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N° 1243

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 mai 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à, tendant à la création d’une commission d’enquête
sur la déstabilisation de l’industrie aéronautique française,

présentée par

Messieurs Hadrien CLOUET, Christophe BEX, François PIQUEMAL et Madame Anne STAMBACHTERRENOIR,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Parce qu’elle est en compétition frontale avec l’avionneur américain Boeing, l’industrie aéronautique française fait l’objet de manœuvres de déstabilisation provenant de forces extérieures qui visent à son affaiblissement. Contribuent à cet affaiblissement les exigences croissantes – et donc complices – des actionnaires du secteur. Ce, sans susciter de réaction énergique d’autorités françaises passives. Une telle situation met en péril le secteur, interdit de planifier sa bifurcation écologique et d’en faire une force d’entraînement pour le reste de l’industrie.

Ces déstabilisations résultent d’une politique hostile délibérée de puissances étrangères, au premier rang desquelles les États-Unis d’Amérique. Ceux-ci poursuivent l’objectif de démanteler les capacités productives aéronautiques françaises, tout en s’appropriant les brevets technologiques. Ils utilisent différentes structures pour cela, à l’instar du fonds Searchlight, dont les dirigeants entretiennent d’étroites relations avec la CIA. Mais des attaques informatiques sont également coordonnées par d’autres États afin de s’accaparer des secrets industriels. Les sous-traitants d’Airbus, plus fragiles que l’entreprise-cliente, sont régulièrement victimes de telles opérations.

Une telle perte de souveraineté est facilitée par la faiblesse des directions d’établissement. Changements frénétiques, successions très rapides à la tête des entreprises et mobilité excessive dans le secteur : la filière fonctionne selon des règles qui déqualifient le personnel de direction et affaiblissent sa connaissance de l’outil productif. Les primes de départ exorbitantes y contribuent largement, tandis que l’intervention des salariés dans les décisions de gestion est inexistante.

Le détournement de l’argent public vers des aventures spéculatives, sous pression des exigences actionnariales, achève de détricoter l’industrie aéronautique. L’exemple de Latécoère, producteur de systèmes d’interconnexion et de macrostructures, sous-traitant de premier rang auprès d’Airbus ou du CNES, en est emblématique : après 55 millions d’euros empruntés en 2017 auprès de la BEI et 220 millions d’euros de PGE, voici que ce fleuron industriel délocalise sa production en Tchéquie et au Mexique. Plus globalement, l’ensemble du secteur a connu un accroissement de la part du résultat net redistribuée aux propriétaires privés, au détriment de l’investissement en capital fixe.

Dans ce contexte, les mécanismes de non-intervention gouvernementale ne cessent d’étonner. Certes, le ministère de l’Air a disparu depuis 1947. Mais la nomination d’actionnaires indépendants circonscrit encore plus vivement la capacité de l’APE à centraliser les informations requises, afin que le gouvernement coordonne son action d’une entreprise à l’autre, et ainsi empêche de peser pour des stratégies à long-terme. Faute de quoi, la participation de l’État apparaît indexée sur la seule rentabilité à court-terme de l’appareil productif. Par ailleurs, le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable habilite le gouvernement à bloquer les OPA menaçantes, mais n’est guère employé – notamment lors des achats effectués par Searchlight. Quant aux prêts garantis par l’État ou les dotations issues de France Relance, ils ne s’accompagnent d’aucune condition, ni en matière d’emplois, ni en matière d’objectif industriel, ni en matière de coopération sectorielle. L’exemple récent de Latécoère, qui les a dilapidés pour des rachats d’entreprise à l’étranger avant d’obtenir un effacement de dette, illustre parfaitement cette absence totale de contrôle par l’État français sur ces PGE. Même a posteriori, le droit autorise la restitution de subvention à usage frauduleux ou en violation des obligations légales de recherche d’un repreneur.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres. Cette commission d’enquête a pour missions :

1° de prendre connaissance des fermetures de sites, des redéploiements capitalistiques et des déplacements d’appareil productif depuis dix ans dans l’industrie aéronautique ;

2° d’identifier les menaces extérieures, soit les puissances étrangères et leurs moyens d’action, qui œuvrent au démantèlement de l’industrie aéronautique française, c’est-à-dire à la fermeture d’établissements, au rétrécissement de la base productive et à l’accaparation, via des rachats ciblés d’entreprises et de brevets français ;

3° de recenser l’usage qu’ont eu les bénéficiaires d’aides publiques, de prêts et subventions, dans l’industrie aéronautique. Au-delà des prêts garantis par l’État, le plan de soutien de 15 milliards d’euros, annoncé en 2020, doit faire l’objet d’une évaluation ;

4° d’analyser les exigences actionnariales dans le secteur de l’aéronautique et en calculer la ponction à l’échelle de la filière ;

5° d’auditionner les responsables publics afin de prendre connaissance des réponses qu’ils ont apportées aux quatre premiers points ;

6° d’émettre des recommandations sur l’action que peuvent entreprendre les décideurs publics pour préserver l’industrie aéronautique française, l’adapter aux impératifs écologiques et confier aux salariés un pouvoir de décision sur son évolution.