N° 1188
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2023.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à conférer une reconnaissance du vote blanc
lors de l’élection du président de la République,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Stéphane VIRY, Justine GRUET, Frédérique MEUNIER, Christelle D’INTORNI, Josiane CORNELOUP, Vincent DESCOEUR, Dino CINIERI, Philippe JUVIN,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le suffrage universel est un fondement essentiel de notre démocratie, comme le dispose notre Constitution. « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 2). « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum […] Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. » (article 3).
Notre Constitution, depuis sa création, dans la partie concernée par l’élection du président de la République, a été modifiée et ces quelques modifications ont suivi les évolutions sociétales dans une démocratie qui se veut et qui doit être saine. Les avancées les plus significatives sous la Ve République sont les modifications de la Constitution qui rejoignent les nécessités démocratiques exprimées par les citoyens. Ainsi, depuis la révision constitutionnelle du 6 novembre 1962, le chef de l’État est élu au suffrage universel direct et non plus, comme initialement en 1958, par un collège de grands électeurs. En l’an 2000, le mandat présidentiel est passé de sept à cinq ans.
Selon l’article 7 de la Constitution, « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Si cette majorité n’est obtenue par aucun candidat à l’issue du premier tour, il est procédé à un second tour.
Aussi, lors des dernières élections nationales principalement, mais également locales, les électeurs ont indiqué reconnaître les limites considérables de ce suffrage et des outils électoraux pour exprimer pleinement leur opinion.
Un socle électoral solide, issu de scrutins marqués par une forte participation des électeurs inscrits, a longtemps assuré un fonctionnement stable de nos institutions. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, car la faible participation aux différents scrutins porte atteinte à la légitimité des élus. En effet, depuis plusieurs décennies nous assistons à une augmentation massive de l’abstention, toutes élections confondues. Lors de la présidentielle de 2022, l’abstention était de 28,01 % au 2nd tour, alors qu’elle était de 25,44 % en 2017, de 19,65 % en 2012 ou bien encore de 16,03 % en 2007. Un triste record depuis 1969…
Ainsi, force est de constater que notre modèle démocratique est en danger. Le peuple signifie qu’il n’a plus ni la voix pour se révolter démocratiquement, ni le pouvoir suffisant pour changer fondamentalement le cours de notre histoire. Pour lutter contre l’abstention, plusieurs solutions ont été proposées. Parmi elles, le changement du mode de scrutin, avec une meilleure représentativité des diverses opinions et la reconnaissance effective du vote blanc.
Le contexte électoral a changé ces dernières années, rendant urgente et impérative la reconnaissance du vote blanc, et sa prise en compte au titre de suffrage exprimé.
En effet, le vote blanc répond, en partie, à une réelle attente démocratique. Il se différencie de l’abstention dans la mesure où l’électeur énonce expressément son opposition aux programmes et/ou aux candidats à cette élection.
Déjà en 1998, le Sénateur Bernard JOLY avait déposé une proposition de loi visant à conférer une plus forte reconnaissance au vote blanc. Il estimait que « Les recherches effectuées sur le vote blanc prouvent que si la tentation de l’utiliser n’est pas un fait récent, en revanche, l’idée de mieux reconnaître sa place dans les mécanismes électoraux connaît un regain d’actualité. » Tel est encore le cas en 2023.
La loi du 21 février 2014 a toutefois apporté des modifications à l’article L. 65 du code électoral en disposant que : « les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès‑verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins ». Ainsi le vote blanc est seulement comptabilisé à part mais il n’est pas pris en compte dans les suffrages exprimés. Pourtant, au 2nd tour de la présidentielle en 2022, 2 233 904 votes blancs (soit 6,37 % des votants) ont été comptabilisés. En 2017, 3 021 499 votes blancs (soit 8,52 % des votants) ont été comptabilisés.
Par la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés, cette proposition de loi constitutionnelle, dans son article 1er, permettra de donner toute sa dimension au droit de vote. L’article 2 institue de nouvelles règles électorales en cas de non‑obtention de la majorité absolue.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi constitutionnelle.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1er
Le premier alinéa de l’article 7 de la Constitution est ainsi modifié :
I. – Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés lors du premier et du second tour. Il en est fait mention dans les résultats des scrutins. »
II. – À la deuxième phrase, les mots : « celle‑ci », sont remplacés par les mots : « la majorité absolue ».
Article 2
Après le premier alinéa de l’article 7 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si la majorité absolue n’est pas atteinte au second tour, le Conseil constitutionnel prononce l’invalidation de l’élection du Président de la République et déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales, du premier et du second tour, au plus tard trente‑cinq jours après cette invalidation. »