N° 2252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 février 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à proposer la mise en œuvre d’un véritable plan Marshall de la prévention en santé,

 

présentée par

Mme Josiane CORNELOUP,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre système de santé vit aujourd’hui une crise profonde, une crise systémique d’ampleur qui s’accompagne d’une crise du financement.

Les services d’urgence qui ferment, les délais d’attente, les déserts médicaux, les pénuries de médicaments essentiels traduisent pour notre système de santé publique un manque de moyens humains et matériels en constante aggravation.

Depuis 40 ans, la problématique du système de santé est dominée par la question de la dynamique des dépenses : il fallait maîtriser les dépenses d’assurance maladie pour que le système soit soutenable.

Dans le contexte actuel de crise des finances publiques, le système de santé et le financement des soins sont menacés.

Aujourd’hui, les débats sur la politique sanitaire doivent remettre au premier plan les politiques publiques de prévention.

Désormais, la question n’est donc plus seulement de savoir s’il y aura suffisamment de moyens pour maintenir le niveau de prise en charge mais quelles sont les solutions pour prévenir, en amont, la suffocation de notre système de santé.

En effet, le sujet de la prévention doit être beaucoup plus pris en compte dans l’élaboration des politiques publiques car notre système, tourné essentiellement vers le curatif, est devenu trop coûteux pour les finances publiques.

Aujourd’hui, en termes d’espérance de vie, la France est le plus inégalitaire de tous les pays européens : 13 ans d’écart de vie entre les catégories de population les plus aisées et les plus défavorisées. Enfin, moins d’un Français sur deux arrive en bonne santé à 65 ans contre 77 % en bonne santé au même âge en Suède.

En parallèle, un français sur trois est actuellement pris en charge pour une maladie chronique et la tendance se confirme année après année : une concentration des dépenses de santé autour des maladies chroniques.

Les chiffres les plus récents font en effet état d’un total de 168 milliards dépensés pour la prise en charge dont 104 milliards au titre des pathologies chroniques, soit 62 %. Une part en progression d’un point par rapport à 2019.

En cinq ans, le nombre de malades a ainsi augmenté de 440 000 pour le diabète et de 540 000 pour les pathologies cardio‑vasculaires. Dans le même temps, le coût des traitements a bondi de 18 % pour les cancers en phase active et jusqu’à 50 % pour celui du poumon.

Selon l’OMS, ces pathologies sont la première cause de mortalité mondiale et en Europe elles « concourent à près de 86 % des décès (…) et pèsent de plus en plus lourdement sur les systèmes de santé, le développement économique et le bienêtre d’une grande partie de la population, en particulier chez les personnes âgées de 50 ans et plus ». Par ailleurs, un large pourcentage d’entre elles est accessible à la prévention par des actions sur une multiplicité de facteurs.

A titre d’exemple, en France, les estimations actuelles des coûts directs (75 %) et indirects (25 %) de l’inactivité physique sont de l’ordre de 1,3 milliard d’euros.

Soigner autrement est donc impératif de santé publique dans un contexte de vieillissement de la population, d’augmentation des maladies chroniques et de désertification médicale. C’est également un impératif économique, compte tenu de la difficulté à financer des dépenses de santé qui croissent aujourd’hui plus fortement que le PIB.

Le système de santé français s’est bâti autour du soin et a délaissé la prévention et l’accompagnement. Le développement des maladies chroniques nécessitant un suivi au long cours, en dehors des phases aigues, ainsi que le vieillissement de la population viennent bousculer ce paradigme.

Notre système de santé doit impérativement s’adapter à cette nouvelle réalité.

Les enjeux sont dont multiples :

– Soigner de manière plus efficiente en sollicitant moins les ressources du système de santé (en particulier l’hôpital), l’ancrage fort sur le soin doit diminuer au profit de la prévention et de l’accompagnement.

– Prendre en charge les parcours de soins de manière globale et cibler les politiques de prévention vers ceux qui en ont le plus besoin.

– Lutter contre les inégalités car la politique de santé publique doit être envisagée sur de nombreux plans : l’éducation, le logement, la mobilité l’accès à l’information et la réduction des inégalités.

Notre santé est intrinsèquement liée à notre environnement, c’est donc sur cet environnement que l’État est invité à se focaliser pour soulager et repenser notre système de santé via la mise en œuvre d’un véritable « Plan Marshall » de la prévention.

Tel est l’objectif de cette proposition de résolution.

 


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proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant la crise systémique du système de santé français ;

Considérant la crise des finances publiques ;

Considérant le vieillissement de la population ;

Considérant l’aggravation du phénomène de désertification médicale ;

Considérant l’aggravation des inégalités territoriales et sociales ;

Invite le Gouvernement à élaborer un plan Marshall de la prévention pour repenser et soulager notre système de santé.