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N° 506
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2022
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),
présentée par Mesdames et Messieurs
Thomas PORTES, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Manuel BOMPARD, Mickaël BOULOUX, Idir BOUMERTIT, Soumya BOUROUAHA, Louis BOYARD, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Inaki ECHANIZ, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Elsa FAUCILLON, Olivier FAURE, Sylvie FERRER, Emmanuel FERNANDES, Perceval GAILLARD, Marie-Charlotte GARIN, Guillaume GAROT, Raquel GARRIDO, Jérôme GUEDJ, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Johnny HAJJAR, Chantal JOURDAN, Hubert JULIEN‑LAFERRIÈRE, Marietta KARAMANLI, Rachel KEKE, Fatiha KELOUA HACHI, Andy KERBRAT, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Élise LEBOUCHER, Arnaud LE GALL, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Gérard LESEUL Benjamin LUCAS, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Philippe NAILLET, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Bertrand PETIT, Anna PIC, François PIQUEMAL, Christine PIRES BEAUNE, Marie POCHON, Dominique POTIER, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Valérie RABAULT, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, Claudia ROUAUX, Sandrine ROUSSEAU, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Nicolas SANSU, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Aurélien TACHÉ, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, Mélanie THOMIN, Aurélie TROUVÉ, Cécile UNTERMAIER, Boris VALLAUD, Paul VANNIER, Roger VICOT, Léo WALTER,
Député.e.s.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis maintenant plusieurs mois, nous assistons à une offensive réactionnaire et raciste particulièrement inquiétante en Europe avec l’arrivée de gouvernements d’extrême droite en Italie, Hongrie, Pologne. En France, cette offensive raciste a pour corollaire l’apparition de multiples groupuscules d’extrême droite, identitaires et néonazis.
Profitant de ce climat de haine, où les propos racistes raisonnent au cœur même de l’Assemblée nationale, ces groupuscules mènent des actions violentes en toute impunité comme l’ont montré les récentes manifestations suite à l’assassinat de la jeune Lola.
Face à la menace que représentent ces groupuscules, l’État doit prendre des mesures radicales afin de stopper tant leur développement que les violences inhérentes à leur constitution.
Le 19 mars 2021, quarante‑huit individus ont attaqué la librairie anarchiste La Plume Noire à Lyon, certains individus identifiés comme des membres de Génération Identitaire ayant fait des saluts nazis lors de l’attaque.
Le 24 septembre 2021, cinq néonazis membres du groupe Honneur et Nation, soupçonnés d’avoir voulu préparer un attentat, sont mis en examen pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle".
Le 28 septembre 2021, un homme a été arrêté au Havre alors qu’il projetait un attentat contre une mosquée et contre son ancien lycée. Dans sa chambre, des cahiers noircis d’encre intitulés "Mein Kampf" faisait état de ses projets.
Le 5 octobre 2021, quatre hommes soupçonnés d’avoir envisagé des attaques contre un ministère, des centres de vaccination et des antennes‑relais, ont été interpellés par la DGSI.
Les suspects, âgés de 43 à 69 ans, ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur le groupuscule néonazi « Honneur et Nation », dont le but était d’attaquer une loge maçonnique.
Le 12 novembre 2021, un employé municipal de la ville de Montauban a été interpellé et mis en examen, dans le cadre d’une enquête préliminaire du Parquet national antiterroriste pour « provocation à un acte de terrorisme, apologie, détention d’armes de guerre et de substances explosives en relation avec une entreprise terroriste et acquisition d’armes de catégorie C sans les avoir déclarées ». Il appartient à la mouvance radicale de l’ultradroite « Survivaliste ».
Le 23 novembre 2021, douze hommes et une femme, âgés de 21 à 52 ans ont été interpellés et placés en garde à vue à divers endroits de France. Ils sont membres d’un groupe d’ultradroite baptisé « Recolonisation ». 110 militaires et anciens militaires constituent cette organisation armée dont l’idéologie est identitaire, raciste et violente.
Le 5 décembre 2021 lors du meeting du candidat à la présidentielle Éric Zemmour, des membres du groupuscule « Les zouaves » ont agressé des militants de SOS‑Racisme qui avaient exhibé des tee‑shirts portant l’inscription « Non au racisme ». Quelques semaines après, le 6 décembre à Toulon, c’est un salut nazi qui sera réalisé en plein meeting d’Éric Zemmour.
Le 15 février 2022 à Albi, un militant communiste est tabassé par des membres du groupe identitaire « Patria Albiges », ce qui représente la cinquième agression en quelques mois dans la préfecture tarnaise.
Le 25 février 2022, une vingtaine d’hommes identifiés comme membres du groupe d’extrême‑droite « Strasbourg Offenders » ont attaqué des militants qui organisaient une table ronde à la Maison des syndicats de Strasbourg.
Le 19 mars 2022, Federico Martin Aramburú, ex‑international de rugby argentin, a été assassiné par balles à Paris par Loïk Le Priol, ancien militant du GUD, avec la complicité de Romain Bouvier militant d’extrême droite, tous deux ayant déjà été condamnés pour des faits de violence et de torture.
Le 1er mai 2022, un drapeau frappé d’une croix celtique faisant référence au GUD a été déployé en plein match à Lorient par le groupe de hooligans « MesOs » qui multiplient les incidents hors des stades et affichent leur idéologie néonazie. Quelques mois auparavant, c’est un supporter de Nice qui avait effectué un salut nazi en plein match face à Marseille.
Le 16 mai 2022, deux membres des « Pitbull Paris », groupe de hooligans supporters du PSG crée par Serge Ayoub, réputé pour ses slogans xénophobes et pronazi, ont attaqué à Paris un bar au motif qu’il était « blasphématoire et obscène ».
Le 16 mai 2022, un quinquagénaire, connu pour sa proximité avec des thèses d’extrême droite et d’opposition à la politique sanitaire, a été mis en examen pour meurtre, soupçonné d’avoir tué par balle un jeune homme après une rixe à Paris.
Le 9 juin 2022 dans les rues de Lyon, Adrien Lasalle, un cadre de Génération identitaire, a tailladé au couteau deux hommes.
Le 23 août 2022 à Besançon, un journaliste a été agressé par des militants d’extrême‑droite. Quelques jours après, des militants d’extrême‑droite appartenant au groupuscule « Vandal Besak » ont déambulé dans les rues de la ville avec dans ce cortège sauvage : musiques militaires allemandes, slogans nationaux‑socialistes, saluts hitlériens, banderoles, fumigènes et autocollants.
Le 8 octobre 2022, des militants du groupuscule royaliste Action Française se sont introduits dans le jardin de la mairie de Stains en Seine‑Saint‑Denis, munis de mégaphones, de fumigènes et de pétards, en proférant des propos à caractère raciste et violent tels que « La France est à nous », « vous salissez la France », « vous n’êtes pas intégrés à notre image ».
Le 14 octobre 2022, des membres du « collectif 69 Palestine » se sont faits agresser en marge d’un rassemblement qu’ils avaient organisé dans le Vieux‑Lyon par de militants d’extrême‑droite qui ont revendiqué l’action sur les réseaux sociaux.
Du 20 au 22 octobre 2022 à Paris, Lyon, Rennes, Saint‑Étienne et Metz, des manifestations ont eu lieu suite à l’assassinat de Lola en présence de différents groupuscules d’extrême‑droite criant des slogans comme « L’immigration tue », « Immigrés assassins ». À Strasbourg, un journaliste de Rue 89 a été menacé par des membres de « Strasbourg offender », un groupuscule de hooligans néonazi et violent.
Enfin le 1er novembre 2022, en marge d’un hommage à deux militants du parti néonazi grec « Aube dorée », considéré comme « organisation criminelle » par la justice grecque, une trentaine de personnes cagoulées ont annoncé la réactivation du GUD, organisation étudiante française d’extrême droite réputée pour ses actions violentes.
Partout sur le territoire, des groupuscules se créent et multiplient les actions violentes, l’incitation à la haine raciale, antisémite, homophobe et sexiste. Face à cette réalité, l’État doit prendre ses responsabilités et agir. En 2019, à la demande du groupe parlementaire de la France Insoumise, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale « sur la lutte contre les groupuscules d’extrême‑droite en France » a été créée. Si nous saluons ce travail, nous jugeons qu’il doit être amplifié au regard de l’évolution de la situation.
Depuis la dissolution de Génération identitaire en mai 2021, nous constatons une recrudescence des agressions violentes avec armes et la multiplication de projets d’attentats de groupuscules d’extrême‑droite ou d’individus se référant à cette idéologie.
En parallèle, nous assistons à une nouvelle tendance qui consiste pour ces organisations à donner des cours qualifiés « d’auto‑défense » mais qui en réalité s’apparentent à des formations paramilitaires.
Afin de faire un nouvel état des lieux précis de la situation dans notre pays sur l’organisation des groupuscules d’extrême‑droite et pour travailler à la création d’outils permettant de lutter efficacement contre ces groupuscules et les menaces perpétrées à l’encontre de nos institutions et des citoyens, nous demandons la création d’une commission d’enquête parlementaire.
La multiplication des agressions, la création ou la réactivation de groupuscules d’extrême‑droite, mais aussi la diffusion de plus en plus massive des idées racistes, antisémites, sexistes et homophobes dans la société sont autant de facteurs qui rendent indispensable la création de cette commission d’enquête.
Si la dissolution des groupuscules extrémistes est utile en ce qu’elle permet de tarir une partie de leurs finances et de compliquer leur fonctionnement, elle n’est en rien une solution magique pour endiguer ce phénomène.
De nombreux députés présents au sein de l’Assemblée nationale ont déjà eu à subir les menaces, les insultes voire les violences de ces groupuscules d’extrême‑droite.
Avec cette commission d’enquête, nous souhaitons trouver des moyens utiles d’y faire face tout en renforçant la surveillance de ces groupuscules avant que de nouveaux drames ne se produisent. Nous profitons de cette demande de commission d’enquête pour rappeler que le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie que prônent ces organisations ne sont pas des opinions, ce sont des délits.
Il est de la responsabilité de l’État de lutter contre ces groupuscules qui prolifèrent, répandent partout la haine des autres, la violence, qui foulent au pied les valeurs de notre République et qui méprisent les règles de la démocratie. L’inaction relèverait de l’inconscience ou constituerait une acceptation, voire un encouragement de ces actes violents et du refus des règles démocratiques.
Aussi, nous demandons la création d’une commission d’enquête dans l’objectif de lancer rapidement les travaux nécessaires à l’étude de ce danger qui pèse chaque jour sur la sécurité des citoyennes et citoyens de notre société.
proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée de faire un état des lieux sur l’ampleur du caractère délictuel et criminel des pratiques des groupuscules d’extrême droite, ainsi que d’émettre des propositions, notamment relatives à la création d’outils visant à lutter plus efficacement contre les menaces perpétrées à l’encontre de nos institutions et de leurs agents, ainsi qu’à l’égard des citoyennes et des citoyens.