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N° 1097

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 14 avril 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à création d’une commission d’enquête sur l’attribution et l’utilisation des financements publics attribués par le Ministère chargé de la citoyenneté,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Aurélien SAINTOUL, Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Élise LEBOUCHER, Arnaud LE GALL, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean‑Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député‑e‑s.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 29 mars 2023, le journal Marianne et France 2 publiaient une enquête sur l’utilisation d’un fonds gouvernemental lancé en 2021 à l’initiative de la ministre déléguée chargée de la citoyenneté de l’époque, placée auprès du ministre de l’intérieur. Ce fonds, dénommé « Marianne », avait été lancé après l’assassinat d’un professeur d’histoire dans les Yvelines. Il devait permettre de » promouvoir les valeurs républicaines et combattre les discours séparatistes » auprès des plus jeunes.

Depuis son lancement début 2021, aucune réalisation concrète ne semblait avoir été financée. Aucune nouvelle des plus de 2 millions d’euros versés aux associations.

La presse nous apprend finalement comment ces financements publics ont été utilisés.

L’association ayant perçu la subvention la plus importante est l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM). L’un de ses dirigeants aurait reçu un salaire de 120 000 euros pour des missions à l’intitulé flou, alors même que la réalité du travail de l’association n’a toujours pas pu être établie.

De son côté, Mediapart a publié une nouvelle enquête qui se penche cette fois‑ci sur l’association ayant reçu la deuxième plus grosse subvention : « Reconstruire le commun ». Créée de toute pièce quelques semaines avant l’appel d’offres du ministère, elle a principalement publié des vidéos de polémique politique en pleine campagne présidentielle. Les vidéos relaient des faux concepts tels que « islamogauchisme » et « wokisme » issus notamment des théoriciens et publicistes de l’extrême droite et élaborés pour discréditer la gauche. Lors des élections législatives, les vidéos reviennent cette fois‑ci sur l’idée d’une séparation entre le camp de la « raison », représenté par le parti présidentiel, et les « extrêmes ».

Or, comme le rappelle Mediapart, « utiliser des moyens publics pour influencer le résultat d’un scrutin est, en théorie, rigoureusement interdit. »

Depuis l’été 2022, l’association ne touche plus de subventions et se retrouve à l’arrêt alors même que le cahier des charges du fonds Marianne précisait qu’une attention particulière serait prêtée à la « pérennité de l’action » des associations candidates.

Il apparait ainsi que ces associations auraient utilisé des fonds governementaux pour faire de la propagande en faveur du parti présidentiel. Autrement dit, le gouvernement aurait instrumentalisé la mort d’un professeur dans un attentat terroriste pour financer des campagnes contre ses adversaires.

Ces dernières révélations s’inscrivent dans un contexte plus large de détournement de fonds publics dans la lutte contre la radicalisation et la promotion des « valeurs républicaines ».

En effet, en 2017 déjà, un rapport d’information du Sénat sur le désendoctrinement, le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes en France et en Europe, soulignait que :

« La politique de prévention de la radicalisation fait intervenir, à l’initiative des pouvoirs publics, des acteurs associatifs. En février 2017, vos rapporteures relevaient que l’expérience de ces acteurs en matière de prévention et de traitement de la radicalisation n’était pas toujours, ou pas encore, avérée. […] Depuis le bilan d’étape dressé par vos rapporteures, quelques responsables d’associations subventionnées par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) ont eu maille à partir avec la justice. »

Le rapport poursuit en dénoncant le phénomène suivant :

« Le recours dans l’urgence à des associations disponibles pour satisfaire une demande nouvelle des pouvoirs publics a pu conduire à des effets d’aubaine financière, ce que plusieurs personnes entendues par vos rapporteures ont résumé sous les termes de “gouffre à subventions” ou de « business de la déradicalisation ». »

Mediapart décrit en détail comment ce « business de la déradicalisation » a participé à financer la nébuleuse du Printemps Républicain, proche d’un ancien Premier ministre, en exercice de 2014 à 2016. Cette même nébuleuse avait fait de la suppression de l’Observatoire de la laïcité, un objectif politique clair.

Comment se fait‑il qu’aux dires de l’un des dirigeants de l’USEPPM, « Entre juin 2021 et janvier 2023, aucune remarque n’a été formulée par aucune institution publique ni sur le fond ni sur la forme du travail accompli par l’USEPPM […] » ? Comment se fait‑il que ces associations n’aient pas été contrôlées par le Ministère et qu’elles n’aient eu aucun compte à rendre ? Alors même qu’un rapport sénatorial pointait déjà du doigt les dérives des associations subventionnées par le CIPDR depuis les attentats de 2015 ? Comment se fait‑il qu’aucune leçon n’ait été tirée des affaires précédentes ? Comment le gouvernement peut‑il justifier de financer ce qui s’apparente vraisemblablement à des emplois fictifs qui mène à l’enrichissement personnel des personnes concernées ? L’USEPPM peut‑elle continuer à être reconnue d’utilité publique ?

L’usage abusif de fonds ministériels avait déjà été révélé il y a deux ans lorsqu’une enquête pour « détournement de fonds publics » avait été ouverte contre le faux syndicat Avenir Lycéen, accusé d’être téléguidé par le ministre de l’éducation nationale de l’époque pour soutenir ses réformes.

Cette commission d’enquête doit permettre de mieux évaluer l’ampleur du problème et faire toute la lumière sur les objectifs politiques cachés du Fonds Marianne et des financements publics de cette sorte attribués notamment par le ministère chargé de la citoyenneté.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée de faire toute la lumière sur l’attribution et l’utilisation des financements publics attribués notamment par le Ministère chargé de la citoyenneté au fonds Marianne et aux fonds semblables.