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N° 1724

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à s’opposer à la ratification de l’accord de libreéchange et d’association entre l’Union européenne et la NouvelleZélande, et à soumettre sa ratification au Parlement français,

présentée par Mesdames et Messieurs

Nathalie OZIOL, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député-e-s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 30 juin 2022, au dernier jour de la présidence française de l’Union européenne, après quatre ans et douze cycles de négociations, l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande concluaient un accord de libre‑échange et d’association.

Celui‑ci vise l’accélération et l’intensification des échanges commerciaux entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande, au moyen de la suppression de la quasi‑totalité des droits de douane. L’accord conclu prévoit une hausse du commerce bilatéral de 30 % sur dix ans.

L’accord prévoit en outre des augmentations significatives de contingents tarifaires et une baisse des droits de douane sur certains produits agricoles comme la viande et les produits laitiers, dont les importations dans l’Union européenne devraient augmenter significativement.

Ainsi, à terme, ce sont par exemple 164 000 tonnes de viandes ovines, 10 000 tonnes de viandes bovines, 36 000 tonnes de beurre et 25 000 tonnes de fromage néozélandais, exemptes ou presque de droits de douane, qui pourront être exportées chaque année vers l’Union européenne.

Lors de la signature officielle de cet accord le 9 juillet 2023, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, vantait un accord « pionnier », » historique », et « ambitieux » sur le plan social comme sur le plan écologique. À l’en croire, il ferait de l’Union européenne et de la Nouvelle‑Zélande des « leaders internationaux » en matière de respect des normes environnementales formulées dans l’accord de Paris pour le climat de 2015.

Il est permis de douter de ces affirmations. Le libre‑échange met nécessairement les producteurs en concurrence, en intensifiant la course au moins‑disant social et écologique. Il est contraire à l’impératif de protection de l’environnement puisque, par définition, il vise un accroissement continu et illimité des flux internationaux. Les effets d’annonce ne sauraient dissimuler le fait que cet accord n’offre en réalité aucune garantie concrète en termes de protection du vivant ou de respect de droits sociaux, et consacre de fait des pratiques agricoles et commerciales dépassées, destructrices et antiécologiques.

Il autorise en outre le contournement des normes sanitaires européennes. Ainsi, en juin 2022, la Fédération nationale bovine soulignait que l’accord Union européenne – Nouvelle‑Zélande allait permettre l’entrée sur le territoire européen de viande néo‑zélandaise contenant de l’atrazine. Cette substance, pourtant prohibée par quarante‑deux pays, dont tous les États de l’Union européenne depuis 2004, risque donc de se retrouver dans les assiettes des consommateurs et consommatrices français et européens.

Les promoteurs de l’accord prétendent qu’il servira et consolidera notre souveraineté alimentaire. Mais jouer une nouvelle fois la carte du libre‑échange, c’est, tout au contraire, affaiblir une partie de nos producteurs agricoles, renforcer notre dépendance aux marchés internationaux et, ce faisant, affaiblir encore notre souveraineté. En 2020, le Président Emmanuel Macron l’avait lui‑même admis, quand il déclarait : « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d’autres, est une folie ».

Si l’on prend le seul cas de la production laitière, au cours des dix dernières années, la France a perdu 24 % de ses éleveurs bovins, et 650 000 têtes. Afin de pallier la baisse continue de la production laitière française, et répondre à la demande, l’importation de produits laitiers n’a donc cessé d’augmenter dans notre pays : en 2019, 29 % des produits laitiers consommés en France étaient fabriqués à base de lait importé. Cet accord avec la Nouvelle‑Zélande, pays considéré comme la « laiterie du monde », ne pourra qu’aggraver ce phénomène.

Les considérations géopolitiques semblent l’avoir emporté sur la protection des producteurs et des consommateurs européens, puisque, de l’aveu même de Mme Ursula von der Leyen, l’objectif de cet accord avec la Nouvelle‑Zélande est avant tout stratégique et diplomatique : il s’agit pour l’Union européenne de prendre pied dans la région, dans un contexte de vive tension entre les États‑Unis et la Chine. Après s’être longtemps tenue à distance de cette rivalité, l’Union européenne entend aujourd’hui devenir un acteur important dans le Pacifique. On peut s’interroger sur la pertinence de cette stratégie – dite « Indopacifique » –, qui est largement alignée sur les options des États‑Unis, et dont on peine à identifier l’intérêt pour les peuples européens.

Cet accord, présenté comme « technique », a une portée politique certaine. Ne le dissimulons pas : il engage notre pays, et aura, s’il entre en vigueur, des conséquences multiples – tant dans le domaine social et économique qu’en matière environnementale. Il doit donc être connu et débattu.

En conséquence, cette résolution demande au Gouvernement de signifier à la Commission européenne et au Conseil de l’Union européenne, lors de l’adoption finale de cet accord, que la France s’oppose à la ratification de ce texte, compte‑tenu de son caractère écocidaire et antisocial. Elle demande par ailleurs de réclamer la mise en place d’un processus de ratification similaire à celui des accords mixtes, en le soumettant à un vote à l’unanimité des États membres au Conseil, puis un vote au Parlement européen et à une ratification par l’ensemble des Parlements des États membres selon la procédure prévue au niveau national, par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cas français.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’accord de libre‑échange et d’association conclu entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande le 30 juin 2022,

Vu la décision n° 2004/248/EC du 16 mars 2004,

Vu l’article 44 de la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ;

Vu le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié le 20 mars 2023 ;

Considérant que cet accord est susceptible de faciliter l’entrée sur le marché européen de produits alimentaires traités avec des pesticides par la règlementation européenne, ou issus de pratiques d’élevage interdites par la même règlementation ;

Considérant que les excès liés à l’accord de libre‑échange conduisent à une hypertrophie des concentrations et des spécialisations de productions par pays, les enfermant dans des schémas agricoles qui fragilisent de manière systémique non seulement nos approvisionnements, mais aussi les écosystèmes et la biodiversité ;

Considérant que les attentes des citoyens évoluent et entraînent des changements significatifs sur le marché alimentaire, avec pour conséquence notable une augmentation de la demande de denrées alimentaires produites localement ;

Considérant que cet accord risque d’entraîner un essor des importations préjudiciable à certains secteurs agricoles et incompatible avec les enjeux de souveraineté alimentaire et de transition écologique promus par la France ;

Invite le Gouvernement :

  1.     À faire savoir publiquement à la Commission européenne et au Conseil de l’Union européenne, lors de l’adoption finale de cet accord, que la France s’oppose à la ratification de ce texte, compte‑tenu de son caractère écocidaire et antisocial ;
  2.     À réclamer la mise en place d’un processus de ratification similaire à celui des accords mixtes, en le soumettant à un vote à l’unanimité des États membres, puis un vote au Parlement européen et à une ratification par l’ensemble des Parlements des États membres selon la procédure prévue au niveau national, par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cas français.