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N° 2576
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à endiguer le travail illégal en luttant contre l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Victor CATTEAU, M. Franck ALLISIO, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Pierrick BERTELOOT, M. Emmanuel BLAIRY, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Jérôme BUISSON, M. Frédéric CABROLIER, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Frédéric FALCON, M. Grégoire DE FOURNAS, M. Thibaut FRANÇOIS, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, M. Christian GIRARD, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Daniel GRENON, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, M. Timothée HOUSSIN, M. Laurent JACOBELLI, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexis JOLLY, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, Mme Christine LOIR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, M. Matthieu MARCHIO, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Michaël TAVERNE, M. Antoine VILLEDIEU,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le travail illégal constitue un fléau qui affecte les entreprises, les travailleurs, mais également l’ensemble de notre société, et, en l’absence d’actions concrètes menées par le Gouvernement pour enrayer et éliminer cette tendance, il est de la responsabilité du législateur de proposer des solutions à cette problématique.
Le travail illégal peut être défini, selon les termes de l’article L. 8211‑1 du code du travail, comme étant constitué de six infractions différentes : le travail dissimulé, le marchandage, le prêt illicite de main d’œuvre, l’emploi d’étranger non autorisé à travailler, les cumuls irréguliers d’emplois, et la fraude ou fausse déclaration prévues aux articles L. 5124‑1 et L. 5429‑1 du même code.
L’emploi d’un étranger non autorisé à travailler constitue ainsi une composante importante du travail illégal dans notre pays dans la mesure où cette infraction représente la deuxième infraction de travail illégal la plus relevée en France en 2019 et 2020 ([1]). Cette infraction est d’autant plus problématique qu’elle génère de multiples préjudices sur le plan social et économique.
Sur le plan social, cette infraction crée en effet un risque non négligeable pour les étrangers en question dans la mesure où elle porte atteinte aux conditions et aux droits de ces derniers en les privant de la protection permise par les différentes mesures du code du travail. De plus, l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler prive l’État de cotisations sociales et d’impôts importants, ce qui a des conséquences directes sur le fonctionnement de notre modèle social. Par ailleurs, cette infraction encourage également l’immigration illégale vers la France dans la mesure où la perspective d’occuper un emploi, même en situation d’illégalité et malgré les risques encourus, constitue un vecteur d’attractivité de notre pays pour les personnes en situation irrégulière. C’est pourquoi la lutte contre l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler sur notre territoire constitue une composante essentielle de la lutte contre l’immigration illégale dans notre pays.
Sur le plan économique, cette infraction participe tout d’abord à créer un environnement de concurrence déloyale entre les entreprises qui commettent cette infraction et celles qui respectent la loi. L’emploi d’étrangers en situation irrégulière offre un avantage concurrentiel significatif aux entreprises qui ne se conforment pas aux normes légales, car elles ne sont pas soumises aux mêmes obligations que celles inscrites dans le code du travail, notamment en termes de protection et de rémunération des travailleurs. Cette situation entraîne une concurrence déloyale avec les entreprises qui agissent conformément à la loi. De plus, cette infraction aggrave également les problèmes dans les secteurs en tension. Les entreprises respectant la loi, ne pouvant faire face à la concurrence imposée par celles ayant recours à des étrangers en situation irrégulière, vont en effet être contraintes de réduire les salaires de leurs employés pour rester compétitives. Ces baisses de rémunération vont alors nuire à l’attractivité de ces secteurs, renforçant ainsi la difficulté à recruter et encourageant le recours à une main d’œuvre illégale, créant ainsi une spirale.
Si l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler peut souvent apparaître comme étant une solution aux secteurs professionnels qui rencontrent des difficultés à recruter, cette infraction constitue en réalité un engrenage qui contribue directement à ces difficultés et qui entraîne des conséquences non négligeables sur les plans social et économique. C’est pourquoi il est nécessaire de prendre des mesures visant à endiguer ce phénomène.
Pourtant, plusieurs rapports et témoignages indiquent que les moyens dont dispose notre pays pour lutter contre ce type d’infraction sont soit insuffisants, soit inefficaces. C’est notamment le cas de notre arsenal législatif qui est par exemple qualifié « d’insuffisant pour garantir le respect total des interdictions frappant l’emploi d’étranger non autorisé à travailler » par l’étude d’impact du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration du 1er février 2023. De même, l’avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2023 par le député M. Pierre Dharréville le 19 octobre 2022, pointe directement le manque de financement suffisant dont bénéficie l’inspection du travail alors même que c’est elle qui se trouve en première ligne dans la lutte contre le travail illégal : « Nous regrettons également l’absence de fléchage de crédits vers la lutte contre le travail illégal qu’assure une inspection du travail en crise faute d’effectifs et de moyens suffisants ».
C’est pourquoi cette proposition de loi souhaite mettre en place des mesures destinées à renforcer les sanctions appliquées aux employeurs coupables de recourir à l’emploi d’étrangers en situation irrégulière, et de soulager la charge des inspecteurs du travail. Il apparaît en effet que l’inspection du travail se trouve aujourd’hui sous dotée, tant en termes de moyens financiers qu’en effectifs, pour remplir efficacement sa mission de contrôle du travail illégal dans notre pays. C’est pourquoi il est également demandé au Gouvernement d’engager des travaux pour entamer une réforme de ce service le plus rapidement possible.
L’article premier propose ainsi de renforcer les peines appliquées aux employeurs reconnus coupables de l’infraction de l’emploi d’étranger non autorisé à travailler, et à ceux qui recourent sciemment aux services de tels employeurs, en portant la durée d’emprisonnement de cinq ans à dix ans, et en portant l’amende financière de 30 000 euros à 50 000 euros. Cet article envisage également de renforcer la peine infligée aux personnes coupables de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir, faire obtenir ou tenter de faire obtenir à un étranger un titre autorisant à travailler. Enfin, cet article prévoit le remboursement, par l’employeur reconnu coupable de cette infraction, de l’ensemble des charges fiscales et sociales non perçues par l’administration fiscale et les organismes de la sécurité sociale.
L’article 2 vise quant à lui à renforcer le dispositif de contrôle du travail illégal en donnant la possibilité aux aviseurs fiscaux de transmettre aux autorités compétentes en la matière, toute information susceptible d’inculper un employeur pour emploi d’étranger non autorisé à travailler. Les aviseurs fiscaux constituent en effet un recours efficace pour lutter contre la fraude fiscale internationale et la fraude à la TVA, comme le confirme le rapport d’information sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information relative aux aviseurs fiscaux, présenté le 22 septembre 2021 par la députée Mme Christine Pires Beaune.
L’article 3 sollicite un rapport au Gouvernement relatif aux mesures à prendre pour engager une réforme de l’inspection du travail. Considérant que l’inspection du travail fait aujourd’hui face à plusieurs dysfonctionnements qui l’empêchent d’accomplir l’ensemble de ses missions du fait de multiples problématiques, le Parlement se doit d’inciter le Gouvernement à prendre, dans les plus brefs délais, des mesures destinées à réformer ce service. Cette réforme devra notamment aborder la question de la rémunération des inspecteurs du travail, leurs conditions de travail, leur formation et l’attractivité de ce secteur sur le marché de l’emploi.
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proposition de loi
Article 1er
Le chapitre VI du titre V du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 8256‑1 est ainsi modifié :
a) les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;
b) à la fin, le montant : « 3 000 euros » est remplacé par le montant : « 6 000 euros ».
2° Le premier alinéa de l’article L. 8256‑2 est ainsi modifié :
a) le chiffre : « cinq » est remplacé par le nombre : « dix » ;
b) à la fin, le montant : « 30 000 euros » est remplacé par le montant : « 50 000 euros ».
3° Après l’article L. 8256‑2, il est inséré un article L. 8256‑2‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8256‑2‑1. – Les employeurs reconnus coupables des infractions prévues à l’article L. 8256‑2 sont tenus au paiement des charges fiscales et sociales dont ils auraient été redevables si la personne employée avait été en situation régulière. ».
Article 2
Après le 2° de l’article L. 10‑0 AC du livre des procédures fiscales, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° D’un manquement aux règles fixées aux articles L. 8256‑1 et L. 8256‑2 du code du travail. »
Article 3
Au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à évaluer les mesures à prendre afin de mener une réforme complète du service public de l’inspection du travail.
([1]) Étude d’impact du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, 1er février 2023