ils vont être broyés dans des mines et des usines terrifiantes, qui les attendent pour mieux les exploiter. C’est à chaque fois la même antienne.
L’augmentation des stages ne doit pas se faire au détriment des savoirs fondamentaux, et c’est un professeur d’histoire qui vous le dit : je ne suis pas disposé à ce que les enseignements de français, de langues, de mathématiques, d’histoire ou de philosophie passent à la trappe. Ce serait rendre un bien mauvais service aux lycéens mais aussi aux employeurs, comme ils ont pu le dire de façon insistante lors d’un déplacement du Président de la République aux Sables-d’Olonne. Nous tenons clairement aux savoirs fondamentaux.
Néanmoins, il faut prendre en compte cette réalité : deux ans après l’obtention de leur baccalauréat, la moitié des lycéens professionnels se trouvent sans emploi. Nous pourrions poursuivre en ce sens, mais c’est rendre service à nos lycéens que de nous soucier de leur avenir professionnel, de leur capacité à entrer bien armés sur le marché du travail, tout en étant fermes sur leur formation de futurs citoyens. Cette réforme, qui n’est pas budgétée dans le PLF, semble utile et elle sera discutée avec toutes les parties prenantes.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Quentin Bataillon (RE). Je souhaite vous interroger sur les AESH, même si vous avez déjà apporté des éléments de réponse. Au sein de cette commission, nous reconnaissons tous le travail indispensable qui est le leur, et la qualité avec laquelle ils exercent leur mission.
Je souhaite rappeler les évolutions nettes et historiques que nous observons en cette rentrée : le CDD de 3 ans minimum, au lieu d’un an, dès le premier recrutement ; la création de 4 000 postes ; la revalorisation des rémunérations en janvier 2022, ainsi que l’accès aux primes REP et REP + en 2023.
Aucun des AESH que j’ai rencontrés sur le terrain n’a demandé la création d’un nouveau corps de l’Éducation nationale. Beaucoup comprennent que cela complexifierait le recrutement et qu’un concours national pourrait même exclure certains d’entre eux. Néanmoins, ceux qui le souhaitent devraient pouvoir accéder à un temps plein. Quel est le calendrier des concertations ? Comment les parlementaires et les élus locaux y seront-ils associés ?
Mme Christine Loir (RN). Le harcèlement scolaire est un phénomène surreprésenté dans les écoles françaises, puisqu’il concerne 5 à 6 % des élèves. Le Sénat a alerté le Gouvernement sur la fiabilité des enquêtes, trop rares et obsolètes. Près d’un enfant sur dix serait harcelé chaque année à l’école, soit un million de victimes. Que comptez-vous faire pour mettre un terme à ce phénomène, qui fait trop de morts chaque année ?
Les évaluations nationales en lecture, en mathématiques et en français, qui ont lieu chaque année pour les élèves de CP, de CE1 et de sixième n’apportent aucune plus-value concrète aux élèves, pourtant les principaux intéressés. Rendre publics les résultats de façon non nominative permettrait aux enseignants, aux parents et aux élèves de mieux aborder les difficultés rencontrées.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Alors que, ces dernières années, les grandes réformes éducatives ont été adoptées en contournant le Parlement – je pense notamment à celle du baccalauréat –, je souhaiterais vous interroger, monsieur le ministre, sur la méthode que vous entendez suivre. Manifestement, vous envisagez de conduire la réforme de la voie professionnelle de la même façon, puisque les parlementaires ne seront pas appelés à voter pour en valider les contours.
Je rappelle que nous quittons à peine l’hémicycle, où la Première ministre vient d’invoquer le 49.3 et de mettre ainsi un terme à nos débats sur la première partie du PLF. Nos échanges et le travail que les commissaires ont fourni pour préparer cette audition ont-ils encore un sens ? Les amendements qui auront été adoptés seront-ils introduits dans le texte soumis au vote des parlementaires, représentants du peuple français ?
Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Selon la loi du 25 juillet 1994 relative à la fonction publique, les agents sont soumis à une visite médicale tous les cinq ans. Dans les faits, bien souvent, les enseignants du premier et du second degré ne voient le médecin du travail qu’une fois dans leur vie professionnelle, au moment de leur titularisation.
Face au malaise des enseignants, une attention accrue doit être accordée au bien-être au travail, en début et en fin de carrière. En effet, les enseignants français démissionnent de plus en plus, et de plus en plus jeunes. En fin de carrière, les problèmes de santé et la fatigue s’accroissent. Ne serait-il pas opportun, comme Alexandre Portier l’a proposé dans ses amendements, que les enseignants bénéficient d’une visite médicale régulière, tous les trois ans jusqu’à l’âge de 30 ans et après l’âge de 50 ans ?
M. Belkhir Belhaddad (RE). Les crédits supplémentaires sont très largement affectés à la revalorisation salariale, un objectif crucial en ces temps difficiles pour l’attractivité du métier d’enseignant.
Le bien-être de l’élève constitue l’autre aspect des politiques éducatives à développer. Dans ce domaine, la pratique sportive doit jouer un rôle déterminant. Aux trente minutes d’activité sportive quotidiennes, généralisées à tous les établissements du premier degré, doivent s’ajouter les deux heures hebdomadaires supplémentaires prévues au collège. Un financement semble indispensable pour dépasser le stade expérimental auquel se trouve cette mesure. Le moment semble opportun, à l’orée des Jeux de 2024, pour faire de notre pays une nation sportive. Ce financement est-il prévu, et dans quel programme ?
M. Alexandre Loubet (RN). Vous avez défendu à plusieurs reprises le wokisme, affirmant qu’être woke, « c’est être conscientisé, vigilant, engagé ». Non, le wokisme, c’est la démagogie, le sectarisme, la soumission à la tyrannie des minorités contre la République, la destruction de la culture française et des humanités, qui ont fondé notre grande nation.
L’école ne doit pas se soumettre à une idéologie étrangère, mais enseigner et transmettre la richesse de notre culture. L’école ne doit pas cultiver la différence, mais l’unité de la République. L’école ne doit pas salir ni déconstruire l’histoire de France, mais la connaître et célébrer le récit national. L’école ne doit pas être « conscientisée », mais former les jeunes Français à devenir de futurs citoyens libres et responsables. Charles Péguy écrivait : « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles ». Le wokisme s’immisce dans nos écoles et menace notre pays ; pouvez-vous condamner devant nous cette idéologie, afin de clarifier les choses ?
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je rappelle qu’il s’agit d’une audition budgétaire, et que les questions doivent porter sur le budget.
Mme Estelle Folest (Dem). Merci pour vos propos rassurants quant à la future réforme de l’enseignement professionnel. Vous avez dit votre attachement aux enseignements généraux, qui ne doivent pas être minorés au profit des stages.
Les Campus des métiers et des qualifications permettent de réunir les grands acteurs de la formation, de la recherche, de l’éducation au sens large, ainsi que l’ensemble des partenaires économiques. Au regard de cette réforme et des enjeux de réindustrialisation qui sont ceux de notre nation, ces Campus peuvent être des outils majeurs, qui doivent notamment nous permettre de définir des filières d’avenir. Plus d’une centaine de pôles ont été labellisés mais, pour devenir de véritables leviers de transformation, ces Campus doivent monter en puissance. Comment comptez-vous les faire évoluer ? Quelles mesures budgétaires prévoyez-vous l’an prochain ?
Mme Claudia Rouaux (SOC). Certains enfants ne sautent plus, ne courent plus et ne tombent plus. Or, la mise en œuvre de la mesure prévoyant trente minutes de sport quotidiennes au primaire reste dans le flou le plus complet. Quels moyens donnerez-vous aux écoles afin de soutenir ce dispositif ? Soutiendrez-vous de façon durable l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep), qui se retrouve dans une situation délicate ? Au collège, quelles mesures permettront de financer les deux heures de sport hebdomadaires ?
M. Bertrand Sorre (RE). Je tiens à souligner l’effort budgétaire consenti par le Gouvernement. Avec une augmentation de 6,4 % des crédits, ce budget historique permet de poursuivre et d’accentuer la politique conduite depuis 2017, conformément aux engagements du chef de l’État. Un choc d’attractivité était indispensable : une grande partie des crédits supplémentaires permettront de revaloriser les salaires des enseignants.
Quel est le bilan du dédoublement des classes de CP et de CE1, mis en œuvre depuis 2017 et désormais achevé ? Quels effets bénéfiques ont été observés sur l’acquisition des savoirs, des savoir-être, des savoir-faire et des savoir-vivre ensemble, nécessaires à la réussite scolaire de tous les enfants de la République ?
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Accompagner les élèves au portail, échanger avec les parents, ranger la classe, corriger les cahiers, assurer les activités pédagogiques complémentaires (APC), mettre en place les ateliers, installer le parcours sportif, modifier l’affichage, échanger avec les collègues enseignants, les AESH, les animateurs intervenants et l’équipe municipale, participer à un conseil des maîtres, à une équipe éducative, à une équipe de suivi de scolarisation, à une liaison CM2-sixième, accueillir un nouvel élève et ses parents, réserver un car, un gymnase, une visite, renseigner un dossier de classe transplantée, remplir les bulletins, remonter les résultats des évaluations nationales, préparer, voire réparer, les ordinateurs, le vidéoprojecteur, le tableau interactif, la photocopieuse ou la box internet, remplir un guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarité (Geva-Sco), une information préoccupante (IP) ou un plan particulier de mise en sûreté face aux risques majeurs (PPMS) : voilà quelques-unes des tâches auxquelles je consacrais la majeure partie de ma pause méridienne il y a six mois encore.
La liste n’est pas exhaustive, je ne dispose que d’une minute.
Le 16 octobre, vous avez pourtant évoqué comme une piste sérieuse de votre pacte enseignant une nouvelle mission : la surveillance de la cour de récréation entre douze et quatorze heures, ce qui souligne – au mieux – votre méconnaissance du métier. Maintenez-vous cette proposition ? Comptez-vous enfin budgéter la nécessaire revalorisation sans contrepartie de tous les enseignants ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Cette rentrée voit la généralisation du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (Phare) à toutes les écoles primaires et aux collèges, avec la mise en place de référents, de numéros verts 3018 et 3020 pour le harcèlement ou le cyberharcèlement, et d’une campagne d’affichage conçue avec Charlotte Caubel. Une prise de conscience a eu lieu, et il s’agit désormais de faire passer la peur du côté du harceleur. Nous sommes très vigilants sur cette question : nous avons formé des personnels, et nous avons des référents académiques en la matière. Je me réjouis de voir le programme Phare passer la vitesse supérieure car ces formes de harcèlement, qu’elles soient violentes ou perlées, sont intolérables.
Les évaluations nationales permettent de savoir où nous en sommes et je suis persuadé de leur utilité – du reste, elles sont pratiquées dans de nombreux pays. Cependant, il faut pouvoir les lire et les interpréter de manière idoine. De plus, elles ne mesurent pas toujours finement certains aspects qualitatifs. Si elles ne disent pas tout du niveau et des résultats scolaires, elles restent néanmoins utiles. C’est pourquoi nous les introduirons, sous une forme expérimentale, pour les classes de quatrième et de CM1.
Les résultats des évaluations de sixième seront intéressants pour évaluer les effets dans le temps des dédoublements de classes. Nous constatons une réduction des écarts entre les établissements REP et REP + d’un côté, et les établissements hors éducation prioritaire de l’autre. L’efficacité est forte et mesurée pour les classes de CP et de CE1.
Le recours au 49.3 pour la première partie du budget ne préjuge en rien de ce qui se passera pour la seconde partie. J’ai l’honneur d’échanger avec vous sur le budget du ministère, je ne peux en dire plus à ce stade.
J’en viens à la pratique sportive et à la généralisation à l’ensemble des écoles élémentaires de la demi-heure d’activité physique quotidienne. Une fois passés les premiers temps de la mise en place, les remontées sont tout à fait positives. Par ailleurs, le dispositif des deux heures de sport hebdomadaires est expérimenté dans 200 collèges. Nous ferons des bilans réguliers au cours de l’année avant de l’étendre.
Les visites médicales ne sont pas suffisamment fréquentes pour les enseignants. Nous encourageons, pour le moment, les académies à passer des conventions avec les services de santé et de prévoyance mutualisés pour améliorer la prise en charge dans les centres de santé mutualistes.
La direction des affaires juridiques se penche sur la question des AESH. C’est le cas, aussi, d’une instance nouvellement créée au sein du ministère, qui rassemble les représentants des collectivités. Cette dernière a vocation à se réunir pour traiter de sujets d’intérêt commun, tels que celui du bâti scolaire.
Je voudrais éviter tout malentendu et vous rassurer sur la définition des nouvelles missions du pacte des enseignants. La surveillance des cours de récréation pendant la pause méridienne n’en fera aucunement partie.
Les Campus des métiers et des qualifications sont actuellement au nombre de 116 – dont 50 Campus d’excellence. Le dispositif fonctionne parce que l’offre de formation est particulièrement bien adaptée aux réalités économiques et territoriales. Nous soutenons donc leur développement.
Enfin, j’ai donné un cours sur Charles Péguy il y a quelques années, et je serais ravi de m’entretenir sur sa poésie, que j’apprécie particulièrement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous poursuivons avec une seconde série de questions.
Mme Cécile Rilhac (RE). Trop d’élèves quittent notre système éducatif sans avoir obtenu de diplôme ou atteint un niveau de qualification suffisant. Depuis une dizaine d’années, le ministère a lancé une politique de lutte contre le décrochage scolaire et mis en œuvre, sous le quinquennat précédent, des mesures telles que le droit au retour en formation pour tous les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme, ou l’obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans. Le taux d’élèves décrocheurs a ainsi largement baissé.
Cependant, la crise du covid semble avoir mis un terme à cette baisse régulière et il nous faut agir. Or la plupart des dispositifs ne s’adressent qu’aux jeunes de plus de 16 ans. Quelles dispositions budgétaires sont prévues pour continuer à lutter contre le décrochage scolaire, aider chaque jeune à construire son avenir et mobiliser les enseignants autour de la persévérance scolaire ?
M. Francis Dubois (LR). Les lycées technologiques, professionnels et post-bac développent des formations en alternance par le biais de conventions de formation par apprentissage (CFA). Le corps enseignant s’en inquiète, considérant que le temps académique est trop restreint. Depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 et la contribution unique des entreprises, les versements bénéficient de moins en moins à ces lycées – leurs budgets en témoignent. En développant l’apprentissage, ces lycées perçoivent une part de ces taxes, reversée par les entreprises qui accueillent leurs élèves, et la taxe d’apprentissage est souvent le seul levier d’investissement conséquent utilisé par ces établissements, en sus de la dotation globale de fonctionnement versée par les régions.
Afin que ces lycées dégagent des moyens financiers plus importants, l’Éducation nationale prévoit-elle un développement plus important et une accélération de la mise en œuvre des programmes d’apprentissage au sein des cartes des formations ? Quels moyens sont envisagés pour inciter les directions d’établissements et le corps enseignant à développer l’offre d’apprentissage ? Des quotas sont-ils prévus pour les formations par l’apprentissage par rapport à la formation initiale ? Envisagez-vous un bonus sur l’octroi de moyens supplémentaires en dotation horaire globale par les rectorats ?
Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il ne faut pas accuser les enseignants de la voie professionnelle de crier au loup, quand ils l’ont déjà rencontré à plusieurs reprises : sous Nicolas Sarkozy, avec la suppression d’une année d’enseignement, sous Jean-Michel Blanquer, avec la suppression d’un tiers des heures d’enseignement général. Je vous demande donc solennellement, monsieur le ministre, de confirmer que la réforme n’entraînera pas la suppression, ne serait-ce que d’une minute d’enseignement général.
J’ajoute que, pour élever le taux d’emploi à l’issue de ces formations, il faudrait réinstituer la quatrième année supprimée et permettre aux lycéens de suivre la filière de leur choix. Il s’agirait là d’une belle réforme du lycée professionnel, qui garantirait à chaque jeune de pouvoir accéder à la filière de son choix, pas trop loin de chez lui.
Par ailleurs, je rejoins les interrogations de Paul Vannier sur le 49.3 : nous avons le sentiment de vivre pour la deuxième fois une forme d’attente désespérée à la Godot.
M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Pouvez-vous confirmer l’existence d’un groupe de travail sur l’affectation des néotitulaires des académies ultramarines dans l’Hexagone, un problème récurrent ?
Les frontières des catégories REP et REP + ne sont pas toujours évidentes à distinguer. C’est le cas pour l’école Primat, à Saint-Denis de La Réunion : alors que son indice de position sociale (IPS), ses résultats aux évaluations nationales, sa localisation dans un quartier prioritaire de la ville convergent pour qu’elle soit classée en REP + elle ne l’est pas en raison de son rattachement à un collège dont les caractéristiques socio-économiques sont plus favorables. Ce décalage entre les difficultés et les moyens disponibles met à mal la promesse d’égalité des chances. Je me fais donc porte-parole de l’équipe éducative pour vous demander son classement en REP +.
Mme Caroline Parmentier (RN). Le port de tenues communautaristes à l’école, et particulièrement d’abayas islamiques est un phénomène qui va croissant. Vous l’avez évoqué sur France 2 le 4 octobre.
Il est désormais courant de voir des élèves défier l’école de la République par le port de tenues confessionnelles. Or l’école publique doit demeurer un lieu sanctuarisé, où le communautarisme n’a pas sa place. Lors du premier trimestre 2022, sur les 627 signalements relatifs à la laïcité, 22 % concernaient le port de tenues religieuses. Ce chiffre serait en hausse de 50 % entre le premier et le deuxième trimestre. En outre, combien de signalements n’ont pas lieu par peur de répercussions, de menaces ou par souci du « pas de vagues » ?
Qu’attendez-vous pour mettre fin à ces dérives inquiétantes, dont vous êtes conscient ? Pourquoi ne pas envisager le port de l’uniforme dans un souci de brassage social, mais aussi culturel ? Les amendements que nous défendrons vont dans ce sens.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je rappelle qu’il s’agit d’une audition budgétaire. Merci de poser des questions qui portent sur le budget !
Mme Céline Calvez (RE). Cette mission finance la scolarisation de plus de 12 millions d’élèves, dès la maternelle. À ce titre, la hausse historique de 3,7 milliards d’euros ne se limite pas à l’enseignement public mais touche aussi l’enseignement privé, dont il faut rappeler qu’il est majoritairement financé par le budget de l’État, et qu’il doit donc participer à la mission de service public qu’est l’enseignement scolaire.
Le ministère a publié la semaine dernière le détail des IPS par établissement, ce qui est une première. Cet indice, fabriqué à partir des catégories socioprofessionnelles des parents d’élèves, permet de constater que la mixité est moindre dans les collèges privés, qui accueillent une plus grande part d’enfants de familles favorisées.
Lors d’un récent entretien que vous avez accordé au Monde, vous avez rappelé que la mixité sociale était un enjeu fondamental, et que vous attendiez de l’enseignement privé sous contrat qu’il participe à cette politique de mixité scolaire. « Nous pourrions demander un peu plus », avez-vous dit, tout en affirmant que ces établissements partagent l’objectif de mixité et que certains le mettent en pratique.
Quelles pistes envisagez-vous pour demander un peu plus d’efforts en faveur de la mixité sociale aux établissements privés, lesquels voient leur financement par l’État augmenter de plus de 5 % ?
M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). En 2020, le Conseil d’État a confirmé que la prise en charge financière des AESH intervenant pendant le temps périscolaire relevait des communes. Cependant, nombre de collectivités ne semblent pas savoir qu’il leur revient de supporter ce coût et d’organiser ce service. Ainsi, certains enfants ayant un AESH pendant le temps scolaire, se retrouvent sans personne pendant les temps périscolaires, les parents n'ayant d’autres choix que de les retirer de la cantine ou de l’accueil de loisirs associés à l’école (Alae).
Votre ministère a annoncé en juillet 2021 que des échanges auraient lieu pour assurer la coordination des acteurs. Quel est l’état de ces discussions ? Quelles solutions sont apportées aux parents d’enfants en situation de handicap ?
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). D’abord, je trouve toujours surprenant, mais c’est une bonne nouvelle, que le Rassemblement national œuvre contre les écoles confessionnelles privées…
Je souhaite vous interroger sur la réforme du lycée professionnel. Il semble qu’il y ait une volonté de baisser drastiquement le nombre d’heures dévolues à l’enseignement général pour augmenter les temps de stage. J’aurai deux questions, indépendamment de ce que nous pouvons penser du bien-fondé de cette réforme. Que deviendront les enseignants de ces matières délaissées, comme l’anglais ou le français ? Comment adapterez-vous les examens ?
En effet, certains élèves rencontrent déjà des difficultés à obtenir leur diplôme en raison des notes insuffisantes qu’ils obtiennent dans ces disciplines d’enseignement général. Et pourtant, ces cours sont essentiels pour la compréhension du monde, pour la lutte contre les fake news et certaines idées reçues – que l’on vient d’entendre ici même.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je fais la même remarque que précédemment : les questions, dans une audition budgétaire, doivent porter sur le budget.
Mme Anne-Sophie Frigout (RN). Il y a quelques jours, à Reims, une rixe d’une violence inouïe a éclaté devant un lycée. Impliquant plus d’une trentaine de jeunes, l’affrontement a débordé à l’intérieur de l’établissement, l’un des protagonistes a fait usage d’une bombe lacrymogène, un autre aurait utilisé un marteau, notamment contre le proviseur adjoint. Plusieurs élèves ont été blessés. La gravité des faits a profondément marqué les élèves, les parents, les professeurs et l’ensemble de la communauté éducative ; je veux une nouvelle fois leur adresser mon soutien.
Compte tenu de la multiplication de ces événements, il faut agir de façon urgente pour refaire de nos établissements scolaires des sanctuaires. Parce que notre pays est gangrené par l’insécurité, il faut une volonté politique et des moyens financiers qui ne figurent pas dans votre budget. L’État doit œuvrer, aux côtés des collectivités, pour garantir la sécurité aux abords et à l’intérieur des établissements scolaires, en mettant en place des caméras de vidéoprotection ou des tourniquets et en ayant recours aux forces de l’ordre lorsque c’est nécessaire. Quand finirez-vous par agir pour assurer la sécurité de nos concitoyens et de nos lycéens ? Reverrez-vous vos priorités ?
M. Laurent Croizier (Dem). La hausse du budget démontre cette année encore l’ambition de la majorité présidentielle en faveur de l’éducation de notre jeunesse.
Le nombre d’élèves choisissant la langue allemande comme langue vivante 2 diminue. Ils étaient 29 % en 1995, ils sont 15 % aujourd’hui. Le nombre de candidats au Capes diminue aussi et 72 % des postes n’ont pas été pourvus cette année. Cette baisse m’interpelle car l’apprentissage de l’allemand a un intérêt dans l’académie de Besançon, proche de l’Allemagne et de la Suisse, mais aussi pour l’ensemble du pays, tant l’Allemagne et la France entretiennent des liens forts. De plus, l’allemand est la première langue d’Europe en termes de nombre de locuteurs.
Quelles sont les mesures envisagées dans ce budget pour pallier la situation actuelle et favoriser l’apprentissage de cette langue ?
M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, je veux faire appel à l’amoureux de l’école publique que vous êtes, qui refuse son ubérisation. Le problème des AESH n’a que trop duré ; depuis cinq ans, rien n’a été fait pour le régler. Selon les chiffres de votre propre ministère, on ne compte qu’un AESH pour quatre élèves en situation de handicap. Comment expliquer cela ? Pourquoi 97 % des AESH sont-ils contraints de travailler à temps partiel ?
Vous avez expliqué, de façon assez confuse, que la hausse des effectifs n’était pas la solution. Quelle est-elle donc ? Lors d’un récent déplacement à La Réunion, vous avez affirmé que vous y créeriez des postes d’AESH ; comment procéderez-vous ? Par ailleurs, comment comptez-vous pourvoir les 4 000 postes supplémentaires ?
Il est temps de parler statut, rémunération et titularisation. Pourquoi ce dossier traîne-t-il ? Comment accepter que des AESH soient payés 700 euros par mois ? L’ubérisation de l’école, ça suffit ! Monsieur le ministre, c’est à votre capacité à régler ce problème que nous jugerons votre efficacité.
M. Pap Ndiaye, ministre. Le nombre de décrocheurs scolaires, même s’il est passé de 140 000 il y a quelques années à 95 000 aujourd’hui, est encore trop élevé. Le PLF pour 2023 prévoit des crédits, à hauteur de 59,8 millions, en faveur de la lutte contre le décrochage. En augmentation, ils permettront de financer les dispositifs de retour à l’école, une plateforme en ligne « nouvelle chance », et des plateformes spécifiques d’appui et de suivi. Nous comptons aussi sur les associations pour repérer et diriger les décrocheurs.
Nos objectifs, en matière d’apprentissage, sont ambitieux. Nous visons le recrutement de 1 200 apprentis et de 6 600 apprentis en préprofessionnalisation – en hausse de 17 % – au sein du ministère, dans les bibliothèques et dans les métiers administratifs et techniques de l’éducation nationale.
Je le répète, l’enseignement général sera préservé dans les lycées professionnels. Nous pouvons faire mieux dans ce domaine. La question du choix de la filière doit être posée. Une filière utile doit assurer une professionnalisation qui corresponde aux besoins du marché, au sens large du terme. De ce point de vue, des filières d’excellence cohabitent avec des filières qui ne correspondent plus aux évolutions de l’économie. Le choix des filières doit donc aussi être déterminé par leur pertinence par rapport à l’objectif d’emploi.
Je confirme l’existence d’un groupe de travail sur l’affectation des néotitulaires ultramarins. Je me suis entretenu à ce propos avec le président de la conférence des régions ultrapériphériques, Serge Letchimy, et nous sommes convenus d’aboutir en mai à une solution convenable. Je ne promets pas des merveilles, mais nous allons faire au mieux – avec vous, monsieur le député, si vous souhaitez participer.
J’ai eu l’occasion de le dire à propos des académies de La Réunion et de Martinique, la carte de l’éducation prioritaire a en partie vieilli, puisque sa dernière mouture remonte à 2015. Elle ne prend pas en compte des évolutions sociologiques importantes et la répartition géographique des élèves et des familles. Nous devons procéder aux ajustements nécessaires, que ce soit dans l’Hexagone ou outre-mer.
Le port de l’uniforme existe dans certaines académies, notamment outre-mer et les élèves s’en portent très bien. Il n’y a ni interdiction ni consigne : un chef d’établissement peut décider de l’imposer. Un groupe de travail pourrait se pencher sur le sujet, mais il lui faudra avancer avec des éléments tangibles. Une étude britannique, mise en valeur par le conseil scientifique de l’éducation nationale, porte sur cette question et se conclut de façon nuancée. Le port de l’uniforme n’a pas d’effet sur le niveau scolaire, mais sur le sentiment d’appartenance à l’établissement. Je ne ferme pas la discussion.
Nous avons effectivement publié toutes les données IPS en open data, conformément à une demande du tribunal administratif. Plutôt que de les distiller, nous avons décidé de les publier intégralement. J’ai indiqué, dans l’entretien au Monde, que l’on pourrait attendre davantage de la part de l’enseignement privé sous contrat, dont les enseignants sont financés par l’État. J’ai eu, depuis, la satisfaction de recevoir des retours de la part de chefs de ces établissements, qui sont disposés à échanger sur le sujet. Plusieurs pistes existent. Je ne veux pas trop m’avancer, mais il est clair que l’enseignement privé sous contrat ne peut rester en dehors de la mixité scolaire, à laquelle nous sommes attachés.
Concernant l’inclusion à l’école, les situations sont très variées. Certains enfants ont besoin d’un AESH tout le temps, d’autres non. Personne, parmi les associations de parents que nous avons rencontrées, ne revendique un AESH par enfant en situation de handicap ou à besoins particuliers ; sinon, il faudrait en recruter 300 000, soit, avec les 130 000 déjà présents, un AESH pour deux enseignants…
Mais je suis d’accord avec vous : il faut améliorer la situation des AESH. Nous y travaillons, c’est une tâche très difficile car nous ne sommes pas les seuls opérateurs en la matière, les MDPH jouant un rôle important. Il faut également trouver et former ces AESH – et 4 000 nouveaux postes, ce n’est pas rien. Nous puisons encore dans une petite réserve nationale, en particulier pour les situations les plus difficiles. Je suis bien conscient de la difficulté des situations rencontrées, mais nous avons parfois le sentiment de courir après la marée. Les représentants des MDPH pensent, comme moi, qu’il faut varier les réponses. Proposer qu’un AESH suive plusieurs enfants à besoins particuliers peut s’avérer une bonne solution. Il faut prendre en compte la diversité des situations, écouter les associations, et mettre les choses à plat plutôt que de créer encore des postes.
Le pourcentage d’élèves germanistes décroît mais ce n’est pas spectaculaire puisque nous sommes à 14,8 % en 2021 contre 15,7 % en 2019. Nous préparons une nouvelle stratégie avec l’Allemagne car on y observe des difficultés équivalentes pour la langue française. Un séminaire aura lieu bientôt pour échanger à ce sujet et redynamiser ces apprentissages. Il ne s’agit pas seulement d’une question de postes, il faut favoriser les échanges avec des classes et des villes allemandes, renforcer l’attractivité du métier et des dispositifs bilangues.
La situation est plus difficile encore pour le recrutement de professeurs d’allemand, parce qu’il y a eu un effet malthusien, avec une baisse des élèves germanistes et une baisse des postes aux concours de recrutement. Le vivier s’est tari au fil des années et désormais, les rendements des concours du Capes et de l’agrégation sont mauvais, le nombre de postes dépassant celui des professeurs recrutés.
J’en profite pour rappeler que le plus souvent, les enseignements ne sont pas assurés en raison de difficultés de blocs de moyens provisoires (BMP). Ce ne sont pas des ETP qui manquent, mais plutôt des blocs d’heures, qui sont des cases très difficiles à remplir. Je suis bien conscient que pour les familles et les élèves, lorsqu’il manque quatre heures d’économie gestion, ou deux heures de portugais, cela représente un vrai problème. Mais cela ne signifie pas qu’il manque un poste. Certains ETP sont répartis entre plusieurs établissements, ce qui pose des difficultés lorsque ceux-ci sont très éloignés les uns des autres.
Je vous remercie pour ces échanges, qui sont toujours importants et intéressants.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Merci, monsieur le ministre, d’avoir apporté ces réponses.
1. Réunion du jeudi 20 octobre 2022 à 9 heures 30
La commission examine pour avis les amendements sur la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances 2023 (n° 273 ‑ seconde partie) (MM. Philippe Fait et Christophe Marion, rapporteurs pour avis)([26]).
Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Enseignement scolaire.
Comme cela vous a été indiqué, un certain nombre d’amendements de crédits, principalement mais pas exclusivement sur la mission Enseignement scolaire, ont été déclarés irrecevables ce matin.
Cette situation résulte de l’application d’une exigence de la commission des Finances et de la Séance s’agissant des crédits de personnel, dits « du titre 2 ». Lorsqu’un amendement déplace des crédits de ce titre d’une action d’un programme vers une action d’un autre programme, l’amendement doit l’indiquer et préciser pour quel montant. Il s’agit de permettre le respect du principe de la fongibilité asymétrique en exécution.
Nous nous devons donc d’appliquer les mêmes règles de recevabilité que la commission des Finances et la séance pour éviter que des amendements examinés, voire adoptés, par notre Commission soient écartés de l’examen par la commission des Finances et surtout de l’examen en séance publique. De telles asymétries dans les décisions sont sources d’incompréhensions et sont régulièrement déplorées en conférence des Présidents.
Dans la mesure où nous examinons aujourd’hui les premières missions de la législature, j’ai finalement décidé de permettre l’examen des amendements portant sur des actions dont la totalité des crédits sont en titre 2 même si la mention de ce titre manquait, comme le Président Coquerel l’a fait à la commission des Finances. Je ne ferai pas preuve de la même souplesse pour les missions qui seront examinées à partir de la semaine prochaine.
Je compte sur votre compréhension. Vous pourrez rectifier les amendements qui posent problème avant leur dépôt en vue de la séance publique. Je vous invite à la vigilance lors du dépôt des amendements sur les autres missions que nous aurons à examiner.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AC32 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement vise à créer un programme dédié à l’éducation prioritaire. Cette politique publique, créée en 1981, repose sur une allocation des moyens différenciée et plus équitable, pour assurer l’application effective du principe d’égalité des chances.
La Cour des comptes évalue à 1,7 milliard d’euros par an le surcoût induit par les équivalents temps plein (ETP) supplémentaires et les nombreuses primes d’indemnités versées au personnel. En outre, les crédits de titre 2 dédiés aux personnels affectés structurellement dans les établissements concernés s’élèvent à 6 milliards d’euros. Le budget total de l’éducation prioritaire s’élève donc à près de 8 milliards d’euros. Les crédits du programme proposé sont prélevés sur les programmes 140, 141, 230, 139 et 214.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. La fusion des crédits consacrés à l’éducation prioritaire au sein d’un seul programme ne nous semble pas souhaitable. L’éducation prioritaire en primaire, par exemple, fait partie intégrante de l’enseignement scolaire du premier degré et ne doit pas être traitée à part.
Si une telle fusion peut donner l’impression de donner une visibilité à une politique publique importante par son contenu et son volume, les moyens des politiques relatives à l’éducation prioritaire sont essentiellement de la masse salariale, sous forme de rémunérations et de primes. Les extraire de la masse salariale globale est compliqué, et ingérable du point de vue budgétaire. En outre, cela compliquerait les mouvements de personnels, pour un bénéfice assez réduit, d’autant que nous avons d’ores et déjà une vision globale des moyens consacrés à l’éducation prioritaire.
Celle-ci est une préoccupation importante du ministère, comme en témoignent la poursuite du dédoublement des classes, qui mobilisera cette année plus de 1 500 ETP, l’abondement des crédits consacrés aux contrats locaux d’accompagnement (CLA), et la revalorisation des bourses de 4 %. Avis défavorable.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Nous sommes en désaccord avec cette proposition, qui aurait pour effet d’isoler plus encore l’éducation prioritaire du reste de l’enseignement public, alors qu’elle en fait partie intégrante. Il ne faut créer aucune barrière, même fictive, entre l’éducation prioritaire et les autres établissements. Au demeurant, 36 % des élèves habitant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ne sont scolarisés ni en réseau d’éducation prioritaire (REP) ni en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+).
Certes, l’éducation prioritaire induit un surcoût, qui s’élève à 876 euros par élève et par an, soit un coût supérieur de 22 % à celui d’un élève scolarisé ailleurs. Ce surcoût représente 4 % des moyens consacrés aux écoles et aux collèges, pour une proportion d’élèves défavorisés de 30 %. Si l’éducation prioritaire donne peu de résultats, c’est, d’après la Cour des comptes, en raison de la ségrégation résidentielle et des stratégies de contournement de la carte scolaire.
M. Roger Chudeau (RN). Il ne s’agit pas d’isoler l’éducation prioritaire, mais de la distinguer. Cette politique publique mérite d’être distinguée et pilotée. En créant un programme spécifique, doté de moyens significatifs, nous permettons à l’administration et au ministre de piloter cette politique publique qui, comme son nom l’indique, est prioritaire. Il ne s’agit pas de la stigmatiser, mais au contraire de la mettre en relief, et de démontrer l’importance que la représentation nationale accorde à cette priorité éducative.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC169, II-AC170, II-AC171 et II-AC168 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC169 vise à instaurer la gratuité réelle de l’éducation. Notre école publique, malheureusement, n’est pas gratuite. Le coût de la scolarisation représente une dépense importante pour les familles, qui va de quelques centaines d’euros pour un élève d’école maternelle à plus de 1 500 euros pour un lycéen de la voie professionnelle. Cette atteinte au principe de gratuité, lequel découle de l’obligation scolaire, contrevient au principe d’égalité d’accès de tous les élèves à l’éducation.
Nous proposons la gratuité des cantines scolaires, du matériel scolaire, des sorties scolaires, des activités périscolaires et du transport scolaire, soit une dépense d’environ 7 milliards d’euros, que le budget de la nation peut parfaitement financer : la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) représente une perte de recettes fiscales de 8 milliards d’euros. Nous pouvons financer immédiatement cette mesure forte et profondément républicaine de justice sociale.
Les amendements II-AC170, II-AC171 et II-AC168 sont des amendements de repli limitant le champ de cette mesure aux établissements REP, REP+ et publics. Fin août, le ministre Olivier Klein appelait à l’application de cette mesure dans les établissements situés en QPV.
Le budget de la France peut tout à fait la financer. Son coût est minime rapporté au budget de l’Éducation nationale, et elle est indispensable en ces temps de grande difficulté sociale, où la pauvreté s’étend. Un élève sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. La gratuité est un enjeu particulièrement prégnant.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Chacun connaît la difficulté dans laquelle se trouvent certaines familles. Pour la soulager, de nombreuses dispositions ont été adoptées, notamment des fonds sociaux, des bourses et le dispositif « cantine à un euro ». Les fonds sociaux alloués à l’enseignement public et privé dans le projet de loi de finances pour 2023 atteignent un total de 54 millions d’euros, soit un montant très largement supérieur aux crédits consommés en 2022. Les bourses ont été revalorisées de 4 % à la rentrée pour tenir compte de l’inflation, en sus de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) et des crédits pédagogiques permettant l’achat de certains manuels.
Par ailleurs, les compétences visées par les amendements relèvent des collectivités territoriales. Elles feront l’objet de financements renforcés de la part de l’État, par le biais de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Enfin, prélever plus de 6 milliards d’euros sur les 8,4 milliards d’euros destinés à l’enseignement privé pose un problème de constitutionnalité. Le principe de liberté de l’enseignement impose la participation de l’État au financement des établissements privés, pour garantir leur existence et leur fonctionnement.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Les dispositions énumérées par le rapporteur pour avis ont fait leur temps. Le dispositif « cantine à un euro » concerne 18 000 élèves en France. Quant aux fonds sociaux, de plus en plus de parents n’y recourent pas pour des raisons de dignité. Leur montant a été réduit lors du précédent quinquennat car ils n’étaient pas intégralement consommés.
Il s’agit de procéder à une mise à jour « 2.0 », afin d’instaurer un droit commun pour tous les enfants, indépendamment du revenu des familles, grâce aux revenus de l’État. Il faut renouveler la répartition de l’impôt pour faire disparaître toute discrimination des enfants en matière d’accès plein et entier à l’école et permettre la liberté pédagogique des enseignants.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Certes, le dispositif « cantine à un euro » doit être davantage développé et promu auprès des collectivités territoriales. Elles sont toujours plus nombreuses à l’adopter. Se l’approprier – c’est un ancien élu local qui parle – demande du temps.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC179 de M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cet amendement de double repli prévoit, à l’unisson du ministre Olivier Klein, la gratuité des fournitures scolaires pour supprimer toute discrimination entre les enfants. Les enjeux sont écologiques – supprimer le plastique –, de genre – éviter que les stylos des filles soient roses et ceux des garçons bleus – et pédagogiques – dans certaines écoles, les circulaires du ministère ne sont pas appliquées, ce qui pèse sur le budget des parents, surtout s’ils se fournissent dans la grande distribution.
Pour éviter des biais de consommation et des biais pédagogiques, pour soutenir les mesures éducatives du Gouvernement et du ministère de l’Éducation nationale et compte tenu de l’impact des fournitures scolaires sur la liberté pédagogique des enseignants, nous proposons que les fournitures scolaires soient prises en charge par la puissance publique, grâce à un soutien aux collectivités territoriales, qui jouent le rôle d’opérateur en la matière. Il faut que tous les enfants aient accès au même pack de fournitures scolaires pour que l’école fonctionne correctement et de la même façon partout sur le territoire national.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. La mesure proposée est de la compétence des collectivités locales. Avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Une enquête du comité national d’action laïque (CNAL) publiée en 2019 démontre que 52 % des familles d’enfants scolarisés dans le premier degré déclarent être sollicitées pour acheter des fournitures scolaires, et que 26 % d’entre elles disent être en difficulté pour ce faire. Par ailleurs, 42 % des familles sont sollicitées pour participer aux frais des sorties pédagogiques, ce qui constitue une difficulté pour un grand nombre d’entre elles. Cela pose des problèmes en matière d’égalité d’accès et de réussite éducative pour les élèves issus des catégories populaires.
Nos amendements proposent de doter les collectivités locales des moyens permettant la mise en œuvre des politiques publiques de l’éducation. Il ne s’agit pas de leur substituer l’État, mais de leur donner les moyens de mener des politiques publiques ambitieuses pour tous les élèves.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. D’après mon expérience d’élu local, les sorties scolaires sont gratuites. En théorie, aucune participation n’est demandée aux familles. Les caisses d’école prennent en charge l’intégralité de leur coût. S’agissant des fournitures scolaires, l’allocation de rentrée scolaire sert en priorité à aider à leur acquisition.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC172 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Fin août, le ministre délégué chargé de la ville et du logement a dit : « J’ai envie, avec le ministre de l’Éducation nationale, de travailler pour la rentrée 2023 à une procédure qui ferait que, dans les quartiers populaires en tout cas, les enfants aient tous leurs fournitures ». Nous partageons cet appel à la gratuité des fournitures scolaires, même si notre ambition dépasse celle du ministre.
Concrétiser sa proposition à la rentrée prochaine coûte 120 millions d’euros, ce qui n’est pas hors de portée, surtout à l’aune des recettes soustraites au budget de l’État, notamment les 8 milliards de la CVAE, soit près de soixante-dix fois plus. Tel est le sens de l’amendement.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Ancien élu local d’une commune comportant des QPV, j’ai mis en œuvre pendant quinze ans les dispositions précitées, avec toute l’énergie que l’on peut y mettre. J’appelle à ne pas différencier les publics. Avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Puisque nous en sommes à décliner nos états de service, je suis un ancien représentant de parents d’élèves, pour lesquels les fournitures scolaires sont un vrai sujet de préoccupation. Je m’étonne qu’un rapporteur pour avis, membre de la majorité qui plus est, suggère que la mesure proposée par le ministre Olivier Klein est impossible à mettre en œuvre. Dont acte.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement II-AC212 de M. Idir Boumertit.
Amendements II-AC182 et II-AC181 de M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Ces amendements tirent les conséquences du fait que 40 % des communes proposent aux familles l’application du quotient familial. Il en résulte une inégalité des enfants en matière d’accès à l’alimentation. Au demeurant, le système fondé sur le quotient familial a vécu. Il faut instaurer un droit commun pour tous les enfants. Par ailleurs, il s’agit d’un enjeu écologique et de santé publique : il faut s’affranchir des considérations que certains adultes veulent mettre dans l’assiette des enfants, dont il faut faire un outil de liberté.
Le repas pris à la cantine scolaire est un moment démocratique pour les enfants. Je défendrai ultérieurement un amendement faisant de la pause méridienne au collège la même lecture. Dans ce moment de liberté, où les adultes sont là pour surveiller et non pour éduquer, les enfants peuvent créer leurs propres projets et suivre leurs propres envies, dans le cadre scolaire et éducatif. Cela permettra aux élèves d’avoir leur moment à eux, autour d’un repas commun. L’amendement s’inscrit dans les enjeux auxquels le Gouvernement se dit sensible, notamment la lutte contre le réchauffement climatique et la promotion des circuits courts.
L’assiette n’est pas seulement un outil alimentaire, elle est aussi un outil éducatif. Déjà, dans les années 1970, l’alcool a été interdit dans les lycées. La cantine scolaire ne se contente pas d’alimenter ; elle éduque.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Plusieurs dispositions, notamment les fonds sociaux et le dispositif « cantine à un euro », sont consacrées à l’alimentation scolaire. Au cours de l’année scolaire 2020-2021, près de 2,5 millions de repas à moins d’un euro ont été servis dans les cantines des petites communes rurales.
Les fonds sociaux pour les cantines facilitent l’accès à la restauration scolaire du plus grand nombre de collégiens et de lycéens, afin d’éviter que certains enfants ne soient privés de repas au motif que leur famille ne parvient pas à prendre en charge les frais de restauration. L’aide est attribuée en déduction du tarif dû par la famille pour le règlement des frais de restauration, après déduction de la bourse nationale éventuelle.
Par ailleurs, les cantines scolaires sont de la compétence des collectivités locales, dont certaines expérimentent la gratuité. Les centres communaux d’action sociale (CCAS) prennent aussi leur part.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). La question de la gratuité de la cantine scolaire se pose, au moins pour les élèves des catégories sociales les plus défavorisées, qui déjeunent moins souvent à la cantine, notamment dans les collèges relevant de l’éducation prioritaire : 58 % des élèves en REP et 75 % des élèves en REP+ n’y déjeunent jamais. Les bourses ne couvrent pas tous les coûts de la demi-pension, même en cas de tarification sociale.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC134 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement d’appel vise à financer une campagne de communication auprès des parents d’élèves de collège et de lycée pour faire connaître l’existence des fonds sociaux pour les cantines. D’après l’association des maires de France (AMF), la moitié des communes ont appliqué à la rentrée une hausse allant de 5 % à 10 %. La fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) estime que plus de 2 millions d’élèves pourraient être privés d’accès à la cantine.
Il est impératif de protéger les enfants de cette hausse. L’inégalité d’accès à une alimentation en qualité ou en quantité satisfaisante renforce les inégalités sociales. Le ministère a confirmé que les crédits des fonds sociaux pour les cantines sont insuffisamment consommés.
Il faut financer une campagne de communication massive dès le mois de janvier 2023 et prévoir des campagnes de rappel, dont les modalités seront précisées par circulaire.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Une telle campagne de communication peut être laissée à l’initiative des rectorats, à budget constant. Le ministère mobilise les académies pour augmenter d’au moins 50 % la consommation des fonds sociaux. Sur le terrain, les services sociaux mènent des actions de d’information et de formation auprès des élèves. Avis défavorable.
Mme Cécile Rilhac (RE). Rapporteure pour avis de la mission Enseignement scolaire des deux derniers budgets, j’ai commandé en 2021 un rapport sur les fonds sociaux, qui a démontré que la sous-consommation des crédits est due à un manque non d’information mais de demande de la part des familles. Depuis deux ans, le déficit d’information de la part des personnels de l’Éducation nationale a été comblé, et la sous-consommation des crédits des fonds sociaux pour la cantine scolaire demeure. Elle a donc une autre origine.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Le système d’information n’est pas efficient. L’amendement de notre collègue Pasquini vise à le compléter et à accélérer les choses.
Prenons l’exemple de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi Egalim ». Elle prévoit notamment que les collectivités territoriales proposent des repas végétariens aux enfants. Or de nombreux maires disent ne pas en être informés. La transmission de l’information de l’Assemblée nationale aux acteurs concernés n’est pas efficace à l’aune des objectifs que nous nous donnons collectivement.
L’amendement vise à renforcer les dispositions que nous votons. Faute d’information, et aussi, souvent, d’accompagnement humain par des assistantes sociales et des conseillers principaux d’éducation (CPE), les chefs d’établissement portent une attention insuffisante aux enfants qui ont le plus besoin d’être accompagnés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC183 de M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Il vise à la création d’une dotation de soutien financier à la neutralité plastique dans les cantines scolaires. Il s’agit de soutenir les initiatives des acteurs concernés au sein des collectivités territoriales, pour éviter que l’école ne contribue au sixième continent, fait de déchets plastiques flottant dans les océans. Il s’agit d’éduquer nos enfants au contournement du plastique, en leur montrant qu’il n’est ni utile ni nécessaire, et qu’il est même nuisible au monde que nous leur livrons, qu’ils auront certainement à cœur de réparer.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Cette compétence relève des collectivités locales, qui sont d’ores et déjà encouragées à réduire l’usage du plastique. Certaines mènent des actions ambitieuses. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC206 de M. Jérôme Legavre, II-AC166 de M. Paul Vannier, II-AC208 de M. Jérôme Legavre, II-AC210 de M. Idir Boumertit, II-AC207 et II-AC165 de M. Paul Vannier (discussion commune).
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publié le 3 octobre 2022, que nous avons évoqué hier avec le ministre Pap Ndiaye, rappelle que la rémunération des enseignants français est inférieure de 19 % à la moyenne de l’OCDE, notamment en milieu de carrière, ce que M. le ministre appelait poétiquement le « plateau de milieu de carrière ». L’amendement II-AC206 prévoit une revalorisation immédiate de 15 % des salaires des enseignants, quel que soit leur niveau de carrière.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC166 vise à mettre en lumière le mensonge du ministre Pap Ndiaye annonçant une augmentation de salaire de 10 % des enseignants.
La somme de 2 milliards d’euros en année pleine, au sein d’une masse salariale de 50 milliards d’euros, permet une augmentation de 4 % du traitement des enseignants. La prétendue hausse du point d’indice de 3,5 % porte l’augmentation des salaires à 7,5 %, soit 2,5 points de moins que les 10 % annoncés qui, au demeurant, restent insuffisants à l’aune de la très grave crise de recrutement qui frappe notre système éducatif et porte atteinte au droit à l’éducation des élèves ainsi qu’à la qualité du service public de l’éducation.
Le présent amendement prévoit une augmentation de 10 % du salaire des enseignants. Nous appelons la majorité être fidèle aux promesses du Gouvernement.
M. Hendrick Davi (LFI-NUPES). L’amendement II-AC208 est un amendement de repli visant à augmenter de 10 % la rémunération des enseignants, conformément à une promesse formulée par le président Macron cet été. « En euros constants et compte tenu de l’inflation, les enseignants français ont perdu entre 15 % et 25 % de rémunération au cours des vingt dernières années » : cette phrase n’est pas extraite du programme de La France insoumise, mais d’un rapport rédigé par le sénateur Les Républicains Gérard Longuet. En 1980, le traitement d’un enseignant équivalait à 2,3 SMIC ; aujourd’hui, il est de 1,2 SMIC.
Cette dévaluation du traitement des enseignants est allée de pair avec la dévalorisation de leur métier. Aux derniers concours de recrutement, 4 000 postes n’ont pas été pourvus.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). L’amendement II-AC210 prévoit une augmentation immédiate de 10 % du traitement des enseignants, pour respecter les promesses du Président de la République et du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC165 est un amendement d’appel visant à augmenter le traitement des enseignants de 30 %, comme nous le proposions lors de la campagne présidentielle. Ce chiffre, qui fait sourire certains, correspond à la perte de pouvoir d’achat des enseignants depuis le début des années 1980. Ils commençaient alors leur carrière à 2,3 SMIC ; ils la commencent aujourd’hui à 1,2 SMIC.
Cet effondrement du pouvoir d’achat des enseignants est l’une des causes, sans doute la principale, de la très grave crise de recrutement qui frappe l’Éducation nationale. 4 000 postes non pourvus aux concours, c’est autant d’enseignants qui manquent dans les salles de classe, devant les élèves, aujourd’hui et dans les semaines à venir, dès lors que le vivier des remplaçants est épuisé.
Il en résulte un affaiblissement du service public de l’éducation et l’émergence d’un modèle d’école low cost, que nous refusons. Nous proposons au contraire de reconstruire notre service public de l’éducation, ce qui suppose une revalorisation massive de la condition enseignante.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre ces amendements. Ils sont profondément injustes. Un professeur débutant est rémunéré 1 600 euros nets par mois, un agrégé hors classe enseignant en classe préparatoire 5 000. Augmenter tout le monde de 10 % n’a pas de sens.
Par ailleurs, les professeurs de République fédérale d’Allemagne sont, certes, payés deux fois plus que les nôtres, mais ils travaillent aussi bien plus et différemment. Des amendements visant à augmenter forfaitairement les enseignants sans poser la question de leurs obligations réglementaires de service ne sont pas acceptables.
Mme Cécile Rilhac (RE). Il est exact que le pouvoir d’achat des enseignants a substantiellement diminué depuis les années 1980. C’est pourquoi le budget de l’Éducation nationale augmente depuis trois ans.
Le précédent gouvernement, soutenu par notre majorité, a été le premier à investir autant dans la revalorisation salariale des enseignants : 500 millions d’euros en 2021, 400 millions d’euros en 2022 hors glissement vieillesse-technicité (GVT) et 635 millions d’euros pour l’année 2023. Nul ne conteste que les enseignants, en France, sont mal payés. Le ministre Pap Ndiaye a dit qu’aucun enseignant ne commencera sa carrière à moins de 2 000 euros par mois, s’inscrivant dans la continuité de son prédécesseur, Jean‑Michel Blanquer.
Monsieur Vannier, je ne puis vous laisser dire que notre école est low cost. Sans remonter aux années 1980, ce qui aboutirait à des chiffres en effet très mauvais, le nombre moyen d’élèves par classe de primaire a diminué sans discontinuer au cours des cinq dernières années. À l’échelle du ministère, le budget de l’éducation est équilibré.
Quant à la promesse présidentielle d’augmenter le revenu des enseignants de 10 %, elle est tenue. Il s’agit d’une moyenne calculée sur la masse salariale des enseignants des premier et second degrés. Il ne s’agit pas de donner la priorité au tout début de carrière, mais, de façon nouvelle, d’agir sur les vingt premières années de carrière. Une attention particulière est aussi portée aux fins de carrière, en vue d’accélérer l’accès à la hors classe et à la classe exceptionnelle.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Notre école est low-cost parce que le nombre moyen d’élèves par classe dans notre pays est très supérieur à la moyenne européenne. Sa diminution dans le premier degré est davantage due à des évolutions démographiques qu’à la mobilisation de moyens, même si celle-ci a eu lieu pour l’éducation prioritaire, ce qui est heureux, à ceci près qu’elle a été annihilée, dans ma circonscription par exemple, par le manque d’enseignants, qui oblige à regrouper des classes dédoublées.
Sur la question salariale, il est faux de dire que ce gouvernement et le précédent ont agi. Cette année encore, le projet de loi de finances confirme une baisse du pouvoir d’achat des enseignants. L’inflation est attendue à 6 % ; le point d’indice augmentera de 3,5 %. Le pouvoir d’achat des enseignants diminuera donc de 2,5 %, dans la continuité d’une évolution entamée dans les années 1980.
Nous appelons à une bifurcation des politiques éducatives et à un changement de cap radical. Vous vous inscrivez dans une forme de continuité qui nous rapproche d’un point de bascule. Je lance l’alerte sur le risque d’effondrement de notre service public de l’éducation.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les augmentations de salaire, prévues par le PLF, sont déjà très importantes. Elles permettront, in fine, d’atteindre la revalorisation que nous souhaitons tous : 10 % au titre de ce que le ministre appelle le socle – les mesures prises dans le cadre du Grenelle de l’éducation, la hausse du point d’indice et la revalorisation inconditionnelle – et 10 % supplémentaires en moyenne avec l’instauration du « pacte » avec les enseignants.
Ces revalorisations recouvrent : pour 1,7 milliard d’euros, l’application en 2023 de la hausse du point d’indice décidée en juillet 2022, qui concerne 1,2 million d’agents du ministère ; pour 635 millions d’euros, la revalorisation catégorielle afin qu’aucun enseignant ne commence sa carrière avec une rémunération mensuelle inférieure à 2 000 euros nets ; pour 300 millions d’euros, la rémunération de missions complémentaires exercées par les enseignants dans le cadre du « pacte ». Ce montant est indicatif et ne présage pas du nombre d’enseignants qui adhèreront à la démarche. La définition des missions concernées fera l’objet d’une concertation au premier semestre de l’année 2023 ; pour 66 millions d’euros, la revalorisation d’autres professionnels de l’éducation et de la jeunesse, avec un effort particulier pour les personnels sociaux et de santé, les personnels administratifs et techniques et les personnels d’encadrement ; pour 73,5 millions d’euros, la revalorisation des personnels exerçant en éducation prioritaire.
L’effort, au demeurant important, est-il suffisant ? Il faut l’inscrire dans une logique pluriannuelle : le PLF 2023 est la première étape d’un chemin de hausse de la rémunération des enseignants, hausse appelée à se poursuivre dans les années qui viennent.
En outre, la rémunération n’est qu’un des éléments de l’attractivité du métier. Le rapport Longuet montre que même les pays qui rémunèrent leurs enseignants mieux que la France sont confrontés à des difficultés de recrutement – c’est le cas de l’Allemagne.
J’émets un avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC57 de M. André Chassaigne, amendements II-AC58 et II-AC60 de M. Stéphane Peu (présentation commune).
M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Nous ne boudons pas notre satisfaction à l’égard de la hausse de la rémunération des enseignants en début de carrière que nous appelions de nos vœux.
Toutefois, en Seine-Saint-Denis, la crise des vocations ne concerne pas seulement les nouveaux enseignants mais aussi ceux qui sont déjà en poste. Ils sont nombreux à quitter le métier après dix, quinze voire vingt-cinq ans. Arrivés à la cinquantaine, ils sont épuisés, ils n’en peuvent plus pour de multiples raisons parmi lesquelles, outre le salaire insuffisant, un management devenu entrepreneurial.
Si nous voulons éviter que l’école publique dans les quartiers populaires ne se transforme en une immense école d’application à force de n’y affecter que des enseignants peu formés, il faut garantir une mixité entre novices et enseignants expérimentés. Pour ce faire, la revalorisation doit s’appliquer à l’ensemble de la grille salariale.
C’est la raison pour laquelle les trois amendements – l’un pour l’école élémentaire, l’autre pour le collège et le troisième pour le lycée – visent à augmenter les crédits de 300 millions d’euros afin d’augmenter les rémunérations de tous les enseignants.
Le groupe GDR-NUPES a également déposé une proposition de loi visant à répondre à la crise de recrutement des professeurs de l’Éducation nationale.
Nombre d’enseignants me disent leur lassitude et leur volonté de quitter le métier. Nous devons leur apporter une réponse.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. L’augmentation s’appliquant à compter de la prochaine rentrée scolaire, l’enveloppe est de 635 millions d’euros pour l’année 2023 ; elle sera de 1,9 milliard d’euros en année pleine.
Elle a pour objet d’améliorer la rémunération non seulement en début de carrière mais aussi pendant les vingt premières années, le ministre l’a répété hier. Les modalités de répartition de cette enveloppe tout au long de la carrière feront l’objet de concertations avec les organisations syndicales d’enseignants.
Il est vrai que certains enseignants s’interrogent sur leur métier et souhaitent le quitter. À cet égard, l’enseignement n’est pas différent du monde de l’entreprise dans lequel le sens du travail est aujourd’hui souvent questionné et les envies d’ailleurs fréquentes.
Il n’en reste pas moins que l’Éducation nationale n’accompagne pas suffisamment les enseignants désireux de donner une nouvelle orientation à leur carrière. Elle n’offre pas assez de perspectives ni de formation continue à ceux qui sont épuisés d’être devant des élèves depuis longtemps.
Mon avis est donc défavorable.
Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vos propos ne sont pas du tout de nature à nous rassurer.
Les démissionnaires sont plus nombreux depuis quelque temps, c’est un fait, mais vous ne pouvez pas pour autant minimiser ce qu’il se passe au sein de l’Éducation nationale.
La crise du sens du travail touche de très nombreux métiers mais elle est particulièrement aiguë chez les enseignants parce que c’est un métier pour lequel la vocation est très forte. Ceux qui l’exercent sont confrontés à un conflit éthique permanent, exacerbé par la politique du ministre Jean-Michel Blanquer pendant cinq ans.
L’école est censée être le lieu de l’émancipation des enfants et de leur construction d’être adulte. Les injonctions auxquelles les enseignants sont soumis et les moyens dont ils disposent sont contradictoires avec cette ambition, qui est souvent à l’origine du choix de ce métier.
Vos propos ne semblent pas prendre la mesure de la crise que traverse l’école.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous sommes tous conscients de la crise de la profession d’enseignant. Pour y répondre, le Gouvernement mise sur un choc d’attractivité.
Toutefois, les enseignants souffrent d’abord d’un manque de reconnaissance de la part de la société.
635 millions d’euros – 1,9 milliard d’euros en année pleine – sont prévus pour répondre à leur première préoccupation en rehaussant les salaires, y compris en milieu de carrière, là où les revalorisations précédentes ont toujours porté sur le début de carrière. Il est également prévu de faciliter l’accès la hors classe et à la classe exceptionnelle.
Le message de soutien que le Gouvernement adresse aux enseignants est clair. C’est un premier pas important. Les enseignants sont bien placés pour savoir qu’une hausse généralisée de 30 % des salaires mettrait en péril les finances publiques.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Les enseignants sont épuisés non pas d’être devant les élèves – ils sont passionnés – mais par leurs conditions de travail. Ils sont victimes de maltraitance institutionnelle. Ils travaillent déjà quarante-trois heures par semaine. Quand pourront-ils faire les tâches supplémentaires que vous leur proposez pour obtenir une hausse de salaire ?
Puisqu’ils doivent attendre la rentrée prochaine pour voir leur salaire augmenter, comment feront-ils pour vivre jusque-là alors que l’inflation galope ?
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. La rémunération n’est pas l’alpha et l’oméga de la réponse au malaise des enseignants. Des mesures ont été prises pour leur redonner confiance : les classes à douze élèves ; la diminution du nombre d’élèves par classe ; la création du fonds d’innovation pédagogique visant à renforcer la liberté et la souplesse pédagogiques.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC167 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement s’attaque à l’une des causes de la crise du métier, qui est aussi une crise de sens née de la multiplication des tâches bureaucratiques, des dispositifs d’évaluation ou encore des hiérarchies intermédiaires. Cette accumulation éloigne de la mission fondamentale de l’enseignant : la transmission des savoirs, l’éveil de l’esprit critique et créatif des élèves.
Or le ministre ne fait pas autre chose en utilisant la hausse de salaire comme une carotte pour convaincre les enseignants d’assumer de nouvelles missions. La revalorisation salariale ne doit pas être conditionnée à une augmentation de la charge de travail.
L’amendement vise donc à supprimer l’enveloppe destinée à financer les missions complémentaires, laquelle a aussi le défaut de mettre en concurrence les enseignants, et à utiliser cette somme pour augmenter tous les personnels.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. L’enveloppe de 300 millions d’euros est indicative puisqu’elle est susceptible d’évoluer selon l’engouement que suscitera le dispositif.
La définition des nouvelles missions fera l’objet de négociations avec les enseignants et les organisations syndicales.
L’enveloppe n’est pas seulement destinée à rémunérer des missions nouvelles mais aussi des missions que les enseignants exercent déjà – l’animation de clubs culturels ou de forums, etc. Il s’agit de valoriser l’engagement et l’investissement des enseignants dans leur établissement.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement et je tiens à réfuter quelques idées fallacieuses, diffusées notamment par M. Chudeau.
Les enseignants français travailleraient moins que les autres. Leur temps de travail est en moyenne de quarante-trois heures par semaine et, dans le premier degré, cela peut être davantage.
Le chemin que vous voulez tracer, monsieur le rapporteur pour avis, nous inquiète car il va vers la contractualisation des missions. Moi je crois profondément au statut de la fonction publique qui protège les enseignants, les élèves et les usagers.
Qui décidera, lorsque les missions ne sont pas nouvelles, qu’elles ouvrent droit à une rémunération supplémentaire ?
Nous proposons d’utiliser l’enveloppe pour augmenter tous les enseignants car ils sont tous méritants.
Mme Cécile Rilhac (RE). Nous sommes aussi très attachés au statut de la fonction publique. Il n’est pas question de le remettre en cause.
S’agissant des missions visées par le « pacte », il faut distinguer le primaire et le secondaire. On pourrait ouvrir les indemnités pour mission particulière (IMP) aux enseignants du premier degré, par exemple lorsqu’ils s’engagent – de manière bénévole aujourd’hui – dans l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep). L’accompagnement éducatif auquel les directeurs d’école consacrent beaucoup de temps de même que la coordination d’un pôle inclusif d’accompagnement localisé (Pial) pourraient aussi être considérés comme des missions particulières.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC132 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à créer un fonds destiné à revaloriser de 10 % tous les enseignants, immédiatement et sans condition. Le décrochage des salaires est l’une des raisons majeures – même si ce n’est pas la seule – du déficit de recrutements dont souffre la profession. Or les moyens alloués dans le PLF pour 2023 ne nous semblent pas à la hauteur. L’enveloppe ne répond pas à la promesse du Président de la République. Quant à la part conditionnelle, elle correspond en réalité à des tâches déjà effectuées par les équipes pédagogiques. Si l’on intègre le temps de travail hors classe, les enseignants travaillent 43 heures par semaine.
Nous contestons la décision consistant à cibler les débuts et les milieux de carrière, car elle revient à ne pas augmenter la majorité des professeurs. La hausse du nombre de démissions est l’un des nombreux signaux indiquant qu’un malaise s’est installé dans l’ensemble de la profession.
Nous regrettons également que la hausse de salaire ne s’applique qu’à la rentrée 2023. D’ici là, l’inflation va continuer à affecter durement le pouvoir d’achat des enseignants, et ce malgré la hausse du point d’indice.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement de Mme Pasquini. Il ne s’agit pas ici d’une hausse de pouvoir d’achat : ce qui est en jeu, c’est un rattrapage pour rendre sa dignité au travail des enseignants. Ces derniers accomplissent une mission pour le compte de la République, à savoir fabriquer des citoyens – et non des travailleurs. C’est là une différence conceptuelle et éthique dont nous aurons l’occasion de débattre lors de l’examen des amendements. Or ils sont sous-payés par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. Nous parlons de personnes recrutées au niveau master, à bac plus cinq. Même l’augmentation prévue à l’horizon de 2023 n’est pas de nature à leur assurer un salaire égal par rapport à celui que touchent leurs camarades qui préfèrent aller travailler dans le privé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC13 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Depuis des décennies, les ministres de l’Éducation nationale successifs nous expliquent la main sur le cœur que le premier degré est leur priorité. La réalité est bien différente : le coût moyen d’un élève du premier degré est de 6 980 euros, quand celui d’un élève du second degré s’élève à 9 850 euros. Cela dure depuis des décennies, et l’écart ne se resserre que très peu. Cet amendement a donc pour objectif d’appeler l’attention sur la nécessité de transformer en actes les paroles et les projets politiques. Pour ce faire, il vise à abonder de 3 milliards d’euros le programme 140 Enseignement public du premier degré.
Le premier degré est le maillon faible. On lit en effet au détour d’une phrase, dans la présentation stratégique de la mission pour l’année 2023, que « 50 % des élèves entrent en 6ème sans savoir lire de manière fluide ». Le sens de l’amendement est de faire en sorte que la priorité accordée au premier degré se traduise dans le budget.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous partageons évidemment votre ambition quant à la réussite des élèves de primaire et à la bonne acquisition des savoirs fondamentaux. Le PLF en témoigne : les crédits du programme 140 augmentent de 6 %. Par ailleurs, comme le nombre d’élèves diminue mais que le nombre de postes ne suit pas la même évolution, le taux d’encadrement augmente mécaniquement chaque année, même si le nombre d’élèves par classe reste plus élevé que d’autres pays européens : il y avait 23,2 élèves par classe à la rentrée 2017, 21,8 à la rentrée 2021 et il devrait y en avoir 21,3 à la rentrée 2023.
En outre, des moyens importants ont été consacrés à l’acquisition des savoirs fondamentaux, notamment en REP et REP+ avec le dédoublement des classes et le lancement de grands plans de formation, par exemple en mathématiques et en français.
L’amendement vise à faire basculer vers l’enseignement primaire 3 milliards d’euros affectés aux dépenses de personnel des collèges et lycées. Or les besoins sont également importants dans ces établissements, notamment dans les collèges. Avis défavorable.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Le recueil Regards sur l’éducation indiquait, dans son édition 2021, que la part des horaires hebdomadaires d’enseignement dévolus à la lecture, à l’expression écrite et à la littérature étaient supérieurs, en France, à la moyenne de l’OCDE. Autrement dit, les savoirs fondamentaux sont déjà bien pris en compte dans l’enseignement scolaire. Les 3 milliards d’euros que vous proposez d’affecter ne correspondraient donc à aucune mesure tangible.
M. Bertrand Sorre (RE). Depuis plusieurs années, nous avons œuvré en faveur de l’enseignement primaire avec le dédoublement des classes en grande section de maternelle, en CP et en CE1. N’en doutons pas, cette mesure livrera ses fruits dans les prochaines évaluations de 6ème, comme l’a souligné hier M. le ministre.
Je trouverais dommageable d’amputer de 3 milliards d’euros les crédits de l’enseignement du second degré, compte tenu de l’excellence du travail qui y est accompli. Ce serait affaiblir ce maillon important.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC241 de M. Alexandre Portier.
M. Alexandre Portier (LR). Le Gouvernement fait de l’intégration des nouveaux enseignants une priorité. Cet amendement va dans le même sens.
Le nombre de démissions d’enseignants au cours de leur année de stage est en forte augmentation : en huit ans, il a été multiplié par quatre. Ce sont environ 4 % des enseignants stagiaires qui fuient l’Éducation nationale après avoir réussi le concours. À travers cet amendement, nous souhaitons consolider l’intégration de ces enseignants en étendant la prime pour la mobilité qui leur est versée. L’objectif est de prendre en charge en totalité leurs frais de déplacement pour faciliter leur quotidien au cours de la première année, lors de laquelle beaucoup de choses se jouent. Nous proposons, pour financer cette mesure, de réorienter vers les actions consacrées à la formation des personnels enseignants des crédits provenant de l’action 06 Politique des ressources humaines du programme 214 Soutien de la politique de l’Éducation nationale
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. L’amendement vise à financer l’intégralité des frais de déplacement des stagiaires du premier et du second degrés en augmentant la prime pour la mobilité. Je comprends l’objectif, et il est vrai que ces déplacements peuvent être coûteux pour des stagiaires qui doivent se rendre à de nombreuses reprises de leur lieu de vie à l’institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspe) ou à l’établissement où se déroule le stage. Toutefois, l’amendement est en grande partie satisfait : le montant des indemnités kilométriques est le même pour tous les fonctionnaires et le dispositif a été revalorisé récemment. Certes, il existe quelques régimes dérogatoires pour les stagiaires et les titulaires sur zone de remplacement (TZR), mais les indemnités spécifiques ont été alignées en gestion en 2022. Il faudra probablement réfléchir à un alignement juridique mais, en pratique, les montants sont déjà alignés depuis cette année.
En ce qui concerne les démissions en tout début de carrière, notamment de la part de stagiaires qui découvrent à ce moment-là qu’ils ne sont pas faits pour ce métier, la solution consiste plutôt à insister sur la préprofessionnalisation à partir de la deuxième année de licence. Il faut mettre dans le bain les futurs enseignants, leur permettre de découvrir la réalité du métier avant qu’ils ne passent le concours. Ainsi, ils seront certains de s’être engagés dans la bonne voie professionnelle. Avis défavorable.
M. Francis Dubois (LR). Vous dites que le dispositif est le même pour les différentes catégories d’enseignants, mais ce n’est pas le cas pour ceux qui exercent en milieu rural, avec le prix des carburants, l’inflation et le faible niveau des rémunérations. Seule une partie des frais de déplacement est prise en charge, et elle varie selon les régions et le système de carte de transport en vigueur. C’est une injustice. Ce n’est pas en agissant ainsi que l’on témoigne de la reconnaissance aux enseignants. Si le système est juste pour l’ensemble des salariés, il est injuste pour les enseignants. Nous devons rétablir de la justice à leur profit.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le problème que vous soulevez n’est pas limité aux enseignants : il touche l’ensemble des travailleurs dans le monde rural. Ce n’est pas dans cette commission que nous allons pouvoir y apporter une réponse. Celle-ci doit passer par la mise en place de politiques de soutien à la baisse du coût de l’énergie.
Par ailleurs, selon le principe de la résidence administrative, si l’on enseigne à 40 kilomètres de sa résidence personnelle, les frais de déplacement ne sont pas pris en charge. Ils ne le sont que si l’on se rend de son établissement à l’Inspe ou dans un autre lieu où l’on doit suivre une formation complémentaire. C’est ainsi que cela fonctionne en général dans l’ensemble de l’administration.
Plutôt que d’appeler au rejet de votre amendement, je vous demande de le retirer, car l’objectif visé est en grande partie satisfait.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC178 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement vise à porter l’augmentation des frais de déplacement au niveau de celle des prix des carburants. Certes, le PLF prévoit une augmentation des frais de déplacement de 10 %, mais les prix des carburants, pour leur part, ont plus que doublé. C’est donc une question de justice. Nous proposons de transférer 5 millions d’euros de crédits pour financer cette augmentation.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le PLF prévoit déjà une revalorisation des indemnités kilométriques pour les déplacements professionnels afin de prendre en compte l’augmentation du coût de l’énergie. Ce sont près de 5 millions d’euros qui ont été ajoutés à l’enveloppe consacrée aux frais de déplacement, laquelle atteint 57 millions d’euros. À cela s’ajoutent les mesures prises au mois de juillet pour limiter la hausse des prix des carburants. Je ne conçois pas une réponse spécifique pour chaque catégorie professionnelle de l’administration – en l’occurrence, ici, pour les enseignants. Avis défavorable.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement de mon collègue. Les arguments de M. Dubois sont très justes : dans les départements ruraux, les enseignants peuvent faire jusqu’à 100 kilomètres par jour pour se rendre sur leur lieu de travail. En attendant que soit corrigée la bizarrerie administrative dont parlait monsieur le rapporteur pour avis, à savoir que les enseignants ne sont remboursés que pour les déplacements ayant pour point de départ leur résidence administrative et les conduisant dans un autre lieu d’exercice, nous vous proposons une mesure d’urgence visant à éviter que les enseignants exerçant en milieu rural, par exemple, continuent à perdre du pouvoir d’achat. C’est une nécessité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC251 de M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à doter la médecine de prévention de moyens supplémentaires. Il est d’autant plus important de le faire que M. le ministre ne nous a pas forcément rassurés en la matière.
Les enseignants sont exposés à des risques singuliers inhérents à leurs fonctions : risques psychosociaux comme la dépression, troubles musculo-squelettiques, altération de la voix et de l’audition, etc. Or, on compte un médecin pour 16 000 professeurs, ce qui signifie que l’obligation de visite d’information et de prévention quinquennale découlant du décret de mars 1982 n’est pas respectée. Je sais de quoi je parle : je n’ai pas vu une seule fois un médecin en vingt-cinq ans de carrière dans l’enseignement, en dehors de la visite d’aptitude.
Prendre soin du personnel de l’Éducation nationale, y compris les professeurs, c’est être attentif et vigilant, par ricochet, aux conditions d’apprentissage des élèves. Donner plus de moyens dans ce domaine, c’est aussi renforcer l’attractivité des métiers de l’enseignement, qui en manquent cruellement. Il n’y a pas que les salaires qui comptent.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. M. le ministre l’a expliqué hier soir : qu’il s’agisse de la médecine scolaire ou de la médecine de prévention, les postes ne sont pas pourvus. Avant d’augmenter les crédits, il faut donc mener une réflexion beaucoup plus large sur ce dont a besoin cette médecine de prévention, notamment en matière d’organisation. Avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). Nous ne voterons pas cet amendement car il est hors sol : le ministre nous a expliqué fort justement que ces postes ne sont pas pourvus. En quarante‑trois ans de carrière dans l’Éducation nationale, je n’ai jamais vu le moindre médecin de prévention. Dans ces conditions, il ne sert à rien d’ajouter des millions aux millions. L’enjeu est de payer correctement ces personnels : un médecin de l’Éducation nationale touche le Smic, ce qui est ridicule.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous abordons une série d’amendements consacrés aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Amendements II-AC187 et II-AC189 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Il importe de répondre à la très grave crise de recrutement que connaît la profession d’AESH : il manque des milliers d’intervenants dans les salles de classe. Cette crise s’explique par l’absence d’un véritable statut des AESH, mais surtout par la très faible rémunération de ces professionnels, qui touchent un peu moins de 800 euros par mois.
Nous proposons, à travers l’amendement II-AC187, que la quotité horaire correspondant à un temps plein d’AESH passe à 24 heures, ce qui correspond à la réalité du temps d’accompagnement possible auprès des élèves. Les AESH sont le plus souvent dans des situations de temps partiel contraint qui expliquent en partie leur très faible rémunération. L’amendement conduirait à augmenter celle-ci de l’ordre de 30 %.
L’amendement II-AC189, qui est un amendement de repli, vise pour sa part à accroître la rémunération de 10 %, de sorte que la promesse d’augmenter le traitement des enseignants concerne aussi les AESH. Là encore, l’objectif est de revaloriser ce métier, alors que partout les besoins éducatifs sont considérables. Dans les écoles du Val d’Argenteuil, dans ma circonscription, il manquait des AESH, le jour de la prérentrée, dans toutes les écoles que j’ai visitées. Dans certaines, il en manquait trois, quatre, parfois même cinq. Ce sont autant d’enfants qui ne peuvent accéder au droit à l’éducation et autant de familles qui sont contraintes de les garder chez elles, ce qui est insupportable à l’heure de la promesse de l’école inclusive.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Un AESH est payé 760 euros par mois, soit moins que le seuil de pauvreté. Qui d’entre nous souhaiterait travailler pour un tel salaire ? Comment s’étonner, dès lors, que, dans certaines écoles de nos circonscriptions, il n’y ait qu’un AESH et demi pour seize élèves en situation de handicap, dont plusieurs à 100 % ? Il faut absolument mettre un terme à cette situation. Certains élèves se voient refuser l’accès à l’école et à l’éducation faute d’accompagnement.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. La question des AESH mérite que nous y consacrions un peu de temps. Plusieurs amendements portent notamment sur leur statut.
Le projet de loi de finances prévoit 4 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. Depuis 2017, le nombre d’AESH a augmenté dans des proportions importantes : 55 %. Toutefois, nous sommes confrontés à plusieurs problèmes.
Le premier concerne la grande variabilité des décisions des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) selon les départements. En 2020, par exemple, 74 % des élèves en situation de handicap bénéficiaient d’une notification d’aide individuelle dans le Finistère, contre 38 % dans la Vienne. Une instance de dialogue entre l’Assemblée des départements de France et le ministère de l’Éducation nationale a été mise en place pour harmoniser les pratiques, car on ne saurait se satisfaire de telles inégalités territoriales.
Le deuxième problème tient à l’insuffisance des capacités d’accueil dans les instituts médico-sociaux, en particulier les instituts médico-éducatifs (IME) et les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP). Pour certains enfants, le milieu ordinaire n’est pas la bonne solution, y compris avec l’accompagnement d’un AESH.
Le troisième problème concerne l’attractivité du métier d’AESH, comme en témoigne la difficulté croissante à trouver des candidats. La rémunération a pourtant progressé récemment : le décret et l’arrêté du 23 août 2021, résultats du Grenelle de l’éducation, ont introduit une nouvelle grille indiciaire, une revalorisation régulière et automatique et un avancement tous les trois ans. Qui plus est, la grille est construite sur trente ans, ce qui ouvre des perspectives de carrière. Cette grille a défini les contours d’une véritable institutionnalisation du métier d’AESH.
La revalorisation du métier passe aussi par une meilleure formation. La formation initiale prévoit 60 heures. Ce n’est pas suffisant. Le PLF pour 2023 contient des crédits destinés à la formation des AESH.
Renforcer l’attractivité de ce métier suppose d’augmenter les rémunérations. À partir de janvier 2023, les AESH, comme du reste les assistants d’éducation (AED), auront accès aux primes REP et REP+. Les décrets d’application devraient être bientôt publiés. Est-ce suffisant ? Non.
Je ne suis pas favorable au passage du temps plein à 24 heures. Il serait préférable d’augmenter la quotité de travail pour les AESH qui le souhaitent – car, pour certains, la durée de 24 heures n’est pas le résultat d’un choix. Qu’il s’agisse de l’augmentation de la quotité de travail, de la prise en compte de la pause méridienne ou encore de l’intégration du temps périscolaire, il faut travailler avec les collectivités territoriales. J’ai eu à gérer ce genre de problèmes lorsque j’étais maire.
Il faut envisager la création d’un contrat unique émanant de l’Éducation nationale mais prévoyant un conventionnement avec la collectivité territoriale et un reversement effectué par cette dernière en direction de l’Éducation nationale pour la prise en charge de la pause méridienne. Le ministre, entendu hier soir, a laissé la porte ouverte en ce qui concerne l’augmentation du temps de travail sur le temps scolaire, et pas seulement sur le temps périscolaire, avec des missions plus larges, relevant de la vie scolaire et de l’inclusion, ou encore du soutien aux enseignants et aux directeurs d’école.
Faut-il aller jusqu’à la création d’un corps ? La question reste ouverte. Je considère qu’elle ne saurait être réglée par voie d’amendement dans le cadre du PLF. Elle doit faire l’objet d’une réflexion globale sur le métier d’AESH, avec en ligne de mire l’augmentation de la quotité de travail pour ceux qui le souhaitent.
Il importe également de dépasser la question de l’accompagnement individuel. En effet, on peut se demander si la seule solution pour que l’école soit inclusive passe par l’accompagnement de chaque élève par un AESH. Doit-on envisager, dans certaines conditions, de rattacher des AESH non pas à des enfants mais à des établissements ? Doit-on renforcer les mutualisations qui ont commencé à être mises en place avec les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) ? Au fond, l’inclusion scolaire n’est pas seulement une question de gestion des individus : c’est une question plus globale.
L’école inclusive ne se réduit pas forcément à la place de l’AESH dans le système scolaire. C’est ce que nous avons retenu de nos échanges avec l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés. C’est ce que dit Nicolas Eglin, président de la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap. L’accompagnement n’est qu’un des facteurs de l’école inclusive ; ce n’est ni le seul ni le premier. Des études menées au Royaume-Uni concernant les teaching assistants, qui ont été très largement déployés autour des personnes en situation de handicap, montrent que les élèves accompagnés individuellement ne réussissent pas mieux que ceux bénéficiant de l’aide d’un accompagnant qui s’occupe globalement de l’inclusion au sein de la classe ; parfois même, ils réussissent moins bien.
La question est fondamentale, passionnante, elle fait l’objet d’études et de recherches à l’université et conduit à se pencher plus globalement sur la place des AESH. Je ne crois pas que nous puissions résoudre tous ces problèmes au détour d’un amendement dans le PLF. Avis défavorable.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Je suis d’accord avec vous sur un point : le sujet mérite une réflexion approfondie, et pour cela il faut prendre du temps. Mais nous devons également traiter des situations d’urgence : certains élèves en situation de handicap ne peuvent pas aller à l’école, ou mangent dans la voiture familiale le midi parce qu’ils ne sont pas accompagnés pendant la pause méridienne. Certaines familles sont en difficulté. Il faut à la fois remédier à ces situations et réfléchir à d’autres solutions. Compte tenu de l’urgence, il est entièrement justifié d’essayer de régler certains problèmes à travers des amendements.
M. Roger Chudeau (RN). Nous ne voterons pas ces amendements car ils restent à la surface des choses. Notre position est assez proche de celle, très nuancée, qu’a exprimée M. le rapporteur pour avis. Nous sommes pour la CDIsation des AESH et pour leur professionnalisation. Nous sommes même pour la création d’un statut. AESH, c’est un métier ; il faut y être formé. Certes, la question de l’école inclusive ne se résume pas à l’accompagnement par des AESH, mais il faut tout de même travailler beaucoup dans cette direction.
Le problème, en matière de pilotage des AESH, c’est que l’État n’est plus prescripteur. J’ai été inspecteur d’académie pendant huit ans. En cette qualité, je présidais la commission chargée de cette question et, croyez-moi, les choses se passaient différemment lorsque c’était l’État qui dirigeait les débats : c’était beaucoup plus équilibré ; surtout, on savait exactement où l’on mettait les pieds. Il faudra remettre la question sur la table avec les départements, car le double pilotage n’est pas propice à la résolution du problème.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion est suspendue de onze heures cinq à onze heures quarante-cinq.
Amendement II-AC104 de Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement vise à encourager le Gouvernement à revaloriser l’ensemble des rémunérations des AESH.
Oui, la situation des AESH doit être considérée dans sa globalité. Durant la précédente législature, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, j’avais essayé de faire avancer la question, mais je n’avais pas été entendue. J’espère que nous finirons par y travailler. Il faut progresser, en particulier, dans la réflexion concernant la quotité de travail hebdomadaire. M. le ministre parlait hier du fait que les missions des enseignants ne bénéficiaient pas d’une reconnaissance suffisante du point de vue de la rémunération ; c’est vrai aussi pour les AESH.
Il est beaucoup question de la prise en compte du temps périscolaire. Pourquoi pas, mais cela ne risque-t-il pas d’accroître les inégalités ? Certains enfants seront accompagnés et d’autres non, car certaines mairies pourront payer des AESH, mais d’autres ne le pourront pas. Ainsi, certains AESH bénéficieront d’une augmentation de salaire, d’autres non. En outre, cela se fera-t-il à la demande des parents ou de la MDPH ?
Dans l’immédiat, je demande à travers cet amendement que l’on prenne en considération la nécessité d’une augmentation immédiate de la rémunération, par exemple en agissant sur le taux horaire.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
En ce qui concerne la pause méridienne, le Conseil d’État a rendu en 2020 une décision indiquant clairement que ce temps relevait de la responsabilité des collectivités territoriales. Nous n’aurons donc pas le choix, malheureusement. Cela dit, quand un élève est accompagné sur le temps scolaire par un AESH, la pression est très forte sur les épaules du maire ou du président du département pour que l’accompagnement s’étende à la pause méridienne. Dans la plupart des cas, il est difficile de le refuser.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous nous abstiendrons, car cet amendement aurait pour effet d’augmenter le salaire des AESH de seulement 1,5 euro par mois seulement.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). Vous auriez pu le sous-amender !
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). J’ai fait beaucoup mieux en proposant d’augmenter la rémunération de 10 %, et vous n’avez pas voté en faveur de mon amendement ! J’en ai aussi présenté un autre créant un statut des AESH ; vous ne l’avez pas voté non plus.
Votre amendement témoigne d’un certain mépris pour ce que vivent les AESH : 1,5 euro par mois ! Je n’ai pas de mots pour qualifier cette proposition.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). Ce que vous venez de dire m’affecte profondément. Si vous me connaissiez, vous sauriez que j’ai défendu les AESH tout au long de la précédente législature.
Quant à votre proposition relative au temps plein à 24 heures, il faut effectivement travailler sur la question, mais je suis d’accord avec M. le rapporteur : ce n’est pas à travers un amendement que celle-ci sera réglée. C’est pourquoi je propose de faire un geste tout de suite envers les AESH. Effectivement, la somme proposée n’est pas adéquate, mais sachez que je reconnais et que je salue le travail des AESH depuis cinq ans, et même depuis bien plus longtemps que cela, puisque j’étais enseignante.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC92 de Mme Lisette Pollet.
Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement vise à allouer des crédits supplémentaires pour les AESH. Ce métier est nécessaire pour accompagner au mieux les élèves handicapés afin qu’ils réussissent. Les AESH sont des acteurs clés pour la réussite du projet inclusif de la Nation. Malgré une revalorisation du métier et une prime annuelle de 600 euros l’an dernier, nous considérons qu’il faut aller plus loin et augmenter les salaires. En effet, le revenu moyen d’un AESH se situe aux alentours de 800 euros net. Ces professionnels méritent une revalorisation : on ne peut pas vivre avec un tel salaire. Il convient de les rémunérer à leur juste valeur.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous voterons contre cet amendement qui est un pur scandale : s’il était adopté, madame la députée du Rassemblement national, le salaire des AESH augmenterait de 63 centimes chaque mois, soit l’équivalent d’une demi-baguette. C’est une insulte faite aux AESH.
Non, le Rassemblement national ne propose pas l’augmentation du salaire des AESH ; il se satisfait parfaitement de la situation de misère dans laquelle ils se trouvent. Il y a quelques minutes, j’ai proposé un amendement visant à augmenter de 10 % le salaire des AESH. Or l’extrême droite n’a pas pris part au vote. Ce que vous venez de dire, madame, est donc un mensonge.
La commission rejette l’amendement.
Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AC90 de M. Sébastien Jumel.
Elle rejette également l’amendement II-AC211 de M. Idir Boumertit.
Amendement II-AC144 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Le présent amendement, d’appel, vise à inciter le ministère de l’Éducation nationale à lancer un plan de titularisation massif des AESH en leur proposant des contrats à temps complet. Seuls 2 % des 130 000 AESH (dont 93 % sont des femmes) disposent d’un emploi à temps complet, alors que les besoins d’accompagnement s’accroissent. Leur rémunération moyenne n’est que de 760 euros par mois et seuls 25 % d’entre eux sont employés en CDI. Il est inadmissible que les syndicats aient été forcés de saisir le Conseil d’État début octobre pour faire valoir des droits aussi évidents.
Si nous voulons suffisamment d’AESH, il est impératif de leur fournir des conditions de travail stables, qui leur permettent de vivre dignement. Les déclarations récentes du Gouvernement, sur le souhait d’une école plus inclusive, sont en contradiction totale avec la réalité. Cette aide n’est pas une faveur, elle est de droit.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable car la fonction publique ne peut imposer le temps partiel – celui-ci n’est possible que s’il est choisi – or la très grande majorité des AESH disposent de contrats de vingt‑quatre heures par semaine.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC186 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Les accompagnants d’enfants en situation de handicap jouent un rôle indispensable dans le service public de l’éducation. Ces personnels sont actuellement en situation précaire et ne bénéficient pas du statut de fonctionnaire. Ils ont besoin de davantage de reconnaissance, et de revalorisation. L’inclusion des enfants en situation de handicap dans le système scolaire nécessite des personnels formés.
Nous proposons donc de titulariser les AESH dans un nouveau corps de la fonction publique. Ces personnels bénéficieraient d’une formation.
Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement AC135 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Le présent amendement, d’appel, vise à recruter 4 000 AESH supplémentaires à temps complet pour assurer pleinement les droits des élèves en situation de handicap. Actuellement, seule la moitié de ces élèves est accompagnée. Or, la scolarisation de tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit garanti par la loi et la carence de l’État est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité – le groupe Écologiste interpelle régulièrement le Gouvernement sur ce point.
S’il faut saluer le recrutement de 4 000 AESH, cela ne suffira pas à traiter les nombreuses notifications des MDPH. Le ministère peut multiplier les annonces de recrutement sur les murs des écoles ; elles ne trouveront pas preneurs tant que les conditions salariales proposées ne seront pas à la hauteur des conditions de travail éprouvantes des AESH.
Enfin, l’inclusion ne peut se limiter à une approche individuelle. Il faut repenser le cadre pour que l’école puisse s’adapter aux élèves, et non l’inverse. Cela doit se traduire par une politique d’investissement dans le matériel, une adaptation des supports pédagogiques, mais aussi des locaux.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Vous avez raison, il faut améliorer l’accessibilité des enseignements scolaires. L’article L. 111-1 du code de l’éducation dispose que le service public de l’éducation veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. C’est donc un droit fondamental, mais cela ne signifie pas que la présence d’un AESH est requise dans tous les cas. La circulaire de 2017 sur les missions des AESH indique d’ailleurs que la présence d’un personnel chargé de l’accompagnement n’est ni un préalable, ni une condition à la scolarisation de l’élève.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Mais alors, à quoi servent les notifications des MDPH ?
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Elles émanent d’institutions qui ne sont pas les payeurs et les différences sont extrêmement importantes d’un département à l’autre. Ainsi, dans la Vienne, 38 % des enfants en situation de handicap bénéficient d’un accompagnement individuel alors que c’est le cas de 74 % des enfants dans le Finistère. La Vienne fait-elle mal son travail et le Finistère très bien le sien ? Il s’agit plutôt d’approches différentes, qui méritent un travail conjoint entre le ministère et l’Assemblée des départements de France. C’est pourquoi des négociations sont en cours.
Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous n’accepterons pas que vous régliez le problème de l’accompagnement des enfants en situation de handicap par une baisse du nombre de notifications !
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Ne voyez pas le mal partout. Dans une étude de 2011, Éric Plaisance, Brigitte Belmont et Aliette Verillon ont établi que les relations de coopération entre l’auxiliaire de vie scolaire (AVS), devenu AESH, l’enseignant et l’élève étaient plus favorables dans le cadre de dispositifs collectifs que lorsque l’AVS était chargé de s’occuper individuellement d’un enfant. Il n’existe aucune vérité universelle sur le sujet, chaque cas étant différent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC205 de M. Jérôme Legavre
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Pourquoi manque-t-on d’AESH ? La précarité, le faible salaire, les conditions de travail difficiles expliquent les nombreux postes vacants. Le maintien en contrat à durée déterminée (CDD) pendant deux fois trois ans avant de pouvoir prétendre à un éventuel contrat à durée indéterminée (CDI) n’a aucun sens. Ces personnels effectuent des missions pérennes au sein de la fonction publique. C’est pourquoi nous demandons leur titularisation et la création d’un nouveau corps de la fonction publique.
Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC188 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Il s’agit de dégager 115 millions d’euros pour recruter de nouveaux AESH car les besoins ne sont pas satisfaits. Une récente enquête auprès de 8 000 élèves scolarisés en milieu ordinaire ou spécialisé, réalisée par l’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), mouvement citoyen représentant 900 000 personnes en situation de handicap, indique que 33 % des élèves en situation de handicap ont moins de six heures de classe par semaine, et 18 % aucune heure.
En outre, le recrutement d’AESH privés se développe. Dans certaines académies, les recteurs demandent aux chefs d’établissement d’encourager les familles à se tourner vers ce mode d’accompagnement, inaccessible aux familles les plus défavorisées puisqu’il représente une dépense pouvant aller jusqu’à 3 000 euros par mois pour un plein-temps. Que faites-vous des principes de gratuité et d’égalité d’accès au service public de l’éducation ?
Ce dernier doit être à la hauteur de sa promesse, rappelée par le Président de la République : celle de l’école inclusive.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’injustice, ce n’est pas que certains départements délivrent plus de notifications MDPH que d’autres, mais le fait que certains parents ont les moyens de payer des AESH privés, quand d’autres enfants sont mis à l’écart puisque nous ne sommes pas en mesure de leur offrir l’accompagnement dont ils ont besoin. Vous avez créé un système sans vous donner les moyens de le mettre en place, et vous vous cachez ensuite derrière des recherches qui démontreraient que l’accompagnement n’a aucun effet sur l’évolution de ces enfants ? Allez-vous bientôt affirmer la même chose s’ils restent à la maison ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC240 de M. Alexandre Portier.
M. Alexandre Portier (LR). Cet amendement vise à prendre en charge tous les déplacements des AESH et à augmenter leurs indemnités kilométriques. De plus en plus d’AESH sont mutualisés et suivent donc plusieurs enfants qui ne sont pas toujours dans le même établissement. Outre les contraintes de déplacement, cela génère des frais substantiels.
Nous proposons d’abonder les crédits de l’action 03 Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap du programme 230 Vie scolaire, en prélevant sur ceux de l’action 06 Politique de ressources humaines du programme 214 Soutien de la politique de l’Éducation nationale.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons pour cet amendement car les AESH, déjà très mal payés, doivent en outre assumer des frais de déplacement excessifs.
M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Je suis particulièrement favorable à cet amendement, capital dans les territoires ruraux, dont M. Portier est également élu.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Votre amendement est déjà satisfait. Un AESH contraint d’utiliser son véhicule personnel pour l’exercice de ses fonctions entre différents établissements peut prétendre à des indemnités kilométriques, après autorisation de l’administration.
Les frais entre le domicile et le lieu d’affectation ne sauraient être pris en charge. J’entends les problèmes que cela peut poser dans les territoires ruraux mais, si nous ouvrons cette boîte de Pandore, tous les fonctionnaires ou contractuels de l’État pourraient formuler la même demande.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC105 de Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). Il s’agit d’un amendement d’appel, qui me permet de revenir sur deux points. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez raison, la réponse, ce n’est pas toujours une AESH. Ce peut aussi être une réponse matérielle – mais mon amendement a été déclaré irrecevable.
Les AESH mutualisés peuvent éventuellement constituer une solution en école élémentaire, quand il s’agit de gérer des élèves dans différentes classes. Mais comment une AESH mutualisée peut-elle s’organiser au collège pour gérer quatre élèves dans quatre classes différentes, de quatre niveaux différents et avec quatre types de handicaps ?
Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC97 de Mme Sophie Blanc.
Mme Sophie Blanc (RN). Environ 20 000 enfants qui pourraient être scolarisés ne le sont pas car il n’y a pas assez d’AESH. Pourquoi ? Le métier d’AESH est précaire et ils sont insuffisamment formés. Notre amendement vise à faire tenir au Président de la République les promesses électorales du candidat Emmanuel Macron. Le ministre de l’Éducation nationale nous l’a rappelé hier, le Gouvernement ne va pas créer les postes nécessaires. Nous sommes donc fixés. C’est pourquoi nous proposons d’abonder le programme 230 en réduisant du même montant le programme 214.
Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC106 de Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement vise à améliorer la formation des AESH afin de les aider dans leur accompagnement des élèves dont les profils peuvent être très différents.
Contre la préconisation du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à une discussion thématique sur l’inclusion des élèves en situation de handicap.
Amendement II-AC22 de Mme Sophie Blanc.
Mme Sophie Blanc (RN). Intégrer pleinement nos concitoyens handicapés dans la société est un combat permanent. Cette intégration commence à l’école, premier lieu de socialisation et d’échange.
Le programme 230 Vie de l’élève enchaîne les poncifs dans l’air du temps– respect, apprentissage de la citoyenneté, éco-délégués, etc. Toutes ces préoccupations honorables ne sont rien ni nous laissons chez eux les plus fragiles de nos enfants.
Nous proposons donc de créditer l’action 06 Besoins éducatifs particuliers du programme 141 Enseignement scolaire public du second degré de 500 millions d’euros, en les prélevant sur l’action 01 Vie scolaire et éducation à la responsabilité du programme 230 Vie de l’élève.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. L’action 01 du programme Vie de l’élève sert aussi à financer la rémunération des conseillers principaux d’éducation (CPE) et des assistants d’éducation (AED), qui sont essentiels au bon fonctionnement du système scolaire. Amputer cette action de 500 millions, c’est lui retirer 15 % de ses crédits, ce qui aurait des conséquences assez lourdes.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous souhaitons tous que les élèves handicapés soient mieux intégrés : c’est pourquoi les crédits de l’action 06 du programme 141 augmentent déjà de 6 % dans le PLF pour 2023.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Je suis d’accord avec le rapporteur pour avis. Je m’étonne, par ailleurs, que cet amendement ne concerne que le secondaire et oublie les élèves handicapés dans le primaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC53 de Mme Sophie Blanc.
Mme Sophie Blanc (RN). Cet amendement vise à ponctionner le programme 230 Vie de l’élève pour abonder le programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré.
Suivant la préconisation de M. Philippe Fait, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC127 de Mme Angélique Ranc.
Mme Angélique Ranc (RN). L’intégration des personnes en situation de handicap à l’école primaire est cruciale, puisque c’est un moment clé du développement social et intellectuel des enfants. Or de nombreux parents n’ont pas pu scolariser leur enfant, à cette rentrée encore. Même si les établissements sont dans l’obligation légale d’accepter un enfant en situation de handicap, la plupart des parents ne peuvent se résoudre à y laisser le leur, car il ne ferait l’objet d’aucune surveillance particulière et ne bénéficierait que d’une aide à l’apprentissage approximative, faute de moyens.
Nous proposons d’augmenter les crédits consacrés à l’inclusion scolaire, afin que les établissements puissent embaucher davantage de personnels pour encadrer les enfants en situation de handicap.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous voterons contre cet amendement, car il promeut un modèle d’école territoriale. Celui-ci est contraire au modèle républicain, qui doit garantir à tous les élèves, quel que soit leur lieu de résidence, une égalité d’accès au service public d’éducation.
En proposant que les AESH soient directement recrutés au niveau des établissements, cet amendement promeut le modèle de l’école entreprise. Il confie au chef d’établissement la responsabilité de gérer l’embauche et les conditions de travail de ces AESH. C’est un facteur d’aggravation des inégalités.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Vous proposez d’augmenter de 5 millions d’euros les crédits de l’action 03 Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap du programme 230 Vie de l’élève. Nous comprenons votre intention, mais nous estimons que le PLF fait déjà beaucoup pour l’école inclusive. Les crédits de l’action 03 augmentent déjà de 11 % par rapport à l’année dernière, alors qu’ils avaient déjà augmenté de 10 % en 2022. Cette hausse permettra le recrutement d’AESH, mais aussi le développement des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Au total, le ministère de l’Éducation nationale consacre plus de 3,8 milliards à l’école inclusive dans ce PLF. Cela permettra notamment le recrutement de 4 000 ETP et une bascule de tous les contrats d’AESH vers des contrats de titre 2. Par ailleurs, à compter de janvier 2023, les AESH percevront également l’indemnité versée aux personnels exerçant en éducation prioritaire.
Le Gouvernement a engagé une réflexion ambitieuse pour poursuivre l’amélioration des conditions d’exercice des AESH. Des questions restent en suspens quant à la prise en charge du temps périscolaire par les collectivités territoriales, telle que requise par la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020. Nous serons, comme vous, attentifs aux suites qui lui seront données. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à une discussion thématique sur les ouvertures ou réouvertures d’écoles.
Amendement II-AC199 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Il s’agit de créer un fonds pour aider à la construction d’écoles publiques dans les territoires qui en sont dépourvus.
Il existe en France des déserts d’école publique. Dans le département de la Vendée, par exemple, soixante-cinq communes ne disposent d’aucune école publique, seulement d’une école privée. Parce que nous sommes attachés aux principes républicains, notamment à la laïcité, nous pensons que l’accès à l’école publique doit être garanti à tous les élèves de ce pays et qu’il faut construire des écoles publiques là où il en manque.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Vous proposez de créer un nouveau programme, destiné à la « construction d’écoles publiques dans les déserts scolaires ». Cette dénomination ne me semble pas justifiée.
Il me semble qu’il faut laisser le soin aux élus locaux de réfléchir à des regroupements pédagogiques concentrés (RPC) ou intercommunaux (RPI), plutôt que de créer des écoles dans toutes les communes.
Des mesures ont été prises, sous le précédent quinquennat, pour éviter les fermetures d’école dans les territoires ruraux : aucune école de zone rurale ne peut fermer sans l’accord préalable du maire de la commune concernée. Avis défavorable.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Cet amendement est un peu fantaisiste car, dans certaines régions, l’implantation de l’enseignement privé s’explique historiquement.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). L’offre d’enseignement public doit être assurée absolument partout sur le territoire : c’est un prérequis qui ne peut pas être balayé d’un revers de la main, sous prétexte que le privé a pris l’avantage dans un certain nombre de départements. Je rappelle que le privé n’est pas soumis aux mêmes contraintes que le public et qu’il n’a pas été touché par la réforme des rythmes scolaires, qui a entraîné une fuite vers le privé.
J’ai assisté récemment à la réouverture d’une école à classe unique dans mon département : c’est suffisamment rare pour être souligné. Cette école avait fermé, malgré l’opposition du conseil municipal, des organisations syndicales et des représentants du personnel. Lorsqu’on ferme des écoles dans la précipitation, on oblige souvent les mairies à les rouvrir dans des conditions intenables.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC200 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’année dernière, 358 écoles publiques ont fermé en France, soit près d’une école par jour. Il y en avait 44 262 en 2021 et il n’y en a plus que 43 904 en 2022. Nous proposons donc d’investir dans un plan de réouverture d’écoles publiques. Rapprocher l’école du domicile fait gagner du temps aux familles et réduit la fatigue des enfants : nous fixons un objectif d’un temps de trajet maximal de trente minutes. Ce plan, en diminuant l’usage de la voiture, est également vertueux sur le plan environnemental.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre cet amendement, qui ranime le prurit de la guerre scolaire, ce qui est totalement ridicule. L’école est communale : lorsqu’une commune veut créer une école, elle est totalement libre de le faire, avec l’aide de l’État. Cela ne pose aucun problème. Il y a 70 000 élèves de moins cette année et cette tendance à la baisse se prolongera l’année prochaine. Il est donc normal que des écoles ferment. Il n’y a pas à le déplorer, c’est juste de la bonne gestion. Enfin, le service public d’éducation est également assuré, sous le contrôle de l’État, par l’enseignement privé sous contrat.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Pour répondre à Monsieur Chudeau, la fermeture d’école intervenue dans ma circonscription était précisément due à une mauvaise gestion, puisque l’administration n’avait retenu ni les arguments de la mairie, ni ceux des représentants du personnel, si bien qu’il a fallu rouvrir une classe dans l’urgence.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC201 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à concentrer l’effort de reconstruction d’écoles publiques dans les territoires ruraux, car ce sont eux qui ont connu le plus de fermetures. C’est aussi dans ces territoires que la distance entre le lieu de domicile et l’établissement scolaire est la plus grande.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Laissons aux élus locaux le soin de réfléchir à des regroupements et remettons l’enfant au centre de nos préoccupations. En parlant de distances, il faut parfois que les enfants d’une école fassent une heure de bus, voire davantage, pour aller manger dans la cantine d’un autre établissement. Les regroupements sont, de mon point de vue, la solution de demain. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à une discussion thématique sur les aides aux collectivités territoriales.
Amendements II-AC174 et II-AC175 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Ces deux amendements visent à soutenir financièrement les collectivités territoriales, dont les charges vont augmenter du fait de la hausse des prix de l’énergie, alors que leurs recettes vont encore diminuer, avec la suppression à venir de la CVAE. Nous proposons de créer un fonds de soutien aux collectivités territoriales – communes, départements, régions – pour les aider à faire face à la hausse du prix du chauffage dans les établissements scolaires. Dans les Hauts-de-France, il est question de fermer les lycées le samedi pour faire des économies d’énergie : cela aura nécessairement des conséquences sur le plan éducatif.
Nous proposons également de soutenir les collectivités qui ont des difficultés à assurer le transport scolaire. À l’augmentation du coût des carburants s’ajoute la pénurie des chauffeurs scolaires. Il en manque 8 000 et cela est dû en partie au faible niveau de rémunération de ce métier. Nous ne disons pas que l’État doit se subsister aux collectivités, mais il doit les soutenir.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). D’après l’Association des petites villes de France (APVF), les dépenses énergétiques de certaines communes ont déjà bondi de 50 %. L’Association des maires de France (AMF) estime quant à elle que cette hausse oscillerait entre 30 et 300 %. Or l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) considère que les écoles représentent un tiers de la consommation énergétique totale des bâtiments des communes.
En plus du fonds de soutien dont nous proposons la création, il importe de lancer un plan d’urgence pour la rénovation thermique des bâtiments scolaires. La réduction immédiate de la consommation d’énergie est une priorité : elle doit permettre aux collectivités de moins dépendre des énergies fossiles, de diminuer leurs émissions de CO2 et de retrouver une marge de manœuvre budgétaire.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre ces amendements car il nous semble que ce qui est au centre du système scolaire, c’est l’élève, et non le chauffage ou le transport. Ces amendements n’ont pas leur place ici : ils sont hors sujet. Je note par ailleurs que les amendements de l’ultragauche s’en prennent toujours au programme 139 Enseignement privé du premier et du second degrés. Comme par hasard !
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous comprenons la préoccupation des collectivités territoriales mais, comme M. Chudeau, j’estime que ces questions n’ont pas vraiment leur place dans cette discussion relative à l’enseignement scolaire. Il me semble qu’elles relèvent davantage des politiques de soutien aux collectivités territoriales. À cet égard, plusieurs leviers ont d’ores et déjà été actionnés : les petites collectivités qui ont moins de dix employés et moins de 2 millions de recettes sont éligibles aux tarifs réglementés de vente d’électricité. Elles peuvent donc bénéficier du bouclier tarifaire qui limite la hausse de leur facture d’électricité. Par ailleurs, toutes les collectivités, éligibles ou non aux tarifs réglementés de vente d’électricité, bénéficient d’une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) qui est passée de 22,5 à 0,50 euro le mégawattheure. Cette réduction fiscale représente un effort particulièrement important pour l’État – 8 milliards d’euros en 2022 – et un gain de 400 millions d’euros pour le bloc communal. Avis défavorable.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. J’ajoute que le plan de relance a permis de financer de nombreux travaux de rénovation énergétique. Enfin, pour vous répondre au sujet du transport scolaire, lorsque les collectivités ne sont pas organisées en régie, ce qui est fréquent, les transports font l’objet d’un marché public et on n’a aucun moyen d’agir sur les salaires.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-AC176 et II-AC177 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). J’ai fait une erreur : je viens de défendre les amendements AC174 et AC176. Je vais donc défendre, à présent, les amendements de repli AC175 et AC177. Ils ciblent plus particulièrement les petites communes, notamment rurales, où les problèmes de financement que je viens de décrire sont encore plus aigus.
M. Christophe Marion, rapporteur. Avis défavorable.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je suis étonné que le rapporteur pour avis et notre collègue d’extrême droite jugent cette série d’amendements irrecevables ou hors sujet, puisqu’ils ont été jugés recevables par notre commission.
Dans mon département, le maire d’une commune de 8 000 habitants m’a indiqué que sa facture énergétique allait augmenter de 400 000 euros cet hiver, soit 50 euros par habitant, ce qui est intenable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC180 de M. Rodrigo Arenas.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Les communes françaises qui ont fait le choix de « l’accueil de qualité » sur la pause méridienne sont déclarées en « centre de loisirs » et ont intégré ce temps d’accueil au contrat de la caisse d’allocations familiales (CAF), via la convention territoriale globale (CTG). Par ce contrat, la CAF finance une partie des charges, notamment une partie des salaires des « animateurs de pause méridienne ». Or, sur ce temps, la CAF a décidé de ne prendre en charge qu’une heure et demie sur les deux heures d’accueil, considérant que le temps du repas, de trente minutes, n’est pas reconnu comme un temps éducatif, alors que son rôle dans l’éducation aux attitudes nutritionnelles est crucial, et que son impact, bien au-delà des comportements des enfants, modifie de façon vertueuse les habitudes de consommation des familles.
Cet amendement s’inscrit dans la continuité des objectifs de la loi dite « Egalim », et demande l’intégration de cette demi-heure de repas dans la CTG. Cela permettrait mécaniquement d’augmenter la participation de la CAF au financement de ce temps d’accueil ; ce serait aussi une manière de reconnaître l’importance de l’accueil éducatif sur le temps du repas. Cette mesure est estimée à 250 millions d’euros : c’est à peine 10 % du coût qu’a représenté, pour le budget de l’État, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cette question est de la compétence de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et doit être abordée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à une discussion thématique sur le recrutement supplémentaire d’enseignants.
Suivant la préconisation de M. Christophe Marion, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AC204 de M. Jérôme Legavre.
Amendement II-AC156 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous proposons de créer 10 000 postes d’enseignants à la rentrée prochaine car, contrairement aux affirmations du ministre Pap Ndiaye, il n’y avait pas, en cette rentrée, un professeur devant chaque classe. Le Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (Snpden) a montré qu’il manquait des enseignants dans plus d’un tiers des établissements du second degré. La création de 10 000 postes permettrait au moins de compenser les réductions de postes massives qui ont eu lieu au cours du quinquennat Blanquer : 7 900 postes ont été supprimés entre 2017 et 2022 dans le second degré et le PLF pour 2023 prévoit 2 000 nouvelles suppressions.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre cet amendement, parce que c’est une fois encore le programme 139 que nos amis d’ultragauche se proposent de ponctionner : cela devient une obsession. Je ne sais pas ce que vous avez contre l’enseignement privé sous contrat, où il y a des élèves, des professeurs, et même des syndicats. Vous proposez de créer 10 000 postes de professeurs : pourquoi pas 100 000 ? Cela n’a pas de sens, c’est de la pure démagogie.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Vous avez raison : pourquoi pas 100 000 ? Certains syndicats estiment que c’est le nombre d’enseignants qu’il faudrait en plus pour remplir toutes les missions fixées par l’État. Notre demande est donc bien modeste. Monsieur Chudeau, l’ultragauche existe dans ce pays, et ce n’est pas nous.
Enfin, si nous avons proposé de prendre des crédits sur le programme 139, c’est parce qu’il fallait bien en prendre quelque part pour que notre amendement soit recevable. Vous remarquerez que les exposés sommaires de nos amendements appellent le Gouvernement à lever ces gages.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le taux d’encadrement s’améliore dans le premier degré, passant de 23,2 élèves par classe en 2017 à 21,8 en 2021, et ce nombre continuera à diminuer à l’horizon 2023. Si le schéma d’emplois prévoit une baisse d’environ 2 000 postes – 1 117 dans le premier degré et480 dans le second degré publics, 502 dans l’enseignement privé sous contrat, soit 0,19 % de l’ensemble des postes du ministère –, cela tient au contexte démographique. L’année scolaire 2023-2024 sera en effet marquée par une forte baisse du nombre d’élèves : moins 90 000 élèves dans le premier degré, moins 10 000 élèves dans le second degré. Si nous avions suivi la baisse démographique, ce sont 5 000 emplois que nous aurions pu supprimer : avec seulement 2 000, le taux d’encadrement s’améliorera. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC157 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement vise à maintenir les 2 000 postes d’enseignants que vous envisagez de supprimer. Certes, le nombre d’élèves moyens par classe diminue mais avec plus de 23 élèves par classe en moyenne, la France demeure extrêmement loin de la moyenne européenne, qui est de 19 élèves par classe. Il faut continuer à disposer d’enseignants pour diminuer ce nombre. Alors qu’il manque des enseignants, les suppressions de postes ne peuvent conduire qu’à aggraver la pénurie. Si ces suppressions sont maintenues, nous connaîtrons à nouveau des difficultés en septembre prochain pour répondre à l’exigence d’un professeur devant chaque classe.
Suivant la préconisation de M. Christophe Marion, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC133 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à recréer les postes supprimés de fait dans la mission Enseignement scolaire car non renouvelés en 2023. Ces suppressions envoient un mauvais signal politique, alors que 35 % des établissements affirment avoir au moins un poste d’enseignant vacant. La baisse du nombre d’élèves ne saurait justifier le non-renouvellement de ces emplois à plein temps : elle devrait au contraire être considérée comme une chance pour préserver la politique de dédoublement. S’il est vrai que le nombre d’élèves dans le premier degré devrait diminuer à la rentrée prochaine, les effectifs enseignants pourraient être maintenus pour être redéployés dans des établissements en REP et REP+ afin de dédoubler d’autres niveaux du primaire comme les CM1 ou les CM2, où les effectifs moyens restent trop élevés, sans oublier les classes de grande section de maternelle.
Suivant la préconisation de M. Philippe Fait, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à une discussion portant sur l’enseignement du premier degré.
Amendement II-AC158 de M. Paul Vannier.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Nous proposons le recrutement d’enseignants du premier degré afin de reconstituer un vivier de remplacement. En 2021, 21,6 % des absences n’ont pas été remplacées. Cela peut sembler peu au premier abord mais, sur le terrain, on s’en rend compte immédiatement. Dans mon département rural, l’année dernière, des écoles à classe unique ont été fermées un certain nombre de jours dans l’année, ou encore une classe dans une école à deux ou trois classes. Ce défaut de service public est insupportable : il y a nécessité absolue de reconstituer un vivier de remplacement.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. L’action 05 Remplacement du programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré bénéficie déjà d’une hausse de 6 %, passant de 1,9 à 2,1 milliards d’euros. Assurer le remplacement des enseignants absents constitue une priorité, sur laquelle le Président de la République s’est engagé. Dans le premier degré, les personnels titulaires remplaçants sont mobilisés dès la première demi-journée d’absence d’un enseignant. Les emplois affectés au remplacement représentent 8,7 % des emplois du premier degré, soit une proportion très stable. Le schéma d’emplois ne remet absolument pas cela en cause. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC39 de M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz (SOC). Après avoir supprimé 8 000 postes dans le second degré sous le précédent quinquennat, le ministère s’attaque désormais au premier degré en supprimant 1 117 postes pour la rentrée 2023. L’argument de la baisse des effectifs n’est pas recevable pour la France, qui fait partie des pays européens avec le plus d’enfants par classe en primaire : 19 élèves, contre 13,5 en moyenne dans l’Union européenne. Alors que la profession d’enseignant est en pleine crise d’attractivité, une telle suppression de postes nous paraît dangereuse car elle serait synonyme de conditions de travail dégradées pour les personnels et de manque d’accompagnement pour les élèves. L’amendement vise donc à rétablir les 1 117 postes supprimés pour la rentrée 2023, afin d’assurer un meilleur taux d’encadrement dans les classes.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’argument de la baisse du nombre d’élèves est inopérant car les suppressions de postes de ces dernières années n’étaient pas corrélées avec cette évolution. Ainsi, alors que le nombre d’élèves dans le secondaire a augmenté entre 2017 et 2022, le ministère a supprimé 1 800 emplois à plein temps à la rentrée 2021, justifiant cela par un transfert en volume d’heures d’enseignement. Par ailleurs, cette politique est une traduction dans l’Éducation nationale de la philosophie du « travailler plus pour gagner plus », que nous récusons.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Mon collègue Christophe Marion a déjà répondu s’agissant de la baisse démographique et de l’amélioration du taux d’élèves par classe. Celui-ci est estimé pour 2023 à 21,3 contre 23,2 à la rentrée 2017. Par ailleurs, le schéma d’emplois ne remet pas en cause la poursuite du dispositif de dédoublement de classes. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC160 de M. Paul Vannier.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Nous proposons la tenue d’un concours supplémentaire pour recruter d’urgence les 2 000 enseignants du premier degré que les concours de la session 2022 n’ont pas permis de recruter. Le 26 août dernier, le ministre a annoncé la tenue d’un concours exceptionnel de titularisation des contractuels du premier degré. Or ce concours, s’il a lieu, ne permettra pas d’augmenter le nombre d’enseignants devant les élèves puisque les contractuels sont déjà en poste. Nous proposons donc l’ouverture d’une session exceptionnelle du concours de recrutement des professeurs des écoles au début de l’année 2023 dans les académies pour lesquelles les postes proposés à la session 2022 n’ont pas été pourvus. Pour éviter à M. Chudeau de s’épuiser dans une attaque inutile, je tiens à préciser que nous avons gagé cet amendement sur les crédits de l’enseignement privé mais que nous demandons au Gouvernement de lever ce gage.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Ce n’est pas parce qu’on augmente le nombre de postes au concours qu’il y aura mécaniquement plus de candidats. Il faut travailler plus généralement sur l’attractivité de cet emploi. Avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nos amendements s’inscrivent dans le projet éducatif qui est le nôtre, et qui diffère du vôtre. Il ne faut pas réduire un amendement à sa stricte portée mais au contraire l’examiner dans le cadre global de ce débat. La crise du recrutement ne sera pas réglée seulement en créant de nouveaux postes mais nous avons besoin de créer de nouveaux postes pour recruter de nouveaux enseignants. Nous avons fait des propositions pour augmenter le salaire des enseignants et pour redonner du sens au métier : vous les avez toutes refusées.
Mme Cécile Rilhac (RE). Monsieur Walter, vous avez raison mais votre amendement est déjà satisfait d’un point de vue purement budgétaire : les concours sont d’ores et déjà prévus, particulièrement dans les académies de Créteil, de Versailles et de la Guyane.
Concernant les contractuels, nous avons prévu des concours exceptionnels en 2023. Ils renforceront le vivier de remplaçants, ce qui permettra aux enseignants, particulièrement du premier degré, de partir plus facilement en formation et aux directeurs d’école de bénéficier de décharges.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à une discussion relative à l’enseignement du second degré.
Amendement II-AC203 de M. Jérôme Legavre.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement vise à créer 7 900 postes dans le second degré pour compenser le désastre de la suppression d’un nombre équivalent de postes ces cinq dernières années. Cela représente l’équivalent de 175 collèges fermés alors même que le nombre d’élèves du second degré a augmenté de 96 000 sur la même période. En conséquence, le nombre de classes de plus de 30 élèves a augmenté de 5 % entre 2017 et 2022, et le nombre d’heures d’enseignement non assurées par manque de remplaçants a été plus que doublé entre le début et la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Ces suppressions de postes ont conduit à une dégradation massive des conditions d’études des élèves et des conditions de travail des enseignants.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les crédits de l’action 11 du programme 141, qui financent les postes de remplaçants dans le second degré, qu’ils soient titulaires ou contractuels, augmentent en 2023, passant de 1,5 à 1,6 milliard d’euros. Cela témoigne de l’effort qui est fait pour abonder les crédits dédiés au remplacement. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
2. Réunion du jeudi 20 octobre à 14 heures 30
La commission poursuit l’examen pour avis des amendements sur la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances 2023 (n° 273 ‑ seconde partie) (MM. Philippe Fait et Christophe Marion, rapporteurs pour avis) ([27]).
Article 27 et état B
Amendement II-AC159 de M. Paul Vannier.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC40 de Mme Fatiha Keloua Hachi.
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à revenir sur la baisse des 481 postes dans le second degré public pour la rentrée 2023. Après la suppression de 8 000 postes sous le précédent quinquennat et l’augmentation du nombre d’élèves à plus de trente par classe, le Gouvernement continue sa folie destructrice d’emplois dans le second degré. Ces suppressions supplémentaires sont incompréhensibles, alors qu’il manquait au moins un enseignant dans deux tiers des collèges et lycées de France à la rentrée. Plutôt que la poursuite d’une évolution favorable du taux d’encadrement, ce PLF actera le maintien de conditions de travail dégradées.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC161 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Le ministre a annoncé la création d’un concours exceptionnel de recrutement pour le premier degré, en indiquant, notamment, vouloir apporter une réponse au développement du recours aux contractuels. Or, c’est dans le second degré que ces derniers sont les plus nombreux, puisqu’ils y représentent 8 % des enseignants contre 1 % dans le premier degré. Cet amendement propose la tenue d’un concours exceptionnel pour le second degré dès cette année.
Par ailleurs, dans le second degré, nous observons un déficit important au concours dans de nombreuses disciplines. Il manque 157 enseignants en lettres modernes pour 755 postes ouverts, 79 enseignants en lettres classiques pour 134 postes ouverts, 155 enseignants en allemand pour 215 postes ouverts et 106 enseignants en anglais pour 781 postes ouverts. Le même phénomène s’observe dans l’enseignement professionnel : en mathématiques et en physique-chimie, il manque 118 enseignants sur 240 postes offerts, et 124 enseignants en biotechnologies option santé-environnement sur 190 postes ouverts.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. L’avis des rapporteurs est défavorable. Alors qu’en raison de la baisse démographique, 5 000 postes d’enseignants auraient pu être supprimés, seuls 2 000 l’ont effectivement été. Pour la seule année scolaire 2023‑2024, la diminution du nombre d’élèves devrait atteint 90 000 élèves dans le premier degré et 10 000 élèves dans le second degré.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC162 de M. Paul Vannier.
M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Selon les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, plus de 4 000 postes d’enseignants n’ont pas été pourvus à l’issue des concours de recrutement cette année. Cet amendement expose l’une des solutions que nous proposons au manque de candidats au concours. En effet, nous souhaiterions mettre en place un plan de prérecrutement en créant une nouvelle voie de recrutement des personnels de l’éducation, afin de favoriser l’accès des jeunes issus de tous les milieux sociaux aux métiers de l’Éducation nationale. Ce prérecrutement serait ouvert aux titulaires d’un baccalauréat, qui effectueraient une formation pendant cinq ans. Ce prérecrutement serait également ouvert aux titulaires d’une licence, qui suivraient alors une formation de deux ans. Ces élèves auraient le statut de fonctionnaires stagiaires et seraient rémunérés en conséquence. En retour, ils s’engageraient à rester au service de l’État pour une durée de dix ans.
M. Roger Chudeau (RN). Cela va vous étonner, mais je vais voter en faveur de cet amendement. Il vise à rétablir le mode de recrutement ancien des instituts préparatoires à l’enseignement secondaire (Ipes), dont je suis directement issu. Les élèves des Ipes ne passaient que l’oral des concours. Il s’agissait d’une très bonne manière de prérecruter les jeunes, garantissant une base solide au corps enseignant.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. C’est le retour de l’école normale de la IIIe République ! Votre position ne m’étonne pas, monsieur Chudeau. Nous avons travaillé sur ce sujet à l’occasion de la rédaction de notre rapport. Il est vrai que les parcours de préprofessionnalisation instaurés à la rentrée 2017, permettant aux étudiants d’être rémunérés pendant leur formation pour effectuer un travail d’assistance éducative (AED), rencontrent un succès important. Environ 7 000 étudiants sont concernés par ce dispositif. Certains parcours de préprofessionnalisation commencent dès la deuxième année de licence.
Toutefois, je ne suis pas certain qu’une modification aussi importante du recrutement des enseignants, avec des parcours et un prérecrutement dès l’obtention du bac, soit souhaitable. Il ne faudrait pas enfermer des étudiants dans cette voie en les fidélisant par la seule rémunération et par un engagement envers l’État à un âge où leurs aspirations peuvent varier. Un simple amendement ne pourrait suffire à répondre à cette question, qui mérite une réflexion de grande ampleur.
Enfin, la modification de la formation initiale des enseignants a été très profonde ces dernières années. Nous manquons encore de recul sur l’évaluation des nouveaux dispositifs tels que le déplacement du concours à la fin de la première année du master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF), l’alternance ou la préprofessionnalisation dès la deuxième année de licence. Les enseignants eux-mêmes se disent fatigués des réformes perpétuelles du mode de fonctionnement et de recrutement de l’institution.
Il me paraît donc préférable d’évaluer le fonctionnement de ces dispositifs afin d’estimer s’ils répondent aux problématiques soulevées, avant de les améliorer si cela est nécessaire. Il est encore un peu tôt pour rétablir les écoles normales.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC163 de M. Paul Vannier.
M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Par cet amendement de repli, nous proposons d’augmenter la gratification des étudiants en master MEEF pour la porter au niveau de 60 % du revenu médian, soit 1 102 euros.
Depuis 2022, en plus d’avoir réussi un concours, il faut avoir validé un master 2 pour devenir enseignant ou conseiller principal d’éducation (CPE) stagiaire. Ce report d’un an est l’une des causes de la crise du recrutement qui s’est manifestée de façon particulièrement aigüe lors de la session 2022 des concours de l’enseignement. Les étudiants qui souhaitent devenir enseignants doivent désormais accomplir cinq années d’études supérieures avant de toucher leur premier salaire. Pour les étudiants issus des milieux les moins favorisés, cet obstacle peut être difficile à franchir.
Avant la réforme, les lauréats des concours pouvaient valider leur master 2 durant leur année de stage, donc en étant rémunérés. Aujourd’hui, il leur faut dans le même temps préparer leur concours, leur diplôme et effectuer douze semaines de stage pour la somme dérisoire de 126 euros brut par mois.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les stagiaires MEEF ne sont pas pleinement en responsabilité, mais ils suivent un stage d’observation et de pratique accompagnée – la nuance est importante – pour six semaines en master 1 et douze semaines en master 2. Il ne peut donc a priori être décidé de leur allouer une rémunération équivalente à celle d’un stagiaire en responsabilité après obtention du concours. La gratification dont ils bénéficient est adaptée à la nature du stage et aux attentes dont ils font l’objet.
Cependant, pour faire face aux difficultés réelles des étudiants qui ne peuvent rester sans rémunération jusqu’au master 2, au risque de les décourager de poursuivre des études longues, le ministère a mis en place un parcours en alternance, qui bénéficie à environ 9 000 étudiants. Cette alternance est rémunérée dans le cadre d’un contrat de titre 2. En outre, des contrats d’AED en préprofessionnalisation ont été établis dès la rentrée 2019, permettant à des étudiants à partir de la licence 2 et jusqu’au master 2 d’effectuer des missions d’assistance éducative en parallèle de leurs études pour huit heures par semaine. Ces contrats leur permettent une découverte pratique du métier qu’ils aspirent à exercer et une rémunération significative de 780 à 1 000 euros par mois, en fonction de leur année de scolarité – ce qui peut d’ailleurs les encourager à poursuivre leur cursus. Ainsi, plus qu’une augmentation de la rémunération des stages d’observation, il me paraît souhaitable de développer ces deux derniers dispositifs.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC191 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement propose la titularisation des contractuels, offrant une réponse à un paradoxe cruel. Notre société fait appel aux contractuels et leur fait confiance pour enseigner. Or, dans le même temps, elle les maintient dans un état de précarité insupportable : d’un mois à l’autre, ou d’une année à l’autre, nombre de contractuels ignorent s’ils pourront poursuivre leur engagement. Beaucoup de ceux qui ont accumulé une véritable expérience pédagogique grâce à leurs années d’ancienneté peuvent se retrouver privés d’emploi à la rentrée, alors que les besoins sont importants.
M. Roger Chudeau (RN). Je ne suis pas favorable à cet amendement, bien que je comprenne le raisonnement de mon collègue. L’État emploie ces contractuels et leur confie les mêmes élèves et les mêmes tâches qu’aux titulaires. Ces derniers, cependant, ont réussi des concours difficiles. Les principes d’équité et d’équilibre doivent donc être respectés. Titulariser des contractuels qui n’ont pas obtenu ce concours serait difficilement recevable vis-à-vis des titulaires.
Pour ma part, je serais favorable à la tenue d’un concours aménagé pour les contractuels bénéficiant d’une certaine expérience et correctement notés par les corps d’inspection. Ces concours, qui ont déjà été organisés, me semblent représenter la solution la plus conforme à l’esprit républicain du mérite.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. La condition des contractuels s’est améliorée ces dernières années. La sécurisation de leur situation juridique a été renforcée depuis 2016 grâce à l’abrogation du recrutement d’agents temporaires vacataires et à l’affirmation du principe de recrutement sur des contrats de douze mois. Par ailleurs, des perspectives de titularisation s’offrent aux professeurs contractuels, tant par la voie externe ou interne que par celle d’un troisième concours, grâce à la valorisation des acquis de l’expérience.
Le ministre a annoncé la tenue d’un concours interne de recrutement des contractuels au prochain printemps, avec une condition d’ancienneté qui pourrait être de dix-huit mois au lieu des trois années requises dans le concours interne. Cela devrait permettre de titulariser un grand nombre de contractuels.
En outre, un certain nombre de contractuels ne souhaitent pas devenir titulaires, car ils sont opposés à la mobilité propre aux agents publics. Ils préfèrent donc rester contractuels avec l’assurance de continuer à enseigner dans l’établissement auquel ils sont affectés et qui est parfois proche de leur domicile.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC209 de M. Jérôme Legavre.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous souhaitons dénoncer le projet de réforme du lycée professionnel du Gouvernement et rétablir les moyens qui ont été supprimés depuis 2017.
Lors de la campagne présidentielle, M. Emmanuel Macron a annoncé vouloir faire du lycée professionnel une voie d’excellence, en s’appuyant sur les succès de la méthode de l’apprentissage. Or, cette « méthode » a consisté à fournir des travailleurs gratuitement aux entreprises. Pourtant, le taux de réussite au baccalauréat est sans appel : il est de 75,4 % pour les élèves en lycée professionnel contre 41,6 % pour les élèves en apprentissage. Ainsi, plus de trois élèves sur quatre vont jusqu’au bac quand ils sont sous statut scolaire alors qu’ils sont seulement deux sur cinq via l’apprentissage. Nous défendons l’idée d’un lycée professionnel, qui continue à réaliser son travail de formation pour une filière d’excellence, et demandons le rétablissement des crédits.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). L’apprentissage ne consiste pas à fournir de la main-d’œuvre gratuite à des entreprises, mais il permet à des jeunes d’apprendre un métier. Si des abus ont pu être constatés et qu’un renforcement de l’encadrement pourrait être nécessaire, plus de 700 000 jeunes ont signé un contrat d’apprentissage en 2021 et ont appris un métier, ce qui est particulièrement précieux pour les secteurs en tension. Le taux d’insertion professionnelle des apprentis, très élevé, montre qu’il s’agit d’une garantie d’entrée sur le marché du travail.
M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Nos débats sur le lycée professionnel oublient la possibilité ouverte aux élèves de poursuivre des études à l’université. Or, le taux d’échec en licence, important, s’explique par un savoir et des qualifications insuffisants notamment en mathématiques ou en français. La diminution du nombre d’heures de cours en enseignement général dans ces disciplines et leur remplacement par des heures en apprentissage limitent la possibilité offerte aux élèves en lycée professionnel de poursuivre leurs études dans le supérieur.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Je ne suis pas certain que l’objet du PLF soit de définir la réforme de l’enseignement professionnel. Mes échanges avec les lycées professionnels de ma circonscription et avec les entreprises qui accueillent des stagiaires montrent plutôt que le principal problème est que les entreprises ne prennent pas suffisamment d’alternants. S’il s’agissait d’une main-d’œuvre gratuite, elles saisiraient rapidement cette opportunité. Nous devons plutôt convaincre les entreprises d’accompagner des jeunes, leur faire comprendre qu’il s’agit aussi d’une occasion de fidéliser de futurs salariés.
Les crédits 03 de l’action du programme 141 consacré à la voie professionnelle augmentent de 5,29 % en 2023, ce qui n’est pas négligeable. La réforme de l’enseignement professionnel fera l’objet de concertations. La ministre déléguée rencontrera des syndicats enseignants, des syndicats de parents, des recteurs et des inspecteurs sur les contours de la réforme de la formation professionnelle. À l’issue du résultat de ces concertations, il nous sera permis d’évaluer cette réforme.
Avis défavorable.
Mme la présidente Isabelle Rauch. La commission se saisira de cette réforme et nous auditionnerons tous les acteurs nécessaires pour nous forger un avis.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC244 de M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’amendement vise à augmenter les moyens consacrés aux lycées professionnels. Cette filière a été fragilisée et détruite depuis près de quinze ans. Cette hausse permettrait de recruter davantage de professeurs, de gagner du temps pour accompagner les élèves de manière plus personnalisée et d’ouvrir de nouvelles filières en adéquation avec la volonté des élèves et non seulement avec celle des entreprises. Pour cela, une réforme est nécessaire, mais pas celle du Gouvernement. Tout le monde y est opposé, en témoignent la mobilisation de mardi pour le lycée professionnel et le fait inédit des trois questions au Gouvernement posées sur ce sujet. Le conseil supérieur de l’Éducation refuse également cette réforme.
Il ne faut pas réduire les enseignements généraux, car en abaissant le volume d’heures d’enseignement, le Gouvernement ferme sciemment des portes à ses élèves. Nous resterons vigilants à la poursuite des débats pour pérenniser l’enseignement professionnel et lui donner davantage de moyens.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). J’appuie cet amendement qui assure une égale dignité des élèves, qu’ils soient issus des voies générale, technologique ou professionnelle, et qui nous rappelle que cette dernière n’a pas pour unique finalité l’insertion professionnelle. C’est l’un de ses objectifs, mais elle a également des visées citoyenne et émancipatrice, que la réduction des heures d’enseignement, notamment général, met à mal.
Madame la présidente, je me réjouis que notre commission se saisisse de la réforme à venir. Je m’inquiète cependant que cette réforme ne soit pas votée par les représentants de la nation. Si j’en crois les annonces, et malgré nos auditions, la souveraineté que nous exerçons ne pourra pas se prononcer sur cette réforme importante qui touche un tiers des lycéens de ce pays, soit 630 000 élèves, majoritairement issus des catégories populaires. Je tiens donc à dénoncer ce scandale démocratique qui voit des réformes éducatives importantes contourner le Parlement.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Je l’entends, mais la modification de la Constitution n’est pas à l’ordre du jour.
M. Roger Chudeau (RN). Le RN n’a pas l’habitude de distribuer des satisfecit à M. Macron, mais il faut constater que c’est la première fois dans l’histoire qu’un président de la République s’intéresse de près à l’enseignement professionnel et qu’il entreprend de le réformer. Il faut laisser le temps au débat de s’installer. Il peut ressortir de cette réforme des mesures intéressantes, aussi bien pour l’institution que pour les élèves, notamment en matière d’insertion professionnelle. J’appelle toutefois la commission à rester vigilante quant à la qualité de l’enseignement, notamment en ce qui concerne les disciplines d’enseignement général, qui ne doivent en aucun cas être sacrifiées par cette réforme.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC142 de Mme Estelle Folest.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous voterons contre cet amendement qui propose de renforcer les campus des métiers et qualifications. Ces derniers sont des instruments de soumission du service public aux stricts besoins immédiats et locaux des entreprises.
Le campus des métiers et des qualifications de l’économie touristique, par exemple, situé en Seine-et-Marne, dans l’académie de Créteil, rassemble des lycées publics, des universités, des IUT et des entreprises, lesquelles expriment leurs besoins en main-d’œuvre. Parmi ces dernières, on compte Eurodisney ou le géant de l’intérim Manpower. Je me refuse à voir des intérêts privés dicter au service public de l’éducation ses finalités, et je m’oppose au modèle de campus des métiers et qualifications.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Laurent Croizier (Dem). Les discours de la France insoumise ne sont jamais mesurés. Je ne vois pas l’intérêt de former de futurs salariés à des métiers alors que l’on sait d’avance qu’ils ne leur offriront aucun débouché, si ce n’est de former des chômeurs. Ce sont les entreprises qui créent les emplois.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC185 de M. Paul Vannier.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Nous proposons de répartir équitablement la somme de 150 millions d’euros prévue pour le fonds d’innovation pédagogique entre l’ensemble des établissements scolaires de France. Nous remettons en cause l’idée d’une concurrence entre les établissements pour obtenir ces fonds. En outre, le temps passé à obtenir les fonds prend le pas sur la réalisation effective des projets. Nous ne souhaitons pas constater ce phénomène, déjà observable dans le supérieur, dans le premier et le second degrés.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Nous sommes d’accord avec les députés de la France insoumise. Le Président de la République avait annoncé que le fonds s’élèverait à 500 millions d’euros par an, et non pour l’ensemble du quinquennat. Or, nous avons récemment appris que l’enveloppe prévue serait divisée, pour n’atteindre qu’un total de 150 millions d’euros par an. Au regard d’une somme aussi faible, un accès équitable de tous les établissements à ce fonds paraît difficile. Divisée par le nombre d’élèves, cette somme représente un total de 12 euros par élève par an.
M. Roger Chudeau (RN). Notre vote sera défavorable. Les fonds pédagogiques existent depuis plus de trente ans. Ils ont toujours été distribués de manière différenciée en fonction des besoins, et non selon le mérite supposé des professeurs. Toutefois, comme nous l’avons signalé à M. Ndiaye hier, nous nous opposons à une distinction entre les équipes pédagogiques « innovantes » et « non innovantes », alors que la pédagogie est une innovation de tous les jours.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Allouer de manière strictement identique l’ensemble des crédits à tous les élèves est une fausse bonne idée. Ce fonds d’innovation a pour vocation de redonner une liberté pédagogique aux enseignants. Les projets ne sont pas identiques, et ne réclament pas les mêmes crédits. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC213 de M. Paul Vannier et II-AC248 de M. Jean-Claude Raux.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement vise à aider les collectivités, et notamment les communes, à se doter en capteurs de CO2 et plus précisément en capteurs d’air. De nouvelles vagues de covid-19 continuent à se succéder, et il a été avéré, malgré les dénis du précédent ministre de l’Éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, que les établissements scolaires sont des lieux de contamination et de transmission du virus. Or, la situation financière des collectivités territoriales est difficile. L’État doit les aider à se doter en équipements efficaces sur le plan sanitaire pour lutter contre la propagation des virus, et notamment de la covid-19.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Nous passons 85 % de notre temps dans des intérieurs souvent plus pollués que l’extérieur, y compris en ville. De nombreuses pathologies en résultent, engendrant un coût pour la santé estimé à 19 milliards d’euros par an. La nécessité de surveiller la qualité de l’air en intérieur a fait l’objet d’une obligation pour les établissements recevant du public (ERP), dont les écoles. Ces dernières ont été incitées à se doter de capteurs de CO2 grâce à un accompagnement financier de l’État. Nous saluons la reconduction de cette incitation en ce début d’année scolaire.
Or, dans le contexte financier actuel, chaque dépense d’équipement est longuement pesée et réfléchie. Les coûts de fonctionnement et d’entretien doivent également être pris en compte. L’accompagnement proposé pour l’achat de capteurs de CO2 pourrait donc être doublé d’une aide financière pour l’entretien et le contrôle de ces équipements.
Mme Anne Brugnera (RE). Nous sommes tous conscients de l’importance de veiller à l’aération et au suivi du niveau de CO2 dans les classes. Des capteurs et des purificateurs ont été installés dans certaines communes durant l’épidémie de covid-19 suivant les recommandations du ministère de l’Éducation nationale. L’équipement de ces dispositifs relevait des collectivités territoriales. Un budget était prévu à cet égard, et les collectivités l’ont sollicité. L’accompagnement des collectivités territoriales passe par le budget et les fonds qui leur sont dédiés. Ainsi, même si je partage vos arguments, nous voterons contre cet amendement.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Je suis étonné des arguments du groupe Renaissance. À plusieurs reprises, vous semblez nous rejoindre dans nos diagnostics. Mais à chaque fois qu’il s’agit de se doter des moyens permettant de réaliser les objectifs que nous partageons, vous votez contre. Les décisions que nous devons prendre sont budgétaires : si, alors qu’un objectif vous semble devoir être atteint, vous renoncez à débloquer les millions d’euros nécessaires, nous sommes réduits à l’impuissance.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Cet amendement est surprenant, puisque les fonds pour l’acquisition de capteurs de CO2 existent. Depuis février 2022, chaque collectivité territoriale souhaitant acquérir des capteurs de CO2 pour ses établissements scolaires peut disposer d’une subvention de huit euros par élève, contre deux auparavant. C’est pour ce motif que nous émettons un avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements II-AC213 et II-AC248.
Amendements II-AC164 de M. Paul Vannier et II-AC43 de Mme Fatiha Keloua Hachi.
Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement de repli, nous proposons d’augmenter la rémunération des AED en préprofessionnalisation pour la porter au niveau de 60 % du revenu médian, soit 1 102 euros. Les AED en préprofessionnalisation sont rémunérés entre 700 et 980 euros selon leur niveau d’études. En licence 2 et licence 3, ils doivent accomplir un service de huit heures de présence hebdomadaire pendant trente-neuf semaines, soit 312 heures. En master 1, leurs missions sont élargies, puisqu’ils doivent assurer des séquences pédagogiques. Pour faire face à la crise du recrutement, le vivier de recrutement des métiers de l’enseignement doit être élargi. Cet amendement apporterait ainsi une aide aux AED en préprofessionnalisation, mais il encouragerait également l’engagement dans les métiers de l’enseignement.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Mon amendement porte sur le nombre d’AED et de CPE. Ils jouent un rôle essentiel au bon déroulement de la vie des élèves dans les établissements. Pourtant, depuis 2017, on compte 1 915 personnes d’éducation en moins, soit 1 300 AED et 400 CPE. Le recrutement de 100 CPE pour 2023 ne suffira pas à combler ces pertes. Nous souhaiterions revenir à l’effectif de 2017, soit une hausse de 2 518 AED et CPE.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Mon groupe soutient ces deux amendements. Cette année, 773 ETP ont été supprimés. Il est hors de question que ces coupes soient compensées par l’octroi de nouvelles missions aux enseignants.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous comprenons la volonté de mieux rémunérer les étudiants afin de leur permettre de vivre décemment et de suivre leurs études dans de bonnes conditions. Toutefois, les contrats de préprofessionnalisation d’AED représentent un service de huit heures pendant trente-neuf semaines. Il est difficile d’envisager de les rémunérer à 60 % du salaire médian d’un salarié à temps plein. Ces rémunérations n’ont pas vocation à constituer un salaire complet, mais bien un complément permettant de poursuivre les études et de se familiariser avec la profession. Les AED ont en outre bénéficié de la revalorisation du point d’indice. De plus, ces rémunérations sont cumulables avec les bourses pour les AED les plus en difficulté. Nous proposons donc un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement sur le nombre d’AED et de CPE sur le programme 230, le nombre de CPE sera déjà augmenté de 100 cette année, après des augmentations de plus de 650 postes entre 2017 et 2023. Le nombre d’ETPT prévu pour 2023 est de 49 154, soit un nombre important et ajusté aux évolutions de la démographie des élèves. En parallèle, les AED ayant atteint six ans d’ancienneté en CDD peuvent, depuis 2022, prétendre à un CDI, ce qui contribuera à revaloriser cette profession indispensable. En 2023, 5 500 ETPT seront transférés du hors titre 2 vers le titre 2.
La commission rejette successivement les amendements II-AC164 et II-AC43.
Amendement II-AC44 de Mme Claudia Rouaux.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement vise à ouvrir des places de professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) au Capeps 2023. Toutes les études convergent sur la baisse de la pratique du sport des jeunes générations et attestent du besoin de renforcer l’activité physique. Il est essentiel de renforcer l’EPS et le sport scolaire de la maternelle à l’université.
L’expérimentation de deux heures supplémentaires d’EPS au collège nous semble aller dans le bon sens. Pourtant, les moyens ne sont pas donnés à l’Éducation nationale de promouvoir pleinement la pratique physique et sportive de tous ses élèves. Dans de nombreux établissements du second degré, il manque environ 10 % de professeurs d’EPS pour assurer les horaires obligatoires. De plus, les classes sont bondées, ce qui ne permet pas une pratique de qualité. Enfin, la diminution de 170 postes au Capeps, soit 21 %, en 2018, n’est pas enrayée.
Nous demandons ainsi l’ouverture de 1 500 postes de professeurs d’EPS.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous n’avons aucune remontée quant à d’éventuelles tensions de recrutement dans cette discipline.
Les volumes de recrutement de professeurs d’EPS restent suffisamment élevés et la couverture du besoin exprimé par les académies est globalement satisfaisante voire excédentaire, ce qui permet un recours limité aux contractuels.
Depuis quelques années, une attention particulière est portée à cette discipline compte tenu notamment d’un accroissement prévu des départs en retraite pour les prochaines années. Le volume global de postes offerts a par conséquent augmenté de 4 % pour la session 2019, et de 2,3 % pour celle de 2020. Un nouvel effort a été réalisé en 2022 en ouvrant 690 postes supplémentaires et en diversifiant les voies d’accès par l’ouverture d’une troisième voie. L’avis est défavorable.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Compte tenu des deux heures d’EPS supplémentaires dès 2023, le nombre de postes du Capeps 2023 sera insuffisant pour couvrir les besoins des établissements du second degré.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC130 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Le présent amendement vise à financer le recrutement de 1 500 assistants sociaux, soit un par quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), pour mieux détecter les situations de grande précarité chez les élèves. Les services sociaux, placés sous l’autorité de la direction académique des services de l’Éducation nationale (DASEN), interviennent en premier lieu dans les établissements du second degré et en REP+, dans les écoles, ainsi qu’au sein des maisons départementales des personnes handicapées. Le secteur d’intervention comprend un ou plusieurs établissements.
La charge de travail n’a jamais été aussi forte pour ces assistants sociaux en raison de l’enchainement des crises économiques, et leur nombre – 2 700 pour 12 millions d’élèves – ne suffit pas à traiter efficacement les situations de difficulté. Or, ces dernières années, l’école est devenue le seul service public auquel les habitants se fient dans certains quartiers. Les assistants sociaux de l’Éducation nationale se sont imposés comme les relais les plus appropriés pour détecter les situations de décrochage, le manque de ressources financières, ou les problèmes d’isolement.
Nous proposons donc de recruter un assistant social par QPV, et d’élargir le périmètre d’action au premier degré dans les territoires urbains et ruraux défavorisés.
Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). J’appuie cet amendement. Quiconque a enseigné dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou y a scolarisé ses enfants n’a pu que constater le manque terrible d’assistantes sociales. La crise de recrutement que connaît ce secteur a été aggravée par l’élargissement des tâches qui incombent à ces personnels. En l’absence d’assistantes sociales, les personnels éducatifs et enseignants se voient contraints d’assurer ces tâches, alors qu’ils n’ont pas les qualifications pour le faire.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les postes d’assistants de service social couvrent l’ensemble des secteurs d’affectation et l’ensemble des académies, dont les QPV. Même si des manques ponctuels peuvent survenir dans certains territoires, le nombre d’assistants sociaux au sein de l’Éducation nationale nous paraît suffisant. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC51 de M. Inaki Echaniz
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Notre amendement vise à amplifier les moyens alloués à la formation continue des enseignants du second degré.
Le consensus est clair et partagé par l’OCDE, la Cour des comptes, le Sénat et l’Assemblée nationale : la formation continue des enseignants est un élément essentiel d’un système éducatif capable de répondre aux enjeux que rencontrent les enseignants et les élèves. Malheureusement, notre pays est loin derrière ses voisins européens sur cette question. Quand les professeurs suédois consacrent respectivement 104 heures chaque année à se former, les enseignants français n’y consacrent que 8 à 16 heures par an.
Nos enseignants affirment régulièrement leurs besoins en la matière : 76 % d’entre eux déclarent effectuer des tâches pour lesquelles ils auraient besoin de plus de formation. Ce manque de formation se lit dans le peu de moyens qui y sont consacrés.
Afin de répondre à leurs attentes et à la crise des vocations, il est nécessaire de développer une politique de formation continue ambitieuse. Ainsi, cet amendement double le budget consacré à la formation en y apportant 35 millions d’euros supplémentaires.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Philippe Fait et moi-même avons mené des travaux ces dernières semaines sur la formation initiale et continue. Nous sommes d’accord avec vous : les enseignants du second degré ne sont pas suffisamment formés au sein de l’Éducation nationale.
Toutefois, les crédits de formation continue prévus dans les budgets du ministère sont fortement sous-consommés, et la crise sanitaire seule ne l’explique pas. Or, le ministère maintient, voire accroît, l’enveloppe pour la formation dans le PLF, l’action 10 du programme 141 étant augmentée de 6,26 %, dépenses de personnel incluses.
S’il n’apparaît pas nécessaire d’augmenter de 35 millions d’euros ce budget, l’organisation de la formation continue doit faire l’objet de notre réflexion. Philippe Fait et moi-même avons déposé un amendement d’appel en commission des finances pour obtenir une réponse à cette question. La somme de 35 millions d’euros avait été évoquée par SynLab, mais elle ne repose pas sur des éléments précis. Nous émettrons donc un avis défavorable, bien que ce sujet soit fondamental.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Peu importe le montant : l’argent est le nerf de la guerre. Si les budgets alloués ne sont pas entièrement utilisés, c’est parce que les enseignants ne sont pas informés de leur droit – et leur devoir – de formation, que bloquent très souvent les établissements scolaires. Ce budget pourrait donc également être utilisé pour communiquer auprès des enseignants sur l’offre de formation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement i II-AC50 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous demandons l’augmentation des moyens alloués à la formation des enseignants du premier degré. La somme est moindre – 26 millions d’euros – car les enseignants sont un peu mieux formés dans le premier degré, en raison notamment des parcours obligatoires à distance du dispositif M@gistère. Toutefois, 76 % des enseignants du premier et du second degrés déclarent effectuer des tâches pour lesquelles ils auraient besoin de plus de formation.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Seuls 62 % des crédits de formation (hors titre 2) ont été utilisés en 2018, 78,7 % en 2019, 67,8 % en 2020 et 47,1 % en 2021 – probablement en raison de la crise sanitaire. Cette sous-consommation ne résulte pas uniquement d’un manque de communication autour de l’offre de formation, mais également des difficultés à libérer des enseignants pendant le temps scolaire et à assurer leur remplacement pendant la durée de la formation. Ces questions, très vastes, ne sauraient être résolues par la seule augmentation des financements. L’avis est donc défavorable.
La commission rejette l’amendement
Amendement II-AC145 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à renforcer la formation continue des enseignants aux problématiques de l’inclusion scolaire. S’il ne s’agit pas de remettre en question l’engagement sans faille des enseignants accueillant des élèves en situation de handicap, force est de constater que la formation continue sur ce sujet est souvent lacunaire.
Un rapport d’information de l’Assemblée nationale reconnaît ainsi que les initiatives de formation commune impliquant les différents professionnels de l’Éducation nationale et du secteur médico-social autour des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial) sont encore trop localisées.
Par ailleurs, nous soutenons la recommandation qui vise à augmenter le nombre d’enseignants référents de manière à viser un objectif de cent élèves suivis par chacun. Or, seuls 17 % d’entre eux suivraient moins de 200 dossiers : c’est trop peu pour être utile aux enseignants sur le terrain. Ceux-ci ont besoin d’être soutenus et accompagnés pour créer les conditions d’une véritable école inclusive. Le présent amendement vise donc à financer des heures de formation nécessaires à une véritable compréhension des besoins des élèves et à instaurer des temps de concertation institutionnalisés pour dialoguer régulièrement avec les différents acteurs.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous reconnaissons l’importance de cette question, mais pour les raisons exposées par Christophe Marion, nous émettons un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC41 de M. Inaki Echaniz.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous demandons une augmentation importante des moyens de la médecine scolaire.
Nous donnons l’alerte par cet amendement sur la diminution continue des personnels de santé de l’Éducation nationale : depuis 2017, on compte 30 % de médecins et 11 % d’infirmiers en moins dans le milieu scolaire. Alors que la France ne compte qu’un médecin pour 12 572 élèves et un infirmier pour 1 300 élèves, les moyens alloués à la santé scolaire ne permettent pas de lutter contre les inégalités sociales de santé.
Au-delà d’un plan de recrutement, il est indispensable de redonner de l’attractivité à ces métiers. Une forte revalorisation salariale permettrait un recrutement plus intensif. Combinée à des recrutements, elle devrait permettre de disposer d’un nombre de soignants nécessaires pour assurer un suivi correct des élèves.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous comprenons et partageons vos préoccupations face à la diminution du nombre de médecins scolaires ces dernières années. Cependant, comme l’a rappelé le ministre, le sujet est celui de la disponibilité de la ressource et non des moyens. Des mesures statutaires et indiciaires ont été prises pour remédier aux difficultés de recrutement. Au plan national, la diffusion d’informations relatives au métier de médecin de l’Éducation nationale auprès des étudiants et des internes en médecine a été accentuée afin de susciter des vocations parmi ces publics.
La baisse du nombre d’infirmiers scolaires, que vous notez dans votre amendement, résultait d’une baisse d’attractivité des concours concernés. Depuis 2017, le ministère constate une nette amélioration de l’attractivité des concours d’infirmiers scolaires. Les mesures récentes prises en faveur de la carrière des infirmiers ont vocation à garantir la reconnaissance de la spécificité de ce métier.
Dans le PLF 2023, les crédits de l’action 02 Santé scolaire augmentent de plus de 8 %. En 2022-2023 le ministère poursuivra l’effort de revalorisation indemnitaire des médecins de l’Éducation nationale. Les métiers du secteur médico-social feront également l’objet d’une revalorisation d’un montant total de 66 millions d’euros, et seront éligibles aux primes REP et REP+. Pour ces raisons, nous émettons un avis défavorable.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les députés du groupe Horizons partagent ces inquiétudes sur la situation de la médecine scolaire. On compte moins de huit médecins pour 100 000 élèves. Les parlementaires et les syndicats ont déjà lancé des alertes à ce sujet. Toutefois, la lecture d’un rapport de la Cour des comptes sur cette question donne à voir que la revalorisation salariale ne saurait constituer l’unique réponse à cette situation critique. Des transferts de compétences entre les infirmiers et les médecins scolaires, notamment, permettraient une meilleure prise en charge des élèves. À titre personnel, je m’abstiendrai.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Monsieur le rapporteur, il me semble que vous faites une confusion entre le nombre de postes fléchés et le manque d’attractivité du métier. Je vous alerte d’une baisse du nombre de postes fléchés, ces derniers s’élevant à 843 postes pour la période 2021-2022 contre 1 020 postes en 2020-2021.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. 30 % des postes fléchés ne sont pas pourvus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC245 de M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le désert médical scolaire est le désert médical dont on parle le moins. La santé scolaire devrait constituer un élément pivot du parcours de santé des adultes en devenir. Les missions de la santé scolaire n’ont cessé d’augmenter : prise en charge des troubles de l’apprentissage, aménagements de la scolarité dans les situations de handicap, suivi de différents dispositifs. Or, ces missions ne sont que partiellement assurées par manque de moyens humains et financiers, alors qu’elles devraient s’élargir à l’accueil, l’écoute, la prévention et la détection afin de permettre aux enfants et aux adolescents d’aborder des sujets intimes ou liés à la famille, comme les violences sexuelles ou familiales. Nous demandons donc d’abonder l’action Santé scolaire de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
M. Roger Chudeau (RN). Nous nous trompons sur le sujet de la santé scolaire. Les postes n’étant pas pourvus, il est inutile d’abonder cette action de millions d’euros supplémentaires. Nous devons changer de paradigme. Il existe des déserts médicaux, pas seulement scolaires. Ces amendements n’ont pas de portée réelle. Il faut plutôt que nous nous demandions comment les élèves sont pris en charge par la médecine, y compris la médecine de ville ou celle liée à des mutuelles.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Je suis inquiet des interventions de Jérémie Patrier‑Leitus et de Roger Chudeau, qui témoignent d’un immobilisme. Vous refusez à la fois de créer des postes, au prétexte de difficultés à recruter, et d’augmenter le salaire des médecins scolaires, ce qui explique le manque de candidats. Soit vous nous enfermez dans un cercle vicieux, soit vous proposez de choisir un autre modèle, qui semble conduire à la disparition pure et simple de la médecine scolaire. Dans un an, nous constaterons les mêmes évolutions, et vous nous opposerez les mêmes réponses. Votre approche est austéritaire : vous refusez de financer des besoins éducatifs et sanitaires urgents pour le pays.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC195 de M. Paul Vannier et II-AC102 et II-AC103 de Mme Béatrice Descamps.
Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous souhaitons mettre en place un plan de recrutement de médecins et d’infirmiers scolaires. En effet, les difficultés de recrutement ne sauraient légitimer la suppression de postes. Or, dans le PLF 2023, on note une suppression de 177 postes de médecins scolaires en un an. Nous sommes passés de 1 271 médecins scolaires en 2012 à 843 en 2022. L’Éducation nationale a-t-elle moins besoin de médecine scolaire ? Chacun, ici, s’accordera à reconnaître que ce n’est pas le cas, notamment dans le contexte des traumatismes subis lors de la crise sanitaire. Le nombre de personnels infirmiers a également chuté de 948 postes en un an. Ces personnels se sont, à plusieurs reprises, mobilisés afin de dénoncer le manque de postes. En refusant d’augmenter le nombre de postes, nous méprisons la mobilisation de ces personnels et nous entretenons le cycle de difficultés de recrutement. Nous proposons donc de recruter au minimum 300 médecins et 956 infirmiers afin de retrouver le nombre de postes de 2017, déjà insuffisant en réalité.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’augmentation des salaires des infirmiers scolaires répond d’abord à une question d’égalité par rapport aux salariés libéraux, mais également au manque de personnel. Les médecins et les infirmiers sont indispensables au sein des établissements. Il y a quelques années, lorsqu’un enfant souffrant d’une pathologie sortait de l’hôpital, le projet d’accueil individualisé (PAI) était réalisé lors de son retour à l’école en présence d’un infirmier scolaire. Lorsque j’ai proposé qu’une infirmière soit présente sur les centres d’examen lorsqu’un enfant était atteint d’une pathologie afin de rassurer ce dernier, cela m’a été refusé, parce qu’il aurait été impossible de garantir cette présence dans chaque centre d’examen.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette successivement les amendements II-AC195, II-AC102 et II-AC103.
Amendement II-AC146 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à augmenter la rémunération des médecins de l’Éducation de nationale de 30 %. La santé scolaire a deux objectifs : la réussite scolaire et la réduction des inégalités en matière de santé. Or, le dispositif de santé scolaire rencontre des difficultés endémiques, sur lesquelles l’attention des pouvoirs publics est régulièrement appelée. L’école remplit un nouveau rôle de point d’ancrage et d’intermédiaire entre les familles et les organismes chargés de la politique sociale et médicale. Les médecins scolaires ont un rôle considérable à jouer dans les quartiers populaires.
Pourtant, le taux d’encadrement des élèves s’est dégradé de 20 % en cinq ans pour atteindre en moyenne nationale un médecin pour 12 572 élèves en 2018. Au total, on compte 900 médecins scolaires pour environ 12 millions d’élèves en France. Moins d’un élève sur deux effectuerait sa visite médicale à six ans, pourtant obligatoire.
Pour renforcer l’attractivité du métier, nous demandons une revalorisation immédiate et sans condition des rémunérations des médecins, qui s’impose si nous souhaitons offrir à tous les enfants les conditions d’une scolarisation inclusive. À terme, il conviendrait également de doter le ministère d’un Conseil de la santé scolaire et de publier un rapport annuel sur la santé scolaire.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous comprenons et partageons votre préoccupation face à la réduction du nombre de médecins scolaires. Cependant, dans le PLF 2023, les crédits de l’action 02 Santé scolaire augmentent de plus de 8 %. En 2022 et 2023, le ministère poursuivra l’effort de revalorisation indemnitaire des médecins de l’Éducation nationale, dont la première tranche en 2021 a porté sur 1 700 euros brut annuels en moyenne.
Ceci permet de prolonger le grand nombre de mesures qui ont déjà été prises afin de renforcer l’attractivité du corps des médecins de l’Éducation nationale et de résorber le déficit de médecins scolaires depuis 2015 : revalorisation du régime indemnitaire des médecins de l’Éducation nationale, relèvement de la rémunération minimale des médecins contractuels, indemnisation des médecins « tuteurs », revalorisation de l’indemnité REP+ à compter de la rentrée 2018. Pour ces motifs, nous émettons un avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). Si nous ne pensons pas nécessaire de créer des postes de médecins qui ne seront pas pourvus, il faut cependant augmenter leur rémunération. Nous voterons donc en faveur de cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC148 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à créer un programme d’investissement sur la culture à l’école primaire au détriment des internats d’excellence.
Le budget alloué aux internats d’excellence s’élève à 409 millions d’euros en 2023 contre 300 millions d’euros en 2010. Nous donnons l’alerte sur les dérives de ces investissements qui ne font l’objet d’aucun suivi officiel et qui n’ont pas fait preuve de leur efficacité en matière de cohésion sociale et d’amélioration de l’égalité des chances.
Ce type de dispositif n’est pas généralisable et conduit à privilégier la réussite de quelques-uns, au détriment d’une politique éducative ambitieuse pour tous les élèves des milieux populaires. Nous ne pouvons accepter la constitution d’une école à deux vitesses, avec d’un côté, une filière d’excellence à laquelle on réserve des moyens importants, et de l’autre, un système d’éducation prioritaire sous doté et mal considéré.
C’est pourquoi nous suggérons plutôt de financer des dispositifs qui améliorent le capital culturel des élèves les plus défavorisés dès l’élémentaire et notamment des voyages scolaires. Cette enveloppe pourrait aussi financer plus massivement les associations qui organisent des classes de découverte et qui font découvrir aux enfants le patrimoine naturel et culturel de la France. À une vision individualiste, nous souhaitons opposer un projet d’équité qui offre l’opportunité à tous les élèves issus de milieux défavorisés de s’épanouir.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous souscrivons à votre préoccupation envers les QPV, notamment concernant la politique culturelle. Néanmoins, les projets que vous donnez pour exemple pourraient tout à fait faire l’objet de crédits du fonds d’innovation pédagogique, qui s’élève à 150 millions d’euros. Ainsi, nous émettons un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC107 de Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). La culture est plus que jamais un vecteur de cohésion sociale, et l’école doit faire passer le message que la culture est accessible à tous. Bien trop souvent dans certains territoires, l’école reste le seul vecteur d’accès à la culture.
Si je salue la création du pass culture, l’école primaire doit disposer de moyens nécessaires pour offrir un socle culturel aux enfants dès le plus jeune âge.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Pour 2022, les crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle (EAC) s’élèvent à 2,4 millions d’euros sur la mission Enseignement scolaire. Par ailleurs, c’est le fonds d’innovation pédagogique qui doit répondre aux préoccupations dont vous faites part, redonnant ainsi davantage de liberté pédagogique aux enseignants. L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC173 de M. Paul Vannier.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Le montant des bourses a augmenté de seulement 4 % à la rentrée 2022, alors que les prix ont augmenté de 6,2 % entre septembre 2021 et septembre 2022. Par cet amendement, nous proposons d’augmenter les bourses de collèges et de lycées pour que leur évolution suive celle des prix. Bien que seuls trois amendements aient été acceptés depuis le début de nos discussions, nous espérons que vous saurez entendre cet appel, car ces bourses sont indispensables aux familles des élèves des classes populaires.
Mme la présidente Isabelle Rauch. Les discussions font avancer le débat, et vous constatez que nous partageons tous un grand nombre de préoccupations.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les bourses sur critères sociaux ont été augmentées de façon exceptionnelle à la rentrée scolaire 2022 de 4 % afin d’atténuer les effets de l’inflation constatée au cours du premier semestre 2022, et limiter les répercussions pour les familles. Plus de 1,45 million d’élèves boursiers sont concernés dans les établissements publics et privés sous contrat par cette aide qui porte notamment sur la restauration scolaire et l’achat de fournitures et équipements. Le PLF 2023 prend en compte cette augmentation en proposant une enveloppe totale de 835 millions d’euros.
Les bourses sont revalorisées chaque année en fonction du taux de base mensuelle des allocations familiales et permettent donc de prendre en compte la situation économique des foyers. Enfin, les fonds sociaux peuvent apporter des compléments aux bourses.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC45 de Mme Fatiha Keloua Hachi.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Notre amendement vise à corriger la baisse des bourses sur critères sociaux dans l’enseignement agricole. Les bourses sur critères sociaux voient leur budget diminuer de 4,6 millions d’euros en 2023. Ces bourses d’études et ces aides financières diverses sont destinées aux élèves dont les ressources familiales sont insuffisantes pour leur permettre d’entreprendre et de poursuivre des études. Il n’est pas acceptable de baisser ces crédits, sans qu’aucune justification ne soit donnée dans les « bleus » budgétaires, et encore moins en pleine crise énergétique. Nous demandons la revalorisation de ces aides sociales.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire est mobilisé, comme le ministère de l’Éducation nationale, pour donner aux élèves et étudiants éligibles les aides sociales et notamment les bourses auxquelles ils peuvent prétendre. La dotation prévue dans le cadre du PLF correspond aux besoins estimés, notamment en regard des tendances démographiques. Si elle diminue, c’est en raison de la diminution du nombre d’élèves, et non de celle des montants. Il ne paraît donc pas nécessaire de corriger ces montants.
M. Roger Chudeau (RN). Nous votons en faveur de cet amendement, car il est inacceptable de diminuer ces crédits en période d’inflation.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je soutiens également cet amendement. Vous avez précédemment indiqué que les bourses ne seraient pas revalorisées puisque les fonds sociaux permettent de les compenser. Or, vous soutenez la diminution de 25 % des fonds sociaux pour l’enseignement agricole.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC249 de M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Si notre jeunesse est notre avenir, son avenir est compromis par l’inaction climatique dans laquelle nous persistons. Nous devons sensibiliser les élèves dès le plus jeune âge à la cause environnementale. Entretenir le lien entre les jeunes et les espaces naturels proches est l’un des enjeux majeurs pour réussir la transition écologique dans les années à venir et pour sauver la biodiversité. Nous proposons donc que chaque établissement scolaire développe un projet de sensibilisation à la biodiversité, du primaire au lycée. En tant que maire, j’ai constaté la réussite de ce type de projets.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. De nombreuses collectivités proposent déjà ce type de sorties, dans le premier comme dans le second degré. Les classes qui n’en bénéficieraient pas pourraient avoir recours au fonds d’innovation pédagogique. L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC100 de M. Julien Odoul et amendements II-AC98 de M. Julien Odoul, II-AC46 de M. Roger Chudeau et II-AC99 de M. Julien Odoul (discussion commune).
M. Roger Chudeau (RN). Ces quatre amendements proposent d’instaurer un uniforme pour les écoliers et les collégiens, grâce à un abondement de 5 millions d’euros afin d’aider les familles qui en auraient besoin. Chaque conseil d’établissement définirait librement une tenue uniforme d’été, d’hiver et de sport rendue obligatoire pour les élèves, portant idéalement le logo de l’établissement.
L’école ne connaît pas d’enfants, elle ne connaît que des élèves. L’uniforme effacerait en partie les marqueurs sociaux que constituent les vêtements. Les polémiques suscitées par le port des abayas seraient, en outre, réglées par le port d’une tenue unique.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous voterons contre les amendements de M. Odoul, qui s’est fait connaître pour l’expression de sa haine envers les musulmans. C’est la seule religion que vous pointez dans l’exposé de vos motifs, puisque vous proposez l’instauration d’une police du vêtement, qui relève sans doute de l’une de vos inspirations iraniennes favorites. L’instauration d’un uniforme à l’école participe d’une logique de marchandisation. L’imposition d’un logo que vous avez évoquée sur ces tenues renvoie à une volonté de mettre en concurrence les établissements, également poursuivie par la minorité présidentielle.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Des expérimentations dans les lycées militaires et les internats de la réussite ont été menées en ce sens. Toutefois, il ne paraît pas opportun de tenir ce débat, dont je souligne l’importance, au cours d’une discussion budgétaire.
M. Roger Chudeau (RN). Les propos de la NUPES n’ont aucun sens. Le port de l’uniforme relève de l’intérêt général. Mon groupe continuera à porter ce sujet auprès du ministre. Nous avons également déposé une proposition de loi (n° 244) à cet égard. La question des vêtements suscite de très fortes tensions dans les collèges. Le port d’une tenue d’établissement, qui ne viserait nullement à la mise en concurrence, y répondrait efficacement.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Comme le ministre l’a expliqué hier, rien n’interdit à un établissement scolaire d’autoriser, avec l’accord du conseil d’établissement, le port d’un uniforme. Il me semble qu’il faut laisser aux établissements le choix de s’emparer ou non de cette question. Par ailleurs, les études menées par le conseil scientifique de l’Éducation nationale et dans les pays anglo-saxons ont montré qu’il n’existait pas de corrélation réelle entre le port de l’uniforme et le comportement des élèves ou leur sentiment d’appartenance à un établissement. Je ne suis pas favorable à ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements II-AC100, II-AC98, II-AC46 et II-AC99.
Amendement II-AC121 de Mme Angélique Ranc.
Mme Angélique Ranc (RN). Le statut des directeurs d’école a été revu avec la loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d’école dite « loi Rilhac », cependant les décharges prévues par cette loi restent compliquées, minimes ou mal agencées faute de moyens. Cet amendement est donc destiné à améliorer le régime de décharges et à renforcer l’aide administrative promise. La poursuite de ces efforts permettrait d’améliorer le fonctionnement d’une multitude d’écoles, premier pas nécessaire au bon déroulement de l’éducation scolaire des enfants.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. De nombreuses actions ont été réalisées pour améliorer le fonctionnement de la direction des écoles. Les dépenses de personnel devraient consolider le rôle et les conditions d’exercice des directeurs d’école :1 250 ETP sont consacrés à l’augmentation de leurs décharges afin de leur donner plus de temps pour exercer leurs missions. En pratique, ces moyens supplémentaires permettent, depuis la rentrée 2022, à tous les directeurs d’écoles de six à sept classes de bénéficier d’une décharge d’un tiers-temps au lieu d’une décharge de quart-temps, et aux directeurs des écoles de douze à treize classes d’être déchargés totalement. Entre les rentrées 2020 et 2022, le régime de décharge a été amélioré pour près de 60 % des directeurs d’école. Pour ces raisons, nous émettons un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC147 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à financer de nouvelles décharges pour les directeurs d’école.
Selon l’intersyndicale, il faudrait entre 1 250 et 1 300 ETP par an d’ici 2026 pour financer les décharges nécessaires à une réelle application du statut de directeur d’école. En 2023, on estime qu’il faudrait une décharge complète pour les directeurs d’école de onze classes contre douze classes dans le projet actuel, et une décharge de trois quarts pour les directeurs d’école de dix classes contre un mi-temps actuellement.
À terme, tous les directeurs d’école de plus de dix classes seraient déchargés à 100 % de leur temps. Par rapport à l’estimation des syndicats, il manque donc 244 ETP dans le budget. Ces financements supplémentaires viendront soulager les directeurs d’école et leur permettre de se concentrer sur leurs tâches essentielles. Les directeurs d’école ont besoin de visibilité dans le temps et le meilleur outil pour le faire serait de fixer dans la loi une programmation pluriannuelle.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC192 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons de supprimer le recours à des organismes de certification en langues vivantes.
Notre école publique doit être capable de délivrer des diplômes qui attestent d’un niveau de qualification reconnu. Or, la réforme du lycée, en introduisant une part importante de contrôle continu dans le baccalauréat, notamment pour les langues vivantes, lui a fait perdre sa valeur certificative, ce qui est compensé par le recours à des organismes privés de certification. Nous demandons le retour d’épreuves nationales pour que le baccalauréat retrouve sa valeur.
Les dépenses consacrées aux certifications en langues vivantes étrangères exécutées dans le cadre de marchés et d’une convention sont évaluées pour 2023 à un peu plus de 2 millions d’euros. Nous proposons d’affecter ces crédits au recrutement d’enseignants de langues.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Mon avis est défavorable. Votre amendement propose une modification profonde de la manière dont a été réformé le baccalauréat. Cette question dépasse largement le périmètre de la commission et relève davantage du conseil national des programmes. En outre, les certifications permettent une meilleure reconnaissance du niveau de langue des élèves à l’étranger.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC150 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à permettre de généraliser progressivement les cours d’art oratoire à tous les collégiens de classes de quatrième et troisième. La plupart des études internationales montrent que les élèves français ont des lacunes dans les compétences socio-comportementales. Ils ont moins confiance dans leurs propres capacités et sont moins habitués à coopérer. L’école n’est certes pas la seule cause du retard de la France en la matière, mais elle y contribue grandement.
Aussi, nous ne pouvons que saluer l’expérimentation en cours dans 400 établissements pour dispenser un enseignement d’éloquence en classe de troisième, dans le cadre du cours de français, à raison d’une demi-heure hebdomadaire supplémentaire. Les élèves osent plus prendre la parole en public, et les enseignants expérimentent de nouvelles méthodes pédagogiques qui leur permettent de nouer un autre lien avec les élèves. Ces derniers ont développé un goût pour le verbe et le travail en commun. Nous recommandons donc de proposer dans chaque établissement des événements de parole et de généraliser progressivement l’enseignement de l’éloquence en l’inscrivant dans les programmes des classes de quatrième et de troisième. Ces ateliers contribuent à renforcer la culture du dialogue chez les plus jeunes et à consolider l’éthos démocratique dont nous avons tant besoin.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. C’est en effet une belle expérimentation, qui a mobilisé 367 établissements volontaires dans 26 académies. Cependant, ce type de projets peut être développé dans le cadre du fonds d’innovation pédagogique. Nous ne sommes pas favorables à une extension ni à une généralisation à caractère obligatoire de cette expérimentation.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC151 de Mme Francesca Pasquini et II-AC247 de M. Jean‑Claude Raux.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Le présent amendement vise à financer une campagne de communication massive autour de l’éducation à la sexualité pour dissiper les nombreux malentendus chez les élèves et les parents. En France, moins de 15 % des élèves bénéficient des trois séances obligatoires d’éducation à la sexualité pendant l’année scolaire en école et au lycée. Au collège, ils sont moins de 20 %. En outre, sur le terrain, les associations et les collectifs citoyens constatent notamment que le sujet prépondérant de la contraception est souvent privilégié au détriment des problématiques psychoaffectives et sociales.
Si nous souhaitons tendre vers l’égalité, il faut nous attaquer le plus tôt possible aux représentations sociales qui façonnent l’univers mental des jeunes enfants. Le Haut Conseil pour l’égalité affirme en effet que « la culture du viol est très présente chez les jeunes générations ».
La nécessité de renforcer l’éducation à la sexualité n’est plus à démontrer. Le ministère doit mobiliser des moyens de communication pour alerter la communauté éducative et les élèves dans les établissements, à l’instar des campagnes nationales de promotion de la laïcité. Il serait aussi souhaitable de réfléchir à une modification du nom, en évoquant la « prévention des violences sexistes et sexuelles, et la promotion de l’égalité ».
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Hier matin, au Sénat, alors qu’était débattue la proposition de loi de constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), l’extrême droite déposait une question préalable visant à rejeter le texte en bloc et sans débat. Il faut protéger les droits acquis par les féministes et lutter pour l’égalité hommes-femmes dès l’école. L’éducation à la sexualité est un vecteur de cette égalité et constitue un enjeu de santé publique pour éviter les grossesses non désirées, les maladies sexuellement transmissibles ou encore les violences sexistes et sexuelles. Les associations qui participent à cette éducation sont attaquées, comme le Planning familial. Pourtant, leur rôle est primordial, notamment dans les territoires défavorisés. Il faut donc augmenter leurs subventions, au moins à hauteur de l’inflation, et réaffirmer le soutien plein et entier de l’État à l’éducation à la sexualité.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. L’éducation à la sexualité est importante, mais son caractère sensible la rend difficile à déployer de manière homogène dans l’ensemble du territoire. Le ministère a développé des fiches pour accompagner les équipes pédagogiques dans la mise en œuvre de cet enseignement essentiel pour la santé et l’égalité filles-garçons. Il nous paraît souhaitable de mieux accompagner les enseignants dans la préparation de leurs séquences pédagogiques, avant de financer une campagne de grande ampleur. Nous exprimons donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements II-AC151 et II-AC247.
Amendements II-AC152 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à créer un fonds pour permettre aux établissements de mettre en place des projets d’éducation à l’alimentation. En France, 17 % des enfants sont en surpoids ou obèses. Derrière ce chiffre se cachent de nombreuses inégalités sociales et territoriales : près de 25 % des enfants dont les parents ont un diplôme inférieur au baccalauréat sont en surpoids. Dans ces conditions, l’école joue un rôle considérable pour orienter les comportements de consommation et transmettre des habitudes alimentaires saines chez les enfants. Ne disposant pas d’heures consacrées à cet enseignement, les enseignants du secondaire s’en tiennent à la pyramide alimentaire. En primaire, les initiatives des professeurs des écoles sont variables.
Nous proposons de créer un fonds accessible de manière égale à tous les établissements qui en feraient la demande pour financer un projet d’éducation à l’alimentation. Ces projets pourraient être conduits en partenariat avec des associations spécialisées et inclure des cours de cuisine, de nutrition ou des déplacements chez les producteurs.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. L’équilibre alimentaire fait l’objet de nombreuses propositions des collectivités sur le temps scolaire. Le fonds d’innovation pédagogique devrait, en outre, répondre aux enjeux que vous soulevez.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC193 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous sommes attachés au principe de neutralité du service public de l’éducation, qui impose de chasser de nos établissements tout prosélytisme, qu’il soit religieux, politique ou marchand. Or, le dispositif « Ingénieurs pour l’école » prévoit la présence dans une cinquantaine d’établissements de représentants d’entreprises telles que Air France, EDF, EADS, Orange, FranceTélévision, Schneider, Safran, Total. Nous proposons donc de supprimer les crédits accordés à ce dispositif et de les utiliser pour recruter des psychologues de l’Éducation nationale, en charge de l’orientation des élèves.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous sommes favorables à l’ouverture de l’établissement scolaire sur son environnement, qu’il soit associatif ou entrepreneurial.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC101 de Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps (LIOT). Face aux difficultés d’apprentissage, d’aptitudes ou de comportement de certains élèves, les enseignants peuvent se sentir démunis et ont souvent besoin d’un regard extérieur. Celui du psychologue est le plus adapté à ces enjeux. Or, on compte un psychologue pour 1 500 à 2 000 élèves. Ainsi, les enseignants attendent parfois plusieurs mois avant que leurs élèves puissent consulter un psychologue. Nous demandons le financement de l’embauche d’un psychologue supplémentaire par académie, ce qui ne sera pas suffisant, mais permettra toutefois de franchir une première étape.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous entendons votre préoccupation et reconnaissons le rôle essentiel joué par les psychologues de l’Éducation nationale, dans l’accompagnement à l’orientation et en matière d’éducation et de développement des élèves. Pour 2023, le Gouvernement propose d’augmenter les crédits de l’action 02 Santé scolaire, d’environ 40 millions d’euros par rapport à la LFI 2022, soit une hausse de 8 %. Cette hausse permettra de pérenniser des dispositifs assurant un accompagnement psychologique des élèves.
Par ailleurs, depuis 2017, le nombre de psychologues a augmenté de plus de 7 % : ils sont 8 738 en 2021 contre 8 026 en 2017.
Pour ces raisons, nous vous demandons de retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC42 de Mme Claudia Rouaux.
Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement vise à rétablir les crédits des actions éducatives complémentaires aux enseignements, à hauteur de 1 million d’euros.
Les crédits de ces actions éducatives culturelles et sportives diminuent de près de 1 million d’euros alors qu’elles sont essentielles à la vie de l’élève. À l’heure où la priorité affichée du Gouvernement en cette rentrée est d’accroître l’activité physique des élèves, nous ne comprenons pas cette baisse de crédits.
Deux tiers des enfants de onze à dix-sept ans sont en situation préoccupante de santé avec plus de deux heures d’écran et moins de vingt minutes d’activité physique par jour. En quarante ans, les enfants de neuf à seize ans ont perdu en moyenne 25 % de leur capacité physique ; il leur faut presque une minute de plus pour courir 600 mètres par rapport aux collégiens de 1971. Il est donc essentiel de mettre l’accent sur les activités physiques dès le plus jeune âge. Par cet amendement, nous tenons ainsi à soutenir tout particulièrement les actions sportives assurées par l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (USEP) et l’Union nationale du sport scolaire (UNSS).
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Votre amendement propose d’abonder d’un million d’euros l’action Actions éducatives complémentaires aux enseignements. Nous n’y sommes pas favorables, car, à l’exception du fonds de soutien au développement des activités périscolaires, tous les autres dispositifs financés par cette action sont maintenus, voire renforcés, notamment le dispositif « devoirs faits », pour 6,5 millions d’euros ainsi que les dispositifs « école ouverte » et « vacances apprenantes », pour 19,9 millions d’euros. Les subventions versées aux associations assurant la mise en œuvre de politiques éducatives bénéficient de 61,33 millions d’euros. Nous pouvons également citer le parcours d’éducation artistique et culturelle, ou encore le pass culture, dont la part collective est étendue aux classes de sixième et cinquième en 2023.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’action 06 finance également l’éducation populaire et le temps périscolaire, essentiels au bon développement des enfants. Le Gouvernement a diminué de 0,5 % les crédits alloués à cette action. Nous sommes donc favorables à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC31 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Le présent amendement vise à réduire de 500 000 euros les autorisations d’engagements et crédits de paiements de l’action 06 Actions éducatives complémentaires aux enseignements du programme 230 Vie de l’élève afin de mettre fin à l’octroi par le ministère de l’Éducation nationale de subventions à des associations à caractère politique, qui ne respectent pas le principe de laïcité et de neutralité du service public de l’éducation. Les « bleus » du ministère donnent à voir les sommes considérables allouées à des associations telles que SOS Racisme, ouvertement politiques et qui n’ont pas leur place dans les établissements scolaires.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Les subventions du ministère de l’Éducation nationale visent à financer des programmes d’accompagnement des élèves sur le temps périscolaire et à permettre aux enfants des milieux populaires de bénéficier d’activités complémentaires aux enseignements. Il est donc paradoxal de la part d’un parti qui se veut populaire de supprimer des subventions qui visent à aider en grande partie les élèves issus de ces milieux.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’attribution des subventions aux associations fait l’objet d’un examen précis, grâce, notamment, à la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dont je rappelle l’article 10‑1 : « Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :
« 1° À respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
« 2° À ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
« 3° À s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. ».
L’arsenal législatif semble donc suffisant. Les élèves, en outre, sont capables de recul et d’esprit critique vis-à-vis des messages diffusés par des associations dans le cadre scolaire ou périscolaire.
Mme Fabienne Colboc (RE). Le contrat d’engagement républicain établi par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République impose la neutralité face aux dérives que vous évoquez. Outre ce contrat d’engagement républicain, il est important que des associations interviennent dans les écoles pour encourager l’ouverture envers autrui et développer l’esprit critique des élèves.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC128 de Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement d’appel vise à exclure les écoles privées de la possibilité de recourir aux fonds sociaux de l’Éducation nationale. La circulaire du 21 juin 2022 a introduit la possibilité pour les établissements du premier degré de recourir aux fonds sociaux destinés aux établissements du secondaire. Les conditions d’accès instituées sont nettement différentes entre le privé et le public : tandis que les directeurs d’écoles privées sous contrat peuvent solliciter directement les crédits de fonds sociaux pour financer des actions sociales ou éducatives, après accord du recteur, les fonds pour les écoles publiques ne peuvent être utilisés qu’à la demande d’un établissement secondaire. Cette règle subtile introduit une distinction inacceptable entre l’enseignement privé et l’enseignement public. Les établissements du secondaire n’ont aucun intérêt à financer des actions à destination des élèves d’école primaire, non seulement parce qu’ils n’ont parfois pas assez de fonds pour leurs propres élèves, mais aussi parce qu’ils ont déjà une charge de travail importante. Cela introduit une difficulté pour les écoles publiques en créant une inégalité d’accès au dispositif. On peut par ailleurs s’interroger sur la pertinence d’inclure les écoles privées. Pour rappel, les crédits alloués aux fonds sociaux s’élevaient à 59,5 millions d’euros en 2017 contre 50 millions d’euros en 2023. Pour ces raisons, nous proposons de retirer l’accès des écoles privées aux fonds sociaux.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC126 de Mme Angélique Ranc.
Mme Angélique Ranc (RN). Cet amendement vise à renforcer l’opération du Gouvernement « un livre pour les vacances », qui permet « chaque année à 800 000 élèves de CM2 de quitter l’école avec les Fables de La Fontaine afin de renforcer le goût et la pratique de la lecture ». En effet, les écrans ont remplacé les livres pour beaucoup d’enfants, alors même qu’ils sont nécessaires à la maîtrise de notre langue dans toute sa complexité. D’autre part, de nombreux ménages, faute de moyens, ne disposent pas d’une bibliothèque personnelle fournie. Il est donc nécessaire que le Gouvernement et l’école incitent les enfants à lire davantage pour renforcer leur niveau en français, notamment dans les classes du premier degré, afin qu’ils puissent entamer le second degré sur des bases solides.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Il existe sur tout le territoire ainsi que dans les écoles de nombreuses bibliothèques, où les élèves peuvent emprunter gratuitement des livres. Vous proposez d’abonder le programme 140 de 300 000 euros pour financer la distribution de livres. Je vous renvoie vers le fonds d’innovation pédagogique et vers le dispositif « un livre pour les vacances », que vous avez mentionné et qui a bénéficié à 900 000 élèves de CM2 en 2022. Nous émettons donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC194 de M. Paul Vannier.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons de lutter contre le prosélytisme mercantile. L’Éducation nationale a noué des partenariats avec des syndicats et des lobbies patronaux au sein de l’école publique.
Le prosélytisme n’a pas sans place dans les écoles. Il y est pourtant invité chaque année dans le cadre de la semaine école-entreprise, qui, sous l’égide du Mouvement des entreprises de France (Medef) avec lequel un partenariat a été signé, a pour objectif de promouvoir les « valeurs entrepreneuriales » et conduit à l’intervention de militants dans les salles de classe. D’autres partenariats ont été signés avec l’Institut de l’entreprise, l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), 100 000 entrepreneurs, ou encore la Fédération de la vente directe. Nous proposons donc de mettre fin à tous les partenariats qui concourent à un prosélytisme attentatoire au principe de neutralité du service public.
Mme Aurore Bergé (RE). J’ai du mal à entendre parler de prosélytisme quand il s’agit seulement de rapprocher les élèves du monde de l’entreprise. Cette complémentarité me semble au contraire saine, puisque l’école a aussi pour vocation de développer l’esprit critique et de préparer les élèves à l’exercice d’un métier. Je suis défavorable à cet amendement.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Madame Bergé, les représentants du Medef ne sont pas les seuls à connaître le monde de l’entreprise. Les représentants des salariés en sont tout aussi familiers. S’il existait une convention entre l’Éducation nationale et la Confédération générale du travail (CGT), je m’y opposerais, parce que les militants de la CGT – et c’est leur rôle – portent une certaine vision de l’organisation de l’entreprise et du monde économique, qui, si c’est la mienne, n’a pas à être partagée dans une salle de classe. Ce serait du prosélytisme, et c’est bien ce que font les représentants du Medef. Le Medef est un syndicat, dont les militants défendent une certaine vision du patronat. Quand une semaine école-entreprise conduit chaque année à ce que ces militants entrent en contact avec plusieurs centaines de milliers d’élèves, comme l’indique le site du ministère de l’Éducation nationale, le principe de neutralité du service public est profondément atteint.
M. Roger Chudeau (RN). L’école a trois missions : la transmission des connaissances, la transmission des valeurs et l’insertion professionnelle. Pour réaliser cette dernière mission, il est nécessaire de faire intervenir des acteurs du monde économique. Par ailleurs, l’école a pour vocation d’orienter les élèves, dès le plus jeune âge. Or, pour permettre aux élèves un choix raisonné sur leur orientation, il faut les confronter à des chefs d’entreprise. Je n’y vois aucun prosélytisme. Les propos tenus par la NUPES relèvent d’une vision caricaturale des réalités pédagogiques et sociales de notre pays. Nous voterons contre l’amendement.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Il me paraît difficile de tenir l’école séparée du monde extérieur. En tant qu’enseignant, j’ai constaté que mes collègues n’étaient pas entièrement détachés de leur environnement professionnel, social ou politique lorsqu’ils abordaient des questions de philosophie ou d’économie. Ils n’étaient pas pour autant accusés d’adopter une posture partiale. Les élèves savent faire preuve d’esprit critique.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC196 de M. Paul Vannier.
M. Léo Walter (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons de moduler les fonds attribués au financement du fonctionnement des établissements privés sous contrat par l’État et les collectivités territoriales en fonction d’un critère de sectorisation des élèves.
Les établissements privés sous contrat bénéficient de fonds publics, mais ils ne sont pas soumis aux mêmes règles que les établissements publics. Ils ont par exemple la possibilité de choisir les élèves qu’ils scolarisent, sans être soumis à aucune règle de sectorisation, contrairement aux établissements publics. Cette absence de sectorisation conduit à ce que la composition sociale des établissements privés diffère parfois très fortement de celle des quartiers où ils sont installés et des établissements publics alentour. Dans de nombreux cas, la scolarisation dans le privé est un moyen pour les familles de contourner la carte scolaire.
Les écoles, collèges et lycées privés doivent être soumis à davantage de règles pour avoir accès aux financements publics. Nous proposons que les financements dont ils disposent, notamment la part matérielle du forfait d’externat, soient modulés en fonction d’un critère de sectorisation.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le financement des dépenses de fonctionnement de l’enseignement privé est prévu par l’article L.442-9 du code de l’éducation et est soumis au principe de parité avec l’enseignement public. L’enseignement privé repose sur le caractère propre de chaque établissement, et la liberté constitutionnelle laissée aux familles de choisir les modalités d’instruction de leurs enfants, indépendamment de leur lieu de résidence, couplée à la liberté de l’établissement d’accepter ou non un élève.
M. Roger Chudeau (RN). Je suis d’accord avec M. Marion. Les députés de la NUPES n’aiment pas le mot « liberté ». Or, la liberté de l’enseignement est constitutionnelle. Une famille française sur deux a eu recours à l’enseignement privé sous-contrat pour scolariser l’un des enfants. Vous pouvez tenter de rejouer la guerre scolaire de 1984 : le résultat sera le même, vous la perdrez.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC197 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel concerne également les établissements d’enseignement privés. Au fond, ces derniers constituent des entreprises marchandes. Aussi, l’argent public qui les finance doit être soumis à des critères fixés par la représentation nationale. Nous proposons donc de moduler les fonds attribués par l’État et les collectivités territoriales au financement du fonctionnement des établissements privés sous contrat en fonction du montant de la contribution des familles.
Certains établissements privés sous contrat demandent une contribution aux familles dépassant plusieurs milliers d’euros par an, parfois supérieure à 10 000 euros. Il nous paraît insupportable que l’argent public finance des mécanismes d’éviction sociale, puisque les enfants des catégories sociales défavorisées n’ont pas accès à ces établissements. Les critères sociaux sont inexistants dans ces établissements.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Dans l’hypothèse où cette modulation était prise en compte dans le calcul de l’externat, les chefs d’établissement diminueraient artificiellement la contribution demandée aux familles afin d’augmenter la contribution demandée à l’État. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
M. Roger Chudeau (RN). Prétendre que les établissements privés sous contrat relèvent d’entreprises marchandes relève d’une méconnaissance totale de leur réalité. Sur le plan juridique, ces établissements représentent un service public associé, sous contrôle étroit de l’État. Leur caractère propre n’a rien de marchand. Vous devriez visiter certains de ces établissements pour constater que les classes populaires y sont bien représentées – certes, en moindres proportions que dans l’enseignement public, mais cela fait partie de la liberté d’enseignement. Vous y trouverez également des élèves voilées.
Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). La mixité est essentielle et l’enseignement privé ne joue pas le jeu. À la rentrée 2021, 40 % des élèves scolarisés dans un collège privé sous contrat étaient issus d’un milieu social très favorisé, contre à peine 20 % dans les établissements publics. En 1989, la proportion d’élèves issus d’un milieu social très favorisé était déjà supérieure de 11 points dans les classes de sixième dans les collèges privés par rapport au public. La différence atteint désormais 20 points, après une nette accélération dans les années 2010.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC198 de M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons d’abroger la loi Carle, qui vise à « garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence », ce qui signifie que les communes sont contraintes de financer des écoles privées en dehors de leur territoire.
La priorité doit être donnée au financement des écoles publiques, plus encore dans le contexte actuel d’augmentation des prix de l’énergie, qui pèse durement sur les budgets des communes. Ce montant pourrait être utilisé pour d’autres dépenses indispensables, comme le chauffage des écoles publiques, le maintien de l’ouverture des piscines et des salles de sport, ou encore le transport scolaire pour les établissements publics.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. La loi Carle a fait l’objet de nombreuses négociations. Ce compromis fonctionne et permet la prise en charge, dans des conditions très restreintes, d’élèves scolarisés à l’extérieur de leur commune de résidence. Les motifs sont les suivants : il peut s’agir de l’absence de service de restauration ou de garde d’enfants dans la commune de résidence, de raisons médicales ou de l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans l’établissement en question. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC214, II-AC215, II-AC216, II-AC217 et II-AC218 de M. Paul Vannier.
M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Par ces amendements, nous souhaitons augmenter les moyens de l’enseignement agricole à la hauteur des besoins des prochaines années. Face au défi environnemental, la transition vers une agriculture écologique est un enjeu essentiel pour le pays. Cette agriculture devrait être plus sobre, notamment dans l’utilisation des intrants chimiques, ce qui induit une augmentation du nombre d’agriculteurs. Nous devrons former un nombre massif d’agriculteurs à de nouvelles pratiques, comme l’indique le Conseil économique social et environnemental (CESE) dans son avis paru en avril 2020. Pour atteindre cet objectif en 2050, il faudra installer près de 40 000 agriculteurs et agricultrices pendant 30 ans. Or, ils ne sont que 13 000 à s’installer chaque année. Nous proposons donc d’augmenter les moyens de l’enseignement agricole afin qu’il puisse accueillir et former 27 000 futurs agriculteurs et agricultrices supplémentaires par an. Lorsque nous avons auditionné une diversité de syndicats de lycées agricoles en 2021, nous avions entendu leur forte inquiétude vis-à-vis des moyens dont ils disposaient pour faire face aux enjeux de la transition agricole.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous sommes convaincus de la nécessaire transition écologique de l’agriculture et de l’importance de l’enseignement agricole, qui fait partie intégrante du service public national de l’éducation et de la formation, et qui forme chaque année plus de 200 000 apprenants.
Cependant, plusieurs avancées sont déjà prévues par le PLF, et les crédits destinés à l’enseignement agricole augmentent de 4,44 %. Ces augmentations permettront de financer deux dispositifs importants. En effet, quinze personnels destinés à renforcer les équipes médico‑sociales au service des apprenants de l’enseignement technique agricole seront recrutés. Ces personnels sont particulièrement importants pour des établissements qui comptent un pourcentage élevé d’internes et des élèves qui effectuent des stages dans des métiers accidentogènes. Par ailleurs, il est prévu de lancer une campagne de communication intitulée « L’aventure du vivant », financée par un budget de 1,8 million d’euros. Un bus partira en tournée pour accueillir des classes de l’Éducation nationale et leur permettre de rencontrer des professionnels et des jeunes en lycée agricole, afin que les formations et les métiers leur soient présentés.
Ces éléments devraient contribuer à l’attractivité de cette voie d’excellence et d’avenir. La situation présente des similarités avec celle des médecins : l’attractivité du secteur de l’enseignement agricole ne repose pas uniquement sur le renforcement des moyens financiers. L’avis est donc défavorable.
La commission rejette successivement les amendements II-AC214, II-AC215, II‑AC216, II-AC217 et II-AC218.
Amendement II-AC250 de M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le ministre, que nous avons reçu hier, a annoncé : « l’enseignement moral et civique sera poursuivi, et je souhaite qu’il soit renforcé dans le cadre de la transformation du collège ». Cependant, ce renforcement prendra prioritairement place dans l’enseignement général et technologique. Les voies professionnelles et l’enseignement agricole semblent peu ou pas concernés par le droit de développer le libre arbitre, le raisonnement par soi, la tolérance, l’altérité et la citoyenneté.
À la rentrée 2022, cet enseignement a été introduit de manière provisoire et insuffisante. Nous demandons la pérennisation et le développement de cet enseignement.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. On ne peut que se féliciter de l’intégration de l’enseignement moral et civique au tronc commun du baccalauréat professionnel depuis cette rentrée scolaire. Les quinze heures consacrées à cet enseignement ont bien été financées sans réduire le volume horaire des autres disciplines, qu’elles soient générales, techniques ou professionnelles.
Par ailleurs, cet enseignement vient compléter utilement l’enseignement socioculturel, discipline propre à l’enseignement agricole qui témoigne de l’attachement historique et constant du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire à l’ouverture au monde de ses apprenants. Ces dispositifs nous paraissent suffisants.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC246 de M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Notre agriculture peut être améliorée et fondée sur une augmentation du rendement par la relation à la nature. C’est le sens de l’agroforesterie, technique de plantation d’arbres qui permet également de sauvegarder la biodiversité, de lutter contre l’érosion des sols ou encore de produire du bois. Pourtant, les experts en agroforesterie sont peu nombreux. Nous demandons donc le développement d’une filière de brevet de techniciens supérieurs (BTS), qui constituerait un appui important pour nos agriculteurs.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. La rénovation du BTS agricole (BTSA) spécialité « gestion forestière » permet d’englober des notions d’agroforesterie. Aussi, il n’y a pas lieu de créer des BTSA agroforesterie. Par ailleurs, cet amendement ne relève pas d’une loi de finances.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Suivant les préconisations des rapporteurs pour avis, la commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire, modifiés.
Article 30 et état G
Amendements II-AC1, II-AC4 et II-AC-6 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Ces amendements renvoient à la rédaction des objectifs et des indicateurs de performance de l’action éducatrice de l’État. Il ne s’agit pas d’amendements rédactionnels, mais politiques.
À l’alinéa 658, je souhaiterais substituer aux mots « le maximum de jeunes » les mots « tous les jeunes ». Je considère qu’il n’est pas à la hauteur des ambitions de la nation envers son école d’indiquer que nous ferons « le maximum ». Il faut écrire que l’enseignement scolaire veut conduire « tous les élèves » aux compétences attendues en fin de formation initiale et à l’obtention des diplômes correspondants. Il me semble nécessaire de corriger cette rédaction qui date de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous sommes défavorables à cet amendement. En effet, nous ne comprenons pas bien l’objectif de modifier l’intitulé des indicateurs, d’autant plus que ni leur cible ni leurs modalités de calcul ne peuvent, elles, être modifiées. L’intitulé de l’objectif 2 de la mission est inchangé depuis une dizaine d’années et permet un suivi pluriannuel. Un objectif de performance a vocation à être réaliste et atteignable. En ce sens « conduire un maximum d’élèves à… » répond à la définition d’un objectif de performance pour la mission Enseignement scolaire.
La commission rejette successivement les amendements II-AC1, II-AC4 et II-AC-6.
Amendement II-AC2 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement concerne les alinéas 688 à 690. L’objectif de « promouvoir un aménagement équilibré du territoire en optimisant les moyens alloués », qui manque par ailleurs de clarté, n’est pas un objectif stratégique éducatif, mais tout simplement l’exposé d’une obligation de moyens. L’administration a pour obligation de répartir correctement, de manière équilibrée, les moyens entre les différents territoires. Cet objectif n’en est pas un et je propose de le supprimer. Il n’a pas sa place dans un système visant à assigner à l’État des performances à atteindre.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. La prise en compte des inégalités territoriales dans l’allocation des moyens permet de donner aux élèves les meilleures chances de réussite, quel que soit l’endroit où ils vivent. Les conditions d’apprentissage affectent la performance des élèves et cet indicateur permet également de documenter la façon dont les moyens votés en loi de finances sont utilisés. Ainsi, l’objectif proposé est bien un objectif de performance. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC3 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement propose de remplacer l’alinéa 690 par l’alinéa suivant : « coût annuel moyen pour l’État d’un élève du premier degré public ». Nous souhaitons souligner et vérifier la priorité accordée à l’enseignement du premier degré par l’État. Depuis des décennies, les gouvernements successifs répètent que l’enseignement du premier degré est une priorité. Or, le coût moyen d’un élève est de 6 500 euros par an dans le premier degré et de 9 500 euros dans le second degré. Un indicateur de performances du coût annuel moyen pour l’État d’un élève du premier degré public permettrait de véritablement donner la priorité à l’enseignement des savoirs fondamentaux.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC5 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Je propose d’insérer deux alinéas supplémentaires après l’alinéa 699 : « taux d’illettrisme relevé chez les jeunes lors des journées défense et citoyenneté » (JDC) et « taux de jeunes connaissant des difficultés de lecture relevé lors des journées défense et citoyenneté ». Chaque année, 750 000 jeunes Français se présentent au test d’évaluation lors de la JDC. Les notes d’actualité la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale montrent des résultats accablants : le taux d’illettrisme mesuré est de l’ordre de 10 %, celui des difficultés de lecture de plus de 20 %. Près de 200 000 jeunes sont donc chaque année en état de grande détresse vis‑à-vis de la lecture, après avoir passé plus de dix années sur les bancs de l’école. Le projet annuel de performance (PAP) doit prendre en compte ces indicateurs pour mettre le Gouvernement face à ses responsabilités.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Un tel indicateur sur le taux d’illettrisme a existé, mais a été remplacé dans le PAP au profit d’indicateurs plus robustes et fiables. Il reste mobilisé, à titre complémentaire dans les dialogues stratégiques et de performance entre l’administration centrale et les académies. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement II‑AC30 de M. Roger Chudeau.
Amendement II-AC11 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Il faudrait substituer à l’alinéa 719 du projet annuel de performances, intitulé « optimiser les moyens des fonctions support », ce qui n’est pas une performance, « améliorer l’organisation des fonctions support ». Dix-sept régions académiques ont été créées sans pour autant que soient supprimées les trente académies existantes. Les fonctions supports sont alourdies par des réformes successives qui complexifient le mille-feuille administratif. Il est plus que temps que le ministère simplifie son organisation afin de la rendre plus efficiente.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC10 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Je souhaiterais compléter l’alinéa 729, qui porte sur l’objectif du programme 230 Vie de l’élève, « faire respecter l’école, améliorer le climat scolaire et favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de la citoyenneté » par les mots : « et faire respecter la laïcité et la neutralité du service public de l’éducation ».
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC12 de M. Roger Chudeau.
M. Roger Chudeau (RN). Après l’alinéa 736, nous proposons d’insérer l’alinéa suivant : « nombre d’actes violant, dans les collèges et les lycées publics, l’obligation de laïcité ». La laïcité est systématiquement défiée par des islamistes qui veulent subvertir la République. C’est le Président de la République lui-même qui le soutient. J’estime que ces atteintes à la laïcité doivent être mesurées.
M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le projet annuel de performances associé à la mission Enseignement scolaire présente les taux moyens annuels d’incidents graves pour 1 000 élèves, par catégorie d’établissements publics et privés du second degré, et depuis cette année, pour les écoles publiques. Ces taux résultent d’une enquête statistique dont l’ensemble des résultats sont par ailleurs publiés dans une note d’information de la DEPP. Les atteintes au principe de laïcité, signalées par les inspecteurs de l’Éducation nationale de circonscription et les chefs d’établissements de l’enseignement public, font l’objet de communications régulières du ministre chargé de l’Éducation nationale et sont particulièrement suivies à tous les niveaux territoriaux. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Après l’article 43
Amendement II-AC143 de Mme Estelle Folest.
Mme Estelle Folest (Dem). Mon amendement propose que, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l’évaluation de l’ensemble des aides de l’État en faveur de l’apprentissage et la manière dont elles pourraient être réorientées vers les cibles prioritaires que sont les élèves de l’enseignement professionnel et du secondaire. En effet, les crédits d’apprentissage ont davantage profité aux élèves diplômés du baccalauréat et de niveau bac +2 qu’aux élèves qui ont le plus de mal à s’insérer professionnellement, notamment en certificat d’aptitude professionnelle et en baccalauréat professionnel.
J’aimerais également que l’État expose la manière dont les crédits ont parfois été utilisés, par effets d’aubaine, par des instituts d’enseignement supérieur privés, de surcroît rattachés pour certains à des fonds de pension.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Avis favorable.
La commission adopte cet amendement.
Amendement II-AC190 de M. Paul Vannier.
Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons de fixer la quotité horaire qui correspond à un temps plein pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) à 24 heures hebdomadaires.
Les AESH sont actuellement en poste sur des contrats de 35 heures, quotité horaire qu’ils peuvent en réalité rarement réaliser, car les amplitudes horaires pendant lesquelles ils sont mobilisés auprès des enfants sont plus courtes. Ce temps partiel contraint explique en partie la faiblesse de leur rémunération, bien en dessous du seuil de pauvreté, qui est calculée en fonction de la quotité horaire réalisée.
Plutôt que d’augmenter leur temps de travail, ce qui rend la tâche impossible, nous proposons de fixer la quotité horaire à 24 heures hebdomadaires. Les très importantes difficultés de recrutement pour les emplois d’AESH ont des répercussions sur l’accueil des enfants en situation de handicap. Pour cette rentrée, de nombreux enfants ne bénéficient pas de l’accompagnement dont ils ont besoin.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette cet amendement.
Amendement II-AC239 de M. Alexandre Portier.
Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Le présent amendement vise à obtenir un rapport permettant d’apporter un bilan du fonctionnement des visites médicales proposées aux enseignants et des pistes d’amélioration de ce dispositif.
Les agents de la fonction publique d’État sont soumis à une visite médicale tous les cinq ans. Or, bien souvent, les enseignants du premier et du second degrés ne voient le médecin du travail qu’une fois dans leur vie professionnelle, au moment de leur titularisation. Cette situation est préoccupante. Le ministre, que j’ai interpellé hier à ce sujet, partage ce constat. Il me paraît donc légitime de demander un tel rapport.
M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Plusieurs rapports récents ont déjà été publiés sur ce sujet, et le ministère de l’Éducation nationale publie également, via la DEPP, le baromètre du bien-être des personnels de l’Éducation nationale. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
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Liste des personnes entendues par les rapporteurs pour avis
(par ordre chronologique)
Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) – Mme Caroline Pascal, cheffe, et M. Guy Waïss, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche
Direction générale des ressources humaines des ministères de l’Éducation nationale et de la jeunesse et de l’Enseignement supérieur et de la recherche – M. Vincent Soetemont, directeur général, M. Marc Estournet, adjoint au directeur général, et Mme Marjorie Soufflet-Carpentier, adjointe à la sous-direction de l’expertise statutaire, de la masse salariale, des emplois et des rémunérations de la direction des affaires financières
Table ronde de représentants de rectorats sur les plans académiques de formation :
– M. Alain Ayong Le Kama, recteur de l’académie d’Orléans-Tours
– M. Paul-Eric Pierre, secrétaire général de l’académie de Lille
– M. Christophe Kerrero, recteur de l’académie de Paris
– Mme Chantal Manès-Bonnisseau, rectrice de l’académie de la Réunion, M. Erwan Polard, secrétaire général, et M. Jérôme Vanderbeken, directeur de l’école académique de formation continue (EAFC)
Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) – Mme Agnès Florin, responsable, M. Jean-François Chesné, coordinateur exécutif, et Mme Lucile Piedfer-Quêney, chargée de mission
Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF) – M. Charles Torossian, directeur, et M. Nicolas Genre, secrétaire général
Conseil scientifique de l’éducation nationale, groupe de travail « formation » – M. Stanislas Dehaene, président, et M. Franck Ramus, du laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique
Réseau des Inspé – M. Alain Frugière, président, directeur de l’Inspé de l’académie de Paris, Mme Elsa Lang-Ripert, vice-présidente chargée du pilotage des Inspé, directrice de l’Inspé de l’académie de Bourgogne, M. Thierry Philippot, vice-président chargé des relations internationales et des partenariats, directeur de l’Inspé de l’académie de Reims, Mme Nathalie Catellani, vice-présidente chargée de la recherche du Réseau des Inspé, directrice de l’Inspé de l’académie d’Amiens, et M. Pierre Chareyron, vice-président chargé de la formation, directeur de l’Inspé de l’académie de Lyon
Mme Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur
Ministère de l’Éducation nationale – direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) – M. Édouard Geffray, directeur général, Mme Bérénice Hartmann, directrice de cabinet, et M. Jean Hubac, adjoint du directeur général, chef de service de l’accompagnement des politiques éducatives
Solidaires étudiant-e-s syndicats de luttes – M. Corentin Roux, porte‑parole
Réseau Canopé – Mme Marie-Caroline Missir, directrice générale, Mme Alexandra Wisniewski, directrice générale adjointe, et M. Gilles Lasplacettes, secrétaire général
France Universités * – M. Guillaume Gellé, vice-président et Mme Marie-Cécile Naves, déléguée générale
Inshea (Institut national supérieur formation et recherche-handicap et enseignements adaptés) – Mme Murielle Mauguin, directrice des études
Contributions écrites reçues
Syndicat National Unitaire des Instituteurs, Professeurs des Écoles – Fédération syndicale unitaire
Confédération générale du travail Éduc’Action
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
([1]) Le glissement vieillesse-technicité correspond à l’augmentation de la rémunération d’un fonctionnaire tenant compte d’un avancement quasi-automatique sur sa grille indiciaire (composante « vieillesse ») et d’un changement de grade ou de corps par le biais d’un concours ou d’une promotion au choix dans un grade ou un corps (composante « technicité »).
([2]) Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire
([3]) Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Enseignement scolaire.
([4]) Réponses au questionnaire parlementaire
([5]) La liste de ces collectivités territoriales, dressée par la Cour des comptes dans sa communication d’avril 2020 à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale (Les médecins et les personnels de santé scolaire) est la suivante : Antibes Juan-les-Pins, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Nantes, Paris, Rennes, Strasbourg, Vénissieux et Villeurbanne.
([6]) Les communes dont les écoles fonctionnent sur 4 jours ne peuvent plus percevoir cette aide. La participation du FDSAP est versée pour les écoles maternelles et élémentaires publiques ou privées sous contrat pour lesquelles les activités périscolaires sont organisées dans le cadre d’un projet éducatif de territoire (décret n° 2015‑996 du 17 août 2015). L’aide forfaitaire pour ces communes est calculée en fonction du nombre d’élèves éligibles dans les écoles publiques ou privées sous contrat. Elle est de 50 euros par élève et par an, à laquelle s’ajoutent 40 euros par élève et par an pour les seules communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale dite cible ou la dotation de solidarité rurale dite cible, ainsi que dans les départements d’outre-mer.
([7]) Les établissements d’enseignement privé sous contrat perçoivent un forfait d’externat selon deux taux distincts : un taux « surdoté » pour les 80 premiers collégiens ; un taux plus faible, à partir du 81ème collégien. Ceci doit permettre de tenir compte des dépenses incompressibles supportées par les petits collèges. Les taux de forfait sont réévalués chaque année par arrêté ministériel.
([8]) L’état de l’école 2021 : une analyse statistique du système éducatif (chapitre 3 : contexte scolaire et formation des personnels), DEPP
([9]) Donner à chacun la possibilité de faire connaître ses compétences et ses souhaits (engagement 2) ; personnaliser l’accompagnement des professeurs (engagement 4) ; donner plus d’autonomie aux équipes éducatives pour conduire leurs projets (engagement 8) ; gérer les ressources humaines au plus près des territoires (engagement 10) ou encore faciliter l’accès à une formation continue davantage diplômante (engagement 12).
([10]) Formation continue et développement professionnel des personnels d’éducation, Cnesco. Dossier de synthèse de février 2021 disponible ici : https://www.cnesco.fr/wpcontent/uploads/2021/03/Cnesco_CCI_formation_continue_Dossier_de_synthese_210226.pdf
([11]) Programme 230 – action 6 Actions éducatives complémentaires aux enseignements.
([12]) L’état de l’école 2021 : une analyse statistique du système éducatif (chapitre 3 : contexte scolaire et formation des personnels), DEPP
([13]) Inspection générale de l’Éducation nationale, La formation continue des enseignants du second degré, de la formation continue au développement professionnel et personnel des enseignants du second degré, septembre 2018.
([14]) Formation continue et développement professionnel des personnels d’éducation, Cnesco. Dossier de synthèse de février 2021 disponible ici : https://www.cnesco.fr/wpcontent/uploads/2021/03/Cnesco_CCI_formation_continue_Dossier_de_synthese_210226.pdf
([15]) Cnesco, étude précitée.
([16]) Les rendez-vous de carrière sont destinés à tracer périodiquement des perspectives d’évolution de carrière pour les personnels enseignants, d’éducation ou psychologues de l’Éducation nationale.
([17]) Cnesco, étude précitée.
([18]) Réponse au questionnaire parlementaire.
([19]) Cnesco, étude précitée
([20]) L’état de l’école 2021 : une analyse statistique du système éducatif (chapitre 3 : contexte scolaire et formation des personnels), DEPP
([21]) L’état de l’école 2021 : une analyse statistique du système éducatif (chapitre 3 : contexte scolaire et formation des personnels), DEPP
([22]) Rapport de synthèse rédigé à la suite du colloque scientifique « Quels professeurs au XXIe siècle ? » organisé le 1er décembre 2020 dans le cadre du Grenelle de l’éducation.
([23]) Cnesco, étude précitée
([24]) Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, L’ingénierie de formation en académie. Premier et second degrés. Organisation, intervenants, utilisation des moyens, évaluation des actions, octobre 2020