N° 1572
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023.
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre l’obésité,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Isabelle VALENTIN, Yannick NEUDER, Hubert BRIGAND, Mansour KAMARDINE, Meyer HABIB, Ian BOUCARD, Philippe GOSSELIN, Alexandra MARTIN, Francis DUBOIS, Jean‑Pierre VIGIER, Josiane CORNELOUP, Marc LE FUR, Émilie BONNIVARD, Nicolas FORISSIER, Nicolas RAY, Vincent DESCOEUR, Jean‑Pierre TAITE, Vincent SEITLINGER, Dino CINIERI, Emmanuelle ANTHOINE, Pierre VATIN,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Chaque année, les chiffres tombent, et deviennent de plus en plus alarmants. Selon la Ligue contre l’obésité, en 2021, 17 % des adultes étaient en situation d’obésité, contre 15 % en 2012. Cela représente ainsi plus de 8,5 millions d’individus. Quant aux individus en situation de surpoids, cela concernerait 30 % des Français. Ainsi, près d’un Français sur deux souffre de surpoids ou d’obésité.
Plus inquiétant encore, c’est chez les enfants que l’obésité et le surpoids ont le plus largement progressé ces dernières années. En effet, 34 % des enfants âgés entre deux et sept ans souffrent de ces maladies. Les récentes études montrent également que le surpoids et l’obésité constituent des maladies sociales à de nombreux égards. Dès l’âge de six ans, les enfants d’ouvriers sont quatre fois plus touchés par ces deux maladies que les enfants de cadre.
L’obésité et le surpoids ont également un impact économique particulièrement élevé. En 2016, l’ensemble des dépenses liées aux soins médicaux, à la prévention et à la lutte contre la surcharge pondérale représentait 1 % du Produit Intérieur Brut (PIB) Français, soit plus de 20 milliards d’euros.
Malgré ces chiffres alarmants, le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de l’ampleur de ce fléau sanitaire que représente l’obésité. En effet, aucune véritable politique de santé permettant de lutter efficacement contre l’obésité en France n’a été proposée. Aujourd’hui, il est grand temps d’y remédier. En tant que parlementaires, il en va de notre responsabilité d’alerter sur la situation, afin de proposer des mesures concrètes et efficaces.
Tout d’abord, il est urgent que la France reconnaisse enfin l’obésité comme une « maladie chronique ». C’est notamment le choix qui a été fait par l’Allemagne et l’Italie. Il s’agit de l’une des conditions indispensables à une meilleure prise en charge de cette maladie.
Ensuite, afin d’enrayer la progression de l’obésité en France, le Gouvernement est dans l’obligation d’accompagner cette reconnaissance comme « maladie » par l’élaboration d’un véritable plan de prévention, axé sur la nutrition et l’accompagnement psychologique.
Pour cela, il est absolument indispensable que les professionnels de santé soient davantage formés dans l’accompagnement des patients souffrant de cette pathologie. La création d’une « spécialité en obésité » offerte aux étudiants en médecine constituerait une avancée notable.
Aussi, malgré quelques récentes avancées législatives, celles‑ci restent grandement insuffisantes. Il apparaît urgent de réglementer davantage les additifs, pour n’autoriser que ceux figurant dans la liste des produits et substances utilisés dans la production de denrées alimentaires. Réduire l’impact de la publicité alimentaire auprès des jeunes s’impose également. Il est nécessaire que ces messages publicitaires soient systématiquement accompagnés d’une déclaration nutritionnelle.
Parce que l’obésité infantile est une injustice insupportable, apporter des réponses face à la crise des urgences pédiatriques apparaît comme une nécessité. Hémorragie du personnel, lits fermés, manque de moyens, perte de bon sens, gouvernance bureaucratique… les problèmes rencontrés sont multiples. Il est donc impératif de former dès maintenant 600 pédiatres par an, contre 250 aujourd’hui.
Enfin, les écoles, collèges et lycées ont un rôle central dans l’éducation de la jeunesse au « bien manger ». En Haute‑Loire, grâce à une opération mise en place par la Région, les lycées labélisés « La Région dans mon assiette » mettent à l’honneur des produits frais, locaux et issus de modes de production durables et de qualité. Autre exemple, en gérant le programme « Laits et Fruits à l’École », France Agrimer participe à la distribution de fruits, légumes et produits laitiers, aux élèves de la maternelle à la terminale. Ces programmes doivent être généralisés.
Si le Gouvernement avait pris conscience de la progression inquiétante de l’obésité avec la mise en place des mesures qui en découlent, aujourd’hui la France ne comptabiliserait probablement pas un total de 161 000 décès liés au Covid. Cette situation critique dans laquelle nous sommes aujourd’hui n’a que trop duré. Une politique de santé audacieuse permettant de lutter efficacement contre l’obésité s’impose !
L’article 1 vise à faire de la lutte contre l’obésité la « Grande cause nationale de 2024 ».
L’article 2 vise à développer la médecine scolaire.
L’article 3 vise à réduire l’impact de la publicité alimentaire.
L’article 4 vise à créer une « spécialité obésité » dans les études de médecine.
L’article 5 vise à reconnaître l’obésité comme maladie.
L’article 6 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport indiquant le nombre de pédiatres devant être formés chaque année pour lutter efficacement contre l’obésité.
L’article 7 confirme la recevabilité financière de la présente Proposition de Loi.
proposition de loi
Article 1er
La lutte contre l’obésité est reconnue « Grande cause nationale de 2024 ».
Article 2
L’article L. 541‑1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les visites médicales et de dépistage obligatoires prévues à l’article L. 541‑1 du code de l’éducation ont lieu au cours de la cinquième année, de la huitième et de la douzième année de l’enfant. La visite comprend un dépistage des troubles spécifiques du langage et de l’apprentissage, ainsi qu’un dépistage des troubles alimentaires. »
Article 3
Le chapitre III du titre III du livre premier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 2133‑3 ainsi rédigé :
« Art. L. 2133‑3. – I. – Seuls peuvent faire l’objet de messages publicitaires et activités promotionnelles, directs ou indirects, sur tous supports de communication radiophonique, audiovisuelle et électronique, ainsi que sur tous supports et produits complémentaires qui leur sont associés, les produits alimentaires et boissons qui sont classés A ou B selon le logo Nutri‑Score, ou les produits des groupes 1 et 2 du classement Nova. »
« II. – Les messages publicitaires et activités promotionnelles, directs ou indirects, en faveur de produits alimentaires et boissons qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés aux enfants et adolescents, sont interdits sur tout support de communication radiophonique, audiovisuel, et sur tout support de communication électronique, ainsi que sur tous les supports et produits complémentaires qui leur sont directement associés, de façon totale. Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
Article 4
À partir de la rentrée universitaire 2024, une spécialité « obésité » sera proposée aux étudiants en première année de médecine. Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret.
Article 5
À partir du 1er janvier 2024, l’obésité sera reconnue comme une maladie. Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret.
Article 6
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement relatif à la lutte contre l’obésité en France. Ce rapport préconise le nombre de pédiatres devant être formés chaque année pour lutter efficacement contre l’obésité.
Article 7
La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les boissons sucrées prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.