N° 2042
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2023.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur les responsabilités publiques et privées dans la pollution aux substances per- et polyfluoroalkylées et la gestion des risques sanitaires et écologiques associés,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Nicolas THIERRY,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 28 novembre 2023, une enquête journalistique révèle que, malgré des taux excessifs de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) détectés dans l’eau de la commune de Rumilly (Haute‑Savoie) dès 2017, les pouvoirs publics ont attendu 2022 pour informer les habitants et déconnecter du réseau de distribution les captages d’eau pollués. Les taux mesurés dans l’eau de Rumilly étaient pourtant supérieurs à la valeur sanitaire maximale indicative fixée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail depuis plusieurs années. Cette révélation montre un dysfonctionnement préoccupant des pouvoirs publics dans la gestion de la pollution aux PFAS et soulève plus largement des interrogations quant aux responsabilités respectives des autorités et de plusieurs entreprises industrielles dans cette pollution et l’exposition de la population française aux risques sanitaires associés. Alors que la contamination aux PFAS est devenue un sujet de préoccupation aux États‑Unis depuis près de 25 ans, la France accuse un sérieux retard sur cette pollution.
Les PFAS, aussi appelées polluants éternels, représentent une famille de plusieurs milliers de molécules de synthèse, développées pour accroître la résistance des produits aux processus de dégradation. Ces molécules font l’objet de multiples usages, aussi bien dans des produits de consommation courante que dans des applications industrielles. La généralisation de leur utilisation a conduit à un déversement préoccupant de ces substances particulièrement persistantes dans l’environnement. Leurs liaisons carbone‑fluor, qui comptent parmi les plus stables de la chimie, les rendent fortement résistantes aux dégradations biologiques naturelles. Ces molécules sont très mobiles dans l’environnement et s’accumulent dans les milieux ainsi que dans les organismes.
La toxicité de plusieurs PFAS est solidement établie par la littérature scientifique. Des liens ont été mis en évidence entre l’exposition à des PFAS et de nombreux effets néfastes pour la santé : diminution de la réponse aux vaccins, diminution du poids à la naissance, augmentation du taux de cholestérol, perturbation de l’équilibre endocrinien, altération de la fertilité ou encore augmentation du risque de cancers du rein ou des testicules.
La contamination de l’environnement, des eaux et des organismes vivants est aujourd’hui généralisée en France. Le programme national de biosurveillance Esteban a ainsi révélé la présence de certains PFAS dans 100 % du sang des adultes et des enfants testés. La population est exposée aux PFAS en particulier via la consommation d’eau potable, de produits alimentaires, ou par l’air et l’ingestion de poussières.
La France dispose d’une réglementation particulièrement lacunaire sur les PFAS, aussi bien dans la surveillance de la contamination que dans sa réduction à la source. Les dysfonctionnements mis en exergue à Rumilly en novembre 2023 sont symptomatiques du retard préoccupant de la France dans la lutte contre la problématique écologique et sanitaire grave, représentée par les PFAS. Au regard du retard de l’action publique à l’échelle nationale, les dysfonctionnements à Rumilly suggèrent l’existence de défaillances comparables dans d’autres territoires français.
À ce jour, plusieurs territoires font déjà l’objet d’une préoccupation particulière en raison d’une contamination plus massive qu’ailleurs, notamment en région Île‑de‑France, dans les départements du Rhône et de la Haute‑Savoie. Sur ces territoires, l’action des pourvoirs publics intervient le plus souvent après des révélations publiées dans la presse ou par la société civile, ce qui laisse ouverte l’éventualité de défaillances dans les missions des autorités. Tel était déjà le cas autour de la commune de Pierre‑Bénite, où une enquête journalistique a été à l’origine de la mise en évidence de la pollution massive aux PFAS en 2022.
Plusieurs sites industriels apparaissent par ailleurs particulièrement problématiques en raison de leurs émissions de PFAS dans l’environnement. En sus de la responsabilité des pouvoirs publics dans la gestion de la pollution, se pose ainsi la question du niveau de responsabilité des entreprises industrielles dans la connaissance de cette pollution et dans la protection des salariés comme des habitants de leur territoire d’implantation.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la présente proposition de résolution appelle la création d’une commission d’enquête chargée de mettre en lumière les zones d’ombre sur cette pollution chimique de l’environnement et ce scandale sanitaire. Cette commission d’enquête devra établir les responsabilités publiques et privées dans la pollution aux substances per- et polyfluoroalkylées et la gestion des risques sanitaires et écologiques associés.
proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres, ayant pour objet de déterminer les conditions de provenance, de circulation, de trafic, de détention et d’usage des armes à feu en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.