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N° 2712

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

relative à la mobilisation du capital des avoirs russes gelés
au profit de l’effort de guerre et de la reconstruction de l’Ukraine ,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par

M. Julien BAYOU,

député.

 

 

 

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Huit ans après l’invasion de la Crimée, l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022 est la plus grave violation du droit international qu’a connu l’Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale. Elle doit être condamnée avec la plus grande fermeté.

Après deux années d’une guerre qui s’enlise et semble être destinée à durer, l’Ukraine doit plus que jamais pouvoir continuer à compter sur le soutien humanitaire, financier, militaire, économique et diplomatique de la France et de l’Union européenne. L’Ukraine concerne en premier lieu la sécurité des européens ; nous devons nous donner les moyens de les soutenir.

L’Union européenne (UE) a su prendre des décisions fortes au cours de ces derniers mois. Le versement d’une aide financière de 50 milliards d’euros à l’Ukraine obtenu lors du sommet européen du 1er février 2024. Le 12 février 2024, le Conseil de l’UE décide également que les dépositaires centraux de titres (DCT) détenant plus d’un million d’euros d’avoir de la Banque centrale de Russie doivent conserver séparément les bénéfices dans l’attente d’une décision des États en la matière. Le 21 mai 2024, le Conseil donne finalement son feu vert à l’utilisation de ces recettes exceptionnelles générées par les avoirs russes afin de soutenir les capacités d’autodéfense de l’Ukraine et sa reconstruction.

Cette décision des vingt‑sept est particulièrement importante. Elle permet d’abord de doter l’Ukraine de ressources financières supplémentaires stables et prévisibles alors que l’instabilité géopolitique actuelle - notamment en raison des prochaines élections présidentielles aux États‑Unis en 2024 - ouvre une période d’incertitude dangereuse pour le soutien à l’effort de guerre ukrainien. L’utilisation des avoirs russes gelés est ensuite guidée par le principe de la justice et de la responsabilité internationale. Ce sont les responsables de cette guerre injustifiable qui doivent en payer les conséquences et prendre en charge la reconstruction, et non uniquement le contribuable européen. La Russie est reconnue par la communauté internationale comme le responsable de cette guerre illégale et plusieurs sanctions ont déjà été adoptées en réponse, dont l’efficacité continue à être questionnée. La mobilisation des avoirs gelés représente ainsi un élément supplémentaire de dissuasion en droit international avec un impact économique et financier non seulement sur le pays agresseur mais également - et de manière inédite - sur le pays agressé qui peut profiter de cette manne financière. C’est une réponse juste et proportionnée qui peut contribuer à inverser un sentiment d’impunité de la Russie - comme d’autres belligérants dans le monde - face au droit international.

Si nous nous félicitons de l’accord trouvé lors du Conseil de l’UE du 21 mai 2024, nous insistons néanmoins sur le fait qu’il reste insuffisant pour couvrir les besoins des Ukrainiens. Selon la Commission européenne, le bénéfice annuel généré par ces avoirs pourrait se situer entre deux milliards et demi et trois milliards d’euros. En parallèle au 31 décembre 2023, les besoins de relance et de réparation de l’État ukrainien ont été évalués à environ 486 milliards de dollars[1].

Il est désormais urgent de décider, non pas uniquement de la mobilisation des revenus générés par les avoirs russes gelés, mais bien de la mobilisation du capital dont il est estimé que près de 200 milliards d’actifs russes gelés le sont au sein de l’Union européenne.

C’est pourquoi la présente Résolution appelle le Gouvernement à agir auprès de ses partenaires et des institutions européennes afin que le capital des actifs gelés russes dans l’Union européenne puisse être également mobilisé afin de soutenir, à la hauteur des besoins réels, l’effort de guerre de l’Ukraine face à l’agresseur russe ainsi que sa reconstruction

 


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la décision du Conseil de l’Union européenne du 21 mai 2024,

Considérant l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine depuis le 24 février 2022 ;

Considérant les besoins multiples – financiers, militaires, humanitaires ou de toute autre nature – de l’Ukraine nécessaires pour lui permettre de faire face à cette agression ;

Considérant le coût que représente l’effort militaire mené par l’Ukraine pour assurer sa défense, son intégrité et la protection des civils ;

Considérant le coût de la reconstruction du pays pour l’État ukrainien ;

Considérant que la sécurité et l’intégrité de l’Europe sont étroitement liées à celle de l’Ukraine et que l’agression de l’Ukraine par la Russie, si elle n’est pas repoussée, constitue une menace critique pour l’Europe ;

Considérant que l’Union européenne a créé un groupe de travail « ad hoc » chargé de travailler sur l’utilisation des actifs russes gelés et immobilisés pour soutenir la reconstruction en Ukraine ;

Considérant les textes adoptés par le Conseil de l’Union le 21 mai 2024 – la décision PESC 2024/1470 et le règlement 2024/1469 – visant à mobiliser les bénéfices générés par les avoirs russes gelés et les affecter à hauteur de 90 % à la Facilité européenne pour la paix qui finance le soutien militaire de l’Union à l’Ukraine et de 10 % à la Facilité pour l’Ukraine qui met en œuvre l’assistance macro‑économique à ce pays ;

Considérant que la mise à contribution des avoirs russes répond à un principe de justice en vertu duquel l’agresseur russe doit être tenu pour responsable et comptable des conséquences de la guerre qu’il mène ;

Considérant que l’accord trouvé lors du Conseil européen du 21 mai 2024 ne concerne que l’utilisation des recettes exceptionnelles générées par les avoirs russes immobilisés et non le capital lui‑même,

Considérant que l’Union européenne est davantage menacée par une victoire de la Russie en Ukraine que par d’éventuels représailles économiques de ce pays, ou d’autres régimes autoritaires, en cas d’une décision de saisir le capital des avoirs russes gelées en Europe,

Considérant qu’une telle mise à contribution est un élément supplémentaire de dissuasion et peut offrir un précédent fondateur en matière de respect du droit international ;

1. Rappelle sa condamnation, avec la plus grande fermeté, de l’attaque brutale, injustifiée et illégale lancée par la Fédération de Russie à l’encontre du peuple ukrainien le 24 février 2022 et du crime d’agression dont elle s’est rendue coupable vis‑à‑vis de l’Ukraine, en violation de la Charte des Nations unies et de toutes les dispositions du droit international ;

2. Réaffirme son soutien indéfectible à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi que son droit légitime à se défendre contre la guerre d’agression déclenchée par la Russie ;

3. Se félicite des textes adoptés par le Conseil de l’Union le 21 mai 2024 afin de mobiliser les bénéfices générés par les avoirs russes gelés dans l’Union ;

4. Invite le Gouvernement à agir auprès de ses partenaires et des institutions européennes afin que le capital des actifs gelés russes dans l’Union européenne puisse être également mobilisé afin de soutenir, à la hauteur des besoins réels, l’effort de guerre de l’Ukraine face à l’agresseur russe ainsi que sa reconstruction

 

 


([1]) Publication de l'évaluation actualisée des besoins de l'Ukraine en matière de relance et de reconstruction - Commission européenne (europa.eu)