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N° 322
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2022.
PROPOSITION DE LOI
portant réintégration du personnel des établissements de santé et de secours non‑vacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Caroline FIAT, Emmanuel FERNANDES, Damien MAUDET, Jean Philippe NILOR, Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Moetai BROTHERSON, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Jean‑Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Sylvie FERRER, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Tematai LE GAYIC, Karine LEBON, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Frédéric MAILLOT, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Davy RIMANE, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’été 2022 a été l’un des plus difficiles à traverser pour le système de santé français et pour les personnels qui le font fonctionner au quotidien. Plus que jamais, ils sont au bord de la rupture. La souffrance du personnel se traduit par de nombreux cas de troubles physiques et psychiques d’épuisement professionnel après deux ans de crise sanitaire, et les nombreux départs de soignants hospitaliers aggravent progressivement la pénurie. Ainsi, malgré les dénégations gouvernementales, de nombreux services d’urgences ont dû fermer. Le syndicat Samu – Urgences de France décomptait 42 établissements ayant fermé la nuit, et 23 le jour sur la base d’une enquête qui ne ciblait que la moitié des services d’urgence.
En dépit de tous les efforts des soignants, la pénurie massive de personnel ne permet plus d’assurer partout une prise en charge de qualité. À l’AP‑HP, près de 2 000 postes d’infirmières sont vacants et 20 % à 30 % des blocs opératoires sont fermés faute de personnel. Au Nouvel Hôpital Civil (NHC) de Strasbourg, environ 300 lits seraient ainsi fermés pour manque de soignants, dont la moitié des lits d’hospitalisation d’urgence. Dans ces conditions, les drames sont inévitables. Six mois après le décès d’un homme resté douze heures aux urgences sans prise en charge, un octogénaire est mort le 1er septembre au NHC après avoir passé 22 heures sur un brancard, malgré un droit d’alerte déposé 36 heures en amont pour dénoncer la saturation des urgences.
La situation est particulièrement dramatique dans les Outre‑mer. Les appels à la réserve sanitaire se comptent par dizaines chaque année. L’hôpital manque de tout, comme l’indique le vaste champ de cet appel parmi tant d’autres à des renforts de la réserve sanitaire en Guadeloupe :
– Médecins généralistes,
– Médecins anesthésistes et/ou réanimateurs,
– Médecins urgentistes,
– Médecins infectiologues,
– Médecin
– Psychiatres,
– Psychologues,
– IDE avec expérience en réanimation,
– IDE de soins généraux,
– IDE santé mentale,
– Aides‑soignant.es,
– Aides‑soignant.es avec expérience en réanimation,
– Masseurs‑kinésithérapeute (respiratoire)
– Référent.es de mission identifié.es comme tel.les dans la Réserve sanitaire,
– Logisticien.nes.
Une détresse aussi grave ne peut être résolue par une mesure miracle. Les moyens du système de santé doivent être durablement revus à la hausse et l’attractivité des métiers hospitaliers renforcée tant sur le plan financier que celui des conditions de travail. Le chantier est donc vaste mais comment justifier, dans une telle situation de pénurie qui met en danger personnels et patients, de se priver ne serait‑ce que d’un seul soignant disponible ?
La loi n° 2021‑1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a entraîné la suspension des professionnels de santé́ non‑vaccinés. Selon le ministre de la Santé François Braun, ils étaient encore 12 000 début juillet, incluant des soignants mais également du personnel administratif. Dans la période actuelle, la moindre personne manquante peut désorganiser une équipe, entraîner une fermeture de lit supplémentaire et augmenter encore la charge de travail des personnels en place. Cela se ressent particulièrement dans les Outre‑mer où une proportion plus importante de soignants est concernée. Nous devons aux soignants qui portent à bout de bras le système de santé et font tout pour pallier le manque de personnel de prendre toutes les mesures qui peuvent améliorer leurs conditions de travail et leur assurer un renfort. Nous avons besoin de tout le monde pour assurer la qualité des soins.
De fait, certains hôpitaux tolèrent déjà la présence de soignants dont le schéma vaccinal n’est pas à jour pour ne pas aggraver le manque de personnel. Ainsi, les travaux du chercheur au CNRS Frédéric Pierru ont montré que des centaines de soignants n’avaient pas de schéma de vaccination à jour dans un hôpital de l’Est de la France. Certains travaillent par exemple avec des certificats de rétablissement dont la validité a expiré. Il est temps de sortir de cette hypocrisie.
Le retour de ces soignants ne compromettrait pas pour autant la sécurité sanitaire des établissements de santé. Les soignants vaccinés peuvent également transmettre le covid‑19 à des patients et le risque supplémentaire lié à l’absence de vaccination est de moins en moins significatif. Selon Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de Genève, « depuis Omicron, on a affaire à un variant échappant pour une large part à l’immunité humorale conférée par les vaccins, c’est‑à‑dire celle protégeant de la transmission du coronavirus », d’où une « perte de sens » de la suspension des soignants non‑vaccinés. Par ailleurs, la protection contre la contamination diminue rapidement et devient très limitée après quelques mois. Le risque pour un soignant ayant reçu sa dose de rappel il y a plusieurs mois de transmettre le virus se rapproche donc de celui d’un soignant non‑vacciné.
La réintégration des personnels non‑vaccinés s’accompagnerait de plus d’un protocole sanitaire spécifique combinant présentation d’un test négatif et port d’équipements de protection individuelle. Cela s’est déjà fait ailleurs comme au Québec, où la réintégration des soignants était associée à l’obligation d’effectuer trois tests de dépistage de covid‑19 par semaine. Il ne s’agit donc pas ici de supprimer l’obligation vaccinale ou de réintégrer le personnel suspendu sans mesure spécifique, mais de leur permettre d’exercer leur métier dans des conditions garantissant la sécurité sanitaire.
Cette proposition de loi propose donc en son article 1er de réintégrer le personnel non‑vacciné suspendu dans le cadre d’un protocole sanitaire spécifique. Le personnel ainsi réintégré pourra exercer sous réserve de la présentation quotidienne d’un test de dépistage du covid‑19 négatif en cours de validité.
L’article 2 prévoit que le personnel réintégré ait accès à des tests de dépistage ainsi qu’à des équipements de protection individuelle gratuits. Un décret précisera les conditions de validité des tests de dépistage ainsi que la nature des équipements de protection individuelle fournis.
L’article 3 permet de gager les dépenses qui découlent des articles 1er et 2. Nous appelons le gouvernement à lever le gage.
proposition de loi
Article 1er
La loi n° 2021‑1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 14 est ainsi rédigé :
« I. – Les personnes mentionnées au I de l’article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n’ont pas présenté les documents mentionnés au I de l’article 13 ou, à défaut, le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l’article 12.
Toutefois, par dérogation au premier alinéa du présent I, les personnes mentionnées au I de l’article 12 ne satisfaisant pas à l’obligation vaccinale mentionnée au même I sont autorisées à exercer leur activité sous réserve de présenter, pour sa durée de validité, un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid‑19. » ;.
2° À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 16, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « ou la présentation, par les personnes mentionnées au second alinéa du I de l’article 14, du résultat, pour sa durée de validité, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid‑19, ».
Article 2
I. – L’État garantit aux personnes mentionnées au I de l’article 12 de la loi n° 2021‑1040 du 5 août 2021 précitée la disponibilité et la gratuité des tests de dépistage virologique de covid‑19 et des équipements de protection individuelle nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle.
II. – Un décret détermine les conditions d’application du I du présent article. Il précise notamment les éléments permettant d’établir le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid‑19, ainsi que la nature des équipements de protection individuelle pour chaque catégorie de personnes mentionnées au I de l’article 12 de la loi n° 2021‑1040 précitée.
Article 3
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la majoration de l’impôt sur la fortune immobilière.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’impôt sur la fortune immobilière.