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N° 1300
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÉME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2023.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à limiter la contamination par les substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées (n° 1156).
PAR M. David TAUPIAC
Député
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Voir le numéro : 1156
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L’année 2022 a été marquée par un renouveau de l’attention portée à un certain type de pollution générée par des substances chimiques appelées substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) ou polluants éternels.
En effet, un ensemble de journaux européens regroupés dans le Forever pollution project a mené une enquête sur la contamination de l’eau, des sols et des organismes vivants par ces substances dans 23 pays européens. L’enquête a permis de démontrer que de nombreux sites présentaient des concentrations élevées de certaines de ces substances les plus facilement identifiables. Les journalistes auteurs de l’enquête estiment que des milliers de sites présentent des concentrations plus élevées de PFAS que les concentrations considérées comme sans danger pour la santé humaine.
L’actualité est également marquée par l’évolution de différentes réglementations européennes concernant les substances chimiques. Cette évolution est menée avec le double objectif de réduire l’exposition de la population et les risques sanitaires associés et de limiter la contamination de l’environnement par ces mêmes substances. Une révision du règlement européen dit « Reach » qui concerne l’enregistrement, l’évaluation et l’enregistrement de substances chimiques dans l’Union européenne aurait dû être menée à terme d’ici un à deux ans ([1]). Néanmoins, cette révision a été repoussée, notamment pour pouvoir intégrer une proposition de restriction de l’usage des PFAS déposée conjointement par la Norvège et quatre États membres de l’UE (l’Allemagne, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas) en janvier 2023.
En France, M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a présenté un plan d’action ministériel sur les PFAS au début de l’année 2023, en lien notamment avec les initiatives européennes pour améliorer les connaissances sur ces substances et les instruments de leur mesure.
La présente proposition de loi s’inscrit dans ce cadre en pleine évolution.
I. Les PFAS : Des composÉs chimiques aux propriÉtÉs connues
Les PFAS - pour « per- and polyfluoroalkyl substances » - désignent de nombreuses familles de substances chimiques qui regroupent chacune plusieurs combinaisons d’atomes que l’on ne trouve pas à l’état naturel. Autrefois appelées composés perfluorés, les substances PFAS sont caractérisées par une chaîne dite alkyle fluorée, c’est-à-dire une chaîne d’atomes de carbone et de fluor. Ces chaînes présentent de nombreuses propriétés intéressantes pour divers types de matériaux.
En particulier, cette combinaison confère aux PFAS des propriétés très recherchées, notamment un caractère à la fois hydrophobe et lipophobe. Elle rend les matériaux déperlants, antiadhésifs ou imperméables aux graisses notamment. Les poêles et casseroles traitées au téflon, polymère composé lui-même de PFAS, et rendues ainsi antiadhésives, constituent un exemple emblématique de l’usage de PFAS.
Associés à d’autres composés chimiques qui rendent les chaînes de carbone et de fluor amphiphiles, les PFAS se voient conférer les propriétés d’un élément tensioactif ([2]).
On retrouve ainsi des PFAS dans de nombreux produits et donc dans de nombreux secteurs industriels : dans les emballages alimentaires, les vêtements et les tapis, certains équipements de sport, les mousses anti-incendie, les produits phytosanitaires, les dispositifs médicaux, les produits de nettoyage, les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, dans des matières utilisées pour les revêtements de surface, etc.
Il existerait plus de 10 000 à 12 000 types de PFAS. En 2018, l’OCDE enregistrait 4 700 composés avec une référence dite CAS (pour « Chemical abstract Service »).
L’ensemble de ces composés se caractérise par la grande stabilité chimique et thermique de la chaîne carbonée. Cette stabilité ralentit la dégradation de ces composés dans l’environnement et facilite ainsi l’intégration des PFAS dans des milieux où ils ne devraient pas être présents : dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques aussi bien des êtres humains que de la faune et de la flore.
Plus les chaînes sont longues, plus la stabilité du composé est grande. On considère qu’un PFAS a une chaîne longue s’il a plus de 6 à 8 atomes de carbone.
Cette stabilité chimique conduit donc les PFAS à persister dans l’environnement. Ainsi, certains d’entre eux sont reconnus comme très persistants. C’est pourquoi ces PFAS sont parfois appelés polluants éternels ou polluants persistants.
Les PFAS se divisent en deux catégories : les polymères et les non‑polymères. Au sein de cette dernière catégorie, deux familles de composés perfluoro-alkylés sont particulièrement connues et étudiées : les carboxylates d’alkyls perfluorés, dits PFCA (dont fait partie l’acide perfluoro-octanoïque, aussi appelé PFOA) et les sulfonates d’alkyls perfluorés, dits PFSA (dont fait partie l’acide perfluorooctanesulfonique, appelé PFOS).
La production de PFOA
La synthèse des PFCA a commencé en 1947, en utilisant d’abord comme procédé de production la fluoration électrochimique (dite ECF en anglais). Entre 1947 et 2002, cette méthode a été employée pour élaborer 80 à 90 % de la production mondiale de PFOA qui était essentiellement assurée par les États-Unis, la Belgique et l’Italie et dans une moindre mesure le Japon. Les 10 à 20 % restants de la production mondiale de PFOA ont été synthétisés à partir de 1975 par oxydation directe d’iodure de perfluoro-octyl. La production de PFOA, notamment, a démarré en 1947 au sein d’une société qui est devenue le plus gros fabricant et transformateur mondial de PFOA, la société américaine DuPont qui utilisait le procédé de l’ECF.
Entre 1995 et 2002, la production du PFOA et de ses sels associés était estimée à entre 200 et 300 tonnes par an dans le monde (Europe, États-Unis et Japon réunis). En 2001, la consommation de sels d’ammonium (un dérivé du PFOA) en l’Europe de l’Ouest était estimée à 50 à 80 tonnes par an. Entre 2000 et 2002, sous la pression de l’Agence américaine pour la protection de l’environnement et à la suite d’une longue procédure judiciaire, l’entreprise DuPont a arrêté sa production de PFOA. En effet, à l’origine de nombreux dommages pour la santé et l’environnement, la substance a été régulièrement retrouvée dans l’environnement et dans le sang humain. En 2005, il y avait encore quatre producteurs de PFOA dans le monde, dont un producteur chinois.
Source : rapport d’étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : « Connaissances relatives à la réglementation, à l’identification, aux propriétés chimiques, à la production et aux usages des composés de la famille des perfluorés », mars 2015.
Les États membres de l’Union européenne qui ont déposé une proposition de restriction de l’usage des PFAS en janvier 2023 ont évalué, pour l’année 2020, la quantité globale de PFAS émise à raison de produits nouvellement commercialisés dans l’UE à 18 694 tonnes pour l’estimation basse et à 54 593 tonnes pour l’estimation haute, auxquelles s’ajoutent en stock 38 000 tonnes de gaz fluoré. Ce sont les secteurs du textile, de l’ameublement et du cuir qui apparaissent le plus émetteurs.
II. De nombreux risques pour la santÉ, dont beaucoup restent À PrÉciser
Depuis plusieurs décennies déjà, des PFAS ont été détectés dans divers milieux au niveau mondial et à des niveaux de concentration élevés. La perméabilité des milieux à ces substances chimiques est grande, dans la mesure où ces dernières migrent et peuvent avoir dans l’environnement ou chez l’homme une durée de vie longue avant de se dégrader entièrement.
Les milieux eux-mêmes peuvent être contaminés de nombreuses manières : les PFAS peuvent être introduits dans les eaux douces et salées en aval d’activités industrielles ou agricoles. Ils peuvent être introduits dans les sols en raison de l’usage d’intrants par le secteur agricole. Ils peuvent être contenus dans des effluents gazeux ou encore peuvent être précipités par les eaux de pluie après avoir été émis dans l’atmosphère. Une autre source importante de contamination provient de la fin de vie des produits et donc du traitement des déchets ainsi que du traitement des effluents industriels. Le recyclage de produits contenant des PFAS peut constituer une source de dissémination, de même que le devenir des boues d’épuration.
La présence de PFAS a ainsi été décelée autant dans les milieux aquatiques, que dans les sols, les poussières et l’air. Par effet de bioaccumulation et de bioamplification (c’est-à-dire de transfert le long de la chaîne trophique), ils ont été retrouvés dans divers tissus animaux et humains. En effet, la pollution des milieux augmente les risques pour la faune de se retrouver contaminée par exposition aux ou ingestion de PFAS et ainsi d’être source de dissémination de ces substances dans la chaîne trophique.
Plusieurs études européennes et américaines ont été conduites sur la faune aquatique, la migration et la présence dans l’eau des PFAS ayant été un des axes les plus étudiés par la science. Observés notamment chez les poissons d’eau douce, les effets nocifs de l’ingestion de PFAS sont importants. Ils peuvent notamment perturber leur système reproductif, de même que leur système thyroïdien.
Comme le rappelle l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) dans le rapport qu’elle a consacré aux PFAS publié en décembre 2022 à propos de l’exposition de la population ([3]) : « Les voies de contamination avérées concernent la consommation d’eau et d’aliments et l’inhalation de l’air et de ses poussières. Le principal mode d’exposition aux PFAS reste l’eau potable ou les aliments pollués, qui pourraient être contaminés par des ustensiles de cuisine, des emballages alimentaires ou par des sources résiduelles de PFAS dans l’environnement. »
Santé Publique France a notamment évalué, à la suite d’une étude épidémiologique conduite de 2014 à 2016, que 100 % de la population française présentait des traces de PFAS dans le corps ([4]). Des constats similaires ont été faits aux États-Unis.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) conduisent également des études à la fois sur la présence des PFAS dans l’environnement et sur les effets potentiels sur la santé de ces substances depuis de nombreuses années. Ces dernières, comme celle précitée menée par Santé publique France, montrent notamment que les femmes enceintes exposées à de telles substances courent des risques pour elles-mêmes et font courir des risques au fœtus ([5]) .
Elles montrent également que le contact avec les PFAS peut affecter le système immunitaire, notamment le fonctionnement de la thyroïde, réduire les effets de certains vaccins ou encore causer des troubles hépatiques ([6]). Certaines substances per- et polyfluoroalkylées sont classées comme des substances cancérogènes ou suspectées de l’être. Des études conduites par des chercheurs américains et britanniques en Virginie occidentale, dans le cadre des procès introduits contre l’entreprise DuPont, ont permis de démontrer qu’un individu ayant été exposé à des quantités importantes de PFOA avait plus de 50 % de risque de développer un des problèmes de santé suivants : cancer du rein, cancer des testicules, colite ulcéreuse, maladie thyroïdienne, hypercholestérolémie et hypertension provoquée par la grossesse ([7]).
C’est pourquoi des réglementations ont été adoptées à différents niveaux pour limiter la fabrication et l’utilisation de certaines substances per- et polyfluoroalkylées. Ces réglementations s’accompagnent d’autres mesures pour améliorer la connaissance de ces substances ainsi que la détection et la mesure de leur concentration dans les milieux.
III. La RÉglementation sur les substances pER- et pOly-fluoro alkyLÉes
A. L’Union europÉenne est À l’origine de nombreuses rÉglementations qui pour l’instant ne restreignent ni n’interdisent la fabrication et l’usage de tous les PFAS
Un traité international réglemente l’utilisation de certaines de ces substances. Il s’agit de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP) signée en 2001, entrée en vigueur en 2004 et ratifiée par 186 États à ce jour. La Convention a été complétée à plusieurs reprises.
Le règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE transpose dans le droit de l’Union les engagements pris dans le cadre de la Convention de Stockholm. Ce règlement interdit sauf dérogations (annexe I) ou restreint sous conditions (annexe II) la production, la mise sur le marché et l’utilisation de substances qualifiées de polluants organiques persistants.
Depuis mai 2009, le PFOS et les sels qui en sont dérivés font partie des nouvelles substances ajoutées à la liste des substances couvertes par la Convention de Stockholm. Ils ont été inscrits à l’annexe B de la Convention qui liste les composés dont la production et l’utilisation doivent être restreintes au maximum ([8]).
En conséquence, le PFOS et ses dérivés ont été inclus dans l’annexe I du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifié précité ([9]). Leur production, leur mise sur le marché et leur utilisation soit en tant que telles, soit dans des préparations, soit sous forme de constituant d’articles sont interdites. Cependant, des dérogations existent lorsqu’il s’agit d’une substance présente non intentionnellement dans des substances, préparations ou constituants d’articles sous forme de contaminant à l’état de trace.
En 2020, le PFOA et ses dérivés ont été inscrits à l’annexe A de la Convention de Stockholm et en conséquence interdits. Ils ont donc été par la suite intégrés au règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants. Le PFOA et ses dérivés sont dorénavant inscrits à l’annexe I de ce règlement à la suite de l’adoption du règlement délégué (UE) 2020/784 de la Commission modifiant le règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 précité ([10]). L’interdiction est entrée en vigueur le 4 juillet 2020 et fait suite à la décision prise lors de la conférence des parties à la Convention de Stockholm en mai 2019.
Encore plus récemment, les États parties à la Convention de Stockholm ont réglementé l’usage d’une autre substance per- et polyfluoroalkylées, l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et les composés apparentés. L’usage de celui-ci est interdit sans dérogation depuis juin 2022 dans le cadre de la Convention (inscription à l’annexe A).
Les deux PFAS mentionnés ci-dessus, le PFOS et le PFOA font également l’objet d’un référencement dans le cadre du règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 concernant la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses dit « CLP » (en anglais Classification, Labelling and Packaging). Ce règlement met en œuvre au niveau européen un système international soutenu par les Nations Unies appelé système général harmonisé (SGH) visant à identifier les produits chimiques de la même manière au niveau mondial.
Le PFOS et les produits qui en sont issus sont inscrits dans la première adaptation au progrès technique (APT) du règlement CLP, c’est-à-dire qu’ils ont été inclus dans le champ du règlement dès sa première modification en 2009 et sont classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1B.
Le PFOA et les produits qui en sont issus sont inscrits dans la cinquième APT du règlement CLP et sont classés cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 1B.
Le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances dit « Reach » est l’acte de l’Union européenne le plus approfondi en ce qui concerne la connaissance et la déclaration des substances chimiques importées et utilisées dans l’UE. Ce règlement qui invite tout importateur et utilisateur de substances chimiques au-delà d’une tonne annuelle à démontrer son innocuité et à en documenter les usages ne traite que d’un très petit nombre de PFAS.
La plupart des PFAS, qu’ils soient des monomères ou des polymères, n’ont pas fait l’objet d’un enregistrement et donc d’une évaluation des risques pour la santé et l’environnement. Néanmoins, le règlement Reach identifie dans son annexe XIV (relative aux autorisations) des substances dites « extrêmement préoccupantes » (en anglais substances of very high concern), au nombre de 233 début janvier 2023 : il s’agit de substances en cours d’examen qui pourraient ne pas recevoir d’autorisation et donc être interdites. Le PFOA, ses sels d’ammonium et le PFHxS en font partie.
Par ailleurs, l’annexe XVII du règlement Reach (relative aux restrictions) réglemente de façon très restrictive la vente et l’utilisation du PFOS, depuis le 27 juin 2008. Seules certaines utilisations sont autorisées, par dérogation, dans la photographie, les fluides hydrauliques, l’aviation et le traitement de surface de métaux ([11]).
Le PFOA et ses sels sont également réglementés par cette annexe XVII depuis le 14 juin 2017, avec des restrictions différées à juillet 2022 et 2023 pour des utilisations dans les domaines du textile, de la santé, la sécurité, etc. et au 4 juillet 2032 pour les dispositifs médicaux ([12]).
Les liens entre les différentes réglementations citées sont nombreux. Les substances extrêmement préoccupantes au sein du règlement Reach sont en partie classées comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) et qualifiées de persistantes et bioaccumulables dans le règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 précité, dit CLP, précité. Un certain nombre de substances per- et polyfluoroalkylées présentent ces caractéristiques. Par ailleurs, l’interdiction de la fabrication et de l’usage du PFOA est aujourd’hui plus large en application du règlement de 2019 sur les polluants organiques persistants (POP) que sur celle résultant de la restriction prévue par le règlement Reach adoptée en 2017.
La nouvelle initiative sur les PFAS liée au règlement Reach
Une proposition de restriction de la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation d’environ 10 000 substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) au titre du règlement Reach présentée par les autorités danoises, allemandes, néerlandaises, norvégiennes et suédoises a été enregistrée par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) au début de l’année 2023.
La restriction repose sur le principe d’une interdiction de l’ensemble des PFAS. Au-delà de la toxicité avérée ou supposée de chacun des composés perfluroés, les États à l’origine de la proposition rappellent que ces composés ont des propriétés communes qui rendent leur production et leur diffusion dommageables pour la santé et pour l’environnement. Par ailleurs, les États rappellent qu’il est plus coûteux d’éliminer ces composés de l’environnement que de trouver des substituts en amont ,dans les processus de fabrication.
À la suite de l’enregistrement de la proposition, l’Echa a lancé une consultation du public de six mois sur la proposition de restriction, qui a commencé le 22 mars et se terminera le 25 septembre 2023. L’agence invite les parties intéressées ou disposant d’informations sur les PFAS (notamment des informations relatives aux risques, aux aspects socio-économiques et aux substances alternatives) à envoyer des informations scientifiques et techniques sur la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation de ces substances per- et polyfluoroalkylées.
Les comités scientifiques de l’Echa chargés de l’évaluation des risques (RAC) et de l’analyse socio-économique (Seac) étudieront les résultats de la consultation pour évaluer la proposition de restriction et rendront leurs avis. Les deux avis remis, la proposition de restriction sera soumise par la Commission aux États membres au sein du Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen. L’ensemble de la procédure pourrait aboutir en 2026 ou 2027. Pour les substances dont l’usage serait restreint dès l’entrée en vigueur du règlement modifié, un délai de dix‑huit mois serait laissé aux entreprises pour s’adapter.
La question de l’intégration des polymères dans le règlement Reach
Le règlement européen Reach n° 1907/2006 précité vise à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques. Toutefois, les polymères sont actuellement exemptés du processus d’enregistrement et d’évaluation qu’il prévoit. Dans le cadre de la révision à venir de ce règlement, la Commission européenne a proposé d’intégrer les polymères dans les obligations d’enregistrement et d’évaluation. Par ailleurs, certains polymères pourraient faire l’objet d’une restriction dans le cadre de ce même règlement, à l’instar du teflon (polymère appelé polytetrafluoroéthylène ou PTFE), comme cela est proposé par les États membres mentionnés ci-dessus.
B. Dans certains domaines, la rÉglementation est plus poussÉe
Un règlement spécifique fixe depuis 2022 les concentrations maximales de certaines substances perfluoroalkylées à ne pas dépasser dans certaines denrées alimentaires (viandes, poissons, œufs en particulier). Il s’agit du règlement (UE) 2022/2388 de la Commission du 7 décembre 2022 modifiant le règlement (CE) n° 1881/2006 en ce qui concerne les teneurs maximales en substances perfluoroalkylées dans certaines denrées alimentaires. Le règlement (CE) n° 1881/2006 de la Commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires comprend donc désormais des seuils propres à certains PFAS.
L’Agence européenne de sécurité des aliments, qui a fait des études en amont pour déterminer les teneurs à ne pas dépasser, s’est concentrée sur quatre PFAS qui contribuent pour plus de la moitié à l’exposition de la population. Pour ceux-ci, elle a établi un seuil de sécurité sous la forme d’une dose hebdomadaire tolérable (DHT) qu’elle a fixée à 4,4 nanogrammes par kilogramme de poids corporel.
Les mousses anti-incendie pourraient faire l’objet d’une réglementation spécifique dans le cadre du règlement REACH. Une proposition de restriction de leur usage a été examinée indépendamment de l’initiative de certains États membres sur l’ensemble des PFAS. L’Echa a ainsi proposé d’interdire tous les PFAS dans les mousses anti-incendie avec une période de transition.
Comme le signale le Bureau de recherches géologiques et minière (Brgm) dans un rapport publié en 2020 sur les PFAS : « l’utilisation de mousses (aires d’entraînement anti-incendie et incendie) sont les premières causes de présence de PFAS pour les sols, les eaux et autres milieux récepteurs » ([13]). Cette initiative de l’Agence des produits chimiques pourrait prospérer ou être intégrée à l’initiative européenne de restriction de l’ensemble des PFAS.
Une attention particulière est portée depuis longtemps à la présence de substances chimiques potentiellement nocives pour l’environnement et la santé à la fois dans les masses d’eau et dans l’eau destinée à la consommation humaine.
Le PFOS et ses dérivés (sulfonate de perfluoro-octane) font partie des substances prioritaires de la directive-cadre sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 modifiée, listées à l’annexe X ([14]). Des normes de qualité environnementale pour le PFOS et ses dérivés ont été fixées par la directive 2013/39/UE du Parlement européen et du Conseil du 12 août 2013 modifiant les directives 2000/60/CE et 2008/105/CE en ce qui concerne les substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau ([15]). Depuis lors, ce PFAS particulier doit être recherché et sa quantité évaluée dans les masses d’eaux. La concentration maximale admissible dans les eaux intérieures a été fixée à 36 µg/l. Le dépassement des valeurs limites compromet le bon état des masses d’eau. Comme le signale le Brgm dans le rapport précité, les substances comme le PFOS qui fait partie de la famille des sulfonates d’alkyls perfluorés sont les substances qui sont les plus susceptibles de se retrouver dans les eaux souterraines ([16]).
La mise en œuvre de la directive DCE donne par ailleurs lieu à des programmes de recherche d’autres substances, dont désormais certains PFAS. En effet, la DCE liste des « substances pertinentes à surveiller » (SPAS) choisies à partir des résultats des études prospectives, mais qui n’entrant pas dans l’évaluation de l’état des eaux. En France, l’arrêté du 26 avril 2022 modifiant l’arrêté du 2 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l’état des eaux en application de l’article R. 212-22 du code de l’environnement inclut désormais, à ce titre, quatre types de PFAS pour les eaux de surface et six pour les eaux souterraines.
Enfin, la Commission européenne a présenté une proposition pour élargir la recherche et la surveillance de certains PFAS dans les eaux. La proposition de directive modifiant la directive-cadre sur l’eau, la directive établissant des normes de qualité environnementale et la directive sur les eaux souterraines présente une liste de polluants des eaux de surface et des eaux souterraines devant être recherchés et mesurés, dont vingt-quatre PFAS avec des concentrations limites admissibles.
La refonte en 2020 de la directive sur l’eau potable, dite directive sur l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH), conduit également à renforcer l’attention sur certains PFAS ([17]). Ainsi sera évaluée de manière synthétique la concentration de PFAS dans leur ensemble et seront systématiquement recherchés vingt PFAS particuliers.
Les teneurs maximales à respecter d’ici janvier 2026 pour les eaux potables sont ainsi fixées :
– pour le total des PFAS, 0,50 μg/l ;
– ou, pour la somme des 20 PFAS qualifiées de « substances préoccupantes listées à l’annexe III-B-3 » de la directive, 0,10 μg/l ([18]).
La transposition de la directive EDCH précitée a été réalisée en France par l’ordonnance n° 2022‑1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et par différents décrets et arrêtés. Ces textes introduisent dans le droit français des dispositions nouvelles importantes. Dès 2026, les autorités gestionnaires du service d’eau potable et les agences régionales de santé devront réaliser les contrôles et garantir le respect des valeurs limites. Depuis le 1er janvier 2023, les vingt substances prévues par la réglementation européenne ont été introduites dans le droit par voie réglementaire comme pouvant être recherchées lors de campagnes de détection menées localement ([19]).
La présence de substances dangereuses dans les eaux rejetées à raison de l’activité des entreprises est également recherchée. L’étude de l’article 2 de la proposition de loi permettra d’exposer la réglementation s’appliquant aux installations classées pour la protection de l’environnement et notamment les normes pesant sur les rejets aqueux, qui résultent à la fois de la législation européenne et de la législation française.
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Article 1er
(article L. 541‑15‑10 du code de l’environnement)
Interdiction des substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées dans divers produits
Adopté par la commission avec modifications
L’article 1er vise à interdire, à partir du 1er janvier 2025, l’ajout de substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées dans un certain nombre de produits conformément aux interdictions ou aux restrictions prévues à l’utilisation de ces substances dans le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit « Reach ».
I. Le droit en vigueur
Il n’existe pas actuellement de disposition spécifique sur la composition des emballages alimentaires en droit français. Leur composition est partiellement encadrée et réglementée par la législation européenne. Le règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires impose un certain nombre d’obligations, notamment aux producteurs d’emballages, dès lors qu’il impose des obligations aux producteurs de plastiques et de papier-carton notamment.
Le règlement (CE) n° 1935/2004 précité instaure le principe d’inertie : les matériaux et objets doivent être fabriqués conformément aux bonnes pratiques de fabrication afin que, dans les conditions normales ou prévisibles de leur emploi, ils ne cèdent pas aux denrées alimentaires des constituants en une quantité susceptible :
– de présenter un danger pour la santé humaine ;
– d’entraîner une modification inacceptable de la composition des denrées ou une altération des caractères organoleptiques de celles-ci ([20]) .
Des mesures spécifiques sont définies par catégorie de matériaux sous forme de règlements spécifiques directement applicables dans les États membres ou de directives spécifiques qui doivent être transposées en droit national. Font notamment l’objet d’une réglementation spécifique les matières plastiques (règlement (UE) n° 10/2011 du 14 janvier 2011 ([21])) et les matières plastiques recyclées (règlement (UE) n° 2022/1616 du 15 septembre 2022 ([22])), les céramiques (directive 84/500 du 15 octobre 1984 ([23])), et les caoutchoucs (directive 93/11/CEE du 15 mars 1993 ([24])).
L’acide perfluoro-oactanoïque (PFOA) ne figure pas dans le règlement (UE) n° 10/2011 du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. Il n’est donc pas autorisé. Seul est réglementé le sel d’ammonium du PFOA qui peut être utilisé comme additif, mais ne peut constituer un monomère pour fabriquer des polymères de plastique.
L’acide perfluoro-octane sulfonique (PFOS) et ses dérivés ne figurent pas non plus dans le règlement (UE) n° 10/2011 précité. Ils ne sont pas autorisés non plus dans les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.
Pour les PFAS qui sont explicitement mentionnés dans le règlement et donc autorisés, des limites sont fixées pour éviter qu’une quantité trop importante de ces substances ne migre dans l’alimentation ou dans l’eau.
En France, la législation sur un sujet connexe, c’est-à-dire celui du plastique, de son recyclage et de la réduction des déchets en plastique a été davantage approfondie. Récemment, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a encadré l’utilisation des emballages alimentaires jetables pour réduire l’utilisation de matière plastique et pour réduire la quantité de déchets en plastique. L’objectif inscrit dans la loi est d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040.
Concernant les matériaux en contact avec les denrées alimentaires et donc en particulier les emballages, les règles appliquées en France sont essentiellement celles découlant des règlements européens. Pour les matériaux pour lesquels il n’existe pas de règlement ou de directive spécifique, le règlement général (CE) n° 1935/2004 et la législation nationale s’appliquent.
Or, des composés perfluorés sont toujours utilisés dans certains emballages alimentaires, notamment dans la restauration et plus encore dans la restauration à emporter, en raison de leurs propriétés hydrophobes et imperméables aux graisses, particulièrement indiquées pour la consommation de boissons ou de nourriture.
Cependant, les emballages contenant des substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées posent au moins deux problèmes : d’une part, ils peuvent mettre le consommateur en contact avec ces composés chimiques à travers la consommation de nourriture, d’autre part, lors de leur recyclage, ils peuvent provoquer une contamination des milieux aux substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées.
Une enquête menée par l’association Générations futures et huit autres organisations non gouvernementales européennes a ainsi alerté l’opinion publique sur la présence de PFAS dans les emballages alimentaires et la vaisselle jetables, en papier, en carton et en fibres végétales moulées, disponibles et vendus dans six pays européens suite à des tests de détection sur un échantillon d’emballages ([25]).
II. Le dispositif proposÉ
L’article 1er de la présente proposition de loi vise à interdire à la fois l’importation, la fabrication et la mise sur le marché d’emballages alimentaires contenant de telles substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées ainsi que la cession de ces mêmes produits à titre gratuit.
Cette interdiction s’inscrirait à la suite des interdictions touchant divers produits en plastique à usage unique et les contenants et la vaisselle en plastique non réutilisables, c’est-à-dire dans le chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement consacré à la prévention et à la gestion des déchets. Il est donc proposé d’inscrire cette interdiction au III de l’article L. 541‑15‑10 du code de l’environnement.
Une telle interdiction a été introduite au Danemark par voie réglementaire et est entrée en vigueur le 1er juillet 2020. Ont ainsi été interdits les emballages alimentaires en papier carton qui contiendraient des PFAS à moins que le producteur puisse garantir qu’il y a une étanchéité totale entre le contenant et le contenu alimentaire ou l’eau et qu’ainsi, la migration de substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées est impossible. L’interdiction entrée en vigueur au Danemark constitue donc une mesure plus restrictive que celles découlant des textes européens.
Comme il a été indiqué à votre rapporteur par différentes personnes auditionnées, une réglementation stricte se voit d’ores et déjà appliquée à une partie des emballages alimentaires : les emballages alimentaires en plastique doivent être exempts de PFOS et de PFOA. De plus, l’utilisation de ces deux substances, de même que prochainement le PFHxS, est globalement restreinte dans tous les matériaux. La question se pose davantage pour les autres PFAS, c’est-à-dire la très grande majorité de ces substances.
Comme il a été également rappelé, les emballages alimentaires ne constituent pas en quantité la première source de diffusion de PFAS dans l’environnement, mais ils peuvent être une source importante de diffusion de ces derniers dès lors qu’ils sont recyclés ou éliminés, d’une part et, d’autre part, qu’ils sont un point de contact direct entre le corps humain et les PFAS.
Une réglementation des emballages alimentaires s’adresse à un secteur dans lequel il existe déjà des matériaux et des techniques de substitution. Comme l’ont expliqué des représentants de Mc Donald’s France auditionnés par votre rapporteur, l’entreprise s’est engagée à éliminer les PFAS de l’ensemble des emballages utilisés dans ses restaurants au niveau mondial. Cela nécessite une surveillance des substances utilisées par les fournisseurs de Mc Donald’s et l’introduction de procédés alternatifs ou le renoncement à certaines propriétés des emballages. L’entreprise estime qu’il lui a fallu plusieurs années pour arriver à utiliser des emballages sans polluants persistants.
III. Les travaux de la commission
La commission a adopté trois amendements identiques : CD18 de M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrate – Modem et Indépendants), CD21 de Mme Claire Pitollat (Renaissance) et CD23 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizon), contre l’avis du rapporteur, conduisant à une réécriture du deuxième alinéa de l’article 1er. L’interdiction de l’usage de substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées est élargie à un plus grand nombre de produits que dans la version initiale du dispositif proposé à l’article 1er. Il est ainsi prévu que soit interdit, à compter du 1er janvier 2025, l’ajout de PFAS non seulement dans les emballages alimentaires mais aussi dans les ustensiles de cuisine, les auxiliaires technologiques, les jouets, les articles de puériculture, les couches pour bébés et les produits de protection d’hygiène intime.
Cette interdiction est conditionnée au champ d’application du règlement Reach précité. Elle s’appliquera donc conformément aux annexes de ce règlement, qui déterminent les substances chimiques interdites et les substances chimiques dont l’utilisation n’est autorisée que pour certains usages explicitement mentionnés.
L’article 1er ainsi amendé revêt une portée différente par rapport à sa version initiale. À partir du 1er janvier 2025, sera interdit l’ajout des seules substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées dont l’usage est proscrit par le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances Reach, dont la révision complète pourrait intervenir d’ici quelques années.
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Article 2
(article L. 512‑23 [nouveau] du code de l’environnement)
Réglementation des rejets de PFAS des installations classées pour la protection de l’environnement
Adopté par la commission avec modifications
L’article 2 vise à imposer, par voie réglementaire, des valeurs limites de rejet dans le milieu naturel de substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées à toutes les installations classées pour la protection de l’environnement conformément aux restrictions ou interdictions prévues par le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit « Reach ». Les valeurs limites de rejet concernent les eaux résiduaires et les effluents gazeux de ces installations.
I. Le droit en vigueur
Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) définies à l’article L. 511‑1 du code de l’environnement font l’objet d’un encadrement juridique visant à maîtriser les risques que ces installations présentent pour la santé et l’environnement en raison de leur fonctionnement, des matériaux qu’elles produisent et des activités qu’elles réalisent. Deux types de risques coexistent : ceux liés à des accidents non prévisibles et les risques chroniques liés au rejet de substances dangereuses dans l’environnement. Lorsqu’une ICPE est autorisée par arrêté préfectoral, le préfet peut fixer un certain nombre de prescriptions, notamment relatives à la surveillance de certaines substances chimiques dangereuses, et éventuellement fixer des limites d’émission ou de rejet.
Pour les ICPE soumises au régime de l’autorisation, un seul texte réglementaire d’ordre général mentionne un type particulier de PFAS : le PFOS. Il s’agit de l’arrêté du 2 février 1998 modifié, relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation.
Cet arrêté a été modifié à de nombreuses reprises, notamment par l’arrêté du 24 août 2017 dit arrêté RDSE pour « rejets de substances dangereuses dans l’eau ». Ce dernier prescrit la recherche et la surveillance du PFOS dans les rejets aqueux. À partir du 1er janvier 2023, la concentration de PFOS dans les eaux rejetées dans le milieu naturel ne peut dépasser la valeur limite de concentration de 25 μg/l. Un lien est fait par cet arrêté entre la recherche du PFOS dans les rejets aqueux des ICPE et le classement du PFOS comme substance prioritaire pour le bon état des masses d’eaux par la directive 2013/39 UE précitée (cf. supra).
Les limites imposées pour le PFOS qui serait toujours présent dans ces installations et pas totalement éliminé visent à protéger les milieux naturels, notamment aquatiques d’une contamination par cette substance.
Par ailleurs, des réglementations spécifiques à certains types d’installations classées autorisées et à certains secteurs d’activité traduisent des exigences fixées au niveau européen quant à la surveillance de certaines substances dangereuses.
Cette surveillance des substances chimiques et parfois la fixation de valeurs limites d’émission sont déterminées par secteur d’activité dans des documents appelés « MTD » pour « meilleures technologies disponibles » (en anglais « BREF » pour best references). L’objectif de ces documents est également d’indiquer quels substances et procédés de fabrication sont disponibles qui seraient le moins émetteurs de PFAS dans l’environnement.
Comme l’a expliqué au rapporteur l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), qui appuie le ministre chargé de l’environnement dans les négociations au niveau européen, une attention croissante est portée aux PFAS dans les réglementations européennes de type BREF, récemment modifiées ou en cours de révision.
Ainsi, l’arrêté du 17 décembre 2019 relatif aux meilleures techniques disponibles applicables à certaines installations de traitement de déchets relevant du régime de l’autorisation et de la directive européenne sur les rejets industriels impose une surveillance du PFOS et du PFOA dans leurs effluents depuis le 17 août 2022 ([26]). Cet arrêté traduit un des objectifs de la directive européenne précitée.
La surveillance de PFAS dans les eaux de rejet des industries textiles est également prescrite. Les PSAS sont également l’objet de discussions dans le cadre de la révision en cours des référentiels sur les meilleures techniques disponibles pour les installations produisant des traitements de surface des métaux et plastiques.
Par rapport aux connaissances sur les PFAS et à l’ampleur potentielle de la pollution de l’environnement par les substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées, la réglementation n’a donc pas encore une portée exhaustive.
Sont davantage pris en compte les rejets aqueux, c’est-à-dire liquides, qui peuvent contaminer les eaux que les rejets dans les sols ou dans l’air. La contamination du sol par des PFAS à raison du fonctionnement des ICPE peut avoir de nombreuses sources. L’élimination de matières solides et le recyclage de déchets peuvent en être la cause. Les concentrations dans les rejets dans l’air notamment en raison de l’évacuation de fumées par des cheminées, ne sont pas facilement mesurables.
Néanmoins, au-delà de la réglementation générale et des actes régissant le fonctionnement des ICPE par catégorie d’installation, des mesures peuvent être prises par arrêté préfectoral pour limiter les rejets de substances chimiques préoccupantes telles que les PFAS, au nom à la fois du principe constitutionnel de précaution et des différents intérêts protégés par la loi, telle la protection de la santé et de l’environnement. Des entreprises peuvent ainsi se voir imposer la surveillance de certains PFAS déjà détectés, au-delà du seul PFOS, ou font l’objet de contrôles de la part des inspecteurs chargés des installations classées, des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ou des agences régionales de santé. Des normes limites de rejet ou de concentration peuvent être imposées.
Pollution aux PFAS dans la « vallée de la chimie » à Lyon
Située dans la métropole lyonnaise, la vallée de la chimie regroupe diverses industries chimiques. En mai 2022, plusieurs enquêtes journalistiques (Vert de Rage sur France 5, et Envoyé spécial sur France 2) ont révélé une contamination élevée aux PFAS dans la région lyonnaise et dans le Rhône, notamment à proximité d’un des sites de l’entreprise Arkéma qui est une entreprise française spécialisée dans la production de substances et produits chimiques. Arkéma synthétise un polymère qui est un PFAS, le polyfluorure de vinylidène (ou PVDF), qu’elle commercialise.
Parallèlement aux enquêtes des journalistes, l’association Notre affaire à Tous – Lyon a déposé, fin mai 2022, un recours judiciaire contre deux entreprises, dont Arkema
L’association a mis en avant les risques sanitaires et environnementaux liés, notamment, à l’utilisation de PFAS par cette dernière. Elle a également souligné la méconnaissance par cette entreprise des obligations résultant de l’arrêté du 2 février 1998 et des mises en demeure successives qui lui étaient adressées. Elle a donc introduit une procédure de référé pénal environnemental en application de l’article L. 216‑13 du code de l’environnement.
L’association demande notamment au juge d’ordonner que l’entreprise se mette en conformité avec la réglementation environnementale. Elle demande également la réalisation d’une nouvelle campagne de mesures de la contamination par les PFAS.
Cette médiatisation de la pollution par les PFAS dans la région lyonnaise a eu pour effet de renforcer les contraintes réglementaires imposées aux entreprises locales, et notamment à Arkema. Par trois arrêtés pris en 2022, la préfecture du Rhône a prescrit à cette entreprise de mesurer et de surveiller elle-même les rejets de certains PFAS dans les eaux, les sols et l’air. Les résultats obtenus doivent ensuite être transmis à la Dreal Auvergne‑Rhône‑Alpes. Le dernier de ces arrêtés impose des valeurs cibles pour réduire progressivement les rejets dans l’eau d’un PFAS particulier, le 6:2 FTS, et impose à l’entreprise qu’elle cesse totalement d’utiliser des PFAS lorsqu’ils ont la qualité d’un agent tensioactif (dit aussi surfactant) d’ici au 31 décembre 2024.
II. Le dispositif proposÉ
L’article 2 de la proposition de loi introduit à la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement une disposition permettant au pouvoir réglementaire de déterminer par arrêté des valeurs limites de rejet dans le milieu naturel pour l’ensemble des PFAS et l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement définies à l’article L. 511‑1 du même code. Ces valeurs limites de rejet pourraient être fixées à compter du 1er janvier 2024.
Cette disposition à portée générale est ambitieuse dans la mesure où elle permet de fixer des valeurs limites de rejet dans le milieu naturel tant pour les eaux résiduaires que les effluents gazeux. L’objectif serait donc de permettre au pouvoir réglementaire de cibler le plus grand nombre de PFAS possibles. Si comme exposé ci-dessus, il existe des arrêtés sectoriels par type d’ICPE qui imposent la surveillance de certains PFAS, pour aucun type d’installation, l’ensemble des PFAS connus n’est pour l’instant recherché et aucune valeur limite n’est fixée, si ce n’est pour le PFOS.
Parallèlement, votre rapporteur a pris connaissance d’un projet d’arrêté élaboré par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui a été soumis à consultation du public et à l’avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques.
Ce projet d’arrêté relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de l’autorisation concerne les rejets aqueux de toutes les ICPE soumises à autorisation, soit plus de 4 000 installations. Il vise d’abord une meilleure connaissance de la présence des différents PFAS et prévoit, à la suite de son entrée en vigueur, une période de trois fois trois mois au cours desquels les ICPE devront surveiller leurs rejets et effectuer des mesures de la concentration en PFAS. En parallèle, une réflexion d’ensemble doit être menée sur les possibilités existantes pour les entreprises en termes de réduction des émissions et de dépollution de leurs rejets.
Le lien est établi, dans le projet d’arrêté, entre la surveillance de certains PFAS dans les rejets aqueux des ICPE et les vingt substances per- et polyfluoroalkylées, visées par la directive européenne sur les eaux destinées à la consommation humaine de 2020 précitée qui a introduit la surveillance de vingt PFAS particuliers. Le projet d’arrêté vise dans le même temps une mesure par les ICPE de l’ensemble des PFAS présents et une mesure pour chacun des vingt PFAS mentionnés.
L’arrêté dans sa version en consultation ne prévoit pas de fixer des valeurs limites de rejet.
Comme votre rapporteur a pu le constater, plusieurs personnes auditionnées ont souligné les difficultés qui existent actuellement en termes de méthode de détection et de mesure des PFAS dans leur ensemble, ainsi qu’en termes de disponibilité des laboratoires en capacité de réaliser les mesures et les analyses. Pour beaucoup de PFAS, la détection n’est pas encore possible. Pour d’autres, il est nécessaire de déterminer à quel niveau de concentration ils deviennent détectables et mesurables de manière fiable et de mieux estimer leur toxicité pour l’environnement et pour l’homme. Tant la direction générale de la prévention des risques que l’Office français de la biodiversité et le Bureau de recherches géologiques et minières ont rappelé qu’il était important de développer encore davantage les connaissances dans ce domaine. Plusieurs appels à projet ont été lancés en France et Europe pour améliorer les instruments de mesure.
Une méthode de mesure, dite AOF pour « adsorption du fluor organique », qui permettrait d’obtenir une mesure synthétique de l’ensemble des PFAS présents dans un milieu, est en cours de validation au niveau international. Cette méthode permettrait de quantifier la concentration totale de PFAS sans faire de distinction entre les substances. Cependant, si cet instrument était validé, la France ne dispose actuellement pas de laboratoire pouvant la mettre en œuvre.
Dans la perspective d’une meilleure protection de la santé et de l’environnement, le rapporteur a également été sensibilisé au fait que la puissance publique avait intérêt à développer une approche globale des risques que l’exposition aux PFAS fait peser sur la population, et plus seulement une approche qui ne vise à détecter que certains composés.
III. Les travaux de la commission
La commission a adopté plusieurs amendements à l’article 2.
L’amendement CD42 du rapporteur a procédé à un déplacement du dispositif au sein de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement. Celle-ci est apparue plus indiquée dans la mesure où elle comporte des dispositions applicables à l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement et non aux seules installations classées soumises au régime d’autorisation La disposition ainsi introduite dans le code de l’environnement devient l’article L. 512‑23.
L’adoption des amendements identiques CD14 de M. Jorys Bovet (Rassemblement national), CD20 de Mme Claire Pitollat (Renaissance) et CD24 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizon), contre l’avis du rapporteur, a modifié la date de prise d’effet du dispositif proposé à l’article 2. La date à partir de laquelle le pouvoir réglementaire devra fixer pour les ICPE des valeurs limites de rejet de PFAS est reportée au 1er janvier 2026. Les auteurs des amendements ont estimé que le 1er janvier 2024 constituait une échéance trop proche au vu de l’état des connaissances scientifiques et au vu de la campagne de mesures que devraient effectuer les ICPE prochainement pour connaitre la concentration en PFAS dans leurs rejets.
L’amendement CD41 du rapporteur modifie le terme employé pour désigner les rejets liquides des installations classées pour la protection de l’environnement dans les milieux naturels. Le terme de « rejets aqueux » a paru plus adapté que celui d’« eaux résiduaires » car il est habituellement utilisé dans la réglementation nationale à propos des rejets ou effluents liquides des entreprises.
Les amendements CD39, CD40 et CD36 du rapporteur étaient rédactionnels.
Les amendements identiques CD19 M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrates – Modem et Indépendants), CD26 de Mme Claire Pitollat (Renaissance) et CD27 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizon), adoptés avec un avis défavorable du rapporteur, ont complété le dispositif de l’article 2. Ils précisent que, lorsque le pouvoir réglementaire déterminera des valeurs limites de rejet de PFAS dans l’environnement que devront respecter les ICPE, il respectera les restrictions ou interdictions prévues par le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances.
Article 3 (nouveau)
Demande de rapport sur l’effectivité des mesures de limitation des PFAS dans les effluents industriels
Introduit par la commission
La commission a adopté les amendements identiques CD17 de M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrates – Modem et Indépendants) et CD25 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizon), demandant au Gouvernement, dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi, de remettre au Parlement un rapport évaluant l’effectivité des mesures de limitation des PFAS dans les rejets des installations classées pour la protection de l’environnement dans le milieu naturel. Le rapport devra notamment comprendre un état des lieux des substances présentes, la méthodologie visant à leur identification, ainsi que l’opportunité de réaliser des études d’imprégnation de l’environnement et de la population.
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— 1 —
Lors de ses réunions du mercredi 31 mai 2023, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné la proposition de loi visant à limiter la contamination par les substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées (n° 1156) (M. David Taupiac, rapporteur).
M. David Taupiac, rapporteur. L’année 2022 a été marquée par un renouveau de l’attention portée à la pollution générée par les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, dites PFAS ou polluants éternels, comme nous l’avons constaté lors de la table ronde organisée en avril dernier par notre commission.
Plusieurs journaux parmi lesquels Le Monde, regroupés dans The Forever Pollution Project, ont mené dans vingt-trois pays européens une enquête relative à la contamination de l’eau, des sols et des organismes vivants par ces substances. Celle-ci a permis de démontrer que de nombreux sites présentent des concentrations élevées de celles de ces substances les plus facilement identifiables. Ses auteurs estiment que dans des milliers d’entre eux, les concentrations de PFAS sont plus élevées que celles considérées comme sans danger pour la santé humaine. Plusieurs autres enquêtes, articles de presse et rapports mettent en lumière l’ampleur de cette pollution particulière.
Les PFAS, auparavant appelées composés perfluorés, sont présents dans un grand nombre de produits et de secteurs de production, et se diffusent aisément dans l’environnement. Ces composés chimiques, que l’on ne trouve pas à l’état naturel et qui sont une combinaison d’atomes de carbone et de fluor, ont la caractéristique d’être chimiquement très stables et capables de résister à de hautes températures. Ils rendent hydrophobes et lipophobes les matériaux dans lesquels ils sont incorporés, et constituent la base de produits détergents et émulsifiants. Leurs applications sont donc variées. On en retrouve dans les mousses anti-incendie, dans des ustensiles de cuisine, dans des vêtements de sport, dans des encres et des peintures, dans des dispositifs médicaux, dans des produits chimiques ou encore dans des emballages de la restauration rapide. Enfin, leurs propriétés chimiques les rendent persistants dans l’environnement et dans l’organisme humain, d’où leur nom de polluants éternels.
La synthétisation de ces composés, même si elle est peu effectuée en France, et l’utilisation de certaines substances dans de nombreux objets conduisent à leur rejet dans l’environnement ou à leur absorption par le sol. Ces substances finissent alors par contaminer l’environnement, la chaîne alimentaire et les êtres humains – avec des conséquences néfastes pour la santé humaine et celle de la faune et de la flore. Certains PFAS sont reconnus cancérigènes ou soupçonnées de l’être, et sont toxiques pour la reproduction. Une exposition prolongée peut également entraîner une perturbation du système thyroïdien, provoquer des affections hépatiques et présenter des dangers pour les femmes enceintes.
Des initiatives commencent à être prises à tous les niveaux – international, européen et national. La réglementation devient plus stricte, au moins pour le PFOS et le PFOA. Cette évolution poursuit le double objectif de réduire l’exposition de la population et les risques sanitaires associés, et de limiter la contamination de l’environnement. Le règlement Reach (enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances) aurait dû être révisé d’ici un à deux ans. Mais sa révision a été reportée en vue d’intégrer une proposition de restriction de l’usage des PFAS déposée conjointement en janvier 2023 par la Norvège et quatre États membres de l’Union européenne – l’Allemagne, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas. Cette proposition est intéressante et ambitieuse dès lors qu’elle portera sur toutes les substances connues de type PFAS, mais donnera lieu à de longues négociations.
En France, M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, a présenté un plan d’action ministériel sur les PFAS début 2023, en lien avec les initiatives européennes visant à améliorer les connaissances sur ces substances et les instruments de leur mesure. La proposition de loi que je défends s’inscrit dans ce cadre et concerne les sujets spécifiques des emballages alimentaires et des rejets aqueux et gazeux des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
Il est difficile d’interdire ou de restreindre l’usage de toutes les PFAS, particulièrement dans l’Union européenne compte tenu des nombreux échanges entre États membres. L’élimination de ces substances passe par un arrêt de leur usage, au moins sur le territoire de l’Union européenne. Néanmoins, je souhaite introduire une mesure qui aille plus loin que la réglementation européenne relative aux emballages alimentaires. Ceux-ci peuvent en effet constituer une source de diffusion de PFAS rapide et simple vers l’homme et leur présence dans les emballages alimentaires a précisément été démontrée, voilà peu. Or le droit de l’Union européenne réglemente uniquement la présence de deux PFAS dans les emballages plastiques, et pas dans les autres types d’emballage en contact avec des denrées alimentaires. Il existe pourtant des alternatives pour rendre les emballages vierges de ces composés chimiques sans pour autant perdre leurs qualités. Une mesure équivalente à celle proposée à l’article 1er a été prise au Danemark il y a trois ans : depuis juillet 2020, la commercialisation et la mise à disposition d’emballages alimentaires en papier et en carton ne sont plus autorisées si ces derniers contiennent des PFAS pouvant entrer en contact avec les aliments ou avec l’eau.
La deuxième mesure de la proposition de loi concerne les rejets, en particulier aqueux, des ICPE. La pollution directe par les rejets dans l’eau ou dans le sol, qui contaminent ensuite l’eau, est une source de préoccupation majeure. Dans ce domaine aussi, il est souhaitable d’aller plus loin que la réglementation européenne et nationale, selon laquelle seules les ICPE soumises à autorisation sont obligées de mesurer la teneur en PFOS de leurs rejets aqueux et de respecter une certaine limite. Or il est nécessaire d’élargir ce périmètre pour que l’ensemble des ICPE aient à contrôler la présence et la quantité de PFAS dans leurs rejets aqueux et gazeux et à ne pas dépasser des concentrations limites. Un pouvoir serait donné au Gouvernement pour fixer des valeurs limites par arrêté, pour l’ensemble des PFAS.
Des mesures devraient prochainement être prises pour que les ICPE contrôlent plus systématiquement tous les PFAS détectables dans leurs rejets et pour améliorer les méthodologies de mesure et les moyens des laboratoires d’analyse. Il faut aller plus loin, en fixant des limites quantitatives.
Les deux articles de la proposition de loi s’inscrivent dans un cadre en évolution. La réglementation relative à la présence des PFAS dans les masses d’eau et dans l’eau destinée à la consommation humaine a été renforcée pour rendre obligatoire la détection d’une trentaine de PFAS déjà bien identifiés. Cela ne doit pas faire oublier que la pollution aux PFAS intervient en amont et que les entreprises doivent prendre leur part de responsabilité, ou que les PFAS s’infiltrent aussi dans les sols et les sédiments, et sont présents dans l’air.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Claire Pitollat (RE). La proposition de loi prévoit la limitation de certaines substances chimiques dans les plastiques. Ces derniers sont principalement un produit de la pétrochimie et un cocktail de substances chimiques. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la loi « Agec » sous le précédent mandat, nous avions privilégié la réduction de la consommation plastique avant toute autre mesure.
Les réglementations les plus efficaces pour réduire ces substances sont européennes. Vous avez cité le règlement Reach, mais il existe aussi de nombreux règlements sectoriels. Nous attendons avec impatience les révisions annoncées, ce qui explique que les députés se soient mobilisés autour de la proposition de résolution de Philippe Bolo et aient appelé à un traité ambitieux et contraignant pour lutter contre la pollution plastique. En octobre, nous avons voté la proposition de loi de Jimmy Pahun visant à réduire certains PFAS à l’horizon 2025. Prendre le temps est nécessaire, en effet, pour éviter les substitutions hasardeuses et les erreurs commises par le passé. En outre, lors de leur audition, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, ont indiqué avoir besoin d’études complémentaires.
Pour ces raisons, le groupe Renaissance demandera la conduite de recherches quant aux effets de ces substances. Il maintiendra l’interdiction à horizon 2025 prévue dans la proposition de loi de Jimmy Pahun. Nous proposerons aussi un report à 2026 des seuils concernant les émissions des implantations comme condition aux futures interdictions européennes. Ces amendements expriment une volonté ambitieuse d’un point de vue écologique, mais surtout réaliste et efficace pour protéger la santé de nos populations.
M. Daniel Grenon (RN). Les PFAS contaminent les eaux, l’air, les sols et les êtres vivants. Mais, paradoxalement, nous connaissons peu ces substances. Combien en existe-t-il ? Comment réagissent-elles dans les différents milieux ? Quels sont leurs niveaux de toxicité ? Peut-on retraiter les milieux contaminés efficacement ?
Conformément au principe de précaution, les PFAS doivent faire l’objet d’une surveillance accrue par le monde scientifique et par les autorités de santé du pays. La recherche doit nous aider à apporter des réponses. La France semble avoir pris un retard non négligeable, quand cinq pays européens ont fait de la lutte contre les PFAS une priorité. C’est le cas du Danemark, qui constitue un exemple à suivre pour interdire depuis 2020 l’usage des PFAS dans les emballages alimentaires. Alors que l’Union européenne prévoit de nouvelles réglementations strictes, l’exemple du Danemark et cette proposition de loi montrent que nous n’avons pas nécessairement besoin de la Commission européenne pour avancer dans certains domaines avec les États membres volontaires.
Si ambitieux soit-il, ce texte ne permettra pas d’éradiquer le problème s’il est voté. Puisqu’il faut commencer à agir, nous remercions M. le rapporteur de nous permettre de légiférer au moins sur les PFAS présents dans les emballages alimentaires et sur ceux rejetés par les ICPE. Néanmoins, nous veillerons à ce que nos secteurs industriels et le tissu économique ne soient pas mis en péril par l’absence de consultation et de solution face aux interdictions prévues. Le sujet des PFAS est directement lié à la santé publique. C’est pourquoi nous y sommes attentifs. Une réglementation est nécessaire, mais pas au détriment des secteurs économiques qui consentent déjà de nombreux efforts pour respecter les normes environnementales européennes et n’ont pas attendu des directives pour le faire.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous remercions notre collègue Taupiac et le groupe LIOT d’aborder à nouveau, dans notre assemblée, la question urgente de la pollution aux PFAS. Derrière cet acronyme se cachent des polluants éternels, des composés chimiques cancérigènes, perturbateurs endocriniens et non biodégradables, qui contaminent donc l’eau, l’air et les sols pour des millénaires. Cette menace directe pour les générations actuelles et futures est considérée comme une limite planétaire, au même titre que le réchauffement climatique.
Très mobiles, ces polluants chimiques éternels peuvent persister et s’accumuler dans les organismes vivants, contaminant ainsi toute la chaîne alimentaire. Ainsi, des ours polaires pourtant éloignés des hommes peuvent se retrouver contaminés par plus d’une dizaine de composés. Selon l’organisation à but non lucratif Environmental Working Group, plus de 330 espèces à travers le monde sont contaminées. En France, une récente étude du journal Le Monde recense plus de 900 sites contaminés. Ce nombre sous-estime largement la réalité, puisque 108 d’entre eux sont des « hotspots de contamination », dans lesquels la concentration est dangereuse pour la santé.
Malgré l’urgence sanitaire et écologique et les alertes continues des scientifiques, le plan proposé par le président Macron en janvier ne contient aucune mesure contraignante et renvoie toute action à la révision du règlement Reach, au mieux en 2026. Pire, le récent plan « eau » du ministre Béchu, annoncé en grande pompe, fait l’impasse sur la qualité de l’eau, donc sur la pollution aux PFAS. L’attentisme du Gouvernement est irresponsable ! En visant à interdire – enfin ! – les PFAS dans les emballages alimentaires, comme le Danemark depuis trois ans, cette proposition de loi est une étape utile et importante, qui ouvre la voie à l’instauration de normes pour les rejets industriels. Nous la soutenons, et j’en appelle à votre responsabilité pour qu’elle ne sorte pas de cette commission vidée de son sens.
M. Pierre Vatin (LR). Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées sont un sujet sérieux, à traiter sérieusement. Persistantes dans l’environnement et comportant de possibles risques pour la santé humaine, ces substances méritent d’être mieux réglementées sous peine d’un prochain scandale sanitaire.
Vous avez souhaité prendre à témoin le Gouvernement, dont le plan PFAS présenté en janvier a paru trop timoré. L’article 1er de votre proposition de loi prévoit une interdiction immédiate de tous les PFAS dans les emballages alimentaires, alors que les restrictions actuelles ne concernent que quelques-uns d’entre eux, principalement pour le plastique. Notre groupe ne partage pas votre idée de mesures franco-françaises appliquées dans des délais aussi restrictifs, sans que la science ait établi le degré de toxicité des PFAS comme l’indique l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), dans son rapport de décembre.
Dans le contexte défavorable d’inflation, le principe de précaution doit aussi s’appliquer à nos emplois et à l’économie. Il n’est pas besoin d’anticiper les nouvelles normes européennes. Alors que cinq États visent une interdiction large des PFAS d’ici à 2027, il serait rationnel de faire de même, plutôt que de conduire une initiative solitaire qui nous exposera à des sanctions de l’Union européenne au titre des règles du marché unique et à des coûts supplémentaires, et condamnera nos entreprises à une distorsion de concurrence, à des normes et à des coûts supplémentaires, et à se priver de produits aux applications variées quand nos voisins immédiats continueront à les utiliser.
Concernant l’article 2, qui prévoit des valeurs limites de PFAS dans les effluents aqueux et gazeux de nos usines classées ICPE, l’obstacle n'est pas tant juridique que scientifique puisque le recensement de ces substances, de leurs effets, de leur mode de neutralisation et de leurs alternatives nécessite un long travail des chercheurs, lequel devrait être facilité par un arrêté ministériel, en préparation semble-t-il.
Les amendements de réécriture devraient permettre d’aboutir à un compromis aligné sur le calendrier européen et sur les capacités d’adaptation des entreprises.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Député du sud de la métropole de Lyon, en proie à une pollution aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, je sais combien ce sujet est crucial. La toxicité des PFAS n’étant plus à démontrer, nous partageons la nécessité de réglementer leur usage. Nous avons d’ailleurs fait adopter un texte en ce sens en octobre, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Démocrate, grâce à l’engagement de Jimmy Pahun et au rapport d’information sur la pollution plastique de Philippe Bolo, deux collègues du MoDem. Il permet d’envoyer un signal fort à nos voisins européens, celui que la France est prête et déterminée à fixer des interdictions communes. En effet, nous considérons que le levier européen est la priorité et la solution pour obtenir des résultats.
Dans le cadre de la niche du groupe LIOT, vous proposez un nouveau texte alors que nous nous sommes déjà positionnés et que le Gouvernement a annoncé, en janvier, un plan d’action ministériel contre les PFAS. Restant fidèles à notre position, nous vous proposons de l’aligner avec les dispositions votées en octobre et de le faire concorder avec le droit européen car il est primordial que la France, l’Europe et le monde jouent collectivement.
Les acteurs auditionnés nous ont fait part du manque crucial de données pour la fixation de valeurs limites pour les effluents. Si le principe de précaution est nécessaire, l’évaluation des conséquences sanitaires et environnementales de chaque substance chimique exige de mieux connaître ces plus de 4 000 produits. Soyons collectivement concentrés vers le même objectif : l’examen au Sénat de la proposition de loi de Jimmy Pahun et sa promulgation, pour permettre de réelles avancées.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Peu connues du grand public, les PFAS sont des substances chimiques toxiques présentes dans la composition de nombreux objets du quotidien – textiles, jouets, dispositifs médicaux – et dans l’environnement, l’air, l’eau, les sols et les organismes exposés. Pour certains experts, elles sont la plus grande menace chimique du XXIe siècle. Le rapport de l’Igedd fait état d’une situation critique et recommande à l’État d’engager sans tarder les actions de maîtrise du risque les plus urgentes.
Ces substances provoquent des effets nocifs sur le métabolisme humain et sont associées à des risques de cancer et de dérèglement endocrinien et thyroïdien. L’Autorité européenne de sécurité des aliments alerte aussi quant à leurs effets sur le système immunitaire, mal connus et dont le suivi est mal assuré. La France est particulièrement en retard dans ce domaine. Les inspecteurs de l’Igedd sont favorables à la restriction globale des PFAS, initiative défendue par plusieurs États européens, mais soulignent que leur interdiction n’aura d’effet qu’à long terme et qu’il est urgent d’engager des actions prioritaires pour mieux identifier les sources de pollution. L’eau potable est également touchée.
Face à l’ampleur du problème, nous remercions le rapporteur de soumettre cette question au débat public. Cette proposition de loi vise l’interdiction de l’importation ou de la production des emballages alimentaires à base de ces substances et propose d’instaurer des valeurs limites de leurs rejets en milieu naturel, tout en renvoyant la fixation de ces valeurs à un arrêté. Nous la soutiendrons, car elle va dans le bon sens. Mais nous insistons sur le besoin d’une prise de conscience plus large et d’actions plus ambitieuses. Aussi défendrons-nous des amendements visant à cartographier les principaux sites concernés par une pollution aux PFAS et à lancer une campagne nationale pour mieux faire connaître cette problématique au public et aux acteurs de l’environnement. Nous proposons aussi la rédaction d’un rapport relatif à la dépollution des sites, des eaux et des sols, qui évaluera le coût global de cette dépollution et formulera des recommandations pour assurer son financement.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Nous avons débattu à plusieurs reprises de certains PFAS, et nous savons que les propriétés pour lesquelles ces substances ont été largement développées, utilisées et répandues depuis des décennies sont précisément à l’origine des problèmes de pollution et de toxicité. La multiplication de ces derniers pose des questions de réglementation, d’adaptation, voire d’interdiction. L’utilisation variée de ces composés chimiques, combinée à leur caractère très persistant, entraîne une contamination de tous les milieux. Certains s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire. D’autres, plus mobiles, sont transportés par l’eau ou l’air et peuvent se retrouver jusque dans les océans Arctique et Antarctique. Leur incidence sur la santé humaine, animale et environnementale est préoccupante : ils provoquent une augmentation du taux de cholestérol, peuvent entraîner des cancers et causer des effets sur la fertilité et le développement du fœtus, mais sont aussi suspectés d’interférer avec le système endocrinien et immunitaire.
Cette proposition de loi vise le double objectif de réduire l’exposition de la population et les risques sanitaires associés aux PFAS, et de limiter la contamination de l’environnement par ces mêmes substances. Partageant cette préoccupation majeure, le ministre Christophe Béchu a présenté un plan d’action ministériel PFAS pour la période 2023-2027 afin de réduire les risques à la source, de poursuivre la surveillance des milieux, d’accélérer la production des connaissances scientifiques et de faciliter l’accès à l’information. En outre, une réglementation européenne réglemente certains composés PFAS entrant dans les plastiques et les emballages en contact avec les denrées alimentaires.
Le groupe Horizons et apparentés défendra des amendements visant à coordonner les dispositions de la proposition de loi avec ce que nous avons déjà voté à l’automne grâce au travail de notre collègue Jimmy Pahun, en lien avec les évolutions à venir dans le cadre de la révision du règlement Reach. Je défendrai aussi, au niveau européen, un amendement non prévu et plus ambitieux s’agissant des PFAS présents dans les papiers et cartons dans l’alimentation.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Les PFAS sont probablement l’un des pires scandales sanitaires depuis des décennies. Alors que le sujet est traité aux États-Unis depuis plus de vingt ans, un silence coupable régnait encore récemment en France. Le point commun de tous les PFAS est d’être composés d’une chaîne de molécules carbone-fluor très puissante, qui leur confère des propriétés comme la résistance aux fortes chaleurs, à l’eau, aux graisses ou aux frictions. Mais le revers de ces qualités est dramatique, et de plus en plus documenté par les scientifiques. Ces composés ne se dégradent que partiellement dans l’environnement, s’infiltrent dans les sols et ont la capacité de se déplacer rapidement par l’air et les courants marins. Ils sont ainsi à l’origine d’une pollution systémique.
L’exposition à ces substances est liée à des risques accrus de cancer, d’altération de la fertilité, d’augmentation du cholestérol et de l’hypertension, ou encore de perturbation de la thyroïde et du foie. Plusieurs études récentes démontrent leur lien avec la diminution de la réponse immunitaire aux vaccins, mais aussi avec la pandémie d’obésité. Nous sommes face à un problème sanitaire d’une gravité et d’une portée inédites.
Cette proposition de loi cible les emballages alimentaires, à l’image de l’interdiction décidée au Danemark, et propose d’instaurer des normes de rejets industriels pour les ICPE. C’est un premier pas que le groupe Écologiste soutiendra. Néanmoins, le spectre du texte est trop limité compte tenu de l’urgence et pourrait être enrichi, par exemple en abordant la question du contrôle de la qualité de l’eau et en envisageant une interdiction plus large que pour les seuls emballages alimentaires. C’est le sens des amendements que je défendrai.
Je déplore les tentatives de plusieurs collègues de dénaturer ce texte en reportant sine die l’entrée en vigueur de la moindre norme pour les PFAS, alors que les scientifiques nous alertent quant au risque sanitaire lourd qui pèse sur la population. Chaque année perdue par nos tergiversations se comptera en vies humaines.
M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Les polluants éternels que sont les PFAS sont une plaie pour l’environnement et pour la santé. En 2022, des PFAS ont été détectés dans les nappes phréatiques et les puits de l’agglomération rouennaise, sonnant l’alerte quant à la potabilité de l’eau.
Si les travaux de Forever Pollution Project sont alarmants, nous ne pouvons pas nous limiter à la pollution des eaux. D’autres espaces sont touchés et l’industrie utilise en masse ces substances, contaminant ensuite nos aliments. Cette utilisation abusive a des conséquences néfastes et irréversibles, y compris pour les enfants avant même leur naissance. Le plan d’action gouvernemental pour 2023-2027 n’est pas suffisant et pose la question des moyens humains alors que, depuis 2007, près de mille postes ont été supprimés à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Une trop grande marge de manœuvre est laissée aux entreprises pour les substances qu’elles utilisent. Aussi appréhendons-nous positivement cette proposition de loi qui sera enrichie par les amendements de nos collègues. Nous la soutiendrons jusqu’à son terme.
M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Nous sommes face à un scandale sanitaire. Les PFAS regroupent plus de 4 000 molécules chimiques. Certains avanceront leur utilité industrielle pour les poêles en téflon, pour les emballages alimentaires et pour certains textiles. Pour autant, nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas : les études s’accumulent et concordent toutes. Nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas : ces polluants chimiques sont omniprésents, y compris dans le sang de nos chers enfants, et persistants dans l’environnement ; ils entraînent des cancers, de l’infertilité et une diminution de la réponse immunitaire aux vaccins. Leur effet sur notre santé montre leur nocivité.
Nous devrions avoir peur de ce qui constitue l’un des grands scandales sanitaires et environnementaux du siècle. Face à cette contamination massive, les réponses des pouvoirs publics sont tardives et timides, mais cette proposition de loi est une réponse exigeante et responsable. J’ose espérer que la majorité ira plus loin que le plan d’action du Gouvernement, peu contraignant et sans volonté de réduction à la source même chez les premiers émetteurs, et plus loin que le règlement Reach car ce serait se résigner à repousser les premières avancées à 2027. Conditionner les avancées sur le plan national à l’adoption de la législation européenne serait prendre un risque coupable. Comment accepter de défendre des amendements de réécriture pour interdire les PFAS en France une fois qu’ils seront interdits à l’échelle européenne ?
La France doit être à l’avant-garde en la matière. À l’image du Danemark, nous pouvons interdire l’utilisation des PFAS dans les emballages alimentaires. Comme le demande l’Igedd, encadrons les rejets industriels. Il est triste de songer que la nature parle et que le genre humain ne l’écoute pas. Je propose de faire mentir Victor Hugo et d’écouter la voix de la sagesse.
M. David Taupiac, rapporteur. Madame Pitollat, vous évoquez la nécessité de nous aligner sur le règlement Reach, mais le principe de précaution doit s’appliquer. La littérature fournie quant aux incidences pour la santé incite à légiférer sans attendre la révision de ce règlement qui a déjà pris deux ans de retard.
S’agissant des normes pour les rejets aqueux, une entrée en vigueur de normes en 2026 semble aussi trop éloignée. Je propose la date de 2025, en conformité avec l’arrêté à venir qui doit établir une cartographie des sites et des usages, ainsi que la méthodologie analytique applicable aux laboratoires pour détecter plus largement les PFAS.
Monsieur Grenon, vous considérez que la proposition de loi est ambitieuse mais ne suffira pas à éradiquer les PFAS. Je n’ai pas cette prétention, ces substances étant plus de 4 000, regroupées en plusieurs familles présentes dans de nombreux secteurs d’activité et produits. Je me suis attaché à rédiger une proposition équilibrée entre l’interdiction de certains emballages alimentaires, pour lesquels le Danemark a pris des dispositions il y a trois ans et pour lesquels il existe des produits de substitution, et le bon fonctionnement des activités économiques. Ma préoccupation vise à prendre en compte tous les volets – santé, environnement et économie.
Madame Stambach-Terrenoir, je partage votre avis quant à la dangerosité des PFAS du fait de leur composition, de la longueur des chaînes de molécules à base de carbone et de fluor, de leur persistance, de leur résistance aux hautes températures et de leur accumulation dans l’environnement. Si nous continuons à les autoriser, ces molécules s’accumuleront indéfiniment et s’immisceront partout, jusque dans les tissus humains. La cartographie à venir démontrera que la vision des sites contaminés et de ceux qui produisent ou rejettent des PFAS reste vague. Nous espérons que l’arrêté qui sera signé prochainement permettra de lancer une campagne de cartographie, laquelle constituera un point d’alerte supplémentaire.
Monsieur Vatin, je suis d’accord avec vous pour considérer que le plan PFAS annoncé en début d’année n’est pas assez ambitieux. S’il établit une feuille de route non contraignante, il considère tout de même que des actions devront être prises ultérieurement, en lien avec le règlement Reach. Je le répète, l’interdiction des emballages contenant des PFAS ne représente pas un danger particulier pour notre économie puisque des substitutions existent. Certaines enseignes de la restauration rapide ont ainsi fait le choix de remplacer leurs emballages alimentaires par des produits sans PFAS. Cette proposition de loi est équilibrée, et ses préoccupations pour la santé et l’environnement n’entraîneront pas de contraintes trop fortes pour nos entreprises et pour l’industrie.
Par ailleurs, vous souhaitez adapter le délai d’analyse. Je considère que les mesures qui seront engagées dans le cadre de l’arrêté à venir permettront d’établir des normes de rejets aqueux pour les sites classés d’ici à un an et demi.
Monsieur Isaac-Sibille, je trouve dommage d’attendre que la démarche Reach aboutisse. M. Pahun a déjà travaillé à ce sujet et d’autres députés y sont déjà sensibilisés. Je l’ai été, moi-même, lors de notre table ronde d'avril et je ne revendique aucune antériorité en la matière. S’agissant des effluents, je le répète, lorsqu’une méthodologie analytique sera établie, nous serons en mesure d’analyser de nombreux PFAS d'ici à un an et de fixer des valeurs d’ici à un an et demi. De ce point de vue, l’échéance de 2025 est cohérente.
Madame Jourdan, vous avez fait état des conséquences sur la santé. Une publication de l’Autorité européenne de sécurité des aliments en confirme certaines et fait part de ses suspicions pour d’autres. La littérature est suffisamment fournie pour que nous prenions des mesures d’interdiction, même si le sujet est vaste. Ces substances étant très nombreuses, il faudra améliorer leur cartographie pour définir tous leurs effets. Concernant l’eau potable, je considère comme vous qu’il est nécessaire de mesurer les concentrations en PFAS des rejets aqueux à la sortie des ICPE, mais aussi d’analyser ces concentrations dans l’eau potable. Inclure des exigences futures de détection et de contrôle est déterminant pour l’amélioration des filières de traitement.
Madame Violland, les PFAS sont effectivement bio-accumulables : plus on monte dans la chaîne alimentaire, plus les tissus en concentrent. On retrouve donc des concentrations plus élevées chez l’homme, qui est au sommet de cette chaîne et qui mange des animaux qui se nourrissent eux-mêmes dans l’environnement. Le sujet est préoccupant pour l’environnement, mais aussi et de plus en plus pour la santé humaine.
J’ai échangé en amont avec M. Thierry, qui présentera une proposition de loi. Je suis d’accord pour considérer qu’il s’agit d’un problème d’ampleur inédite, compte tenu de la multiplicité des usages. Nos connaissances et la cartographie des PFAS sont encore limitées. J’ai restreint ma proposition aux emballages alimentaires car j’ignore s’il existe des capacités de substitution pour l’ensemble des secteurs économiques, et avec l’ambition de trouver un équilibre entre les enjeux de santé publique et les enjeux économiques.
Monsieur Wulfranc, je rejoins vos propos concernant les conséquences des PFAS pour la santé. Le plan annoncé en début d’année est insuffisant, mais c’est une première base dont il faut se satisfaire. Nous devons aller plus loin, mais nous ne sommes qu’au début de la connaissance de ce sujet. Nous devons y travailler ardemment.
Pour reprendre ce que m’a dit M. Thierry, ce travail doit être transpartisan et faire l’objet de travaux approfondis par l’ensemble des groupes.
Nous pouvons parler de scandale sanitaire, Jean-Louis Bricout. Il y en a déjà eu aux États-Unis, qui ont conduit à l’interdiction des PFOS et des PFOA. Peut-être sommes-nous à la veille de scandales plus grands encore. Aussi doit-on appréhender le sujet dès aujourd’hui, et le cranter dans notre travail législatif.
Je vous remercie pour votre soutien. Nous resterons exigeants dans les propositions que nous formulerons, mais aussi réalistes et responsables.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Merci d’avoir souligné le travail effectué dans cette commission. Le fait que la table ronde d’avril vous ait inspiré témoigne de la pertinence de nos auditions du mercredi matin.
Avant l’article 1er
Amendement CD30 de Mme Chantal Jourdan et sous-amendement CD45 de M. le rapporteur.
Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement CD30 vise à cartographier les principaux sites concernés par une pollution aux PFAS. En Europe, le Forever Pollution Project a recensé 17 000 sites sur lesquels la concentration de PFAS est supérieure à 10 nanogrammes par litre, dont 2 100 à des niveaux dangereux pour la santé, où la concentration est supérieure à 100 nanogrammes par litre. Il s’agit d’affiner ce travail à l’échelle nationale.
La hiérarchisation des sites pourra s’appuyer sur l’importance des enjeux, notamment celui du captage d’eau, et sur la capacité de l’État à agir, grâce à sa connaissance du site et à la présence d’un responsable. La recherche des sites encore en activité pourra s’appuyer sur l’analyse des nomenclatures ICPE – applicable notamment aux installations de raffinage, de stockage, de pétrochimie et de traitement des déchets – et IOTA – applicable notamment aux stations d’épuration et aux aires d’épandage –, ainsi que sur la matrice de corrélation activités-polluants (ActiviPoll) disponible auprès de la direction générale de la prévention des risques (DGPR).
Cet amendement est issu du rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable intitulé Analyse des risques de présence de per-et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l’environnement. Il permettra de mettre en œuvre ses recommandations 4 – Achever l’inventaire des grands incendies d’hydrocarbures depuis les années cinquante et sur les sites d’entraînement à l’utilisation de mousses AFFF civiles et militaires. Identifier les sites pouvant avoir pu être pollués par l’infiltration de mousses contenant des PFAS (DGSCGC, DGPR, SDIS, DGAC, Ministère de la Défense) – et 8 – Engager une opération nationale d’identification et de maîtrise des émissions de PFAS sur l’ensemble des sites émetteurs potentiels par arrêté ministériel et parachever l’action RSDE. Engager une démarche de maîtrise du risque sur chaque site émetteur identifié et sur les principaux enjeux contaminés.
M. David Taupiac, rapporteur. Le sous-amendement CD45 vise à supprimer la deuxième phrase de l’article additionnel prévu par l’amendement.
Je partage l’idée d’établir une cartographie. L’arrêté en cours d’élaboration, qui sera signé prochainement, devrait aider, pour une période de trois fois trois mois, à établir la liste des sites industriels, des usages et des substances concernés, sachant que plus de 4 000 substances sont utilisées. Il faut déterminer s’il s’agit de sites de production ou d’utilisation de PFAS. Il faut établir des seuils et, pour les laboratoires, des méthodologies analytiques, sans lesquelles certaines molécules ne sont pas détectables.
S’agissant de la fixation des actions de dépollution des sites et de seuils maximaux, elle doit être remise à plus tard compte tenu de l’état de nos connaissances et de la pauvreté de la littérature scientifique en matière de cartographie. Fidèle à ma formation scientifique, je suis attaché à la connaissance des faits, qui doit précéder l’action. Pour l’heure, contentons-nous de limiter l’usage et la production de PFAS.
J’émets un avis favorable à l’amendement sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
Mme Claire Pitollat (RE). L’arrêté en cours de concertation évoqué par M. le rapporteur est une démarche d’identification des sites rejetant des PFAS lancée par le Gouvernement. Elle est complétée par une identification des sites où ont été utilisées des mousses anti-incendie, au premier rang desquels les aéroports. Sous-amendé ou non, l’amendement est donc satisfait. Le groupe Renaissance votera contre.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Monsieur le rapporteur, je vous remercie de souscrire à l’esprit de l’amendement. Je tiens néanmoins à la seconde phrase. Je ne conteste pas le caractère lacunaire de nos connaissances, mais il me semble important d’agir d’ores et déjà, sur la base de ce que nous connaissons.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement a le mérite de rappeler qu’il faut connaître les sites contaminés aux PFAS. Ce qui me préoccupe, c’est que nous utilisons des PFAS depuis des décennies et que nous ne connaissons pas leur localisation exacte.
La pollution actuelle s’ajoute à la pollution historique. En raison de la stabilité de la liaison carbone-fluor, les PFAS sont appelés « polluants éternels ». Il importe donc de dresser une cartographie précise de leur utilisation et des rejets des mousses anti-incendie.
Le groupe Démocrate votera contre l’amendement. Certes, il est souhaitable que l’Assemblée nationale prenne conscience de ce qui se passe, mais tous les acteurs en ont d’ores et déjà conscience, et le Gouvernement, qui élabore un plan d’action ministériel sur les PFAS, aussi. Voter la loi ne consiste pas à doublonner ce qui est en cours, sous peine de l’alourdir.
M. David Taupiac, rapporteur. Certes, un arrêté est en cours d’élaboration. Il permettra d’agir.
Toutefois, l’article additionnel proposé a le mérite de signaler un point de vigilance et de rappeler l’objectif de cartographier les sites contaminés, ce qui me semble important, compte tenu de l’inaction qui a prévalu pendant de nombreuses années. Le travail mené par les médias a mis le sujet sous les projecteurs, aussi nous devons aller vite.
S’agissant de la dépollution des sites, les performances des filières de traitement des rejets des ICPE, notamment à Lyon, varient selon les types de PFAS. Faute de méthode analytique, nous ne savons pas tous les détecter. Nous ne pouvons donc pas établir comment améliorer ces filières ni comment dépolluer les sites. Par honnêteté intellectuelle et scientifique, je préfère que ce sujet soit exclu de l’article additionnel proposé.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je souscris à l’esprit du sous-amendement de M. le rapporteur, étant élu du Rhône.
Sur les PFAS, nous apprenons en marchant. Chaque jour, nous faisons des découvertes. Nous ne nous rendons pas compte du degré de pollution dans lequel nous vivons. Une récente enquête a montré que des produits aussi divers que le lait maternel primipare, les produits du potager et les œufs contiennent des PFAS. Nous avançons.
Nous n’en sommes pas moins incapables de définir des seuils. Quels PFAS retenir parmi les 4 000 qui existent ? Quels sont les bons, les mauvais et les moins mauvais ? Personne n’en sait rien.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué votre formation scientifique. Il faut absolument acquérir une véritable connaissance des PFAS, savoir ce que nous détectons et comment nous le détectons. À l’heure actuelle, seuil de dangerosité et seuil de détection sont à peu près identiques. Un énorme travail s’impose pour mieux comprendre les PFAS et leur niveau de dangerosité. Il faudra ensuite localiser les pollutions actuelles et les pollutions historiques pour avancer.
La commission rejette le sous-amendement CD45.
Elle rejette l’amendement CD30.
Article 1er (article L. 541‑15‑10 du code de l’environnement) : Interdiction des emballages alimentaires contenant des substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées
Amendement CD10 de M. Jorys Bovet.
M. Daniel Grenon (RN). Cet amendement vise à instaurer un contrôle des matières recyclées qui entrent sur le territoire pour la fabrication d’emballages alimentaires. Même si nous interdisons l’utilisation de PFAS dans les emballages alimentaires, leur présence dans les matières recyclées que nous importons pour les produire, souvent de pays extérieurs à l’Union européenne, est très probable. À défaut d’interdire leur importation, ce qui est impossible, nous devons au moins les contrôler.
M. David Taupiac, rapporteur. Vous évoquez un sujet important : le contrôle des PFAS dans les matériaux recyclés. Une grande enseigne de restauration rapide, qui a réussi à éliminer les PFAS d’emballages fabriqués avec des matières neuves dont elle contrôle tous les composés, a plus de mal à les éliminer des emballages fabriqués avec des matières recyclées.
Toutefois, l’article 1er de la proposition de loi, qui ne précise pas si les emballages visés sont issus de matières recyclées ou non, couvre un champ plus large que celui de l’amendement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CD18 de M. Cyrille Isaac-Sibille, CD21 de Mme Claire Pitollat et CD23 de Mme Anne-Cécile Violland, amendement CD28 de Mme Anne-Cécile Violland (discussion commune).
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement CD18 vise à rédiger l’alinéa 2 en reprenant une rédaction adoptée par votre commission et par l’Assemblée il y a six mois. À défaut de connaître les PFAS, il faut savoir où nous allons et y aller rapidement. Pour ce faire, utilisons la proposition de loi visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé, adoptée par l’Assemblée à l’initiative de Jimmy Pahun et examinée prochainement par le Sénat.
Mme Claire Pitollat (RE). Le groupe Renaissance souhaite revenir au texte de la proposition de loi de Jimmy Pahun, que nous avons adoptée. Elle prévoit notamment une interdiction au 1er janvier 2025, sur laquelle nous étions majoritairement d’accord.
Ce délai court offre à tous les secteurs un temps de prise en compte des acquis de la recherche, qui leur permettra d’éviter les substitutions hasardeuses. Plusieurs substitutions de substances chimiques un peu hâtives ont abouti à des produits encore plus nocifs pour la santé et les écosystèmes. 2025, c’est demain. Ce délai assez court a été adopté en octobre dernier avec l’accord de tous les groupes politiques. Il faut le conserver.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Par cohérence avec les dispositions adoptées à une large majorité en octobre dernier, il faut reprendre à l’identique la rédaction du texte de Jimmy Pahun.
L’amendement CD28 vise à aller un peu plus loin. La réglementation européenne ne prévoit pas l’interdiction des PFAS dans les emballages alimentaires en carton ou en papier, qui sont pourtant en contact avec les aliments, ce qui n’est pas sans conséquence sur la santé humaine. Il faut anticiper l’adoption, à l’échelon européen, d’une telle interdiction.
Mme Danielle Brulebois (RE). Dans les emballages alimentaires, nous avons remplacé le plastique par le carton et les fibres végétales moulées. Or ce n’était peut-être pas une bonne idée. Une étude a en effet démontré que mêmes les emballages utilisés par Biocoop présentent une concentration importante de PFAS, ce qui est d’autant plus grave qu’ils sont donnés comme recyclables et pollueront donc les sols.
Il faut laisser le temps à la science. Le carton n’est pas une solution miracle. Il faut suivre la réglementation européenne, issue de travaux approfondis, et prendre le temps de réfléchir pour ne pas adopter des solutions dans la précipitation avant de découvrir que le remède est pire que le mal.
M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Toutes ces réécritures posent problème. Elles s’inscrivent dans le cadre du règlement européen Reach et repoussent l’échéance de prise en compte des molécules identifiées dès la première version de la directive européenne de 2018, dont la filière textile avait fait relever les seuils. Lors du débat parlementaire à l’échelon européen, nous avions identifié le problème.
La rédaction proposée par M. le rapporteur, limitée aux emballages alimentaires, mériterait d’être élargie à tous les biens et produits. Il faut agir vite. Nous connaissons l’impact des PFAS sur la santé depuis six à huit ans. La proposition de directive de 2018 en faisait état. Je ne comprends pas à quoi servent ces réécritures, sinon à gagner du temps et permettre à certaines filières de continuer à détruire nos vies et le vivant en général.
J’appelle chacun à faire preuve de sagesse pour qu’au moins nous conservions la rédaction du rapporteur. Notre amendement CD1 vise à élargir le périmètre de l’article 1er.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). En apparence, ces amendements identiques étendent le champ des produits concernés par l’interdiction des PFAS mais, en fait, la majorité propose de subordonner l’entrée en vigueur de toute interdiction à la révision du règlement Reach, laquelle interviendra au mieux dans une décennie, sans que personne puisse par ailleurs deviner le champ qu’elle couvrira.
Pourquoi ne pas donc devancer la directive européenne ? Dans son plan d’actions ministériel PFAS de janvier 2023, le Gouvernement soutient « une interdiction large » sur le plan européen. Le Danemark, dès 2020, a choisi de donner l’exemple et d’interdire sur son sol les emballages alimentaires qui en contiennent. Pourquoi ne pas aller en ce sens ?
En vidant le texte de toute portée normative, ces amendements relèvent de l’enfumage. Sur le plan national, nous pouvons protéger les populations et permettre à des dizaines voire à des centaines de milliers de personnes d’échapper à de graves problèmes de santé. Attendre est inacceptable et révoltant. Notre groupe appelle à voter contre ces amendements.
M. Jimmy Pahun (Dem). Nous commençons une semaine cruciale avec l’ouverture des négociations sur un traité international visant à mettre fin à la pollution plastique. Nous devons tous parler d’une même voix et nous fixer des objectifs. Nous avons déposé une proposition de loi visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé et à interdire les emballages alimentaires constitués de polystyrène ou polymères équivalents à compter du 1er janvier 2025. Essayons de faire comprendre aux industriels qu’en l’occurrence, ils n’y parviendront pas avant et que les solutions ne sont pas les bonnes.
Nous devons faire entendre notre voix sur le plan européen. L’Europe s’investit sur le plan environnemental et croit beaucoup aux actions que la France a menées, par exemple à travers la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire dite Agec. En 2027, il n’y aura plus de micro-plastiques ajoutés dans les produits de beauté ou les engrais. S’agissant des PFAS, nous devons travailler de la même manière. Je sais que, à votre sens, les choses traînent un peu mais nous sommes de plus en plus entendus.
M. David Taupiac, rapporteur. Avis défavorable à ces amendements identiques. Il me semble un peu cavalier de reprendre la disposition de la proposition de loi de M. Pahun dans ce texte et dangereux de nous aligner sur une révision du règlement européen Reach, qui ne sera pas effective avant 2027. Je rappelle que nous parlons de substances bioaccumulables, qui persistent dans l’environnement.
La possibilité d’opter pour des produits de substitution existe et peut constituer pour notre industrie une opportunité pour s’adapter à une nouvelle réglementation et devenir leader sur ce marché à l’échelle européenne, lorsque le règlement Reach s’appliquera. Choisissons de favoriser le développement d’une industrie verte ! Ce que vous proposez manque d’ambition.
Avis défavorable, également, à l’amendement CD28, qui est plus restrictif que l’article en incluant seulement le papier et le carton, non les emballages plastiques, alors que des produits de substitution existent.
M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Ces amendements ne feraient que rendre la loi bavarde et trop timide. Nous sommes confrontés à une catastrophe sanitaire et nous devons prendre nos responsabilités.
Plus généralement, le texte s’attaque aux constituants des emballages alimentaires. L’interdiction en vigueur au Danemark n’a pas entraîné de catastrophe économique, au contraire ! Si nous en faisions de même, nous marquerions notre attachement à l’industrie verte.
Mme Huguette Tiegna (RE). Il importe d’aligner ces dispositifs sur la réglementation européenne. Notre industrie doit trouver des solutions de substitution. Nombre de députés déposent des propositions de loi en la matière mais lorsque de telles initiatives ne sont pas prises sur le plan européen, les PFAS restent présents dans les domaines agricole, de l’alimentation ou du médicament faute de productions nationales. Le projet de loi industrie verte sera également utile afin que, dans les années à venir, nous puissions nous débarrasser d’un certain nombre de produits toxiques.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). J’entends parler de manque d’ambition mais le 1er janvier 2025, ce n’est pas si loin pour que nous puissions développer des matériaux qui ne soient pas plus nocifs que ceux que nous supprimerions.
L’amendement CD28 visait à ce que, dans un premier temps, l’interdiction porte sur le papier et le carton, étant entendu que le règlement européen statuera sur la question des plastiques.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, tous les amendements se rapportant à l’alinéa 2 tombent.
Amendements CD7 et CD8 de M. Nicolas Thierry (discussion commune).
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Le premier amendement vise à compléter l'interdiction prévue à l'article 1er : il prévoit d'ajouter une interdiction des vêtements et des mousses anti-incendie contenant des PFAS en 2025 ainsi qu'une interdiction large de tout produit contenant des PFAS en 2027. Ce sont là en effet des sources d’exposition importantes alors que des alternatives existent. En deux ans, nous pouvons nous débarrasser des PFAS dans ces deux familles de produits. J’ajoute que l’Agence européenne des produits chimiques propose déjà une restriction d’utilisation des mousses anti-incendie et que dans son plan d’actions ministériel PFAS, le Gouvernement soutient la proposition de restriction Reach portant sur l’ensemble de la classe des PFAS et non telle ou telle substance. Je vous propose donc de garantir une interdiction large à l’horizon de 2027 sur le territoire national, indépendamment des incertitudes liées au processus décisionnel européen. En cas d’absence d’alternative, la présente interdiction ne s’applique pas au matériel médical et de santé.
Le second amendement, de repli, vise à ajouter à l'article 1er une interdiction large de tout produit contenant des PFAS en 2027.
M. David Taupiac, rapporteur. Je partage une telle ambition mais je suis défavorable à l’adoption de ces amendements. Outre que nous ne disposons pas d’une cartographie, nous avons constaté lors des auditions que des PFAS sont présents dans de nombreux produits, y compris dans ce produit phare que sont les batteries pour les véhicules. Il me semble donc difficile d’envisager une interdiction aussi large sans avoir trouvé des produits de substitution, notamment pour des filières émergentes.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Compte tenu du danger que représentent les PFAS, il n’est pas possible de bâtir nos secteurs stratégiques sur leur usage. Pire encore : les restrictions européennes pourraient être dommageables si nos entreprises ne les anticipent pas. Le géant américain de la chimie 3M s’est montré soucieux d’anticiper les restrictions et a annoncé un arrêt de l’utilisation des PFAS dès 2025. Des exceptions peuvent être envisagées mais si nous voulons rendre service à l’industrie, c’est en lui permettant d’anticiper et non en l’invitant à subir. Même pour notre compétitivité, il ne serait pas opportun de nous montrer sur le repli et la défensive.
Mme Huguette Tiegna (RE). La France est le chef de file de « L’Airbus de la batterie » européen. Si nous supprimons les PFAS dans la fabrication des batteries, domaine dans lequel nous ne sommes pas encore vraiment leader, nous enverrions un mauvais signal.
Nous avons besoin de temps pour trouver des alternatives. Commençons à supprimer les PFAS dans les secteurs où il est possible de le faire sans difficulté mais il est préférable pour la France, par ailleurs, de s’aligner sur les directives européennes.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On dénombre plus de 4 000 sortes de PFAS et vous voudriez tous les interdire ? Nous avons d’abord besoin d’avis scientifiques et d’études d’imprégnation afin d’interdire en premier lieu ceux dont nous savons qu’ils sont dangereux.
Les industriels n’attendront pas une interdiction. L’usine en question cessera d’utiliser des PFAS dès l’année prochaine.
Il importe qu’il y ait une prise de conscience générale, individuelle, collective française, européenne, mondiale. Après, nous devrons tous avancer de manière coordonnée.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Vous vous inscrivez dans un débat qui a déjà eu lieu aux États-Unis il y a vingt ans. Les industriels n’ont absolument pas voulu d’une interdiction de l’ensemble de la famille des PFAS mais un examen substance par substance pour gagner du temps et faire en sorte que le débat s’enlise. Or, nous savons que tous les PFAS sont cancérigènes à des degrés plus ou moins importants. Vous devriez avoir honte de vos propos.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Ils sont en effet insupportables. La stratégie des industriels consiste à préserver leurs intérêts et à faire comme si nous n’en savions pas assez sur les PFAS, alors que nous savons qu’ils sont tous nocifs. Nous sommes confrontés à une urgence sanitaire et écologique. Plus le temps passe, plus le nombre de morts augmente et plus la biodiversité diminue car ces produits toxiques sont stockés dans les organismes tout le long de la chaîne alimentaire, jusqu’aux prédateurs. Il est criminel d’agir ainsi.
Mme Claire Pitollat (RE). Une interdiction doit être fondée sur une connaissance rigoureuse, scientifiquement établie. C’est pourquoi nous demanderons un rapport, à l’article 2, pour faire un état des lieux de ces connaissances, mais aussi des études d’imprégnation afin que nous puissions agir au bon niveau, sur le plan européen.
M. Jimmy Pahun (Dem). Ce texte, dans le cadre de la niche parlementaire, soulève un vrai problème, dont nous sommes tous conscients. Certes, nous n’allons pas toujours assez vite mais il importe d’agir ensemble et de parvenir au terme de la navette parlementaire, ce qui n’est d’ailleurs pas facile, comme je le constate avec ma proposition de loi. Faisons-en sorte que la vôtre s’inscrive dans la même perspective afin que nous trouvions rapidement une solution !
M. David Taupiac, rapporteur. Les amendements qui viennent d’être adoptés vident un peu le texte de son sens mais il importe de continuer à débattre.
Le règlement Reach permettra d’enregistrer, d’évaluer, d’autoriser certains usages dès lors qu’ils ne diffusent pas de PFAS dans l’environnement mais il est en effet possible, dans certains secteurs où nous disposons de substituts, d’aller plus vite. C’est précisément ce que je vous proposais, or, vous avez voté contre. Je regrette donc un certain dogmatisme face à des dispositions plus pragmatiques et opérationnelles.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendement CD31 de Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement reprend la septième recommandation du rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable relatif aux Pfas : il demande une campagne de communication destinée à faire mieux connaître les substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas) et les risques qui leur sont associés.
Un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a indiqué en 2020 que l’on trouve des Pfas dans tous les milieux en Europe et dans le monde, à des concentrations variables. Ils sont utilisés dans de nombreux objets de la vie courante, cela a été dit. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail nous alerte à propos des risques qu’ils présentent pour la santé – certains étant des certitudes, d’autres de fortes présomptions. Il paraît donc important de mieux faire connaître ces substances, afin notamment que les industriels soient incités à les remplacer.
M. David Taupiac, rapporteur. Avis favorable. Une meilleure information du public sur les impacts avérés des Pfas sur la santé me semble nécessaire. Quelques industriels communiquent à ce sujet, notamment des fabricants de vêtements, mais ils sont peu nombreux. À l’inverse, certains industriels du secteur de l’emballage alimentaire ont fait le choix d’éliminer les Pfas mais ne communiquent pas sur ce point. Plus le consommateur sera sensibilisé, plus il demandera des informations.
Mme Claire Pitollat (RE). Le quatrième plan national santé environnement (PNSE4) prévoit déjà une meilleure information des citoyens sur la présence de substances chimiques. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a également renforcé ces mesures. L’amendement est donc satisfait. Nous voterons contre.
Mme Chantal Jourdan (SOC). C’est pourtant une recommandation de l’Igedd, qui ne remonte qu’à décembre 2022 ! Le grand public n’est pas informé. Il doit l’être. Cela incitera les industriels à s’emparer du sujet, pour que les changements soient les plus rapides possible.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il est important d’informer le grand public comme les professionnels. Notre discussion y contribue, et j’en remercie le rapporteur.
Mais que dirait cette campagne d’information ? Les Pfas sont dangereux, c’est entendu, mais ensuite ? Quelles sont les déclinaisons pratiques d’une telle campagne ? Dans la métropole de Lyon, on a découvert des Pfas dans la terre, dans les potagers, etc. On en a trouvé dans les œufs : on a dit aux gens de ne pas manger les œufs. Mais si on en trouve dans une butte de terre à côté d’une école, que conseiller ? Je ne sais pas quoi répondre aux élus qui posent la question.
Il existe déjà des campagnes de sensibilisation. Je suis davantage intéressé par des études scientifiques sur l’imprégnation, sur les seuils, sur la détection, sur les conduites à adopter. Sur ce point, il est essentiel d’accélérer, pour commencer à avoir des réponses.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Je suis atterrée. Une catastrophe sanitaire s’annonce, et vous voulez laisser faire ! Cette proposition de loi a le mérite d’aborder le sujet. Elle propose d’avancer à petits pas, mais même cela vous paraît aller trop loin ! Par ailleurs, s’il existe déjà une information, elle n’est pas connue et il faut l’améliorer. Mon amendement reprend la recommandation d’un rapport signé par des ingénieurs des eaux et forêts : j’imagine qu’ils connaissent leur sujet !
Il faudra bien sûr mener des politiques publiques pour limiter la diffusion des Pfas, dépolluer et continuer la recherche. Mais nous savons déjà des choses, n’attendons pas pour agir !
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). On peut discuter de seuils pour mesurer la présence des Pfas dans l’eau ou les sols, car les Pfas sont mobiles. Mais en matière de santé publique, cela n’a aucun sens. Il faut se rappeler que le point commun des Pfas est d’être à peu près indestructibles : aucun enzyme, aucune bactérie n’est capable d’en venir à bout. Donc, quand vous en absorbez, votre corps ne les évacue pas : au fil des années, ils s’accumulent. Tout le monde dépassera le seuil un jour ou l’autre, plus ou moins vite suivant le niveau d’exposition, mais toute exposition est irréversible.
Mme Danielle Brulebois (RE). Les Pfas sont très critiqués mais ils rendent aussi d’énormes services, depuis 1950. On les retrouve dans les mousses anti-incendie et les vêtements techniques comme dans les emballages ou les protections contre le covid. Oui, il faut s’en passer ; pour cela, il faut encourager les entreprises à être vertueuses. Ainsi, dans le Jura, l’usine Solvay s’est engagée dans la recherche pour cesser d’utiliser des Pfas. C’est un aspect qui manque dans cette proposition de loi : comment valoriser ces efforts de recherche destinés à trouver des alternatives ? Car aujourd’hui, les Pfas sont indispensables à notre vie quotidienne : vous en avez tous sur vous, dans vos téléphones, vos vêtements, vos médicaments, vos cosmétiques…
Mme Claire Pitollat (RE). En toxicologie, on distingue deux types de substances. Pour certaines, la dose fait le poison : ces substances sont donc soumises à des seuils. En revanche, pour celles qui sont classées comme perturbateurs endocriniens, ce n’est pas la dose mais le moment d’exposition qui fait le poison, même à de très faibles doses. Il faut prendre le temps de mieux étudier ces substances pour agir de façon efficace. Les plastiques demeureront des cocktails de produits chimiques : il faut les réduire au maximum, et mener des études qui permettront de décider quelles substances doivent être interdites, et comment, en fonction de leur mode d’action.
Il faut donc documenter avant de prendre des décisions pertinentes. Le PNSE4 vise précisément à distinguer les modes d’action de ces substances pour expliquer ce qu’il faut faire. On essaiera ainsi de limiter, voire d’éviter toute exposition aux perturbateurs endocriniens chez les jeunes enfants, les adolescents et les personnes âgées. Dans d’autres cas, les précautions seront différentes.
M. Jean-Luc Fugit (RE). Nous voulons tous préserver la santé de nos concitoyens. On ne peut pas laisser croire que certains sont plus vertueux que d’autres sur ce sujet.
Les Pfas sont des molécules que l’on ne peut détruire qu’à partir de 1 000 degrés : elles ne sont donc pas tout à fait éternelles, mais à l’échelle d’un organisme vivant, si.
Ma circonscription est un peu au sud de celle de M. Isaac-Sibille, et je constate que nos concitoyens s’inquiètent. Nous avons demandé des informations aux autorités et une réunion est organisée ce soir même sur le sujet : l’agence régionale de santé (ARS) comme la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement seront présentes pour répondre aux demandes légitimes des élus locaux et des citoyens.
Certaines études trouvent des Pfas dans les œufs, dont on déconseille alors la consommation… mais d’autres ailleurs n’en trouvent pas, et alors il n’y a pas de problème ! Il ne faudrait pas qu’une campagne nationale, qui donnerait des informations indifférenciées, crée une sorte de psychose. Je suis scientifique, je fais confiance à ceux qui font les mesures.
Je le vois dans mon territoire, il y a un gradient : lorsqu’un endroit émet des Pfas, cela pose des problèmes dans les communes proches, mais les mêmes analyses, faites par les mêmes personnes, montrent que les problèmes décroissent au fur et à mesure que l’on s’éloigne. Ce n’est pas parce qu’il est dangereux de consommer les œufs produits dans une commune que c’est vrai trente ou quarante kilomètres plus loin. Ne disons pas que tout le monde est intoxiqué : les choses sont différentes selon l’endroit où l’on se trouve, car l’exposition n’est pas la même.
Comprenez-moi bien, je ne minimise pas le problème ! Mais nous devons l’objectiver. Dans mon territoire, nous avons alerté les services de l’État et demandé des mesures, une cartographie des problèmes, qui seront présentées ce soir.
Dans notre société, le moindre sujet local peut devenir national. Les Pfas sont un sujet national, mais qui n’a pas la même intensité partout. Ne faisons pas croire le contraire.
M. David Taupiac, rapporteur. Effectivement, les Pfas s’accumulent dans le corps. Selon l’état des connaissances, ils s’évacuent, après plusieurs années – contre quelques semaines seulement chez les animaux – mais cela reste très préoccupant.
Madame Brulebois, vous évoquez des sujets qui relèvent du projet de loi sur l’industrie verte. J’y serai moi aussi très attentif.
Quant à la communication, il est vrai qu’il peut s’agir d’un problème local : à Lyon, il y a eu une communication auprès des riverains. Mais j’appelle votre attention sur un aspect qui revêt une dimension nationale : celui de l’eau potable. Depuis le 1er janvier, les ARS sont censées suivre la présence des Pfas dans l’eau potable, partout en France. Cela se fait par échantillonnage local pour le moment, mais à partir de 2026, les Pfas devront être intégrés à toutes les analyses sanitaires : nos concitoyens verront donc, sur les panneaux de leur mairie, des relevés où apparaîtront des Pfas. Il me semble donc nécessaire de faire mieux connaître ces molécules.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 (article L. 512‑23 [nouveau] du code de l’environnement) : Réglementation des rejets de PFAS des installations classées pour la protection de l’environnement
Amendement CD42 de M. David Taupiac.
M. David Taupiac, rapporteur. Il s’agit de déplacer l’alinéa proposé dans une autre partie du code de l’environnement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CD12 de M. Jorys Bovet.
M. Daniel Grenon (RN). Il nous semble prudent de décaler l’entrée en vigueur des seuils de rejet de Pfas au 1er janvier 2027. Le niveau de connaissance actuel n’est pas suffisant pour fixer ces seuils, et nous ne connaissons pas non plus assez bien les différences qui existent entre les différents types de Pfas. Quand nous serons en mesure d’appliquer des seuils, il faudra aussi prendre en considération le secteur d’activité et la zone géographique concernés.
M. David Taupiac, rapporteur. L’article prévoit une entrée en vigueur en 2024. Je vous proposerai de reporter cette date au 1er janvier 2025, mais 2027 est trop tardif. Un arrêté qui devrait paraître en juin définit trois périodes de trois mois pour permettre aux industriels de faire des mesures et aux laboratoires de déterminer de nouvelles méthodes d’analyse. Il faudra quelques mois de plus pour définir des seuils. La date de 2025 est un compromis entre l’état des connaissances, qui seront donc rapidement approfondies, et la nécessité d’agir.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CD14 de M. Jorys Bovet, CD20 de Mme Claire Pitollat, CD24 de Mme Anne-Cécile Violland et CD44 de M. Cyrille Isaac-Sibille ; et amendement CD37 de M. David Taupiac (discussion commune).
M. Daniel Grenon (RN). Cet amendement vise à décaler de deux ans la mise en application de l’article 2, car les connaissances scientifiques sont encore insuffisantes. Imposer des seuils identiques à tous les secteurs industriels, quel que soit le contexte géographique, serait contre-productif. Attendons d’abord la fin des travaux en cours. En agissant dans la précipitation, nous adopterions des solutions inefficaces.
Mme Claire Pitollat (RE). Nous avons écouté les chercheurs. L’Anses comme l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) nous ont dit avoir besoin de temps. En 2024, les données ne seront pas suffisantes. Il paraît donc raisonnable d’attendre 2026.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je ne dirai pas autre chose : donnons-nous du temps pour récolter davantage de données scientifiques.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il y a 4 000 Pfas connus : faut-il 4 000 seuils ? Certaines molécules ne sont même pas connues. Trois, très dangereuses, ont été interdites par la convention de Stockholm. Nous en dosons en ce moment une vingtaine. Les Hollandais parlent de quatre-vingts molécules dangereuses. Rien ne sert de décréter des seuils : nous avons besoin de données scientifiques plus précises pour savoir quels Pfas surveiller, et avec quelles techniques. Alors seulement nous pourrons mettre en place une politique pertinente, en France et en Europe.
M. David Taupiac, rapporteur. Mon amendement décale l’entrée en vigueur au 1er janvier 2025. Ce laps de temps suffira à cartographier l’ensemble des sites et des usages et à déterminer une méthode de surveillance adaptée.
Les 4 000 Pfas ne seront pas analysés substance par substance, mais regroupés par famille, à l’instar du règlement européen Reach (enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances). Cela évitera aussi que des petits malins ne passent d’une substance à une autre proche, la recherche allant toujours plus vite que la réglementation.
Je suis donc défavorable aux amendements qui fixent la date à 2026.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Vous vous cachez derrière le besoin de recueillir davantage de données scientifiques pour reculer la mise en place de toute mesure, dans la droite ligne du plan présenté par Emmanuel Macron, qui veut lui aussi commencer à surveiller ces substances, mais seulement à partir de 2026. Or il y a urgence, nous l’avons tous dit : de nombreux sites sont contaminés, les animaux aussi. Et il faudrait encore attendre trois ans ? Ce n’est pas sérieux ! On peut travailler par famille de Pfas et limiter les émissions dès maintenant.
La commission adopte les amendements identiques. En conséquence, l’amendement CD37 tombe.
Amendements CD41 de M. David Taupiac et CD13 de M. Jorys Bovet (discussion commune).
M. David Taupiac, rapporteur. Il ressort des auditions que les termes « eaux résiduaires » ne conviennent pas. Je propose donc de les remplacer par « rejets aqueux ».
M. Daniel Grenon (RN). Nous proposons d’utiliser plutôt l’expression « effluents aqueux », plus appropriée au vu de la réglementation. Cela permet aussi une coordination avec les « effluents gazeux » cités ensuite.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous voterons pour l’amendement du rapporteur.
M. David Taupiac (LIOT). La réglementation utilise les termes « rejets aqueux ». Je suis donc défavorable à l’amendement CD13.
La commission adopte l’amendement CD41. En conséquence, l’amendement CD13 tombe.
Amendement CD15 de M. Jorys Bovet.
M. Daniel Grenon (RN). Les stations d’épuration aussi doivent être soumises à des limites de rejets de Pfas dans le milieu naturel. Nos industriels font souvent beaucoup d’efforts pour contrôler leurs rejets ; il serait anormal que les stations d’épuration ne soient pas soumises aux mêmes normes. Elles sont d’ailleurs associées aux sites industriels dans le plan d’action ministériel sur les Pfas présenté au mois de janvier.
M. David Taupiac, rapporteur. Avis défavorable. Les rejets aqueux des ICPE et des stations sont deux choses différentes. Dans le premier cas, on parle d’industries qui produisent ou utilisent des Pfas. Dans le second, les rejets de Pfas sont plutôt liés à des usages domestiques – le lavage de vêtements en machine à laver, par exemple.
J’ai souhaité restreindre le champ de la proposition de loi à l’une des sources les plus importantes de Pfas : les rejets aqueux des ICPE. À terme, il faudra aller plus loin, mais les auditions n’ont pas porté sur les rejets domestiques.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte les amendements rédactionnels CD39 et CD40 de M. David Taupiac, rapporteur.
Amendements CD36 de M. David Taupiac et CD2 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune).
M. David Taupiac, rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous proposons que les valeurs limites que les rejets industriels doivent respecter soient fixées par décret en Conseil d’État. Cela enverrait un signal plus fort qu’un arrêté. Nous déplorons, vous l’avez compris, la faiblesse du plan d’action ministériel sur les Pfas, et notamment l’absence de norme contraignante de réduction des émissions par les industriels. Nous nous saisissons de l’heureuse proposition du groupe LIOT pour appeler le Gouvernement à mener une politique ambitieuse.
M. David Taupiac, rapporteur. Avis défavorable. Sur le fond, la force du décret en Conseil d’État est évidente. Néanmoins, l’efficacité exige plutôt de la souplesse. Même en raisonnant par familles de molécules, les normes seront complexes.
La commission adopte l’amendement CD36. En conséquence, l’amendement CD2 tombe.
Amendements identiques CD19 de M. Cyrille Isaac-Sibille, CD26 de Mme Claire Pitollat et CD27 de Mme Anne-Cécile Violland.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les Pfas ne connaissent pas les frontières : il est donc important de coordonner les politiques à l’échelle européenne. Cela nous permettra aussi de rester dans la ligne de ce que nous avons récemment voté pour éviter les surtranspositions de directives européennes.
Mme Claire Pitollat (RE). Oui, soyons cohérents. C’est à l’échelle européenne que nous pourrons avancer.
M. David Taupiac, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement viderait l’article 2 de sa substance, puisqu’on s’en remettrait simplement au règlement Reach, qui n’entrera probablement pas en vigueur avant 2027. En outre, les normes de rejets aqueux sont définies à l’échelle nationale : Reach n’a aucun effet sur ce point, et faire le lien n’a aucun sens.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Je regrette à nouveau la volonté de la majorité de repousser l’entrée en vigueur des mesures proposées par le rapporteur. Cette fois, il s’agit de renoncer au contrôle des rejets de Pfas par les sites classés ICPE tant qu’une potentielle restriction européenne n’est pas entrée en vigueur. Or nous avons le devoir d’agir pour protéger la santé des Françaises et des Français sans attendre d’y être contraints par l’Europe.
Votre attitude est incompréhensible. Vous ne pourrez pas dire qu’on ne savait pas : les alertes scientifiques sont là et les conséquences effrayantes sur la santé sont connues. On parle d’une pollution systémique et persistante, et vous proposez simplement d’attendre qu’une restriction européenne entre en vigueur ? Ce n’est qu’une façon de gagner du temps !
Soyons plus ambitieux et votons contre ces trois amendements.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). C’est tout l’inverse. Nous souhaitons être efficaces, et on l’est bien plus au niveau européen qu’au seul niveau français. Les Pfas traversent les frontières et le problème est global !
Il s’agit de travailler ensemble à l’échelle européenne pour que les directives soient rapidement adaptées. Il faut sensibiliser la population, les élus et les députés européens pour que l’Union se saisisse efficacement de ce sujet.
M. Laurent Panifous (LIOT). Je salue le travail du rapporteur et de tous ceux qui ont participé à la rédaction de cette proposition de loi. Je regrette cependant le manque d’ambition de certains de nos collègues sur ce texte somme toute assez modeste, alors qu’il s’agit tout simplement de protéger la population.
Au sein de cette commission, nous avons la chance de pouvoir débattre dans la sérénité et d’aller au fond des choses – ce qui n’est pas le cas dans toutes les commissions ces temps-ci. Il est dommage de ne pas en profiter pour faire émerger un texte ambitieux. C’est la raison pour laquelle j’appelle à voter contre ces amendements.
M. Jimmy Pahun (Dem). L’ambition est là. Nous avons voté des lois, fixé des dates, essayé de bâtir un calendrier cohérent avec le Sénat pour avancer.
Monsieur le président, je propose que notre commission travaille sur le sujet des Pfas, que nous organisions des auditions pour approfondir les choses avec des chercheurs et que nous essayions d’accélérer les choses à l’échelle européenne. La révision du règlement Reach a effectivement pris du retard : pourquoi en sommes-nous là ?
Fixons-nous tous ensemble pour objectif d’éradiquer ces molécules au cours de cette législature. Je n’oublie pas, monsieur le rapporteur, que je suis l’auteur de la proposition visant à lutter contre les plastiques dangereux, que nous avons discutée en séance publique en octobre dernier. Le sujet est complexe : on en est au troisième jour des négociations pour un traité mondial contre la pollution plastique, et on n’a pas encore réussi à trouver le moindre arrangement !
M. le président Jean-Marc Zulesi (RE). Bien entendu, notre commission restera mobilisée, comme elle l’a été depuis de nombreux mois. Je pense notamment à la table ronde sur les enjeux environnementaux présentés par les Pfas, dont le rapporteur a indiqué qu’elle avait été utile pour l’élaboration de son texte.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Personne ne s’oppose au fait de travailler à l’échelle européenne. Bien au contraire : c’est un objectif que nous devons nous fixer. Mais l’action de la France aurait d’autant plus de poids si elle montrait l’exemple, en étant ambitieuse et en allant plus loin. Cela lui permettrait de jouer un rôle de leader et d’entraîner d’autres États.
Comme l’a dit très justement M. Pahun, la révision du règlement Reach prend encore du retard. Comment continuer à penser qu’il est urgent d’attendre alors que nous connaissons la situation ?
M. David Taupiac, rapporteur. Je salue l’engagement de M. Pahun et son vœu pieux… mais, comme je l’ai déjà dit, même lorsqu’il aura été remis à jour, le règlement Reach ne prévoira pas les valeurs limites de Pfas dans les rejets aqueux des ICPE. La rédaction de ces amendements n’a donc aucun sens.
La littérature scientifique essaie de déterminer des valeurs limites qui permettent de préserver la santé, en fonction de l’état des connaissances. On voit qu’il existe bien un lien entre les émissions des ICPE et les phénomènes observés en matière de santé. Les rejets se retrouvent dans les sols, l’alimentation et l’eau potable. Depuis le 1er janvier 2023, les normes prévoient de rechercher 20 Pfas dans l’eau potable et d’identifier les sites particulièrement contaminés, sur la base du volontariat. Cela sera obligatoire en 2026.
Comment peut-on exiger d’un côté de rechercher 20 Pfas dans l’eau potable et, de l’autre, se limiter au PFOA (acide perfluorooctanoïque) et au PFOS (sulfonate de perfluorooctane) en ce qui concerne les rejets industriels ? Si j’étais encore président d’un syndicat de l’eau, je serais le premier à monter au créneau en reprochant aux parlementaires de nous imposer des choses qu’ils n’exigent pas des industriels ! On ne peut pas demander à l’aval de régler un problème sans le prendre à la source. Cette incohérence dans notre manière d’appréhender la question est tout de même préoccupante.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement CD9 de M. Nicolas Thierry et sous-amendement CD46 de M. David Taupiac.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à instaurer un contrôle obligatoire des Pfas dans les eaux de consommation et à demander au Gouvernement un rapport proposant des normes sanitaires actualisées pour tous les Pfas.
Comme l’a montré l’Igedd dans son rapport de décembre 2022, l’eau est l’un des principaux modes d’exposition aux Pfas. Les toxicologues et les associations l’ont rappelé lors de la table ronde organisée par notre commission.
L’amendement permet de faire un premier pas pour s’assurer que nous connaissons l’ampleur de la contamination des eaux potables. Compte tenu des enjeux de santé publique, ce contrôle s’impose. C’est bien le minimum.
M. David Taupiac, rapporteur. Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement rédactionnel.
Comme je l’ai indiqué, la recherche est étendue cette année à 20 Pfas dans l’eau potable. La démarche proposée par M. Thierry complète bien l’arrêté concernant les rejets industriels qui va bientôt paraître. Il s’agit de mener une campagne de recherche des Pfas pendant plusieurs mois. Celle-ci n’a pas de caractère obligatoire pour l’instant, sauf pour les sites particulièrement pollués. Il me semble intéressant de rendre cette recherche obligatoire dès maintenant plutôt qu’en 2026, afin de mener une campagne de tests sur une période donnée, à la manière de ce qui est fait en matière de rejets industriels. Cela permettra de développer des méthodes analytiques qui, selon les informations fournies par les laboratoires, seront un peu différentes selon qu’il s’agit de rejets aqueux ou d’eau potable. À la suite de cette campagne d’analyses débouchant sur une cartographie et une meilleure connaissance des enjeux, il faudra déterminer des valeurs limites.
Je suis donc tout à fait favorable à cette démarche.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement CD3 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Cet amendement demande que le Gouvernement remette un rapport sur les moyens humains et financiers supplémentaires qui seraient nécessaires à l’Office français de la biodiversité (OFB) et aux agences de l’eau afin de rechercher la présence de Pfas sur tout le territoire.
Un rapport de l’Igedd a indiqué que le dispositif de surveillance des Pfas est largement défaillant, en raison d’une réglementation lacunaire, notamment sur l’identification des sources de pollution. Le rapport parle de suivi quasi inexistant.
Or, ces dernières années, le Gouvernement a supprimé de nombreux postes indispensables. Les agences de l’eau ont dû supprimer 171 postes entre 2017 et 2022. La fusion de l’Agence française de la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage au sein de l’OFB a aussi entraîné des disparitions de postes.
Compte tenu des enjeux urgents en matière d’eau, tant du point de vue de la qualité que de la quantité, il est important d’évaluer les moyens nécessaires pour que les organismes de l’État mènent à bien leurs missions.
M. David Taupiac, rapporteur. Les moyens de l’OFB et des agences de l’eau doivent en effet être renforcés. Mais c’est également le cas pour les laboratoires, qui vont devoir réaliser un travail important pour développer les méthodes analytiques sur les différentes sous-familles de Pfas.
D’une part, les enjeux en matière de moyens humains portent sur un champ plus large que celui évoqué dans l’amendement. D’autre part, je ne suis pas persuadé qu’un rapport soit nécessaire pour identifier les enjeux. Il me semble que les laboratoires l’ont déjà fait. Quant aux agences de l’eau et à l’OFB, le sujet est plus global. On a ponctionné une partie des réserves des agences de l’eau pendant des années ; il convient désormais de leur donner les ressources nécessaires pour faire face à des missions qui s’étendent.
Avis défavorable.
M. Pierre Cazeneuve (RE). On peut partager une ambition renforcée pour les agences de l’eau, notamment en augmentant leurs moyens pour faire face à la grande crise de l’eau qui se profile – tant du point de vue qualitatif que quantitatif.
Il y a une bonne nouvelle en la matière et j’aurais apprécié que Mme Stambach-Terrenoir la mentionne : le Président de la République a annoncé un « plan eau », qui comprend un certain nombre de mesures très concrètes, en particulier financières.
On nous reproche souvent de fixer des objectifs sans les financer. En l’occurrence, 475 millions sont prévus pour les agences de l’eau. Cela a beaucoup plus de valeur qu’un rapport. L’État et la majorité sont au rendez-vous. Accompagnons cette dynamique plutôt que de demander des rapports – qui sont d’ailleurs déjà réalisés dans le cadre du projet de loi de finances.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD5 de M. Nicolas Thierry.
M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Un commentaire au préalable. Depuis le début de nos débats ce matin, vous n’avez cessé d’expliquer qu’il fallait plus d’études et de connaissances pour mieux comprendre à quel point nous sommes exposés aux Pfas. Mais lorsque l’amendement CD9 vous propose de mesurer partout le niveau de contamination de l’eau potable, vous refusez ! Après cela, vous ne pourrez pas prétendre que ce que vous faites n’est pas une diversion.
J’en viens à l’amendement CD5, qui demande au Gouvernement un rapport sur la dépollution des eaux et des sols contaminés par les Pfas. Ces opérations devront s’appuyer sur une contribution exceptionnelle des entreprises responsables de la pollution. Il s’agit tout simplement d’appliquer le principe pollueur-payeur. Alors que la contamination par les Pfas apparaît comme une nouvelle pollution majeure contre laquelle nous devons lutter, il est crucial de rappeler que les pollueurs devront participer financièrement aux opérations de dépollution.
M. David Taupiac, rapporteur. Il faut en effet améliorer l’état des connaissances sur la trajectoire et la méthode de dépollution des eaux. Je trouve également pertinente l’idée d’examiner un système de contribution exceptionnelle, en application du principe fondamental pollueur-payeur.
Actuellement, ce sont les structures qui assurent la production et l’approvisionnement en eau potable qui s’occupent de la dépollution dans les stations de traitement, et ce coût est donc supporté par les abonnés à travers le prix du mètre cube. Il est tout à fait cohérent de prévoir une contribution exceptionnelle pour les pollueurs, et tous les gestionnaires des systèmes de production d’eau potable y sont favorables. Il faut aussi désormais rechercher d’autres molécules, comme le métolachlore, le chlorure de vinyle monomère et certains pesticides, ce qui fait exploser les coûts. Le traitement doit être amélioré sans cesse, dans une sorte de course sans fin.
Avis très favorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 3 : Demande de rapport sur l'effectivité des mesures de limitation des PFAS dans les effluents industriels
Amendements identiques CD17 de M. Cyrille Isaac-Sibille et CD25 de Mme Anne-Cécile Violland, amendement CD22 de Mme Claire Pitollat (discussion commune).
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le Gouvernement a déjà élaboré un plan, mais nous souhaitons aller plus loin en lui demandant un rapport sur l’effectivité des mesures prises pour limiter la présence de substances chimiques – et notamment des Pfas – dans les effluents industriels et dans les milieux naturels.
Il est essentiel de disposer d’un état des lieux précis de l’ensemble des sites contaminés. Je suis très préoccupé par les pollutions historiques et je suis certain que les PFOS, qui ne sont plus utilisés, se trouvent encore dans l’environnement. Il faut absolument rechercher ces pollutions, qui peuvent toucher les nappes phréatiques, et réaliser des études d’imprégnation pour évaluer les effets de ces polluants sur la santé humaine et la biodiversité.
Mme Claire Pitollat (RE). Je retire mon amendement au profit de ceux de mes collègues, qui sont mieux rédigés.
M. David Taupiac, rapporteur. Avis défavorable. Ce que vous demandez va moins loin que l’arrêté qui a été soumis à consultation et qui prévoit que les ICPE soumises à autorisation réalisent des campagnes de mesure des Pfas dans leurs rejets aqueux. L’objet du rapport est également plus restrictif que ce qui était prévu par l’article 2 de la proposition.
Mme Danielle Brulebois (RE). Les rejets des ICPE sont soumis à une réglementation très forte, et l’eau rejetée dans le milieu naturel doit être potable. Ces installations sont déjà tenues de rechercher les Pfas – peut-être pas tous, mais en tout cas ceux qui datent des années 1950 !
M. David Taupiac, rapporteur. Les normes sont très différentes selon qu’il s’agit de rejets aqueux des ICPE ou d’eau potable.
Les ICPE ne sont tenues de rechercher qu’une seule sous-famille de Pfas, soit les PFOS. La réglementation qui leur est applicable est donc minimaliste et mérite d’être complétée très largement.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je ne comprends pas l’avis défavorable du rapporteur.
Le rapport que nous proposons vise à savoir ce que contiennent les effluents mais aussi et surtout à enquêter sur les pollutions historiques, dont je m’étonne qu’elles ne vous préoccupent pas. Les Pfas sont utilisés très largement depuis soixante ans. Plus leur chaîne de carbone est longue, ce qui était le cas à leurs débuts, plus ils sont persistants. L’intérêt du rapport est d’évaluer leur présence dans le milieu naturel, et notamment dans les nappes phréatiques. Face à ce qui se produit dans la métropole de Lyon, je suis persuadé que c’est la présence des polluants historiques dans ces nappes qui est à l’origine des contaminations observées dans le sol et dans les œufs.
En outre, il est essentiel de connaître les répercussions de ces produits sur la santé humaine. C’est la raison pour laquelle il faut mener des enquêtes d’imprégnation.
M. David Taupiac, rapporteur. Comme je vous l’ai dit, vous fixez des objectifs moins ambitieux que ce que prévoit l’arrêté qui va être publié prochainement.
Ensuite, de nombreux rapports font déjà état du sujet. Dans le cas du site de Lyon que vous évoquez, des réserves d’eau situées sous des installations industrielles ont été polluées et les entreprises concernées – qui ont fait l’objet de plusieurs mises en demeure – agissent en recourant aux services de filières de traitement.
Votre proposition de rapport n’apporte rien et j’aurais préféré que l’on adopte les amendements CD9 et CD5.
L’amendement CD22 est retiré et la commission adopte les amendements identiques.
Après l'article 2
Amendement CD16 de M. Jorys Bovet.
M. Daniel Grenon (RN). Même si des sites industriels sont à l’origine de rejets de Pfas dans les milieux naturels, il ne faut pas oublier que l’usage domestique de certains appareils peut également participer à cette pollution. C’est notamment le cas des machines à laver le linge lorsque les tissus contiennent des Pfas. Cet amendement propose d’étudier l’adaptation de filtres aux appareils électriques et électroniques lorsque cela est jugé nécessaire.
M. David Taupiac, rapporteur. Je comprends l’idée de votre amendement, mais je lui donne un avis défavorable car son objet est très restreint. Le travail qui va être engagé durant deux ans après la parution de l’arrêté permettra de faire un état des usages et de proposer des adaptations techniques. Il vaut mieux ne pas multiplier les demandes de rapport.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD4 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Cet amendement demande au Gouvernement un rapport sur l’effet des Pfas sur les animaux.
Des études scientifiques montrent que ces substances sont déjà présentes dans plus de 330 espèces à travers le monde, et le phénomène de bioamplification fait que les contaminants accumulés se transmettent aux différents prédateurs successifs jusqu’en haut de la chaîne alimentaire. On connaît les effets délétères de ces substances sur la santé humaine. On sait qu’elles provoquent des cancers, des perturbations hormonales et des troubles de la fécondité. Dans un contexte de disparition des espèces – nous assistons à la sixième extinction de masse – il serait précieux de disposer de données précises sur les effets de ces substances sur les animaux.
M. David Taupiac, rapporteur. Je souscris à cette ambition, mais un rapport supplémentaire n’est pas nécessaire. Beaucoup d’études scientifiques ont été menées sur les effets des Pfas sur les animaux et il faudrait plutôt s’attacher à soutenir les programmes de recherche.
Je rappelle qu’il faut être très prudent en ce qui concerne l’extrapolation à l’homme des effets identifiés sur les animaux par des études scientifiques, et qu’il ne faut pas oublier non plus l’évaluation des effets sur la flore.
La commission rejette l’amendement.
Titre
Amendement CD38 de M. David Taupiac.
M. David Taupiac, rapporteur. Cet amendement rédactionnel propose d’utiliser les termes exacts, c’est-à-dire « polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées ».
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je voudrais remercier votre commission de se pencher sur le sujet très sérieux des Pfas, qui est mis en lumière grâce à la proposition du rapporteur.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
M. David Taupiac, rapporteur. Les débats ont été riches. Je pense que nous avons encore besoin d’avancer. Comme l’a évoqué M. Thierry lors des auditions, je pense qu’il serait nécessaire de continuer à travailler sur la question au sein d’un groupe transpartisan. La prise de conscience est là, mais la manière d’appréhender les choses n’est pas encore à la hauteur.
Je regrette que le texte ait été vidé de sa substance en faisant référence au règlement Reach, dont la mise à jour et l’application prendront beaucoup de temps, en raison du fonctionnement des institutions européennes. Je vous alerte sur le fait que nous ne pourrons pas attendre indéfiniment que la réglementation Reach soit opérationnelle. Il faudra remettre rapidement le sujet sur la table, sans quoi les médias et les citoyens le feront à notre place.
M. le président Jean-Marc Zulesi. Comptez sur l’engagement de notre commission pour continuer à travailler sur ce sujet.
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Liste des personnes auditionnées
Direction générale de la prévention des risques - Service des risques sanitaires liés à l’environnement des déchets et des pollutions diffuses
Philippe Bodenez, chef de service
M. Sammy Drissi-Amaraoui, chargé de mission au bureau des produits chimiques
Mme Clarisse Veaux, chargée de mission au bureau « Santé-environnement »
Office français de la biodiversité (OFB)
Mme Bénédicte Augeard, directrice adjointe de la recherche et de l’action scientifique
M. Olivier Perceval, chef du service « Fonctionnement, préservation et restauration des écosystèmes aquatiques continentaux et marins »
Table ronde « Associations environnementales »
– Notre affaire à tous – Lyon
Mme Camille Panisset, secrétaire de l’association
Mme Louise Tschanz, avocate, spécialiste en droit de l’environnement, conseil de l’association « Notre affaire à tous – Lyon »
– Association santé environnement France
M. Pierre Souvet, président
– Générations futures *
M. François Veillerette, porte-parole
Mme Pauline Cervan, toxicologue
Audition commune
– Institut national de la santé et de la recherche médicale
M. Rémy Slama, directeur de l’institut thématique « Santé publique »
– Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
M. Matthieu Schuler, directeur général délégué en charge du pôle « Sciences pour l’expertise »
Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles
Bureau de recherches géologiques et minières
Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique « Eau et changement global »
Mme Julie Lions, experte hydrogéochimiste, cheffe de projet
Table ronde « Industrie agro-alimentaire »
– Mac Donald’s France
M. Eloi de la Celle, directeur « Achats, qualité, logistique et environnement »
Mme Margaux Wacheux, consultante, agence Plead
– Association nationale des industries agro-alimentaires *
Mme Sandrine Blanchemanche, directrice du pôle « Alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous »
M. Simon Foucault, directeur des affaires publiques
Institut national de l’environnement industriel et des risques
Mme Anne Morin, directrice de la direction « Milieux et impacts sur le vivant » (MIV)
Mme Lauriane Gréaud, chargée de mission « Biodiversité » et coordinatrice Aquaref à la direction MIV
Mme Eva Léoz, coordinatrice de la cellule « Dangers des substances et impacts » à la direction de la stratégie, de la politique scientifique et de la communication (SCI)
M. Clément Lenoble, chargé de mission à la direction générale
Audition commune
– Arkema
Mme Séverine Beauchet, directrice « Développement durable fluoropolymères »
Mme Virginie Guérin, directrice des relations institutionnelles
– France Chimie *
M. Philippe Prudhon, directeur technique
– Polyvia *
M. Marc Madec, directeur « Développement durable »
Mme Caroline Chaussard, future directrice « Développement durable »
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
([1]) Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances.
([2]) Un tensioactif est une molécule qui permet à deux substances non miscibles de se mélanger, par exemple l’eau et des corps gras. À titre d’exemple, tous les produits émulsifiants et un certain nombre de produits détergents sont des tensioactifs.
([3]) « Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l’environnement » – IGEDD – Rapport n° 014323-01, décembre 2022.
([4]) Étude dite Esteban : Imprégnation de la population française par les composés perfluorés : Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016. Cf. notamment l’étude péri-natale.
([5]) C’est également la conclusion d’un rapport remis par l’Inserm en 2017 à la demande du ministère de la santé concernant les substances chimiques accessibles au grand public, dont les composés perfluorés, et leurs effets sur la reproduction, rapport compilant les résultats de 1 700 études scientifiques.
([6]) À la demande la Commission européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a demandé à un panel de scientifiques d’étudier le lien entre l’exposition à des PFAS et la réponse immunitaire aux vaccins : « Risk to human health related to the presence of perfluoroalkyl substances in food », EFSA Journal, 2020.
([7]) Études de 2012 du C8 Science panel : http://www.c8sciencepanel.org/
([8]) L’utilisation des PFOS et de ses dérivés est interdite sauf pour des utilisations dites « dans un but acceptable »listées à l’annexe B.
([9]) Il est à noter que le règlement (CE) n° 850/2004 précité a été refondu. Il s’agit désormais du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants.
([10]) Règlement délégué (UE) 2020/784 de la Commission du 8 avril 2020 modifiant l’annexe I du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil aux fins d’y inscrire l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), ses sels et les composés apparentés au PFOA. Des dérogations spécifiques à l’interdiction sont énumérées pour le PFOA et ses dérivés : dispositifs médicaux invasifs, revêtements photographiques, textiles hydrofuges, certaines mousses anti-incendie, etc.
([11]) Règlement (CE) n° 552/2009 de la Commission du 22 juin 2009 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 (REACH) relative aux restrictions applicables à certaines substances dangereuses (point 30 : substances figurant à l’annexe VI du règlement CLP et classées toxiques pour la reproduction 1A ou 1B).
([12]) Règlement du 13 juin 2017 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne l’acide pentadécafluorooctanoïque (PFOA), ses sels et les substances apparentées au PFOA
([13]) Les composés alkyls poly/per fluorés : État de l’art et enjeux dans un contexte SSP, BRGM/RP-69594-FR, décembre 2020.
([14]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
([15]) Ces directives sont appelées dans l’ensemble directives NQE pour normes de qualité environnementale.
([16]) Les composés alkyls poly/per fluorés : État de l’art et enjeux dans un contexte SSP, BRGM/RP-69594-FR, décembre 2020.
([17]) Directive (UE) n° 2020/2184 du 16/12/20 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
([18]) Article 25 de la directive précitée pour l’entrée en vigueur.
([19]) Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique.
([20]) Article 3 du règlement.
([21]) Règlement (UE) n ° 10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires
([22]) Règlement (UE) 2022/1616 de la Commission du 15 septembre 2022 relatif aux matériaux et objets en matière plastique recyclée destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et abrogeant le règlement (CE) no 282/2008
([23]) Directive 84/500/CEE du Conseil du 15 octobre 1984 relative au rapprochement des législations des États membres en ce qui concerne les objets céramiques destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires.
([24]) Directive 93/11/CEE de la Commission, du 15 mars 1993, concernant la libération de N-nitrosamines et de substances N-nitrosables par les tétines et les sucettes en élastomère ou caoutchouc.
([25]) « Throwaway Packaging, Forever Chemicals : Enquête européenne sur les PFAS dans les emballages alimentaires et la vaisselle jetables », mai 2021.
([26]) Directive n° 2010/75/UE du 24/11/10 relative aux émissions industrielles.