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N° 2632
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mai 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
visant à condamner la dérive illibérale du gouvernement géorgien et soutenir le destin européen de la Géorgie,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes)
présentée par Mesdames et Messieurs
Benjamin HADDAD, Constance LE GRIP, Frédéric PETIT, Christophe PLASSARD, Brigitte KLINKERT, Maud GATEL, Liliana TANGUY, Lysiane MÉTAYER, Denis MASSÉGLIA, Pierre‑Henri DUMONT, Michel HERBILLON, David AMIEL,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plusieurs semaines, des dizaines de milliers de manifestants se mobilisent dans les rues de Tbilissi pour défendre les valeurs démocratiques et l’avenir européen de la Géorgie.
Nous condamnons les recours inutiles et disproportionnés à la force par les forces de police géorgiennes observés lors des dernières semaines contre la population opposée au projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère.
Ce projet de loi dit « loi sur les agents étrangers » inspiré de la législation russe est devenu symbolique du tournant pris par le gouvernement dirigé par le parti « Rêve Géorgien » souhaitant entraver l’intégration européenne et euro‑atlantique. Il n’est d’ailleurs que le dernier d’une série d’initiatives législatives visant à détricoter l’État de droit comme le projet de révision constitutionnelle contre la « propagande LBGT » ou le rejet de tout contrôle de l’intégrité des juges. Ces dernières vont dans des sens contraires à ce que demande l’Union Européenne dans le cadre de ses négociations d’adhésion. Par ailleurs, M. Bidzina Ivanichvili, fondateur du parti « Rêve Géorgien » et seul oligarque du pays est devenu président honoraire du parti en décembre 2023. Il joue à cet égard un rôle prédominant dans la crise politique actuelle, notamment pour saper la volonté du peuple de se tourner vers l’Union européenne. Pendant ce temps, M.Mikhaïl Saakachvilli, ancien président de la Géorgie et chef du plus grand parti d’opposition est toujours détenu depuis octobre 2022 et subit de mauvais traitements en prison.
L’Union européenne a accordé à la Géorgie en décembre 2023 le statut de pays candidat en lui demandant de mener des réformes de ses systèmes judiciaire et électoral, de renforcer la liberté de la presse et de poursuivre la désoligarchisation avant que les négociations d’adhésion ne soient officiellement lancées. Le projet de ce texte est précisément d’éliminer l’organisation de la société civile, d’effacer l’opposition à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et faire taire toute voix critique restante dans le pays.
80 % de la population géorgienne soutient l’avenir européen et l’intégration européenne. La Géorgie était encore récemment un modèle de lutte contre la corruption et d’État de droit malgré l’occupation de 20 % des territoires par la Fédération de Russie. Alors qu’elle est profondément attachée aux valeurs qui ont fondé l’Union européenne, et tandis qu’une nouvelle dynamique d’élargissement est en cours, la Géorgie ne doit pas s’en exclure.
Les dérives autoritaires et illibérales du gouvernement ne sauraient remettre en question l’aspiration européenne légitime du peuple géorgien. Avec nos partenaires, nous devons résolument nous engager pour le soutenir dans cette voie.
proposition de résolution europÉenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement,
Vu la déclaration du haut représentant et du commissaire au voisinage et à l’élargissement du 17 avril 2024 sur l’adoption de la loi de la transparence de l’influence étrangère,
Vu les conclusions du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023,
Vu la Convention européenne des droits de l’homme,
Vu la communication COM(2022)0405 de la commission du 17 juin 2022 intitulée « Avis de la Commission sur la demande d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne » et les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2022 sur les demandes d’adhésion de l’Ukraine, de la République de Moldavie et de la Géorgie,
Considérant que la liberté d’opinion, d’expression, d’association et de réunion pacifique sont des droits fondamentaux consacrés par la Constitution de la Géorgie ;
Considérant que le 14 mai 2024, le Parlement de la Géorgie a adopté la loi sur la transparence de l’influence étrangère, dont les mesures restreignent les activités des organisations non gouvernementales recevant un financement étranger, notamment dans le domaine de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’État de droit ;
Considérant que le Conseil européen a accordé à la Géorgie le statut de candidat en décembre 2023, en demandant à ce que la société civile puisse fonctionner librement et lutter contre la désinformation contre l’Union européenne ;
Considérant que le projet de loi sur les agents d’influence étrangère est incompatible avec les valeurs et principes démocratiques de l’Union européenne, violant plusieurs étapes contenues dans la recommandation de la Commission européenne sur le statut de candidat de la Géorgie ;
1. Affirme son soutien indéfectible au peuple géorgien dans ses aspirations européennes légitimes et son souhait de vivre dans un pays prospère, luttant contre la corruption, protecteur des droits de l’homme et respectueux de l’indépendance des médias.
2. Condamne la répression policière des manifestations et réaffirme le droit de la population géorgienne à manifester librement ;
3. Demande fermement le retrait du projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère considérant que l’adoption de ce texte remettrait en question le fonctionnement libre de la société civile et l’existence de médias indépendants et serait incompatible avec les valeurs et les principes démocratiques de l’Union ainsi qu’avec la poursuite de la procédure d’adhésion de la Géorgie ;
4. Estime que les négociations d’adhésion à l’Union européenne ne devraient pas être ouvertes si cette loi entrait en vigueur ;
5. Appelle l’État géorgien à adopter des réformes visant à renforcer l’État de droit et la lutte contre la corruption afin de réduire le rôle dominant des oligarques dans la vie publique de la Géorgie ;
6. Condamne la persécution des journalistes et opposants tel que l’ancien président Mikhaïl Saakashvili ;
7. Invite le gouvernement géorgien à confirmer l’engagement européen de la Géorgie, soutenu majoritairement par son peuple, à adopter les réformes nécessaires, en liaison avec la société civile et l’opposition politique, afin de renforcer l’État de droit, la démocratie et les libertés fondamentales et à prendre toutes les mesures prescrites par le Conseil européen conditionnant l’octroi du statut de pays candidat à l’adhésion.