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N° 1638

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger la liberté éditoriale des médias
sollicitant des aides de l’État,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Sophie TAILLÉPOLIAN, Clémentine AUTAIN, Soumya BOUROUAHA, Inaki ECHANIZ, Laurent ESQUENETGOXES, Sacha HOULIÉ, Fatiha KELOUA HACHI, Bruno MILLIENNE, Bertrand PANCHER, Jérémie PATRIERLEITUS, Stéphane PEU, JeanClaude RAUX, Olivier SERVA, Violette SPILLEBOUT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Un média n’est pas une entreprise comme une autre ; c’est une entreprise qui produit un bien public, l’information. À ce titre, la liberté de la presse est un élément fondamental de la démocratie, protégé par notre Constitution.

Pourtant, un actionnaire peut imposer un directeur de rédaction à la tête d’un journal contre l’avis de 99 % des journalistes qu’il emploie, comme l’atteste la situation récente du Journal du Dimanche. Le constat est amer, l’ensemble de la rédaction assiste impuissante à un changement soudain de la ligne éditoriale qu’ils avaient choisi en intégrant le journal. La situation du JDD n’est pas isolée, les atteintes à l’indépendance des médias se multiplient. Elles sont le fait d’actionnaires qui refusent de se cantonner à jouer un rôle économique dans les médias qu’ils achètent, mais souhaitent y jouer un rôle de plus en plus politique, quitte à exercer des pressions contre l’indépendance éditoriale des rédactions et la liberté de conscience des journalistes.

Hier, l’éviction du directeur de la rédaction des Echos, aujourd’hui la nomination à la tête du Journal Du Dimanche d’un nouveau directeur contre l’avis de l’ensemble de la rédaction et le parachutage de l’ancien à Paris Match, illustrent les enjeux que revêt ce poste dans la préservation de l’honnêteté de l’information et des programmes et de la déontologie du journalisme.

Dans ce difficile arbitrage entre liberté d’entreprendre et liberté de la presse, le régulateur doit jouer un rôle et prévenir les situations où la première prend le pas sur la seconde. Visiblement impuissante à empêcher la constitution de monopoles médiatiques et à préserver l’indépendance des rédactions, la législation doit évoluer en faveur d’un renforcement des droits des journalistes, en particulier celles et ceux qui exercent dans les titres qui traitent d’information politique et générale.

Comme certains médias en ont déjà eu l’initiative, cette proposition de loi vise à généraliser un mécanisme d’agrément du directeur de la rédaction par la majorité qualifiée des journalistes travaillant dans les médias qui sollicitent des aides financières de l’État, ou qui sollicitent la mise à disposition d’un canal de diffusion par voie hertzienne terrestre (radio et télévision).

Cette proposition est une mesure d’urgence, non exhaustive, qui en appelle d’autres pour répondre aux enjeux auxquels sont confrontés aujourd’hui nos médias : concentration, transparence, pluralisme, avenir de l’audiovisuel public, lutte contre la désinformation, conditions d’exercice du métier de journaliste, etc.

L’article premier de la proposition de loi vise à conditionner les aides publiques, directes et indirectes des entreprises éditrices de presse d’information politique et générale à un droit d’agrément sur la nomination du directeur ou de la directrice de la rédaction. Pour prétendre à ces aides publiques, toute nomination d’un directeur ou d’une directrice de rédaction devra faire l’objet d’un vote d’approbation des journalistes employés par la rédaction.

Le deuxième article vise à conditionner la mise à disposition d’un canal de diffusion par voie hertzienne terrestre aux sociétés éditrices dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale à un droit d’agrément sur la nomination du directeur ou de la directrice de rédaction. Pour prétendre à l’usage des fréquences publiques, toute nomination d’un directeur ou d’une directrice de rédaction devra faire l’objet d’un vote d’approbation des journalistes employés par la rédaction.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 2 ter ainsi rédigé :

« Art. 2 ter. – Le bénéfice de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes dont bénéficie une entreprise éditrice de publications présentant un caractère d’information politique et générale est conditionné à la mise en place d’une procédure d’agrément de la nomination de tout responsable de la rédaction. L’agrément est obtenu par un vote des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111‑3 du code du travail que l’entreprise emploie.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Article 2

Après le 17° de l’article 28 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication il est inséré un 18° ainsi rédigé :

« 18° La nomination de tout responsable de la rédaction d’un service dont les programmes comportent des émissions présentant un caractère d’information politique et générale est soumise à une procédure d’agrément par un vote des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111‑3 du code du travail que le service emploie. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent alinéa. »