N° 1190
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2023.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à assurer les soins, l’attention et la dignité des personnes âgées, dépendantes et en situation de handicap,
présentée par Mesdames et Messieurs
Stéphane VIRY, Justine GRUET, Christelle D’INTORNI, Josiane CORNELOUP, Véronique LOUWAGIE, Émilie BONNIVARD, Pierre VATIN, Frédérique MEUNIER, Alexandra MARTIN, Éric PAUGET, Thibault BAZIN, Francis DUBOIS, Patrick HETZEL, Jean-Luc BOURGEAUX, Julien DIVE, Yannick NEUDER, Nicolas FORISSIER, Ian BOUCARD, Emmanuel MAQUET, Michel HERBILLON, Dino CINIERI, Philippe JUVIN, Isabelle VALENTIN,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La sécurisation des prises en charges sociales et médico‑sociales, et le renforcement de la gestion des risques sont des attentes fortes de la part des aînés, de leurs familles, des professionnels du secteur et plus généralement de la société.
Dès lors, les notions d’évaluation, de qualité et de sécurité ont été renforcées, notamment grâce à la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico‑sociale, qui a placé le respect du droit des personnes et des libertés individuelles au cœur de la prise en charge.
Plusieurs instruments permettant de garantir leur effectivité ont émergé de cette loi, via notamment la mise en place du projet d’établissement, du livret d’accueil ou encore du règlement de fonctionnement.
L’ensemble de ces outils ont contribué et contribuent à la prévention des risques de maltraitance au quotidien.
Toutefois, les récents scandales ainsi que l’enquête Crédoc relative à la perception de la maltraitance par les Français démontrent d’une part certains dysfonctionnements majeurs et d’autre part des craintes partagées par une grande majorité de l’opinion publique.
Selon ladite enquête, 7 Français sur 10 se montrent inquiets des risques de maltraitance pour eux‑mêmes ou pour leurs proches. Et plus précisément, 72 % des personnes en situation de handicap ou en prise à une maladie chronique sont inquiètes des risques de maltraitance pour elles ou leurs proches. Ces inquiétudes, outre qu’elles sont partagées, se révèlent plus importantes chez les personnes en situation de vulnérabilités.
D’un point de vue sociétal, chaque citoyen est incité à lutter contre toute forme de maltraitance. Juridiquement, la loi la retranscrit en imposant à tout citoyen de ne pas se taire et d’agir face à des situations de maltraitance. Le secteur de l’autonomie et de la dépendance a également un devoir de veille et de vigilance, via notamment le signalement des évènements indésirables à leurs autorités.
Dans le droit français, on peut distinguer différents types de maltraitances :
– les maltraitances psychologiques : elles se traduisent par une dévalorisation de la personne, des insultes, des menaces, une culpabilisation, des humiliations, du harcèlement… ;
– les maltraitances physiques : coups, mais aussi dans le cas de personnes âgées en perte d’autonomie des soins brutaux, des contentions non justifiées ;
– les maltraitances sexuelles : notamment les viols, les agressions sexuelles, les atteintes sexuelles… ;
– les maltraitances financières et matérielles : vols, fraudes, rackets, procurations abusives, escroqueries… ;
– les maltraitances médicales : un excès ou une privation de médicaments, une privation de soins, une douleur non prise en charge, des abus de sédatifs… ;
– les maltraitances civiques : limitation des contacts avec l’extérieur, mise sous tutelle abusive…
On distingue également les « maltraitances par inadvertance » des « maltraitances intentionnelles ».
– les maltraitances par inadvertance sont des négligences passives sans intention de nuire. Elles surviennent principalement par manque d’information ou de connaissance, de formation, par épuisement… Les auteurs de ces négligences sont maltraitants sans le vouloir et le savoir ;
– les maltraitances intentionnelles sont des négligences actives avec intention de nuire.
La lutte contre la maltraitance, pour être efficience, doit être collective et avec des mesures à la hauteur du respect que la Nation doit à tous les citoyens.
Telle est, Mesdames, Messieurs, la motivation de la présente proposition de résolution.
proposition de rÉsolution
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Considérant que la bientraitance des personnes âgées, dépendantes et handicapées devrait être une réalité, partout et pour tous ;
Considérant que des agissements, de nature à porter atteinte à la dignité et au respect d’individus, parfois vulnérables et/ou fragiles, ont eu lieu ;
Considérant que la législation, la règlementation et la doctrine sur la bientraitance des personnes âgées, dépendantes et handicapées sont encore trop faibles ou lacunaires en France ;
Considérant qu’au regard de l’actualité et de la volonté partagée de tous de voir une société plus respectueuse des personnes âgées, dépendantes et handicapées ;
Invite le Gouvernement à prendre différentes mesures visant à assurer la bientraitance des personnes âgées, dépendantes et handicapées ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse créer un Observatoire national de la maltraitance qui aurait la charge de répertorier tous les faits de violences recensés, qu’ils soient à l’encontre des personnes accompagnées ou à l’encontre des professionnels du secteur. Des rapports et constats pourraient émaner de l’Observatoire pour outiller les institutions ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse mettre en place une instance territoriale de recueil, de traitement et d’évaluation des alertes à l’instar des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) mises en place par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse capitaliser sur les expériences et favoriser une culture de la déclaration en publiant un bilan annuel des évènements indésirables en Établissement ou service social ou médico-social (ESSMS) par territoire. À l’instar du bilan annuel réalisé par la Haute Autorité de Santé (HAS) pour les évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS), il est proposé de publier dans chaque territoire les bilans annuels des évènements indésirables en ESSMS. Ce bilan serait réalisé par l’instance territoriale en charge du recueil, du traitement et de l’évaluation des alertes. Cela permettrait de réaliser des analyses globales et de définir des axes de travail. Une publication par type d’évènement (maltraitance, accident, décès…) permettrait de contribuer à mettre en place une politique globale de lutte contre la maltraitance et de favoriser le partage d’expériences ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse clarifier le processus de déclaration, de recueil et de traitement des alertes sur chaque territoire via la création d’un schéma récapitulatif et d’une procédure précisant les informations nécessaires à une bonne transmission et un bon traitement de la déclaration. En effet, la disparité des informations émises et le manque de transparence actuel affectent la qualité de la prise en compte des déclarations, pouvant engendrer un manque d’efficience dans le traitement de ces situations ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse mettre en place des mesures visant à favoriser l’expression des personnes accompagnées et leur participation à la vie des structures accompagnantes. Cette disposition pourrait s’organiser via la mise en place d’un espace de parole tripartite où bénévoles, salariés et usagers pourraient échanger sur les pratiques des professionnels, amenant à repérer des situations pouvant être problématiques et prévenir de la maltraitance ordinaire, qu’elle soit institutionnelle ou liée à des individus ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse étendre les outils d’accompagnements relatifs à la gestion de la maltraitance et à la promotion de la bientraitance à l’ensemble des structures sociales et médico-sociales. Cela pourrait prendre la forme de guides et de recommandations de bonnes pratiques concernant l’ensemble du secteur et des structures, par type de structure (établissement ou service) et par champ (social ou médico-social), afin de renforcer les connaissances et la professionnalisation de tous les intervenants au sein du secteur ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse étendre l’obligation de sensibilisation et de formation relative à la prévention et la lutte contre la maltraitance à destination de toutes les personnes (direction, encadrant, intervenants et bénévoles) ayant un lien direct ou indirect avec une personne âgée, dépendante ou handicapée. Cette obligation serait intégrée dans le cahier des charges des services d’autonomie. Pour une politique de lutte contre la maltraitance efficace, il est nécessaire de sensibiliser et de former l’ensemble des collaborateurs d’un service ou d’une structure, y compris la direction et les bénévoles, aux repérages de toutes les situations de maltraitance ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse réaliser une campagne nationale de sensibilisation à la maltraitance envers les personnes vulnérables, qu’elles soient âgées, dépendantes et handicapées. Dans le cadre de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, cette campagne nationale viserait à sensibiliser tout citoyen au repérage de situation de maltraitance envers des personnes vulnérables que ce soit en établissement ou au domicile. À l’instar de la campagne gouvernementale « arrêtons les violences » relative aux violences faites aux femmes, divers outils de communication pourraient être développés. Le numéro national d’écoute 3977 doit être recommuniqué ainsi que les autres voies de déclaration ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse lancer, via les instances territoriales de recueil, de traitement et d’évaluation des alertes, une campagne d’information relative à l’obligation de déclaration de tout évènement indésirable auprès des professionnels du territoire ;
Plaide pour que le Gouvernement puisse accorder une compétence obligatoire supplémentaire aux Départements dans la lutte et la prévention de la maltraitance.