N° 2543
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à mettre à jour la planification énergétique de la France,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Benjamin SAINT-HUILE, M. Jean-Louis BRICOUT, Mme Martine FROGER, M. Laurent PANIFOUS, M. David TAUPIAC, M. Michel CASTELLANI, M. Bertrand PANCHER, Mme Estelle YOUSSOUFFA, Mme Béatrice DESCAMPS, M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, Mme Nathalie BASSIRE, M. Olivier SERVA,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Lors de la COP21, les pays signataires de la Convention‑cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) se sont donnés pour objectif de maintenir l’augmentation de la température mondiale « nettement en dessous » de 2°C d’ici à 2100 par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts en vue de limiter cette augmentation à 1,5°C. Pour ce faire, l’Accord de Paris du 12 décembre 2015, prévoit de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 45 % d’ici à 2030 par rapport à 2010, et d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050.
En l’absence de mesures additionnelles, les politiques et engagements actuels de l’ensemble des pays pointent vers un réchauffement mondial autour de 3°C en 2100. En France métropolitaine, le réchauffement climatique est plus intense que la moyenne mondiale, et pourrait tendre vers 4°C sans mesures additionnelles.
Avant 2019, les objectifs programmatiques de la France en matière d’énergie étaient déterminés exclusivement par la Programmation pluriannuelle de l’énergie, fixée par décret. La loi relative à l’énergie et au climat a inscrit dans le code de l’environnement l’obligation de se doter d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) fixant les grands objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et de la stratégie nationale bas‑carbone (SNBC), avant le 1er juillet 2023 ; puis tous les cinq ans.
Le calendrier de juillet 2023 n’a pas été tenu. Le Gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises à inscrire un projet de loi, sans jamais concrétiser cette promesse. Alors que l’Europe s’est fixé l’objectif d’accélérer la baisse de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, la France doit à son tour revoir ses objectifs sur l’énergie et le climat dans le cadre de sa planification écologique.
L’exécutif tarde à présenter un projet de loi en la matière. À deux reprises, le Parlement a été saisi de lois relatives à l’énergie (la loi d’accélération du nucléaire et celle sur les énergies renouvelables), sans jamais pouvoir débattre des équilibres de notre mix énergétique.
Pire, au cours des débats sur la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, le Sénat – avec l’appui du Gouvernement – avait supprimé les objectifs programmatiques sur le nucléaire présents dans le code de l’environnement afin d’ôter tout plafond de production. Ce faisant, il s’est laissé les mains libres pour se passer de révision législative de notre programmation énergétique. À l’époque, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) s’était opposé à cette méthode.
Le jeudi 11 avril 2024, le ministre de l’industrie et de l’énergie a finalement annoncé, comme notre groupe parlementaire le redoutait, que le Gouvernement renonçait à présenter une loi de programmation de l’énergie et du climat.
Or la stabilité de la décision politique est nécessaire pour guider les décisions d’investissement, préserver à l’avenir notre sécurité d’approvisionnement et lutter contre le dérèglement climatique. En décidant d’adopter la nouvelle feuille de route énergétique de la France par voie réglementaire, et non par voie législative, le Gouvernement prend une décision lourde de conséquence, tout en bafouant la démocratie.
Les auteurs de ce texte considèrent nécessaires d’instaurer de nouveaux objectifs de programmation afin de garantir un mix énergétique équilibré, reposant aussi bien sur le nucléaire que sur les énergies renouvelables.
À l’occasion de sa niche parlementaire, le groupe écologiste de l’Assemblée nationale avait inscrit un premier texte portant cette ambition. Celui‑ci avait été examiné en commission des affaires économiques, partiellement réécrit et adopté.
L’article unique de cette proposition de loi propose de reprendre la majorité des dispositions du texte adopté par la commission des affaires économiques, en y apportant quelques modifications :
– la suppression du délai supplémentaire octroyé au Gouvernement pour présenter sa loi de programmation ;
– l’ajout d’un objectif de réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre, afin d’inciter à la préservation de la biodiversité ;
– l’ajout d’un objectif relatif aux énergies renouvelables visant à les porter à 44 % de notre consommation finale brute. Pour rappel, la directive sur les énergies renouvelables dispose que l’Union européenne doit atteindre solidairement 42,5 % de renouvelables dans sa consommation finale d’énergie brute en 2030 – et tendre vers 45 %. Dans ce cadre, la France doit atteindre plus de 44 % de renouvelables dans sa consommation finale d’énergie brute, suivant une répartition des efforts en fonction des capacités de chaque État membre ;
– le maintien pour les énergies renouvelables d’un objectif de 120 GW installés, pour répondre à la croissance de la demande électrique.
– 1 –
proposition de loi
Article unique
Le titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 100‑1 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Contribue au respect des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en cohérence avec l’effort mondial exigé par l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 qui vise à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5° C. » ;
2° Le I de l’article L. 100‑4 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du 1°, les mots : « de 40 % » sont remplacés par les mots : « d’au moins 50 %, hors émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie, afin de réduire d’au moins 55 % les émissions nettes de gaz à effet de serre » ;
b) À la fin de la première phrase du 2°, les mots : « et de 20 % en 2030 » sont remplacés par les mots : « , d’au moins 30 % en 2030 et de 40 % en 2040 » ;
c) Le 3° est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « de 40 % » sont remplacés par les mots : « d’environ 45 % » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La trajectoire de réduction pour chaque énergie fossile est précisée par la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141‑1 ; »
d) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° De porter la part des énergies décarbonées à au moins 58 % de la consommation finale d’énergie en 2030. À cette date, sur le périmètre de la métropole continentale, pour parvenir à cet objectif, la production d’électricité décarbonée doit atteindre au moins 560 terawattheures. » ;
e) Après le 4°, il est inséré un 4° bis A ainsi rédigé :
« 4° bis A De porter la part des énergies renouvelables à 44 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030, avec l’objectif qu’au moins 120 gigawatts supplémentaires soient mis en service d’ici 2030 et entre 160 et 190 gigawatts en 2035 ; ».
f) Après le 4° bis, il est inséré un 4° ter A ainsi rédigé :
« 4° ter A De développer la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie cinétique des courants marins avec pour objectif d’atteindre une capacité installée d’un gigawatt d’ici à 2030 et de 5 gigawatts d’ici à 2040. » ;
g) À la fin du 4° ter, les mots : « progressivement le rythme d’attribution des capacités installées de production à l’issue de procédures de mise en concurrence à au moins 1 gigawatt par an d’ici à 2024 » sont remplacés par les mots : « le volume total des capacités de production attribuées à l’issue de procédures de mise en concurrence à au moins 26 gigawatts d’ici à 2034 et d’atteindre une capacité d’au moins 18 gigawatts mise en service en 2035 ; »
h) Le 5° est ainsi rétabli :
« 5° De maintenir en fonctionnement les installations de production d’électricité d’origine nucléaire, sous réserve des dispositions relatives à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593‑1 du code de l’environnement, et de construire de nouveaux réacteurs nucléaires, avec l’objectif qu’au moins 10 gigawatts électriques de nouvelles capacités soient engagées d’ici 2026 ; »
i) Après le même 5°, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis D’assurer la disponibilité d’installations permettant le retraitement et la valorisation des combustibles usés, en veillant à favoriser la gestion durable des substances radioactives, la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise des coûts
j) Le 7° est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En matière d’efficacité énergétique et de sobriété, atteindre, par le dispositif prévu à l’article L. 221‑1, des niveaux d’économies d’énergie compatibles avec les trajectoires minimales et maximales suivantes :
(en térawattheures cumulés d’obligations d’économies d’énergie annuelle) |
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Année |
2026‑2030 |
2031‑2035 |
Minimum |
1 250 |
1 250 |
Maximum |
2 500 |
2 500 |
k) Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° De parvenir dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à un mix de production d’électricité composé à 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 et à l’autonomie énergétique en 2050 ; »
l) Le 11° est ainsi rédigé :
« 11° De développer une capacité de production d’hydrogène décarboné par électrolyse de 6,5 gigawatts en 2030. » ;
3° Le I bis du même article L. 100‑4 est ainsi rédigé :
« I bis. – En matière d’électricité, la programmation énergétique conforte le choix durable du recours à l’énergie nucléaire en tant que scénario d’approvisionnement compétitif et décarboné. Pour la production électronucléaire, sous réserve des dispositions relatives à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593‑1 du code de l’environnement, elle vise à maintenir une puissance installée d’au moins 63 gigawatts. »