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N° 1561

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer une consigne obligatoire des emballages en verre,
en métal et en plastique contenant des boissons,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Bénédicte AUZANOT, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Emmanuel BLAIRY, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Caroline COLOMBIER, Annick COUSIN, Sandrine DOGORSUCH, Frank GILETTI, José GONZALEZ, Daniel GRENON, Catherine JAOUEN, Alexis JOLLY, Gisèle LELOUIS, Katiana LEVAVASSEUR, Alexandra MASSON, Serge MULLER, Kévin PFEFFER, Angélique RANC, Alexandre SABATOU, Jean-Philippe TANGUY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Face au nombre croissant de déchets plastiques, métalliques et en verre qui jonchent la nature, les océans, et les abords des routes, de nombreux gouvernements européens ont introduit la consigne sur le verre, les canettes métalliques et les bouteilles en plastique.

D’autres pays ont élargi leur système de consigne existant depuis l’adoption en 2019 de la directive européenne sur les plastiques à usage unique dans la mesure où, elle stipule que toutes les bouteilles en plastique devront contenir au moins 25 % de contenu recyclé d’ici 2025, et que les États membres doivent collecter séparément 90 % des bouteilles en plastique d’ici 2029.

Avec la « consigne », les états s’attaquent enfin aux déchets sauvages et à la pollution plastique en incitant financièrement leurs citoyens à rapporter leurs déchets auprès d’organismes collecteurs contre rémunération.

Le premier système de consigne mondial a été introduit au Danemark en 1922, tandis qu’en 1991, la consigne a été étendue aux bouteilles en plastique avec un taux de retour de 92 %.

En Finlande, le système de consigne a été introduit pour la première fois en 1952 sur les bouteilles en verre. Puis dans les années 1980, ils l’ont étendu à certaines bouteilles en plastique réutilisables et durables Enfin, la consigne a été introduite sur les canettes en aluminium en 1996, sur les bouteilles en PET en 2008, et sur les bouteilles en verre recyclé en 2012.

En Suède, les canettes en aluminium sont consignées depuis 1984 et les bouteilles en PET depuis 1994.

L’Islande dispose depuis 1989 d’un système de consigne sur les emballages en plastique, en aluminium et en verre.

En Norvège, une loi introduisant la consigne a été adoptée en 1999.

En Allemagne, depuis 2003, il existe une consigne sur les emballages de boissons en plastique, en aluminium et en verre. Le montant de la consigne est de 0,25 € pour tous les emballages. La consigne est plus élevée pour les emballages jetables que pour les emballages réutilisables, tels que les bouteilles en verre. Le taux de retour est d’environ 99 %.

Par ailleurs, en 2016, la Lituanie a instauré une consigne pour tous les emballages qui s’élève à 0,10 € par bouteille ou canette. Sa mise en place a conduit à un taux de retour des bouteilles qui est passé de 34 % à 93 % en quelques années seulement.

En 2019, la Slovaquie et la Lettonie ont fait de même en instaurant un système de consigne comprenant les emballages en verre, en plastique PET et en métal. En 2021, c’était le tour des Pays‑Bas.

En 2022, Malte introduisait une consigne pour toutes les canettes en aluminium et en acier, ainsi que les bouteilles en verre et en PET d’une capacité comprise entre 0,1 et 3 litres. Suivi en cela par l’Autriche qui choisissait d’établir une consigne de 0,25 € sur tous les emballages entre 0,1 et 3 litres avec une exception, pour le lait, en raison de sa nature périssable.

Enfin, l’Irlande, le Luxembourg, la Pologne, le Royaume‑Uni, la Roumanie, ont choisi d’introduire un système de consigne dans leur législation afin de réduire leur empreinte écologique.

En revanche, en France, alors qu’historiquement la consigne était appliquée sur les bouteilles et emballages en verre pour permettre leur réemploi (récupération, lavage et re‑remplissage du récipient), cette pratique a progressivement disparu au profit des emballages jetables, notamment en plastique, avant que soit mis en place un système de collecte des déchets en verre puis en métal, en carton et en plastique via le bac jaune de la poubelle.

Or, la consigne des bouteilles ne doit pas être confondue avec l’opération de collecte des déchets en verre, métal ou plastique, puisque dans ce dernier cas la bouteille n’est pas remployée après avoir été lavée, mais détruite pour être recyclée.

Pourtant, le système de consigne fonctionne ! Ainsi, en Allemagne, une bouteille en verre peut être réutilisée jusqu’à cinquante fois et une bouteille en plastique vingt fois.

Bien entendu, ce système a nécessité des accords entre industriels et pouvoir public, afin de mettre en place des normes communes. Les bouteilles de bière de cinquante centilitres, par exemple, ont toutes la même forme, et sont utilisées par la très grande majorité des brasseurs.

Depuis le 1er janvier 2023, en France, tous les emballages peuvent être jetés dans les poubelles jaunes mais certains élus redoutent que l’introduction d’une consigne ne crée de la confusion dans l’esprit des Français. D’autant plus que, le bénéfice écologique des consignes n’est pas garanti s’agissant des emballages plastiques, puisqu’en Allemagne la consigne a entraîné une « augmentation de la production et des ventes des bouteilles plastiques à usage unique ». Aussi, pour atteindre les objectifs européens de recyclage, quatorze propositions ont été formalisées dont la promotion de la consommation d’eau du robinet pour diviser par deux les bouteilles plastiques en 2030, l’augmentation de la fréquence des collectes ou la mise en place d’une collecte sélective de tous les emballages consommés hors domicile.

Si les deux types de solution apparaissent complémentaires, ils oublient cependant un peu vite que l’exemple allemand a montré des vertus immédiates dans le paysage, puisque selon le Centre européen de la consommation « grâce à ce système, il est rare de croiser en Allemagne des bouteilles abandonnées en pleine nature ou le long des routes. Et pour cause, la consigne apporte une valeur économique à des objets auxquels nous n’accordons habituellement que peu d’attention. Ainsi, on estime aujourd’hui que 98,5 % des bouteilles et canettes allemandes sont recyclées contre 56 % des bouteilles en plastique et 43 % des canettes en France ». Le centre cite également un autre atout, indirect : celui d’ « une dimension sociale car il n’est pas rare de croiser dans le pays des ramasseurs de bouteilles (Pfandsammler) en quête de contenants abandonnés pour en récupérer la caution ».

D’autant plus que le réemploi des emballages permet de réduire leur impact sur le climat et la biodiversité. Les performances environnementales du dispositif varient selon plusieurs critères : distances et modes de transport, nombre de réutilisations, performance de lavage, matériaux utilisés et procédés de fabrication, etc. Ainsi, il est admis que la consigne pour réemploi peut être bénéfique pour l’environnement sur des distances allant jusqu’à 1 200 km.

De même, le lavage des emballages ne consomme pas plus d’eau que la fabrication d’emballages plastiques jetables ou en verre. Une étude de 2009 a notamment démontré que ce dispositif permettait d’économiser 76 % d’énergie primaire, d’éviter 79 % d’émissions de gaz à effet de serre et d’utiliser 33 % d’eau en moins par rapport à des bouteilles en verre à usage unique.

Enfin, la consigne pour réemploi permet surtout de diminuer le nombre d’emballages à recycler, incinérer ou enfouir en fin de vie, de limiter la dispersion de polluants et nuisances due à ces modes de traitement des déchets et de s’attaquer à la pollution plastique et à son impact sur la biodiversité. Ainsi, de nombreuses alternatives consignées pourraient se substituer aux bouteilles en plastique, aux emballages alimentaires (bocaux, yaourts, etc.) et aux contenants de la restauration à emporter.

D’autant plus, qu’une fois les investissements dans un parc de bouteilles réalisés, la consigne peut permettre aux producteurs de faire des économies en permettant de réduire le prix de vente de certains produits alimentaires tout en redynamisant l’économie locale et en favorisant l’économie circulaire par la création d’emplois non délocalisables pour le lavage, par exemple.

D’ailleurs, même en France, 30 % à 40 % des bouteilles utilisées dans les cafés‑hôtels‑restaurants sont toujours consignées pour être lavées et remplies à nouveau (de nombreux fûts de bière en inox sont aussi concernés) et 25 millions de bouteilles sont encore réemployées chaque année en Alsace où 30 % des magasins sont toujours équipés de machines de déconsignation.

Pour cela, il suffit de s’assurer que l’emballage consigné répond à sept critères :

– Le bon état et la robustesse de l’emballage, pour permettre son réemploi sur le long terme ;

– La conception favorisant le retour pour réemploi, ce qui implique une standardisation, compacité, forme facilitant le nettoyage, etc. ;

– Le coût réglementé de la consigne encourageant le retour de l’emballage ;

– La logistique adaptée à l’aller comme au retour (ex : bouteilles transportées dans les mêmes caisses) ;

– Des lieux de stockage et des parcs d’emballages vides supérieurs aux besoins de conditionnement, synonymes d’immobilisations financières en vue de répondre notamment à la saisonnalité des produits et aux nécessités de nettoyage avant réemploi (cas des boissons et des caisses plastiques employées dans la grande distribution) ;

– Une logistique performante et territorialement maillée « au plus près des lieux de consommation » ;

– Une parfaite traçabilité des emballages, jusqu’en fin de vie, et garantie d’une sécurité sanitaire du produit (ré)emballé.

L’article 1er de la présente proposition de loi a donc pour objet de rendre obligatoire dans un délai de 5 ans dans toutes les grandes surfaces, la reprise des bouteilles en verre et en plastique ainsi que les canettes en métal d’une contenance entre 0,1 et 3 litres, qui sont en bon état ; ainsi que d’organiser le bon fonctionnement de la consigne en introduisant une incitation financière pour les citoyens à rapporter lesdits emballages en fixant un prix par décret qui pourrait par exemple osciller entre 0,10 € et 0,30 € par bouteille et canette.

L’article 2 vise à instaurer dans les 5 ans d’une part, des standards d’emballages réemployables, et d’autre part, des sanctions financières pour les industriels et distributeurs qui n’utiliseraient pas ces standards ou ne reprendraient pas en consigne les emballages réemployables qu’ils auraient mis sur le marché ;

Enfin, l’article 3 entend créer une contribution sur les emballages à usage unique applicable aux producteurs qui dépassent un certain volume de mise sur le marché annuel d’emballages à usage unique afin d’alimenter le soutien financier au réemploi.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 541‑10‑11 du code de l’environnement, il est un article L. 541‑10‑11‑1 ainsi rédigé :

« Art. 54110111. – 1° À compter du 1er janvier 2028, les industriels de l’emballage et de l’embouteillage, ainsi que les fabricants de boissons et les entreprises de la grande distribution ont l’obligation de mettre en place un système commun de consigne reprenant les emballages de boisson en plastique, en aluminium et en verre d’une contenance entre 0,1 et 3 litres en bon état, y compris le circuit de réemploi.

« 2° Le taux de consignation des emballages de boissons est fixé par décret. »

Article 2

Après l’article L. 541‑10‑11‑1 du code de l’environnement tel qu’il résulte de la loi n°     du       visant à instaurer une consigne obligatoire des emballages en verre, en métal et en plastique contenant des boissons, il est inséré un article L. 541‑10‑11‑2 ainsi rédigé :

« Art. 54110112. – 1° Avant le 1er janvier 2027, les industriels de l’emballage et de l’embouteillage, ainsi que les fabricants de boissons ont l’obligation de mettre en place un système de standardisation des emballages réemployables après lavage.

« 2° À compter du 1er janvier 2029, les industriels et distributeurs qui n’utilisent pas les standards d’emballages réemployables de boisson, ou un système commun de consigne pour lesdits emballages qu’ils ont mis sur le marché, se voient appliquer une sanction financière par emballage fixée par décret ».

Article 3

Après l’article L. 541‑10‑11‑2 du code de l’environnement tel qu’il résulte de la loi n°     du       visant à instaurer une consigne obligatoire des emballages en verre, en métal et en plastique contenant des boissons, il est inséré un article L. 541‑10‑11‑3 ainsi rédigé :

« Art. 54110113. – Les producteurs dépassant un volume de 20 000 bouteilles ou cannettes à usage unique mises annuellement sur le marché sont soumis à une contribution fixée par décret. »