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N° 1745

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 32
 

 

outre-mer

 

 

 

Rapporteurs spéciaux :

M. Christian BAPTISTE et M. Tematai LE GAYIC

 

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Des RAPPORTEURs SPÉCIAux

DONNÉES CLÉS

introduction

I. La hausse des crédits du programme 138 emploi outre-mer, tirée par la hausse de l’action 1 soutien aux entreprises, qui pèse à elle-seule près de 82 % des crédits

A. une hausse des compensations DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES PATRONALES, à l’action 1, qui reflète les prévisions économiques pour 2024

1. Des exonérations de cotisations de sécurité sociale pour appuyer l’activité économique ultramarine

2. Le besoin d’améliorer des prévisions – la question des relations avec l’URSSAF Caisse nationale (ex-ACOSS)

3. La prochaine évaluation économique du dispositif – les propositions des rapporteurs spéciaux

B. les moyens en faveur de la qualification et l’insertion dans l’emploi (ACTION 2 AIDE À L’INSERTION ET À LA QUALIFICATION PROFESSIONNELLE)

1. Le service militaire adapté

2. Les crédits pour la formation professionnelle en mobilité - LADOM

C. le recul des crédits des actions 3 PILOTAGE DES POLITIQUES DES OUTRE-MER et 4 FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE

1. La baisse des crédits de l’action 3 Pilotages des politiques d’outre-mer, à mettre en relation avec les montants exécutés en 2021 et 2022

2. L’action 4 Financement de l’économie : une baisse de crédits incompréhensible au regard de la situation économique actuelle

II. la hausse des crédits du programme 123 conditions de vie outre-mer, une hausse a installer dans la durée

A. la hausse des crédits de l’action 1 logement dite ligne budgétaire unique

1. Une progression bienvenue, à installer dans la durée eu égard à l’ampleur des besoins

2. Des indicateurs de performance à compléter

B. Les moyens en faveur de la continuité territoriale : l’action 3 du programme condition de vie outre-mer et l’article 55 du projet de loi de finances, élargissant la continuité territoriale

1. L’actuel champ d’action de la continuité territoriale

2. Des mesures nouvelles élargissant la continuité territoriale, mais de manière incomplète

a. Le relèvement prévu par voie réglementaire du plafond de ressources pour accéder à l’aide à la continuité territoriale

b. Les dispositions de l’article 55 du projet de loi de finances, rattaché à la mission Outre-mer, élargissant la continuité territoriale

C. les actions territoriales : l’action 2 Aménagement du territoire et L’action 6 Collectivités territoriales

1. L’action 2 Aménagement du territoire

2. L’action 6 Collectivités territoriales

D. l’action 4 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

E. Les actions 7,8,9 et les dispositifs en faveur de l’activitÉ et du dÉploiement Économique

III. les modifications apportées aux mesures fiscales

A. les dépenses fiscales en faveur du logement : l’extension du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater X du CGI

B. Les dépenses fiscales en faveur de l’investissement productif

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.


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PRINCIPALES OBSERVATIONS Des RAPPORTEURs SPÉCIAux

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de la progression des crédits de la mission Outre-mer mais estiment que la hausse des crédits de paiement et des autorisations d’engagement reste toute relative eu égard au creusement de l’écart des niveaux d’inflation constatés dans l’hexagone et dans les territoires ultramarins.

En tout état de cause, la progression annoncée n’a de sens qu’entendue sur la durée et amplifiée à l’occasion des prochains budgets, pour mettre en œuvre un véritable rattrapage économique.

L’extension des dispositifs de continuité territoriale, à l’article 55 du présent projet de loi de finances, comme la nouvelle aide pour l’installation professionnelle outre-mer, ne constitue pas, selon eux, une véritable « aide au retour », contrairement aux engagements du Gouvernement en Conseil interministériel des outre-mer. Les rapporteurs spéciaux conditionnent un avis favorable sur ce dispositif à l’adoption, comme en commission des finances, d’un amendement restreignant son champ d’application aux ressortissants ultramarins ou aux personnes ayant des intérêts matériels et ou moraux sur les territoires d’outre-mer. Ils renvoient à leur amendement n° II  3199 adopté par la commission des finances.

Les rapporteurs spéciaux ne comprennent ni l’absence de revalorisation de la subvention pour charges de service public de LADOM, inchangée depuis plusieurs années, à rebours de la progression des missions confiées à l’opérateur à partir de 2024, ni la diminution des crédits de l’action 4 Financement de l’économie du programme Emploi outre-mer, qui finance l’aide au fret, étant donné la situation économique actuelle.

Ils appellent par ailleurs :

 à des moyens plus ambitieux en matière de construction de logements et de logements sociaux sur le long terme (action 1 Logement du programme Conditions de vie outre-mer) ;

 à la mise en place d’un programme d’urgence destiné à garantir l’effectivité du droit d’accès à une eau potable sur l’ensemble des territoires ultramarins ;

– à la mise en place d’un programme distinct visant à adresser les conséquences néfastes des changements globaux menaçant les territoires dits d’outre-mer ;

 à une association plus étroite des territoires ultramarins dès la phase d’élaboration des politiques publiques.

Les rapporteurs spéciaux signalent l’adoption, au cours de l’examen par la commission des finances des crédits de la mission Outre-mer, de quatre-vingt-douze amendements qui procèdent à des transferts de crédits entre les programmes de la mission, et au profit de nouveaux programmes, d’une valeur totale d’1,9 milliard d’euros. Tenant compte des conséquences sur la mission Outre-mer des amendements adoptés, les rapporteurs spéciaux ont donné un avis favorable au vote des crédits de la mission, avis suivi par la commission des finances.

 

 

 

 


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   DONNÉES CLÉS

Évolution prÉvue en 2024 DES CRÉDITS DE LA MISSION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024

Emploi outre-mer

1 765,2

1 881,5

+ 6,6 %

1 758,5

1 868,2

+ 6,2 %

Conditions de vie outre-mer

953,4

1 022,9

+ 7,3 %

783,99

789,42

+ 0,7 %

Totaux

2 718,6

2 904,4

+ 6,8 %

2 2 542,5

2 657,6

+ 4,5 %

Évolution des autorisations d’engagement et des crÉdits de paiement entre la LFI pour 2023 et le PLF 2024

(en millions d’euros)

RÉpartition par titre des crÉdits de paiement demandÉs

(en millions d’euros)

 


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   introduction

La mission Outre-mer est composée de deux programmes :

– le programme 138 Emploi Outre-mer est consacré au développement économique, à la création d’emplois dans les outre-mer et à l’amélioration de la qualification professionnelle des actifs ultramarins, en particulier des jeunes, et représente 71,5 % des crédits de la mission. L’essentiel du programme finance le dispositif d’allègement et d’exonération de cotisations de sécurité sociale pour les entreprises et les travailleurs indépendants ultramarins. Y sont également inscrits des crédits de fonctionnement du ministère délégué aux outre-mer ;

 le programme 123 Conditions de vie outre-mer finance des actions spécifiques en faveur des territoires ultramarins « ne relevant pas des crédits de droit commun des autres ministères » ([1]). L’action Logement, dite « ligne budgétaire unique », destinée à contribuer à l’amélioration de l’offre de logement social, concentre 28,5 % des crédits du programme. Le programme finance également des actions d’accompagnement des collectivités, pour des programmes d’investissement, des actions d’aide à l’ingénierie ainsi que des dispositifs d’aide à la mobilité.

Le présent projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit, pour les autorisations d’engagement, une progression de 6,8 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, qui les porterait à 2 904,4 millions d’euros. Les crédits de paiement seraient en augmentation de 4,5 % par rapport à la LFI 2023, atteignant 2 657,6 millions d’euros.

Les rapporteurs spéciaux constatent la progression des crédits de la mission Outre-mer. Ils espèrent qu’elle se prolongera dans les prochains budgets. La hausse, à titre d’exemple, des crédits de l’action 1 Logement, la ligne budgétaire unique, n’a pour eux de sens qu’inscrite dans la durée, au regard de la gravité de la situation.

Ils saluent l’extension proposée par le Gouvernement au dispositif de la continuité territoriale. La proposition d’une aide au « retour au pays » est une avancée, sans pour autant correspondre à tous les engagements pris lors du Conseil interministériel des outre-mer en juillet 2024.

Les rapporteurs spéciaux déplorent également que, dans le prolongement des lois de finances précédentes, la mission Outre-mer ne soit le support que de 14 % des AE et 11 % des CP du budget consacré par l’État aux outre-mer, ce qui nuit à la lisibilité des politiques publiques en outre-mer. L’effort budgétaire global de l’État en outre-mer, tous ministères compris, hors dépenses fiscales, devrait en effet s’élever à 20,15 milliards d’euros en AE et 22,81 milliards d’euros en CP.

Enfin, de façon générale, dans la conduite des politiques publiques, les rapporteurs spéciaux appellent à une association plus étroite des territoires ultramarins dès la phase d’élaboration de ces politiques.

 

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*     *

 

 


I.   La hausse des crédits du programme 138 emploi outre-mer, tirée par la hausse de l’action 1 soutien aux entreprises, qui pèse à elle-seule près de 82 % des crédits

D’après l’annexe Outre-mer au présent projet de loi de finances, les crédits du programme 138 Emploi Outre-mer seraient en progression à la fois en autorisations d’engagement (+ 6,59 %) et en crédits de paiement (+ 6,24 %). Ils devraient atteindre respectivement 1 881,45 millions d’euros et 1 868,2 millions d’euros.

La hausse des dotations du programme est liée à celle des crédits de l’action 1 Soutien aux entreprises, qui représentent 81,8 % du total. Leur hausse masque la forte baisse des crédits de l’action 4 Financement de l’économie (– 32,7 % en AE et – 34,1 % en CP).

Évolution par action des crÉdits du programme 138 emploi outre-mer

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI2023

PLF2024

Variation
(%)

LFI2023

PLF2024

Variation
(%)

1 - Soutien aux entreprises

1 416,2

1 539,2

+ 8,7

1 416,2

1 539,2

+ 8,7

2 - Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

310,9

315,6

+ 1,5

307

304,6

 0,8

3 - Pilotage des politiques outre-mer

3,8

3,6

 5

3,5

3,4

 4,7

4 - Financement de l’économie

34,3

23

 32,7

31,8

21

 34,1

Programme 138 - Emploi outre-mer

1 765,2

1 881,5

+ 6,6

1 758,5

1 868,2

+ 6,2

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

A.   une hausse des compensations DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES PATRONALES, à l’action 1, qui reflète les prévisions économiques pour 2024

1.   Des exonérations de cotisations de sécurité sociale pour appuyer l’activité économique ultramarine

Le financement du dispositif des exonérations de cotisations de sécurité sociale spécifique aux outre-mer, tel qu’il résulte des dispositions des articles L. 752-3-1, L. 752-3-2 et L. 752-3-3 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les entreprises implantées outre-mer et des articles L. 756-4 et L. 756-5 de ce même code pour les travailleurs indépendants ultramarins, est l’objet de l’action 1 Soutien aux entreprises. La compensation par l’État est prévue par l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Présentation du dispositif dit LODEOM

« Les exonérations applicables en outre-mer bénéficient d’une assiette élargie, à l’instar du dispositif de droit commun, avec la prise en compte de la contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL), de la contribution sociale autonomie (CSA) et d’une partie des cotisations accidents de travail-maladies professionnelles (AT-MP). Les cotisations patronales d’assurance chômage et de retraite complémentaire [association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres – association pour le régime de retraite des salariés (AGIRC – ARRCO)] ont également été intégrées à l’assiette des exonérations. »

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe budgétaire Outre-mer.

Les crédits nécessaires à la compensation de ces exonérations sont estimés à 1 539,18 millions d’euros en AE et en CP, montants établis à partir des prévisions de dépenses fournies par l’URSSAF Caisse nationale (ex-ACOSS). L’URSSAF Caisse nationale prévoit le niveau d’emploi et de salaires sur un champ global (tous secteurs et France entière) au moyen de modèles économétriques, sans prise en compte des particularités territoriales. La direction générale des outre-mer (DGOM) précise que « si cela devait être le cas, la qualité des prévisions en serait affectée car le resserrement du périmètre géographique d’un modèle contribue à le rendre moins fiable. »

D’après la DGOM, l’URSSAF Caisse nationale, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la direction de la sécurité sociale (DSS), la direction du budget, la DGOM, la Mutualité sociale agricole et, en tant que de besoin, l’AGIR-ARRCO et l’UNEDIC, se réunissent au sein d’un groupe de suivi trois fois par an.

2.   Le besoin d’améliorer des prévisions – la question des relations avec l’URSSAF Caisse nationale (ex-ACOSS)

Dans le prolongement des remarques faites par les rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2023, il apparaît de nouveau nécessaire de s’interroger sur le moyen de fiabiliser les prévisions, au vu des fortes corrections à la hausse ou à la baisse qui se répètent.

LODEOM : des prévisions à fiabiliser

« Les écarts entre prévision et exécution se sont multipliés au cours des exercices budgétaires passés, illustrant la difficile fiabilisation des projections. À titre d’illustration, en 2021, la poursuite de la prise en charge par l’État, selon les situations propres aux territoires ultramarins, de l’indemnisation du chômage partiel, s’est mécaniquement traduite, comme en 2020, par une très nette sous-consommation des crédits et des annulations en loi de finances rectificative. Seuls 88,58 % des AE et 88,24 % des CP de l’action 1 Soutien aux entreprises ont été consommés.

« En revanche, en 2022, d’après la DGOM, « la prévision de dépenses sur le programme 138 excède de 204 millions d’euros l’enveloppe des crédits prévus en LFI 2022. En effet, la LFI a été élaborée sur la base des prévisions de l’ACOSS alors disponibles, pour l’année 2022. Les prévisions de l’ACOSS actualisées depuis mettent en évidence une forte hausse, qui n’a pu être anticipée. »

« D’après la DGOM, « comme convenu avec la direction du budget, les éventuels dépassements ou reliquats concernant les exonérations de cotisations sociales sont gérés de façon à ne pas impacter le reste du programme 138, voire de la mission Outre-mer. Ainsi, en cas de marge sur la ligne, elle fait l’objet d’une annulation en loi de finances rectificative de fin de gestion, comme cela a été mis en œuvre en 2020 et 2021. Au contraire, en cas de dépassement de la ligne, elle fait l’objet d’une ouverture de crédits en LFR de fin de gestion, comme cela sera le cas cette année. »

Source : commission des finances, rapport n° 292 sur le projet de finances pour 2023, annexe 32 Outre-mer, M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon, rapporteurs spéciaux.

L’expérience de 2022 se répète en 2023 : d’après les informations obtenues par les rapporteurs spéciaux, l’exécution 2023 fait apparaître une « prévision de dépenses sur le programme 138 [qui] excède de 244 millions d’euros en AE et de 226 millions d’euros en CP l’enveloppe des crédits prévus en LFI. En effet, la LFI a été élaborée sur la base des prévisions de l’URSSAF Caisse nationale alors disponibles, pour l’année 2023. Les prévisions de l’URSSAF Caisse nationale actualisées depuis mettent en évidence une forte hausse, qui, d’après la DGOM, n’a pu être anticipée. »

Les rapporteurs spéciaux partagent ici les remarques répétées de la Cour des Comptes, à l’occasion des notes d’exécution budgétaire annuelles, sur le besoin de fiabilisation des prévisions de dépenses de l’action 1. Pour la Cour, « les dépenses de l’action 1, bien que rattachées à la mission Outre-mer, ne sont en l’état pas pilotables par le responsable du programme », les prévisions étant établies par l’URSSAF Caisse nationale.

Une démarche à conduire conjointement entre l’État et la sécurité sociale

« Afin de mieux comprendre les paramètres et sous-jacents utilisés pas l’Acoss [désormais URSSAF Caisse nationale] pour ses hypothèses, la DGOM et la direction du budget (DB) ont sollicité une réunion méthodologique qui s’est tenue en juin 2022. Lors de celle-ci, l’Acoss a rappelé la complexité de l’exercice, la fragilité des prévisions et l’impossibilité de fixer des marges d’erreur.

« Autre difficulté pour la DGOM, la fixation des échéanciers de versement manque de lisibilité et d’anticipation, et les modalités de mise en œuvre des derniers versements issus pour partie de la LFR et pour partie du dégel de la réserve de précaution ont été faites dans l’urgence et nécessité une demande de dérogation aux dates de fin de gestion.

« Malgré les limites avancées par l’Acoss auprès de ses interlocuteurs, un effort doit être consenti pour améliorer ces prévisions afin de diminuer les importantes fluctuations infra-annuelles et contribuer ainsi à une meilleure fiabilité budgétaire. Dans sa réponse, l’Acoss indique ne pas disposer des moyens permettant un diagnostic conjoncturel spécifique aux territoires ultramarins mais précise se tenir à la disposition du ministère des Outre-mer afin « d’échanger sur les possibilités de travaux communs sur la construction d’un diagnostic territorialisé ».

Source : Cour des Comptes, Note d’exécution budgétaire pour 2022.

Les rapporteurs spéciaux reprennent à leur compte ces observations de la Cour des comptes et invitent les ministères concernés et l’URSSAF Caisse nationale à poursuivre leurs travaux en vue d’un diagnostic territorialisé.

3.   La prochaine évaluation économique du dispositif – les propositions des rapporteurs spéciaux

Les rapporteurs spéciaux estiment nécessaire d’évaluer les conséquences économiques de ce dispositif destiné à concourir à la compétitivité des entreprises ultramarines et à l’emploi en diminuant le coût de l’emploi. Pour eux, il importe de s’assurer de son adaptation aux enjeux économiques ultramarins actuels. La dernière étude, menée en 2020, n’a pas permis de réunir des résultats exploitables.

La DGOM a en effet signalé l’année dernière aux rapporteurs spéciaux que « la période à laquelle ce travail d’évaluation a été établi (exercice 2020) n’a pas permis à l’évaluateur de disposer de données sur une période suffisante pour isoler les effets propres des exonérations et quantifier le lien entre le dispositif et l’évolution de l’emploi », du fait des mesures de chômage partiel proposées pendant la pandémie de la Covid-19.

Les rapporteurs spéciaux approuvent l’annonce d’une évaluation portant sur les dispositifs d’exonération des cotisations sociales dits « LODEOM » « lancée avant la fin de l’année 2023 pour en évaluer les effets sur l’emploi privé et sa contribution au développement économique des territoires ultramarins, et proposer des évolutions de ces dispositifs » ([2]) Ils souhaitent étendre cette étude à l’effet sur l’emploi des Ultramarins. C’est l’objet de leur amendement n°II – 3209, adopté par la commission des finances.

B.   les moyens en faveur de la qualification et l’insertion dans l’emploi (ACTION 2 AIDE À L’INSERTION ET À LA QUALIFICATION PROFESSIONNELLE)

Les crédits de l’action 2 seraient en progression de 1,5 % en AE (315,6 millions d’euros) et en baisse de 0,8 % en CP (304,6 millions d’euros).

Cette action finance notamment le dispositif du service militaire adapté (SMA), la subvention pour charges de service public de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) ainsi que des actions de formation en mobilité au profit des ressortissants des départements et collectivités d’outre-mer : le passeport pour la mobilité de la formation professionnelle et les dispositifs de formation des cadres, tels « Cadres de Mayotte », « Cadres pour Wallis-et-Futuna » et « Cadres Avenir Nouvelle-Calédonie ».

Le lancement, en 2024, d’un programme de formation des cadres en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin pour cinq ans, est présenté comme une réponse au besoin de « soutenir la formation des étudiants à hauts potentiels des territoires visés et, d’autre part, les besoins en recrutement des entreprises », dans un contexte d’une forte chute démographique.

Les rapporteurs spéciaux encouragent une généralisation des programmes « Cadres d’avenir » à tous les territoires ultramarins.

1.   Le service militaire adapté

Le service militaire adapté (SMA) est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle destiné aux jeunes volontaires de 18 à 25 ans les plus éloignés de l’emploi au sein des outre-mer. Près de 5 000 volontaires sont accueillis chaque année.

Le présent projet prévoit pour 2024 la poursuite du plan SMA 2025 +, débuté à Mayotte en 2022 et élargi à tous les régiments en 2023, sous la forme « d’une ambition « Horizon 2030 » [qui] propose d’étendre l’ensemble des projets mis en œuvre à Mayotte aux autres territoires ultramarins à l’aune des premiers enseignements et des prospections réalisées. » Seuls les projets 8 (accueillir davantage de volontaires) et 9 (relocalisation du centre de formation du service militaire adapté aujourd’hui situé à Périgueux) « font pour le moment l’objet d’études complémentaires repoussant leur lancement. » ([3]) Le PLF 2024 prévoit pour le SMA des moyens supplémentaires qui représentent 15,5 millions d’euros de mesures nouvelles dont 2,1 millions d’euros de fonds de concours ([4]).

SMA 2025+ - État des rÉalisations (EXTRAITS)

1

Renforcement des compétences professionnelles - accès au diplôme et développement de l’apprentissage en allongeant le temps de formation des volontaires stagiaires.

Mise en place en 2023 du « Tremplin pour l’emploi GBH -RSMA » en Martinique, qui permettra, à l’issue d’une formation en apprentissage de 13 mois, l’obtention du titre professionnel de Technicien électromécanicien automobile, reconnu au niveau BAC Pro). Il débouchera sur un CDI dans une des filiales de l’entreprise GBH.

2

Améliorer l’apprentissage des compétences de base - (lire, écrire, compter, intégration au monde du numérique et renfort de l’accompagnement socio-éducatif).

Consolidation en 2023 des pôles AMPS (accompagnement médico-psycho-social) dans tous les RSMA (régiments du service militaire adapté) et l’ouverture d’un Fab Lab au RSMA-Gy (Guyane) en partenariat avec l’entreprise Orange.

4

Accueil des parents isolés - proposer un accueil personnalisé à des parents isolés sous statut de volontaire stagiaire (VS), en leur donnant l’opportunité de suivre les formations dispensées au sein des RSMA tout en pourvoyant à l’accueil de leur enfant dans de bonnes conditions.

Objectif d’ouverture en 2025 au régiment RSMA-Ga (Guadeloupe) d’une crèche de 60 berceaux pour faciliter l’accueil de parents isolés – dialogue des régiments avec les bailleurs sociaux en vue de mettre en place des partenariats réactifs et plus efficaces et permettre aux volontaires chargés de famille de trouver des solutions pour faire garder leurs enfants.

5

Permis de conduire pour tous - améliorer le taux de réussite et la diversification des permis afin de favoriser l’employabilité des volontaires

Renforcement des centres d’instructions élémentaires de la conduite ont été renforcés, en matériel avec des véhicules et en ressource humaine.

8

Accueillir davantage de volontaires -

l’objectif de bénéficiaires était de 6 600 volontaires en 2025.

 

L’objectif de hausse des bénéficiaires a été gelé temporairement étant donné que les différents plans n’ont pas permis de stabiliser les 6 000 bénéficiaires atteints en 2017 et 2018.

Mise en place d’une compagnie à Hao en Polynésie française et dans le sud de l’île de Mayotte à compter de 2025.

 

Rapprochement des missions locales et de Pôle emploi en vue d’accroître les échanges d’information, notamment dans le cadre du Contrat d’Engagement Jeune (CEJ).

 

L’engagement du RSMA en tant que plateforme d’accueil lors de l’opération de gendarmerie Wuambushu à Mayotte s’est traduit par une baisse des personnes accueillies dans le cadre du SMA (200 personnes).

Source : Commission des finances d’après la DGOM, questionnaire budgétaire.

Selon la DGOM, « des études sont encore en cours quant à l’évolution des régiments afin de s’adapter au mieux à la situation locale. Il pourrait même être envisageable de supprimer plusieurs compagnies aux Antilles et de revenir sur des structures similaires à celles connues avant l’annonce du doublement des effectifs en 2009 par le Président de la République Nicolas Sarkozy. En effet, le solde démographique (– 2 %) et le solde migratoire des deux départements caribéens conduisent à devoir réduire le nombre de bénéficiaires, lequel est théoriquement de 12 % d’une classe d’âge. » ([5])

De même, selon la DGOM, « la problématique de la concurrence des dispositifs d’accompagnement vers l’insertion, tout particulièrement dans la zone Antilles, fait l’objet d’une étude commanditée par la DGOM, dont les conclusions sont attendues au premier semestre 2024 et pourraient dégager des pistes d’amélioration. » ([6])

Les emplois du SMA sont les seuls emplois rémunérés par le programme : il s’agit des personnels techniques, des militaires (hors gendarmes), des personnels administratifs et des volontaires du SMA, soit 6 167,5 emplois ETP. Le nombre de volontaires est en progression (4 829 en PLF 2024 contre 4 733 en LFI 2023). La progression est de 25 emplois ETP, après prise en compte d’une mesure de correction, soit 9 cadres du SMA et 19 volontaires techniciens.

M. Tematai Le Gayic, rapporteur spécial, tout en étant favorable à des dispositifs qui cibleraient l’insertion professionnelle des jeunes, est opposé à une militarisation de la formation professionnelle et dénonce le fait que celle-ci commence dès le secondaire en Polynésie-française, avec des accords de défense signés entre le RSMA et des collèges et lycées partenaires.

2.   Les crédits pour la formation professionnelle en mobilité - LADOM

L’agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), établissement public administratif sous tutelle conjointe des ministères chargés des outre-mer et du budget, est le seul opérateur de la mission. Elle finance des dispositifs en faveur de la qualification professionnelle des résidents ultramarins, au titre notamment du passeport pour la mobilité et la formation professionnelle (PMFP), et de leur mobilité territoriale. Sont demandés à ce titre pour 2024 une subvention pour charges de service public (inscrite sur le programme Emploi outre-mer) et des crédits d’intervention (portés par les deux programmes de la mission Outre-mer).

– Le passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (PMFP) s’adresse aux personnes poursuivant une formation professionnelle prescrite dans le cadre de la politique de l’emploi, en dehors de leur collectivité de résidence faute de disposer dans celle-ci de la filière de formation correspondant à leur projet professionnel.

Passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (PMFP)

Ce dispositif recouvre l’action mobilité formation emploi (MFE) correspondant à la prise en charge des frais pédagogiques [prise en charge pleinement par Pôle Emploi à partir de 2024], l’aide à l’installation ; l’allocation complémentaire de mobilité (ACM) consistant en l’attribution d’une indemnité mensuelle de formation ; l’accompagnement post-mobilité (APM) permettant au stagiaire d’assurer les dépenses liées à sa recherche d’emploi pendant une période de deux mois suivant sa sortie de formation.

À compter du 1er janvier 2024 la prescription de l’action « mobilité formation emploi » (MFE) est transférée à Pôle emploi ou dans certains cas aux régions d’outre-mer. Après une phase transitoire engagée en 2022, cette disposition de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel entre pleinement en vigueur au 1er janvier 2024.

Source : commission des finances.

Les crédits de LADOM pour la formation professionnelle en mobilité seraient en forte baisse en 2024, atteignant 11,1 millions d’euros en AE et 5,9 millions d’euros en CP (contre respectivement 23,5 millions d’euros et 18,3 millions d’euros en LFI 2023).

Pour les rapporteurs spéciaux, le recentrage en 2024 de LADOM sur la mobilité en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi est une justification insuffisante à cette forte diminution, étant donné qu’en 2024, le transfert de compétences à Pôle Emploi se traduira par un transfert financier qui devrait s’élever 8,8 millions d’euros.

Le rapprochement avec Pôle Emploi est en cours depuis septembre 2021, date de la signature de l’accord accord-cadre entre les deux opérateurs, dans le prolongement d’une recommandation formulée par la Cour des comptes en 2019 ([7]). Un nouvel accord-cadre entre LADOM et Pôle Emploi pour la période 2024-2026 sera prochainement signé afin de renforcer la mise en place de parcours coordonnés au bénéfice des stagiaires ultramarins.

Les rapporteurs spéciaux appellent à la signature d’accords entre LADOM, l’État et les territoires ultramarins sur lesquels Pôle emploi n’est pas compétent, à l’image de la convention cadre pour les années n° 36-22 (2021-2023) du 12 mai 2022 signée entre l’État, la Polynésie-française et LADOM relative au passeport mobilité formation professionnelle. – La subvention pour charges de service public serait inchangée, à 7,5 millions d’euros, montant déjà inchangé en 2023 par rapport à 2022.

Les rapporteurs spéciaux, eu égard à la progression des missions de l’opérateur en 2024 dans le champ de la continuité territoriale, qui seront notamment exposées dans la partie consacrée au programme 123 Conditions de vie outre-mer, s’étonnent de la non-revalorisation de la subvention pour charges de service public. Ils évaluent le besoin de la LADOM à 2,5 millions d’euros en 2024. C’est le sens de leur amendement II – 3120.

C.   le recul des crédits des actions 3 PILOTAGE DES POLITIQUES DES OUTRE-MER et 4 FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE

1.   La baisse des crédits de l’action 3 Pilotages des politiques d’outre-mer, à mettre en relation avec les montants exécutés en 2021 et 2022

Les crédits de l’action 3 Pilotages des politiques d’outre-mer seraient en baisse de 5 % en AE et 4,7 % en CP. Ils devraient atteindre 3,6 millions d’euros en AE et 3,4 millions d’euros en CP.

Cette action, qui concerne exclusivement des crédits de fonctionnement, porte la dotation de fonctionnement des services du ministère délégué chargé des outre-mer, du cabinet du ministre, de la DGOM et de la délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer et la visibilité des outre-mer. Les montants demandés pour 2024 sont proches des dépenses exécutées en 2022 (3,5 millions d’euros en AE et 3,2 millions d’euros en CP).

Les rapporteurs spéciaux ont interrogé la DGOM sur la suite donnée à l’annonce du ministre chargée des outre-mer, à la fin de l’année 2022, de la dissolution de la délégation interministérielle et de l’intégration de ses activités à LADOM. Cette annonce avait suivi les sévères observations présentées par la Cour des comptes sur le fonctionnement de la délégation ([8]).

Cour des comptes – Extraits des observations définitives sur la délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer
et la visibilité des outre-mer pour les exercices 2019-2021

« Ces risques portent notamment sur :

«  l’absence de public cible, l’étendue des missions et le caractère hétéroclite des objectifs assignés, qui complexifie la formalisation des projets et l’évaluation de la délégation, voire de son responsable. Cette situation introduit un relâchement managérial, une impossibilité de porter un jugement sur l’action publique et accroît le risque d’inexécution ;

« – l’absence de capacité de coordination interministérielle, qui conduit à dénaturer cette fonction, en la coupant des impératifs de mise en œuvre de l’action publique ;

« – l’effet d’image d’une structure suradministrée pour des budgets faibles au regard de réalisations limitées, au prix d’une gestion pas toujours rigoureuse, qui emporte un fort risque d’image ou de réputation pour le ministère de l’outre-mer et pour l’action de l’État dans ce domaine.

« Dans ces conditions, la Cour invite fermement les autorités responsables de la délégation à s’interroger sur son maintien et à considérer la réattribution de ses compétences, en fonction de leur nature, aux organismes existants relevant déjà de l’autorité du ministre des outre-mer (cabinet du ministre, DGOM, Ladom) afin de mieux garantir les actions visant à améliorer l’égalité des ressortissants originaires des outre-mer et à renforcer la solidarité avec ceux-ci. »

Source : observations définitives de la Cour des comptes sur la délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer et la visibilité des outre-mer.

D’après la DGOM, « il sera prochainement mis fin [aux] fonctions [du délégué]. Le décret mettant fin aux fonctions dans lesquelles [M. Maël Disa, délégué] avait été nommé par décret du 15 janvier 2020, puis le décret abrogeant le décret n° 2019-1372 du 17 décembre 2019, instituant le délégué, seront alors abrogés. » Les missions du délégué devraient être redéployées en direction de LADOM et des services du ministère chargé des outre-mer. M. Maël Disa est par ailleurs président du conseil d’administration de LADOM depuis novembre 2022.

Les rapporteurs spéciaux s’étonnent de l’extrême lenteur du ministère de l’intérieur et des outre-mer à traduire les engagements pris il y a un an par le ministre chargé des outre-mer.

2.   L’action 4 Financement de l’économie : une baisse de crédits incompréhensible au regard de la situation économique actuelle

L’action 4 Financement de l’économie finance principalement des mesures de soutien aux entreprises et associations ultramarines (prêt de développement outre-mer, subventions d’investissement, soutien au microcrédit outre-mer) mais également une aide au fret, dispositif mis en place par l’article 24 de la loi n° 2009- 594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, qui s’applique aux entreprises des cinq départements et régions d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, Saint-Pierre-et Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

Les AE de l’action 4 chuteraient de 32,7 % en AE (23 millions d’euros) et de 34,1 % en CP (21 millions d’euros) par rapport à 2023, trajectoire que les rapporteurs spéciaux qualifient d’incompréhensible étant donné l’objet de l’action et la situation économique actuelle.

 Les crédits pour le prêt de développement outre-mer s’élèveraient à 11 millions d’euros en AE et 11,8 millions d’euros en CP. Depuis 2017, « le PDOM intervient en qualité de produit de cofinancement, au côté d’un financement privé à raison de 1 pour 1. Le financement privé associé peut revêtir la forme d’un financement bancaire, d’un apport en capital ou en « quasi-fonds propres » ainsi que de financements participatifs. Le coût du financement privé étant plus élevé en Outre-mer qu’en hexagone, le taux bonifié du PDOM (proche de zéro) permet aux entreprises ultramarines de se financer à un taux moyen similaire à celui observé en hexagone. » ([9])

 L’aide au fret vise à compenser les surcoûts liés à l’éloignement géographique des territoires ultramarins, favoriser la production locale et de faire baisser les prix pour les consommateurs. Elle est ouverte aux entreprises situées dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna. Ses crédits destinés s’élèveraient à 7,8 millions d’euros en AE et 5,6 millions d’euros en CP, soit des montants stables par rapport à 2023.

Le rapport au Parlement relatif à l’aide au fret prévu par l’article 193 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 confirme et approfondit le diagnostic posé par une évaluation menée en 2021 : selon ces deux études, le dispositif souffre d’une grande complexité et ne répond pas aux besoins des entreprises locales :

● la mutualisation de cette aide dans la plupart des territoires ultramarins avec le dispositif d’aide au fret financé par les fonds européens (FEDER) ne permet pas de répondre à tous les besoins, limitant son effet bénéfique pour la compétitivité des entreprises ou la réduction des prix des productions locales ; ([10])

● la complexité du système en éloigne de fait les plus petites entreprises ([11]).

Ces facteurs sont responsables, d’après ce rapport, de la forte sous-exécution des crédits dédiés à l’aide au fret.

Pour les rapporteurs spéciaux, il est urgent d’adapter le dispositif aux besoins et aux particularités des entreprises ultramarines, qui en ont plus que jamais besoin.

– Les rapporteurs spéciaux rappellent qu’au cours de la discussion du PLF 2023, le Gouvernement a retenu les amendements identiques II-140 et II-311 augmentant les crédits de l’action 4, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en première lecture à l’Assemblée nationale. Ces amendements proposaient une augmentation des crédits de l’action 4 de 10 millions d’euros en AE et en CP pour répondre aux surcoûts d’approvisionnement en énergie rencontrés par les entreprises industrielles et de service.

Les rapporteurs spéciaux s’étonnent et regrettent que les montants proposés pour 2024 soient non seulement inférieurs au montant pour 2023 mais aussi à celui voté en 2023, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

évolution des crédits de l’action 4 Financement de l’économie

 

LFI 2023

PLF 2023

LFI 2023

PLF 2024

AE

24,3

24,3

34,3

23

CP

23

21,8

31,8

21

Source : commission des finances.

Ils appellent à une revalorisation des crédits de l’action 4. C’est l’objet de leur amendement II – 3131, adopté par la commission des finances.


II.   la hausse des crédits du programme 123 conditions de vie outre-mer, une hausse a installer dans la durée

Les crédits du programme 123 Conditions de vie outre-mer seraient en hausse de 7,3 % en AE et 0,7 % en CP. Par rapport à la LFI 2023, les AE des actions seraient tous stables ou en hausse, sauf l’action 9 Appui aux financements bancaires, en recul de 13,1 % en AE et 9,1 % en CP.

Évolution des crÉdits du programme 123 Conditions de vie outre-mer

(en millions d’euros)

 

AE

CP

LFI2023

PLF2024

Variation
(%)

LFI2023

PLF2024

Variation
(%)

1 – Logement

242,87

291,87

+ 20,18

183,76

193,83

+ 5,48

2 - Aménagement du territoire

211,1

209,61

 0,96

158,15

160,83

+ 1,69

3 - Continuité territoriale

52

73,6

+ 41,57

51,88

73,49

+ 41,65

4 - Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

12,15

12,15

-

12,15

12,15

-

6 – Collectivités territoriales

270,5

278,42

+ 2,93

274,69

237,86

 13,41

7 - Insertion économique et coopération régionales

969,5

969,5

-

969,5

969,5

-

8 - Fonds exceptionnel d’investissement

110

110

-

66,1

77,26

+ 16,67

9 - Appui à l’accès aux financements bancaires

53,35

46,34

 13,12

36,32

33,1

 9,08

TOTAL

953,48

1 022,97

+ 7,29

783,99

789,42

+ 0,69

Source : documents budgétaires.

A.   la hausse des crédits de l’action 1 logement dite ligne budgétaire unique

Les crédits de l’action 1 Logement (28,5 % des crédits du programme) seraient en progression de 20,2 % en AE et de 5,5 % en CP.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que les domaines principaux couverts par l’action, en faveur des DROM ([12]), sont les suivants : l’estimation des besoins et l’apport en ingénierie, le logement social et les actions foncières, l’amélioration de la sécurité du parc social antillais à l’égard du risque sismique, l’accession sociale à la propriété et l’amélioration du parc privé, l’accompagnement des politiques urbaines d’aménagement et de rénovation, la résorption de l’habitat insalubre et informel. Les crédits de l’action 1 sont complétés par des mesures d’incitation fiscale à l’investissement.

répartition des crédits de l’action 1 Logement

(en euros)

 

2024

BOP 123 – Action 1

AE

CP

Construction de logements locatifs sociaux

143 000 000

99 570 000

Accession sociale à la propriété

4 000 000

2 730 000

Amélioration du parc locatif social

31 500 000

18 360 000

Amélioration du parc privé

36 000 000

26 570 000

Études et manifestations, ingénierie

5 370 100

3 089 728

Aménagement urbain

36 000 000

27 250 000

Résorption de l’habitat indigne

36 000 000

16 260 000

Total

291 870 100

193 829 728

Source : DGOM, réponse au questionnaire budgétaire.

Près d’un tiers des 70 mesures du comité interministériel du 18 juillet 2023 concerne directement ou indirectement le secteur de l’habitat en outre-mer. Les rapporteurs spéciaux souhaitent que les travaux en vue de leur concrétisation se fassent à partir d’un véritable travail de concertation, avec les acteurs locaux.

1.   Une progression bienvenue, à installer dans la durée eu égard à l’ampleur des besoins

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de cette hausse des crédits en AE et en CP.

Eu égard à la situation du logement en outre-mer et des besoins en logements sociaux et étant donné la fin des travaux du second plan logement outre-mer (PLOM) en 2023, ils souhaitent que les engagements de l’État se maintiennent au moins à ce niveau au cours des prochains exercices budgétaires.

Présentation de la situation du logement en outre-mer

« La situation du logement social dans les outre-mer se caractérise par des besoins en logements sociaux très importants du fait, d’une part, d’une croissance démographique très supérieure pour certains d’entre eux à celle des départements hexagonaux et, d’autre part, d’une très forte proportion des ménages modestes.

« Le PIB par habitant correspond environ à près de 55 % de celui de l’hexagone. Par ailleurs, 80 % de la population ultramarine est éligible au logement social et près de 70 % au logement locatif très social (contre 66 % et 29 % en France hexagonale). »

Source : DGOM, réponse au questionnaire budgétaire.

Les rapporteurs spéciaux appellent à apporter une solution différenciée selon les besoins en logement des DROM, présentés dans le tableau ci-dessous.

Des besoins en logement différenciés selon les départements et collectivités

« Depuis quelques années, les situations guadeloupéenne, martiniquaise et réunionnaise se caractérisent par un fort besoin de réhabilitation du parc existant. Cet état de fait se matérialise par une réorientation globale de la politique du logement dans ces territoires, les projets de réhabilitation prenant une part plus significative dans les opérations de logement. Cette tendance a vocation à s’accentuer dans les années à venir.

« En Guyane et à Mayotte, en revanche, les efforts continuent de porter prioritairement sur la construction neuve afin de répondre à la croissance de la population et au nécessaire développement du parc social en vue de lutter contre l’habitat informel. Dans ce cadre, et en lien avec les objectifs du PLOM (plan logement outre-mer), un nouveau produit logement, le « logement locatif très social adapté » (LLTSA), à destination des publics à très bas niveau de revenus, a été mis en place en 2021 dans ces deux territoires, afin de concurrencer l’habitat précaire des bidonvilles. »

Source : DGOM, questionnaire budgétaire.

Les rapporteurs spéciaux appellent au lancement rapide d’un troisième plan logement outre-mer (PLOM), qui doit être précédé par une consultation des acteurs locaux, publics et privés.

Ils soulignent à cet égard l’importance particulière de l’action de l’État et des crédits de la ligne budgétaire unique, à l’action 1, au regard du caractère nettement insuffisant de l’offre en logements sociaux dans les territoires ultramarins et de leurs difficultés spécifiques. Comme l’indique la DGOM, « le parc de logements sociaux existant ne permet pas de couvrir, pour l’heure, l’ensemble des besoins. » La DGOM a fourni aux rapporteurs spéciaux l’estimation suivante de la demande annuelle de logements sociaux dans les DROM.

besoinS annuels en logements sociaux par dÉpartement

Guadeloupe

1 500 à 2 000

Martinique

800

Guyane

3 300 à 3 900

La Réunion

2 000 à 2 500

Mayotte

1 000 à 1 200

Total

8 600 à 10 400

Source : DGOM, questionnaire budgétaire.

Les rapporteurs spéciaux constatent que ces estimations sont loin de refléter les besoins réels. Pour l’ensemble des outre-mer, l’Union sociale pour l’habitat (USH) estime le déficit actuel à 110 000 logements, pour le parc de logement social.

Données chiffrées sur le logement social en outre-mer

– Le parc de logements sociaux est estimé à 171 814 (17 % du parc de logement des DROM) réparti entre :

La Réunion (78 957 logements répartis entre 1 HLM et 6 sociétés d’économie mixte -SEM), La Guadeloupe (37 202 logements répartis entre 2 HLM et 3 SEM), La Martinique (34 175 logements répartis entre 2 HLM et 1 SEM), La Guyane (19 373 logements répartis entre 1 HLM et 2 SEM), Mayotte (1 100 logements localisés dans le parc d’une SEM).

– Le parc de logements sociaux dans les collectivités d’outre-mer est réparti ainsi ([13]) :

La Polynésie française (3 880 logements localisés dans le parc de l’OPH) (Une SEM (Aranna) est en cours de création), La Nouvelle-Calédonie (16 500 logements localisés dans le parc de 4 bailleurs dont 1 HLM), Saint-Pierre et Miquelon (150 logements au sein de 2 SEM)

 Le nombre d’habitats indignes est de 155 00026 logements soit 16 % du parc total des DROM.

 La Fondation Abbé Pierre estime que 600 000 personnes sont mal logées dans les DROM.

 La vacance globale est estimée à 120 000 logements soit 12 % du parc total dans les DROM.

– Le nombre de demandes en attente d’un logement, à date, par DROM est de près de 79 370 LLS (les attributions sont estimées à 13 187), répartis entre :

La Réunion (39 140 demandes pour 6 195 attributions), La Martinique (13 180 demandes pour 1 865 attributions), La Guadeloupe (12 860 demandes pour 2 960 attributions), La Guyane (11 980 demandes pour 2010 attributions), Mayotte (2 210 demandes pour 157 attributions).

En Guyane et à particulièrement à Mayotte, le déploiement récent et encore partiellement incomplet des dispositifs d’enregistrement de la demande, laisse à penser que la demande enregistrée n’est pas le reflet de la tension réelle).

En Polynésie française, le nombre de demandes s’élève 4 029 pour 509 attributions.

Sources : Union sociale pour l’habitat, réponses au questionnaire.

Les rapporteurs spéciaux rejoignent l’Union sociale pour l’habitat (USH) sur le besoin de mesurer non seulement les logements financés mais surtout les logements livrés, seul moyen de mesurer le caractère effectif de l’action en faveur du logement.

D’après la DGOM, « les crédits de 2024 visent à financer 3 700 LLS, LLTS, sur la base d’une subvention d’un montant moyen de 33 000 euros par logement [contre 22 000 euros en 2023], 150 LLTSA, sur la base d’une subvention d’un montant moyen de 80 000 euros par logement, 250 logements-foyers ou logements spécifiques d’une subvention d’un montant moyen de 36 000 euros par logement. »

Les rapporteurs spéciaux saluent l’augmentation du montant moyen de subvention, qui doit permettre une meilleure prise en compte des coûts particuliers de construction outre-mer. Mais ils regrettent que l’objectif du nombre de logements financés passe 5 000 en 2023 à environ 4 000 logements en 2024 ([14]).

Les rapporteurs spéciaux partagent la position exprimée par la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale sous la précédente législature qui recommandait d’« encourager une programmation pluriannuelle au moins sur trois ans des crédits de la LBU afin d’assurer une visibilité à tous les acteurs » et d’« adapter les crédits de la LBU pour tenir compte de l’augmentation des prix des matériaux et des coûts de construction ». ([15])

2.   Des indicateurs de performance à compléter

L’indicateur de performance Fluidité du parc de logements sociaux tend à évaluer la réalisation de l’objectif Mieux répondre au besoin de logement social. Il se décline en deux sous-indicateurs :

– Le sous-indicateur Délai d’attente pour l’attribution d’un logement social ([16]) présenté depuis le PLF 2023 ;

 Le sous-indicateur Pression de la demande sur le logement social ([17]) « vise à donner une vision de l’adéquation entre l’offre et la demande de logements sociaux. » ([18])

 

 

Unité

2021

2022

2023 (cible PAP 2023)

2024
(cible)

2025
(cible)

2026
(cible)

Délai d’attente pour l’attribution d’un logement social

Mois

Non déterminé

Non déterminé

13

13

13

12

Pression de la demande sur le logement social

Ratio

5,3

5,2

4,8

4,7

4,7

4,6

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Outre-mer.

Pour les rapporteurs spéciaux, le sous-indicateur relatif au délai d’attente ne reflète que partiellement la réalité. Ils partagent cette remarque de l’USH : « Cet indicateur est pertinent mais il convient de préciser qu’il est conditionné par l’effectivité du renouvellement annuel du dossier du demandeur qui n’est pas systématique pour des ménages fragilisés et loin des outils numériques. En outre, on note une faiblesse du déploiement des outils d’enregistrement de la demande de logement social dans certains territoires, notamment à Mayotte et dans certaines zones du territoire Guyanais. » ([19])

Les rapporteurs spéciaux partagent la proposition de l’USH d’un sous-indicateur supplémentaire présentant le « nombre de logements neufs livrés » : les objectifs associés aux projets de loi de finances portent en effet sur le seul nombre de logements sociaux financés. Un écart important et régulier est pourtant constaté entre l’objectif de production de logements (le nombre de logements financés ou agréés) et le nombre de logements réellement livrés sur l’ensemble des DROM.

B.   Les moyens en faveur de la continuité territoriale : l’action 3 du programme condition de vie outre-mer et l’article 55 du projet de loi de finances, élargissant la continuité territoriale

Les crédits de l’action 3 Continuité territoriale seraient en hausse de 41,6 % en AE et 41,7 % en CP. Les crédits atteindraient 73,6 millions d’euros en AE et 73,5 millions d’euros en CP.

Cette progression est à mettre en relation avec les dispositions prévues par l’article 55 du projet de loi de finances, rattaché à la mission Outre-mer, qui étend le champ de la continuité territoriale, financée principalement par les crédits de l’action 3 ([20]), à des dispositions soutenant notamment la mobilité professionnelle de la France hexagonale vers les outre-mer. D’après la DGOM, les crédits prévus pour ces nouveaux dispositifs sont évalués, à l’action 3, à 23 millions d’euros.

Les rapporteurs spéciaux estiment que les 23 millions d’euros de crédits supplémentaires, à l’action 3, sont certes nécessaires pour le bon fonctionnement des dispositifs de continuité territoriale mais demeurent insuffisants.

En effet, les dispositifs mis en œuvre sous l’égide de LADOM ne sauraient, à eux seuls, constituer une véritable réponse aux problématiques rencontrées sur les territoires dits d’outre-mer en matière de discontinuité territoriale. Les rapporteurs spéciaux, regrettent de constater, dans le cadre du PLF 2024, que le Gouvernement n’ait pas fait le choix de retenir des mesures fortes afin de répondre aux problématiques de dessertes aériennes, maritimes et terrestres rencontrées à la fois sur les territoires dits d’outre-mer et par les ressortissants ultramarins.

1.   L’actuel champ d’action de la continuité territoriale

L’action 3 Continuité territoriale finance particulièrement la prise en charge de certaines dépenses liées aux déplacements entre l’hexagone et les territoires ultramarins par une aide au transport ainsi qu’un soutien financier pour les collectivités fortement soumises aux contraintes géographiques d’éloignement.

– Les actuelles mesures d’aide à la continuité territoriale, accessibles sous condition de ressources, sont mises en œuvre par LADOM, sauf pour les collectivités de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre et Miquelon, où leur mise en œuvre relève des services déconcentrés de l’État, sont présentées dans l’encart ci-après.

L’aide à la continuité territoriale (ACT)

L’aide à la continuité territoriale (ACT) concourt au financement d’une partie des titres de transport entre la collectivité de résidence outre-mer et le territoire métropolitain et dans les deux sens pour les personnes rendant une dernière visite à un proche ou se rendant à ses obsèques ;

L’aide au transport de corps permet la contribution au financement du transport du corps, que ce transport ait lieu vers l’hexagone ou vers l’outre-mer, et dans certains cas entre différentes collectivités d’outre-mer ;

Le passeport pour la mobilité des études (PME) finance une partie du déplacement des étudiants de l’enseignement supérieur inscrits en dehors de leur collectivité de résidence, lorsque l’inscription dans cet établissement est justifiée par l’impossibilité de suivre localement un cursus universitaire dans la filière d’étude choisie. Le taux de prise en charge est différent selon que le bénéficiaire est ou non titulaire d’une bourse d’État sur critères sociaux ;

Le passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (PMFP) est attribué aux personnes poursuivant une formation professionnelle prescrite dans le cadre de la politique de l’emploi, en dehors de leur collectivité de résidence faute de disposer dans celle-ci de la filière de formation correspondant à leur projet professionnel.

Le passeport pour la mobilité en stage professionnel (PMSP) est destiné aux élèves et étudiants inscrits en terminale professionnelle, en institut universitaire de technologie, en licence professionnelle ou en master qui, dans le cadre de leurs études, doivent effectuer un stage pour lequel le référentiel de formation impose une mobilité hors du territoire de la collectivité où l’intéressé réside ou que le tissu économique local n’offre pas le stage recherché dans le champ d’activité et avec le niveau de responsabilité correspondant à la formation.

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Outre-mer.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que le Gouvernement, à l’occasion de la discussion du PLF 2023, a retenu l’amendement II-1550 en faveur de l’aide aux parents devant accompagner un enfant gravement malade dans l’hexagone dans le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité en première lecture à l’Assemblée nationale.

Ils appellent le ministre chargé des outre-mer à prendre d’urgence les mesures réglementaires nécessaires à l’élargissement effectif de la continuité territoriale à leur attention. Ils soutiennent l’amendement II – 3149 qui prévoit 1 million d’euros en AE et en CP pour l’action 3 Continuité territoriale pour cet objet, amendement adopté par la commission des finances.

2.   Des mesures nouvelles élargissant la continuité territoriale, mais de manière incomplète

a.   Le relèvement prévu par voie réglementaire du plafond de ressources pour accéder à l’aide à la continuité territoriale

Dans le prolongement des annonces du Conseil interministériel des outre-mer qui s’est tenu en juillet 2023, le plafond de ressources pris en compte par part du quotient familial pour l’aide à la continuité territoriale devrait passer de 11 991 euros à 18 000 euros, au plus tard au 1er janvier 2024. Les étudiants dont le quotient familial est inférieur à 26 000 euros bénéficieraient, dans le cadre du passeport pour la mobilité des études (PME) d’un aller-retour supplémentaire la première année d’études en France hexagonale.

Les rapporteurs spéciaux appellent à une modification par voie réglementaire du relèvement du plafond de ressources dans les plus brefs délais pour rendre la mesure effective.

b.   Les dispositions de l’article 55 du projet de loi de finances, rattaché à la mission Outre-mer, élargissant la continuité territoriale

Les dispositions de l’article 55 du projet de loi de finances intègrent de nouvelles dispositions au chapitre III « La continuité territoriale entre les collectivités d’outre-mer et le territoire métropolitain » du code des transports, dénommées :

– « passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer », aide dont l’octroi serait subordonné à la présentation d’un projet professionnel durable et à la conclusion d’une convention entre le bénéficiaire et LADOM, prévoyant notamment les conditions du remboursement en cas du non-respect par le bénéficiaire de ses engagements ;

– « passeport pour la mobilité des actifs salariés », et « passeport pour la mobilité des entreprises innovantes », aides destinées « aux personnes morales de droit privé » des territoires ultramarins (L.1803-2), en premier lieu aux salariés des entreprises ultramarines. Le premier dispositif s’appliquerait dans le cas où les salariés suivraient une « formation professionnelle […] assurée en dehors de la collectivité de résidence du salarié, faute qu’existe dans celle-ci la filière de formation correspondant au projet de formation ». D’après la DGOM, les crédits, relevant des mesures soutenant l’emploi outre-mer, seront imputés sur l’action 2 du programme 138 Emploi Outre-mer.

Est ouverte, pour ces deux derniers dispositifs, la possibilité d’une prise en charge complémentaire par des financements des opérateurs de compétence (OPCO).

Les rapporteurs spéciaux regrettent que la nouvelle aide à l’installation professionnelle outre-mer ne traduise que très imparfaitement les engagements pris par le Gouvernement à l’occasion du Conseil interministériel des outre-mer, portant sur la mise en place d’une « aide au retour », dans la continuité de la proposition de loi n° 1159 visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en outre-mer, adoptée à l’Assemblée nationale le 8 juin 2023. En effet, le mécanisme proposé à l’article 55 du présent projet ne cible pas spécifiquement les personnes issues des territoires ultramarins résidant sur le territoire hexagonal. Ils émettent en l’état un avis défavorable à ce dispositif et conditionnent leur avis favorable à l’adoption d’amendements précisant les futurs bénéficiaires du dispositif, en particulier l’amendement n° II – 3199, adopté par la commission des finances Celui-ci substitue, à l’article 55, aux mots « résidant en France métropolitaine justifiant d’un projet d’installation professionnelle durable », les mots« nées et justifiant d’une durée de résidence de quinze ans ou nées et ayant un de leurs parents né ».

C.   les actions territoriales : l’action 2 Aménagement du territoire et L’action 6 Collectivités territoriales

Les crédits du programme Conditions de vie Outre-mer au profit des dispositifs et des actions en faveur des actions territoriales sont principalement inscrits à l’action 2, Aménagement du territoire et à l’action 6 Collectivités territoriales. Les crédits demandés pour l’action 2 sont stables (– 1 % en AE et + 1,7 % en CP) tandis que ceux de l’action 6, en hausse de 2,9 % en AE, baissent de 13,4 % en CP.

1.   L’action 2 Aménagement du territoire

Les crédits de l’action 2 visent à cofinancer des projets structurants portés par les collectivités territoriales d’outre-mer.

Il s’agit principalement du financement des contrats de convergence et de transformation (CCT), prévus par la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique dite « loi EROM ». Ces contrats traduisent les financements de l’État et des collectivités territoriales d’outre-mer pour les projets d’investissement structurants identifiés conjointement pour chaque territoire. L’année 2024 devrait voir le lancement de la nouvelle génération de CCT, après la fin au 31 décembre 2023 de la première génération ([21]), comme annoncé au cours conseil interministériel des outre-mer du 18 juillet 2023. « Afin de préparer ces nouveaux contrats, des mandats de négociations signés par la Première ministre seront confiés aux préfets, chargés de piloter la démarche au sein de chaque territoire concerné. » ([22])

Les crédits proposés par le présent projet pour l’action 2 atteindraient 209,6 millions d’euros en AE et 160,8 millions d’euros en CP, dont 175,28 millions d’euros en AE et 132 millions d’euros en CP pour les CCT (« règlement des opérations contractualisées, principalement au titre des années antérieures » ([23])).

La préparation des futurs contrats de convergence et de transformation (CCT)

« À périmètre constant, cette enveloppe est en forte augmentation par rapport à la génération de contrats 2019-2022, prolongés d’une année en 2023 (+ 379 millions d’euros), du fait notamment de l’inscription dans les futurs CCT des financements alloués par l’Office français de la biodiversité pour les projets dans les domaines de l’assainissement collectif et de l’alimentation en eau potable, qui représentent des enjeux majeurs pour le développement des collectivités d’outre-mer.

« L’aide en investissement de l’État pour les infrastructures et services publics indispensables au développement de ces territoires complétera les moyens des départements, des régions et des collectivités d’outre-mer, ainsi que les fonds européens.

« La Caisse des dépôts et consignations sera par ailleurs sollicitée pour accorder des prêts d’une durée de 60 ans aux projets inscrits dans les CCT pour permettre aux collectivités un étalement long de leur remboursement. (…)

« La contribution du ministère chargé des outre-mer imputée sur le programme 123 s’élèvera ainsi à 822,2 millions d’euros sur la période, dont 182,3 millions d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement au projet de loi de finances pour 2024.

« Les préfets et hauts-commissaires ont reçu mandat de négocier avec les collectivités locales la programmation de ces investissements qui concourent à l’atteinte d’objectifs économiques partagés à l’horizon 2030, de sorte que les contrats puissent être signés avant la fin de l’année 2023. »

Source : DGOM, questionnaire budgétaire.

L’action retrace également les crédits de la participation du ministère chargé des outre-mer en 2024 à la construction d’abris anticycloniques en Polynésie française, dans le cadre de la convention du 30 mars 2021 entre le Premier ministre, le ministre chargé des outre-mer et le Président de la Polynésie française, est inscrite à l’action 2 à hauteur de 4,2 millions d’euros en AE et 0,4 million d’euros en CP.

La convention prévoit un financement paritaire entre l’État et la Polynésie française pour un total de 50,6 millions d’euros, sur la période 2021-2025. La part relevant du ministère chargé des outre-mer s’élève à 12,45 millions d’euros sur cette période.

M. Christian Baptiste, rapporteur spécial, déplore la diminution des crédits alloués au plan séisme aux Antilles, dont les AE diminuent de 3,16 à 2,54 millions d’euros, alors même que les phénomènes sismiques ne cessent de s’amplifier en fréquence et en puissance.

2.   L’action 6 Collectivités territoriales

Les crédits de l’action 6 devraient atteindre 278,4 millions d’euros en AE, soit une hausse de 2,9 %, et 237,9 millions d’euros en CP, représentant une baisse de 13,4 %. Les objectifs de cette action sont principalement de favoriser l’égal accès aux services publics locaux des populations outre-mer et de « maintenir la capacité financière des collectivités territoriales ultramarines » ([24]), d’apporter, si les circonstances l’exigent, une aide d’urgence.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent détailler plus particulièrement ici les moyens prévus pour le syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe et pour la question des sargasses.

– Les rapporteurs spéciaux avaient qualifié le soutien exceptionnel de l’État envers le syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe (SMGEAG) prévu par le PLF pour 2023 d’indispensable mais insuffisant eu égard aux difficultés structurantes déjà identifiées par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences ([25]). La discussion parlementaire avait permis de faire progresser l’enveloppe initiale de 10 millions à 30 millions d’euros en AE et en CP dont 27 millions d’euros de subvention et 3 millions pour l’assistance technique.

Une nouvelle enveloppe de 20 millions d’euros en AE et en CP est destinée en 2024 « à accompagner les efforts du SMGEAG. L’aide porte prioritairement sur l’exploitation, les investissements et l’assistance technique, et sera versée sous réserve du respect des engagements de performance contractualisés. » ([26])

Les rapporteurs spéciaux alertent également sur les difficultés des communes à assumer seules le coût financier des investissements pour construire et rénover les dispositifs d’accès à l’eau potable. Ils recommandent la mise en place d’un programme d’urgence destiné à garantir l’effectivité du droit d’accès à une eau potable sur l’ensemble des territoires ultramarins.

– Comme l’an dernier, des crédits sont inscrits à l’action 6 Collectivités territoriales pour contribuer au financement du plan Sargasses II inscrit principalement à l’action 13 du programme Interventions territoriales de l’État (PITE) (4,9 millions d’euros en AE et 4,8 millions d’euros en CP). Trois territoires sont concernés : la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin.

« La création d’une action PITE (programme interventions territoriales de l’État) destinée à gérer le plan « Sargasses II » (…) pour couvrir la période 2022-2025 (…) vise une approche nationale et locale, de passer du curatif au préventif, en allant chercher les sargasses en mer, de répondre aussi aux enjeux du stockage, de la façon la plus industrielle possible, et travailler aussi sur la valorisation de ces algues et enfin de se doter d’une doctrine au niveau national et d’aider les collectivités en mobilisant des financements. »

Source : annexe budgétaire Interventions territoriales de l’État, PLF 2024.

Le plan Sargasses II serait doté au total en 2024 de 7,6 millions d’euros en AE et en CP en cofinancement. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer participerait à hauteur de 1,37 million d’euros, transféré depuis le programme 126 Conditions de vie outre-mer ([27]).

Ces crédits permettront notamment la prise en charge des frais de collecte en mer, « expérimentation engagée en Martinique avec la passation par l’État (compétent pour la collecte en mer) d’un accord-cadre.

Les rapporteurs spéciaux appellent à une généralisation à tout le bassin des Antilles de l’expérimentation menée en Martinique, généralisation à laquelle appelle l’amendement II – 3138, adopté par la commission des finances.

D.   l’action 4 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

Les crédits de l’action 4 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport seraient inchangés en AE et en CP, pour atteindre 12,2 millions d’euros.

Il s’agit principalement de dépenses d’intervention relevant de transferts aux collectivités territoriales, en faveur de leurs actions :

– dans le domaine sanitaire, afin d’appuyer ces collectivités dans leurs politiques face à des difficultés spécifiques aux outre-mer, par exemple liées au climat tropical (paludisme, dengue, chikungunya…). Le ministère chargé des outre-mer participe, dans un cadre interministériel, à plusieurs plans nationaux (santé sexuelle, lutte contre les addictions, nutrition et lutte contre l’obésité, environnement, cancer, etc.) et mobilise à ce titre des financements, principalement en faveur du tissu associatif ;

– dans le domaine de la cohésion sociale : le ministère accorde des subventions à certaines associations sur la base de projets relatifs à la cohésion sociale, notamment en faveur de la réduction des inégalités de traitement entre les femmes et les hommes, des violences faites aux femmes ainsi que de la lutte contre les discriminations ;

– dans le domaine de la culture, en soutenant sur projet les associations culturelles ultramarines ou d’Ultramarins dans l’hexagone, soit directement par le ministère de l’intérieur et des outre-mer, soit par l’entremise du fonds d’échanges artistiques et culturels (FEAC), cofinancé par le ministère de la culture ;

– de l’éducation, de la jeunesse et du sport, par l’intermédiaire par exemple de subventions à certaines associations sur la base de projets relatifs aux sports et à la jeunesse et la participation au financement de grandes manifestations sportives ultramarines s’inscrivant dans l’environnement géographique des collectivités des outre-mer.

E.   Les actions 7,8,9 et les dispositifs en faveur de l’activitÉ et du dÉploiement Économique

Les dispositifs financés par l’action 7 Insertion économique et coopération régionales, l’action 8 Fonds exceptionnel d’investissement et l’action 9 Appui aux financements bancaires ont l’objectif de favoriser le développement économique des territoires ultramarins et le financement de projets structurants.

– Les crédits de l’action 7 Insertion économique et coopération régionales seraient reconduits à hauteur de la LFI 2022 et de la LFI 2023, soit un peu moins de 1 million d’euros en AE et en CP, sous forme principalement de transferts aux collectivités ultramarines au profit des fonds de coopération régionale (FCR), qui contribuent à l’insertion des collectivités d’outre-mer dans leur environnement géographique.

– Les crédits de l’action 8 Fonds exceptionnel d’investissement seraient inchangées en AE par rapport à la LFI 2022 et la LFI 2023 (110 millions d’euros) et en progression de 17 % en CP (77,2 millions d’euros).

Ce fonds finance, sous forme d’appels à projets, une aide aux personnes publiques réalisant des investissements qui portent sur des équipements publics collectifs « lorsque ces investissements participent de manière déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local en complément des opérations arrêtées dans le cadre des contrats de projets et de développement ».

– Les dispositifs financés par l’action 9 Appui aux financements bancaires (46,3 millions d’euros en AE et 33 millions d’euros en CP) sont quant à eux mis en œuvre par l’Agence française de développement (AFD). Il s’agit :

● d’une bonification de prêts octroyés aux personnes publiques pour la réalisation d’investissements en matière d’infrastructures et de bâtiments publics. Le présent projet prévoit à cet effet 32,4 millions d’euros en AE et 26 millions d’euros en CP ;

● de financements aux collectivités territoriales pour des actions en matière d’ingénierie et d’assistance technique pour faciliter la réalisation de projets structurants, à travers le fonds outre-mer (FOM).

Le fonds outre-mer 5.0 devenu fonds outre-mer a été lancé en 2019 dans le contexte de la nécessité d’un soutien à l’ingénierie à destination des collectivités ultramarines, pour atteindre notamment une meilleure consommation des crédits budgétaires mis à leur disposition. La gestion du fonds outre-mer est confiée à l’AFD, la gouvernance étant assurée par un comité de pilotage composé de représentants de la DGOM et de l’AFD.

Les volets des dispositifs financés par le fonds sont les suivants :

– l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour les projets planifiés par les collectivités locales, pour faciliter l’amorçage des projets d’investissement et renforcer les capacités des acteurs publics locaux ;

– l’appui aux projets de coopération régionale sur les trois bassins océaniques.

Les rapporteurs spéciaux se réjouissent de l’annonce de l’élargissement de l’offre du fonds à des experts techniques recrutés par Expertise France, projet que les rapporteurs spéciaux M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon avaient encouragé dans leur rapport sur l’évaluation de l’aide à l’ingénierie dans le cadre du printemps de l’évaluation de la commission des finances. ([28])

Les rapporteurs spéciaux, constatant que la dotation au Fonds outre-mer serait inchangée en 2024 par rapport à 2023 (10 millions d’euros en AE et 4 millions d’euros en CP), malgré l’ouverture à des experts techniques recrutés par Expertise France, ont déposé l’amendement II –  3174, tendant à augmenter les crédits du fonds outre-mer, à l’action 9 Appui aux financements bancaires, de 10 millions en AE et 3 millions en CP, adopté par la commission des finances.


III.   les modifications apportées aux mesures fiscales

Les dépenses fiscales inscrites sur la mission Outre-mer, portées par 29 dispositifs, sont estimées pour 2024 à 5 617 millions d’euros, soit un montant représentant 70 % des crédits budgétaires qui seraient ouverts sur la mission Outre-mer. Elles sont estimées plus particulièrement :

– pour le programme Emploi outre-mer, à 330 millions d’euros, contre 548 millions d’euros estimés en 2022, du fait d’estimations baissières concernant l’exonération de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion et la non-applicabilité provisoire de la TVA en Guyane et à Mayotte ;

– pour le programme Conditions de vie outre-mer, à 6,4 milliards d’euros (estimation inchangée par rapport à 2023).

Ces dépenses fiscales concernent au premier chef les investissements dans le domaine du logement (logement social, logement locatif) et les investissements productifs. L’objectif des dispositifs fiscaux mis en œuvre par l’État en outre-mer est d’encourager l’investissement eu égard aux contraintes propres à ces territoires (éloignement de l’hexagone, phénomène d’insularité, faible superficie des territoires mais également dépendance économique vis-à-vis d’un nombre restreint d’activités…) qui entravent leur développement économique et social.

A.   les dépenses fiscales en faveur du logement : l’extension du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater X du CGI

Les dispositifs fiscaux en faveur du logement social sont de deux sortes : l’application de taux de TVA plus faibles qu’en hexagone, rappelée dans l’encadré ci-dessous, et des aides à l’investissement sous forme de crédit d’impôt.

Les taux de TVA réduits en outre-mer

Dans les trois territoires ultramarins où la TVA s’applique, Guadeloupe, Martinique et La Réunion ([29]), un taux inférieur s’applique à l’ensemble des opérations (le taux normal est de 8,5 %, contre 20 % en hexagone, et le taux réduit est fixé à 2,1 %, au lieu de 5,5 % ou 10 % dans l’hexagone).

Aux termes de l’article 296 ter du CGI, plusieurs catégories d’opérations immobilières sont imposées au taux réduit de 2,1 % : certains travaux de construction de logements évolutifs sociaux, certaines ventes de logements évolutifs sociaux, les livraisons dites « à soi-même », les travaux d’amélioration de la qualité énergétique ou les travaux induits qui leur sont indissociablement liés, les opérations de rénovation et d’entretien des logements de plus de deux ans.

Par ailleurs, les opérations qui portent sur la construction de logements neufs destinés à la location sont en principe soumises à la taxe au taux de 8,5 % (contre 20 % en hexagone).

Source : commission des finances.

L’aide à l’investissement sous forme de crédit d’impôt, en matière de logement social, en matière de logement intermédiaire, et en matière de logement locatif « classique ». Ces divers régimes sont récapitulés dans le tableau ci-après.

Tableau récapitulatif des régimes de défiscalisation et de crédit d’impôt spécifiques aux outre-mer

 

DROM

COM et Nouvelle-Calédonie

Logement social

Acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif

 

Article 217 duodecies (remplacé par l’art. 244 quater Y à compter du 1er janvier 2022)

Acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif

 

Acquisitions de logements achevés depuis plus de vingt ans faisant l’objet de travaux de réhabilitation permettant à ces logements d’acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs

 

Travaux de réhabilitation du parc de logement social – modifié à l’article 6 du projet de loi de finances

Article 244 quater X

Article 199 undecies C

Logement intermédiaire

Acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif

Article 217 undecies

Article 217 duodecies

(remplacé par l’art. 244 quater Y à compter du 1er janvier 2022)

Acquisition ou construction de logements intermédiaires - Entreprises

Article 244 quater W

 

Acquisition et de construction de logements intermédiaires – Personnes physiques

Article 199 novovicies

Article 199 novovicies

Logement locatif classique

Travaux de réhabilitation et de confortation des logements anciens contre le risque sismique et cyclonique

Article 199 undecies A

Article 199 undecies A

Source : DGOM, questionnaire budgétaire.

Les dispositions de l’article quater X du code général des impôts, pour les travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements sociaux situés dans les DOM et achevés depuis plus de vingt ans, ont actuellement un champ d’application restreint aux logements situés dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV).

Dans les COM, relevant de l’article 199 undecies C, les mêmes travaux sont éligibles à l’avantage fiscal mais uniquement dans certains territoires où les communes sont limitativement énumérées.

L’article 6 du projet de loi de finances abroge cette condition géographique pour les deux dispositifs, ce que les rapporteurs spéciaux approuvent.

B.   Les dépenses fiscales en faveur de l’investissement productif

Les différents dispositifs sont destinés à attirer des capitaux en outre-mer ou à réduire le coût des investissements, dans un objectif global de développement de l’économie ultramarine :

– dans le cadre de la « défiscalisation classique », des dispositifs de déduction fiscale, de réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements productifs. Ces derniers ont été profondément remaniés par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Le champ d’application des dispositifs d’aide à l’investissement productif a notamment été étendu aux activités de recherche et de développement.

Le recours à une société de portage, pour bénéficier de l’aide fiscale, est la situation la plus fréquente. Dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, le recours à une société de portage est même impératif. En effet, du fait de leur l’autonomie fiscale, aucune aide fiscale ne peut être directement versée à leurs ressortissants ou aux entreprises établies sur leur territoire.

– un dispositif plus récent de crédits d’impôt mis en place par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, et relevant de l’article 244 quater W du CGI. Celui-ci cible les investissements productifs, dans les seuls DROM, et uniquement ceux bénéficient directement à l’exploitant ultramarin (à la différence des dispositifs précédents qui peuvent passer par des structures de portage fiscal).

Présentation simplifiée des deux modalités des dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement productif en outre-mer

Source : Inspection générale des finances, Évaluation du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en outre-mer, juillet 2023.

Les rapporteurs spéciaux regrettent que le Gouvernement ait retenu, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, pour établir le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, l’amendement I-5210 du rapporteur général qui restreint fortement les aides à l’investissement productif en outre-mer. Ces dispositions, qui correspondent à l’article 7 ter du texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, a été présenté comme tirant les conséquences du rapport de l’Inspection générale des finances sur l’investissement productif en outre-mer ([30]).

Les dispositions de l’article 7 ter sortent principalement du bénéfice de l’aide fiscale :

– tous les investissements productifs donnés en location ou mis à disposition de ménages et syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services : sont particulièrement visés les chauffe-eaux solaires équipant les ménages ;

– les investissements réalisés en faveur des véhicules de tourisme, à l’exception de ceux affectés à l’exercice d’une activité agricole ou minière, ou exploités dans le cadre d’une activité de transport public de voyageurs. Sont particulièrement visés les véhicules de location de tourisme ;

– les investissements réalisés en faveur des activités de location de meublés de tourisme au sens de l’article L. 324-1-1 du code de tourisme, soit les meublés individuels et collectifs de moins de 50 chambres ;

Il ouvre en revanche le bénéfice de l’aide fiscale aux friches hôtelières ou industrielles en vue de leur réhabilitation et le réintègre dans son champ d’application les investissements portant sur des installations de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, sous condition que l’électricité produite soit destinée à l’autoconsommation de l’exploitant.

Les rapporteurs spéciaux, tout en appuyant l’ouverture du régime d’aide au financement productif aux friches hôtelières et industrielles, en vue de leur réhabilitation :

– s’étonnent de la précipitation à tirer les conséquences de ce récent rapport de l’Inspection générale des finances, alors que celle-ci estimait « en tout état de cause [d’] indispensable de renforcer les contrôles réalisés dans le cadre des dispositifs de soutien à l’investissement productif avant d’envisager toute évolution, même à la marge, de ces aides. »

– s’inquiètent des mesures punitives et injustes frappant les chauffe-eaux solaires, les véhicules de tourisme, et les locations de meublés de tourisme.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 24 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Outre-mer.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.

Après avoir examiné et adopté 79 amendements modifiant l’état B (CF962 ; CF881 ;CF1461 ; CF891 ; CF879 ; CF2716 ; CF725 ; CF2717 ; CF894 ; CF3 ; CF570 ; CF893 ; CF889 ; CF68 ; CF1443 ; CF312 ; CF506 ; CF353 ; CF80 ; CF336 ; CF344 ; CF876 ; CF338 ; CF358 ; CF878 ; CF345 ; CF892 ; CF187 ; CF880 ; CF473 ; CF888 ; CF41 ; CF39 ; CF42 ; CF969 ; CF341 ; CF347 ; CF895 ; CF746 ; CF877 ; CF553 ; CF350 ; CF866 ; CF745 ; CF713 ; CF5 ; CF6 ; CF715 ; CF875 ; CF967 ; CF968 ; CF865 ; CF665 ; CF311 ; CF2 ; CF2718 ; CF887 ; CF966 ; CF2474 ; CF478 ; CF480 ; CF517 ; CF354 ; CF804 ; CF886 ; CF471 ; CF961 ; CF965 ; CF744 ; CF414 ; CF782 ; CF389 ; CF885 ; CF884 ; CF405 ; CF408 ; CF413 ; CF2446 ; CF2444 ) ; deux amendements modifiant l’état G (CF1447 et CF2222) ;  l’article 55 modifié par trois amendements (CF183, CF184 et CF608), 10 amendements portant article additionnel rattaché à la mission (CF185, CF1451, CF871, CF432, CF437, CF444, CF464, CF472, CF807, CF712), et suivant l’avis favorable des rapporteurs, la commission des finances a adopté les crédits de la mission ainsi modifiés.

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

● Direction générale des Outre-Mer (DGOM) et cabinet du ministre délégué

– M. Olivier Jacob, directeur général des outre-mer

 M. Guillaume Vaille, conseiller budgétaire du ministre chargé des outre-mer

– Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques

– M. Étienne Guillet, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État

● Agence des Outre-mer pour la mobilité (LADOM)

– M. Saïd Ahamada, directeur général

● Union nationale des fédérations d’organismes HLM (USH) *

– Mme Marianne Louis, directrice générale

– M. Brayen Sooranna, directeur des outre-mer

– Mme Moveda Abbed, direction des outre-mer

● Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM) *

– M. Hervé Mariton, président de la FEDOM

– M. Laurent Renouf, directeur général de la FEDOM

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 

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([1])  Source : annexe budgétaire Outre-mer, PLF 2024.

([2]) Source : DGOM, questionnaire budgétaire, PLF 2023.

([3]) Source : DGOM, questionnaire budgétaire.

([4]) idem.

([5]) Source : DGOM, questionnaire budgétaire.

([6]) idem.

([7]) Cour des comptes, référé relatif à la situation et aux perspectives de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, janvier 2019.

([8]) Cour des comptes, observations définitives sur la délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer et la visibilité des outre-mer.

([9]) DGOM, réponse au questionnaire budgétaire.

([10]) « Cet adossement aux fonds européens [entraine] une certaine lourdeur dans la mise en œuvre du dispositif, ainsi qu’un manque de visibilité pour les bénéficiaires. (…) En moyenne, les entreprises bénéficiaires perçoivent l’aide entre 26 et 30 mois après la réalisation de la dépense. »

Source : rapport au Parlement relatif aux crédits budgétaires relatifs de l’aide au fret au sein de la mission Outre-mer et proposant des solutions afin de faciliter l’accès à cette aide, prévu par l’article 193 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([11]) « Les plus petites entreprises, avec moins de 10 salariés, ont des difficultés à accéder à l’aide au fret faute de disposer de moyens en ingénierie leur permettant de préparer et de suivre un dossier d’aide au fret. Le recours à des cabinets extérieurs, spécialisés dans le montage des dossiers de subventions leur est quasiment impossible en raison de la faiblesse des montants dont ils bénéficieraient. » Source : rapport au Parlement relatif aux crédits budgétaires relatifs de l’aide au fret au sein de la mission Outre-mer et proposant des solutions afin de faciliter l’accès à cette aide, prévu par l’article 193 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([12]) Dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, la politique du logement relève de chaque territoire, et n’est rattachée ni à l’action 1 Logement ni au programme Conditions de vie outre-mer. Pour autant, étant donné que l’État intervient par d’autres canaux (dépenses fiscales en faveur du logement social, dispositif des contrats de développement, comme en Polynésie française, sur la base d’une demande du Pays…).

([13]) Ne relève pas de l’action 1 Logement du programme Condition de vie outre-mer.

([14]) Source : documents budgétaires annexés aux PLF 2023 et PLF 2024, mission Outre-mer et questionnaires budgétaires.

([15]) Rapport d’information de la délégation aux outre-mer sur l’habitat en outre-mer, février 2022.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/om/l15b5033_rapport-information.pdf

([16]) Mode de construction d’après l’annexe Outre-mer au projet de loi de finances pour 2024 : « l’indicateur est calculé pour les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion), hors Mayotte pour le moment en raison de son adhésion trop récente au SNE. Il mesure la rapidité de satisfaction de la demande. Il est fondé sur la moyenne pondérée des quatre territoires entre le nombre de ménages logés et l’ancienneté de la demande »

([17]) Mode de construction d’après l’annexe Outre-mer au projet de loi de finances pour 2024 : « l’indicateur est calculé pour les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion) hors Mayotte. Il mesure le ratio de satisfaction de la demande. Le sous-indicateur se calcule de la manière suivante : N1/N2

N1 = nombre de demandeurs de logement social à la fin de l’année n (hors demandes de mutations internes et dont la demande est active, non radiée). N2 = Nombre de relogements de demandeurs au cours de l’année n (hors mutations internes et dont la demande est active, non radiée). »

([18]) Source : Annexe Outre-mer, projet de loi de finances pour 2024,

([19]) UESH, réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([20]) L’action 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelles du programme Emploi outre-mer finance quant à elle certaines actions en faveur de la mobilité professionnelle des demandeurs d’emploi.

([21]) Arrivés à terme au 31 décembre 2022, il avait été prévu de les reconduire pour une durée d’un an., à la seule exception de la Polynésie française où l’actuel contrat couvre la période 2021-2023.

([22]) Source : annexe budgétaire Outre-mer, PLF 2024.

([23]) Source : idem.

([24]) Source : annexe budgétaire Outre-mer, PLF 2024.

([25]) Lien vers le rapport de la commission d’enquête : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ceeau/l15b4376_rapport-enquete .

([26]) Source : annexe budgétaire Outre-mer, PLF 2024.

([27]) Contribuent également les programmes 113, 123, 174, 181 et 204.

([28]) Rapport d’information n°1323 de M. Christian Baptiste et de Mme Karine Lebon sur l’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarines.

([29])  La taxe n’est provisoirement pas applicable en Guyane et à Mayotte, comme prévu par les dispositions de l’article 294 du code général des impôts (CGI).

([30]) Inspection générale des finances, Évaluation du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en outre-mer, juillet 2023.