N° 1949
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2023.
PROPOSITION DE LOI
modifiant les modalités de calcul et de décision des barèmes « redevance copie privée »,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Philippe LATOMBE, M. Philippe BERTA, M. Éric BOTHOREL,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La rémunération pour copie privée (RCP), qui compense pour les auteurs, artistes‑interprètes et producteurs le préjudice découlant des copies privées de leurs œuvres, a représenté près de 285 millions d’euros en 2022. Elle est collectée auprès des fabricants et des importateurs de supports par la société Copie France, agréée par le ministère de la culture, qui la redistribue aux organismes de gestion collective (OGC) de droits d’auteurs et de droits voisins. C’est donc un enjeu important pour les bénéficiaires et pour le financement de la culture.
Cependant, comme le précise, le rapport d’octobre 2022, réalisé l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), le dispositif actuel de RCP, malgré quelques améliorations récentes, souffre de dysfonctionnements internes majeurs auxquels il convient de remédier. La présente proposition vise à améliorer certaines faiblesses du dispositif actuel, notamment les problèmes de gouvernance dénoncés dans ce rapport, en proposant un premier train de mesures pouvant être rapidement mises en place.
Selon le rapport de l’IGF et de l’IGAC, « les études d’usages, qui ont vocation à mesurer les pratiques de copie privée et qui fondent les barèmes de RCP, ne reflètent pas correctement la transformation des usages introduite par le numérique » : actualisation insuffisante, échantillons trop restreints, questionnaires trop longs qui rendent inexploitables une partie des réponses. Afin de pallier ce manque d’expertise, confier à l’ARCOM la réalisation des études d’usages permettrait de renforcer l’expertise dans la maîtrise d’ouvrage et de créer des synergies avec ses compétences existantes, notamment au sein de l’ex‑Hadopi, et de renforcer la crédibilité et la transparence des conclusions à tirer de ces études d’usage.
Par ailleurs, seuls 7 % des téléphones et 11 % des tablettes vendus à des clients professionnels ont bénéficié en 2019 des dispositifs d’exonération et de remboursement des usages professionnels prévus par la loi qui n’ont donc pas démontré leur efficacité. La complexité des démarches et des procédures imposées aux entreprises privées ou aux organismes publics en droit de demander l’exonération ou le remboursement tendent à les décourager de les accomplir. La mission d’inspection générale IGAC et IGF a ainsi montré que le montant de la RCP, collectée et qui ne devrait pas l’être, ou qui devrait être remboursée et ne l’est pas, avoisine les 40 à 50 millions d’euros annuels, au détriment des entreprises privées qui utilisent ces appareils pour un usage professionnel, ou du budget de l’État, notamment pour les téléphones mobiles de service des fonctionnaires.
Enfin, les supports soumis à la RCP étant composés, notamment, de métaux dont les conditions d’extraction, de traitement et de transport présentent un impact écologique environnemental considérable, et de l’approvisionnement desquels nous sommes totalement dépendants, il faut en favoriser le reconditionnement et le réemploi. Par conséquent, il faut permettre à ces supports, qui ont déjà été soumis à la RCP, d’en être dispensés lors de leur revente après reconditionnement. Ainsi le texte prévoit‑il explicitement que les supports ne seront soumis à la RCP que lors de leur première mise en circulation en France, qu’ils soient neufs ou reconditionnés. Le texte clarifie donc ce point juridique essentiel.
Pour plus de transparence et de démocratie, l’article 1er de la présente proposition de loi soumet annuellement le barème de la RCP au vote du Parlement. Au même titre que pour la loi de finances ou la loi de financement de la Sécurité sociale, les parlementaires doivent être décisionnaires et redevables devant nos concitoyens.
Pour ajouter de la transparence et de l’indépendance dans les modalités d’évaluation et de proposition du barème, l’article 2 prévoit que les enquêtes soient indépendantes et placées sous la supervision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) qui les diligentera. Une demande d’enquête doit être demandée à l’ARCOM par la Commission, si elle l’estime nécessaire, d’où le caractère explicite de la demande, et dans la limite d’une enquête annuelle maximum.
L’article 3 vise donc à rendre le remboursement de la RCP, qui est un droit, aisément applicable et transparent, en simplifiant et dématérialisant les modalités de remboursement et en limitant les délais d’effectivité.
L’article 4 exonère de RCP le matériel reconditionné, permettant, dans le respect du principe qu’un même produit ne peut être taxé deux fois, de favoriser le développement du marché du recyclage, écologiquement vertueux et créateur d’emploi, tout en permettant aux catégories sociales les plus modestes de pouvoir s’équiper à moindre coût.
proposition de loi
Article 1er
1° Les cinq premiers alinéas de l’article L. 224‑10 sont ainsi rédigés :
« Les entreprises qui gèrent directement ou indirectement, au titre de leurs activités relevant du secteur concurrentiel, un parc de plus de vingt véhicules automobiles dont le poids total autorisé en charge est inférieur ou égal à 3,5 tonnes, ou de quadricycles légers, ainsi que les centrales de réservation mentionnées à l’article L. 3142‑1 du code des transports qui mettent en relation un nombre de conducteurs supérieur à un seuil fixé par décret, acquièrent ou utilisent, lors du renouvellement annuel de leur parc, des véhicules à très faibles émissions au sens du III de l’article L. 224‑7 du présent code dans la proportion minimale :
« 1° De 20 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier 2024 ;
« 2° De 40 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier en 2026 ;
« 3° De 65 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier en 2028 ;
« 4° De 95 % de ce renouvellement à partir du 1er janvier 2030 ; »
2° L’article L. 224‑11 est abrogé.
II. – Le I. entre en vigueur le 1er janvier 2025.
III. – Les conditions d’application du présent article sont définies par décret.
Article 2
I. – Le deuxième alinéa du III de l’article L. 225‑102‑1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles comprennent également les modalités par lesquelles la société atteint les objectifs de renouvellement du parc automobile définis à l’article L. 224‑10 du code de l’environnement. »
II. – L’article L. 224‑12 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 224‑12. – I. – Les personnes redevables des obligations prévues aux articles L. 224‑7 à L. 224‑10 transmettent à l’autorité́ administrative les informations relatives à la mise en œuvre de ces obligations, dont le pourcentage de véhicules à très faibles émissions parmi les véhicules ayant fait l’objet d’un renouvellement durant l’année précédente. Ces données sont rendues publiques par les services de l’État dans un format ouvert librement utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
« II. – Un décret prévoit les conditions dans lesquelles les personnes mentionnées au I du présent article rendent annuellement compte du respect de leurs obligations.
« III. – Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, pour les personnes redevables des obligations prévues à l’article L. 224‑10, l’autorité́ administrative sanctionne les manquements à l’établissement ou à la transmission des informations mentionnées aux I. par une amende n’excédant pas 10 000 €, montant qui ne peut excéder 20 000 € en cas de récidive. »
Article 3
Après l’article L. 226‑6 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 226‑6‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 226‑6‑1. – Est puni d’une amende qui peut atteindre un montant maximal de 1 % du chiffre d’affaires français hors taxes du dernier exercice clos réalisé par l’entreprise coupable de l’infraction le fait, pour toute personne redevable des obligations prévues à l’article L. 224‑10, de ne pas atteindre les obligations qui lui sont fixées lors du renouvellement annuel de son parc de véhicules. Cette amende peut être assortie de la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131‑35 du code pénal. Le montant de l’amende est proportionné à la gravité de lʼécart à lʼobjectif dʼincorporation de véhicules à très faibles émissions constaté, avec un plafond fixé à 5 000 euros par véhicule à très faibles émissions manquant pour atteindre les obligations précitées. »
Article 4
I. – Le code de la commande publique est ainsi modifié :
1° Après lʼarticle L. 2141‑7‑1, il est inséré un article L. 2141‑7‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2141‑7‑1‑1. – Lʼacheteur peut exclure de la procédure de passation dʼun marché les personnes soumises à lʼarticle L. 224‑10 du code de lʼenvironnement qui ne satisfont pas aux obligations prévues audit article et à l’article L. 224‑12 du même code, pour lʼannée qui précède lʼannée de publication de lʼavis de concession ou dʼengagement de la consultation. » ;
2° Après lʼarticle L. 3123‑7‑1, il est inséré un article L. 3123‑7‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3123‑7‑1‑1.– Lʼautorité concédante peut exclure de la procédure de passation dʼun contrat de concession les personnes soumises à lʼarticle L. 224‑10 du code de lʼenvironnement qui ne satisfont pas aux obligations prévues audit article et à l’article L. 224‑12 du même code, pour lʼannée qui précède lʼannée de publication de lʼavis dʼappel à la concurrence ou dʼengagement de la consultation. »
II. – Les dispositions des articles L. 2141‑7‑1‑1 et L. 3123‑7‑1‑1 du code de la commande publique dans leur rédaction issue du présent article sont applicables aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis dʼappel à la concurrence a été envoyé.
III. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2026.