N° 2243
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 février 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
relative à la reconnaissance et la condamnation du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris,
présentée par
Mme Sabrina SEBAIHI, Mme Julie DELPECH, M. Sylvain MAILLARD, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Karim BEN CHEIKH, Mme Christine ARRIGHI, Mme Marie-Charlotte GARIN, Mme Julie LAERNOES, Mme Francesca PASQUINI, Mme Sandra REGOL, Mme Eva SAS, M. Aurélien TACHÉ,
députées et députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 17 octobre 1961, des milliers d’Algériens de France manifestent pacifiquement à l’appel du FLN contre le décret du 5 octobre précédant, qui instaure un couvre‑feu discriminatoire aux « Français musulmans d’Algérie ». La répression des forces de l’ordre sous l’autorité de Maurice Papon est brutale. De nombreux Algériens sont blessés et transférés dans des centres de tri. D’autres sont tués et jetés dans la Seine. À rebours des estimations récentes d’historiens affirmant un nombre de victimes se comptant en centaines, l’ampleur de la répression a été occultée en se limitant au bilan officiel de deux puis trois morts.
Malgré la volonté du général de Gaulle de « faire la lumière et [de] poursuivre les coupables », aucune procédure contre les policiers concernés n’a jamais été initiée. Cette absence continue de nourrir un sentiment d’injustice, entravant le travail de mémoire et de réconciliation.
Cet épisode tragique de la guerre d’Algérie est longtemps resté dans l’ombre, même si le récent accès aux archives a permis aux historiens de travailler en profondeur sur les faits intervenus en marge des manifestations. Une reconnaissance progressive de cet épisode a eu lieu.
Le Président Hollande amorce cette reconnaissance en octobre 2012, déclarant que « La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes ».
Le Président Macron poursuit en indiquant soixante ans après les faits « les responsabilités clairement établies », déclarant que « les crimes commis cette nuit‑là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République. »
En parallèle, l’hommage aux victimes de cette « sanglante répression » s’est matérialisé par l’apposition en 2001 d’une plaque sur le pont Saint‑Michel par la mairie de Paris. En 2019, une stèle en acier a par ailleurs été ajoutée par la Mairie afin de renforcer la mise en valeur de ce lieu de mémoire. Dans de nombreuses communes de France, cet hommage s’est matérialisé par des dénominations dans l’espace public ou par des appositions de plaques commémoratives.
Les autorités de la France et de l’Algérie ont mis en œuvre des initiatives pour permettre aux historiens de rendre fidèlement compte de l’histoire qui lie nos deux pays, même dans leurs heures les plus sombres. En ce sens, une commission mixte, comprenant des historiens indépendants des deux pays a été mise en place et a débuté ses travaux en vue de mieux comprendre et réconcilier les mémoires blessées.
Cette proposition de résolution vise à la reconnaissance et à la condamnation du massacre des manifestants algériens du 17 octobre 1961 commis sous l’autorité du préfet de police de l’époque, Maurice Papon.
Elle vise également à inscrire une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à l’agenda des journées officielles et cérémonies nationales.
Elle vise enfin à soutenir l’approfondissement conjoint du travail d’analyse de l’histoire commune aux deux pays afin d’accompagner l’aspiration de nos peuples à ce que la mémoire rende justice aux victimes.
– 1 –
proposition de DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la déclaration du Président de la République française, du 17 octobre 2012, à l’occasion du 51e anniversaire du 17 octobre 1961.
Vu la déclaration du Président de la République française, du 16 octobre 2021, à l’occasion du 60e anniversaire du 17 octobre 1961.
Rappelant que le 17 octobre 1961, des familles algériennes manifestèrent pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire imposé par la Préfecture de Paris aux seuls « français musulmans d’Algérie ».
Rappelant que les manifestants ont été victimes sous l’autorité directe du préfet Maurice Papon, d’une répression violente et meurtrière entraînant de nombreuses morts et blessés.
Considérant que la poursuite de la réflexion conjointe sur ces événements devra contribuer à assurer un avenir en commun plus harmonieux pour le peuple algérien et le peuple français.
Condamne la répression sanglante et meurtrière des Algériens commise sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon le 17 octobre 1961 et rend hommage à toutes les victimes et leurs familles.
Souhaite l’inscription d’une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à l’agenda des journées nationales et cérémonies officielles.
Affirme son soutien à l’approfondissement des liens mémoriels unissant le peuple Français et le peuple Algérien.
Invite le Gouvernement à travailler en commun avec les autorités algériennes pour appréhender leur histoire commune, y compris celle des événements du 17 octobre 1961.