N° 2503
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à créer dans le code de la santé publique les centres de soins d’accompagnement à domicile,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Philippe JUVIN, M. Thibault BAZIN, Mme Josiane CORNELOUP, M. Yannick NEUDER, Mme Isabelle VALENTIN, M. Stéphane VIRY, Mme Emmanuelle ANTHOINE, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Jean-Yves BONY, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Pierre CORDIER, M. Nicolas FORISSIER, M. Jean-Jacques GAULTIER, Mme Annie GENEVARD, M. Michel HERBILLON, M. Patrick HETZEL, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), M. Éric PAUGET, Mme Isabelle PÉRIGAULT, M. Nicolas RAY, M. Pierre VATIN, M. Jean-Pierre VIGIER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Près de 640 000 décès ont été enregistrés en France en 2023. Plus de deux‑tiers des personnes qui décèdent ont 75 ans ou plus, ce qui représente un défi pour les structures d’accompagnement des personnes âgées dans leur fin de vie.
Les projections démographiques nous permettent d’anticiper un vieillissement de la population et une hausse du nombre d’affections chroniques en fin de vie. Le ministère de la santé prévoit que la France comptera plus de 700 000 décès d’ici 2040. Selon l’Institut national d’études démographiques (Ined) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le nombre de personnes de 75 ans et plus va augmenter d’environ 60 % pendant les 20 prochaines années.
400 000 personnes ont besoin de soins palliatifs chaque année selon la Cour des comptes (2023), pour être accompagnées dans leur fin de vie. En 2046, la cour des comptes prévoit que 470 000 personnes en auront besoin, ce qui implique d’augmenter l’offre en soins palliatifs.
L’objectif des soins palliatifs « n’est pas de guérir, mais de prévenir et de soulager toute souffrance, qu’elle soit physique, psychologique, sociale ou spirituelle, et de préserver la meilleure qualité de vie possible » (ministère de la santé). C’est donc un impératif moral pour notre société, de manière à réduire la souffrance de nos aînés en fin de vie, autant que possible.
Or l’offre de soins palliatifs est aujourd’hui insuffisante, et essentiellement hospitalière. En 2022, la France comptait 7 546 lits hospitaliers dédiés aux soins palliatifs. Un quart de ces lits se trouvent dans des USP (Unités de Soins Palliatifs), les autres sont des LISP (Lits Identifiés Soins Palliatifs).
20 départements sont encore dépourvus d’USP. S’il est urgent de les en équiper pour faire face aux besoins les plus critiques sur le plan médical, 21 USP de 10 lits ne permettront d’accompagner « que » 5 250 personnes supplémentaires. Cela ne saurait suffire à couvrir les besoins du pays en soins palliatifs.
En outre, 85 % des Français souhaitent vivre leurs derniers jours à domicile (sondage IFOP de 2019). Actuellement, 60 % des décès ont lieu à l’hôpital, les personnes sont seules dans trois situations sur quatre. Pour compléter l’offre de soins palliatifs, et mieux accompagner les personnes en fin de vie, il est donc nécessaire de développer les soins à domicile.
Pour y parvenir, il convient de résoudre deux difficultés majeures :
– L’isolement social : plus de la moitié des personnes en fin de vie habitent seules. Lorsque des aidants sont présents, ils courent un risque d’épuisement et un tiers d’entre eux meurent avant la personne aidée.
– La disponibilité́ effective des soignants au domicile, sans laquelle l’évolution des symptômes entraîne de nombreuses hospitalisations inappropriées. Or la France manque de médecins traitants et les visites à domicile sont en voie de disparition
Un modèle combinant les aspects sociaux et médicaux permettrait de résoudre ces deux difficultés, comme l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2023 sur les soins palliatifs. Ce modèle, porté par l’association Visitatio - Voisins & Soins, repose sur des équipes hybrides qui combinent d’une part des bénévoles recrutés localement, formés et organisés pour pallier l’isolement social et d’autre part des soignants dédiés.
Cette approche territoriale, qui s’appuie essentiellement sur l’engagement citoyen, permet de cibler territorialement un quartier ou un village, de réduire les distances, d’augmenter l’efficience des soins et de contribuer efficacement à la prévention des hospitalisations évitables.
De telles équipes doivent bénéficier d’un statut adapté dans le code de la santé, pour reconnaître le caractère hybride de l’équipe (sanitaire et social), et s’inscrire dans la médecine de ville. Le gestionnaire est une structure à but non lucratif.
La présente proposition de loi propose donc de donner un statut aux centres de soins d’accompagnement à domicile, pour leur permettre de se développer. L’article 1er permet d’intégrer au code de la santé publique un article additionnel créant les centres de santé dédiés aux soins palliatifs à domicile. Le nouvel article vise à :
– définir le rôle des « centres de soins d’accompagnement à domicile », qui seront exclusivement dédiés à l’accompagnement à domicile des personnes nécessitant des soins palliatifs ;
– définir les personnes pouvant créer et gérer ces centres ;
– préciser le statut sous lequel peuvent être engagés les professionnels de santé de ces centres et définir le statut des bénévoles engagés dans ces centres ;
– spécifier les éléments attendus dans le projet de santé que chacun de ces centres doit remettre à l’ARS du territoire sur lequel ils interviennent ;
– dispenser les centres de soins d’accompagnement à domicile des obligations relatives aux établissements qui accueillent du public.
L’article 2 introduit une expérimentation, pour vérifier la réplicabilité du modèle et mener une évaluation socio‑médico économique du dispositif.
L’article 3 vise à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Après l’article L. 6323‑1‑5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6323‑1‑6‑1 ainsi rédigé :
« Art. L.6323‑1‑6‑1. – Les centres de soins d’accompagnement à domicile sont des centres de santé exclusivement dédiés à l’accompagnement à domicile des personnes en fin de vie ou atteintes d’une maladie mettant leur vie en jeu. Le domicile peut être un lieu de résidence individuel ou un établissement d’hébergement, recevant des soins définis à l’article L. 1110‑10.
« Par dérogation à l’article L. 6323‑1 du présent code et compte tenu de leur mission spécifique, les centres de soins d’accompagnement à domicile sont autorisés à restreindre leur patientèle aux seules personnes en fin de vie, sans que cela n’entre en contradiction avec l’article L. 1110‑3.
« Les centres de soins d’accompagnement à domicile ne peuvent être créés et gérés que par des personnes morales à but non lucratif.
« Les professionnels qui exercent au sein des centres de soins d’accompagnement à domicile peuvent être salariés ou libéraux, à condition d’avoir signé une convention avec le centre de santé.
« Les bénévoles qui interviennent dans le cadre de ces centres de soins d’accompagnement à domicile peuvent être adhérents d’une association de bénévolat d’accompagnement en soins palliatifs qui a conclu une convention avec le centre ou bien, lorsque le centre de santé est créé ou géré par une association à but non lucratif, être adhérent de cette association. Dans ce cas, l’association qui gère le centre de soins d’accompagnement à domicile répond aux exigences fixées par les lois et règlements qui régissent les associations de bénévolat d’accompagnement en soins palliatifs. Le temps cumulé de présence des bénévoles auprès des patients doit être au moins égal au temps consacré à la prise en charge médicale et paramédicale des patients.
« Les centres de soins d’accompagnement à domicile élaborent un projet de santé qui doit notamment préciser :
« – Les moyens mis en œuvre pour assurer une présence adaptée des bénévoles au domicile des patients ;
« – Les modalités de fonctionnement visant d’une part à assurer l’intégration des soignants et des non‑soignants dans les équipes d’accompagnement et d’autre part à garantir le respect de l’article L. 1110‑4 ;
« Le périmètre géographique de l’intervention de ses équipes.
« Le représentant légal de l’organisme gestionnaire de ce centre remet au directeur de l’agence régionale de santé le projet de santé sus‑mentionné.
« Les centres de soins d’accompagnement à domicile étant dédiés aux interventions à domicile et n’étant pas amenés à recevoir du public, sont :
« – Dispensés des obligations liées à l’accueil du public.
« – Dispensés des obligations d’afficher de manière visible à l’extérieur et dans les locaux du centre ou de leurs antennes l’identification du lieu de soins, l’identité et les fonctions de l’ensemble des médecins, l’information du public sur les activités et les actions de santé publique ou sociales mises en œuvre, les modalités et les conditions d’accès aux soins ainsi que le statut du gestionnaire. Ces éléments ainsi que les modalités pour joindre le centre, le dispositif d’orientation en cas de fermeture et les principales conditions de fonctionnement utiles au public sont renseignés sur le site internet et sur les plateformes de communication numériques utilisées par le centre, communiquées au centre communal d’action sociale de la ou des communes dans lesquelles opère le centre ou ses antennes, et sont rappelées dans les documents remis au patient lors de son accompagnement. »
Article 2
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, il est mis en place par les agences régionales de santé des centres de soins d’accompagnement à domicile, objets de l’article 1er de la présente loi.
Cette expérimentation a pour objectif, au bénéfice des personnes en fin de vie ou souffrant d’une maladie mettant leur vie en jeu, la mise en place d’équipes rassemblant chacune : 6 bénévoles d’accompagnement environ, des non‑soignants affectés à différentes tâches d’animation et de coordination, des psychologues, un médecin (0,1 ETP), un infirmier (0,2 ETP).
L’expérimentation vise à vérifier la réplicabilité de telles équipes et doit atteindre, à la fin de la période d’expérimentation, un total de 100 équipes telles que définies ci‑dessus et à mener à bien l’évaluation socio‑médico économique du dispositif.
Les frais relatifs à cette expérimentation sont pris en charge par le fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435‑8 du code de la santé publique.
II. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article. Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la liste des territoires participant à cette expérimentation, dans la limite de six régions.
III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation, qui se prononce notamment sur la pertinence d’une généralisation ».
Article 3
I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.