Description : LOGO

N° 877

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2023.

PROPOSITION DE LOI

pour dresser un état des lieux exhaustif
de la menace terroriste dextrême droite,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Aurélien TACHÉ, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Christine ARRIGHI, Julien BAYOU, Lisa BELLUCO, Cyrielle CHATELAIN, Charles FOURNIER, MarieCharlotte GARIN, Jérémie IORDANOFF, Julie LAERNOES, Benjamin LUCAS, Francesca PASQUINI, Sébastien PEYTAVIE, Marie POCHON, JeanClaude RAUX, Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Sophie TAILLÉPOLIAN, Nicolas THIERRY,

Député-e-s.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les incidents, violences et même attentats liés à des groupuscules d’extrême droite se répètent et se sont même considérablement amplifiés ces dernières années. Il ne faut plus avoir peur des mots : si tous ces évènements ne sont pas du terrorisme, nous parlons pourtant d’une menace terroriste liée principalement à des groupes suprémacistes qui se dessine et prend corps sous nos yeux.

Ce phénomène prend une dimension politique nationale : nous constatons partout une augmentation d’agressions commises par des groupuscules racistes et homophobes contre des étudiants, des associations, des élus. Des groupes qui profitent de la standardisation et de l’occupation banalisée de leurs idées acerbes au sein de notre société, notamment au travers de plusieurs médias ou d’auteurs célèbres tel que Michel Houellebecq qui appelle désormais à des bataclans « à l’envers ». Une banalisation qui tend à ouvrir la porte au terrorisme.

Le rapport annuel d’Europol sur l’état et les tendances du terrorisme en Europe publié mi‑juillet 2022 dresse un constat sans appel : en 2021, c’est presque la moitié des arrestations menées dans le cadre de dossiers terroristes d’extrême droite en Europe qui ont eu lieu en France. Notre pays totalise 37 % (contre 46 % en 2019 et 39 % en 2020) des interpellations en Europe en lien avec des affaires de terrorisme jihadiste et 45 % (33 % il y a trois ans) de celles concernant le terrorisme d’extrême droite. Dans le détail, si la menace jihadiste reste majoritaire, 96 interpellations concernent des dossiers jihadistes (69 % du total français), 29 interpellations des dossiers d’extrême droite (21 %). Le poids de l’extrême‑droite dans l’ensemble des arrestations opérées en France devient de plus en plus significatif.

Au titre des exemples récents : Le 26 octobre 2019, un homme ouvre le feu sur deux musulmans venus prier à la mosquée de Bayonne et tente d’incendier le bâtiment. Mu par une idéologie d’extrême droite, il affirme avoir voulu « venger » l’incendie de Notre‑Dame de Paris.

Le 12 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a rendu son jugement dans le procès du groupuscule d’ultradroite OAS : son chef a été condamné à 9 ans de prison ferme pour des projets d’attentats. Il était accusé d’avoir planifié des attaques terroristes avec pour cibles : des personnes musulmanes, arabes, noires… Ou encore Christophe Castaner, alors porte‑parole du gouvernement et Jean‑Luc Mélenchon, alors président d’un groupe d’opposition à l’Assemblée nationale.

Le 23 juin 2022, un homme a été interpellé à son domicile de Faches‑Thumesnil, après un signalement via la plateforme en ligne Pharos d’une vidéo publiée sur l’application Telegram.

Dans cette vidéo il faisait part « de son intention de commettre une attaque contre la mosquée de Lille‑Sud. Il est poursuivi pour « apologie publique d’un acte de terrorisme » et « menace de mort » commise en raison « de la race, l’ethnie, la nation ou la religion ».

Le 23 décembre 2022, une femme et deux hommes ont été tués près du Centre culturel kurde Ahmet‑Kaya à Paris. Le suspect, William, était déjà connu « pour tentative d’homicide volontaire dans un camp de migrants » à Paris en 2021 et a revendiqué un acte raciste. Pour le Conseil Démocratique Kurde en France, il est « inadmissible » que la fusillade ne soit pas qualifiée d’attentat terroriste.

Le 17 janvier 2023, treize membres des « Barjols », groupe proche de l’extrême droite identitaire, ont été renvoyés par des juges antiterroristes devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils sont soupçonnés d’avoir envisagé une attaque contre le président de la République, Emmanuel Macron, en 2018. Le 2 février, jusqu’à cinq ans de prison ferme et une relaxe ont été requis contre ce groupuscule.

Partout, la menace monte. Partout, il ne se passe un jour sans que l’extrême droite défile dans nos rues, agresse des militants politiques, ou même soupçonne certains de nos citoyens d’actes malveillants en raison de leur couleur de peau. Pourtant, il n’existe aujourd’hui pas d’état des lieux de la menace terroriste suprémaciste dans notre pays. Et à cela s’ajoute le phénomène de radicalisation sur Internet. En décembre 2022, Europol a averti que la menace des communautés d’extrême droite transnationale en ligne menant à des attaques augmente. Cet avertissement faisait suite à une opération qui a conduit à signaler plus de 800 exemples de contenu violent ou « terroriste ». La menace est réelle et il faut la mesurer afin de la combattre : nous ne pouvons attendre un attentat et les morts qu’il pourrait engendrer pour enfin réagir.

Afin de mieux garantir la sécurité intérieure de notre pays, il faut donc d’abord un bilan très précis de l’ampleur du phénomène considéré. L’article unique cette proposition de loi prévoit que le Gouvernement remette au Parlement dans les 6 mois un rapport dressant un état des lieux exhaustif de la menace terroriste d’extrême droite en France.

Le rapport doit notamment établir : une estimation du nombre de personnes ayant participé à au moins une action d’un groupuscule d’extrême droite, formation ou séjour au cours des trois dernières années ; une présentation, en tendance, du développement de ladite activité et de ses locaux au cours des dix dernières années ou encore une analyse de la structure des groupuscules d’extrême droite et de leur financement.


proposition de loi

Article unique

I. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux exhaustif des groupuscules d’extrême droite, de leur développement, des dérives constatées et des menaces associées.

II. – Le rapport mentionné au I de la présente loi établit notamment :

1° Une estimation du nombre de personnes ayant participé à au moins une action d’un groupuscule d’extrême droite, formation ou séjour au cours des trois dernières années ;

2° Une présentation, en tendance, du développement de ladite activité et de ses locaux au cours des dix dernières années ;

3° Une analyse de la structure des groupuscules d’extrême droite et de leur financement et de leurs éventuels liens avec des partis politiques ;

4° Une synthèse des risques d’attaques terroristes d’extrême droite, de ces cinq dernières années.