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N° 941

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

relative à la reconnaissance du massacre des Algériens
du 17 octobre 1961 à Paris et à la commémoration pour
la mémoire des victimes,

présentée par

Mme Sabrina SEBAIHI,

députée.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 17 octobre 1961, plusieurs milliers d’Algériens (ils sont français à l’époque) manifestent pacifiquement, à Paris, contre le couvre-feu discriminatoire dont ils font l’objet. En effet, seuls les « français musulmans d’Algérie », tels que nommés à l’époque, y sont soumis. Dans une violence extrême, la répression menée à leur encontre, conduit à l’arrestation de milliers de manifestants, cause la mort de centaines de personnes et provoque des milliers de blessés. En l’absence de données officielles, encore classifiées et ou dissimulées après les faits, il est impossible de dresser un bilan exact des exactions commises.

Cet épisode n’est pas un événement isolé de la guerre d’Algérie. Il est considéré comme l’apogée d’une politique discriminatoire et coloniale, rendue possible par le Préfet de police de Paris, Maurice Papon. Pour autant, la chaîne de responsabilité s’inscrit bien en amont du seul préfet de police, depuis l’administration centrale du ministère de l’intérieur jusqu’au Président de la République lui-même.

Les mois et années qui suivent ne permettent pas la reconnaissance des témoignages, pourtant recueillis par bon nombre d’écrivains, journalistes, et historiens, qui se voient imposer la censure. Il faut attendre le début des années 1990, soit 30 ans après les faits, pour que la réalité soit librement exprimée.

Dès lors, la reconnaissance de la responsabilité de notre pays progresse. Elle est initiée en octobre 2012 par le Président François Hollande qui déclare « La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes ». Ces propos sont complétés par un communiqué du Président Macron en octobre 2021, reconnaissant que : « les crimes commis [le 17 octobre 1961] sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République. »

En parallèle, plusieurs initiatives parlementaires émergent. Celle de la sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat, permet l’adoption par le Sénat, en octobre 2012, d’une proposition de résolution tendant à demander à la France la reconnaissance du massacre, et qu’un lieu du souvenir à la mémoire des victimes soit érigé. Une autre proposition de loi émanant du sénateur Rachid Témal est examinée en octobre 2021 au Sénat. Réclamant la reconnaissance de la responsabilité de notre pays ainsi que l’intégration du 17 octobre dans la liste des commémorations officielles, le texte n’est finalement pas adopté.

Cette proposition de résolution vise à inviter le gouvernement à reconnaître la responsabilité des autorités de l’époque dans le massacre des manifestants algériens du 17 octobre 1961.

Elle vise également à ce que la date du 17 octobre soit inscrite comme journée nationale de commémoration, distincte de la date déjà convenue pour réunir l’ensemble des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. Sans concurrence des mémoires, il s’agit de distinguer ce qui relève de la commémoration générale, de la nécessaire reconnaissance d’un événement spécifique.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 341 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Rappelant que le 17 octobre 1961, des milliers de travailleurs algériens et leurs familles manifestèrent pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire que la préfecture de Paris avait imposé aux Français musulmans d’Algérie ;

Rappelant que la répression, d’une violence extrême, a fait de nombreuses victimes, dont le nombre exact est aujourd’hui encore inconnu ;

Rappelant la censure exercée par les pouvoirs publics sur cette tragédie et l’accès encore aujourd’hui limité aux Archives nationales ;

Estimant nécessaire le rapprochement entre le peuple algérien et le peuple français dans un esprit de fraternité, soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie ;

Invite en conséquence le Gouvernement à reconnaître la responsabilité de la République française dans les massacres du 17 octobre 1961, et à inscrire cette date dans le calendrier des commémorations officielles ;

Invite en outre à ce que soit créé un lieu du souvenir à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961 ;

Invite enfin à ce que l’accès libre aux archives relatives à ce crime d’État soit assuré pour tous les citoyens.