N° 2655
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
visant à lutter contre les addictions numériques chez les enfants,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes)
présentée par Mesdames et Messieurs
Guillaume GAROT, Anna PIC, Constance LE GRIP, Louise MOREL et les membres du groupe Socialistes et apparentés, (1)
députés et députées.
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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Joël Aviragnet, Christian Baptiste, Marie‑Noëlle Battistel, Philippe Brun, Elie Califer, Alain David, Arthur Delaporte, Stéphane Delautrette, Inaki Echaniz, Olivier Faure, Jérôme Guedj, Johnny Hajjar, Chantal JOURDAN, Marietta Karamanli, Fatiha Keloua Hachi, Gérard Leseul, Philippe Naillet, Bertrand Petit, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Valérie Rabault, Claudia Rouaux, Isabelle Santiago, Hervé Saulignac, Mélanie Thomin, Cécile Untermaier, Boris Vallaud, Roger Vicot
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Selon l’Autorité de régulation des communications (Baromètre du numérique « équipement et usages » 2021, ARCEP), 84 % des personnes âgées de douze ans et plus utilisent un téléphone portable. Une étude internationale a montré que les jeunes de 16 à 24 ans passent en moyenne plus de sept heures par jour sur l’internet ([1]).
Parallèlement il est constaté qu’un enfant ou jeune sur quatre a une utilisation « problématique » ou qualifiée de « dysfonctionnelle » de son smartphone, c’est‑à‑dire que ses schémas comportementaux indiquent une dépendance ([2]). Il est aussi montré que près d’un quart des français déclare consommer davantage de confiseries, sodas et snacks pendant leurs activités numériques. ([3])
Des recherches font, elles, état d’une progression de l’utilisation problématique des smartphones et révèlent que de nombreux enfants ne se déconnectent que rarement des médias sociaux, les utilisent en permanence pendant la journée et se sentent mal à l’aise sans leur téléphone portable
Les recherches indiquent également que l’augmentation des problèmes de santé mentale chez les jeunes pourrait être due à une dépendance forte aux médias sociaux.
Aux États‑Unis la multinationale Meta plateforme est poursuivie par 33 procureurs généraux d’États pour avoir sciemment utilisé des fonctionnalités sur Instagram et Facebook pour accrocher les enfants à ses plateformes, même si la société a déclaré en défense que ses sites de médias sociaux étaient sûrs pour les jeunes ([4]).
Dans leur plainte les États font valoir que Meta avait "conçu des caractéristiques de produit psychologiquement manipulatrices pour inciter les jeunes utilisateurs à une utilisation compulsive et prolongée" de plateformes telles qu’Instagram.
Récemment des documents internes à l’entreprise (90 pages de courriels internes datant de l’automne 2021) mettent à jour que les hauts responsables de Meta, qui possède Instagram et Facebook, avaient débattu de l’ajout de dizaines d’ingénieurs et d’autres employés pour se concentrer sur le bien‑être et la sécurité des enfants. Néanmoins la proposition faite à M. Zuckerberg pour 45 nouveaux membres du personnel a été refusée ([5]).
Ces documents contredisent les déclarations des dirigeants de l’entreprise, qui avaient affirmé lors d’audiences du Congrès sur la sécurité des enfants au cours de cette période qu’ils donnaient la priorité au bien‑être de leurs plus jeunes utilisateurs et qu’ils redoubleraient d’efforts pour lutter contre les contenus préjudiciables sur leur plateforme.
En Europe la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen a adopté un rapport demandant instamment des mesures dans le sens d’une protection accrue des enfants et jeunes non majeurs. Adopté à une large majorité ce rapport visant à rendre les plateformes numériques moins addictives ([6]).
Le rapport souligne :
– l’incidence considérable de la conception addictive de certains médias et activité sur tout un chacun, mais en particulier sur les enfants et les adolescents ;
– la nécessité de poursuivre les recherches sur la conception de la dépendance, ses formes et ses effets ;
– invite la Commission à coordonner, faciliter et financer des recherches ciblées et l’invite à déployer des efforts internationaux supplémentaires pour promouvoir la réglementation de la conception addictive en ligne à cet égard ;
– lui demande de promouvoir et de mettre en œuvre des initiatives politiques et des normes industrielles sur la sécurité dès la conception dans les services et produits numériques destinés aux enfants qui peuvent favoriser le respect des droits de l’enfant.
La présente proposition de résolution européenne invite simplement le Gouvernement Français :
– à défendre une telle position et à demander à la Commission européenne de faire siens les objectifs de ce rapport ;
– à rechercher des convergences avec les autres législateurs pour définir des normes industrielles de sécurité ;
– à demander aux plateformes de mettre en oeuvre des outils indispensables pour prévenir l’utilisation compulsive et prolongée des applications, services et sites dépendant de leurs activités ;
– à déterminer quelles législations ou initiatives politiques existantes peuvent être utilisées pour lutter contre les conceptions addictives.
Il est possible d’améliorer la directive sur les pratiques commerciales, la directive sur les droits des consommateurs ou encore la directive sur les clauses abusives dans les contrats pour en faire des outils de contrainte des grandes entreprises du secteur.
Il est à noter que les entreprises promotrices de ces usages anormaux dont elles ont conscience sont, pour les plus grandes et pour un grand nombre, non basées en Europe mais aux États‑Unis ou dans des États échappant aux règles de l’Union. Il convient donc de faire respecter des règles dans les pays où elles émettent.
proposition de résolution europÉenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale
Vu le règlement (UE) 2022/2065 relatif à un marché unique des services numériques,
Vue la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (COM(2021)0206),
Vu le règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,
Vu l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
Vue la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et l’observation générale nº 25 (2021), sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique,
Vue la stratégie de la Commission pour un internet mieux adapté aux enfants,
Considérant qu’un enfant ou jeune sur quatre a une utilisation « problématique » ou qualifiée de « dysfonctionnelle » de son smartphone, c’est‑à‑dire que ses schémas comportementaux indiquent une dépendance ;
Considérant que la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen a adopté un rapport demandant instamment des mesures dans le sens d’une protection accrue des enfants et jeunes non majeurs et visant à rendre les plateformes numériques moins addictives ;
Considérant qu’il convient de faciliter et de financer des recherches ciblées sur ces thèmes ;
Considérant qu’il convient de promouvoir une réglementation de la conception addictive en ligne à cet égard ;
Considérant qu’il est indispensable de mettre en œuvre des normes de sécurité dès leur conception pour les services et produits numériques destinés aux enfants, et ce, en vue de favoriser le respect de leurs droits ;
Invite le Gouvernement de la République française à soutenir les objectifs et orientations promus par la résolution du Parlement européen du 12 décembre 2023 sur la conception addictive des services en ligne et la protection des consommateurs sur le marché unique de l’UE (2023/2043(INI)) au Conseil et à la Commission.
([1]) « Average daily time spent using the internet by online users worldwide as of 4th quarter 2022, by age and gender » (Temps moyen passé en ligne par les internautes, par jour et à l’échelle mondiale, au quatrième trimestre 2022, selon l’âge et le genre), Statista, 22 mai 2023. https ://www.statista.com/statistics/1378510/
daily‑time‑spent‑online‑worldwide‑by‑age‑and‑gender/
([2]) Lopez‑Fernandez, O. et Kuss, D., « Harmful Internet use. Part I : Internet addiction and problematic use » (Utilisation délétère de l’internet. Partie I. Dépendance à l’égard de l’internet et utilisation problématique de l’internet), EPRS, STOA, p. 51. https ://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2019/624249/EPRS_STU(2019)624249_EN.pdf.
([3]) Cité par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, MILDECA, source : Baromètre MILDECA/Harris Interactive 2021,
([4]) In The New‑York Times https ://www.nytimes.com/2023/10/24/technology/
states‑lawsuit‑children‑instagram‑facebook.html?searchResultPosition=3
([5]) In The New‑York Times https ://www.nytimes.com/2024/01/31/
technology/senate‑child‑safety‑social‑media.html