N° 1167
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Béatrice DESCAMPS,
députée.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Chaque année en France, 2 500 nouveaux cas de cancers pédiatriques sont diagnostiqués. 2 500 cancers pédiatriques, cela représente 2 500 enfants dont la vie bascule avec celle de leurs parents. Cette vie qui bascule est commune à tous les enfants atteints d’une maladie grave, quelle qu’elle soit. La veille, ils allaient à l’école, à la mer, à la fête foraine, chez leurs amis. D’un coup, leur réalité est celle de l’hôpital, des médecins et des infirmiers, de la souffrance, des traitements douloureux et invalidants, de l’attente, des espoirs, des mauvaises nouvelles, de l’angoisse qu’ils lisent dans les yeux de leurs parents. Cette réalité‑là dure des mois, des années, et de trop nombreux enfants, il n’y aura pas de guérison, et pas de retour à la vie normale. Mais ce que l’on connaît moins, c’est la réalité des parents. Car derrière l’abominable combat qu’ils mènent, aussi impuissants qu’indispensables, aux côtés de leur enfant, derrière le sourire rassurant qu’ils doivent lui montrer malgré leur peur et leur désespoir, il y a leur réalité, et toutes les difficultés qu’on ne soupçonne pas.
Cette réalité, froide et administrative, est pourtant terrible, elle aussi. C’est la perte de son travail, c’est la perte de ses revenus. L’incapacité, de ce fait, à honorer son loyer ou son crédit immobilier. C’est l’expulsion, et la difficulté à trouver un autre logement. Ce sont des frais importants engagés pour se loger temporairement près des centres de soins, qui se trouvent loin du domicile. C’est demander l’allocation prévue pour les parents, l’allocation journalière de présence parentale, attendre des semaines, et obtenir la réponse au moment où on enterre son enfant. C’est la double, la triple, la quadruple peine pour ces parents, et en particulier pour les familles modestes et/ou monoparentales.
Si la présente proposition de loi concerne plusieurs domaines (hébergement, aides, crédit immobilier), elle tend vers un seul objectif : soutenir les parents d’enfants malades dans l’épreuve qu’ils traversent. Elle a été rédigée en étroite collaboration avec l’association Eva pour la Vie et la fédération Grandir Sans Cancer, qui rassemble environ une centaine d’associations de parents, ainsi que des chercheurs, médecins, des assistantes sociales et professionnels de santé.
L’article 1 concerne le logement temporaire lié à la nécessité d’hébergement des parents à proximité du centre de soin de l’enfant, distant parfois de plusieurs centaines de kilomètres de leur domicile. Cet article vise à inciter les Agences régionales de Santé à organiser des appels d’offres pour la création de maisons des parents à proximité des hôpitaux assurant la prise en charge thérapeutique de l’enfant.
L’article 2 prévoit qu’en cas de séparation entre les parents, le congé et l’allocation journalière de présence parentale bénéficient également au salarié qui n’assume pas la charge effective et permanente de l’enfant sous réserve qu’il apporte la preuve de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
L’article 3 permet d’exonérer les enfants concernés par un taux d’incapacité permanente au moins égal à 80 % de l’obligation de renouvellement de dossier pour continuer de percevoir l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.
L’article 4 se concentre sur la question du logement ; car la perte de ressources engendre une véritable précarité dont souffre l’ensemble de la famille, entre difficulté à payer son loyer, expulsion locative, ainsi que difficulté à trouver un logement. Les parents sont assimilés au public prioritaire pouvant bénéficier d’un logement.
L’article 5 concerne les parents ayant souscrit un crédit. Il est précisé qu’en cas de licenciement ou de perte de ressources causés par l’état de santé d’un enfant à charge, il est possible d’avoir recours à un juge pour faire suspendre les obligations du débiteur. Il est nécessaire d’avoir une réflexion collective importante permettant de prendre en compte l’état de santé de l’enfant du souscripteur d’une assurance‑emprunteur pour faire jouer la garantie d’incapacité totale de travail, ce qui n’est nullement une obligation pour les assurances‑emprunteurs pour le moment, même si certaines compagnies commencent à travailler sur ce sujet.
L’article 6 constitue le gage financier assurant la recevabilité de la présente proposition de loi.
L’ensemble de ces dispositifs ont comme objectif très concret de soutenir les parents d’enfants atteints de maladies graves, afin de minimiser, dans cette insoutenable épreuve, les difficultés supplémentaires qu’ils peuvent rencontrer.
Nous leur devons cette assistance, afin de leur permettre d’être tout entiers aux côtés de leurs enfants dans ce terrible combat.
Tel est, Mesdames et Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi.
proposition de loi
I. – À titre expérimental, afin d’accueillir et d’offrir un lieu d’hébergement ainsi qu’un accès unique aux informations sur les droits et les prestations à toute personne assumant la charge d’un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, il est créé dans au moins cinq départements un service commun dénommé « maison des parents » dont la création et la gestion sont assurées par l’État en lien avec les agences régionales de santé territorialement compétentes.
La maison des parents prend la forme d’un établissement destiné au logement collectif temporaire de personnes dans des immeubles comportant à la fois des locaux privatifs meublés et des locaux communs affectés à la vie collective.
Son implantation assure une proximité géographique avec les établissements de santé publics assurant la prise en charge thérapeutique d’enfants atteints de maladie grave.
Son organisation et les modalités de son fonctionnement sont précisées par décret.
II. – L’expérimentation prévue au I s’applique pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au dernier alinéa du même I, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.
III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre.
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 1225‑62 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, en cas de séparation entre les parents, le congé de présence parentale bénéficie également au salarié qui n’assume pas la charge effective et permanente de l’enfant sous réserve qu’il apporte la preuve de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant au sens de l’article 373‑2‑2 du code civil. ».
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de séparation des parents, cette allocation bénéficie également au salarié qui n’assume pas la charge effective et permanente de l’enfant sous réserve qu’il apporte la preuve de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant au sens de l’article 373‑2‑2 du code civil. »
Après le premier alinéa de l’article L. 541‑2 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le silence gardé par la commission pendant deux mois à compter de la réception de la demande d’attribution vaut acceptation.
« Lorsque le taux mentionné au premier alinéa de l’article L. 541‑1 est au moins égal à 80 %, la décision d’attribution n’est pas soumise à une obligation de renouvellement. »
Après le a de l’article L. 441‑1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Personnes ayant à leur charge un enfant atteint d’une affection grave ou de plusieurs affectations entraînant un état pathologique invalidant ou d’une ou plusieurs affections nécessitant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. »
Au premier alinéa de l’article L. 314‑20 du code de la consommation, après le mot : « licenciement », sont insérés les mots : « ou lorsque le débiteur bénéficie de l’allocation journalière prévue à l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale ».
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.